PAR Mr. ABBEILLE44
1681.
Édition critique établie par Housna Badat dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier
2006-2007Introduction §
En 1678, une nouvelle pièce, Lyncée, est créée sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne : son créateur, Gaspard Abeille, même s’il est loin d’avoir joui de la reconnaissance d’un Racine ou même d’un Rotrou, en est à sa troisième tragédie. Mais, pour la première fois, il a choisi un sujet issu de la mythologie grecque, celui des Danaïdes. Or c’est une légende connue de tous ses contemporains et nombre d’auteurs, anciens ou contemporains, se sont déjà intéressés à ce sujet : nul n’ignore les célèbres Suppliantes d’Eschyle, l’Héroïde XIV d’Ovide ou encore, mais moins connue, Les Danaïdes de Gombauld, créée en 1644. L’abbé Abeille a obéi ainsi aux usages du XVIIe siècle en ce sens que, pour se faire reconnaître en tant que dramaturge par ses contemporains, il a dû s’inscrire dans la lignée des Anciens et reprendre un sujet mythologique et montrer la valeur de sa création poétique. De fait, après cette tragédie, qui a eu toutefois un succès médiocre, Abeille s’est fait incontestablement connaître puisque, alors même que Lyncée a été sa dernière tragédie publiée et qu’aucune de ses autres pièces ne l’ont été, en 1704, il a succédé à Charles Boileau à l’Académie Française.
Rétrospectivement, on peut donc penser que cette tragédie à sujet mythologique grecque, Lyncée, a constitué un tournant dans la vie d’Abeille ; et en effet, cette pièce semble avoir assis sa réputation de Poète auprès de ses contemporains, d’autant que Lancaster, qui recense toutes les pièces du Grand Siècle, voit Lyncée comme la pièce la plus achevée du dramaturge. Mais alors qu’il est d’usage pour tout dramaturge de débuter par la reprise d’un mythe antique, Abeille a attendu sa troisième tragédie pour reprendre la légende des Danaïdes. Si encore aujourd’hui le châtiment des Danaïdes aux Enfers est très connu, celui du tonneau qui ne se remplit jamais, il était encore plus connu pour les érudits du dix septième siècle qui connaissaient parfaitement les textes latins et grecs. Et en effet, on trouve une évocation du mythe dans le plus célèbre ouvrage de théorie dramatique au XVIIe siècle : La Poétique d’Aristote, dans lequel l’auteur cite une pièce que l’on a jamais retrouvée, intitulée Lyncée.
Gaspard Abeille : aperçu biographique §
Gaspard Abeille naquit en 1648 à Riez en Provence, une petite ville de l’actuel département des Alpes de Haute Provence. Il nous reste peu d’éléments sur sa vie. On ne sait à quel moment, ni par quels appuis, De toute évidence, très jeune il obtint un bénéfice ecclésiastique (il obtint la charge d’abbé du Prieuré de Notre-Dame de La Merci, situé à Clermont-Ferrand), ce qui lui permit, semble-t-il, de se consacrer à la poésie. Il fut aussi attaché au Maréchal de Luxembourg, François-Henri de Montmorency-Bouteville dont il fut le secrétaire, mais également au duc Louis II de Vendôme et il devint plus tard secrétaire général de la province de Normandie. Ainsi, c’est à travers sa plume qu’il acquit sa réputation et le 11 août 1704, il entra à l’Académie Française, succédant alors à Charles Boileau.
Il créa en 1673 sa première tragédie, en cinq actes, Argélie, reine de Thessalie (imprimée en 1676), le Coriolan en 1676 et, en 1678, sa troisième et dernière tragédie publiée, Lyncée. Le dramaturge aurait écrit quatre autres tragédies : Hercule, Soliman, Silanus et La Mort de Caton et deux opéras : Hésione et Ariane (seules les deux premières pièces citées furent publiées) ainsi que deux comédies (La fille valet et Crispin Bel Esprit) sous le nom d’un comédien contemporain, La Thuillerie, de son vrai nom Jean-François Juvénon. Ceci s’explique par cette anecdote :
On pourrait réunir au Théâtre de l’abbé Gaspard Abeille les tragédies de Soliman et d’Hercule, ainsi que la comédie de Crispin bel esprit, qui forment presque tout le bagage dramatique de la Thuillerie, à qui le bon abbé les avait confiés pour les faire jouer sous son nom, après la chute de Lyncée. Il est probable aussi que le roi et Mme de Maintenon lui avaient fait faire des reproches sur ce qu’il compromettait sur la scène son titre de prieur de Notre-Dame de la Mercy. La Thuillerie, quoique comédien, était l’ami de l’abbé réprimandé ; il se déclara l’auteur des pièces qu’on lui prêta, et n’en voulu pas démordre1.
La rumeur est donc née de cette anecdote. Une fois à l’Académie Française, Abeille renonça à sa carrière de dramaturge et écrivit de nombreux discours et odes pour l’Académie Française. Il mourut à Paris le 22 mai 1718 et lors discours de réception de Mongault, son successeur à l’Académie Française, Sacy compare les opéras d’Abeille à ceux de Quinault, ce qui prouve que, même si son nom nous est aujourd’hui inconnu, il eut tout de même une certaine notoriété dans la deuxième moitié du dix-septième siècle.
Lyncée, par Gaspard Abeille §
Résumé de la pièce §
La tragédie d’Abeille s’ouvre sur une conversation entre les deux personnages épisodiques, Erigone, sœur de l’ancien roi d’Argos et amante de Danaüs, avec son fils, Iphis. Celui-ci lui fait part de son désespoir, face à l’indifférence d’Hypermnestre, fille aînée de Danaüs dont il est follement amoureux mais qui le rejette en faveur de Lyncée, neveu de Danaüs. Elle essaie de le tranquilliser en lui faisant part d’un complot qu’elle ourdit contre Danaüs, feignant d’avoir des sentiments pour lui mais cherchant en fait à venger son frère Sténélus. Toutefois Erigone refuse de lui avouer son plan (I, 1). C’est à sa suivante Dircé qu’elle confie son secret : elle nourrit en réalité une amour secret pour Lyncée (I, 2). Son complot se précise lors d’une entrevue avec Danaüs : celui-ci ne peut se résoudre à demander à sa fille favorite, Hipermestre, de sacrifier son futur époux Lyncée la nuit de leurs noces, comme il l’a demandé à toutes ses autres filles. C’est ici qu’apparaît l’explication : l’oracle lui a prédit qu’il sera tué par le fer de l’un de ses gendres et pour éviter que cela ne se produise, et sur les conseils fourbes d’Erigone, il organise le massacre de ses neveux, malgré ses scrupules (I, 3).
Et ses craintes sont avérées puisque Lyncée et Hipermestre sont secrètement des amants de longue date, engagés l’un envers l’autre bien avant la fuite de Danaüs d’Egypte (II, 1). Ils sont interrompus par Danaüs : il feint un quelconque prétexte pour éloigner Lyncée de sa fille (II, 2) pour pouvoir lui parler du danger qui le guette et lui fait part de son projet meurtrier (II, 3), la laissant face à un véritable dilemme (II, 4).
Cependant, Erigone nourrit quelques doutes, sachant la faiblesse de Danaüs et son amour pour Hipermestre. Elle envoie Dircé prévenir Lyncée du complot qui se trame contre lui (III, 1). Iphis arrive sur ces entrefaites et tout en ignorant le complot, il laisse supposer à sa mère qu’Hipermestre s’est résignée à obéir à son père (III, 2). Danaüs apparaît alors pour confirmer cette nouvelle mais annonce un délai aux noces (III, 3). Erigone semble surprise de la décision d’Hipermestre (III, 4) mais satisfaite de son plan. Elle est interrompue par Dircé qui revient de son entrevue avec Lyncée (III, 5) : ce dernier vient alors à sa rencontre, sans arme, et refuse de croire en la duperie de son amante. Erigone lui révèle pourtant le massacre de ses frères et lui propose de s’enfuir avec elle, le laissant entrevoir son amour pour lui (III, 6). Horrifié, il refuse et court remettre sa vie entre les mains d’Hipermestre, qui venait à sa rencontre pour le sauver et l’aider à fuir (III, 7).
Danaüs, ne doutant pas de l’obéissance de sa fille et ignorant cette fuite, la donne en mariage à Iphis (IV, 1) ; Hipermestre apparaît alors et son père découvre sa trahison (IV, 2). C’est alors qu’on apprend que Lyncée a réussi à rejoindre sa flotte et à fuir de Nauplie. Hipermestre révèle alors à son père le complot d’Erigone et son amour coupable pour Lyncée (IV, 3), laissant un Danaüs en proie au doute et accablé par son propre malheur (IV, 4). Il demande des explications à Erigone qui feint l’indignation et réitère sa sincérité envers lui, regagnant ainsi la confiance du roi (IV, 5). À ce moment, on apprend que Lyncée et sa flotte reviennent à la charge pour réclamer son épouse et Danaüs, résigné, décide de se livrer aux coups de Lyncée dont il a tué tous les frères (IV, 6).
Toutefois, Erigone refuse un tel dénouement et ordonne à Iphis d’accomplir l’oracle en se servant du fer que Lyncée avait abandonné lors de leur entrevue ; celui-ci, malgré ses réticences, accepte à contrecœur mais promet de se tuer (V, 1) ; néanmoins Erigone refuse de se laisser distraire de son projet de vengeance (V, 2). Elle convainc d’ailleurs Danaüs de ne pas se livrer à Lyncée, feignant toujours d’avoir des sentiments sincères envers lui (V, 3). Elle parvient même à convaincre Hipermestre de cette sincérité, qui par conséquent, soupçonne Lyncée de l’avoir dupée (V, 4). Un serviteur arrive pour leur annoncer le dénouement : Danaüs, accompagné d’Iphis, court à la rencontre de Lyncée mais celui-ci refuse de s’en prendre au père de sa maîtresse et c’est alors qu’Iphis se retourne contre Danaüs et le tue avec l’épée de Lyncée avant de se donner la mort (V, 5). Le projet d’Erigone mené à terme, l’oracle accompli, Erigone se retire de la scène, laissant une Hipermestre en proie à ses malheurs et à ses remords, laissant ainsi les amants libres de monter sur le trône d’Argos (V, 6).
Réception de la pièce §
La pièce qui nous intéresse ici est donc la dernière tragédie publiée de l’auteur, mais la plus réussie selon Lancaster. Elle est représentée pour la première fois le 25 février 1678 sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne. D’après le Mémoire de Mahelot, le décor est décrit comme « un palais à volonté », donc il nous reste peu de détails sur les conditions même de la représentation et on ignore exactement quels en ont été les comédiens. De plus, si le nombre de représentations reste un mystère, Lancaster note que lorsque la troupe des comédiens quitte l’Hôtel de Bourgogne en août 1680 pour la Comédie-Française, la pièce ne figure plus dans leur répertoire et elle ne sera plus jamais rejouée. Cependant, il est certain qu’elle a eu du succès, comme l’atteste le Mercure Galant du 28 février 1678 : la pièce fut « extraordinairement applaudi. Les vers en sont beaux, les pensées brillantes et dignes de l’Auteur du Coriolan ».
Toutefois, il est possible de se livrer à quelques suppositions à partir d’Iphigénie de Racine, créée par la même troupe en 1674, soit quatre ans avant celle d’Abeille, et dont le schéma dramatique est proche : les deux rôles féminins d’Erigone et d’Hypermnestre ont dû se partager entre la Champmêlé et mademoiselle Beauchâteau qui jouaient respectivement Iphigénie et Clytemnestre. Le rôle d’Agamemnon était joué par Lafleur et on peut penser qu’il a conservé ce rôle de roi dans Lyncée. Et enfin, Hauteroche jouait le rôle d’Achille et donc du jeune héros. Cependant, tout cela n’est évidemment que suppositions ; toutefois, la composition de la troupe de l’Hôtel de Bourgogne étant la même de 1674 à 1678, elles restent vraisemblables.
Mais s’il y a peu de renseignements à propos des circonstances de la création de Lyncée, il y a en a également peu à propos de se publication. En effet, la pièce a été publiée en 1681, soit trois ans après la création de la pièce, par un Libraire hollandais, Adrian Moetjens en format in-12. Cette édition ne compte ni privilège du Roi, ni dédicataire, ni une quelconque préface de l’auteur. Les seules pages non chiffrées sont celles de la page de titre et de la liste des acteurs. L’édition comporte 52 pages chiffrées à partir de 3.
Ainsi, tout laisse à croire qu’elle ne fut pas publiée de la volonté de son auteur. D’ailleurs, dans un ouvrage du XVIIIe siècle, Mouhy, l’auteur de l’Abrégé de l’Histoire du théâtre françois, constate que « les fautes s’y trouvent en si grand nombre, qu’il n’y a pas lieu de croire qu’elle soit faite du gré de l’auteur2 ». Et enfin, on note une probable erreur de graphie sur la page de titre elle-même, sur le nom de l’auteur. Tous ces indices nous laissent donc penser qu’on a ici affaire avec une édition pirate du Lyncée d’Abeille.
Il est cependant surprenant de trouver, dans cet ouvrage de Mouhy qui évoque l’édition hollandaise que nous avons étudiée, que cette édition s’est faite en in-8 alors que l’édition que nous avons consultée, unique édition disponible, se trouve en in-12. Plusieurs explications sont possibles : soit il y a eu d’autres éditions du vivant de l’auteur mais dont nous n’avons gardées aucune trace, soit l’édition dont Mouhy parle date du XVIIIe siècle et ne nous est pas parvenue, et enfin, il est possible qu’il s’agisse d’une simple erreur dans un ouvrage qui recense toutes les pièces de théâtre « depuis son origine jusqu’en 1780 ».
Fortune du sujet §
Bien que la pièce ait eu un succès très relatif et que l’auteur ne soit pas passé à la postérité, l’attention étant monopolisée par Racine, Molière ou Rotrou, cette pièce d’Abeille a connu un certain retentissement puisqu’on l’a considérée comme l’une des plus réussies du dramaturge. De plus, son entrée à l’Académie Française ainsi que sa popularité auprès de ses contemporains - on a parlé de son influence sur La Thuillerie -, apportent la preuve que ses qualités poétiques, au sens large du terme, étaient reconnues.
En outre, en s’attaquant à un sujet tel que celui des Danaïdes, Abeille choisit de se tourner à nouveau vers les sujets mythologiques. Ce choix s’explique aisément puisque tous les « nouveaux » dramaturges suivent cette règle implicite, celle de suivre les Anciens, mais surtout il s’inscrit dans cette volonté que l’on voit ressurgir dans les années 70 de revenir aux grandes tragédies mythologiques. En effet, Lyncée est créée en 1678, juste après les Iphigénie , celle de Racine en 1674, celle de Leclerc et Coras en 1675, mais aussi les Phèdre, celles de Racine et de Pradon en 1677. D’ailleurs, cette petite chronologie explique pourquoi la pièce de l’abbé Abeille a été éclipsée à ce point.
La première occurrence de cette légende mise au théâtre nous vient donc d’Aristote qui évoque à deux reprises le Lyncée de Théodecte de Phasélis, un contemporain d’Aristote mais dont la pièce s’est perdue. La première occurrence survient au sujet des péripéties :
La péripétie est le revirement de l’action dans le sens contraire, suivant ce qui a été dit ; et cela, encore une fois, selon la vraisemblance ou la nécessité ; […] et dans Lyncée on emmène Lyncée pour le faire mourir et Danaos le suit pour le tuer ; or, le cours des évènements fait que c’est Danaos qui périt et l’autre qui est sauvé [Chapitre 11, § 1452a]3.
Et nul doute qu’Abeille s’est inspiré d’Aristote puisque c’est à partir du XVIe siècle qu’on découvre l’importance de cette œuvre, d’autant plus que cette légende de Danaos se retrouve dans les ouvrages antiques qu’on utilisait en version pour enseigner les langues latine et grecque.
Quant aux péripéties dont parle Aristote, il semble que les choix dramaturgiques soient proches de ceux d’Abeille, grâce à l’épisode inventé du complot contre Danaüs. D’ailleurs, ceci confirme qu’il s’agit bien ici d’une pièce à dénouement rabattu : tout est mis en œuvre par le dramaturge pour aboutir à ce dénouement.
Et c’est justement à ce propos que survient la seconde occurrence de Lyncée dans La Poétique :
J’appelle nœud la tragédie depuis le commencement jusqu’à cette partie, qui est la dernière, d’où procède le revirement vers le bonheur ou le malheur ; et dénouement la tragédie depuis le commencement de ce revirement jusqu’à la fin, ainsi dans le Lyncée de Théodecte, le nœud comprend les événements antérieurs plus l’enlèvement de l’enfant et en outre … [le dénouement] va de l’accusation de meurtre à la fin [Chapitre 18, § 1455b]4.
Abeille a donc disposé de la source indéniable et prestigieuse qu’est Aristote qui en parle comme le meilleur exemple de retournement de situation, d’autant qu’il a tout mis en œuvre pour reproduire une telle péripétie. Mais, si le poète dramatique reprend la matrice légendaire relayée par les auteurs antiques, il a repris lui-même le sujet d’une tragédie d’un dramaturge de la génération qui le précède, Gombauld, auteur des Danaïdes dont nous parlerons un peu plus loin. Et à sa suite, ce sujet mythologique est remis sur les planches à deux reprises, mais dans des perspectives différentes à chaque fois, selon les préoccupations de leurs époques. On note donc la tragédie de Riupeirous, Hypermnestre (1704), [année où Abeille entre à l’Académie Française] et celle de Le Mierre (1758), qui s’inscrit plus dans une perspective voltairienne de tragédie philosophique.
Traitement des sources §
La source mythologique : les Danaïdes §
Le mythe que le dramaturge a choisi pour sa pièce est l’une des légendes grecques les plus connues et les plus fondatrices de l’Histoire: c’est celle du destin tragique de Danaos et des « noces sanglantes » de ses filles, les Danaïdes, selon la formule de Jean-Noël PASCAL (Les noces sanglantes : Hypermnestre du Baroque aux Lumières, 1999).
Les sources antiques §
Ce mythe nous est parvenu à travers les écrits des plus grands auteurs antiques, que ce soit sous forme de manuels de mythologie, de tragédies ou encore d’épîtres, tous écrits au premier siècle avant Jésus-Christ :
- – La Bibliothèque d’Apollodore l’Athénien5 relate toute la généalogie de Danaüs qui descend de Zeus, la querelle avec son frère Egyptus, qui a débouché sur le massacre des Egyptiades, ses cinquante fils.
