Chez AUGUSTUN COURBÉ, Imprimeur, et
Libraire de Monseigneur Frere du Roy, dans la
petite Salle du Palais, à la Palme.
M. DC. XXXIX
Avec Privilège du Roy.
Boisrobert §
Comme son illustre ami Corneille, François le Metel de Boisrobert est normand. Né à Caen en 1589 dans une famille d’origine protestante, il est quelque temps avocat au barreau de Rouen, mais très vite, il préfère écrire des vers plutôt que de plaider. Il monte à Paris en 1616, abjure en 1621 et devient abbé de Châtillon-sur-Seine en 1623.
Ce parfait courtisan est d’abord attaché à Marie de Médicis, mais dés qu’il sent que le pouvoir est sur le point de changer de mains, il séduit Richelieu par son humour et ses talents de conteur. En 1627, il devient le secrétaire et, certains diront, le « bouffon » du Cardinal. Il appartient au groupe des cinq auteurs1 et suscite ainsi l’attention de Richelieu pour cette jeune et prometteuse génération. Il est à l’origine de la création de l’Académie Française dont il sera un des premiers membres en 1634.
Lors de la querelle du Cid, il intervient auprès de Richelieu, en faveur de Corneille, pour faire cesser la polémique.
Sa position lui attire les jalousies et les inimitiés, « l’abbé galant » est souvent raillé. Il se brouille avec Richelieu, mais ses exils ne durent jamais longtemps, car il est le seul à savoir divertir le Cardinal. Voltaire dira de lui :
Plus célèbre par sa faveur auprès du Cardinal de Richelieu et par sa fortune que par son mérite. Il composa dix-huit pièces de théâtre qui ne réussirent qu’auprès de son patron.
Outre le théâtre et ses contributions à des œuvres collectives, il publie des poèmes, des œuvres religieuses et même un roman (L’Histoire indienne d’Anaxandre et d’Orazie en 1629).
Il meurt à Paris le 30 mars 1662.
L’argument de la pièce §
Iarbe, Duc de Calabre, consulte les astres pour connaître l’avenir de son fils. L’augure révèle un amour incestueux envers sa sœur et un conflit armé contre lui. Pour conjurer ces funestes prophéties, il confie secrètement l’enfant à un de ses fidèles sujets qui le prénomme Phalante et le considère comme son descendant. Adulte, Phalante se distingue par des actions d’éclat à la cour de Iolas, Prince de Tarente, qui en témoignage de sa gratitude lui donne la main d’une de ses sœurs : Iolante, à laquelle il préfère sa sœur Liliane. Rappelé en Calabre pour raison d’état, Phalante tombe amoureux de Bérénice, fille de Iarbe, qui partage ses sentiments. Mais le jeune héros doit repartir et en son absence Bérénice épouse Iolas.
La guerre éclate entre les deux cités. Iolas mortellement blessé offre sa femme et son trône à son ami Phalante, venu à son secours, ce qui renforce la jalousie de l’infortunée Iolante et fomente sa trahison. Grâce à une herbe magique, Iolas guérit. Lors d’un combat Phalante est reconnu par son père putatif qui lui révèle le secret de sa naissance et le conduit à son père. Iarbe est honoré d’avoir un fils aussi illustre, il fait la paix avec Iolas et le traité est affermi par l’union de Phalante avec la Princesse de Tarente et celle de Iolante et de Iarbe.
Date de composition et de représentation §
Les Rivaux amis est la seconde tragi-comédie2 que François Le Metel de Boisrobert écrit seul (auparavant, il a participé avec les cinq auteurs à la création de L’Aveugle de Smyrne).
Cette pièce fut certainement composée et représentée pour la première fois en 1637, un an avant son achevé d’imprimer (12 septembre 1638).
C’est en tout cas cette date que retient Henry LANCASTER3, contrairement à Fr. TENNER4 qui la situait plutôt dans le courant de l’année 1638. Tenner se base, en effet, sur une lettre de Chapelain du 19 mai 1638 dans laquelle celui-ci évoque Boisrobert consacrant tout son temps à l’écriture d’une « comédie qu’il a commencée dont les vers sont fort passionnées ». En fait, il s’agit d’une autre tragi-comédie Les Deux Alcandres représentée en 1639 et dont la composition avait, sans doute, débuté un an auparavant.
