Isaac de Benserade
Édition critique établie par Sandra Tortel dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier
1636Biographie d’Isaac de Benserade §
Les origines de Benserade sont mal connues. Selon ses biographes1, il serait né en 1613 à Lyons-la-Forêt2 en Normandie. Issu d’une famille de petite noblesse, son père est maître des eaux et forêts, il est destiné à une carrière ecclésiastique. Mais son caractère d’amuseur et de courtisan ajouté à sa volonté de réussir vont peu à peu le détourner de cette voie toute tracée.
Dès son enfance, il se serait fait remarquer par sa vivacité d’esprit et son désir de briller. À l’âge de 8 ans, l’évêque qui lui donna la confirmation lui proposa de changer son prénom hébreu Isaac pour un prénom chrétien : la réponse de Benserade est significative : « Volontiers, dit-il, pourvu qu’on me donne du retour3. » Cette réponse inattendue révèle l’ambition précoce de notre auteur. Plaire et être apprécié était essentiel pour Benserade. Toute sa vie sera guidée par ce désir et il n’hésitera pas à user de différents moyens pour l’assouvir. À la mort de son père, il se retrouva dans une situation financière plus que délicate. Allié par sa mère au cardinal de Richelieu, il décida de faire appel à sa générosité et bénéficia de l’aide financière du ministre jusqu’à sa mort, en 1642. Au sortir de ses études, il reçut une pension de 600 livres. À la mort du cardinal4, la reine-mère touchée, semble-t-il, par son charme et sa vivacité d’esprit5, lui accorda une pension de 3 000 livres. Dès 1634, le « beau » Benserade fut reçu à l’Hôtel de Rambouillet qui lui ouvrit les portes du grand monde. Son charme et son pouvoir de séduction lui attirèrent la bienveillance des femmes qui appréciaient ses mots d’esprit et ses plaisanteries, atout non négligeable pour avoir une place dans les cercles mondains. Influencé par ce milieu, il prit part dès 1635 aux activités littéraires du moment et s’orienta dans deux directions différentes. Parallèlement à ses tentatives théâtrales des premières années (1635-1636), il commença à composer des poèmes, des sonnets et des odes, et par la suite des chansons mises en musique par Lambert ainsi que de nombreuses épigrammes6 qui vont contribuer à sa notoriété à la Cour et à la bienveillance particulière du cardinal Mazarin. La querelle des Sonnets7 qui éclata en 1638 mit en compétition un sonnet de Benserade avec un sonnet de Voiture, ce qui fut tout à l’honneur de notre poète. Dans les années 1660, au plus fort de sa gloire, alors qu’il était considéré comme l’un des poètes les plus originaux de son temps avec Corneille et Voiture, il se mit à écrire des vers pour des ballets royaux qui célèbrent les grands événements du royaume au cours de somptueuses fêtes et dans lesquels les rôles principaux sont tenus par de hauts personnages tels que Louis XIV en personne. Ces ballets très en vogue et surtout utiles à la propagande royale contribuèrent à l’excellente réputation du poète. Il était apprécié pour son expression délicate, en accord avec les mœurs de l’époque et les goûts des personnes auxquelles il s’adressait. Son exquise galanterie auprès des femmes le rend célèbre et sa franchise lui vaudra tous les compliments de la Cour.
Tout en se conformant aux inclinations de son temps, Benserade conserve toute sa liberté d’expression8. Quand on l’accuse de changer trop souvent ses opinions, de ne tenir à aucun parti et de servir toutes les causes : « Je n’en sers qu’une, dit-il, et c’est la mienne, je ne suis qu’un parti, celui de ma fortune ; je n’ai qu’un but, celui d’être heureux et tranquille, tout ce que j’ai fait ne tend qu’à m’y faire parvenir : pourquoi m’accuser d’être changeant9 ? ». Il devint un « habitué » de la Cour et fut chargé par Melle de La Vallière de sa correspondance amoureuse avec le roi. Cet emploi contribua à façonner son image de libertin10.
Puis en 1674, consécration ultime : Benserade fut élu à l’Académie française où il succéda à Chapelain. La Bruyère lui-même, frappé de son succès continu, le peint dans ses Caractères sous les traits de Théobalde, celui qu’on applaudit en confiance, sans toujours l’entendre11. Mais peu à peu, la renommée du poète s’essouffla et ses oeuvres perdirent cette fraîcheur et cette vivacité qui faisaient le succès de leur auteur. En 1676, le roi lui commanda une mise en rondeaux des Métamorphoses d’Ovide. Cette nouvelle œuvre, critiquée, entre autres, par Boileau, sonna le glas de la carrière mondaine du poète courtisan. Peu à peu dégoûté de la Cour, il se retira à Gentilly où il s’occupa à traduire tous les psaumes et à écrire quelques ouvrages de piété pendant les dix dernières années de sa vie. Il mourut le 19 octobre 1691 à 78 ans.
Il reste dans les mémoires comme le bel esprit préféré de la cour de Louis XIV et laisse une œuvre poétique importante. Benserade a été pendant plus de cinquante ans un homme d’esprit, jouant des modes de son époque, toujours prêt à satisfaire les goûts et les caprices littéraires de la Cour. « Benserade n’a été qu’un précieux, il a toujours été un précieux ; mais il l’a été avec autant d’esprit et de ressources ingénieuses dans l’esprit qu’on a jamais pu en avoir12. »
Carrière dramatique de l’auteur §
Sa carrière de dramaturge commence alors qu’il n’a que 22 ans, en 1635. Avec la tragédie de Cléopâtre, Benserade signe son premier texte. Le théâtre connaît à ce moment-là un essor considérable qui marque le début d’une ère nouvelle. À partir de 1629, des transformations profondes réorganisent de façon décisive l’activité théâtrale : modes de production, statut des auteurs et des comédiens, localisation des troupes, composition du public. Une centralisation s’opère et deux compagnies de comédiens s’installent définitivement à Paris en 1629, celle de l’Hôtel de Bourgogne appelée la « Troupe royale » et celle de Montdory, qui se fixe au théâtre qui prendra le nom du Marais en 1634. Richelieu, nommé ministre d’État par Louis XIII en 1629, contribue à ce renouveau : il constate que le théâtre peut s’avérer un enjeu politique non négligeable s’il est mis au service de l’autorité royale. Passionné de théâtre, le cardinal s’entoure d’une équipe de poètes parmi lesquels Boisrobert et Desmarets de Saint-Sorlin, qu’il poussera à écrire des pièces de théâtre. Ainsi la reconnaissance du théâtre comme art officiel va de pair avec l’éclosion d’une des périodes les plus brillantes de la dramaturgie française.
Mongrédien est le seul à relater avec force détails les débuts théâtraux de Benserade. Il prétend que sa carrière a commencé par amour pour une actrice, La Bellerose. Cette explication romantique n’est cependant pas attestée. Benserade semble en tout cas avoir délaissé les cours de philosophie de la Sorbonne pour le théâtre. Il a préféré ainsi s’initier aux plaisirs du monde car le théâtre est à l’époque un divertissement agréable, apprécié par l’aristocratie qui permet à un auteur de se faire un nom. C’est un fervent spectateur de l’Hôtel de Bourgogne où il découvre de nombreux auteurs chez lesquels il va puiser son inspiration pour écrire ses propres pièces. Tout au long de sa carrière, il s’attaque aux trois genres du théâtre les plus en vogue : la tragédie qui a fait sa réapparition en 163413, la tragi-comédie pour laquelle l’engouement s’étiole à partir de 1640 et la comédie que Corneille remet au goût du jour après 1640.