- – Les Fables6 d’Hygin, se présente sous la même forme que le précédent et donne les mêmes éléments de généalogie de Danaüs et son destin tragique dans lequel il entraîne ses filles.
Les Suppliantes d’Eschyle se situe avant la nuit des noces : on assiste à l’arrivée de Danaüs et de ses filles à Argos, poursuivi par les fils d’Egyptus et demandant l’asile au roi Pélasgus.
- – La XIVe Héroïde d’Ovide se présente sous la forme d’un discours qu’Hypermnestre adresse à Lyncée, après les tragiques événements : elle fait un récit de ce qui s’est produit, de son dilemme et de sa décision. C’est une source très précise qui a pour principal intérêt de réunir tous les éléments du mythe avec une description détaillée de la nuit des noces, qu’Abeille a choisi de mettre en avant dans sa tragédie.
Le mythe lui-même §
On ne peut comprendre la sombre destinée des Danaïdes sans expliquer toute la légende qui entoure la dynastie dont elles sont issues et leur rôle dans la mythologie fondatrice du rapprochement entre les Grecs et les Egyptiens. En effet, si les auteurs antiques divergent sur l’étendue de sa lignée, ils sont tous unanimes sur le prestige de cette lignée.
La généalogie des Danaïdes remonte à Inachus, fils de l’Océan et de Téthys ; métamorphosé en fleuve, il donna son nom au cours d’eau qui arrose la ville d’Argos. La plupart des tragédiens qui y font référence procèdent à un raccourci en présentant la nymphe Io comme fille d’Inachus, connue pour ses amours avec Zeus mais surtout pour sa métamorphose en vache, fruit de la jalousie de Junon (cf. Les Métamorphoses d’Ovide, Tome I, livre I, XII de l’édition de Thomas Corneille en 1651). Prêtresse de Junon à Argos, Io se vit la proie des assauts amoureux de Zeus mais la jalouse Héra la transforma en vache. Zeus continua tout de même son entreprise de séduction et Héra lança sur la nymphe transformée un taon qui l’affola et la poursuivit à travers l’Europe, l’Asie, sans même lui permettre d’être délivrée de l’enfant conçu du dieu. Elle erra donc ainsi jusqu’en Egypte où Zeus finit par la délivrer de son supplice en lui redonnant sa forme humaine, lui permettant ainsi de donner le jour à son fils, Epaphus. C’est de cet illustre ancêtre, issu du roi des dieux, que descendent les rois d’Egypte.
Ainsi, Epaphus, en Egypte, épousa alors Memphis, fille du fleuve et donna naissance à Libye, qui conçut elle-même deux jumeaux de Poséidon, Agénor et Bélus. Le premier partit en Phénicie mais Bélus resta en Egypte où il devint roi. Il épousa une fille du Nil nommée Anchinoé et de son mariage naquirent deux jumeaux : Egyptus et Danaüs. Bélus partagea son royaume en deux parts et donna ainsi la Libye à Danaüs et l’Arabie à Egyptus. Selon la légende, ils prospérèrent chacun de leur côté au départ mais une querelle éclata entre les deux frères ; pour s’assurer les droits royaux sur le territoire de Danaüs, Egyptus prétendait vouloir acquérir la main des 50 filles de son frère pour les donner à ses cinquante fils, les Egyptiades. Danaüs eut peur de son frère et de ses 50 fils : il finit par s’enfuir avec ses filles, sur les conseils de Minerve.
Il fit donc construire ce qui fut le premier vaisseau à deux proues, le Pentécontore, du nombre de ses filles. C’est ainsi qu’il parvint à Argos où régnait alors Gélanor (encore appelé Pélasgus par Eschyle, ou encore Sténélée par Gombauld et Sténélus par Abeille). Celui-ci lui céda facilement la couronne (il n’y a de détail de cette reddition dans aucun des textes antiques qui nous est parvenu ; c’est ce qui va d’ailleurs permettre à Abeille de créer cet épisode-clé qu’est la vengeance d’Erigone).
D’après le récit dont s’inspira Eschyle pour écrire ses Suppliantes, une épopée en vers d’un poète inconnu sur les Danaïdes (épopée qui date vraisemblablement de la première moitié du VIe siècle avant J.C.), les Pélasges qui occupaient l’Argolide, acceptèrent de donner asile aux fugitifs mais les fils d’Egyptus, lancés à leur poursuite, débarquent à leur tour et Danaüs, craignant un affrontement, feignit d’accorder la main de ses filles à ses neveux. Dans la Bibliothèque d’Apollodore l’Athénien, on trouve la liste détaillée des cinquante mariages qui eurent lieu, les couples se formant par un tirage au sort qui respectait cependant le rang dont chacune des parties était issue. Ce ne fut cependant pas le cas pour deux des Danaïdes, dont Hypermnestre qui échut à Lyncée, issu de sang royal.
Mais ce consentement dissimulait en réalité un complot : en effet, Danaüs offrit à chacune de ses filles une dague, avec ordre pour chacune d’enivrer leur époux lors des noces et de les assassiner alors qu’ils seraient endormis, la nuit même de leurs noces. Une seule d’entre elles passa outre l’ordre de son père : Hypermnestre épargna ainsi Lyncée, par égard pour sa vertu et l’aida même à s’enfuir. L’Héroïde XIV d’Ovide offre un récit précis de cette nuit terrible, relatée par Hypermnestre elle-même, s’adressant à Lyncée alors qu’elle est emprisonnée par son propre père. Quant aux autres Danaïdes, elles furent toutes punies par le châtiment très connu du tonneau percé, condamnées à le remplir éternellement.
Toutefois, Eschyle s’attache à montrer la stricte équité entre la démesure des Egyptiades qui cherchaient à mener à bien leur projet de mariage forcé et celle des Danaïdes, atténuant ainsi leur responsabilité. Mais juste après le massacre des Danaïdes, et avant la punition aux Enfers, le sort des quarante-neuf sœurs fut sans doute celui auquel fait allusion Pindare : on organisa pour la première fois les Thesmophories, des jeux où les filles de Danaüs furent offertes aux vainqueurs mais ce furent des unions obscures, sans doute stériles.
Mais si la destinée de ses sœurs est assez connue, celle d’Hypermnestre est sujette à des incertitudes.
Les divergences §
C’est à ce niveau que l’on retrouve les plus grandes divergences entre les différentes sources de ce mythe :
- – Apollodore fournit une fin heureuse à ce mythe puisque, selon lui, Danaüs finit par libérer sa fille et l’unit à Lyncée. Ils eurent un héritier, Abas, et Lyncée succéda à Danaüs sur le trône d’Argos.
- – Hygin, qui est un simple mythographe comme le précédent, semble corroborer cette version puisqu’il écrit au chapitre CCLXXIII que c’est Abas, fils d’Hypermnestre et de Lyncée qui apporta à ses parents la nouvelle de la mort de Danaüs.7
- – Ovide, dans son Héroïde, place Hypermnestre sous la colère de son père, emprisonnée et dans un désespoir certain ; elle ne semble nourrir aucun espoir quant à sa destinée et dit n’attendre que la mort.
- – Eschyle, dans ses Suppliantes, avait prévu au départ d’écrire une trilogie dont cette tragédie serait le premier volet. Et en effet, on assiste dans cette tragédie à l’arrivée des Danaïdes, les suppliantes, à Argos, poursuivies par les Egyptiades, et implorant la protection du roi Pélasgus. Mais la pièce se termine sur le refus des filles de se marier de force avec leurs cousins. La suite de cette trilogie s’est sans doute perdue par les ravages du temps, ou alors l’auteur n’a pas eu le temps de mener à terme ce projet. On ignore donc ce qu’Eschyle avait prévu pour la fin de ce projet basé sur la légende des Danaïdes. Mais, ayant suivi jusque là assez scrupuleusement l’épopée citée plus haut, on peut imaginer qu’il avait l’intention de continuer sur cette voie. Ainsi, selon cette source, Hypermnestre, est d’abord l’objet de la colère de Danaüs car elle a trahi les siens en laissant vivre un vengeur des Egyptiades. Mais Aphrodite intervient en sa faveur car Hypermnestre a agi par désir d’être mère et cet argument apparaît comme la loi divine qui perpétue la vie.
C’est ainsi qu’elle est pardonnée par son père et, unie à Lyncée, elle donne naissance à Abas, et fonde de la sorte une dynastie royale d’où descendra Héraclès/Hercule, héros de la race dorienne.
Les sources antiques offrent donc des divergences quant aux dénouements possibles pour cette légende mais aucun n’évoque de dénouement tragique. Cependant, on peut remarquer que le Grand Dictionnaire historique ou le curieux mélange du sacré et du profane8 de Louis Moreri qui prétend prendre ses sources dans les ouvrages d’Apollodore et d’Hygin, laisse deux possibilités de dénouement : ou bien Danaüs revient sur sa colère et finit par rappeler Lyncée pour l’unir à sa fille, ce qui correspond bien à la version d’Apolllodore, ou bien Lyncée doit attendre la mort de Danaüs pour retrouver Hypermnestre et succéder à Danaüs sur le trône d’Argos.
Les sources contemporaines du dramaturge §
Les Danaïdes de Gombauld (1644) §
Cette pièce de Gombauld a sans nul doute été la principale source d’inspiration à la tragédie d’Abeille : elle a été créée en 1644 soit trois décennies avant celle de Gaspard Abeille. Mais au-delà de cette approche simplement chronologique, on note de fortes similitudes entre les deux pièces.
En effet, comme nous l’avons remarqué plus haut, les auteurs antiques cités ne parlent en aucun cas d’un quelconque oracle prédisant l’assassinat du roi Danaüs ; pourtant, cet oracle est bien présent dans cette première pièce. Autre point commun, le roi d’Argos que Danaüs fait tomber est appelé Pélasgus chez tous les auteurs antiques alors que Gombauld, et ensuite Abeille, l’appellent Sténélus. Et enfin, chez Gombauld, on voit apparaître pour la première fois dans le mythe une épouse de Danaüs, Amasie, femme raisonnable qui tente de faire entendre raison à son mari. On peut donc supposer à juste titre qu’Abeille s’est inspiré de ce personnage pour créer le personnage d’Erigone pour sa pièce, d’autant qu’elle figure dans la liste des Acteurs comme la « Presque Epouse de Danaus ». Les deux personnages sont, à bien des égards, complètement différents et ils n’ont pas du tout la même fonction dans le schéma dramatique ; il n’en reste pas moins que toutes les deux ont un lien étroit avec Danaüs et qu’elles ont une influence certaine sur ses décisions. Mais la ressemblance entre elles s’arrête bien là puisque dans la tragédie de Gombauld, l’épouse de Danaos donne sa vie pour tenter de sauver celle du roi et ils périssent tous les deux sous les coups de Lyncée. Hypermnestre, désespérée par la mort de son père, refuse de revoir Lyncée et se suicide.
Gombauld, comme Abeille, reprend le schéma imposé par la matrice légendaire et ajoute des personnages épisodiques qui vont nouer l’action. Mais le personnage d’Amasie créé par Gombauld n’a pas la même force dramatique que l’Erigone d’Abeille. La pièce de son prédécesseur reste d’une grande simplicité structurelle dans le sens où elle est très faiblement dramatisée : les événements s’enchaînent sans surprise, il n’y a aucun retournement de situation, le dénouement tragique peut être annoncé dès le départ : le dramaturge choisit en effet de mener l’action en déroulant de manière les différents événements du mythe sans éléments de surprise. On assiste donc essentiellement à une méditation sur la mort et sur la destinée, Danaüs semblant cerné par sa culpabilité et le sentiment latent que rien ne pourra empêcher l’accomplissement de l’oracle. Quant au personnage d’Hypermnestre, qui est un pivot dans le mythe, elle apparaît comme un prototype de l’héroïne parfaite, sans jamais être suffisamment mise en valeur pour donner de la profondeur à son dilemme, élément d’essence tragique en lui-même.
Cependant, on retrouve de fortes réminiscences de cette pièce de Gombauld dans le Lyncée d’Abeille, que ce soit au sujet des préoccupations des personnages, des fragments de vers mais également dans les choix de mise en scène pour certains passages.
Les Danaïdes, I, 1 : Danaus à Amasie, son épouse
Les ombres de la mort excitent mes tourments, 15Et pour m’épouvanter sortent des monuments.N’aurez-vous jamais fait, tristesses volontaires,Soupçons, craintes, remords, et pensées téméraires ?9 18
Lyncée, I, 3 : Danaus à Erigone, sa maîtresse
Des chagrins les plus noirs je me sens agité, 216Mille spectres affreux, mille craintes funebres,Ces serments violez, ces cruelles tenebres,Tant de sang repandu Dieux et par quelles mains,Tout trouble, tout confond mes esprits incertains [.] 220
Les Danaïdes, I, 1 : Amasie, Danaus
AMASIE.Avez-vous mérité ce que vous redoutez ? 88DANAUS.Si c’est le meriter, j’ai tué Sténélée,Qui fit grâce d’abord à ma troupe exilée ;Qui me tendit la main, qui me vint tout offrir ;10 91
Lyncée, I, 1 : Erigone à Iphis
Je l’ay veu ce cruel venu des bords d’Affrique, 57Fuyant de ses parens le pouvoir Tyrannique,Ses filles avec luy ses tristes compagnons,Mandier un azile à leurs Dieux vagabonds [.]Il trouva Stenelus sensible à sa disgrace [ ;]Ce cher frere en mourut. L’Ingrat regne en sa place. 62
Les Danaïdes, IV, 3 : Danaus à Hypermnestre
J’aurai donc vainement tant de sang répandu ! 1203Au lieu de me sauver, je me serai perdu !11 1204
Lyncée, IV, 2 : Danaus à Hipermestre
Tant de bras à mes loix ailleurs obeissans, 1067Ne m’ont donc immolé que des coeurs innocens [ ?]Le seul qui se derobe estoit le seul coupable,Sa fureur* n’en devient que plus inevitable,Et tant de sang versé ne sert qu’à luy fournir,De plus justes raisons pour oser m’en punir [.] 1072
Les Danaïdes, V, 5 : Hypermnestre à Lyncée
Ah, ce n’est pas ainsi 1428Que Lyncée à mes vœux doit être favorable ;Il ne m’écoute point, il est inexorable.Ce n’est pas mon dessein de le voir encore en ce lieu,Je le souhaite ailleurs, et je lui dis adieu.Qu’il s’en aille, et qu’il vive avec plus d’assurance.12 1433
Lyncée, V, 6 : Hipermestre à Lyncée
O Lumiere impreveuë, 1478O depart, ô retour cause de mes tourmens,Ah Lyncée est ce là l’effet de vos sermens [ ?] 1480
Et enfin, on retrouve pratiquement le même jeu de scène avec les gardes dans les deux pièces. En effet, dans Les Danaïdes de Gombauld, à la scène 3 de l’acte IV, Danaus demande aux gardes d’emprisonner sa fille qui l’a trahi en sauvant Lyncée mais ceux-ci refusent ; de la même manière, dans le Lyncée d’Abeille, à la scène 2 de l’acte IV, un jeu se crée entre les ordres contradictoires que Danaüs et sa fille adressent aux gardes.
Par conséquent, on ne peut nier que cette première pièce, créée par Gombauld une trentaine d’années avant Abeille, a dû être une forte source d’inspiration pour notre dramaturge : on retrouve en filigrane des thèmes qu’Abeille va développer, amplifier, et surtout dramatiser, pour donner plus de profondeur à sa pièce, mais aussi plus de suspens et d’action ; et c’est ce qui fait de son œuvre une tragédie originale et bien menée, apportant aux spectateurs du dix-septième siècle les attentes qu’ils pouvaient avoir sur un sujet mythologique aussi connu que celui des Danaïdes.
Iphigénie de Racine (1674) §
Créée en 1674 dans un contexte particulier, nul doute que cette pièce a eu beaucoup d’impact sur notre dramaturge. En effet, à l’époque, une sorte de compétition apparaît entre Racine et Michel Le Clerc, un dramaturge beaucoup moins connu mais Abeille n’a pas pu l’ignorer. Racine s’intéresse au sujet d’Iphigénie en Tauride d’abord mais finit par rédiger une Iphigénie en Aulis, sujet qu’avait également choisi Le Clerc quelques mois plus tard puisque sa pièce est créée en 1675. Son auteur s’explique sur ce choix en 1676 rend="i_grand_titre":
J’avouerai de bonne foi que quand j’entrepris le sujet d’Iphigénie en Aulide, je crus que M. Racine avait choisi celui d’Iphigénie dans la Tauride, qui n’est pas moins beau que le premier. Ainsi le hasard seul a fait que nous nous sommes rencontrés, comme il arriva à M. Corneille et à lui, dans les deux Bérénices.13
Abeille n’a pas pu ignorer cette querelle dans une époque où le public était attentif à tous les événements littéraires. Dans un tel contexte, l’intérêt que l’on porte alors aux différentes versions du mythe d’Iphigénie a sans doute rappelé aux contemporains le passage de La Poétique dans lequel Aristote s’intéresse à la péripétie et où il cite la pièce de Théodecte, Lyncée, et dont Racine s’est sans doute inspirée pour son Iphigénie :
[…] et dans Lyncée on emmène Lyncée pour le faire mourir et Danaos le suit pour le tuer ; or, le cours des évènements fait que c’est Danaos qui périt et l’autre qui est sauvé.14 [Chapitre 11, § 1452a]
Et c’est exactement ce qui se produit dans Iphigénie puisqu’ Agamemnon fait venir sa fille pour la sacrifier aux dieux mais les événements sont tels qu’une autre Iphigénie accompagne la première à la mort et se fait sacrifier à sa place alors que la première est finalement sauvée. Et on voit bien que dans le Lyncée d’Abeille, Iphis joue ce même rôle avec le roi Danaüs. Or quatre ans après Iphigénie (1674), soit en 1678, Abeille fait représenter Lyncée pour la première fois à l’Hôtel de Bourgogne. Ainsi il est fort possible que cet illustre exemple lui ait inspiré l’idée de cette pièce qui repose sur le même type de péripétie recommandée par Aristote.
