LES LEGISLATRICES
COMÉDIE, EN UN ACTE ET EN VERS LIBRES ;
MÉLÉE D’ARIETTES.

M. DCC. LXV. AVEC APPROBATION

PAR M. MOLINE.

APPROBATION. §

J’ai lu par ordre de M. le Lieutenant-Général de Police, Les Législatrices, Comédie; et je crois qu’on en peut permettre l’impression. À Paris ce 11. Mars 1765. MARIN

Vu l’Approbation, permis d’imprimer. Ce 13. Mars 1765. DE SARTINE.

À PARIS, Chez CLAUDE HERISSANT, Imprimeur-Libraire, rue Neuve Notre-Dame, à la Croix d’or.

AVERTISSEMENT. §

Ce poème dramatique avait été confié à un musicien qui s’était engagé d’en composer la Musique, et de le faire représenter sur le Théâtre de la Comédie Italienne. L’Auteur qui fait de la Poésie un amusement qu’il consacre à ses loisirs, qui ne fut jamais conduit par aucune vue d’intérêt, et qui n’exigeait pour prix de son poème que le seul plaisir de le voir représenter : ayant appris qu’il va bientôt paraître une nouvelle Pièce qui porte le même titre que la sienne, et dont le sujet littéralement suivi est la copie du sien, à la différence près que le Dialogue est en Prose a jugé à propos de mettre au jour ce poème, qui, quoique original, est peut-être fort au-dessous de la copie.

PERSONNAGES. §

  • THÉMIRE, jeune Veuve de qualité.
  • MONSIEUR CLOPIN, Bourgeois.
  • MADAME CLOPIN.
  • UN MARQUIS, Amoureux de Thémire.
  • JULIE, Fille de Madame Clopin.
  • LINDOR, Amant de Julie.
  • UNE FEMME, députée du peuple.
  • UN DÉPUTÉ du peuple.
  • TROUPE DE FEMMES.
  • TROUPE D’HOMMES.
La Scène est dans une île déserte. L’Auteur suppose que ces Citoyens sont fixés dans cette île, dont les productions sont suffisantes pour fournir avec abondance aux besoins de la vie.

SCÈNE PREMIÈRE. Thémire, Madame CLOPIN. §

Le théâtre représente un endroit sauvage, où dans l’enfoncement d’un bois on découvre le rivage de la mer, et les voiles de plusieurs vaisseaux.
DUO DIALOGUÉ.

THÉMIRE.

Oh Madame, pour cette fois
Dans cette île déserte il faut faire des Lois.

MADAME CLOPIN.

Oui, nous en avons la puissance,
Nous sommes dans l’indépendance.

MADAME CLOPIN et THÉMIRE ensemble.

5 Si le peuple ose en murmurer,
Des hommes pour jamais il faut nous séparer.

MADAME CLOPIN.

Nous avons trop longtemps vécu dans la contrainte.

THÉMIRE.

Je sens que mon âme est atteinte
De l’espoir le plus glorieux :
10 Le sort favorise nos vœux.
Nous échappons de l’esclavage
De l’ennemi victorieux
Dans notre ville saccagée
Nos Gouverneurs sont arrêtés :
15 Enfin dans cette île ignorée
La tempête nous a jetés ;
Nous y ferons des lois...

MADAME CLOPIN.

Nous pouvons y prétendre.
Et puisque notre sexe a voulu nous choisir
Pour ses chefs, il faut le défendre :
20 C’est à nous à le soutenir.

THÉMIRE.

Les hommes vont bientôt apprendre
Que nous pouvons comme eux tout entreprendre.
Quel agréable souvenir !
ARIETTE.
Je vois déjà la Renommée
25 De nos hauts faits charmée
Voler dans les airs :
J’entends retentir sa trompette
Qui sans cesse répète
Nos lois dans l’univers.
30 Après cette victoire
Que la postérité
Nous place au Temple de Mémoire,
C’est la seule gloire
Qui mène à l’immortalité.

MADAME CLOPIN.

35 Si le courage nous seconde,
On parlera de nous jusqu’à la fin du monde.
Mais gardez votre cœur, et craignez du Marquis
Les airs complaisants et soumis.

THÉMIRE.

Je le fuirai, quoique je l’aime.

MADAME CLOPIN.

40 Madame, il faut s’armer d’une rigueur extrême,
Et que jamais l’amour ne puisse vous tenter.

THÉMIRE.

Et, Madame Clopin, tenez ferme vous-même,
Et ne songez qu’à m’imiter.
De l’amour du Marquis je ne saurais douter ;
45 Mais je puis m’en défaire
Plus aisément que vous
De Monsieur votre époux.

MADAME CLOPIN.

ARIETTE.
Qui, moi, voyez la belle affaire !
Je peux bien m’en passer.
50 Un mari n’intéresse guère :
Hélas j’en connais tant dont on ne sait que faire ;
Il en coûte si peu pour s’en débarrasser.