En 1635, Benserade écrit sa première tragédie Cléopâtre. Sa pièce, jouée à l’Hôtel de Bourgogne14 avec un certain succès, est mise en concurrence cette année-là avec celle de Mairet, Marc-Antoine, représentée sur la scène du Marais. Fort de son premier succès, notre auteur se lance dans l’écriture d’une deuxième tragédie La Mort d’Achille et la dispute de ses armes, en 1636. Après ces deux premières tragédies, Benserade n’en écrira qu’une autre15 : Méléagre en 1641. Entre La Mort d’Achille (1636) et Méléagre (1641), il compose une tragi-comédie Gustaphe, ou l’heureuse ambition en 1637 et la même année, une comédie Iphis et Iante jugée comme sa meilleure œuvre théâtrale.
Le succès appréciable que lui valent ses deux premières pièces lui donne une certaine assurance. Benserade est sûr de lui et de son talent mais il ne sait pas encore dans quel domaine : pendant qu’il s’essaye au théâtre, il se mêle à des groupes très différents, s’intéresse aux beaux-arts sans jamais perdre de vue ses intérêts. Le théâtre n’a donc pas été à proprement parler une vocation pour lui : la brièveté de son expérience le montre bien. Il s’en est servi pour séduire les esprits les plus influents qui fréquentent assidûment les théâtres à cette époque. Sa carrière dramatique n’aura duré que six ans et n’aura été qu’une étape parmi tant d’autres dans sa vie, une expérience enrichissante et fructueuse. Elle dévoile les qualités du futur galant homme et marque le début d’une carrière galante consacrée essentiellement à la poésie de cour.
Le contexte littéraire et les sources de la pièce §
À l’époque où Benserade écrit La Mort d’Achille et la dispute de ses armes, c’est-à-dire dans la première moitié du XVIIe siècle, la place de la culture antique est encore fondamentale dans la société mais aussi dans l’enseignement. Les études grecques restent marginales malgré le maintien d’une certaine activité en sa faveur, au sein de cercles tels que les mercuriales de Ménage, le parloir de Saint-Germain-des-Prés qui accueille des hommes comme Bossuet, Fénelon ou Boileau, mais aussi au sein même de l’Académie française. Les textes grecs ne sont connus que dans leur traduction latine, l’accès à la langue grecque étant réservé à une petite élite. Cependant ce poids de la culture antique exerce peu à peu une véritable tutelle intellectuelle pour certains auteurs qui y voient désormais une marque de pédantisme. Un « goût plus fin » et un « discernement plus exquis » tentent de se substituer à la « profonde érudition » qui passe alors pour avoir gâté le siècle précédent. La confrontation de ces deux principes se concrétise dans la querelle des Anciens et des Modernes qui suscitera de nombreux débats dans la seconde moitié du siècle. Cependant le théâtre préclassique est imprégné des œuvres de Sénèque dont les adaptions sont en vogue depuis le milieu du XVIe siècle.
Benserade se situe à une époque charnière : il reçoit l’influence de la culture antique mais aussi celle des salons qui privilégient le bon goût sur l’érudition. Au milieu des années 1630, la tragédie renaissante cherche à se démarquer nettement des genres appréciés depuis la fin des années 1620 comme la pastorale ou la tragi-comédie, qui est d’ailleurs toujours à la mode à cette époque. Ses sujets sont puisés dans des récits mythologiques ou dans l’histoire antique, à la différence de la pastorale et de la tragi-comédie. En 1634, la pièce de Rotrou, Hercule mourant relance ainsi les tragédies mythologiques et un certain nombre des tragédies écrites jusqu’à la fin du siècle prendront leurs sujets dans la mythologie. Ce genre plaît beaucoup au public du XVIIe siècle qui distingue mal la légende de l’histoire. Comme le récit historique, la légende peut et doit être arrangée selon la vraisemblance et les bienséances. C’est au nom de ces deux principes, vraisemblance et bienséance, que naît la tragédie dite « régulière » qui met en pratique les règles d’unités.
Dans ce contexte, Benserade est naturellement conduit à écrire une tragédie conforme aux principes et aux goûts de son temps. C’est à partir de ces éléments qu’il compose ses deux premières pièces. Il choisit des sujets mythologiques qui ont déjà fait leur preuve au théâtre dans la génération précédente : ainsi Méléagre et La Mort d’Achille sont inspirées de pièces d’Alexandre Hardy. La Mort d’Achille, sa deuxième œuvre théâtrale, répond aux critères de son temps : tragédie mythologique, elle s’inspire des diverses traditions que l’auteur a pu trouver chez Homère ou Sophocle mais aussi chez des auteurs supposés antérieurs à lui tels que Darès de Phrygie et Dictys de Crète16 dont les récits sont beaucoup appréciés depuis le XVIe siècle. Jouée à l’Hôtel de Bourgogne dès la fin de 163517, la pièce remporte un succès d’estime ; le cinquième acte, jugé trop long et détaché de l’action principale, est vivement critiqué18.
L’exploitation que fait Benserade de ses sources permet de montrer que tout en modelant son schéma d’ensemble sur le tissu mythologique qu’il connaît, il tient compte de facteurs théoriques provenant de plusieurs genres dramatiques. Pour son sujet, il utilise des sources très nombreuses et très variées : d’Homère à Hardy en passant par Darès et Dictys19, les influences se font jour aussi bien dans le déroulement de l’action que dans le caractère des personnages. Dans son argument « Au Lecteur », Benserade mentionne Darès et Dictys comme sources essentielles pour l’écriture de La Mort d’Achille tout en rappelant que la légende d’Achille, héros de la guerre de Troie, est racontée dans son ensemble par Homère dans l’Iliade. Il conclut ainsi : « J’ai pris des uns & des autres ce que j’en ay jugé necessaire pour l’embellissement de la chose. » En effet, notre auteur n’a pas hésité à mêler les diverses légendes entre elles, tous les poètes ne rendant pas tout à fait compte des mêmes traditions mythologiques. En plus de ces trois principales influences, la pièce d’Alexandre Hardy, La Mort d’Achille, écrite en 1607, lui sert de modèle pour ses quatre premiers actes. Au cours de son cinquième acte, il s’inspire point par point d’un passage des Métamorphoses d’Ovide20 qui est pour une bonne part consacré à la dispute des armes d’Achille21 entre Ajax et Ulysse mais aussi de l’Ajax de Sophocle pour le suicide du héros grec.
L’abondance et la richesse des sources utilisées par notre auteur ne nous permettent pas d’organiser de façon très précise dans une étude générale ces diverses influences mais plutôt d’en dégager quelques points essentiels.
Benserade fait commencer sa tragédie au moment où une nouvelle trêve vient d’être décidée entre les Grecs et les Troyens. Le schéma de la tragédie s’appuie sur trois moments-clés, pris principalement dans le récit de Dictys22.
Pour cette première étape de l’action, Benserade a repris la scène telle que Dictys la décrit : Priam est accompagné de sa suite (I, 3, v. 124-125), ce qui rend sa requête plus solennelle. Cependant, c’est d’Homère23 que s’inspire notre auteur pour l’entrevue d’Achille et de Priam. Ce dialogue qui s’engage alors entre les deux personnages est beaucoup plus émouvant que celui relaté par Dictys. Priam s’adresse à Achille avec beaucoup de respect et d’humilité, voire de soumission (v. 134-137) pour lui témoigner sa profonde reconnaissance : Achille est pour lui incontestablement un valeureux guerrier. Mais c’est aussi en père qu’il s’adresse au héros grec : en rappelant que ce dernier est la cause de son malheur puisqu’il a tué un grand nombre de ses fils, il évoque le malheur d’un père privé de ses enfants. C’est ce sentiment paternel que Priam essaie d’éveiller dans le cœur d’Achille. Priam apparaît donc meurtri mais digne, ce qui n’est pas révélé par le récit de Dictys. Grâce à la version homérique, Benserade rend toute sa grandeur au roi troyen.