Et enfin, on peut s’apercevoir qu’Abeille a recours au même artifice que Racine pour justifier le mariage d’Achille avec Iphigénie, en intégrant le thème de la passion amoureuse : il en fait des amants de longue date, nouant l’action, la dramatisant, la rendant ainsi plus susceptible d’émouvoir le public. Le même schéma se reproduit dans l’intrigue d’Abeille puisque la scène 1 de l’Acte II met en scène une entrevue entre les deux amants, Hipermestre et Lyncée, dans laquelle ils s’avouent un amour mutuel et vertueux dont ils voient la récompense, ce qui ajoute une ironie tragique à la situation puisque le spectateur est informé par l’acte I des obstacles qui vont se dresser devant leur bonheur conjugal.
Phèdre de Racine (1677) §
Si l’Iphigénie constitue une source de taille pour le choix d’un tel renversement de situation, au niveau de la dramaturgie donc, Phèdre a sans doute aussi beaucoup inspirée notre auteur dans l’invention de son épisode. En effet, l’idée d’un projet de vengeance du côté de Sténélus lui est sans doute venue à la lecture des Danaïdes de Gombauld qui insiste sur le sentiment de culpabilité du roi. Mais cet épisode de la vengeance est parfaitement intégré et noué à légende grâce aux liens qu’il développe entre chacun des personnages, que ceux-ci soient légendaires ou inventés.
Et on retrouve ainsi le même départ que dans la pièce de Racine et le personnage de Phèdre est un modèle incontestable pour celui d’Erigone. Dès la liste des Acteurs, Erigone est vue comme la « Presque Epouse » de Danaüs, amante du roi. Mais la première scène détruit d’entrée tout idée de sentiment sincère entre le roi et la princesse en mettant en scène une conversation entre deux personnages liés par la parenté et par la confiance, dans une certaine mesure ; ce qui lui permet de montrer une Erigone qui dévoile sa duplicité envers le Roi. Et la scène suivante achève cette entreprise en plaçant un entretien de confidence entre Erigone et Dircé, sa suivante : dans une scène très proche de celle de Phèdre [acte I, scène 2], Erigone avoue son amour interdit pour celui qui va devenir son gendre, Lyncée, une sorte de fils par double alliance. En outre, comme dans Racine, la confidente joue un rôle important puisque c’est elle qui va à la rencontre de Lyncée ; comme dans Phèdre à la fin de l’acte IV, Erigone rejette la responsabilité de l’échec amoureux, anticipée à l’acte III, scène 1:
Mais ne decouvre point mes sentiments secrets [.] 616Dy luy de quels perils sa teste est menacée [;]Le reste languiroit sur ta langue glacée [:]Pour peindre des amans les douloureux combats,Il faut un coeur bien tendre et le tien ne l’est pas [.] 620Ces craintes sont ensuite avérées à la scène 5 de l’acte III :Ah si j’avois parlé [,] sans doute il m’auroit cruë [;] 717Tu n’estois du peril que foiblement emeuë [.]Je te l’avois bien dit. L’espoir que je concois,Eut donné plus de grace et de force à ma voix [.] 720
L’entrevue avec Lyncée est également très proche de celle entre Phèdre et Hippolyte dans le sens où Erigone se dévoile malgré elle et semble elle-même horrifiée par cet aveu :
Qu’ay je dit, ma vertu m’auroit-elle trompée [ ?] 826A travers la pitié [,] l’amour s’est il fait voir [ ?]Lache [,] t’aurois- je aymé sans m’en apercevoir [ ?] 828[Lyncée, Acte III, 6]
Phèdre également laisse éclater son amour pour Hippolyte malgré elle alors qu’elle n’était venue que pour plaider la cause de son fils :
Que dis-je ? Cet aveu que je viens de te faire, 693Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?15694[Phèdre, Acte II, 5]
Toutes deux se retrouvent alors face au dépit amoureux : Erigone, se voyant rejetée par un Lyncée horrifié, laisse éclater sa « fureur » :
Puisque par mon bienfait tu refuses de vivre,Meurs, et voy dans ta mort que c’est moy qui te livre [.]830[Lyncée, Acte III, 6]
Elle est poussée par une sorte de pulsion de mort, puisque prononcer la mort de celui qu’elle aime signifie prononcer sa propre mort ; et la suite le confirme puisque Lyncée refusant de fuir avec elle, elle prévoit de se suicider après le succès de son entreprise et demande même à son fils de la tuer lorsque celui-ci refuse d’accomplir l’oracle à la place de Lyncée. On retrouve cette même pulsion dans le personnage de Phèdre mais là directement retournée contre elle-même :
Venge-toi, punis-moi d’un odieux amour. 699[…]Voilà mon cœur. C’est là que ta main doit frapper. 704[…]Frappe. Ou si tu le crois indigne de tes coups, 707Si ta haine m’envie un supplice si doux,Ou si d’un sang trop vil ta main serait trempée,Au défaut de ton bras prête-moi ton épée.16710[Phèdre, II, 5]
La parenté entre les deux personnages paraît évidente quand on compare les deux scènes d’aveu, et de dépit, amoureux. Ainsi, il est fort probable que notre dramaturge se soit inspiré de cette pièce pour forger les relations entrecroisées entre les différents personnages, et c’est fort habile puisque ces liens passionnels assurent une greffe solide entre les éléments d’invention et les éléments mythologiques.
Cependant, il faut relativiser cette source d’inspiration car Abeille est loin de dramatiser le sentiment de culpabilité qui fait de Phèdre un personnage si fort et si pathétique, dans le sens où Erigone, face à son dépit amoureux, se détourne et semble se désintéresser du sort de Lyncée, se concentrant sur son projet de vengeance contre Danaüs et sa famille.
La synthèse des sources §
Abeille, comme son prédécesseur Gombauld, reprend la légende de Danaüs transmise par les Antiques. Ces œuvres de l’Antiquité étaient connues pour ces lettrés du XVIIe siècle et il semble logique qu’un jeune dramaturge comme Abeille s’attaque à une intrigue mythologique : il a certes 30 ans au moment de la représentation sur scène de Lyncée mais il n’en est qu’à sa troisième tragédie. Et le mythe des Danaïdes est relayé par un certain nombre de mythographes antiques, grecs et latins, dont les ouvrages sont utilisés comme base d’apprentissage de ces langues anciennes.
C’est pourquoi on retrouve les grandes lignes du mythe : la menace qui pèse sur le roi Danaüs alors qu’il avait fui avec ses filles pour échapper à son frère, la demande en mariage des Egyptiades, leur massacre durant la nuit des noces et surtout la trahison d’Hypermnestre qui épargne son mari Lyncée et provoque la colère de son père. Tous les Anciens sont unanimes sur cette version du mythe et tous mettent l’accent sur cette fameuse nuit des noces : Ovide fait faire à Hypermnestre un témoignage détaillée de cette nuit ; Eschyle dans Les Suppliantes amorce également cela en soulignant le caractère monstrueux d’un mariage forcé, justifiant implicitement la démesure du châtiment des Egyptiades par la démesure de leur revendication.
Les mêmes étapes sont respectées par Abeille mais tout son art consiste à lier ses étapes héritées de la mythologie de façon logique, avec des « transitions » qui s’inspirent de Gombauld mais qu’il va exploiter pour mieux dramatiser sa pièce et la rendre plus dynamique que celle de son prédécesseur. Contrairement à ses modèles, Abeille bannit la nuit des noces et le récit du meurtre, réussi ou non, des Egyptiades de l’espace de la représentation en avançant l’attentat sur Lyncée et en posant le dilemme d’Hipermestre avant les noces, érigeant Hipermestre en véritable héroïne conduite par un amour sincère et vertueux.
Ainsi, la crainte de Danaüs se matérialise dans sa pièce, comme dans celle de Gombauld, sous la forme de l’oracle qui va motiver sa décision de faire assassiner ses neveux par ses filles la nuit de leurs noces ; en choisissant de concentrer l’intrigue sur le personnage d’Hypermnestre, Abeille congédie la fameuse nuit des « noces sanglantes » (selon la formule de J.-P. Noël17) hors de l’espace scénique pour des raisons de bienséance et de commodités dramaturgiques, et met l’accent sur le dilemme de son héroïne puis sur sa désobéissance, voire sa trahison. Et si les dénouements divergent selon les auteurs, notre dramaturge en choisit un proche de celui de Gombauld où les amants réunis mais où Hipermestre se montre malheureuse et blâme son amant.
En effet, face à autant de textes différents sur le mythe, des divergences sont introduites, comme nous l’avons souligné plus haut ; les variantes au niveau du dénouement par exemple laisse aux dramaturges qui s’y intéressent une vraie liberté dans la composition de leur propre fable, en leur permettant de choisir leur propre perspective.
Mais Abeille reste très fidèle à l’œuvre de Gombauld puisqu’on voit dans Les Danaïdes un roi marqué par sa culpabilité envers Sténélus, l’ancien roi qu’il a destitué de son trône et conscient de mériter ses malheurs. À partir de là, Abeille va forger son personnage de Danaüs, un roi médiocre et faible, marqué par une forte contradiction, celle d’une conscience de son omnipotence en puissance mais pas en acte, en termes aristotéliciens : il est taraudé par les doutes et le remords, déchiré entre son désir de rester roi et celui d’épargner le bonheur de ses filles, qu’Abeille réduit à une seule, Hipermestre, représentante de toutes les Danaïdes. Et on peut supposer avec raison que cette culpabilité qui affleure dans l’œuvre de Gombauld va donner naissance à ce personnage fascinant et manipulateur qu’est Erigone, une sœur de Sténélus, aimée de Danaüs, ce qui permet de lier les deux actions, mais attachée à sa perte ; elle est flanquée d’un fils amoureux d’Hipermestre, faisant de lui un rival direct de Lyncée et, a fortiori, un allié pour sa mère. Ces deux personnages ouvrent la pièce et font entrer le spectateur de plain-pied dans une intrigue où la passion amoureuse domine dans la mesure où ces enjeux passionnels sont intimement liés à la vie, ou plus exactement à la mort des différents protagonistes.
On peut d’ailleurs penser que c’est de Phèdre que Lyncée hérite cette espèce d’amour incestueux, mais sans l’être réellement, entre la figure de la mère-reine et du fils-gendre. Cette intrigue complexe va permettre d’imbriquer étroitement et totalement leurs destins, donnant plus de poids aux actions. De plus, la présence de l’oracle divin, doublée par la force de persuasion d’Erigone, elle bien humaine et d’autant plus forte qu’elle est l’être aimé, parachève la constitution de la personnalité de ce roi faible, lâche mais humain, le dédouanant dans la mesure où il est manipulé et donc pas entièrement responsable de ses actes ; et c’est ce qui va en faire un personnage qui va susciter l’indifférence des spectateurs, malgré sa crédulité, malgré l’assassinat de ses neveux, et le rendre susceptible de provoquer ce plaisir si particulier qu’évoque Aristote dans La Poétique.
Lyncée ou la passion comme moteur de l’action §
L’examen de cette pièce d’Abeille révèle que les personnages sont tous reliés étroitement les uns aux autres par une intrication complexe ; mais ils se rassemblent tous sous la même enseigne, celle de la passion, que celle-ci soit vengeresse ou amoureuse.
En effet, dans cette pièce d’Abeille, il apparaît évident que la passion règle et conditionne les actes des personnages : Erigone est dominée par son désir de vengeance mais également sa jalousie amoureuse, Danaüs par son instinct de conservation, son orgueil et aussi par son amour pour Erigone, Iphis par Hipermestre et sa mère, Lyncée par Hipermestre et Hipermestre par Lyncée mais aussi par son devoir filial envers son père. Toutes ces relations sont étroitement imbriquées et sont en constantes frictions, s’entrechoquant sans cesse dans cette pièce et menant les personnages à leur perte.
Mais c’est exactement la définition que donne Racine de la Tragédie dans sa préface de Bérénice, que nous avons déjà cité plus haut : « une action simple, soutenue de la violence des passions18 ». De plus, Abeille est le premier à dramatiser et à souligner le dilemme qui se pose à Hipermestre, créant ce que l’abbé d’Aubignac appelle le « Mixte », le dilemme engendré par la friction entre le devoir et la passion. Or, c’est un thème récurrent dans le discours de l’Hipermestre d’Abeille, une sorte de leitmotiv dans la bouche de son personnage, le dilemme entre « la nature et l’amour19 ».
Comme on le voit chez Hipermestre, c’est la passion qui l’emporte toujours : elle offre une réelle motivation aux actes tout en se posant comme entrave à l’action. Ainsi, la désobéissance de la jeune fille ne fait que retarder le dénouement funeste à Danaüs et ménager un suspens susceptible de provoquer les plus vives émotions aux spectateurs. G. Forestier souligne ceci comme un héritage de la Tragi-comédie, « l’amour comme force d’entraînement irrésistible qui pousse les héros aux plus folles aventures et les méchants aux actes les plus extrêmes20 ». Ceci ne se comprend avec Erigone que dans la mesure où, chez elle, le désir de vengeance prime sur toute autre passion et c’est ce qui explique pourquoi elle se désintéresse du sort de Lyncée (avec tout de même une once de dépit amoureux). D’ailleurs, la vengeance est considérée comme la plus noble des passions et prend presque toujours le pas sur toutes les autres. Et Georges Forestier met en exergue ces différentes passions du XVIIe siècle que l’on voit mises en scène par les dramaturges : « la vaine gloire (l’orgueil), l’ambition, l’amour, la jalousie, la haine21 », inspirées du Triomphe des cinq passions (1642), cinq tragédies en un acte de Gillet de la Tessonerie, auxquelles il faut ajouter « la vengeance ». Toutes ses passions affleurent dans la pièce et régissent les relations entre les personnages, leurs actes et leur sort. Chaque action découle des sentiments passionnels de la précédente et relance l’intrigue, permettant d’ailleurs de créer une instabilité, une imprévisibilité et de ménager des possibilités de retournements de situation.
Dans le Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique (1660), Corneille affirme que la présence de la passion amoureuse n’a de sens que dans une relation conflictuelle avec un grave péril politique ou avec des passions nobles comme l’ambition ou la vengeance :
Lorsque l’on met sur la scène un simple intrique d’amour entre des rois, et qu’ils ne courent aucun péril, ni de leur vie, ni de leur Etat, je ne crois pas que bien que les personnes soient illustres, l’action le soit assez pour s’élever jusqu’à la tragédie. Sa dignité demande quelque grand intérêt d’Etat, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l’amour, telles que sont l’ambition ou la vengeance ; et veut donner à craindre des malheurs plus grands, que la perte d’une maîtresse. Il est à propos d’y mêler l’amour, parce qu’il a toujours beaucoup d’agréments, et peut servir de fondement à ces intérêts, et à ces autres passions dont je parle ; mais il faut qu’il se contente du second rang dans le poème, et leur laisse le premier22.
C’est la raison pour laquelle le Cid est bien une tragédie pour Corneille et non pas une Tragi-comédie. Et cette explication vaut aussi parfaitement pour le Lyncée d’Abeille : Erigone se heurte à la fois à son désir de vengeance et à sa passion pour Lyncée, Hipermestre à son amour pour Lyncée qui met en péril la vie de son père, Lyncée à son amour qui met sa vie en péril.
À la suite de cette analyse, il devient évident que cette tragédie d’Abeille est bien une tragédie en accord avec les principes de son temps, conforme à ce que les spectateurs peuvent attendre d’un poème dramatique, qu’ils soient simples amateurs, praticiens ou théoriciens, juges tacites de l’application des grandes règles unanimement reconnues en 1678.
Lyncée : une tragédie aristotélicienne par excellence §
De l’oracle aux péripéties : le choix d’un retournement vraisemblable §
En effet, avec l’intervention d’un oracle qui constitue l’élément déclencheur de la sombre machinerie d’Erigone, le dramaturge aurait pu opter pour un dénouement à machines ; pourtant, il a écarté cette possibilité et s’est attaché à souligner que chaque action, guidée par la passion, quelle qu’elle soit, découle de la précédente. Ainsi, Erigone, guidée par son désir de vengeance, exige la mort de Danaüs parce qu’il a abusé de la bonté de Sténélus et qu’il a causé sa perte. Ainsi, Abeille a donc veillé à rendre son intrigue la plus cohérente possible, selon les principes qui se sont imposés à cette époque.
En effet, héritée des Anciens mais rationalisée au XVIIe siècle sous l’impulsion de théoriciens tels que Chapelain et l’abbé d’Aubignac, les principes de la vraisemblance et de la bienséance sont unanimement respectés dans la deuxième moitié du Grand Siècle et conduisent ainsi à construire une action dramatique la plus cohérente et vraisemblable possible, et c’est là que l’art et l’habileté du poète va se révéler. Et tous les dramaturges s’accordent pour dire que cette partie de l’élaboration de l’action est déterminante dans le succès de son Poème.
Il faut d’abord s’attacher à définir en quoi consiste exactement cette unité d’action et ce que les auteurs du XVIIe siècle entendaient par « action » ; c’est pourquoi il est intéressant de se pencher sur ce qu’en dit Corneille dans son troisième Discours :
Je tiens donc, et je l’ai déjà dit, que l’unité d’action consiste […] [en] l’unité de péril dans la tragédie, soit que son héros y succombe, soit qu’il en sorte. Et ce n’est pas que je prétende qu’on ne puisse admettre d’autres périls […], pourvu que de l’un on tombe nécessairement dans l’autre23.
Toute l’élaboration poétique consiste donc en l’habileté du dramaturge à bâtir une intrigue à partir du mythe qu’il a élu, à choisir le ou les périls auxquels seront confrontés ses personnages, et donc à créer une action telle qu’elle pourra susciter une émotion tragique à sa seule lecture ; cette émotion doit par conséquent se dégager du fond même du mythe, c’est-à-dire indépendamment de la représentation scénique : la compassion, la terreur – les deux émotions prônées par Aristote – doivent pouvoir émerger de la simple réflexion sur les différents événements qui constituent l’intrigue.
Ainsi le choix du sujet est une phase déterminante dans la composition du Poème car même si cela peut paraître trivial, il est nécessaire de bâtir l’intrigue sur trois étapes indispensables, un début, un milieu et une fin, comme le recommande Aristote dans sa Poétique : « La tragédie est l’imitation d’une action complète et entière [...]. Est entier ce qui a commencement, milieu et fin24. » À partir de là, on distingue différentes démarches chez les auteurs mais dont la plus recherchée par les contemporains est celle d’une action construite à rebours c’est-à-dire que le dramaturge reconstitue la chaîne des événements liés les uns aux autres par une relation de cause à effet ; on part donc du dénouement pour reconstruire l’histoire qui va être représentée. En effet puisque le principe premier de l’art poétique est la vraisemblance et la nécessité, l’intrigue repose sur un enchaînement de causes et d’effets qui conduisent d’une situation initiale à un dénouement ; et c’est précisément à partir de ce type de dénouement rabattu avec une composition à rebours qu’Abeille construit son Lyncée.
