1793
[par Etienne SAINT-AIGNAN]
PORTRAIT DE LOUIS XVI. §
TESTAMENT DE LOUIS XVI. AU NOM DE LA TRÈS SAINTE TRINITÈ, DU PÈRE, DU FILS ET DU SAINT-ESPRIT. §
Aujourd’hui vingt-cinquième jour de décembre mil sept cent quatre-vingt-douze, moi LOUIS XVIème du nom, ROI DE FRANCE, étant depuis près de quatre mois enfermé avec ma famille dans la tour du Temple, à Paris ; par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même depuis le onze du courant avec ma famille ; de plus, impliqué dans un procès dont il est impossible de prévoir l’issue, à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyens dans aucunes lois existantes ; n’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m’adresser ; je déclare ici en sa présence mes dernières volontés et mes sentiments. Je laisse mon âme à Dieu mon créateur, je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d’après ses mérites ; mais par ceux de notre Seigneur Jésus Christ, qui s’est offert en sacrifice à Dieu son père, pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, moi le premier. Je meurs dans l’union de notre Sainte-Mère l’Eglise catholique, apostolique et romaine, qui tient ses pouvoirs, par une succession non interrompue, de saint Pierre, auquel Jésus-Christ les avait confiés : Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le symbole et les commandements de Dieu et de l’Église, les sacrements et les mystères, tels que l’Église catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n’ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d’expliquer les dogmes qui déchire l’Église de Jésus Christ ; mais je m’en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m’accorde la vie, aux décisions que les supérieurs ecclésiastiques, unis à la sainte Église catholique, donnent et donneront, conformément à la discipline de l’Église, suivie depuis Jésus-Christ. Je plains de tout mon coeur nos frères qui peuvent être dans l’erreur ; mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en Jésus-Christ, suivant ce que la charité chrétienne nous enseigne. Je prie Dieu de me pardonner de tous mes péchés, j’ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester et à m’humilier en sa présence : ne pouvant me servir du ministère d’un prêtre catholique, je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, surtout le repentir profond que j’ai d’avoir mis mon nom (quoique cela fût contre ma volonté), à des actes qui peuvent être contraires à la discipline de l’Église catholique, à laquelle je suis toujours resté sincèrement uni de coeur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s’il m’accorde la vie, de me servir, aussitôt que je le pourrai, du ministère d’un prêtre catholique, pour m’accuser de tous mes péchés et recevoir le sacrement de pénitence.
Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensé par inadvertance (car je ne me rappelle pas d’avoir fait sciemment aucune offense à personne), ou ceux à qui j’aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu’ils croient que je peux leur avoir fait. Je prie tous ceux qui ont de la charité d’unir leurs prières aux miennes, pour en obtenir le pardon de mes péchés. Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en air donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même qu’à ceux qui, par un faux zèle, ou par un zèle malentendu, m’ont fait beaucoup de mal.
Je recommande à Dieu ma femme, mes enfants, ma soeur, mes tantes, mes frères, et tous ceux qui me sont attachés par les liens du sang, on par quelque autre manière que ce puisse être; je prie Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, mes enfants et ma soeur, qui souffrent depuis longtemps avec moi; de les soutenir par sa grâce, s’ils viennent à me perdre, et tant qu’ils resteront dans ce monde périssable. Je recommande mes enfants à ma femme; je n’ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux: je lui recommande surtout d’en faire de bons chrétiens et d’honnêtes gens, de ne leur faire regarder les grandeurs de ce monde-ci (s’ils sont condamnés à les éprouver), que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l’éternité. Je prie ma soeur de vouloir bien continuer sa tendresse à mes enfants, et de leur tenir lieu de mère, s’ils avaient le malheur de perdre celle qu’ils ont.
Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut être sûr que je ne garde rien contre elle, si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher.
Je recommande bien vivement à mes enfants, après ce qu’ils doivent à Dieu, qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obéissants à leur mère, et reconnaissants de tous les soins et les peines qu’elle se donne pour eux ; et en mémoire de moi, je les prie de regarder ma soeur comme une seconde mère. Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu’il se doit entièrement au bonheur de son peuple ; qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’éprouve ; qu’il ne peut faire le bonheur de ses sujets qu’en régnant suivant les lois ; mais en même temps qu’un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son coeur, qu’autant qu’il a l’autorité nécessaire, et qu’autrement, étant né dans ses opérations, et n’inspirant point de respect, il est plus nuisible qu’utile.
Je recommande à mon fils d’avoir soin de toutes les personnes qui m’étaient attachées, autant que les circonstances où il se trouvera lui en donneront les facultés, de songer que c’est une dette sacrée que j’ai contractée avec les enfants ou les parents de ceux qui out péri pour moi, et ensuite malheureux pour moi : je sais qu’il y a plusieurs personnes, de celles qui m’étaient attachées, qui ne se sont pas conduites comme elles devaient et qui m’ont même montré de l’ingratitude ; mais je le leur pardonne (souvent dans les moments de trouble et d’effervescence, on n’est pas le maître de soi). Et je prie mon fils, s’il en trouve l’occasion, de ne songer qu’à leurs malheurs.