Le deuxième moment fort de l’action pris chez Dictys constitue un véritable coup de théâtre : la mort de Troïle tué au combat par Achille qui avait pourtant promis de respecter la paix au nom de son amour pour Polyxène24. Chez Dictys25 comme chez Darès26, la mort du fils de Priam provoque le désir de vengeance des Troyens contre Achille. Chez le premier, c’est Pâris qui, en poignardant Achille, cherche à venger le peuple troyen tout entier des meurtres commis par le héros grec, tandis que Darès évoque comme cause du meurtre d’Achille la volonté d’Hécube de venger ses enfants morts en tendant un guet-apens au guerrier grec. Benserade fait de la mort de Troïle un moment très important de l’action puisque c’est elle qui détermine le sort d’Achille. Elle provoque en effet le revirement d’Hécube qui, favorable, au début de la pièce, au mariage de sa fille Polyxène avec Achille, souhaite maintenant sa mort, mais aussi celui de Parîs qui décide de tuer Achille pour venger la mort de ses frères. Hécube ne cherche donc pas à se venger du passé mais à réparer une trahison qu’elle juge impardonnable.
Enfin, le troisième temps fort de la tragédie met en scène le meurtre d’Achille dans le temple d’Apollon27. Benserade s’inspire des trois versions qu’il a en sa possession : celles de Dictys, de Darès et de Hardy, lequel a inspiré notre auteur pour la mise en scène. Ces trois auteurs mettent en lumière la lâcheté du coup porté à Achille, venu dans le temple avec l’espoir d’épouser Polyxène, ou tout au moins pour apaiser la situation. C’est en tendant un piège au héros que Pâris arrive à le tuer. Benserade reprend cette idée : Pâris et Déiphobe, cachés dans le temple à l’arrivée d’Achille, tuent leur victime par surprise. Achille ne s’aperçoit qu’au dernier moment qu’il a été poignardé (IV, 4, v. 1261-1262) :
Qui se prendroit à moi ? qui seroit l’insenséQui viendroit m’attaquer ? mais Dieux ! je suis blessé.
La fuite des agresseurs et l’arrivée d’Ajax marquent, dans tous les textes que Benserade a pu consulter, la fin de la scène dans le temple. Ajax se pose alors en vengeur de la mort d’Achille. Chez Benserade comme chez ses prédécesseurs, cette scène est très vive et constitue le paroxysme dramatique de la tragédie.
Le récit de Dictys sert de canevas à La Mort d’Achille de Benserade et en donne les principales étapes. L’amour y est un enjeu très important, point que ne développe pas Homère et que Hardy n’exploite pas jusqu’au bout. Ces trois moments-clés de l’action donnent toute sa force à la pièce. De toutes les sources qu’il a consultées, le récit de Dictys reste le plus vivant est le plus propre à être transcrit au théâtre.
Benserade n’en perd pas pour autant toute son originalité. Il se distingue par l’exploitation qu’il fait d’un passage des Métamorphoses d’Ovide pour en faire une scène judiciaire, même si elle n’est pas réussie, ou des personnages qu’il trouve chez les auteurs tragiques grecs. Son originalité tient donc surtout au poids accordé aux caractères des personnages. Par rapport à Alexandre Hardy et à tous les autres textes consultés, Benserade s’attache à façonner avec une attention particulière les caractères de Polyxène, d’Hécube et d’Ajax.
Polyxène est le seul personnage à apparaître dans la pièce d’Alexandre Hardy, où un dialogue s’établit entre elle et Achille. Benserade s’en est inspiré et l’a placé à la scène 4 de l’acte II, avant la mort de Troïle. Les interventions de la jeune femme sont toujours tempérées et elle essaye d’agir dans le respect de son peuple et d’être en cohérence avec ses propres sentiments. Benserade accorde moins d’importance à ce personnage féminin qu’aux deux autres, Hécube et Briséis. Instrument de la vengeance des Troyens dans le récit de Darès, elle n’a ici aucun rôle direct dans le meurtre d’Achille. Mais Benserade en a fait un personnage fier et déterminé, en totale opposition avec la jeune fille suppliante et larmoyante du texte de Dictys. Elle ne se met en effet à genoux devant son ennemi que sur la demande de ses parents pour obtenir le corps de son frère mais le fait à contre cœur. C’est dans ces conditions qu’Achille, fasciné par sa beauté, cède et rend le corps d’Hector.
L’Ajax de Sophocle et l’Hécube d’Euripide ont servi de modèles à Benserade pour créer ses personnages et leur donner une dimension tragique. Pour le personnage d’Hécube, Benserade s’est inspiré du récit de Darès mais surtout de la pièce d’Euripide. De ces deux textes, il a conservé tout le pathétique de la mère accablée par la perte de la plupart de ses enfants tués par les Grecs. Ce pathétique est renforcé par le revirement qui s’opère chez elle à l’annonce de la mort de Troïle (IV, 1) : alors qu’elle consentait au mariage de sa fille avec un chef ennemi, elle décide alors de venger la mort de son fils28. Chez elle, comme chez Hécube dans la tragédie d’Euripide, le paroxysme de sa douleur de mère aboutit à un désir violent et cruel de vengeance29. Son désespoir à l’annonce de la mort de Troïle est tel qu’elle se prend d’une haine irrévocable pour Achille et suggère aux fils qui lui restent, Pâris et Déiphobe, de donner la mort au héros. Benserade supprime pourtant l’idée qu’Hécube veut user de fourberie pour se venger d’Achille : elle est entièrement responsable de ses actes. C’est un personnage sans concession. Elle ne veut que le bonheur de ses enfants et c’est dans ce but qu’elle accepte dès le début le mariage entre sa fille et Achille, le meurtrier d’un grand nombre de ses fils. L’espoir d’un avenir meilleur la laisse même rêver à la descendance qui naîtra de leur union (III, 4)30. Mais ce bonheur illusoire est de courte durée. La mort de Troïle va la conduire à un point de non-retour. Elle ne veut plus accepter passivement son destin malheureux de mère. Face à la trahison qu’elle subit, elle se réfugie, comme Ajax le fera, dans la vengeance. De là apparaît le personnage pathétique qui, dans l’excès de la douleur, est capable du pire, guidée qu’elle est par l’énergie du désir de vengeance. C’est ce même état que décrit Euripide dans sa tragédie31. Tout comme Ajax, Hécube est prête à aller jusqu’au bout de ses sentiments : c’est donc elle qui convainc Pâris de tuer Achille et qui décide de la manière d’agir.
Avec la pièce de Sophocle, Benserade a pu modeler le personnage d’Ajax qui revêt une importance toute particulière. Le dramaturge s’est en effet intéressé à la valeur humaine de ce héros telle qu’elle apparaît dans la tragédie de Sophocle. Un sentiment constant de respect et de reconnaissance vis-à-vis d’Achille l’anime et le pousse au suicide au moment où il s’apercevra qu’il ne pourra plus défendre ni son propre honneur ni celui de son ami. Son entrée en scène a lieu à l’acte III, scène 1 où s’engage un débat à propos de la décision d’Achille d’arrêter le combat. Ajax intervient peu dans cette scène où Ulysse mène le dialogue pour essayer de persuader Achille de continuer la lutte. C’est en ami qu’Ajax s’adresse à Achille et c’est au nom de cette fidèle amitié qu’il cherchera, après sa mort, à obtenir ses armes. Même si un désaccord s’établit entre eux à cause du refus catégorique d’Achille de se battre, Ajax, après la mort de Troïle, face à un Ulysse impitoyable, veut disculper son ami32. D’ailleurs le geste33 qu’il a lorsqu’il aperçoit Achille mourant montre qu’une grande affection les lie. À ce moment, Ajax promet de sauver l’honneur du valeureux guerrier qu’il a été et de contribuer à sa succession. Au nom du sentiment qui les unit, il doit venger Achille même au prix de sa vie. Son suicide est d’autant plus tragique qu’il relève de sa foi en certains principes, certaines valeurs auxquels il ne peut renoncer. Ajax est, comme Hécube, le type du personnage trahi qui ne fait aucune concession : c’est pourquoi son geste fatal n’est pas compris, ni par Agamemnon ni par Ulysse.