Le premier élément qui attire l’attention, à la lecture de cette pièce classique, est sans conteste le jeu que le dramaturge déploie pour l’élaboration de son dénouement. Pour Aristote, il y a deux types d’actions, simple ou complexe mais la seconde lui apparaît supérieure car le plaisir de la surprise, causée par la reconnaissance, suscite de plus grandes émotions chez le spectateur. Et il cite pour exemple l’Œdipe roi de Sophocle et le Lyncée de Théodecte comme des pièces typiques de la scène de retournement de situation dans le sens où un personnage accompagne un autre à la mort et c’est lui qui se fait tuer. Et dans la pièce d’Abeille, Danaüs, accompagné par Iphis, se lance à la rencontre de Lyncée pour le tuer mais c’est lui qui se fait assassiner par Iphis, par un véritable revirement de situation puisque celui qui l’accompagne pour l’aider se révélera être son bourreau. Cette dernière machination d’Erigone contre Danaüs, après les deux premiers échecs – l’assassinat de Lyncée par Hipermestre puis la tentative d’Erigone pour convaincre Lyncée de fuir avec elle – est celle qui lui portera le coup fatal :
Non [,] si de mon tyran la teste est menacée, 1261Il ne doit point perir par la main de Lyncée [.]De ce fer, seul laissé dans son apartement,J’attens de Danaüs le juste chastiment [.]Enfin de son destin j’ay percé le mistere [ :]En vain [,] luy dit l’oracle [,] en vain tu fuis ton frere,Evite si tu peux le fer de ses fils,Et c’est ce mesme fer qu’en tes mains j’ay remis [.]251268
Ces paroles d’Erigone, le personnage qui pourtant détient le pouvoir sur les autres et elle est l’instigatrice du complot, n’intervient qu’au dernier acte, prouvant que c’est ici que se produit la révélation de l’énigme posé par l’oracle, à savoir comment les événements s’enchaîneront de sorte que Danaüs trouve la mort par l’arme de son neveu.
Abeille fait reposer le succès de sa pièce sur cette prédiction donc, qui revient comme un leitmotiv, ou plus exactement comme une épée de Damoclès dans sa tragédie mais pourtant absente des premières écritures du mythe des Danaïdes. Et c’est cet élément qui constitue le support même de l’appropriation personnelle du mythe par le dramaturge. En effet, bien que le dénouement soit prévu par les spectateurs érudits du XVIIe siècle, le mythe doit offrir un « espace de liberté »26 au dramaturge. Abeille inscrit cette liberté dans l’oracle, s’appropriant le mythe par l’ambiguïté de ces paroles. Pour Christian Delmas, le mythe doit correspondre non seulement à l’imaginaire personnel du dramaturge mais aussi aux rêveries collectives de son public, aspirations et hantises. Ainsi, on retrouve dans cette pièce d’Abeille les schémas traditionnels hérités d’Aristote et sa notion de violence au sein des alliances : les frères ennemis que sont Danaüs et Aegyptus, les noces qui se terminent par un véritable massacre des époux, et enfin la désobéissance d’une fille à son père. Et l’auteur noue tous ces schémas grâce à cet oracle qui en est l’élément déclencheur.
Cependant, ce choix n’est pas courant au XVIIe siècle : on recense une vingtaine de pièces où l’on se sert d’oracles, telles qu’Antigone et Iphigénie de Rotrou, La Thébaïde et l’Iphigénie de Racine, Horace, Andromède, Œdipe de Corneille. Mais l’usage de l’oracle n’est pas considéré comme un véritable procédé dramaturgique et il existe peu de critique sur la question, avant la critique récente de Bénédicte Louvat-Molozay. On note juste ces quelques lignes de La Dramaturgie classique en France de Jacques Scherer :
Quand les Dieux, leurs interprètes ou leurs ministres, rendent des oracles ou prophétisent, ils ne sauraient s’exprimer comme les personnages ordinaires de la tragédie27.
Bénédicte Louvat-Molozay note cette carence et se penche sur cette question laissée sans réponse par les grands théoriciens du XVIIe siècle. Dans son article De l’oracle de tragédie comme procédé dramaturgique28, elle note que l’usage de la parole oraculaire peut répondre à deux contraintes : s’il s’agit d’un sujet légendaire, il s’inscrit dans une perspective de réécriture du mythe, donc d’une écriture à contrainte imposée par le texte source ; ici, ce n’est pas le cas puisqu’il n’y a pas d’oracle à la source. La seconde hypothèse est donc que c’est un ornement de théâtre destinée à rehausser la pompe des spectacles tragiques, allant à l’encontre du principe de vraisemblance.
L’oracle entre donc effectivement dans l’irrationnel, c’est la parole divine et énigmatique par là même. Il devient, dans notre pièce, un outil qui donne une motivation à l’action, la déclenche et la justifie. Il offre une vision du dénouement mais une vision partielle, altérée et déformée de ce dénouement ; l’oracle fait donc l’objet d’une relecture sous l’éclairage du dénouement. Et Corneille le note, dans son examen d’Horace, en 1660 :
L’oracle qui est proposé au premier acte trouve son vrai sens à la conclusion du cinquième. Il semble clair d’abord, et porte l’imagination à un sens contraire, et je les aimerais mieux de cette sorte sur nos terres, que ceux qu’on fait entièrement obscurs, parce que la surprise de leur véritable effet en est plus belle. Je voudrais qu’ils eussent l’idée de la fin véritable de la Pièce, mais avec quelque confusion, que n’en permît pas l’intelligence entière.
Ainsi, Erigone, qui complote contre Danaüs, pense saisir le sens profond de l’oracle alors même que le roi ne semble pas convaincu de la « contre-attaque » qu’il lance. Les paroles qu’il adresse à Erigone, du vers 257 à 272, montrent ses incertitudes à propos de l’oracle et de l’ambiguïté inhérente :
Mais des perils d’un homme un Dieu souvent se joue,Et ne luy donne avis qu’il peut y succomber,Qu’afin que l’oeil ouvert il s’y laisse tomber29.
Abeille se sert donc parfaitement de cet outil et va même plus loin en le réinvestissant d’un nouvel emploi puisqu’il se transforme et est perverti par l’usage qu’en fait Erigone, argument de poids pour balayer les doutes de Danaüs, inspiration et motif de la péripétie et du dénouement malheureux pour le roi. Abeille en fait donc le nœud de l’action puisque l’intérêt de la pièce est bien de savoir comment l’oracle va s’accomplir. Au dénouement, on ignore réellement si les deux amants iront se marier, si Erigone a réellement mis fin à sa vie ; tout ce qui importe, c’est l’accomplissement de l’oracle qui réservait une surprise donc aux personnages, et aux spectateurs. Et cet oracle réserve d’autant plus de surprise au public que le dénouement repose sur les actes et les intrigues de personnages épisodiques, des personnages sortis tout droit de l’imagination du dramaturge et dont les spectateurs, qui connaissent le mythe, ne peuvent anticiper les actions.
Amour et vengeance : un épisode parfaitement greffé au mythe §
Abeille s’inspire, pour son dénouement, de la matrice mythologique mais fait preuve d’une créativité certaine en greffant habilement ce que les théoriciens appellent un « épisode » : on a donc affaire à une action complexe, basée sur des retournements de situation qui ménagent des effets de surprise, des « péripéties » ou coups de théâtre. Abeille, par ce biais, procède ainsi à une véritable rationalisation du mythe puisque ce n’est plus l’oracle qui va porter la destinée des personnages mais son utilisation par le personnage épisodique qu’est Erigone.
Ce type de pièces à action complexe est considéré par Aristote comme supérieur aux autres car le plaisir de la surprise provoque les émotions les plus fortes, à l’instar de l’Iphigénie de Racine. L’intrigue de Lyncée est donc constituée de l’action principale, le massacre des Egyptiades orchestré par Danaüs et le refus d’Hipermestre : le début est la crainte de Danaüs de voir l’oracle s’accomplir, le milieu, la trahison d’Hipermestre qui refuse de sacrifier son amant et la fin, la mort de Danaüs tel que l’avait prédit l’oracle. À cette action principale s’ajoute un épisode inventé, le désir de vengeance que nourrit Erigone, désir lui-même compliqué par son amour pour Lyncée. Mais l’épisode, que Heinsius définit comme « tout ce que le poète ajoute à côté de [l’]action30 », s’inscrit clairement sous le signe de l’enjeu amoureux, liant étroitement l’amour et le péril, puisque l’auteur va jusqu’à ouvrir sa pièce sur les seuls personnages épisodiques ayant une conversation sur un sujet de galanterie. Et Erigone, aux vers 838 à 840 de l’acte III, scène 6, résume parfaitement cet état des choses :
Tu mourras [,] c’est ainsy [,] Barbare [,] que je t’ayme [.] 838Mais de quelque fureur que mon cœur soit armé,Il n’a tenu qu’à toy d’estre autrement aymé. 840
Ainsi, que ce soit pour Danaüs, Erigone ou Iphis, l’échec amoureux les conduit tous les trois directement à la mort ; Iphis annonce d’ailleurs dès la première scène qu’un dépit amoureux signifierait sa mort précoce :
Vous dites vray, Jamais je ne verray Lyncée, 34Maistre ou Tyran d’un coeur qu’il ne merite pas [.]J’espere, et mon espoir est ce fer et ce bras [.] 36
Et c’est la même chose qui se produit avec Danaüs, à la scène 3 de l’acte V qui court à la rencontre de son destin par amour pour Erigone, amour qu’il croit réciproque :
J’y cours puisque mes jours vous sont si precieux, 1375Je les disputeray mesme contre les Dieux.
Tout l’intérêt de l’épisode consiste donc en cet ajout d’enjeux amoureux. Abeille ne change pas la perspective des auteurs antiques puisque son Hipermestre est touchée par la vertu de son mari ; mais il va un peu plus loin en soulignant la passion amoureuse entre les deux jeunes gens : il offre aux deux amants une longue scène, à l’acte II, où ils s’avouent un amour réciproque, cultivé dans la vertu, et proche de l’esthétique racinienne en cela qu’elle est bien antérieure au temps de la représentation et donc de l’obstacle, datant de trois ans déjà, comme le soulignent les amants plusieurs reprises dans la même scène (Acte II scène 1, v. 389-392). Il en fait donc deux parfaits héros de tragédie, captant la bienveillance de spectateurs qui ne peuvent être qu’émus par leur vertu et leur courage face aux obstacles du destin, par opposition aux passions destructrices que montrent Erigone et son fils. Cet épisode vient donc soutenir l’action principale et mettre en branle une chaîne d’événements reliés par des rapports de cause à effet, rendant l’intrigue la plus vraisemblable possible. En cela, Abeille s’inscrit comme un disciple de Corneille qui écrivait dans son premier discours, le Discours du Poème dramatique :
Ces épisodes sont de deux sortes, et peuvent être composés des actions particulières des principaux acteurs, dont toutefois l’action pourrait se passer, ou des intérêts des seconds amants qu’on introduit, et qu’on appelle communément des personnages épisodiques. Les uns et les autres doivent avoir leur fondement dans le premier acte, et être attachés à l’action principale ; c’est-à-dire y servir de quelque chose, et particulièrement ces personnages doivent s’embarrasser si bien avec les premiers, qu’un seul intrique brouille les uns et les autres31.
C’est exactement le cas puisque Erigone s’efforce de pousser Danaüs à la mort, de séparer les deux héros et de manipuler les actes d’Iphis pour atteindre son objectif, l’accomplissement de l’oracle, autrement dit le dénouement connu et attendu du mythe de Danaüs.
La construction des personnages révèle ici son importance puisque d’eux dépendent le succès de la pièce, dans leur jeu d’intrication les uns avec les autres, leurs intérêts se heurtant les uns aux autres. On pense évidemment à Racine, qui avoue, à propos d’Iphigénie :
J’ay rapporté tous ces avis differens, et sur tout le passage de Pausanias, parce que c’est à cet Auteur que je dois l’heureux Personnage d’Eriphile, sans lequel je n’aurois jamais osé entreprendre cette Tragedie. Quelle apparence que j’eusse souillé la Scène par le meurtre horrible d’une personne aussi vertueuse et aussi aimable qu’il falloit representer Iphigenie ? Et quelle apparence encore de dénoüer ma Tragedie par le secours d’une Déesse et d’une machine, et par une metamorphose qui pouvoit bien trouver quelque créance du temps d’Euripide, mais qui seroit trop absurde et trop incroïable parmi nous ?
Je puis donc dire que j’ay esté tres-heureux de trouver dans les Anciens cette autre Iphigenie, que j’ay pû representer telle qu’il m’a plû, et qui tombant dans le malheur où cette Amante jalouse vouloit précipiter sa Rivale, merite en quelque façon d’estre punie, sans estre pourtant tout-à-fait indigne de compassion. Ainsi le denoüement de la Piece est tiré du fond même de la Piece. Et il ne faut que l’avoir veû representer, pour comprendre quel plaisir j’ay fait au Spectateur, et en sauvant à la fin une Princesse vertueuse pour qui il s’est si fort interessé dans le cours de la Tragedie, et en la sauvant par une autre voie que par un miracle, qu’il n’auroit pû souffrir, parce qu’il ne le sçauroit jamais croire32.
Abeille s’inspire sans doute de cette démarche extraordinaire de Racine pour écrire sa pièce et ménager, grâce à l’invention du personnage épisodique d’Erigone, un dénouement complètement différent de ceux choisis par ses prédécesseurs, tout en maintenant une fin tragique. Erigone apparaît providentiellement pour prendre les décisions à la place de Danaüs et en assumer ainsi une bonne part de la responsabilité du crime : le mythe originel montre un Danaüs qui décide librement, en apprenant les desseins politiques de son frère Aegyptus, de donner à chacune de ses filles une dague pour tuer leurs maris la nuit des noces. Abeille approfondit les faits en inventant une Erigone manipulatrice qui innocente ainsi en partie Danaüs.
L’introduction de ces personnages épisodiques est donc l’occasion pour le dramaturge de troubler les deux amants et de faire surgir des obstacles devant eux par la création de rivaux. Outre l’oracle qui menace Danaüs et indirectement Lyncée, ces rivaux amoureux que sont Erigone et Iphis vont faire s’entremêler enjeu amoureux et péril réel sur leur vie même. La pièce s’ouvre sur ces personnages d’invention dans une conversation sous une forme continuée : le premier mot prononcé est un « non » d’Iphis, refus de celui-ci d’assister à la victoire amoureuse de son rival. Ces personnages sont les garants de l’originalité de l’auteur du poème dramatique. Ils portent en eux toute la créativité du dramaturge et ménagent les éléments de surprise que ce dernier réserve à ses spectateurs. D’ailleurs, dans le Lyncée, Abeille souligne que les initiatives, mêmes faites avec de mauvaises intentions, viennent d’Erigone et d’Iphis. Certes, Hipermestre organise la fuite de Lyncée mais il faut reconnaître que les caractères de la source mythique sont dominés par les deux premiers, et qu’ils ne font finalement que réagir à leurs manigances. Une certaine passivité se dégage de ces personnages ; même Hipermestre qui apparaît au départ comme la plus lucide, est bernée jusqu’à la fin du cinquième acte.
Quand épisodes et mythe se mêlent pour créer l’action dramatique §
À la suite de l’examen de la démarche poétique, il apparaît clairement que le succès de la tragédie repose sur l’habileté du poète à lier les éléments du mythe et de l’épisode pour n’en faire qu’une intrigue cohérente et vraisemblable, avec des personnages dont la présence est pleinement justifiée, qu’ils appartiennent au mythe ou non.
Dans Lyncée d’Abeille compte sept personnages auxquels il faut ajouter des gardes. Pour mesurer leur importance, on s’attache à comparer leur présence sur scène et leur temps de parole respectif. À partir de cet examen précis, se dégagent le rôle et la fonction précise de chacun des personnages. L’étude du schéma actantiel permet de mieux appréhender la pièce et de comprendre ces relations entre personnages.
DESTINATEUR : Vengeance
DESTINATAIRE : Elle-même
SUJET : Erigone
OBJET : Danaüs
ADJUVANTS : Iphis, Dircé
OPPOSANTS : Hipermestre, Lyncée
Ce schéma actantiel conduit donc à éclairer les relations de symétrie et d’opposition entre les personnages : ils se définissent les uns par rapport aux autres et il apparaît évident que c’est Erigone qui domine toute la pièce et constitue un élément moteur de l’action dans le sens où elle apparaît dans la plupart des scènes, très exactement dans quinze scènes sur les vingt six du total de la pièce, qui lui offre ainsi une large prédominance sur les autres personnages. Nous verrons donc en quoi elle constitue une influence considérable dans la pièce et détermine leurs actions, et leur destinée.
Erigone : de l’oracle à l’art de la manipulation §
On pourrait trouver surprenant de trouver une pièce intitulée Lyncée alors qu’il n’occupe que cinq scènes sur les vingt six de la pièce ; comme pour Bajazet, ceci s’explique par le fait que Lyncée concentre tous les enjeux, chacun des personnages ayant des attentes vis-à-vis de lui : Danaüs voit en lui son assassin et désire sa mort, Hipermestre attend de lui qu’il fuit et n’accomplisse jamais l’oracle, Erigone souhaite s’enfuir avec lui et Iphis cherche à vaincre ce rival amoureux. Toutefois, il est incontestable que c’est Erigone qui mène le jeu dans la pièce, bien qu’elle ne soit qu’un personnage épisodique, avec son fils Iphis.
Comme nous l’avons démontré dans la partie consacrée aux sources, nul doute qu’Abeille s’est inspiré de Gombauld pour créer de toute pièce cette sœur venue venger son frère, incarnation de la culpabilité de Danaüs envers Sténélée. Mais si l’on consulte le Dictionnaire historique de Moreri, on découvre une légende liée à une jeune femme appelée Erigone.
Fille d’Icarius, elle se pendit de désespoir après avoir appris la mort de son père. En effet, ce dernier se vit offrir par Bacchus une outre de vin qu’il partagea avec ses amis et ils s’enivrèrent. Les gens crurent qu’ils avaient été empoisonnés et assassinèrent Icarius, qu’ils enterrèrent ensuite. Sa chienne le retrouva et Erigone se pendit à un arbre. Quelque temps après, des femmes et des filles athéniennes furent transportées d’une telle fureur qu’elles allèrent se pendre d’elles-même. L’oracle consulté répondit que le malheur venait qu’on avait négligé la mort d’Icarius et de sa fille Erigone.