Je voudrais pouvoir témoigner ici ma reconnaissance à ceux qui m’ont montrés un véritable et désintéressé attachement ; d’un côté, si j’étais sensiblement touché de I’ingratitude et de la déloyauté de gens à qui je n’avais jamais témoigné que des bontés, à eux ou à leurs parents ou amis; de l’autre, j’ai eu de la consolation à voir l’attachement et l’intérêt gratuit que beaucoup de personnes m’ont montrés ; je les prie d’en recevoir tous mes remerciements dans la situation où sont encore les choses. Je craindrais de les compromettre, si je parlais explicitementb; mais je recommande spécialement à mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnaître. Je croirais calomnier cependant les sentiments de la Nation, si je ne recommandais ouvertement à mon fils.
MM. de CHAMILLY et HUE, que leur véritable attachement avait porté à s’enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes. Je lui recommande aussi Clery des soins duquel j’ai eu tout lien de me louer depuis qu’il est avec moi. Je pardonne encore très volontiers à ceux qui me gardaient à vue les mauvais traitements et les gênes dont sont cru devoir user envers moi. J’ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes; que celles-là jouissent dans leurs coeurs de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser.
Je prie MM. MALESHERBES, TRONCHET et DE SÈZE de recevoir ici tous mes remerciements et l’expression de ma sensibilité, pour tous les sommes et les peines qu’ils se sont donnés pour moi. Je finis en déclarant devant DIEU, et prêt à paraître devant lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi.
FAIT double à la tour du Temple, le 25 Décembre 1792. Signé LOUIS.
Et plus bas: BAUDRAIS, Officier municipal, et envoyé à la Commune de Paris,
Imprimé sur la copie du citoyen Baudrais, Officier municipal, de service au Temple le 21 Janvier 1793, qui l’avait transcrite du Testament écrit de la main de Louis XVI, avant d’apposer les scellés sur les papiers trouvés dans son cabinet ; papiers qui ont été remis à la Commune de Paris.
FAITS HISTORIQUES.
Le 21 Janvier 1793 vers les huit heures du matin, on vint avertir LOUIS que tout était prêt pour son supplice. Il traversa d’un pas ferme la première cour du Temple ; en tournant à diverses reprises les yeux vers l’endroit où était renfermée sa famille, on le vit faire un mouvement convulsif, comme pour rappeler sa fermeté, et il se mit dans la voiture avec son confesseur et deux officiers de gendarmerie. Toute la route était bordée, sans intervalle, de deux rangs de soldats, sur, quatre de hauteur. On remarquait l’épouvante sur tous les visages : on vit couler des larmes ; mais se fut la seule marque d’intérêt qu’il reçut dans une infortune aussi grande.
Arrivé près de l’échafaud, il acheva ses prières avec une grande tranquillité descendit de la voiture avec calme, quitta sa redingote, délia ses cheveux, ôta sa cravate, ouvrit sa chemise pour découvrir son cou et ses épaules, et se mit a genoux pour recevoir la dernière bénédiction de son confesseur. Aussitôt il se releva et monta sur l’échafaud. Ce fut dans cet instant, que son confesseur se jeta à ses genoux, et élevant les yeux vers lui, s’écria : Allez, fils de Saint-Louis, montez au cieux.
Louis demanda à parler au peuple ; les trois bourreaux chargés de l’exécuter, lui dirent qu’il fallait avant tout lui lier les mains, et lui couper les cheveux. - Lier mes mains, reprit-il un peu brusquement ! Et se remettant aussitôt, il leur dit :- Faites ce qu’il vous plaira, c’est le dernier sacrifice. Lorsque ses mains eurent été liées, et ses cheveux coupés, il dit : - J’espère qu’à présent on me permettra de parler. Il s’avança sur le côté gauche, et dit d’une voix haute et ferme : - Je meurs innocent des prétendus crimes dont on m’a chargé ; je pardonne à ceux qui sont la cause de mes infortunes ; j’espère même que l’effusion de mon sang contribuera au bonheur de la France. Et vous, Peuple infortuné !... Ici Santerre l’interrompit. Les tambours couvrirent toutes les voix, et l’exécution se fit.
PERSONNAGES §
- LOUIS XVI, roi de France.
- MARIE-ANTOINETTE, reine.
- ELISABETH, soeur du roi.
- Le DAUPHIN, âgé de sept ans.
- MADAME ROYALE, âgée de treize ans.
- LAMOIGNON DE MALESHERBES, défenseur officieux du roi .
- DESEZEdéfenseur officieux du roi
- TRONCHETdéfenseur officieux du roi.
- PHILIPPE D’ORLÉANS.
- GARRAN DE COULON.
- KERSAINT.
- MANUEL.
- CHARLES VILLETTE.
- BARRÈRE.
- ROBESPIERRE.
- MARAT.