C’est donc le désir de vengeance qui anime ces deux personnages et les pousse à agir34. Il constitue une sorte de devoir impérieux imposé par une passion incontrôlable. Ce thème est présent déjà dans le théâtre antique et connaît un nouveau succès au XVIIe siècle qui emploie des thèmes très appréciés à la Renaissance. L’exploitation de ce sujet contribue à renforcer le caractère tragique des personnages et à éveiller l’attention du spectateur. C’est pourquoi Benserade représente sur scène à la fois le meurtre d’Achille et le suicide d’Ajax. Alors qu’il représente la destruction totale, à la fois morale et physique, de l’agresseur comme de la victime, le thème de la vengeance s’avère être, dans la pièce de Benserade, le déclencheur d’une tension dramatique extrême. En effet, c’est au moment où la vengeance est mise à exécution que l’action est la plus intense. Le dramaturge, pour transcrire toute la violence de la vengeance, doit mettre en scène la violence physique. Pour cela, Benserade s’est inspiré de la tragédie d’Alexandre Hardy35 qui met elle aussi en scène la mort d’Achille. En composant deux derniers actes très courts36, Hardy a réussi à concentrer l’action dramatique de sa pièce et à dégager toute la vivacité que requérait son sujet. C’est pour conserver cette dynamique que Benserade a représenté le suicide d’Ajax tel qu’il est exposé dans l’Ajax de Sophocle.
Benserade accorde donc une importance particulière aux caractères de ses personnages et cherche avant tout à mettre l’accent sur la spécificité tragique de leurs actes. C’est dans cet objectif qu’il se sert des dramaturges grecs tels que Sophocle et Euripide qui ont analysé avec précision les caractères d’Ajax et d’Hécube. Notre auteur tente ainsi de briser l’image héroïque des personnages mythologiques présentée par les récits homériques et de leur donner une dimension de véritables personnages tragiques.
En ce milieu des années 1630, la tragédie revient en force, prête à détrôner la tragi-comédie et la pastorale qui régnaient sur la scène française depuis une dizaine d’années et qui ont inspiré un grand nombre d’auteurs. En 1636, Benserade se doit donc d’écrire une tragédie pour plaire à son public. La Mort d’Achille et la dispute de ses armes s’inscrit dans ce contexte encore confus où diverses influences littéraires et culturelles se mêlent et se combinent et où les règles dites « classiques » font leur apparition. Ce foisonnement qui enrichit le théâtre de l’époque, transparaît dans l’abondance et la richesse des références mythologiques utilisées par Benserade qui fait appel à la culture antique de son public lettré. Comme le montre la diversité des textes, récits ou tragédies, évoqués par notre auteur, La Mort d’Achille témoigne d’un vaste héritage culturel qui s’étend des récits homériques au genre tragi-comique en passant par les outrances du baroque. La pièce n’en reste pas moins une tragédie de son temps, conforme aux tendances du théâtre préclassique.
Une tragédie préclassique §
Dès les années 1630, la notion de tragédie « régulière » est encore vague mais des théoriciens tels que Chapelain ou d’Aubignac mettent en place certaines de ses caractéristiques. Le théâtre reste aussi profondément marqué par ses expériences passées. C’est pourquoi La Mort d’Achille de Benserade rend compte de ces deux tendances, classiques et non classiques.
Pour cette pièce, Benserade s’est sans aucun doute inspiré de l’intrigue telle que la développe Alexandre Hardy dans sa tragédie du même nom, mais il a essayé de s’en détacher en présentant deux moments importants de l’action de façon différente. Benserade met sa tragédie au service du caractère galant de son héros. Dans un premier temps, la pièce semble s’organiser autour de la structure du roman37, qui présente des personnages pas encore héroïques, et fait donc penser à la tragi-comédie. Elle garde cependant les caractéristiques de la tragédie qui veut que dès le début, tout conduise le spectateur à envisager l’avenir le plus noir pour les personnages en scène.
C’est seulement dans le récit de Darès qu’apparaît Achille éperdument amoureux de Polyxène et prêt à tout accepter pour obtenir sa main38. La promesse que Priam fait à Achille de lui donner sa fille en mariage si les Grecs cessent le combat39 joue un rôle important puisqu’elle détermine la suite des événements : si Achille refuse de combattre les Troyens, il pourra épouser Polyxène. Dans la tragédie de Hardy, dès le premier acte40, la promesse d’Achille provoque l’inquiétude des chefs grecs qui s’opposent ouvertement à son projet de mariage avec Polyxène. Cette scène n’a lieu que bien plus tard (III, 1) dans la pièce de Benserade. En effet, Achille tombe amoureux à la scène 3 de l’acte I. De là découle la place différente dans les deux pièces de la rencontre entre Achille et Polyxène. Benserade précipite les événements et provoque cette entrevue dès la scène 4 du deuxième acte, tandis qu’elle n’a lieu qu’au troisième acte dans la pièce de Hardy. En effet, pour Hardy, cette scène constitue un point fort du déroulement dramatique ; pour Benserade, elle apparaît comme un moment obligé qui permet de renforcer le caractère galant du personnage d’Achille.
Dans cette même perspective, ces personnages « vierges » de tout sentiment au début de la pièce sont progressivement influencés par les événements qui se déroulent devant leurs yeux. Ce n’est pas du tout ainsi que Hardy les conçoit. Comme elle apparaît à la scène 2 de l’acte III, la haine de Polyxène envers Achille41 est exprimée avec beaucoup plus de virulence chez Hardy que chez Benserade puisque dès la première scène où apparaît le camp grec (II, 1), Pâris rend compte de la haine de tout son peuple envers Achille et de son désir de vengeance. Le projet de mariage servira de prétexte pour mettre cette vengeance à exécution. Chez Benserade, le désir de vengeance ne naît qu’après le meurtre de Troïle, c’est-à-dire au quatrième acte. C’est à cause de ce crime qu’Hécube décide de venger tous ses autres fils tombés sous le coup mortel d’Achille.
La vengeance des Troyens se concrétise à l’acte IV par la mort du héros grec. Son meurtre est représenté directement sur scène, ce que la dramaturgie classique n’approuvera plus par la suite. Benserade renforce tout le côté épique de sa tragédie en représentant sur scène la mort de son héros et suscite ainsi une vive émotion dans le public. À cette mise en scène du meurtre d’Achille s’ajoute le non respect des unités de lieu et d’action. À propos du système décoratif, il faut savoir qu’en ce début de siècle, tradition héritée du XVIe siècle, les différents décors n’étaient pas présentés successivement mais simultanément. La scène était divisée en plusieurs espaces réservés chacun à un décor particulier de la pièce. Cette juxtaposition des lieux rendait donc impossible le respect de l’unité de lieu. Quant à l’unité d’action, le titre même de la tragédie montre qu’elle n’est pas respectée42. Dans son argument, Benserade se justifie vis-à-vis de cette règle qu’il dit respecter. Pour lui, le point culminant de la pièce réside dans la mort d’Achille : les trois premiers actes convergent vers ce but. Le cinquième acte, qui présente la dispute des armes du mort, n’en est qu’un épisode. Notre auteur lie les deux moments à l’aide du personnage d’Ajax. En revendiquant les armes de son fidèle compagnon, Ajax veut en effet sauvegarder l’honneur et la mémoire d’Achille. Or l’utilisation du récit d’Ovide pour la construction de l’acte V et la forme qui en découle montrent combien cette justification est inefficace. L’unité d’action est ainsi mise à mal. Le cinquième acte se détache du reste de la pièce à cause de la rupture qui y apparaît entre l’action qu’il présente et l’action principale de la tragédie. Les harangues des deux personnages sont longues et ponctuées de références mythologiques. Le cinquième acte est donc à considérer à part comme une unité en soi. La difficulté qui apparaît à la fois dans la pièce de Hardy et dans celle de Benserade consiste à soutenir l’attention du spectateur alors que la mort du héros est survenue au cours du quatrième acte. Hardy lui aussi fait mourir Achille à l’acte 4. Il met donc en scène dans son cinquième acte, réduit à deux scènes, la bataille qui s’engage autour du corps du héros et la discussion entre les chefs grecs à propos de sa succession43. Il arrive ainsi à ne pas rompre l’unité d’action de sa tragédie. Benserade, en traduisant point par point un passage d’Ovide44, brise, quoi qu’il en dise45, l’unité d’action de la pièce. Bien qu’il soit également réduit à deux scènes, le dernier acte, déséquilibré, paraît très long46. En suivant fidèlement le récit d’Ovide, Benserade a voulu se démarquer de son prédécesseur mais n’a pas su transformer le récit épique en un épisode dramatique. C’est pourquoi, à ce moment de la pièce, l’action s’interrompt. La tentative de notre auteur était particulièrement risquée et elle ne sera pas réitérée par la suite par Thomas Corneille47 : l’action dramatique sera concentrée autour de l’enjeu amoureux.
