M. DCC. LVII. Avec Aprobation et Privilège du Roi.
PAR M. VADÉ.
APPROBATION. §
J’ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier, L’impromptu du coeur, opéra-comique, et je crois que l’on peur en permettre la représentation et l’impression.
À Paris, ce 15 Février 1757.
CREBILLON.
Le Privilège et l’enregistrement se trouvent à la fin du recueil des Opéra-Comiques.
PERSONNAGES §
- LÉONORE, Mlle. Mantel
- DAMON, M.Roziere.
- MONSIEUR SCRUPULE, Oncle de Leonore, M. de la Ruette.
- NICAISE, Cousin de Jérôme, M. Bouret.
- JÉRÔME, M. Paran.
- LOUISON, Mlle. Baptiste.
- NANETTE, Melle Superville.
- BABET, Mlle. Dazincourt.
- FANCHON, Mlle. [?]
- JAVOTTE, Mlle, le Clerc.
- UN MARCHAND DE CHANSON, M. de Lisle.
- UNE MARCHANDE DE CHANSON, Me. Paran.
- PREMIÈRE MARMOTTE, Mlle. Prudhomme.
- SECONDE MARMOTTE, Mlle Luzi.
SCÈNE PREMIÈRE. Léonore, Damon. §
DAMON.
LÉONORE.
DAMON.
LÉONORE.
DAMON.
LÉONORE.
DAMON.
LÉONORE.
DAMON.
Rien n’est plus vrai. Sans-doute qu’en Faveur du rétablissement d’une santé si précieuse, Monsieur Scrupule votre oncle ne suspendra plus notre union.
LÉONORE.
Je l’espère comme vous, mais le voici.
SCENE II. Monsieur Scrupule, Léonore, Damon. §
LÉONORE.
DAMON.
MONSIEUR SCRUPULE.
LÉONORE.
MONSIEUR SCRUPULE.
DAMON.
LÉONORE.
MONSIEUR SCRUPULE.
LÉONORE.
MONSIEUR SCRUPULE.
En un mot je veux le voir et je parspour Versailles à dessein de m’en convaincre ; c’est à mes yeux que je veux confier la tranquillité de mon coeur. Je ferai diligence.
SCÈNE III. Léonore, Damon. §
DAMON.
LÉONORE.
DAMON.
LÉONORE.
Et tandis que mon oncle donne des preuves de son zéle par sa tendre inquiétude, manifestons le nôtre par les transports de joie que le Public seconde avec tant d’allégresse.
SCÈNE IV. Nicaise, Jérôme. §
NICAISE.
Apparemment que sans doute que je suis capabe.
JÉRÔME.
Oui ; mais cependant pourtant il y queuqu’zun qui t’a soufflé ta maîtresse.
NICAISE.
Oh ! Mais, c’est que....
JÉRÔME.
Quoi ? C’est que ?....
NICAISE.
Oui, c’est que ... parce ... que ... Oh ! Va, ca n’fait rien...
JÉRÔME.
Tiens, t’es bête.
NICAISE.
Oh ! Oui, tu t’y connais encore, toi ! C’était bon autrefois... Il y a quelqu’temps, par exemple.
JÉRÔME.
V’là qu’est ben arrangé ! Mais s’agit pas de ça.
NICAISE.
JÉRÔME.
NICAISE.
JÉRÔME.
Tu raisonnes comme tu parles. Ah ça, je t’avertis qu’il y aura fièrement de monde.
NICAISE.
.Ah ! Ben, tant mieux ; moi j’aime ben quand je fuis plusieurs.
JÉRÔME.
NICAISE.
JÉRÔME.
NICAISE.
JÉRÔME.
NICAISE.
JÉRÔME.
NICAISE.
NICAISE.
Des lamprons ?
JÉRÔME.
Et oui, des lamprons.
NICAISE.
Oh ! Pardi, va, j’en fuis ben aise, moi... Mais quoiqu’c’est qu’des lamprons ?
JÉRÔME.
C’est comme qui dirait des éclaircissements en magniere d’allumations.
NICAISE.
Oh ! J’entends à ç’t’heure... c’est t’y pas de ces choses-là .... qu’on appelle... comme quand... lorsque... Oh ! Je sais ben ce que j’veux dire....
JÉRÔME.