Nul ne sait si Abeille a réellement forgé la personnalité de la jeune femme en s’inspirant de cette légende mais on peut y voir tout de même un lien face à cette volonté de venger la mort d’un proche, au mépris de sa propre vie et de celle de son fils.
L’Erigone de Lyncée est un personnage féminin hors norme en partie inspirée de la Phèdre de Racine : c’est une reine atypique, qu’on décrit d’entrée comme la « Presque Epouse » de Danaüs avec tout ce que cela comporte d’autorité. On peut à juste titre supposer qu’elle est veuve puisqu’elle a un fils de l’âge des héros, Hipermestre et Lyncée, ce qui lui confère pouvoir et indépendance. En effet, au dix-septième siècle, les jeunes filles dépendaient de leur père jusqu’à ce qu’elles se marient. Or, Erigone montre une indépendance et un machiavélisme qui la rend différente des héroïnes fragiles et éplorées qu’on a l’habitude de mettre sur la scène, plus proche de la tradition des grandes furies du théâtre, notamment celles de Corneille. Evidemment, on n’assiste pas, dans notre pièce, comme dans l’Iphigénie de Racine, à la métamorphose du personnage en furie mais Erigone montre tout de même des similitudes dans le sens où elle est gouvernée par sa passion, la vengeance, et met sa vie et celle de son fils en danger au nom de cette fin. Il n’y a chez ce personnage aucun calcul politique : son objectif n’est pas de reprendre le trône d’Argos, alors qu’elle pourrait y prétendre, mais bien de venger la mort de son frère. Elle va même très loin puisque c’est sans regret, il nous semble, qu’elle livre son amant à la mort, le sacrifiant lui aussi à sa vengeance.
De plus, par son ascendant sur Danaüs, elle tient entre ses mains la vie de tous les autres personnages : son amant Danaüs se laisse subjuguer, au sens littéral, par elle, d’autant plus aisément qu’elle a pris soin d’échafauder sa vengeance sur la base d’un oracle ; elle manipule son fils en touchant des cordes sensibles telles que son dépit amoureux ou encore son amour filial ; elle convainc Lyncée qu’Hipermestre va le sacrifier à son père et parvient même à berner cette dernière qui l’avait pourtant démasquée un peu plus tôt.
Erigone est donc le personnage machiavélique au sens où elle n’a aucun scrupule à manipuler des personnes qui lui sont chères pour assouvir sa soif de vengeance et sa passion amoureuse. Elle tente même de convaincre Lyncée de s’enfuir avec elle à la scène 6 de l’acte III mais, voyant son dégoût, finit par le sacrifier à sa vengeance :
Montons sur vos vaisseaux: allons loin de ces bords, 795Elever des autels à tant d’Illustres morts,D’un Pere abandonné charmer l’inquietude,Et de sa triste cour remplir la solitude [ ;]Vous luy direz Seigneur me presentant à luy,Que j’ay de ses vieux jours sauvé l’unique appuy,Qu’on l’auroit veu sans moy survivre à sa famille,Que je luy tiendray lieu d’Hipermestre et de fille, 802
Mais elle s’interrompt finalement devant le silence de Lyncée, preuve de son horreur, et c’est sans vergogne qu’elle déclare sa sentence quelques vers plus loin : « Tu mourras c’est ainsy Barbare que je t’ayme » (v. 838). Après cette scène, il ne sera plus jamais fait allusion à cet amour et c’est toute entière qu’Erigone se livre à son projet vengeur. Même son amour maternel pour Iphis disparaît au profit de cette fureur vengeresse pour laquelle elle sacrifie jusqu’à sa propre vie et celle de son fils.
Erigone incarne ainsi le type d’héroïne tyrannique, duplice et manipulateur et, par là même, son outil de prédilection se trouve être la parole, d’autant plus qu’on se trouve ici dans le genre littéraire consacré à la parole par excellence. À travers ce personnage, on peut retrouver un fil conducteur dans toute la pièce, bâtie sur ce personnage qui se sert de ses discours comme d’une arme : ses mots sont la marque de la dissimulation et de la duplicité chez elle, et qui s’écroule quand ce qui la motive, la vengeance, est accompli. En effet, Erigone apparaît dans tous les actes, dans la plupart des scènes (15 scènes sur 26), ce qui fait d’elle un personnage pratiquement omniprésent. Et sans cesse, elle ramène l’attention sur ce qu’elle dit car c’est elle qui est l’instigatrice du complot et qui révèle comment elle va accomplir. Et on remarque que dans l’acte I (scène 1) elle se garde bien de tout dire à son propre fils, même si leurs intérêts sont communs. Si elle avoue le complot à Lyncée, c’est pour le précipiter dans un piège d’ordre amoureux, en sa faveur. Elle est, comme elle le déclare à Lyncée dans la scène 6 de l’acte III « du secret seule dépositaire » (v. 785), la seule – avec Dircé – à connaître tous les éléments du complot dont elle est la tête pensante et régule l’information, même envers son fils, à qui elle confie pourtant à la fin la tâche d’accomplir son vœu meurtrier :
Mais ne t’empresse point d’en sçavoir davantage, 129J’en dis trop. Laisse moy poursuivre mon ouvrage 130
C’est un personnage de la parole sans conteste car jamais elle n’agit directement et ne se montre sincère, même quand Danaüs met sa vie entre ses mains, la laissant libre d’accomplir sa vengeance :
Mais quoy de vos parens j’occupe icy le rang, 1359La pourpre qui me couvre est teinte de leur sang,Me perdre et me haïr n’est pas pour vous un crime,C’est le mien seul qui rend mon soupçon legitime [.]Ouy vangez vous [,] joignez ma fille à mes destins,Et mon coeur et le sien tout est entre vos mains. 1364
Malgré cette abdication du roi Danaüs en sa faveur, elle refuse d’agir elle-même et préfère le manipuler et causer sa perte par une nouvelle ruse.
Mais la force rhétorique manipulatrice d’Erigone se manifeste dans tout son éclat à la scène 5 de l’acte IV : Hipermestre a révélé à son père tout du complot d’Erigone et de son amour coupable pour Lyncée et Danaüs exige une entrevue avec elle. Elle adopte alors une stratégie étonnante : elle refuse de nier et feint l’indignation et l’outrage face à de telles accusations. Cette stratégie fonctionne à la perfection et suscite le remords du roi, persuadé de l’avoir accusé à tort à la fin de cette scène. Elle parvient même à retourner Hipermestre contre Lyncée, à la scène 4 du dernier acte. Chacun des personnages se transforme en pantin entre ses mains, charmé par ses paroles derrière lesquelles elle dissimule, même à son fils, ses intentions réelles.
Erigone apparaît ainsi comme le cerveau de l’action, le double du dramaturge : elle ne peut exécuter elle-même la sentence, elle ne peut agir directement que par sa parole, mais elle manipule ses gens, comme le dramaturge ses personnages. Mais son pouvoir réside uniquement dans cette capacité à retenir les informations et à les plier de telle sorte qu’elles servent ses intérêts ; une fois que sa volonté s’est accomplie, elle n’a plus d’existence : elle quitte la scène sans doute pour se donner la mort puisque sa mission est accomplie. Certes, son plan initial a été un échec : Lyncée refuse de s’enfuir avec elle et c’est Iphis qui accomplit l’oracle avant de se donner la mort. Mais elle parvient toutefois à accomplir sa vengeance envers Danaüs et sa descendance, dans la mesure où elle ruine les noces d’Hipermestre et de Lyncée.
Toutefois, il existe une exception dans le discours parfaitement agencé d’Erigone, c’est le discours de l’amour qu’elle ne parvient pas à mener à bien. Son entrevue avec Lyncée a signé l’échec de ses desseins amoureux et le constat d’échec se fait sous le signe de la parole, contre la parole :
Qu’ay je dit, ma vertu m’auroit-elle trompée [ ?] 826A travers la pitié [,] l’amour s’est il fait voir [ ?] 827
Habituée à tromper et à dissimuler ses véritables sentiments, elle est incapable, au moment de plaider sa cause, de dissimuler sa passion pour Lyncée, qui se révèle au mépris de l’argumentation raisonnable qu’elle lui tient. Il y a donc l’idée d’un langage propre à l’amour, comme elle le suggère à Dircé à la scène 1 de l’acte III :
Mais ne decouvre point mes sentiments secrets [.] 616Dy luy de quels perils sa teste est menacée [;]Le reste languiroit sur ta langue glacée [:]Pour peindre des amans les douloureux combats,Il faut un coeur bien tendre et le tien ne l’est pas [.] 620
L’écho de ces paroles est clair à la scène 5 où Erigone rejette sur sa suivante la responsabilité de l’échec, aux vers 719-720. De l’avis de sa maîtresse, Dircé n’a pas réussi à convaincre Lyncée uniquement parce qu’elle n’éprouve pas de sentiments amoureux, garants de la sincérité des amants ; mais, pour la même raison elle ne peut atteindre la parole sincère que requiert l’amour dans la mesure où tous ses mots sont empreints de duperie et d’intentions funestes.
Mais il faut préciser que l’invention d’un personnage si empli de vengeance et d’orgueil permet d’attirer l’attention, et les foudres du spectateur, sur son inhumanité, changeant ainsi le regard sur le personnage du roi Danaüs.
Elle apparaît d’autant plus comme détentrice de la vérité que c’est par elle que nous est révélée pour la première fois l’oracle aux vers 73-74, de façon indirecte certes :
Un oracle a parlé [,] si l’oracle est sincere,Cet assassin doit estre un des fils de son frere.
Abeille fait ainsi le choix d’évincer les personnages de devins, pourtant bien présents dans la pièce de Gombauld, au profit d’Erigone, la rendant ainsi responsable de cette prédiction ; d’ailleurs, sans son intervention, l’oracle ne se serait sans doute pas accompli, étant donné que Lyncée renonce à venger ses frères au nom de son amour pour Hipermestre.
Son véritable pouvoir réside en réalité dans sa force de persuasion et son ascendant sur celui qui devrait détenir le pouvoir, le Roi Danaüs, père d’Hipermestre, au centre de la prédiction, mais surtout amoureux d’Erigone. Cette passion, amoureuse ici, annihile son aura de pouvoir et, pire, le rend dépendant d’une femme aux mauvaises intentions : il devient une sorte de marionnette qu’elle pousse vers sa perte.
En effet, le roi est un personnage classique dans la tragédie. Par sa définition même, la tragédie s’attache à des personnages de haut rang et les dramaturges se plaisent à nouer les enjeux amoureux aux périls d’ordre politique pour dramatiser leur intrigue. Cette pièce d’Abeille n’échappe pas à cette règle, d’autant que Danaüs est le personnage central dans ce mythe. En effet, c’est pour conserver sa vie qu’il monte ce piège pour ses neveux et c’est à lui qu’Erigone en veut directement.
Mais de façon traditionnelle, le personnage du roi, doublé de celui de père ici, incarne l’autorité absolue, concentrant le pouvoir royal et celui de père : cette autorité est incontestable et incontestée puisque quarante neuf de ses filles acceptent, sans broncher de toute évidence, de lui obéir ; Hipermestre, bien qu’elle lui désobéisse, elle-même reconnaît la supériorité de cet ascendant mais revendique une décision prise selon une autorité encore supérieure à celle de son père:
La nature sur moy vous a cedé ses droits, 587Mais l’honneur, la vertu ne sont point sous vos loix [.] 588
Mais il est habituel dans le théâtre du XVIIe siècle que les amants se heurtent à l’autorité royale, représentation par excellence de l’obstacle aux jeunes héros et les dramaturges ont vite compris l’intérêt de s’en servir comme ressort dramatique.
Pourtant, ce qui attire l’attention dans cette pièce, c’est qu’Abeille fait de Danaüs un personnage original puisqu’il est non seulement roi et père mais aussi amant, totalement sous l’emprise d’Erigone, n’accordant même plus aucune confiance à sa fille. Et l’on peut noter ce qu’en dit Jacques Scherer dans La Dramaturgie classique en France :
La tragédie n’hésite pas, en effet, à mettre en scène des héros qui soient aussi rois et pères, et qui souffrent dans leurs sentiments, parce qu’ils sont rois et parce qu’ils sont pères ; ainsi, dans Venceslas de Rotrou, le roi Venceslas, dans Iphigénie de Racine, le roi Agamemnon33.
Une fois de plus dans cette étude sur Lyncée, on retrouve la référence à l’Iphigénie de Racine ; et en effet, le personnage de Danaüs est très proche de celui d’Agamemnon. Pères d’une fille qui tient leur destinée entre les mains – d’Iphigénie dépend le succès de la bataille et d’Hipermestre la survie du roi –, tous deux se trouvent confrontés à un véritable dilemme : ruiner le bonheur de leurs filles ou ruiner leur propre destinée. Et de la même façon, ils sont tous deux frappés de médiocrité par le caractère trop humain que leurs confèrent leurs dramaturges respectifs. En effet, Danaüs, en amant d’Erigone, perd sa légitimité et son autorité : c’est à un roi faible et qui doute de lui-même à qui on a affaire dans Lyncée ; et il est d’autant plus faible qu’il a conscience de cette faiblesse, comme il le confesse à Erigone dès l’acte I. C’est sa première apparition, ménagée à la scène 3, et ses premiers mots sont :
Que ne puis je à vos yeux deguiser ma foiblesse [!]34
Il est à la fois rongé par la crainte de voir l’oracle s’accomplir mais aussi peiné de briser le bonheur de sa fille. Et ce dilemme se cristallise sans doute à cause de sa passion amoureuse pour Erigone. Hipermestre souligne d’ailleurs cette dichotomie qui existe entre le père qu’elle a connu et l’amant qu’il est devenu :
Je n’ay point cru qu’un Roy qui depuis tant d’années 1057...................................................................................35Conduit par tant d’honneurs au comble de ses jours,Voulut au prix d’un crime en prolonger le cours,Et de quelques moments honteux à sa memoire,Reculer son trepas pour survivre à sa gloire*. 1062
Danaus ne cesse de clamer également que son seul intérêt pour la conservation de sa propre vie ne vient que de son amour pour Erigone, qui s’en sert comme prétexte pour le pousser dans son piège.
Erigone domine ainsi la pièce, elle le domine lui-même et elle est la seule à prendre des décisions, alors que les autres ne font que réagir aux offensives subtiles qu’elle lance. Danaüs est le premier à pâtir de cette influence, il se laisse berner avec facilité : dans cette première scène où il apparaît, il ne se résout à faire part de son projet à sa fille que sous l’argumentation habile d’Erigone et de ses imprécations d’amante attachée à sa conservation :
Ah Madame voyez où vous m’allez reduire, 285Je sens qu’à vos soupirs je me laisse seduire.
Ses décisions ne sont en réalité que tentatives de dérobade envers Hipermestre (v. 229-236), doutes sur la véracité de l’oracle (v. 257-272), sur la duplicité d’Erigone (acte IV, scène 4) et remords (v. 1356-1364), et une seule parole d’Erigone réussit à lui faire changer d’avis et à le rendre malléable. Abeille fait preuve d’originalité et d’habileté ici puisqu’en faisant porter la responsabilité entière du meurtre sur Erigone qui complote contre son amant déclaré, il rend le personnage de Danaüs moins monstrueux que dans le mythe originel, plus humain, et plus à plaindre aussi, suscitant la pitié avec plus d’efficacité. Il pourrait sembler lâche au début de la pièce, ce qu’Hipermestre ne manque pas de souligner à l’acte IV, scène 2 en faisant référence à « L’honneur et la vertu » (v. 1016) qu’il aurait perdu avec l’assassinat de Lyncée ; mais la suite des événements le montre impuissant certes mais faisant montre de courage face à sa destinée :
Vain pretexte! Et mes gens ont quitté le Rivage, 1257Ils ont cedé. Destins achevez vostre ouvrage,Et puisque vainement je m’oppose à vos coups,Frapez de tous costez je m’abandonne à vous. 1260
Frappé par la fatalité et ne sachant où accorder sa confiance, Danaüs se résigne, ce qui le rend digne de la compassion du public, trahi par ses proches, manipulé et conscient de sa déchéance. En cela, il se retrouve très proche du personnage d’Agamemnon de Racine, « ni tout à fait coupable ni tout à fait innocent36 ». Il est vrai que Danaüs reste coupable du meurtre des quarante-neuf frères de Lyncée, mais cette culpabilité est atténuée par la présence d’Erigone qui est à l’origine de ses décisions. Le pathétique de ce personnage n’est plus à démontrer et nul doute qu’il est à même de provoquer les émotions visées par Aristote.
Des héros-types de la tragédie §
Après Erigone, et à égalité avec son père, Hipermestre est celle qui occupe le plus l’espace scénique : elle apparaît dans onze scènes sur vingt-six. Au XVIIe siècle, on a coutume de ménager l’apparition des héros amoureux à la scène 1 de l’acte II et c’est ce qui se produit puisque le deuxième acte s’ouvre sur une scène galante entre les deux amants.
Hipermestre incarne, à l’instar de son amant Lyncée avec qui elle rivalise de vertu dès leur entrée en scène, l’héroïne-type de toute tragédie. C’est une jeune fille de haut rang, fille de roi, avec les attributs de son « caractère » : elle est jeune et belle, puisqu’elle attire les attentions de Lyncée et d’Iphis et elle est avant tout l’image de la vertu et de l’honneur. D’ailleurs, dès sa première apparition sur la scène à l’acte II scène 1, son ethos est défini par ce devoir puisque, face à son amant, elle déclare :
Puis qu’un Pere aujourd’huy m’attache à votre sort 323Et qu’en fin le devoir et l’amour sont d’accord,Sçachez ce qu’a jamais la vertu m’eut fait taire,Si le Roy n’eut cessé d’estre à mes voeux contraire, 326
Tout son discours est hanté par le dilemme entre son devoir envers son père et son amour vertueux pour Lyncée, comme le souligne la récurrence du doublet « la nature et l’amour » aux vers 415, 475, 587, soit trois fois en l’espace de deux scènes de l’acte II. Elle s’efforce, en vain, de sauver à la fois son père et son amant, s’exposant à la colère du premier et au sacrifice de son amour :
Ah faudra t’il toujours redouter la colere, 593Du Pere pour l’époux [,] de l’époux pour le Pere [?]Juste Ciel qui semblez encourager mes voeux,Montrez-moy les moyens de les sauver tous deux. 596
Ces quelques vers résument parfaitement sa volonté vertueuse d’écarter le danger de son père sans avoir à livrer son amant aux enfers. C’est une héroïne malheureuse dans la tradition de la tragédie mais Abeille, contrairement à ses prédécesseurs, fait d’elle un personnage à part, sans la passivité que l’on trouve dans les autres pièces qui lui sont consacrées. Elle agit, prend des décisions et se montre même plus raisonnable que Lyncée : c’est elle qui prend l’initiative d’organiser sa fuite (acte III, scène 7), elle qui ouvre la première les yeux sur les exactions d’Erigone et découvre la vérité à son père (acte IV, scène 3). Cependant, ironie tragique ou preuve de sa grande vertu et de sa grandeur d’âme, elle se laisse elle aussi aveugler par les discours d’Erigone au dernier acte (scène 4).