Mais notre dramaturge s’est conformé à certains usages théâtraux en vigueur dès ces années 1630 et qui vont perdurer pendant tout le siècle.
L’unité de temps est respectée tout au long de la pièce. Le déroulement de l’action s’imbrique dans le découpage en actes de la tragédie et tient compte des entr’actes. Le combat entre Grecs et Troyens est raconté par Pâris en présence d’Hécube et de Polyxène. Le recours à l’hypotypose48 rend toute la violence du conflit ainsi que l’emploi du présent de narration. Ce récit contribue à susciter l’inquiétude d’Hécube quant au sort de son fils Troïle. Son désespoir après sa mort est renforcé par l’absence de toute représentation ou de tout récit de cette mort. Achille tue Troïle pendant l’entr’acte, entre le troisième et le quatrième acte. Le déroulement de l’action correspond donc au temps de la représentation théâtrale.
Comme il s’en explique dans son argument, Benserade respecte également les règles de vraisemblance et de bienséance. Bien qu’Achille soit tombé éperdument amoureux de Polyxène, celle-ci n’éprouve à aucun moment de la tragédie un sentiment analogue à son égard. Polyxène ne peut en effet aimer le meurtrier de plusieurs de ses frères sans briser les conventions de bienséance, à la différence de Corneille qui n’hésitera pas à décrire Rodrigue et Chimène encore éperdument amoureux malgré le meurtre commis par Rodrigue. Cette tentative lui vaudra d’ailleurs de vives critiques de la part des théoriciens. Au cours de la scène où s’engage un dialogue entre Achille et Polyxène (II, 4), on retrouve, à la fois chez Hardy49 et chez Benserade, la même attitude de la part de Polyxène : elle fait semblant d’accepter les sentiments du héros, feint l’amour pour le bien de son peuple, comme le lui a conseillé sa mère, Hécube, pour la convaincre. Mais en fait, seule une haine féroce l’unit à Achille. Elle semble prête à épouser son ennemi le plus acharné pour assurer la paix à venir mais ne montre à aucun moment quelque sentiment favorable envers Achille, même au début de la pièce. Dès qu’elle apprend la mort de son frère, elle se met du côté de sa mère (IV, 1, v. 1059-1066).
Dans ce même esprit de cohérence, notre auteur met en scène le suicide d’Ajax qui ne peut en aucune manière choquer le public. Le suicide est en effet considéré, dans la dramaturgie classique, comme un acte de courage digne d’un héros50. Le suicide de Briséis n’est quant à lui pas représenté mais évoqué par un simple soldat (v. 1326) parce qu’il ne relève pas d’un acte de bravoure aussi grand que celui d’Ajax.
Benserade supprime toute intervention du merveilleux dans sa tragédie, bien que, comme Hardy, il fasse appel à l’ombre de Patrocle dès la première scène51. Hardy la fait intervenir directement sur scène face à Achille52 alors que Benserade supprime l’élément merveilleux, peu conforme à la vraisemblance de la pièce, et fait raconter la scène par Achille en présence de Briséis (I, 1), ce qui contribue à donner une dimension plus tragique à la suite des événements.
Enfin, Benserade met en lumière deux figures traditionnelles du théâtre : le personnage du confident et celui de la rivale amoureuse.
Il s’inspire du personnage de Nestor dans la tragédie de Hardy pour créer celui d’Alcimède53. L’inquiétude de ce dernier à la scène 3 de l’acte II à propos de la décision d’Achille est semblable à l’intervention de Nestor chez Hardy54. Les deux personnages font figure de sages et prodiguent leurs conseils en vue d’aider Achille. Mais chez Benserade, Alcimède occupe véritablement le rang de confident. Il reflète les angoisses et les doutes du héros. Il le met en garde au moment où il s’aperçoit qu’Achille n’a plus toutes ses facultés de jugement, brouillées qu’elles sont par son amour pour Polyxène. Les sentiments d’Alcimède envers Achille se font jour dans le monologue qu’il tient à la scène 3 de l’acte II. Il s’inquiète de la faiblesse du héros face à son ennemi. Mais Alcimède le plaint plus qu’il ne le juge : Achille est un « pauvre aveugle » (v. 479). Il décide alors de ne pas exprimer devant lui ses inquiétudes, de s’effacer devant l’obstination de son ami, ce qui rend son dévouement encore plus poignant au cours de la scène dans le temple. Ce monologue sert à lier la scène entre Priam et Achille et celle entre Achille et Polyxène et prend ainsi un caractère lyrique. La lucidité de ce confident accentue la faiblesse d’Achille et son caractère d’amant galant.
La pièce s’ouvre sur un dialogue entre Achille et Briséis, sa captive. Celle-ci essaye de rassurer le héros grec en proie à de funestes présages. Dès le début, notre auteur met l’accent sur les liens qui unissent Achille à sa jeune captive. Dans le récit homérique, elle revêt une importance particulière puisque c’est à cause d’elle qu’une lutte s’engage entre Achille et Agamemnon. Benserade, quant à lui, lui confère le rôle de la rivale amoureuse : elle apparaît dès la première scène aux côtés d’Achille qui lui avoue ses inquiétudes et tente de le rassurer. Pour cela, elle fait appel à l’honneur du héros qui a remporté de grandes victoires. C’est elle aussi qui l’encourage à recevoir Priam et provoque ainsi son propre malheur puisque c’est au cours de cette rencontre qu’Achille va tomber amoureux de Polyxène. Elle intervient à deux reprises en aparté au cours de la scène 3 de l’acte I55 pour exprimer cette inquiétude qui la pousse par la suite à écrire à Achille56. Elle se rend d’ailleurs très vite compte du changement qu’a opéré chez Achille la vue de Polyxène (I, 3, v. 305-306) :
[…] Ce nouveau changementMe donne de la crainte, de l’estonnement.
Briséis met en garde Achille contre Polyxène : c’est le propre de la femme jalouse. La rudesse de la réponse d’Achille à cet égard la conduira au suicide57. Mais, dans un monologue qu’elle prononce à l’acte III, scène 3, elle semble résignée face aux sentiments d’Achille pour la jeune Troyenne58. L’amour qu’elle lui porte est vrai, profond et accentue la faiblesse des relations qu’il entretient avec Polyxène qui ne l’aime pas. Mais, comme Alcimède, Briséis décide de se taire (III, 3) et de cacher ses véritables sentiments à Achille. Le sort de Briséis qui se tue par désespoir amoureux, annonce celui d’Eriphile tel que Racine le mettra en scène dans son Iphigénie.
L’étude des personnages de la pièce montre que Benserade leur a accordé une place prépondérante. Notre auteur a pris soin de mettre en scène des êtres qui vont jusqu’au bout de leurs sentiments.