Tout juste, tu y es. Pargué t’es ben habile.
NICAISE.
Oh ! J’ai appris à vivre à mes dépens.
JÉRÔME.
On le voit ben.
NICAISE.
JÉRÔME.
Quoi plus mieux ! Eh ben voyons donc avec ton plus mieux, comment qu’tu dirais ? Supposons qu’c’est moi qui suis Sa Majesté.
NICAISE.
Toi ! Oh ! Pardi oui, t’en as encor ben l’air !
JÉRÔME.
Mais je te dis comme par semblant.
NICAISE.
Gn’y a pas de semblant là-dedans. T’es mon cousin, par conséquent ça ne se peut pas. Y faut raisonner dans la vie.
NICAISE.
Mais voyons comme tu dirais, toi ?
JÉRÔME.
Moi, je dirais tout de fuite, et sans me faire prier. Tiens, écoute.
NICAISE.
Pardi ! Voyez-donc le gros sorcier, il le verrait ben, peut-être.
JÉRÔME.
Mais queu raison qu’tu me fais donc là
NICAISE.
C’est que je vous prends garde à tout, moi. Mais voyons, dit toujours.
JÉRÔME.
NICAISE.
Ah ! Jarni, c’est bon ça.
JÉRÔME.
Hé ben, voyons, comment qu’tu dirais, toi ?
NICAISE.
Moi, je commencerais déjà d’abord par lui ôter mon chapeau.
JÉRÔME.
Sans doute.
NICAISE.
Hé puis je me mettrais dans la tête tout ce que les Français ont dans l’âme.
JÉRÔME.
Hé ben !
NICAISE.
Hé puis je lui dirais avec franchise : Sire je donnerais ma vie pour conserver la vôtre.
JÉRÔME, avec transport.
Tiens, baise-moi, tu as de l’esprit comme tout le Royaume.
NICAISE.
Oh ! Dame c’est que dans ce cas-là tout le Royaume fait bien vite de l’esprit avec de l’amour.
JÉRÔME.
Si tu raisonnais toujours comme ça, tu serais le coq de not’ famille.
JÉRÔME.
Ah ! Ah ! Quoiqu’c’est donc que ça?
SCÈNE V. Jérôme, Nicaise, Louison, Babet, Fanchon, Nanette, Javotte. §
LOUISON tenant toutes ses compagnes par la main.
CHORUS.
LOUISON.
NICAISE.
Elle est méchante, dà.
JÉRÔME.
Tais-toi.
LOUISON.
CHORUS.
LOUISON.
6CHORUS.
NICAISE.
Le beau remerciement !
JÉRÔME.
Veux-tu bien te taire ?
LOUISON.
CHORUS.
LOUISON.
CHORUS.
JÉRÔME.
Ça fait un bon arrêté de compte, ça. Courage, Mademoiselle Louison ; serviteur, et votre compagnie.
LOUISON.
Hé ! C’est Jérôme, autrement dit, Bachot de la Grenouillère.
JÉRÔME.
Oui, je nous v’ià avec l’cousin Nicaise.
NICAISE.
Oui, et il est mon cousin aussi à moi.
JÉRÔME.
Cousin issu de germain.
NICAISE.
Issu de germain ? Issu de Clément, peut-être*.
JAVOTTE.
Tout de bon, gros gouayeux ?
LOUISON.
Il viendra avec nous, car il a le visage bon enfant.
NICAISE se reculant.
Je ne veux pas.
JÉRÔME.
Allons, allons, remets-toi.
NANETTE, se moquant de lui.
NICAISE.
NANETTE.
BABET.
NICAISE, la repoussant.
Allons, Mameselle, dansez avec vos pareilles, s’il vous plaît.
JÉRÔME.
Est-ce qu’on dit ça ?
LOUISON.
Moi, je veux qu’il me donne le bras dans la foule. Je n’aurai pas peur avec lui, car y f’ra peur aux autres.
JAVOTTE.
NICAISE.
JÉRÔME.
NANETTE.
JÉRÔME, à Nicaise.
Hé ! Montre qui qu’tes.
NICAISE.
À propos , c’est vrai ; moi je n’y pensais pas. Hé ben, voyons : qu’est-ce qui veut que je l’embrasse ?
LOUISON.
Là.
NANETTE.