Toutefois, cette erreur n’entache pas sa vertu et son courage puisque c’est elle qui rappelle à son père qu’orchestrer un tel massacre est un déni de sa valeur et de sa vertu et le spectateur ne peut qu’être ému par cette jeune fille qui ne désobéit à son père que par amour pour Lyncée et qui renonce à cet amour en arrachant à ce dernier la promesse qu’il n’accomplira pas le sombre oracle :
Non vous ne serez point funeste à vostre Pere, 881Dissipez vos frayeurs ma promesse est sincere,Je ne voy plus en luy l’ennemi qui me perd,Vostre seule vertu met son crime à couvert,37884
Ainsi, la vertu d’Hipermestre n’a d’égale que celle de Lyncée, qui accepte de s’enfuir sans nourrir de vengeance pour la mort de ses frères, plaçant ces deux amants sous l’ethos traditionnel. On a beaucoup commenté le goût de Racine pour le sentiment amoureux qui naît dès l’enfance et de la connaissance de l’autre, un sentiment qui tranche avec la passion dévorante de Roxane pour Bajazet, de Phèdre pour Hippolyte, d’Eriphile pour Achille…
Ici, c’est le même schéma qui se reproduit, l’amour des deux jeunes gens, fait de pudeur et de sacrifice, cet amour secret et qui date de l’enfance, mis en avant dans une longue scène entre les amants souligne, et condamne, la passion dévorante d’Erigone faite de manipulation, de trahison, de calcul meurtrier et passant outre tout ce qui ne sert pas ses intérêts. De plus, le dilemme d’Hypermnestre qui la conduit à désobéir son père doit également être motivé : elle devait être amoureuse de Lyncée et vice versa. Tout ceci tend à mettre en avant cet amour pur et digne entre les deux amants, malgré les obstacles qui s’élèvent devant eux.
Et on peut d’ailleurs supposer qu’Abeille ne met pas en scène le dénouement heureux habituel du mariage des amants, dénouement pourtant utilisé par les auteurs antiques, uniquement pour mettre en valeur la vertu de cette jeune fille, horrifiée de n’avoir pu empêché l’oracle de s’accomplir et se blâmant, à travers ses reproches à Lyncée, de n’avoir pu sauver son père du péril :
Vous hair je ne puis, vous aymer je ne l’ose, 1493Vous voyez mes soupirs, vous en estes la cause [.]Il suffit [.] Laissez moy dans ce malheureux jour,Douter au moins s’ils sont de douleur ou d’amour. 1496
C’est un dénouement incertain qu’écrit Abeille : l’obstacle constitué par Erigone est certes levé et Lyncée n’est pas responsable de la mort de Danaüs ; toutefois, l’oracle funeste s’est accompli, Iphis s’est donné la mort et Erigone aussi sans doute. Lyncée attend la sentence de sa bien-aimée qui paraît au désespoir. Les personnages d’Erigone et d’Iphis sont bien des opposants à Danaüs et aux deux amants.
Mais le choix d’un tel épisode amoureux et vengeur dans l’écriture de ce mythe n’apparaît pas d’emblée de manière évidente et on pourrait se demander à juste titre pour quelle raison Abeille ne s’est pas contenté de garder les éléments du mythe d’origine. On l’a vu, le défaut de la tragédie de Gombauld avait été de mener une action faiblement dramatisée, conduisant l’intrigue de manière linéaire. En créant le personnage d’Erigone et en la rendant velléitaire, Abeille rationalise le mythe et l’oracle n’est que l’instrument entre ses mains. En la rendant amoureuse de Lyncée, le dramaturge la rend plus humaine et donne une profondeur à ce personnage. Mais alors, pourquoi créer une autre rivalité amoureuse, faisant apparaître Iphis en amant rejeté par Hipermestre ? La réponse est finalement simple : Hipermestre devient un véritable enjeu amoureux, Erigone en devient plus monstrueuse, et Lyncée, qui a un rôle médiocre dans cette pièce est mis en valeur par le contrepoint qu’Iphis lui offre : grâce à ce double négatif de lui-même, il en devient plus héroïque et digne de l’amour d’Hipermestre puisque c’est Iphis qui accomplit l’oracle, lui évitant de devenir le meurtrier du père de sa bien-aimée. Comparé à Iphis, il sort avec éclat et vertu de l’affrontement final. La rivalité amoureuse entre Iphis et Lyncée devient alors un événement catalyseur de l’action dans cette tragédie.
Personnage sur lequel se concentre la pièce, objet de tous les enjeux, Lyncée donne son nom à la tragédie d’Abeille mais n’occupe que cinq des vingt-six scènes. Mais ces scènes sont choisies et préparées avec soin par le dramaturge et répond à des fonctions précises dans la progression de l’intrigue.
Il apparaît, comme Hipermestre, dans la première scène de l’acte II, et revêt toutes les qualités du jeune héros dont sont friands le public du XVIIe siècle : c’est un jeune homme vertueux et fougueux, comme le démontrer le fait qu’il revienne affronter le danger pour enlever sa bien-aimée (acte IV, scène 6). Il correspond d’ailleurs point par point à la description que donne Scherer dans sa Dramaturgie classique en France : il est jeune, beau, impétueux, noble et courageux et surtout il est malheureux. Bien entendu, Abeille s’attelle dès sa première apparition à le décrire, dans la bouche d’Hipermestre, en courageux guerrier dans le récit que les deux amants se font de leur passé :
Ceux par qui vostre bras produit tant de miracles, 310Ceux de qui vous tenez cette illustre valeur,Qui jusques dans ces lieux a porté la terreur,A forcé Danaus à craindre vostre gloire*. 313
Il prouve sans cesse cette valeur militaire puisqu’il refuse d’abord de fuir devant le danger mais accepte par amour pour Hipermestre. En cela, Lyncée représente l’amant malheureux que les dieux, ou le roi-père, veulent séparer de sa maîtresse.
On peut se demander alors pourquoi, bien qu’il soit le centre des conversations, pratiquement toujours absent de l’espace scénique. Et Scherer apporte un élément de réponse à cette question :
[…] la seconde [démarche] consiste à ménager les apparitions du héros, à ne le faire paraître que rarement, en utilisant le reste du temps disponible à parler de lui ou de ses desseins, pour mieux préparer les scènes où il figure38.
Et de fait, à chacune de ses apparitions correspond un rôle précis ; il fait partie de qu’on appelle le « héros rare », par opposition au héros prodigué. La scène 1 de l’acte II l’introduit comme le jeune héros valeureux et amoureux, mettant en branle la captatio benevolentiae ; l’acte III le confronte directement à Erigone (scène 6) puis à Hipermestre qui l’aide à s’enfuir (scène 7) ; il faudra attendre la dernière scène de la tragédie pour le revoir, présent uniquement pour le dénouement, vainqueur de la machinerie d’Erigone. Abeille, en créant le personnage d’Iphis, parvient par ce biais à accomplir l’oracle sans effectuer un quelconque accroc à sa vertu et à son amour pour Hipermestre.
C’est pourquoi, nous allons nous intéresser à ce personnage épisodique qu’Abeille ajoute à Erigone pour comprendre sa fonction exacte dans la pièce. On s’est donc demandé pourquoi le dramaturge a eu recours à l’invention de ce personnage, qui pourrait paraître moins motivé que celui d’Erigone.
Iphis n’apparaît en effet que dans cinq scènes, comme Lyncée d’ailleurs, mais son rôle est nettement moins important. Il sert essentiellement de double à Lyncée, une sorte de repoussoir qui met en valeur le caractère admirable du héros éponyme ; pourtant il possède les mêmes attributs que ce dernier. C’est un jeune homme fougueux et amoureux, avec des qualités vertueuses puisqu’il s’indigne d’abord de l’amour de sa mère pour Danaüs, puis de la machination cruelle qu’elle met en place contre le roi (acte I, scène 1).
En outre, sa rivalité amoureuse avec Lyncée place Hipermestre en véritable enjeu et devient un élément moteur de l’action. Iphis est complètement dominé par sa mère qui utilise son dépit amoureux pour l’inciter à accomplir l’oracle :
Esclave scrupuleux d’une fausse vertu 1312Indigne protecteur d’un tyran qui m’oprime,Et d’un honteux amour malheureuse victime,Rends moy Rends moy ce fer inutile en tes mains391315
Il n’est qu’un jouet entre ses mains et n’hésite pas à le sacrifier au nom de sa vengeance. Ainsi, si Iphis agit différemment de son discours, c’est qu’il garde la lucidité de sa vertu mais ne peut aller à l’encontre de sa mère ; c’est un personnage faible et lâche mais amoureux et manipulé. Et il est d’autant plus digne de compassion qu’il a conscience de sa déchéance et que sa lucidité lui fait voir les conséquences de la vengeance d’Erigone :
Ma main sur Danaus accomplira l’oracle, 121Mais pourrez vous souffrir ce barbare spectacle [:]Hipermestre m’offrant la teste d’un époux,Moy du sang de son Pere arrosant ses genoux [?]Ah serons nous apres cette action cruelle,Elle digne de moy, moy mesme digne d’elle [?] 126
Sans le savoir, il prédit ici le dénouement et résout le mystère de l’oracle mais tous l’ignorent encore à cet instant. Cependant, il lui apparaît clairement qu’une telle action ne lui permettra jamais d’atteindre le cœur d’Hipermestre.
Abeille en fait un rival pour le lier étroitement à l’action principale et faire entrer ses intérêts dans le mythe. En effet, Erigone ne peut achever seule l’oracle; par bienséance, une femme ne peut esquisser un geste de violence sur la scène et on se souvient des critiques qui ont accueillies la Médée de Corneille où la robe de Créuse prend feu sur scène. De même, on a démontré qu’Erigone n’agit jamais directement mais elle s’applique simplement à inciter les autres à agir selon ses plans. Iphis est donc le bras capable d’exécuter l’oracle : engagé dans l’intrigue par son amour pour Hipermestre, le dramaturge le pose d’entrée en rival de Lyncée, moins chanceux certes mais c’est justement ce qui lui permet en réalité de prendre part à l’action. Jouet entre les mains de sa mère et conscient de l’être, il retourne l’arme contre lui-même : c’est pourquoi il ne porte qu’une culpabilité partielle qui provoque chez le spectateur des émotions intenses dans la mesure où c’est sa propre mère qui cause sa perte, illustration de ce qu’Aristote a appelé « la violence au sein des alliances ».
*****
L’examen de cette pièce d’Abeille nous a permis de redécouvrir cette tragédie, tombée dans l’oubli et largement éclipsée par les grands auteurs dramatiques du dix-septième siècle tels que Corneille, Molière mais surtout Racine. Lyncée s’inscrit dans la directe lignée des grandes tragédies antiques, mettant à profit le mythe fondateur de l’Histoire d’Argos et ses liens entre l’Egypte. Mais Abeille réalise un travail étonnant sur cette base en y greffant un épisode de vengeance doublée de passion amoureuse qui nouent les personnages entre eux, motivent leurs actes et donne un éclairage nouveau sur ce mythe connu, surtout pour ses contemporains. Il parvient en effet à émouvoir ses spectateurs en le faisant ressentir les grandes émotions tragiques prônées par Aristote lui-même tout en ménageant un dénouement sanglant qui réserve aux spectateurs des péripéties et retient l’attention par son originalité. Le commentaire de Mouhy sur cette pièce d’Abeille nous informe d’ailleurs que, bien que la tragédie n’ait pas rencontré un succès, « la quatrième scène du Cinquième Acte […] applaudie et […] le méritoit40 » : cette scène, qui correspond à l’affrontement entre Erigone et Hipermestre, nous conforte donc dans l’idée que l’originalité de cette pièce se trouve dans la création de ces personnages épisodiques qui nouent l’action et la renouvellent sans cesse.
Note sur la présente édition §
Il n’existe qu’une édition de cette pièce d’Abeille, Lyncée, imprimée en 1681 mais créée en février 1678. Deux exemplaires sont cependant disponibles à Paris :
- – BNF, Richelieu-Arts du spectacle, 8-RF-5367
- – BNF, Richelieu-Arts du spectacle, R 216395
- – BNF, Richelieu-Manuscrits occidentaux, ROTHSCHILD SUPPLEMENT-16
En voici la description :
In-12, deux pages non numérotées qui correspondent à la page de titre et à la liste des Acteurs. Notre édition commence sans paratexte à la page 3 et comporte 55 pages au total.
[I] LYNCEE41, / TRAGEDIE. / Par / Mr. ABBEILLE. / Sceau représentant un globe terrestre / A LA HAYE, / Chez ADRIAN MOETJENS, / Marchand Libraire prez de la Cour, à la / Librairie42 Francoise 1681.
[II] Liste des Acteurs.
[3-55] Texte de la pièce.
En ce qui concerne l’établissement du texte, nous avons conservé en règle générale l’orthographe de l’édition originale. Toutefois, nous nous sommes livré à quelques rectifications d’usage, qui nous ont semblé indispensables pour une parfaite lecture du texte. Ainsi :
- – Nous avons remplacé tous les « ƒ » par des « s ».
- – Nous avons transcrit la ligature « & » en « et », conjonction de coordination.
- – Nous avons corrigé quelques erreurs manifestes (cf. liste des coquilles ci-dessous).
- – Nous avons rétabli les accents diacritiques chaque fois qu’il était nécessaire afin de distinguer « où », adverbe de lieu, de « ou », conjonction de coordination; et « à », préposition, de « a », adverbe.
- – Nous avons rétabli la majuscule pour les noms de pays qui n’en comportaient pas dans l’édition originale.
- – Nous avons également corrigé les erreurs de composition liées à l’oubli, ou même l’ajout, d’un espace entre l’article et le nom. Exemple : « lune ou lautre ».
- – Au XVIIe siècle, la graphie des mots n’était pas encore fixée. Certains mots sont ainsi présents sous deux ou plusieurs orthographes différentes, que nous avons décidé de conserver. Cela dit, le fait que notre pièce obéisse au principe de la rime pour l’œil explique bien souvent la fluctuation de l’orthographe.
- – Nous signalons que l’édition originale comportait une lettrine au début de chaque acte, lettrine que nous n’avons pas retranscrite toutefois dans notre édition.
- – Une astérisque à la fin des mots renvoie le lecteur au glossaire, situé à la fin de cette édition.
- – Abeille procède à une simplification du nom de l’héroïne du mythe des Danaïdes : « Hypermnestre » devient ainsi Hipermestre dans la pièce. Nous avons conservé ce choix pour l’établissement de notre texte ainsi que dans l’introduction critique. Toutes les fois où nous parlons d’Hipermestre, il s’agit du personnage spécifique d’Abeille, contrairement à Hypermnestre qui désigne le personnage du mythe lui-même.