Entre éloquence et poésie §
Influencée par les tendances nouvelles qui se font jour à cette époque dans le monde du théâtre, la pièce de Benserade se distingue nettement par la forme de celle de Hardy. Outre sa connaissance de l’évolution du théâtre au moment où il écrit, notre auteur s’appuie sur le solide enseignement rhétorique qu’il a dû recevoir au collège, comme bon nombre de ses contemporains. Benserade attache donc une attention très particulière à la dimension rhétorique de sa pièce, à tel point qu’elle relève plus du discours oratoire que du discours tragique.
L’action tragique est mise à mal tout au long du texte. C’est ce qui ressort de l’examen de la pièce du point de vue de la rhétorique. En effet, le genre délibératif domine les quatre premiers actes : les différents personnages cherchent à comprendre les problèmes qui se posent à eux, analysent la situation sans toutefois se décider à agir. Ce sont les événements qui les contraignent à le faire. Deux scènes entières (I, 2 et 3) sont nécessaires à Briséis pour convaincre Achille de recevoir Priam. Ce dialogue, tout comme la première scène où Achille évoque son rêve, sert à exposer la situation au public et à poser les différents problèmes. Le récit d’Achille est rendu plus vivant par le recours à l’hypotypose qui traduit toute la force émotionnelle qu’a exercé ce songe sur lui. Cette première scène d’exposition se prolonge mais dans les deux scènes qui suivent, c’est Briséis qui se charge de relater la situation. Elle met en avant le malheur de Priam et de sa famille, à la fois pour informer le public et pour convaincre Achille de recevoir le roi troyen59. Cette longue discussion se poursuit à la scène 3 mais l’interlocuteur d’Achille change et c’est Priam qui prend la place de Briséis. Après l’échec successif du vieux roi et de sa femme Hécube pour convaincre Achille de rendre le corps d’Hector, l’intervention de Polyxène est décisive. À partir de là (v. 245), le changement de ton est très rapide : le discours délibératif fait place à la lamentation générale sur la situation et la guerre entre Grecs et Troyens. La longueur de cette scène contribue à ralentir le rythme de l’action déjà malmenée. Lorsqu’Achille annonce à l’acte II, scène 2 son refus de continuer le combat contre les Troyens par amour pour Polyxène, il met un terme à toute évolution de l’action dramatique. À partir de ce moment, les débats dans les deux camps vont mettre en confrontation, tout au long du troisième acte, les partisans et les adversaires de la décision d’Achille : l’action n’avance plus du tout.
Les trois premiers actes sont donc consacrés à un très long discours délibératif qui change d’interlocuteur chaque fois qu’il met en jeu de nouveaux débats. La force de délibération dans ces trois actes est mise en valeur par le recours presque systématique à la sentence par les personnages. Ces sentences contribuent à appuyer l’argumentation d’un personnage et à en démontrer toute la rigueur60. Les deux dernières scènes de l’acte III semblent néanmoins préparer le spectateur au coup de théâtre que constitue la mort de Troïle. Le récit de Pâris à propos de la situation sur le champ de bataille (III, 5) qui explique la tension qui y règne, provoque l’inquiétude chez Hécube et Polyxène et l’insistance avec laquelle Alcimède tente d’empêcher Achille de combattre (III, 6) montre que le moment est décisif.
L’acte IV est en totale rupture avec les actes précédents. La mort de Troïle va provoquer une vive réaction dans le camp troyen qui va décider du sort d’Achille. Mais dans le camp grec, le ton reste délibératif (IV, 2 et 3) : la mise en garde d’Alcimède quant à l’attitude à adopter succède à la confrontation entre Ulysse et Ajax à propos du geste d’Achille. Mais ce dernier se refuse désormais à toute action. La scène 4 rompt donc la passivité des deux scènes précédentes. Contrairement aux règles de la dramaturgie classique, le meurtre d’Achille est représenté sur scène pour permettre de susciter une tension dramatique : Benserade y est contraint pour donner toute sa dimension à cet événement qui va engendrer la fin tragique d’Ajax.
Le cinquième et dernier acte est, comme l’annonçait déjà le titre complet de la tragédie, un acte judiciaire. La mort d’Achille annonce la fin de la délibération, le début du procès. Cet acte met face à face les deux parties et expose dans une première scène les plaidories d’Ajax puis d’Ulysse. Les longues tirades des deux personnages font retomber la tension dramatique de l’acte précédent et ce n’est qu’au terme d’une assez longue dernière scène qu’Ajax met fin à ses jours. Le procès qui doit, au théâtre, constituer le sommet dramatique de la pièce, ne tient pas ici ses promesses puisque la rupture avec l’acte précédent est totale et que les longues harangues des deux parties diminuent toute la force de ce procès.
La Mort d’Achille met en scène de nombreux débats qui semblent nécessaires aux personnages pour agir. Il est vrai que la tragédie a très souvent recours au genre délibératif pour mettre les personnages face à face et dévoiler tous les enjeux dramatiques du sujet. Mais, dans la pièce de Benserade, l’action même dépend entièrement de la délibération : rien ne veut être laissé au hasard par les personnages, et surtout par Achille. Finalement, le débat ne débouche pas forcément sur une action préalablement et mûrement pensée. Achille illustre parfaitement ce phénomène. Personnage de la délibération par excellence, il participe malgré lui à de nombreuses confrontations qui l’opposent aux autres figures de la pièce. En effet, il sait personnellement ce qu’il doit faire pour sauvegarder la seule chose qui compte désormais pour lui, son amour pour Polyxène. Il est alors confronté à l’incompréhension générale lorsqu’il décide de ne plus combattre contre les Troyens61. Cette décision est fondamentale puisqu’elle fait passer Achille du monde homérique où la gloire est seule vertu, au monde galant de la tragi-comédie. En refusant de combattre, il renonce à la gloire digne d’un valeureux guerrier. Il se montre sensible et fragile. Cette image s’oppose à celle du guerrier homérique connu pour sa force et son invincibilité. Il suffit d’un seul regard posé sur Polyxène dès la deuxième scène pour que naisse l’amour. Le langage galant qu’il emploie pour exprimer ses sentiments révèle le profond changement qui s’est opéré en lui et qui se fait jour dans le monologue qu’il prononce en présence de Briséis (III, 2). C’est à partir de ce moment qu’il décide de ne plus combattre. Cette résolution est irrévocable et engage définitivement le héros : quand il reviendra sur sa parole pour se battre contre l’effronté Troïle, tout bascule et il commet l’irréparable. Le rachat de la mort de Troïle sera sa propre mort. Achille cherche à rester un héros aux yeux de sa bien-aimée : c’est pourquoi il part au combat, sans penser que s’il tue Troïle, c’est justement cet amour qu’il met en péril. C’est également pour sauver cet amour qu’il refuse de suivre les conseils d’Alcimède après la mort de Troïle62. La constatation d’Ajax à la scène 2 de l’acte IV n’en paraît alors que plus amère (v. 1145). Le même adjectif « aveugle » sert aux deux amis d’Achille, Alcimède et Ajax, pour le qualifier. Achille apparaît donc affaibli par son amour, contraint à l’inaction et à la contemplation de ce qui se passe autour de lui et c’est son amour qui l’y condamne. C’est pourquoi il est totalement en décalage par rapport aux autres personnages qui ont une dimension tragique. Ce contraste contribue à accentuer la faiblesse tragique du caractère d’Achille mais aussi à mettre en valeur son caractère galant. Sa confrontation avec Briséis à la scène 2 de l’acte III montre combien il est indifférent à la souffrance de sa captive qui, dans un élan tragique, s’écrie (v. 812) : « Non, non, vivons aymee, ou mourons odieuse. »
Il est aussi tout à fait insensible aux conseils d’Alcimède (III, 6 et IV, 3). À ces recommandations, Achille répond toujours en évoquant son amour pour Polyxène et son bonheur à l’idée de mourir de sa main (v. 1235-1238) :
L’arrest de mon destin sortira de sa boucheEt puis pour me fraper il faut qu’elle me touche,Entre les plus heureux qui le fut jamais tant ?Elle vivra vangee, je mourray content.