SCÈNE II. Madame Clopin, Thémire, Le Marquis, Monsieur Clopin. §

Monsieur CLopin marche lentement comme un homme qui médite quelque grand projet, sans apercevoir Thémire, ni sa femme.

LE MARQUIS.

Je rencontre en ces lieux Thémire !
Je ne vous croyais pas si près :
55 Il semble que l’amour exprès
Dans ces lieux ait su me conduire.
Le peuple rassemblé d’une commune voix
Pour ses chefs vient de nous élire :
Nous allons lui donner des lois ;
60 Et Monsieur Clopin pense à ce qu’il faut prescrire.

MADAME CLOPIN, riant.

Pour lui donner des lois ! Ah, ah, Monsieur Clopin,
Je ne vous croyais pas un esprit si sublime.

MONSIEUR CLOPIN.

L’intérêt du peuple m’anime,
Et je vais par mes lois adoucit son destin.
ARIETTE.
65 J’ai lu jadis le Code et le Digeste.
Sans qu’on me le conteste,
Je m’exprime aussi-bien
Que Cujas, que Tribonien :
J’ai l’esprit, la mémoire,
70 Le port et le maintien
De l’Empereur Justinien.
Je ne m’en fais point gloire :
Mais comptez-vous cela pour rien ?
Le peuple, par-tout où je passe,
75 Vient en foule se présenter ;
Et l’on ne se lasse
De me consulter.

THÉMIRE.

Non, vos prétentions sont nulles ;
Le peuple nous choisit pour être son appui :
80 Ainsi de vos lois ridicules
Nous vous dispensons aujourd’hui.

LE MARQUIS.

Ah, voilà du nouveau.

THÉMIRE.

Mais la chose est certaine.

MONSIEUR CLOPIN.

Vous vous flattez, je crois, d’une espérance vaine.

MADAME CLOPIN.

Ainsi que vous, Messieurs, nous en avons les droits,
85 Et nous voulons faire des lois.

MONSIEUR CLOPIN, au Marquis.

Elles parlent de lois comme de bagatelles.
Vous croyez donc avoir assez de jugement
Pour conduire un Gouvernement ?

MADAME CLOPIN.

Oui, nous en formons de nouvelles,
90 Et nous nous expliquons intelligiblement.

LE MARQUIS, à Thémire.

Madame, vous savez que ce n’est point l’usage.

THÉMIRE.

Nous jouissons ici d’un égal avantage :
Quoi qu’il en soit, je le veux, c’est assez ;
Si vous m’aimez, obéissez.

LE MARQUIS.

95 Mon cœur qui dans l’amour ne prévoyait que peines,
Avait su jusqu’ici se soustraire à ses chaînes.
Je vous vis : de mon trouble il sut bien profiter,
A vos regards vainqueurs je ne pus résister.
De Mars j’abandonnai les armes,
100 Je fus forcé de vous aimer.
Quand on ressent le pouvoir de vos charmes,
Pourrait-on ne pas s’enflammer ?
Cependant à vos vœux je ne saurais souscrire :
Exercez sur nous votre empire ;
105 Mais ne nous prescrivez que d’amoureuses lois ;
Nous les suivrons : ce sont vos droits.

THÉMIRE.

Je vous entends. Vous croyez que les femmes
N’ont pas autant d’esprit que vous ?

LE MARQUIS.

Puisque vous regnez sur nos ames,
110 Votre triomphe est assez doux.

MADAME CLOPIN.

Non, ce triomphe est pour nous peu de chose :
A nos desirs c’est en vain qu’on s’oppose.
Madame, allons nous assembler :
Il faut faire des lois qui les fassent trembler.
QUATUOR DIALOGUÉ.

MONSIEUR CLOPIN, après avoir longtemps réfléchi, d’un air empressé au Marquis.

115 Oui, notre gloire est parfaite.
Monsieur le Marquis, suivez-moi :
Je viens d’inventer une Loi.

LE MARQUIS.

Que mon âme est satisfaite !

MONSIEUR CLOPIN, au Marquis.

Eh vote, suivez-moi donc
120 Où le devoir nous appelle.

THÉMIRE et MADAME CLOPIN.

Il a perdu la cervelle.

MONSIEUR CLOPIN, au Marquis.

Oui, Démosthène et Platon,
Thalès, Licurgue et Solon,
N’en ont pas fait d’aussi belle.

LE MARQUIS.

125 Je suis ravi de cela.

THÉMIRE et MADAME CLOPIN.

Bientôt on vous apprendra
Qui de nous l’emportera.
Ils sortent.

SCÈNE III. Thémire, Madame Clopin, Julie. §

THÉMIRE.

C’En est trop, le Marquis m’outrage ;
Je dois mépriser son amour.