Coquilles §
Page de titre §
« Abbeille »-« Libraire Francoise » au lieu de Librairie
Liste des Acteurs §
« maritme »
Acte I §
Acte I scène 1 (page 3 de l’édition originale) : [Iphis]
v. 1 « Où » : Ou // v. 2 « Où » : Ou // v. 2 « lune où lautre » // v. 3 (x2) « a » : à // v. 4 « Jay » // v. 5 « a » : à // v. 11 « a » : à // v. 15 « éspoir » // v. 17 « Nauplis » / « a » : à // v. 20 « a » : à // v. 26 « Que » : Qu’ / « a » : à // v. 35 « quil » // v. 37 « cést » // v. 39 « a » : à // v. 43 « a » : à // v. 44 « a » : à // v. 45 « a » : à // v. 47 « a » : à // v. 58 « Fugant » : fuyant // v. 60 « a » : à // v. 61 « a » : à // v. 66 « la fait » // v. 67 « a » : à // v. 68 « men » // v. 69 « a » : à / « la » : sa // v. 70 « jay lû » : j’ay lu // v. 72 « On » : où // v. 79 « a » : à // v. 86 « a » : à // v. 91 « par » : pas // v. 94 « Ou » : Où // v. 95 « destre » // v. 96 « Nosant » // v. 103 « a » : à // v. 104 « a » : à // v. 110 « laveu » / « a til » // v. 111 « Jayme » / « Où » : Ou // v. 112 « mallez » // v. 113 « eteinte » : éteintes // v. 115 « D’anaus » // v. 116 « a » : à // v. 119 « nay » // v. 120 (x3) « a » : à // v. 123 « moffrant » // v. 130 « Laisses moy » // v. 135 « leffet » // v. 136 « maura » // v. 143 « a » : à // v. 144 « Jay » // v. 152 « a » : à // v. 160 « naura » // v. 163 « l’exes » // v. 164 « a » : à // v. 169 « Jusqu’icy Jay » // v. 170 « ma » // v. 173 « il est temps & de parler » : Il est temps de parler // v. 175 « on » : où // v. 176 « jay » // v. 189 « quil ma » // v. 190 « a » : à // v. 192 « quil » / « jen » / « le desirs » // v. 196 « a » : à // v. 197 « la » : là // v. 201 « la » : là // v. 203 « Où » : Ou / « sil » // v. 204 « a » : à // v. 205 « la » : là // v. 210 « a » : à // v. 214 « a » : à // v. 224 « a » : à // v. 228 « a » : à // v. 235 « ses yeux languissant » // v. 236 « Rabatois » : rabattoit // v. 237 « Jayme » // v. 241 « où » : ou // v. 242 « lamante » // v. 243 « a » : à // v. 244 « a » : à // v. 252 « où » : ou // v. 253 « arrstée » // v. 254 (x2) « Où » : Ou / « lont » // v. 257 « je lavoüe » // v. 259 « quil peut il y succomber » // v. 265 « qui ma dit » : qui me dit // v. 286 « a » : à // v. 287 « ma » // v. 290 « a » : à // v. 296 « a » : à / « où » : ou // v. 300 « quil » / « a » : à
Acte II §
v. 305 « Je vois » : je [vous] vois // v. 307 « a » : à / « vos » : vous // v. 313 « a » : à // v. 318 « a » : à // v. 320 « jay » // v. 321 « jay » // v. 321 « devantage » // v. 322 « j’en fait » // v. 323 « a » : à // v. 325 « a » : à // v. 326 « c’essé » / « a » : à // v. 329 « a » : à // v. 334 « mois » : moins // v. 336 « rétour » // v. 343 « quil » // Omission du vers 350 dans l’édition originale // v. 353 « laffreuse » // v. 362 « nont » / « épeé » // v. 363 « Ou » : Où // v. 366 « mauriez » // v. 367 « a la mains » : à la main // v. 368 « a » : à // v. 370 « Jarrosay » // v. 371« Daugures » // v. 372 « Quils » / « funestres » / « a » : à // v. 375 « promptemenc » // v. 377 « a » : à // v. 380 « a » : à // v. 384 « a » : à // v. 394 « a » : à / « le » : se // v. 395 « a » : à // v. 396 « a » : à // v. 397 « a » : à // v. 402 « a » : à // v. 412 « a » : à / « du » : dû // v. 413 « la » // v. 420 « laisnesse » // v. 423 « destre » // v. 425 « Lybie » : Libye // v. 431 « a » : à // v. 432 « ces » : ses // v. 433 « a » : à // v. 438 « a » : à // v. 439 « a » : à // v. 440 « a » : à // v. 442 « laccable » // v. 443 « a » : à // v. 447 « a » : à // v. 455 « a » : à // v. 463 « jen » // v. 465 « la » : là // v. 481 « trois an » // v. 485 « ma » // v. 486 « Lyncèe » // v. 489 « a » : à // v. 495 « laymois » // v. 501 « a » : à / « leteindre » // v. 502 « jaurois » // v. 508 « a » : à // v. 511 « laurez » / « a » : à // v. 512 « c’est » : cet // v. 514 (x2) « a » : à // v. 533 « a » : à // v. 535 « a » : à // v. 546 « a » : à // v. 550 « a » : à // v. 553 « a » : à // v. 554 « diffiance » // v. 555 « leur coups » // v. 557 « livrént » // v. 559 « dant » : tant // v. 572 « a » : à // v. 573 « a » : à // v. 579 « a » : à // v. 581 « Jaime » // v. 583 « a » : à // v. 584 « Jayme » // v. 586 « quil » // v. 586 « men » // v. 589 « qu’elle » // v. 590 « desoubeissant » // v. 591« a til » // v. 592 « na til »
Acte III §
Acte III scène 1 (page 23 de l’édition originale) : [Erigone] // v. 598 « javois » // v. 600 « Je ne trouve plus le jour tend a sa fin » : Je ne [le] trouve plus [.] Le jour tend à sa fin // v. 605 « laffaire » // v. 606 « a » : à // v. 610 « Qu’il fuge » : qu’il fuye / « Où » : Ou // v. 613 « a » : à // v. 615 « a prests » // v. 621 « a » : à // v. 625 « jattens » // v. 632 « lespoir » // v. 636 « a » : à // v. 640 « telle » // v. 642 (x2) « a » : à // v. 650 « a » : à // v. 651 « Quon » // v. 653 « dabord » // v. 657 « a » : à // v. 658 « dépouse » // v. 659 « a » : à // v. 662 « a » : à // v. 665 « a » : à // v. 675 « a » : à // v. 677 « a » : à // v. 684 « a » : à // v. 686 « a » : à // v. 690 « a pareils » // v. 691 « a » : à // v. 693 « a » : à // v. 696 « la » // v. 703 « a lors » // v. 704 « féray » // v. 713 « a » : à // v. 719 « concois » // v. 720 « a » : à // v. 721 « a » : à // v. 725 « ou » : où // v. 726 « Et vous vous, etonnez » // v. 729 « ou » : où // v. 731 « a » : à // v. 737 « Ou » : Où // v. 738 « la » // v. 746 « Quelfruit » // v. 751 « a » : à // v. 752 « ou » : où // v. 754 « a » : à // v. 756 « a » : à // v. 757 « Jadore » // v. 762 « ou » : où // v. 763 « ma » // v. 766 « la » // v. 767 « le voix » // v. 771 « la » : là // v. 786 « a » : à // v. 789 « Il fais plus » : Je // v. 795 « l’oin » // v. 796 « a » : à // v. 799 « a » : à // v. 801 « a » : à // v. 803 « a pres » / « defforts » // v. 805 « a » : à // v. 807 « Jauray » / « a » : à // v. 810 « ny » // v. 812 « a » : à // v. 814 « a » : à // v. 815 « a » : à // v. 817 « a » : à // v. 821 « a » : à // v. 824 « a » : à // v. 827 « le pitié » // v. 835 « n’oye » // v. 840 « a » : à // v. 843 « puis qu’il » // v. 844 « a » : à // v. 846 « t’el » // v. 847 « a » : à // v. 848 « Uu » : Une // v. 855 « a » : à // v. 858 « a » : à // v. 878 « a » : à // v. 880 « a » : à // v. 884 « a » : à // v. 886 « et » : est // v. 887 « Joublieray » // v. 890 « a » : à // v. 894 « malgré nous, nous » // v. 895 « a » : à // v. 901 « doffenser » // v. 901 « jamis » : jamais // v. 902 « a » : à // v. 902 « J » : j’ // v. 906 « a » : à // v. 909 « a » : à // v. 910 « J’amais » // v. 912 « J’amais » // v. 913 « a » : à // v. 920 « a » : à // v. 921 « a » : à // v. 930 « a » : à // v. 934 « deviter » // v. 941 « ou » : où // v. 947 « a » : à // v. 951 « lay » // v. 954 « a » : à // v. 959 « a » : à // v. 960 « a » : à
Acte IV §
v. 962 « recoy » // v. 964 « a » : à // v. 966 « c’est » : cet // v. 967 « ce» : se // v. 968 « a » : à // v. 980 « ses regarde » // v. 974 « navons » / « a » : à // v. 975 « a » : à // v. 980 « a » : à // v. 981 « cen » // v. 984 « a » : à // v. 985 « a » : à // v. 990 « ma » // v. 994 « lon » // v. 995 « a » : à // v. 1000 « a » : à // v. 1002 « a » : à // v. 1003 « a » : à // v. 1004 « a » : à / « au de la » : au-delà // v. 1006 « j’ouir » // v. 1008 « mavez » // v. 1018 « a » : à // v. 1019 « a » : à // v. 1020 « ce » : de // v. 1021 « a » : à // v. 1022 (x2) « a » : à // v. 1026 « las » // v. 1027 « j’amais » // v. 1034 « a » : à // v. 1042 « a » : à // v. 1043 « a » : à // v. 1046 (x2) « Où » : Ou // v. 1047 « a » : à // v. 1051 « a » : à // v. 1056 « Seigneurs » // Omission du vers 1058 dans l’édition originale // v. 1061 « a » : à // v. 1062 « a » : à // v. 1066 « que » : qui // v. 1067 « a » : à // v. 1071 « a » : à / « sort » : sert // v. 1073 « la » : là // v. 1075 « a » : à // v. 1076 « la » : là // « SCENE V » (page 39 de l’édition originale) : SCENE III // v. 1081 « Qu’avons-nous fait’il » // v. 1084 « maviez » // v. 1087 « a » : à // v. 1092 « ce luy » // v. 1095 « coronnez » // v. 1097 (x2) « a » : à // v. 1098 « jattens » // v. 1099 (x2) « a » : à // v. 1102 « a » : à // v. 1103 « a » : à // v. 1104 « la » // v. 1105 « puisquil » // v. 1107 « a » : à // v. 1114 « a » : à // v. 1119 « a » : à // v. 1122 « a » : à // v. 1124 « a » : à // v. 1125 « a » : à // v. 1126 (x2) « a » : à // v. 1127 (x2) « a » : à // v. 1128 « a » : à // v. 1129 « ma » // v. 1130 « ma » // v. 1142 « questes » // v. 1148 « des mes jours » // v. 1149 « a pres » // v. 1152 « a » : à // v. 1153 « ma » // v. 1154 « a » : à // v. 1161 « a » : à // v. 1166 « a » : à // v. 1168 « a » : à // v. 1170 « on » : ou // v. 1171 « a » : à // v. 1174 « a » : à // v. 1185 « a » : à // v. 1189 « d’un » : d’une // v. 1192 « L’aissez » // v. 1201 « a » : à // v. 1203 « a » : à // v. 1204 « a » : à // v. 1205 « a » : à // v. 1208 « a » : à // v. 1213 « qua » : qu’à // v. 1214 (x2) « a »: à // v. 1226 « Vous » : Vos // v. 1233 « a » : à // v. 1234 « a » : à // v. 1237 « a » : à // v. 1240 « a » : à // v. 1242 « De puis » // « LYNCEE » : LYCASTE [SCENE VI, page 45 de l’édition originale] // v. 1251 « s’embloient » / « lors qu » // v. 1256 « ny » // v. 1258 « […]. Destins achevez vostre ouvrages » : Destins [,] achevez vos ouvrages, // v. 1259 « a » : à // v. 1260 « a » : à
Acte V §
v. 1264 « Jattens » // v. 1273 « a » : à // v. 1275 « j’aloux » // v. 1286 « la : là » // v. 1287 « a » : à // v. 1288 « a » : à // v. 1290 « a » : à // v. 1291 « d’etourner » // v. 1296 « la » : là // v. 1298 « a » : à // v. 1303 « a » : à // v. 1308 « a » : à // v. 1309 « Où » : Ou // v. 1315 « maine » // v. 1316 « Jiray » // v. 1317 « a » : à // v. 1320 « a » : à // v. 1324 « a » : à // v. 1325 « lavez » // v. 1329 (x2) « a » : à // v. 1330 « Jay » / « jeus » : j’eus // v. 1335 « jeteindray » // v. 1336 « c’et » // v. 1336 « lardeur » // v. 1337« jauray du » : j’aurai dû // v. 1337 « Mais apres avoir fait ce jauray du faire » : Mais apres avoir fait ce [que] j’auray dû faire // v. 1342 « a pres » // v. 1348 « la » : là // Acte V scène 3 (page 49 de l’édition originale) : [Erigone] // v. 1353 « a » : à // v. 1356 « a » : à // v. 1363 « a » : à // v. 1368 « a » : à // v. 1369 « la » : là // v. 1371 « la » : là // v. 1393 « a » : à // v. 1395 « obsolu » // v. 1400 « a » : à // v. 1401 « a » : à // v. 1406 « a » : à // v. 1411 « a » : à // v. 1413 « a » : à // v. 1426 « a » : à // v. 1427 « a » : à // v. 1431 « la » : là // v. 1435 « Deséspoir » // v. 1438 « lon recois » // v. 1440 « a »: à // v. 1444 « a lenvy » : à l’envy // v. 1451 « se troublé » : se trouble // v. 1452 « a » : à // v. 1462 « mavez » // v. 1464 « sen » // v. 1471 « a » : à // v. 1472 « a » : à // v. 1480 « la » : là // v. 1489 « sauvè » : sauvé // v. 1492 « prononcent » : prononçant.
Corrections de la ponctuation §
Acte I §
v. 3 « » : [,] // v. 9 « , » : [?] // v. 12 « , » : [.] // v. 20 « , » : [;] // v. 22 « , » : [.] // v. 23 « » : [;] // v. 25 « » (x2) : [,] // v. 31 « , » : [...] // v. 32 « » : [!] // « , » : [!] // v. 33 « » : [!] // v. 35 « » : [.] // v. 36 « , » : [.] // v. 38 « , » : [.] // v. 44 « » : [;] // v. 53 « » : [!] // « , » : [?] // v. 54 « , » : [!] // v. 55 « , » : [!] // v. 56 « , » : [.] // v. 60 « , » : [.] // v. 61 « , » : [;] // v. 70 « , » : [;] // v. 73 « » : [,] // v. 75 « , » : [!] // v. 78« » : [!] // v. 82 « » : [!] // v. 84 « , » : [.] // v. 86 « » : [.] // v. 88 « » : [.] // v. 92 « » : [,] // « , » : [.] // v. 94 « , » : [?] // v. 98 « , » : [:] // v. 100 « , » : [.] // v. 108 « , » : [!] // v. 111 « » : [,] // « , » : [.] // v. 118 « , » : [;] // v. 120 « , » : [.] // v. 122 « , » : [:] // v. 124 « , » : [?]// v. 126 « . » : [?]// v. 128 « , » : [.] // v. 129 « , » : [;] // v. 134 « , » : [ ;] // v. 138 « , » : [ !] // v. 140 « . » : [?] // v. 141 « . » : [!] // « , » : [?] // v. 142 « , » : [:] // v. 144 « : » : [.] // v. 146 « . » : [!] // v. 147 « » : [.] // v. 149 « , » : [.] // v. 151 « , » : [.] // v. 153 « , » : [.] // v. 158 « » (x2) : [,] // v. 165 « , » : [?] // v. 166 « . » : [?] // v. 167 « » : [.] // v. 168 « , » : [?] // v. 172 « , » : [.] // v. 174 « , » : [.] // v. 175 « , » : [:] // v. 180 « , » : [;] //v. 184 « , » : [.] // v. 186 « , » : [ ;] // v. 188 « , » : [.] // v. 190 « , » : [!] // v. 196 « , » : [?] // v. 202 « , » : [;] // v. 203 « » (x2) : [,] // v. 204 « , » : [.] // v. 210 « , » : [?] // v. 213 « . » : [?] // v. 214 « , » : [!]// v. 216 « , » : [:] // v. 220 « , » : [.] // v. 226 « , » : [?] // v. 228 « . » : [?] // v. 229 « » : [?] // v. 232 « , » : [;] // v. 236 « , » : [.] // v. 238 « » : [?] // « » : [,] // « , » : [?] // v. 240 « , » : [.] // v. 244 « , » : [?] // v. 247 « » : [,] // v. 248 « , » : [?] // v. 249 « , » : [?] // v. 250 « , » : [?] // v. 251 « , » : [?] // v. 252 « , » : [.] // v. 266 « . » : [?] // v. 271 « ; » : [,] // v. 272 « . » : [,] // v. 274 « , » : [.] // v. 278 « , » : [.] // v. 282 « , » : […] // v. 284 « . » : [?] // v. 285 « , » : [!] // v. 288 « , » : [.] // v. 293 « , » : [!] // v. 294 « , » : [:] // v. 295 « . » : [,] // v. 296 « , » : [.]
Acte II §
v. 304 « , » : [?] // v. 308 « , » : [.] // v. 309 « . » : [?] // v. 311 « , » : [ ] // v. 314 « , » : [!] // v. 316 « , » : [.] // v. 318 « , » : […] // v. 322 « , » : [.] // v. 328 « , » : [.] // v. 330 « , » : [:] // v. 334 « , » : [.] // v. 336 « , » : [!] // v. 340 « , » : [ ] // v. 342 « » : [.] // v. 344 « , » : [:] // v. 347 « . » : [?] // v. 348 « . » : [?] // v. 356 « . » : [?] // v. 361 « , » : [?] // v. 362 « , » : [?] // v. 364 « , » : [?] // v. 368 « , » : […] // v. 369 « . » : [?] // v. 372 « , » : [!] // v. 375 « , » : [:] // v. 376 « » (x2) : [,] // v. 380 « , » : [;] // v. 388 « , » : [?] // v. 403 « , » : [.] // v. 406 « , » : [.] // v. 410 « , » : [.] // v. 412 « » : [?] // v. 413 « . » : [?] // v. 414 « , » : [?] // v. 415 « , » : [.] // v. 416 « , » : [?] // v. 428 « , » : [.] // v. 430 « , » : [.] // v. 434 « . » : [!] // « , » : [!] // v. 435 « » : [?] // v. 436 « , » : [.] v. 442 « » : [:] // v. 446 « , » : [!] // v. 448 « , » : [ ;] // v. 450 « , » : [:] // v. 454 « , » : [ ;] // v. 455 « . » : […] // v. 458 « . » : [?] // v. 460 « » : [,] // v. 462 « , » : [.] // v. 465 « , » : [?] // v. 474 « » : [.] // v. 476 « , » : [.] // v. 480 « , » : [.] // v. 485 « , » : [:] // v. 489 « , » : [.] // v. 492 « , » : [?] // v. 494 « , » : [?] // v. 496 « , » : [;] // v. 500 « , » : [.] // v. 504 « , » : [.] // v. 508 « , » : [!] // v. 511 « » : [,] // v. 514 « , » : [.] // v. 516 « . » : [?] // v. 518 « , » : [;] // v. 521 « . » : [?] // v. 522 « , » : [.] // v. 523 « , » : [?] // v. 524 « , » : [?] // v. 526 « , » : [?] // v. 528 « , » : [?] // v. 532 « , » : [.] // v. 533 « » (x2) : [,] // v. 534 « , » : [.] // v. 537 « . » : [!]// « , » : [!] // v. 540 « , » : [?] // v. 542 « , » : [?] // v. 544 « , » : [?] // v. 546 « , » : [?] // v. 548 « , » : [?] // v. 551 « , » : [;] // v. 554 « , » : [.] // v. 556 « , » : [.] // v. 558 « , » : [?] // v. 560 « , » : [?] // v. 564 « , » : [?] // v. 565 « , » : [?] // v. 568 « , » : [.] // v. 572 « , » : [;] // v. 576 « » : [,] // v. 577 « » (x3) : [,] // v. 578 « , » : [;] // v. 582 « , » : [?] // v. 583 « , » : [.] // v. 586 « , » : [.] // v. 588 « , » : [.] // v. 589 « , » : [?] // v. 590 « , » : [?] // v. 591 « , » : [?] // v. 592 « , » : [?] // v. 594 « » : [,] « , » : [?]