Les discours délibératifs qui ponctuent la pièce permettent de mettre en relief le caractère d’Achille, en proie à l’amour. Car c’est sur ce point qu’a voulu s’attarder Benserade : le héros homérique peut tomber amoureux mais cet amour le conduit à sa propre perte car il constitue sa seule faiblesse. C’est de ce personnage galant que s’inspirera Thomas Corneille pour sa Mort d’Achille écrite en 1673, où une rivalité amoureuse s’instaure entre Achille et son fils pour la même Polyxène.
La Mort d’Achille et la dispute de ses armes est une pièce de son époque, qui témoigne du poids considérable qu’a exercé la tragi-comédie sur le théâtre français dans les premières trente années du siècle. C’est pourquoi le personnage d’Achille est peut-être le plus convaincant, Benserade lui ayant accordé beaucoup d’attention. Les faiblesses de cette pièce, quelque peu déséquilibrée à cause des diverses influences théâtrales qui s’y mêlent, ont contribué à sa mauvaise réputation, du temps où elle a été représentée. Mais cette tragédie n’en reste pas moins très instructive quant à l’utilisation qu’un auteur peut faire de ses sources et de tous les éléments qu’il a en sa possession pour écrire sa pièce.
Les éditions de La Mort d’Achille §
1636-I : In 4º, 95 p.
LA MORT D’ACHILLE,/ ET/ LA DISPUTE/ DE SES ARMES./ TRAGEDIE./ [vignette]/ A PARIS,/ Chez ANTHOINE DE SOMMAVILLE,/ au Palais, dans la petite salle, à l’Escu de France./ M. DC. XXXVI./ Avec Privilege du Roy.
Paris, Bibliothèque nationale : microfiche Yf 580.
1637 : In 4º, 95 p.
Paris, BNF : microfilm M 1575.
Établissement du texte §
Pour la présente édition, nous avons restitué le texte de l’édition de 1636 de La Mort d’Achille de Benserade en opérant quelques modifications :
- – les i et u voyelles ont été distingués des j et v consonnes
- – les accents diacritiques ont été rétablis là où le sens les exigeait
- – les voyelles nasales surmontées d’un tilde ont été décomposées.
Nous avons conservé l’orthographe et la ponctuation de l’édition de 1636.
Rectifications §
Nous présentons ci-dessous la liste des erreurs et coquilles relevées dans les différentes éditions consultées et corrigées dans le texte que nous proposons :
Epistre au roy : l. 7 navoir
La Mort d’Achille : v. 55 ensemble :/ v. 71 a/ v. 125 n’y/ v. 343 Travaillez-donc/ v. 408 mon/ v. 505 Ou/
v. 582 N’esteignez-pas/ v. 646 cest / v. 661 non non/ v. 711 donnez-pas/ v. 743 Comment/
v. 763 fait/ v. 773 m’escognuë/ v. 794 (didascalie) en le baisant/ v. 831 une/
à partir du v. 851 POLIXENE/ v. 923 Quoy/ v. 950 vien/v. 983 puisje/ v. 1016 cest/ v. 1025 a/
v. 1046 Empire/ v. 1075 na/ v. 1091 ma/ v. 1100 çay-je/v. 1103 ou/ v. 1132 s’on/
v. 1166 d’écouvrir/ v. 1274 Sçachez/ v. 1447 fusse/ v. 1540 na/ v. 1578 ce qui ne/
v. 1637 non pus/
LA MORT D’ACHILLE
TRAGEDIE. §
Epistre
Au roy §
Sire,
Puis que toute la France delivrée de sa crainte se jette aux pieds de V.M. pour luy tesmoigner qu’elle n’est pas méscognoissante, je serois le seul coupable, si je n’augmentois cette honorable foulle de vos peuples qui porte si haut dans l’air le bruit des justes acclamations qu’elle donne à la derniere, et à la plus illustre de vos victoires, voyant comme elle déploye desja ses ailles pour voller de vostre costé. Et en effet, SIRE, quelques grandes, et quelques estonnantes qu’ayent esté vos actions depuis que vous tenez ce magnifique Sceptre que le droit du sang vous a mis en main, et que vos Royales vertus vous confirment tous les jours, V.M. sembleroit n’avoir pas tout à fait travaillé pour son honneur, si elle n’avoit eu une plus ample matiere pour occuper sa grandeur et sa force : tantost elle s’emploioit à vaincre des Rebelles, tantost à soûtenir la foiblesse de ses Alliez contre la violence des Usurpateurs, et tantost à reprimer l’insolence et la perfidie d’un Voisin, et d’un Vassal ; Il estoit temps qu’elle fit parêtre que toutes ses armes luy sont également avantageuses, et qu’elle s’aide aussi glorieusement du bouclier que de l’epée : Et ç’a esté en cette derniere guerre qu’elle en a donné, et en donne encore des preuves qui mettent sa gloire au plus haut poinct qu’elle puisse estre, et qui font rougir l’Espagne de la honte, et de la vanité de ses entreprises.63 Si les autres Monarques ont de l’assurance, et de la tranquillité dans leurs Etats, ils la tiennent moins d’eux mesmes que de leurs sujets qui travaillent sans cesse pour le salut et pour l’affermissement de leurs couronnes, mais au contraire le repos et la seureté que nous avons ne vient pas tant de nous comme c’est un effet de vostre agitation, et des dangers où V.M. s’expose tous les jours pour la conservation de nos vies, et de nos biens : De façon que nous ne pourions nous dispenser de nos hommages legitimes à moins que d’ajouster l’ingratitude à la desobeissance, et d’offencer en vostre personne le meilleur pere qu’ait jamais eu la Patrie, et le plus grand, et le plus vaillant Roy du monde ; Achile que je vous offre en toute humilité le confesseroit de sa propre bouche si V.M. avoit besoin des louanges d’un moindre qu’elle ; Je la suplie tres-humblement qu’il en soit veu de bon oeil, et qu’elle pardonne à l’ambition de celuy qui l’ose présenter ; C’est,
SIRE
de V.M.
Le tres-humble, tres-obeïssant, & tres-fidelle serviteur & subjet,
DE BENSSERADDE64
AU LECTEUR §
Le sujet de cette Tragedie est assez fameux pour n’estre pas ignoré de ceux qui la liront, puis que les plus beaux gestes de celuy qui en est le Herôs sont escrits d’un style si merveilleux par le divin Homere ; quelques Autheurs comme Dares Phrygius, & Dictys Cretensis65, en parlent historiquement, & avec plus de vray-semblance, j’ay pris des uns & des autres ce que j’en ay jugé necessaire pour l’embellissement de la chose sans en alterer la verité.66 Je m’asseure que l’on m’accusera d’avoir icy chocqué les loix fondamentales du Poëme Dramatique67 en ce que j’ajouste à la mort d’Achille, qui est mon objet, la dispute de ses armes, & la mort d’Ajax, qui semble estre une piece detachée, mais je m’imagine que mon action n’en est pas moins une, & que cette dispute & cette mort qui pourroit ailleurs tenir lieu d’une principale action ne doit estre icy considerée qu’en qualité d’Episode & d’incident68, veu qu’elle regarde principalement Achille, & qu’elle n’est pas le veritable but de ma Tragedie, bien que ce soit par où elle finit, s’il falloit tousjours finir par la mort du premier Acteur, le Theatre se verroit souvent despoüillé de ses plus beaux ornemens, la mort de Cesar69 ne seroit pas suivie du pitoyable spectacle de sa chemise sanglante qui fait un si merveilleux effect ; & qui pousse si avant dans les coeurs la compassion, le regret, & le desir de vengeance, quand Ajax se tuë du desespoir d’estre frustré des armes d’Achille, il ne donne pas tant une marque de sa generosité qu’il laisse un tesmoignage du merite de ce qu’il recherchoit, & par consequent cét acte ne tend qu’à l’honneur de mon Herôs. En tout cas si j’ay failly pardonne moy, & puis qu’il ne m’est pas permis d’esperer une juste loüange de la meilleure de mes productions, souffre que je tire un peu de gloire de la plus belle de mes fautes.