JULIE, à Madame Clopin.

130 Je viens me joindre au légitime hommage
Que tous les Citoyens vous rendent tour à tour.
Ma mère enfin voici le jour,
Où par un heureux mariage
Lindor va couronner ma tendresse et mes feux.

THÉMIRE, à Julie.

135 Non, non, n’y comptez plus : il faut briser vos nœuds.
C’est à présent le parti le plus sage.

JULIE.

Pourquoi ?

MADAME CLOPIN, brusquement.

Je vous défends de penser à Lindor :
Obéissez, Julie, ou craignez ma colère.

JULIE.

Hélas ! Par quel malheureux sort
140 Lindor aurait pu vous déplaire ?
Je voudrais obéir à votre ordre sévere ;
Mais mon cœur en secret n’y sera point d’accord.
ARIETTE.
Un feu me trouble et m’agite
Aussi-tôt que je le vois :
145 Je sens mon cœur qui palpite,
Et je l’aime malgré moi.
Quand près de lui je soupire,
Je ne connais point l’ennui.
Est-ce un crime d’oser dire
150 Ce que je ressens pour lui.

SCÈNE IV. Thémire, Madame Clopin, Julie, Lindore. §

LINDOR.

En fuyant de notre patrie
Pour éviter l’affreuse tyrannie,
Nous avons débarqué dans cette île à bon port.
Nos jours sont conservés ; je ne plains plus mon sort,
155 Puisque j’épouse enfin mon aimable Julie.
Le plaisir d’être aimé sans doute a des appas :
Qui le cherche le plus souvent, n’en jouit pas.
Mais le bonheur nous suit sans cesse,
Lorsque dans les transports d’un légitime amour
160 Pour prix de sa vive tendresse,
On l’obtient à son tour.
Nos Citoyens sur ce rivage
Vont mêler aujourd’hui leur danse à nos plaisirs.

MADAME CLOPIN.

Je ne puis remplir vos désirs :
165 De ce que j’ai promis, Lindor, je me dégage ;
En un mot, de Julie il faut vous séparer.

LINDOR.

Dieux ! que m’apprenez-vous ? daignez me rassurer.
ARIETTE.
Quel obstacle nous sépare !
A l’hymen qu’on nous prépare,
170 Vous vous opposez en vain :
J’aime mieux perdre la vie
Que d’abandonner Julie.
Si mon malheur est certain
Dans ce jour que l’Amour même
175 A fixé pour mon bonheur,
Éloigné de ce que j’aime
J’expirerai de douleur.

JULIE.

Vous nous avez donné, maman, votre parole :
Pourriez-vous ne pas nous unir !

THÉMIRE.

Bas à Madame Clopin.
180 Ne vous laissez pas attendrir.

MADAME CLOPIN.

Bas à Thémire.
Ne craignez rien.
Haut.
Lindor votre attente est frivole :
Il n’est plus temps de compter sur sa foi.
Lorsqu’à nos Citoyens qui vont ici se rendre,
185 Nous aurons prescrit notre Loi,
Alors vous pourrez y prétendre.

LINDOR, vivement.

Donnez-leur votre Loi, tout vous sera permis :
Nos Citoyens vous sont soumis.
N’avez-vous pas assez de l’éclat de vos charmes,
190 De vos attraits vainqueurs ?
Vous faut-il d’autres armes
Pour soumettre nos cœurs ?

THÉMIRE.

Non, ce n’est point assez pour notre gloire,
Nous secouons le joug de nos Législateurs :
195 Nous voulons remporter une double victoire.
Nos sages lois adoucissant nos fers
Doivent embellir l’univers ;
Et détruisant l’ambition fatale
De notre liberté rivale,
200 Dont les mortels ressentent mille maux,
Dans l’une et dans l’autre hémisphère
Devenus nos égaux,
Nous ferons régner sur la terre
Un éternel repos.
205 Notre fierté méprise un encens ordinaire :
Pour soutenir nos légitimes droits,
Il nous est nécessaire
D’établir de nouvelles lois.
Nos âmes toujours asservies
210 A la faiblesse de l’amour,
Se trouvent souvent avilies
Par un honteux retour.
Celle qu’un noble orgueil rend à ceDieu contraire,
Préfère sa grandeur au vain désir de plaire,
215 Et de son cœur prévient l’échec.
L’indifférence enchaîne un amant téméraire,
Et force son âme au respect.

LINDOR.

Votre Loi n’est pas juste, et l’amour véritable
Inspire ce respect durable.
220 Un Amant conduit par l’honneur
Qu’un tendre sentiment anime,
Selon vous commet donc un crime
De faire hommage de son cœur ?
Hélas ! Peut-on être insensible
225 Quand on a vu Julie ? Une chaîne invisible
Me force de céder : la douceur de ces fers
Me les fait respecter, et me les rend plus chers.