Acte III §
v. 597 « » : [,] // « , » : [!] // v. 599 « , » : […] // v. 600 « » : [.] // « , » : [?] // v. 602 « » (x2) : [,] // « , » : [?] // v. 603 « . » : [?] // v. 604 « , » : [?] // v. 606 « , » : [.] // v. 609 « , » : [.] // v. 611 « » : [;] // v. 616 « , » : [.] // v. 617 « , » : [;] // v. 618 « , » : [:] // v. 620 « , » : [.] // v. 621 « » (x2) : [!] // v. 624 « , » : [.] // v. 625 « , » : [:] // v. 630 « , » : [.] // v. 632 « , » : [.] // v. 634 « , » : [;] // v. 639 « , » : [:] // v. 640 « » : [!] // « » : [,] // « , » : [.] // v. 642 « , » : [.] // v. 646 « , » : [.] // v. 647 « , » : [.] // v. 648 « , » : [;] // v. 652 « , » : [.] // v. 656 « , » : [.] // v. 660 « , » : [;] // v. 662 « , » : [.] // v. 663 « , » : [?] // v. 668 « , » : [.] // v. 672 « , » : [?] // v. 676 « , » : [;] // v. 680 « , » : [.] // v. 683 « , » : [;] // v. 691 « , » : [?] // v. 686 « , » : [.] // v. 688 « , » : [.] // v. 689 « » : [;] // v. 691 « , » : [?] // v. 694 « , » : [?] // v. 696 « , » : [?] // v. 698 « , » : [!] // v. 708 « » : [:] // « , » : [.] // v. 717 « » : [,] // « , » : [;] // v. 718 « , » : [.] // v. 720 « , » : [.] // v. 725 « » : [,] // « . » : [?] // v. 726 « , » : [!] // v. 728 « , » : [.] // v. 729 « . » : [?] // v. 730 « , » : [?] v. 732 « » : [,] (x2) // « , » : [.] // v. 735 « , » : [;] // v. 736 « » (x2) : [,] // v. 737 « » : [,] // v. 740 « » : [:] // v. 741 « , » : [.] // v. 744 « » (x2) : [,] // v. 745 « , » : [?] // v. 746 « , » : [?] // v. 747 « , » : [?] // v. 748 « , » : [?] // v. 750 « » : [,] // « , » : [.] // v. 752 « , » : [.] // v. 760 « , » : [.] // v. 761 « » : [,] // « , » : [.] // v. 766 « , » : [.] // v. 770 « , » : [.] // v. 771 « » : [!] // v. 772 « , » : [.] // v. 774 « , » : [;] // v. 776 « , » : [;] // v. 778 « , » : [;] // v. 780 « , » : [.] // v. 783 « » : [.] // v. 784 « , » : [.] // v. 786 « , » : [;] // v. 788 « , » : [.] // v. 790 « , » : [:] // v. 793 « » : [,] // v. 794 « » : [,] // v. 798 « , » : [;] // v. 805 « » : [,] // v. 806 « , » : [;] // v. 812 « , » : [.] // v. 814 « , » : [.] // v. 816 « , » : [;] // v. 820 « , » : [.] // v. 826 « , » : [?] // « , » : [?] // v. 827 « » : [,] // « , » : [?] // v. 828 « » : [,] // « , » : [?] // v. 830 « » : [.] // v. 831 « » : [,] // v. 838 « » : [,] (x3) // « » : [.] // v. 841 « . » : [?] // v. 842 « , » : [?] // v. 845 « » : [!] // v. 852 « . » : [?] // v. 853 « » : [?] // v. 854 « » : [,] // v. 857 « , » : [.] // v. 858 « » : [,] // v. 859 « , » : [.] // v. 860 « , » : [;] // v. 869 « » : [,] // « , » : [?] // v. 870 « , » : [?] // v. 873 « , » : [.] // v. 880 « , » : [?] // v. 881 « , » : [.] // v. 882 « , » : [:] // v. 884 « , » : [;] // v. 888 « , » : [.] // v. 890 « , » : [:] // v. 892 « , » : [.] // v. 894 « , » : [.] // v. 895 « , » : [;] // v. 897 « » : [!] // v. 900 « , » : [.] // v. 901 « » : [,] // v. 909 « . » : [?] // v. 912 « , » : [;] // v. 914 « , » : [;] // v. 920 « , » : [.] // v. 926 « , » : [,] // v. 929 « » : [!] // v. 934 « , » : [?] // v. 935 « » : [?] // v. 936 « . » : [?] // v. 937 « , » : [!] // v. 940 « , » : [;] // v. 942 « , » : [:] // v. 949 « , » : [?] // v. 950 « , » : [.] // v. 951 « » : [!] // v. 953 « » : [.] // v. 955 « , » : [;] // v. 956 « , » : [.] // v. 957 « , » : [:] // v. 959 « , » : [.]
Acte IV §
v. 961 « » : [;] // « , » : [.] // v. 962 « , » : [.] // v. 963 « , » : [:] // v. 964 « . » : [?] // v. 967 « . » : [?] // v. 968 « , » : [.] // v. 969 « , » : [;] // v. 972 « , » : [;] // v. 973 « , » : [.] // v. 976 « , » : [.] // v. 980 « : » : [.] // v. 984 « , » : [.] // v. 990 « , » : [.] // v. 992 « . » : [!] // v. 994 « » : [,] // « , » : [!] // v. 1000 « , » : [?] // v. 1001 « » : [,] // v. 1002 « , » : [.] // v. 1005 « , » : [ ;] // v. 1007 « , » : [.] // v. 1109 « . » : [,] // v. 1010 « » : [!] // « , » : [?] // v. 1011 « , » : [!] // v. 1014 « , » : [.] // v. 1016 « , » : [:] // v. 1019 « » : [,] // v. 1020 « » : [,] (x2) // v. 1022 « » : [,] // « , » : [?] // v. 1024 « , » : [.] // v. 1025 « , » : [?] // v. 1026 « . » : [?] // « , » : [.] // v. 1027 « , » : [:] // v. 1031 « , » : [;] // v. 1036 « , » : [;] // v. 1038 « , » : [;] // v. 1040 « , » : [;] // v. 1045 « » : [;] // v. 1046 « , » : [.] // v. 1048 « , » : [.] // v. 1051 « , » : [:] // v. 1054 « , » : [;] // v. 1063 « , » : [.] // v. 1064 « , » : [.] // v. 1066 « , » : [:] // v. 1068 « , » : [?] // v. 1072 « , » : [.] // v. 1074 « , » : [?] // v. 1076 « , » : [!] // v. 1068 « , » : [?] // v. 1072 « , » : [.] // v. 1074 « , » : [?] // v. 1081 « , » : [?] // « ’ « : [,] // v. 1083 « , » : [.] // v. 1084 « , » : [!] // v. 1087 « , » : [?] // v. 1088 « » : [,] // v. 1090 « , » : [.] // v. 1091 « , » : [.] // v. 1092 « » (x2) : [ ,] // v. 1096 « , » : [;] // v. 1097 « ; » : [,] // v. 1100 « . » : [?] // v. 1102 « , » : [.] // v. 1104 « , » : [.] // v. 1109 « » : [,] // « . » : [?] // v. 1112 « » : [,] // v. 1116 « , » : [.] // v. 1117 « , » : [:] // « , » : [.] // v. 1123 « » : [,] // v. 1124 « , » : [.] // v. 1125 « , » : [?] // v. 1128 « , » : [;] // v. 1130 « , » : [.] // v. 1132 « , » (x2) : [,] // v. 1133 « » : [!] // « » : [,] // v. 1134 « , » : [?] // v. 1135 « , » : [.] // v. 1136 « , » : [?] // v. 1137 « , » : [.] // v. 1138 « , » : [:] // v. 1139 « » : [,] // v. 1141 « » : [,] // v. 1142 « » : [,] (x3) // « , » : [?] // v. 1143 « » : [,] // « , » : [?] // v. 1144 « , » : [?] // v. 1146 « » : [,] // v. 1149 « » (x2) : [,] // v. 1151 « , » : [?] // v. 1152 « , » : [;] // v. 1154 « , » : [:] // v. 1155 « » (x2) : [,] // « » : [.] // v. 1156 « » (x2) : [,] // « , » : [?] // v. 1158 « , » : [?] // v. 1162 « » : [?] // v. 1164 « , » : [.] // v. 1166 « » : [,] // « , » : [.] // v. 1167 « . » : [;] // v. 1168 « , » : [.] // v. 1169 « » : [,] // v. 1170 « , » : [.] // v. 1172 « , » : [?] // v. 1176 « , » : [.] // v. 1186 « , » : [.] // v. 1187 « , » : [:] // v. 1190 « , » : [;] // v. 1192 « » (x2) : [,] // v. 1195 « , » : [;] // v. 1196 « , » : [!] // v. 1197 « , » : [:] // v. 1199 « , » : [?] // v. 1200 « » : [ !] // v. 1204 « , » : [;] // v. 1207 « » : [,] // v. 1208 « , » : [;] // v. 1211 « , » : [.] // v. 1212 « , » : [.] // v. 1216 « , » : [;] // v. 1219 « , » : [:] // v. 1221 « , » : [.] // v. 1222 « , » : [?] // v. 1228 « , » : [;] // v. 1236 « , » : [.] // v. 1242 « » (x2) : [,] // v. 1243 « , » : [.] // v. 1244 « , » : [.] // v. 1247 « , » : [?] // v. 1252 « » : [;] // v. 1255 « » (x2) : [,] // v. 1258 « » : [,]
Acte V §
v. 1261 « » : [,] // v. 1262 « , » : [.] // v. 1264 « . » : [.] // v. 1265 « . » : [:] // v. 1266 « » : [,] (x2) // v. 1268 « , » : [.] // v. 1276 « , » : [.] // v. 1281 « » : [,] // v. 1284 « , » : [;] // v. 1285 « » : [,] // v. 1290 « ’ « : [,] // v. 1294 « , » : [?] // v. 1296 « , » : [?] // v. 1299 « , » : [;] // v. 1300 « , » : [.] // v. 1306 « , » : [!] // v. 1308 « , » : [;] // v. 1311 « : » : [?] // « , » : [?] // v. 1315 « , » : [;] // v. 1318 « , » : [.] // v. 1326 « » : [,] // v. 1328 « , » : [.] // v. 1332 « » : [,] // v. 1333 « , » : [.] // v. 1342 « , » : [;] // v. 1344 « , » : [.] // v. 1348 « , » : [.] // v. 1349 « » : [!] // v. 1350 « » : [,] // v. 1358 « , » : [;] // v. 1362 « , » : [.] // v. 1363 « » : [,] // v. 1364 « » : [,] // v. 1365 « » : [,] // « » : [;] // v. 1369 « , » : [.] // v. 1377 « » : [,] // v. 1380 « » (x2) : [,] // v. 1384 « » : [,] // v. 1388 « , » : [.] // v. 1390 « , » : [:] // v. 1394 « » : [!] // « » : [?] // v. 1396 « , » : [.] // v. 1397 « , » : [?] // v. 1398 « » : [,] // v. 1400 « , » : [.] // v. 1401 « » : [,] // v. 1404 « , » : [.] // v. 1405 « , » : [?] // v. 1409 « » (x2) : [,] // v. 1411 « , » : [;] // v. 1416 « , » : [.] // v. 1418 « , » : [;] // v. 1421 « » : [!] // v. 1425 « » : [,] // « , » : [.] // v. 1426 « » : [,] // v. 1429 « » : [!] // v. 1430 « , » : [!] // « » : [!] // v. 1431 « . » : [?] // v. 1432 « . » : [?] // « . » : [!] // v. 1435 « » (x4) : [,] // v. 1438 « , » : [.] // v. 1448 « » : [,] // v. 1459 « » : [,] // v. 1462 « » : [!] « . » : [?] // v. 1469 « » : [,] // v. 1470 « , » : [.] // v. 1472 « , » : [:] // v. 1474 « » (x2) : [,] // v 1476 « , » : [.] // v. 1477 « » (x2) : [,] // « , » : [.] // v. 1480 « » : [!] // « . » : [?] // v. 1481 « » : [!] // v. 1483 « » : [,] // v. 1484 « , » : [?] // v. 1485 « » : [,] // v. 1494 « , » : [.] // v. 1495 « , » : [.].
LYNCÉE43
TRAGÉDIE. §
ACTEURS46 §
Acte I. §
Scène 1. §
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
[p. 4]ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
[p. 7]IPHIS.
Scène II §
ERIGONE.
DIRCE.
Qu’Iphis est devenuERIGONE.
DIRCE.
ERIGONE.
DIRCE.
ERIGONE.
DIRCE.
ERIGONE.
DIRCE.
ERIGONE.
Ose encor en douter pour maDIRCE.
ERIGONE.
ERIGONE
Scène III. §
ERIGONE.
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
ERIGONE.
Fin du Premier Acte.
Acte II. §
Scène I. §
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
Scène II. §
DANAUS.
LYNCEE.
DANAUS.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
Scène III. §
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
[p. 18]HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
[p. 19]HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
Scène IV. §
HIPERMESTRE.
Fin du Second Acte.
Acte III. §
Scène I. §
ERIGONE.
DIRCE.
[ERIGONE]76
Scène II. §
IPHIS.
ERIGONE.
Scène III. §
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
Scène IV. §
ERIGONE.
Scène V. §
DIRCE.
ERIGONE.
DIRCE.
ERIGONE.
Scène VI. §
LYNCEE.
LYNCEE.
ERIGONE.
LYNCEE.
ERIGONE.
LYNCEE.
ERIGONE.
LYNCEE.
ERIGONE.
LYNCEE.
ERIGONE.
Scène VII. §
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
[p. 32]HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
[p. 33]HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
LYNCEE.
Fin du Troisième Acte.
Acte IV. §
Scène I. §
DANAUS.
IPHIS.
IPHIS.
DANAUS.
IPHIS.
DANAUS.
Scène II. §
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
Perissent à ce prix,HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
Scène III. §
IPHIS.
DANAUS.
IPHIS.
DANAUS.
IPHIS.
DANAUS.
IPHIS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
[p. 41]DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
IPHIS.
Scène IV. §
DANAUS.
Scène V. §
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
Scène VI. §
LYCASTE.
DANAUS.
LYCASTE.
DANAUS.
[p. 46]Fin du Quatrième Acte.
Acte V. §
Scène I. §
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
IPHIS.
ERIGONE.
[p. 48]IPHIS.
Scène II. §
ERIGONE.
Scène III. §
ERIGONE.
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
ERIGONE.
DANAUS.
HIPERMESTRE.
DANAUS.
Scène IV. §
HIPERMESTRE.
ERIGONE.
HIPERMESTRE.
ERIGONE.
HIPERMESTRE.
[p. 52]Scène V. §
LYCASTE.
HIPERMESTRE.
LYCASTE.
HIPERMESTRE.
ERIGONE.
LYCASTE.
ERIGONE.
LYCASTE.
HIPERMESTRE.
LYCASTE.
HIPERMESTRE.
LYCASTE.
ERIGONE.
HIPERMESTRE.
Scène VI et derniere. §
HIPERMESTRE
LYNCEE.
HIPERMESTRE.
[p. 55]FIN
Glossaire §
Les mots qui figurent dans ce glossaire sont ceux dont le sens actuel diffère de celui du XVIIe siècle. En règle générale, pour les définitions, nous avons fait le choix de nous intéresser au Dictionnaire universel d’Antoine Furetière113, excepté lorsqu’il nous semblait trop éloigné ou imprécis pour le mot de la pièce ; dans ce cas précis, la référence est indiquée après la définition.
Il a été accablé sous la ruine de cette maison.
Il est accablé de chagrin, de gens qui l’importunent. Accablé de vieillesse, accablé de sommeil.
On le dit même en bonne part : Accabler de presens, de bienfaits, de complimens.
L’entrée du Roy après son mariage s’est faite avec beaucoup d’appareils et de magnificence.
On fait de grands apprests et préparatifs pour l’entrée du Roy.
Cet homme s’appreste à partir.
Le ciel n’abandonne pas ses amis au besoin.
Il se meurt d’ennuy.
Un amant, pour exprimer la passion, dit aussi que l’amour luy fait souffrir
Les plus cruelles gesnes, pour dire, des tourments.
Dans notre pièce, ce terme est surtout utilisé pour désigner les noces en général.
Je ne puis souffrir ce meschant Orateur.
Appendices §
Liste des mariages des Danaïdes avec les Egyptiades §
Filles d’Eléphantis & fils de sang royal
Hypermnestre & Lynceus
Gorgophone & Proteus
Filles d’Europe et fils de sang royal
Automate & Busiris
Amymone & Enceladus
Agave & Lycus
Scaea & Daiphron
Filles de nymphes, d’Atlantia et de Phoebe & fils d’une épouse arabe
Hippodomia & Istrus
Glauce & Alces
Hippomedusa & Alcmenor
Gorge & Hippothous
Iphimedusa & Euchenor
Rhode & Hippolytus
Rhodia & Chalcodon
Cleopatra & Agenor
Asteria & Chaetus
Hippodamia & Diocorystes
Filles d’une épouse éthipienne & fils d’une épouse phénicienne
Pirene & Agaptolemus
Dorium & Cercetes
Phartis & Eurydamas
Mnestra & Aegius
Evippe & Argius
Anaxibia & Archelaus
Nelo & Menemachus
Filles de Memphis & Fils de Tyria
Clite & Clitus
Sthenele & Sthenelus
Chrysippe & Chrysippe
Filles d’une nymphe naïade Caliadre & fils d’une Naïade Polyxo
Autonoe & Eurylochus
Théano & Phantes
Electra & Peristhenes
Cleopatra & Hermus
Eurydice & Dryas
Glaudippe & Potamon
Anthelia & Cisseus
Cleodore & Lixus
Evippe & Imbrus
Erato & Bromius
Stygne & Polyctor
Bryce & Chtonius
Filles de Pieria & fils de Gorgo
Actaea & Periphas
Podare & Oeneus
Dioxippe & Egyptus
Adite & Menalces
Ocypete & Lampus
Pylarge & Idmon
Filles d’Herse & fils d’Hephaetine
Hippodice & Idas
Adiante & Daïphron
Filles de Crino & fils d’Hephaetine
Callidice & Pandion
Oeme & Arbelus
Celaeno & Hyperbius
Hyperippe & Hippocorystes
Héroïde XV d’Ovide §
Bien qu’Abeille ait épargné aux spectateurs le spectacle de la nuit meurtrière qu’Ovide décrit longuement dans son Epître héroïque XIV115, il reste intéressant de comparer avec ce texte pour bien saisir ce que notre dramaturge apporte au mythe, en consultant l’intégralité de cette Héroïde d’Ovide, disponible sur le site de la bibliothèque numérique de Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62469r.