Hé, ben ! Voyez.
BABET.
Comme y dit ça !
JAVOTTE.
Madame.
FANCHON.
J’ai peur.
JÉRÔME, prenant Nicaise.
Haut donc ; haut donc.
TOUTES.
NICAISE.
Oh, j’m’en vas vous en donner. Allez.
LOUISON.
Ma chère mère.
BABET.
La belle aubaine !
NANETTE.
Hé ben donc ; hé ben donc, ce pauvre p’tit nez.
FANCHON.
Il se dégèle.
LOUISON.
Ah, que nous v’là ben rassasiées!
NICAISE, se frottant les mains.
C’est que je vous ai bentôt fait ça, moi.
FANCHON.
Il est ben élevé.
NICAISE.
Hé ben, qu’est-ce qui en veut encore pendant que j’y suis ?
LOUISON.
Ça vous f’rait mal.
NICAISE, les voyant rire d’aussi bon coeur.
Hem ! Je vous rends-ti les filles gayes, moi ?
JÉRÔME.
Oh, diantre, toi, tu sais donner l’boüi.
JÉRÔME.
Ah ! Ah ! Des Marchands de chansons : tant mieux, j’allons faire de bonnes emplettes.
SCÈNE VI. Les acteurs précédents, un Marchand et une Marchande de Chansons, accompagnés d’un violon. §
JÉRÔME.
Dites-donc, Monsieur et Madame Crincrin, approchez, contez-nous ça tous les trois.
MONSIEUR CRINCRIN.
Allons, allons, mes amis.
TOUS.
MONSIEUR CRINCRIN.
TOUS.
MONSIEUR CRINCRIN.
TOUS.
LOUISON.
Oui, pauvre petit, il l’a ben gagné, on l’a moulé comme par exprès pour lui.
NICAISE.
Hé ! Qu’est-ce que ça vous fait, à toi ?
JÉRÔME.
J’vas en prendre un pour nous tretous.
JAVOTTE.
NANETTE.
FANCHON.
Mais ce qu’il y a de bon, c’est que v’ià des blouques d’oreilles qui la danseront, toujours.
NANETTE.
Et moi donc ma croix d’argent : ah ! Si elle revient !
LOUISON.
Et moi ma cornette. Monsieur attendez-nous.
MONSIEUR CRINCRIN.
Eh non, Mesdames votre parole est suffisante. Hé puis votre zèl pour notre Roi est une piéce de crédit.
TOUTES.
Monsieur, vous êtes ben honnête.
MONSIEUR CRINCRIN.
Avancer le sien pour un si beau sujets c’est de l’argent sûr.
JÉRÔME.
Oh ! Pour ça j’en répondrois ben.
NICAISE.
JÉRÔME.
Comment la voiture ?
NICAISE.
Oui ; vingt-quatre sols que mon oncle Clément m’a donnés pour aller dans le panier de devant à côté du Cocher, comme un enfant de famille que je suis.
LOUISON.
Mon enfant ! Vingt-quatre sols ! Et vous n’avez pas pris la poste !
NICAISE.
Oh ! Non, moi je n’aime pas les chevaux.
LOUISON.
Vous n’avez donc gueres d’amour propre ?
NICAISE.
Plus propre que vous, dame...
JÉRÔME.
NICAISE.
MONSIEUR CRINCRIN.
Allons, voyons, beau chaland.
Tenez, ce font les dragées du coeur, ça.
BABET.
Il a raison, font les confitures des bons sujets.
NANETTE.
R’mercie, mon fils.
FANCHON.
Ben obligé, mon enfant.
LOUISON.
Merci, mon p’tit cochon de lait.
JAVOTTE.
Ben obligé, mon poulet d’ivoire.
NICAISE.
Hé ! Puis, v’là pour moi.
JÉRÔME.
Est-ce que tu sais lire ?
NICAISE.
Moi ? Pardi,va, que de reste, puisque je vous lis queuqu’fois une grande page toute entière sans reprendre mon vent.
JÉRÔME.
C’est donc comme moi, quand je bois pinte à la santé d’not’ Roi.
NICAISE, montrant ses trois livrets de chansons.
Je garde ces trois-là, toujours.
JÉRÔME.
Quoi ? Trois ; c’est inutile , puisque c’est la même chose.
NICAISE.