MADAME CLOPIN.

À part.
Il m’attendrit ; mais reprenons courage.
Haut.
Lindor, ç’en est assez : je romps ce mariage.
230 De l’amour qui soumet nos cœurs,
Nous faisons une Loi de mépriser l’empire.
À tous les Citoyens nous allons la prescrire :
Nous pourrons dans la suite adoucir ses rigueurs,
Quand les hommes moins fiers méritant nos tendresses,
235 De guider leur raison nous laisseront maîtresses.

JULIE.

Quelle Loi ferez-vous pour remplacer l’amour ?

MADAME CLOPIN, brusquement.

Point du tout.

LINDOR, à Julie.

Il faut donc te perdre sans retour.
ARIETTE.
Ah Julie ! ton absence
Offre à mon cœur d’affreux instants.
240 Si de ta chère présence
Ta mère me prive longtemps,
A l’ombre d’un épais feuillage
Ton amant, loin de tes attraits,
Pour compagne aura ton image
245 Qui ne le quittera jamais.
Il sort.

SCÈNE V. Thémire, Madame Clopin, Julie. §

JULIE.

Quand Lindor vous ouvre son âme,
Et lorsqu’à vos yeux sans détour
Il fait l’aveu de la plus rendre flamme,
Vous le payez d’un tel retour ;
250 Oui votre Loi me désespère.
Avec peine mon cœur digère
L’affront d’un pareil traitement.
En quoi le trouvez-vous coupable ?
Son ardeur autrefois vous était agréable.
255 Pourquoi m’empêchez vous d’épouser mon Amant ?
L’art de feindre me semble un vice
Que l’on ne saurait trop blâmer :
Je parle ici sans artifice,
Je ne puis vivre sans l’aimer ;
260 Et mon cœur innocent, qui ne peut point connaître
Les lois que vous voulez former,
À celles de l’amour aime mieux se soumettre.

MADAME CLOPIN.

Quoi ! se soumettre ?

JULIE.

Avec Lindor ;
Nous serons sans cesse d’accord.

THÉMIRE.

265 Nous nous affranchissons de ce dur esclavage.
Julie, au printemps de votre âge
Il faut penser plus noblement.
Jouissez mieux de l’avantage
Que vous avez reçu de soumettre un Amant.

SCÈNE VI. Thémire, Madame Clopin, Julie, Une Femme députée du peuple, Troupe de Femmes. §

LA DÉPUTÉE présentant des bouquets à Thémire et à Madame Clopin.

270 Nos femmes, pour vous reconnaître,
Et pour obéir à vos lois,
Vous offrent ces bouquets d’une commune voix.

THÉMIRE, mettant le bouquet.

Il nous eut suffi de paraître
Avec le simple éclat que donne la vertu.

MADAME CLOPIN, mettant le bouquet.

275 Ce faste n’est point superflu,
C’est une nouvelle parure.

LA DEPUTÉE, à Thémire.

De ce que produit la nature,
Rien ne flatte plus que les fleurs ;
Mais vous en effacez les plus vives couleurs.
280 Leur éclat n’a qu’un temps, il ternit, il se passe :
Jamais le vôtre ne s’efface ;
Il conserve toujours cet empire charmant,
Ce feu qui brÛle un cœur de glace,
Cet attrait qui fixe un Amant :
285 Celui des fleurs ne dure qu’un moment.
Les Dieux vous l’ont donné pour vaincre et pour soumettre
Des mortels qui sont nés pour l’être.
Votre gloire et l’honneur doivent vous exciter
À remplir vos projets.

THÉMIRE.

Oui, je vais m’acquitter
290 De mes promesses : je vous jure
Que du sexe opprimé nous soutiendrons les droits.
A tous les Citoyens, malgré qu’on en murmure,
Nous allons publier nos lois.

LA DEPUTÉE.

Pourquoi les hommes seuls en ont-ils la puissance ?
295 N’avons-nous pas comme eux la même intelligence
ARIETTE.
On nous dit au sein du berceau :
Ma fille, apprenez le ménage,
Obéissez et soyez sage ;
Après on nous donne un fuseau.
300 Voyez donc le plaisant ouvrage
Auquel nous employons le temps.
La raison est notre partage,
On nous refuse le bon sens.

MADAME CLOPIN.

Les hommes prennent soin d’élever notre enfance
305 Dans la plus stupide ignorance ;
Malgré cela, nos esprits pénétrants
Sont redoutés de nos tyrans.

JULIE.