- LEQUINIO.
- THURIOT.
- DANTONet plusieurs autres.
- Députés de la Convention nationale.
- SANTERRE, commandant de la Garde nationale.
- Le Confesseur du roi..
- Commissaires du conseil de la Commune..
ACTE I §
SCÈNE I. Lamoignon, Desèze, Tronchet. §
TRONCHET.
LAMOIGNON.
DESÈZE.
LAMOIGNON.
DESÈZE.
TRONCHET.
DESÈZE.
LAMOIGNON.
DESÈZE.
SCÈNE II. Les Précédents, Philippe d’Orléans, Barrère, Garran de Coulon, Kersaint, Charles Villette, Robespierre, Marat, Léquinion, Thuriot, Danton, et plusieurs autres députés. §
DESÈZE.
SCÈNE III. Les Précédents, exceptés Lamoignon, Desèze et Tronchet. §
GARRAN DE COULON.
BARRÈRE.
ROBESPIERRE.
D’ORLÉANS.
LÉQUINIO.
KERSAINT, avec la plus vive indignation.
SCÈNE IV. Les Précédents, excepté Kersaint. §
CHARLES VILLETTE.
BARRÈRE.
GARRAN DE COULON, à d’Orléans.
SCÈNE V. Philippe d’Orléans, Robespierre, Marat. §
D’ORLÉANS.
ROBESPIERRE.
D’ORLÉANS.
ROBESPIERRE.
MARAT.
D’ORLÉANS.
SCÈNE VI. Les Précédents, Manuel. §
D’ORLÉANS.
MANUEL.
D’ORLÉANS.
MANUEL.
D’ORLÉANS.
MANUEL.
D’ORLÉANS.
MANUEL.
D’ORLÉANS, à Robespierre et à Marat.
ROBESPIERRE.
ACTE II §
SCÈNE I. Deux Commissaires du Consiel de la Commune. §
PREMIER COMMISSAIRE.
DEUXIÈME COMMISSAIRE.
PREMIER COMMISSAIRE.
SCÈNE II. Les Précédents, Louis XVI, Le Dauphin, deux autres Commissaires sortant du cabinet. §
LOUIS, à son fils.
LE DAUPHIN.
LOUIS.
LE DAUPHIN.
LOUIS à part.
LE DAUPHIN.
LOUIS, vivement ému.
LE DAUPHIN.
LOUIS.
LE DAUPHIN vivement.
LOUIS, transporté de joie.
SCÈNE III. Les Précédents; Lamoignon. §
LOUIS, à son fils.
SCENE IV. Louis, Lamoignon. §
LAMOIGNON.
LOUIS.
LAMOIGNON.
LOUIS.
LAMOIGNON, se jetant à ses pieds.
LOUIS, le relevant.
SCÈNE V. Les Précédents ; Desèze et Tronchet. §
LOUIS.
DESÈZE.
LOUIS, vivement.
SCÈNE VI. Les Précédents ; Deux commissaires de la Commmune. §
PREMIER COMMISSAIRE.
LAMOIGNON, avec indignation.
LE MÈME COMMISSAIRE.
LAMOIGNON.
LOUIS, le pressant dans ses bras.
DESÈZE.
LOUIS.
ACTE III §
SCÈNE I. Louis, Deux Commissaires. §
LOUIS.
UN COMMISSAIRE.
LOUIS.
DEUXIÈME COMMISSAIRE.
LOUIS.
SCÈNE II. §
LOUIS seul.
SCÈNE III. Louis, Le Ministre de la Justice, Deux Commissaires de la Commune. §
LE MINISTRE.
LOUIS.
LE MINISTRE.
LOUIS, à part.
LE MINISTRE.
SCÈNE IV. Deux Commissaires de la Commune. §
PREMIER COMMISSAIRE.
DEUXIÈME COMMISSAIRE.
PREMIER COMMISSAIRE.
SCÈNE V. Louis, Marie-Antoinette, Élisabeth, Les Enfants du Roi. §
ANTOINETTE.
LOUIS, sortant du cabinet.
ANTOINETTE, l’embrassant.
ÉLISABETH.
LOUIS, les relèvent.
ANTOINETTE.
LOUIS.
ANTOINETTE.
LOUIS.
SCÈNE VI et DERNIÈRE. Les Précédents; Le Confesseur du Roi, Santerre, détachement de la garde nationale. §
ANTOINETTE.
LE CONFESSEUR.
LOUIS.
ANTOINETTE.
LOUIS.
ANTOINETTE.
LE DAUPHIN.
LA PRINCESSE.
LE DAUPHIN.
LE DAUPHIN.
SANTERRE.
ANTOINETTE.
LOUIS.
LA PRINCESSE.
LE DAUPHIN, à ses parents.
SANTERRE, à Louis.
ANTOINETTE, se précipitant sur la garde.
ÉLISABETH.
LOUIS, sortant précipitamment.
ANTOINETTE.
ÉLISABETH.
SANTERRE.