Ça ne fait rien.
JÉRÔME.
NICAISE.
JÉRÔME.
NICAISE.
Et je mirerai trois fois mon amitié la dedans.
BABET.
Il n’est pardié pas si gnais qu’il le paraît au moins.
LOUISON.
Qu’est-ce qui dirait que ça pense comme les honnêtes gens ?
JÉRÔME.
Oh ! La Province fuit toujours la mode de Paris, et c’est une mode qui ne passera jamais, celle-là. Hé bien ! Allons-je tretous ensemble courir.
Ah ! Ah ! Quoi qu’est donc qu’ça, un renforcement de gaité ?
NICAISE.
Jarni, j’suis ben aise.
TOUTES.
Et nous donc ?
SCÈNE VII. Deux Marmottes et les acteurs précédents. §
FANCHON.
Arrivez, mes enfants.
NICAISE.
Où donc ca ?
LOUISON.
Pardine , elles vous crèvent les yeux.
NICAISE.
Qui, ça ?
JÉRÔME.
Oui ça, hé ! Qui donc ?
NICAISE.
Bon ! On m’avait dit que c’était fait comme des lapins, et que ça dormait dix-huit mois de l’année.
PREMIÈRE MARMOTTE.
Non, non, Monsieur, des Marmottes comme nous sont, je vous assure, bien éveillées.
NANETTE.
Hé ! Ben, mes enfants, savez-vous quelque chose sur l’air que vous jouiez tout à l’heure ?
SECONDE MARMOTTE.
Oui, oui, Madame.
PREMIÈRE MARMOTTE.
Et qui est bien vrai encore.
TOUS.
Ah ! Voyons ; écoutons.
PREMIÈRE MARMOTTE.
SECONDE MARMOTTE.
PREMIÈRE MARMOTTE.
ENSEMBLE.
PREMIÈRE MARMOTTE.
SECONDE MARMOTTE.
PREMIÈRE MARMOTTE,
SECONDE MARMOTTE.
PREMIÈRE MARMOTTE,
SECONDE MARMOTTE.
ENSEMBLE.
LOUISON.
Elles font à croquer.
BABET.
Ma foi, oui.
FANCHON.
À les entendre si on ne dirait pas que c’est soi-même qui chante ça.
NICAISE, s4approchant des Marmottes.
Moi, j’aime ben celle-là, et puis l’autre.
PREMIÈRE MARMOTTE.
En vérité ?
NICAISE.
Comment donc qu’ça se prend ?
JÉRÔME.
Je te le dirai.
PREMIÈRE MARMOTTE.
TOUS.
SCÈNE VIII et dernière. Monsieur Scrupule, Léonore, Damon, et les Acteurs précédents. §
MONSIEUR SCRUPULE.
Courage mes enfants.
JÉRÔME.
Allons nous-en ailleurs nous réjouir, v’là une figure sérieuse qui porterait malheur à notre joie.
MONSIEUR SCRUPULE.
Non, mon ami. J’espère même au contraire la seconder bientôt.
LÉONORE.
Hé bien, mon oncle ; vous voyez que nous avions raison de nous livrer au plaisir.
MONSIEUR SCRUPULE.
Mille ouvrages que j’ai déja vus à ce sujet annoncent les sentimens de toutes Les Nations pour lui;
LÉONORE.
JÉRÔME.
Hé ! Ben, Cousin, cornment qu’tu trouves ça, toi ?
NICAISE.
Moi, j’trouve ça pas mal raisonné ; mais c’est pas ben difficile.
JÉRÔME.
En dirais-tu ben autant ?
NICAISE.
Hé ! Pardine, m’en défies-tu ?
JÉRÔME.
Oui.
TOUTES.
Ah, voyons donc.
NICAISE.
, Même air que le précédent.JÉRÔME.
’Pargué, v’ià qu’est ben rimé.
NICAISE.
Qu’ça rime si ça veut, c’est vrai, toujours.
Tiens, j’ai d’beaux et d’bons témoins.
MONSIEUR SCRUPULE.
C’est à merveille, mon ami.
NICAISE.
Sans doute. Hé ! Ben ; mais ces lamprons, quand donc que j’verrons ça ?
TOUS.
Il a raison.
MONSIEUR SCRUPULE.
Vous n’irez pas loin.