Quoique nous n’ayons pas autant d’expérience,
Nous passons du moins auprès d’eux
310 Les moments les plus doux, les jours les plus heureux.
Que sert d’envier leur puissance ?
Pour régner sur leurs cœurs, les équitables Dieux
Nous ont fait les objets de leurs plus tendres vœux.
ROMANCE.
Quand l’Amour nous prête des armes,
315 L’esprit, les grâces, la beauté
Versent sans cesse sur nos charmes
Les attraits de la volupté.
Au tendre Amant qui nous adore,
Nous inspirons mille désirs :
320 Dans son cœur nous faisons éclore
Le germe de tous ses plaisirs.
Celui que la tendresse enchaîne,
Ne connaît point l’art de trahir :
Il cède au penchant qui l’entraîne,
325 Et sans les lois sait obéir.

THÉMIRE.

Si nous livrons nos cœurs à la tendresse,
Ne blâmons que notre faiblesse.
Les hommes savent nous tromper
Par d’agréables soins : avoir l’art de leur plaire,
330 Savoir leur inspirer une flamme légère
Qu’un seul instant voit dissiper,
Selon leurs goÛts les satisfaire,
Voilà le seul objet qui peut nous occuper.
Bien loin de mépriser leurs flammes indiscrètes,
335 Nous nous laissons séduire au discours d’un amant,
Et du frivole honneur d’être toujours coquettes
Nous nous entêtons follement :
Il faut en convenir, car toutes nous le sommes.
Mais revenons de notre égarement,
Faisons des lois comme les hommes,
340 Et ne retombons plus dans l’avilissement.

SCENE VII. Thémire, Madame Clopin, Julie, Le Députée, Un Député du peuple, Femmes. §

LE DEPUTÉ.

Je viens peut-être en cet asile
Troubler votre tranquillité :
Des Citoyens de cette île
Je suis l’illustre Député.
345 Quoi que mon cœur soit épris de la gloire,
Je rends toujours hommage à vos divins appas ;
Et sans m’enorgueillir d’une injuste victoire,
Mon devoir porte ici mes pas.
Mais comment résister au pouvoir de vos charmes ?
350 Qui pourrait contre vous oser prendre les armes ?
De l’Amour méprisant la voix,
Comment peut-on oser vous imposer des lois ?

THÉMIRE.

Les Citoyens sans doute ont daigné nous élire
Pour leur donner des lois ? À la fin je respire.

MADAME CLOPIN.

355 Eh bien poursuivez donc.

LE DEPUTÉ.

Quelle vivacité !

MADAME CLOPIN.

Mon cœur s’était toujours flatté
Que nous devions avoir sur eux la préférence.

LE DEPUTÉ, tirant un grand papier.

Voici le contenu de certaine Ordonnance...

THÉMIRE.

Comment, que veut dire cela ?
360 Aurait-on fait pour nous cette Ordonnance-là ?

LE DÉPUTÉ, après avoir mis ses lunettes, lit cette Ordonnance.

ARIETTE.
L’an mille ... et cetera.
Passons cet article-là ...
Très hauts et très puissants Seigneurs
De cette île Gouverneurs,
365 Faisons défenses à nos Dames,
Veuves ou filles ou femmes,
De prescrire aucunes lois ;
Et pour soutenir nos droits,
Et la Loi que sur la terre
370 Le sexe avec soin révère,
Leur enjoignons,
Et ordonnons
L’obéissance ;
Et que la présente Ordonnance
375 Soit mise en exécution,
Nonobstant opposition
Et quelconque appellation.

MADAME CLOPIN.

L’obéissance ? Quel outrage !

THÉMIRE.

Madame, quel affront !
Au Député.
Si j’en croyais ma rage,
380 Je t’apprendrais....

LE DEPUTÉ.

Pourquoi vous emporter ?
De ce qu’on m’a prescrit, je viens pour m’acquitter.

LA DEPUTÉE.

Voyez l’insolent personnage !

MADAME CLOPIN, lui déchirant l’Ordonnance.

Tiens à présent tu peux leur rapporter
Cette impertinente Ordonnance.

THÉMIRE retenant le Député qui veut s’enfuir.

385 Non, ce n’est point assez pour remplir ma vengeance,
Tu n’échapperas pas.

LA DEPUTÉE, le prenant par le col.

Je vais le retenir.

THÉMIRE.

Oui, tu vas recevoir la juste récompense
Que mérite ton insolence.

LE DEPUTÉ.

Modérez ce courroux, et daignez vous fléchir :
390 Je sais que l’Ordonnance est injuste et profane.
Si nos Législateurs veulent vous asservir,
Pourquoi voulez-vous m’en punir ?
De cette Loi que je condamne,
Dont je voudrais vous affranchir,
395 Je ne suis ici que l’organe
QUINTO DIALOGUÉ.

THÉMIRE.

Oui, tu mérites la mort
Pour avoir eu cette audace.

LE DEPUTÉ.

Vous devez me faire grâce,
Madame, si je n’ai pas tort.

JULIE à part.

400 Hélas, quelle est ma disgrâce,
Si je perds mon cher Lindor !

MADAME CLOPIN et LA DEPUTÉE ensemble.