PERSONNAGES §
- ACHILLE.
- BRISEIDE Sa Captive.
- ALCIMEDE. Escuyer d’Achille.
- PRIAM. Roy de Troye.
- HECUBE. Sa femme.
- POLIXENE. Leur fille.
- PARIS. Leurs fils.
- DEIPHOBE.
- AJAX.
- ULISSE. Capitaines Grecs.
- AGAMEMNON. General d’armée.
- CONSEIL DES GRECS.
- TROUPE DE TROYENS.
- UN SOLDAT GREC.
ACTE PREMIER. §
SCENE PREMIERE. §
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE.
SCENE DEUXIESME. §
ALCIMEDE.
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE.
BRISEIDE.
SCENE TROISIESME. §
ACHILLE allant recevoir Priam.
PRIAM.
ACHILLE.
PRIAM.
ACHILLE.
PRIAM.
ACHILLE.
HECUBE.
ACHILLE.
BRISEIDE tout bas.
PRIAM.
ACHILLE.
PRIAM.
ACHILLE.
PRIAM.
HECUBE.
ACHILLE tout bas.
HECUBE.
ACHILLE.
HECUBE.
POLIXENE.87
HECUBE.
POLIXENE.
ACHILLE.
PRIAM.
ACHILLE.
PRIAM
ACHILLE.
HECUBE.
Fin du premier Acte.
ACTE II. §
SCENE PREMIERE. §
PRIAM.
HECUBE.
PARIS.
PRIAM.
PARIS.
PRIAM.
PARIS.
HECUBE.
SCENE DEUXIESME. §
PRIAM (luy allant à la rencontre.)
ACHILLE.
HECUBE.
ACHILLE.
PRIAM.
ACHILLE.
PRIAM.
ACHILLE.
PRIAM.
ACHILLE.
PRIAM.
ACHILLE.
HECUBE.
ACHILLE.
ACHILLE.
PRIAM.
SCENE TROISIESME. §
ALCIMEDE demeure seul105.
SCENE QUATRIESME. §
ACHILLE.
POLIXENE.
ACHILLE.
POLIXENE.
ACHILLE.
POLIXENE.
ACHILLE.
POLIXENE.
ACHILLE.
POLIXENE.
ACHILLE.
POLIXENE.
ACHILLE.
POLIXENE.
ACHILLE.
POLIXENE.
ACHILLE.
Fin du 2. Acte.
ACTE III. §
SCENE PREMIERE. §
ACHILLE.
AJAX.
ACHILLE.
ULISSE118.
ACHILLE.
ULISSE.
ACHILLE.
ULISSE.
ACHILLE.
ULISSE.
ACHILLE.
ULISSE, un peu bas.
ACHILLE.
ULISSE.
ACHILLE.
ULISSE.
AJAX.
AJAX.
ULISSE en r’entrant.
SCENE DEUXIESME. §
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE.
BRISEIDE.
ACHILLE en la baisant.
BRISEIDE.
ACHILLE.
SCENE TROISIESME. §
BRISEIDE seule.
SCENE QUATRIESME. §
HECUBE.
POLIXENE.
HECUBE.
POLIXENE.
HECUBE.
POLIXENE.
SCENE CINQUIESME. §
HECUBE.
PARIS.
HECUBE.
PARIS.
HECUBE.
PARIS.
HECUBE.
POLIXENE.
PARIS.
POLIXENE.
HECUBE.
PARIS.
HECUBE.
SCENE SIXIESME. §
ACHILLE, Il sort armé l’espée à la main.
ALCIMEDE.
ACHILLE.
ALCIMEDE.
ACHILLE.
ALCIMEDE
ACHILLE.
Fin du troisiesme Acte.
ACTE IIII. §
SCENE PREMIERE. §
HECUBE.
POLIXENE.
PARIS.
HECUBE.
PARIS.
DEIPHOBE
HECUBE.
POLIXENE.
HECUBE.
DEIPHOBE.
PARIS.
HECUBE.
DEIPHOBE.
PARIS.
DEIPHOBE.
HECUBE.
PARIS.
HECUBE.
SCENE DEUXIESME. §
ULISSE.
AJAX.
ULISSE.
AJAX.
ULISSE.
AJAX.
ULISSE.
AJAX.
SCENE TROISIESME. §
ACHILLE.
ALCIMEDE.
ACHILLE.
ALCIMEDE.
ACHILLE.
ALCIMEDE.
ACHILLE.
ALCIMEDE.
SCENE QUATRIESME. §
ACHILLE continüe son discours.
PARIS à Deiphobe.
DEIPHOBE.
ACHILLE.
ALCIMEDE.
PARIS l’apercevant.
ALCIMEDE.
ACHILLE.
ALCIMEDE.
PARIS prest à porter son coup.
ACHILLE.
PARIS parest, & les Troyens accourent.
ALCIMEDE l’espée à la main.
ACHILLE se voulant deffendre159.
ALCIMEDE.
DEIPHOBE.
ACHILLE.
PARIS.
ACHILLE.
PARIS s’en allant.
ALCIMEDE mourant.
SCENE CINQUIESME. §
ACHILLE Seul accoudé sur l’Autel.
SCENE SIXIESME. §
AJAX.
ULISSE.
ACHILLE.
ULISSE.
AJAX.
ACHILLE.
AJAX en l’embrassant.
ACHILLE.
ULISSE.
ACHILLE, il meurt.
ULISSE.
AJAX.
SCENE SEPTIESME. §
SOLDAT voyant Achille mort.
ULISSE.
AJAX.
Fin du quatriesme Acte.
ACTE V. §
SCENE PREMIERE. §
HARANGUE D’AJAX166.
HARANGUE D’ULISSE177.
SCENE DERNIERE. §
AJAX.
ULISSE.
AJAX.
ULISSE.
AGAMEMNON.
ULISSE prend les armes.
AGAMEMNON à Ulisse.
ULISSE.
AJAX monstrant l’espée d’Achille au costé d’Ulisse.
AGAMEMNON.
AJAX.
AGAMEMNON.
AJAX, Il tire son espée.
AGAMEMNON.
AJAX le regardant de travers.
AGAMEMNON.
ULISSE.
AJAX dans une irresolution184.
AGAMEMNON & les autres.
AJAX, il s’en donne encore un.
AGAMEMNON.
ULISSE.
AGAMEMNON.
FIN
Extraict du Privilege du Roy. §
Par grace et Privilege du Roy donné à Roye, en datte du dernier Septembre, 1636. Et Signé, Par le Roy en son Conseil. DE MONSSEAUX, Il est permis à ANTOINE DE SOMMAVILLE, Marchand Libraire à Paris, d’imprimer ou faire imprimer, vendre et distribuer une piece de Theatre, intitulée, La Mort d’Achille et la dispute de ses armes, Tragedie, durant le temps et espace de sept ans, à compter du jour qu’elle sera achevée d’imprimer. Et deffences sont faictes à tous Imprimeurs, Libraires, et autres, de contrefaire la dite piece, ny en vendre ou exposer en vente de contrefaicte, à peine de trois mille livres d’amende, de tous ses depens, dommages et interests ; ainsi qu’il est plus amplement porté par lesdites Lettres qui sont en vertu du present Extraict tenuës pour bien et deuëment signifiées, à ce qu’aucun n’en pretende cause d’ignorance.
Achevé d’imprimer le 30. Octobre 1636.