Il faut qu’il meure,
Et tout à l’heure
Nous allons terminer son sort.

LE DEPUTÉ.

405 Ah, ç’en est fait de ma vie.

JULIE.

Que mon ame est attendrie !

LE DEPUTÉ.

Faut-il ainsi finir mes jours ?
Monsieur Clopin, à mon secours.
Le Député se débarrasse de leurs mains : toutes les femmes le poursuivent dans le fond, du bois.

SCÈNE VIII. §

JULIE, seule.

Quel désordre affreux ! Ah Julie,
410 Que ce funeste jour va te coûter de pleurs !
Au milieu de ces bois, d’une agréable vie
Tu ne goÛteras plus le charme et les douceurs.
Au tendre Amant dont mon âme est ravie,
Ce jour allait m’unir .... Une cruelle Loi
415 Nous sépare, et l’oblige à s’éloigner de moi.
D’un légitime amour victime infortunée,
Je m’abandonne à mon malheur.
Je laisse aux Immortels régler ma destinée,
Puisqu’à fuir ce que j’aime on veut forcer mon cœur.
420 A quel destin dois-je m’attendre ?..
Ma mère peut-elle prétendre
Que je n’aime plus ? Elle a tort :
Plus elle veut me le défendre,
Plus je sens que j’aime Lindor.
ARIETTE.
425 Une mère a beau nous contraindre,
Quand on est dans l’âge d’aimer ;
Si quelque amant sait nous charmer,
C’est en vain qu’elle croit éteindre
L’amour qui vient nous enflammer.
430 Lorsque je vois Lindor paraître,
Que ce moment est séducteur !
Je sens aussi-tôt dans mon cœur
Un plaisir que lui seul fait naître,
C’est le présage du bonheur.
435 Que vais-je devenir dans cette île sauvage ?...
J’entends des cris... Quel bruit ! Fuyons de ce rivage.
Elle sort.

SCÈNE IX. Le Marquis, Monsieur Clopin, Le Député, Lindor. §

LE DEPUTÉ.

ARIETTE.
Ah ! Je suis mutilé,
J’ai le corps accablé.
Toutes ces femmes en furie
440 Ont pensé m’arracher la vie :
Elles m’ont harcelé.
Si je n’eusse bien vite
Pris la fuite,
Elles m’auraient étranglé.

LE MARQUIS.

445 Peut-on nous faire une pareille offense ?

LINDOR.

Elles l’ont mis dans un piteux état.

LE DEPUTÉ.

Vingt femmes contre un homme user de violence !

MONSIEUR CLOPIN, après réflexion.

Oui, c’est une affaire d’État.

LINDOR, au Député.

Vous deviez avoir peur.

LE DEPUTÉ.

Le cœur encor me bat.
450 Je ne veux jamais plus vous servir d’émissaire ;
Il en coûte trop cher d’essuyer leur colère.

LE MARQUIS, au Député.

Nous allons vous venger. Eh bien, Monsieur Clopin,
Qu’avez-vous résolu ?

MONSIEUR CLOPIN.

Je crois qu’avec justice
Il conviendrait de mettre fin
455 Aux progrès furieux d’un étrange caprice.
Cela ne laisse point que de m’embarrasser :
J’ai tant d’affaires à penser.

LINDOR.

Pourquoi les obstiner ? il vaut mieux se soumettre.
N’avons-nous pas toujours nos mêmes droits ?

MONSIEUR CLOPIN.

460 Non, il ne faut jamais permettre
Que les femmes fassent les lois :
Ce serait renverser l’ordre de la nature.

LE MARQUIS.

Ce serait cependant la route la plus sure
Pour obtenir plutôt la paix.

MONSIEUR CLOPIN.

465 Messieurs, n’y consentons jamais.
ARIETTE.
A mon âge on n’est point timide.
Quand le flambeau de la raison nous guide,
Dans le danger
On ne craint point de se plonger.
470 J’ai plus que vous d’expérience ;
Et par ma science
Si vous voulez me seconder,
Vous les verrez bientôt céder.
Je ris de leur vaine colère ;
475 Je ne suis pas un sot ;
Je veux les faire taire,
En leur disant un mot.

LE MARQUIS.

Plus on brave le sexe, et plus il est à craindre :
Celui qui tombe sous ses coups,
480 Des mortels est le plus à plaindre.
Vous ignorez encor jusqu’où va son courroux.
Du trône de l’orgueil et de la jalousie
Lançant les traits d’une aveugle furie,
Ce sexe impérieux, lorsqu’il peut se venger,
485 Ne sait rien négliger.
Son cœur suit aisément les lois de l’inconstance ;
Et pour la plus légère offense
On perd à jamais ses faveurs.
Quand pour se venger d’un outrage,
490 Sa colère inflexible a tout mis en usage,
Les charmes séduisants de ses feintes douceurs
Sont un serpent caché sous d’agréables fleurs.

LE DEPUTÉ, d’un [air] effrayé.

Ah ! Messieurs, les voici. Je tremble...
Toutes les femmes sont ensemble.

MONSIEUR CLOPIN, tremblant.

495 Si nous allions apPeler du secours.
Ces femmes-là sont obstinées.

SCÈNE X. Le Marquis, Monsieur Clopin, Lindor, Le Député, Thémire, Madame Clopin, Julie, Le Députée, Troupe de Femmes, une Femme portant un tambour. §

MADAME CLOPIN.

EH bien, Messieurs, vos lois sont-elles terminées ?

THÉMIRE.

A nous donner des lois persistez-vous toujours ?

MADAME CLOPIN.

Nous allons nous faire connaître.

LINDOR, à Madame Clopin.

500 Madame, imposez-nous les lois qu’il vous plaira.

MADAME CLOPIN.

Monsieur Clopin ne veut donc pas permettre
Que nous fassions les lois ?

MONSIEUR CLOPIN, avec embarras.

Je n’en suis plus le maître.

MADAME CLOPIN.

Allons, battez tambour.

LE MARQUIS.

Que veut dire cela ?

THÉMIRE, au Marquis fièrement.

Lisez, Monsieur : ceci vous l’apprendra.

LE MARQUIS, lit.

505 « Arrêt qui nous sépare
Des hommes pour jamais. »

LINDOR, à part.

Cet arrêt est bizarre,
Et j’en crains les effets,

LE MARQUIS, poursuivant.

« Mais s’ils veulent faire la paix,
510 Il faut qu’ils nous promettent
De n’avoir plus d’autorité,
De nous donner la liberté,
Et qu’à nos lois ils se soumettent ».

THÉMIRE.

Tels sont nos sentiments, c’est à vous à choisir :
515 Avec nous à ce prix vous pouvez vous unir.

LE MARQUIS.

Cet arrêt n’est point légitime,
Et partout il sera proscrit.

THÉMIRE.

On l’exécutera. Peut-on nous faire un crime
De faire briller notre esprit ?
520 L’Univers ne doit plus en être la victime ;
Nos sages lois vont l’éclairer.

MADAME COPIN, à Thémire.

Madame, c’est trop endurer
De mépris et de résistance.
On dédaigne nos lois, il faut nous séparer.

LINDOR, bas au Marquis et à Monsieur Clopin.

525 Que risquons-nous de nous soumettre ?
C’est le moyen de les fléchir.

LE MARQUIS, bas à Lindor et à Monsieur Clopin.

Eh bien, feignons de le paroître.

MONSIEUR CLOPIN, bas au Marquis.

Allons, j’y veux bien consentir.

LE MARQUIS.

ARIETTE.
Vous l’emportez, belle Thémire ;
530 Régnez sur roue ce qui respire :
Nous nous soumettons sans retour.
Votre esprit et votre naissance
Ont vaincu notre résistance :
De nos cœurs et de mon amour
535 Vos lois triomphent tour à tour.

MONSIEUR CLOPIN, à sa femme.

Faites des lois, Madame, et soyez la maîtresse,
Je dois vous obéir : usez de tous vos droits.

LINDOR, à Julie.

Oui, mon cœur à Julie obéira sans cesse,
Je serai trop heureux de recevoir ses lois.

LE MARQUIS, à Thémire.

540 Au feu qui dans vos yeux semble peindre votre âme,
L’Amour a tant de fois allumé son flambeau,
Qu’il vous doit en ce jour un tribut de ma flamme,
En donnant à vos lois un triomphe nouveau.

THÉMIRE.

Vous devenez donc plus traitables.

MONSIEUR CLOPIN.

545 Oui, nous sommes tous vos sujets.

MADAME CLOPIN.

Pour vous rendre plus raisonnables.

LE DEPUTÉ.

Vous pouvez commander, vous en êtes capables ;
J’en suis que trop certain, je l’ai bien éprouvé.

MADAME CLOPIN.

A présent par nos lois l’amour est approuvé.
550 Lindor peut s’unir à Julie :
Mais avant que l’hymen avec elle le lie,
Qu’on s’empresse de toutes parts
De rassembler ici nos Citoyens épars.

LINDOR.

Je vais parcourir ce rivage.
555 Au Député. Vous, suivez-moi.
Bas au Marquis et à Monsieur Clopin.
J’imagine un projet
Qui va bientôt rabaisser leur courage.
Il sort.

SCÈNE XI. Le Marquis, Monsieur Clopin, Thémire, Madame Clopin, Julie, Troupe de Femmes. §

LE MARQUIS, à Thémire.

VOus régnez dans cette île, je n’ai d’autre objet
Que de m’unir à ce que j’aime.
Ne suis-je pas trop indiscret
560 D’oser prétendre à ce bonheur suprême ?
Ne blâmez plus l’amour dont je brÛle en secret :
À vos lois mon âme docile
Ne doit plus étouffer ses amoureux soupirs.
Que les ris, les jeux, les plaisirs
565 Habitent ce champêtre asile !
Des Citoyens soumis adoucissant le sort,
Faites renaître ici le temps de l’âge d’or.

THÉMIRE.

Ai-je jamais pu me défendre
De vous témoigner mon amour ?...
On entend un grand bruit.
570 Ô ciel ! Quel bruit se fait entendre !

SCÈNE XII. Thémire, Madame Clopin, Julie, Monsieur Clopin, Troupe de Femmes, Lindor, Le Député, Troupe d’hommes armés. §

LINDOR.

Ah, mes amis, fuyons sans plus attendre ?
Nous sommes perdus sans retour.
Bas au Marquis et à Monsieur Clopin.
Faisons-leur peur.

LE MARQUIS.

Qui cause vos alarmes ?

LINDOR.

Hâtez-vous de prendre les armes,
575 Et suivez-moi sans balancer.

THÉMIRE.

Qui peut vous effrayer ?

LINDOR.

Des troupes de Sauvages
Ont inondé cette île, et font mille ravages.

THÉMIRE.

Dieux ! Des Sauvages...

MADAME CLOPIN.

Ciel !

MONSIEUR CLOPIN, tirant son épée.

Il faut les terrasser.

LE MARQUIS, tirant son épée.

Suivez-moi, Citoyens ; je brave leur menace...
Il fait plusieurs pas, et s’arrête.
580 Mais quelle est mon audace !
Il présente son épée à Thémire.
Mes Dames, vous régnez, allez les repousser.

THÉMIRE.

Quel effroi me saisit !

JULIE.

Je meurs.

MADAME CLOPIN.

Mon sang se glace.

MONSIEUR CLOPIN, à sa femme lui présentant son épée.

Madame, partez, je vous suis.

LE DEPUTÉ.

Venez vous mettre, à notre tête,
585 Les Citoyens à vos lois sont soumis.

LE MARQUIS.

Eh, mes Dames, qui vous arrête ?

LINDOR.

Allons, montrez-nous votre cœur ?

MADAME CLOPIN, à Thémire.

Thémire, commandez.

THÉMIRE.

Ma foi non, j’ai trop peur.
Commandez pour nous deux.

MADAME CLOPIN.

Non, j’ai trop de frayeur.

LE MARQUIS.

590 Eh bien, Madame, où font es grands courages ?

MONSIEUR CLOPIN, présentant l’Arret à sa femme.

Si vous vouliez porter cet arrêt aux Sauvages,
Je suis assuré qu’ils fuiraient
Au même instant qu’ils le verraient.
Vous allez remporter les plus grands avantages.

MADAME CLOPIN, d’un air caressant.

595 Ne plaisantez plus, cher époux :
Pour l’amitié que j’eus toujours pour vous,
À ma place allez les combattre.

MONSIEUR CLOPIN.

Non, non, Madame, il faut vous battre,
Puisque vous avez fait des lois.

MADAME CLOPIN.

600 Je n’en ferai jamais.

THÉMIRE.

Nous vous cédons nos droits.

JULIE.

Je vous avais bien dit, ma mère,
Qu’il nous convenait mieux de soumettre nos cœurs,
Que de vouloir faire la guerre.

MADAME CLOPIN.

Nous revenons de nos erreurs.
SEXTO.

THÉMIRE, au Marquis.

605 Soyez sensible à ma tendresse,
J’ose implorer votre secours.

MADAME CLOPIN, à son mari.

Je vous obéirai sans cesse,
C’est à vous seul que j’ai recours.

JULIE.

Cher Lindor, sauvez-moi la vie.

LINDOR.

610 Rassurez-vous, chère Julie :
Lindor conservera vos jours.

LE MARQUIS et MONSIEUR CLOPIN, à part.

Ensemble.
Qu’elles sont séduisantes,
Complaisantes !
Je me sens attendrir ;
615 Je n’y peux plus tenir.

LE MARQUIS, à Thémire.

Ne vous effrayez plus, rassurez-vous, Thémire :
Ne suivons que l’ardeur que l’amour nous inspire.
Vos pleurs sont ici superflus :
Les Sauvages n’existent plus.
620 C’était un simple stratagème ;
Vous nous avez forcé malgré nous d’en user,
Pour vous apprendre à mépriser
L’orgueil d’un ridicule extrême.
Sur les cœurs des faibles mortels,
625 Qui brûlent tous les jours l’encens sur vos autels,
Que vos yeux remplissent de fiâmes,
Vos puissants attraits ont des droits.
Régnez sans cesse sur nos âmes,
Mais ne faites jamais de lois.