Sophie Wilma Deierkauf-Holsboer5 partage cette opinion. Elle pense que la création des Rivaux amis a eu lieu sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne en 1637. On ne sait rien de l’éventuel succès remporté par la tragi-comédie de Boisrobert. Il n’a, sans doute, pas été retentissant puisque nous n’en avons aucun témoignage et parce que la pièce depuis sa publication semble avoir été oubliée. De plus, Boisrobert, dans sa dédicace au Comte D’Annan, ne fait aucune allusion à la représentation de la pièce. Il s’enorgueillit du fait que la Reine d’Angleterre, en personne, ait apprécié et lu sa pièce dans une version manuscrite.
Les Rivaux amis, une tragi-comédie §
Dans son ouvrage sur la tragi-comédie, Roger Guichemerre donne une définition synthétique de ce genre qui a marqué la première moitié du XVIIe siècle et, plus particulièrement, la décennie 1630 :
Une action dramatique souvent complexe, volontiers spectaculaire, parfois détendue par des intermèdes plaisants, ou des personnages de rang princier ou nobiliaire voient leur amour ou leur raison de vivre mis en péril par des obstacles qui disparaîtront heureusement au dénouement6.
Par la nature de son sujet, ses personnages, ses obstacles, sa crise et son dénouement, la pièce de Boisrobert apparaît comme une tragi-comédie représentative du genre. Il est important de souligner, dès à présent, l’importance du thème du « prince déguisé », sur lequel repose Les Rivaux amis.
Un sujet tragi-comique §
Les Rivaux amis n’est pas une pièce historique. Elle raconte, comme beaucoup de tragi-comédies, les aventures de héros qui trouvent leur origine dans les romans plutôt que dans l’histoire. La source de la pièce est inconnue7, mais sa construction complexe souligne, sans doute, une inspiration romanesque.
Avant que la pièce ne débute, Phalante possède déjà tout un passé. L’acte I ne montre pas la naissance d’une crise, il présente comment elle s’est formée auparavant. La pièce n’est que la conclusion d’une longue histoire romanesque. Contrairement à certains auteurs de tragi-comédies, Boisrobert n’a pas cherché à condenser les actions à l’intérieur de sa pièce. Il en situe une bonne partie avant le début, pour rendre son intrigue plus complexe. Il est difficile, en effet, de nouer en quelques actes des liens aussi complexes que dans un roman. Les personnages apparaissent sur la scène en ayant déjà, grâce à cet artifice, un passé très romanesque.
L’aspect tragi-comique de la pièce se manifeste également à travers la nature héroïque du personnage de Phalante. Le climat belliqueux lui permet d’accomplir quelques exploits guerriers et, surtout, de s’affirmer en tant que fils du Duc de Calabre. L’affirmation d’un héros, voilà bien un sujet tragi-comique.
Des personnages tragi-comiques §
Les personnages de tragi-comédies sont presque toujours de « rang princier », le personnel dramatique des Rivaux amis n’échappent pas à cette règle. Selon la liste des acteurs, Iolas est prince, Bérénice fille d’un duc, Iolante et Liliane princesses... Même Phalante est présenté comme le fils du Duc de Calabre, alors que lui-même ignore son identité au début de la pièce. Par cette indication, Boisrobert semble dévoiler un secret à son lecteur. Cependant, le fait qu’il s’intéresse à un personnage non noble aurait beaucoup plus surpris celui-ci, même si la culture littéraire du lecteur devait l’habituer au thème du prince méconnu et au procédé de la reconnaissance finale.
Parmi les personnages secondaires, qui contribuent à l’action, mais qui n’y sont pas au centre, rares sont ceux qui n’ont pas de noblesse. Carinte, la confidente de Liliane, est une fille d’honneur. Hydaspe est sans doute noble même si sa naissance n’est pas aussi élevée que celle de son compagnon Phalante.
Les personnages non nobles ne sont qu’anecdotiques. Ainsi, au début de l’acte III, apparaissent un médecin et un chirurgien qui se ridiculisent par leur incapacité à guérir Iolas. Dans Les Rivaux amis, comme dans beaucoup de pièces de l’époque, l’intérêt que l’auteur porte aux personnages est proportionnel à leur noblesse.
Des obstacles tragi-comiques §
Un des fondements de la tragi-comédie est la nature de l’obstacle entre les amants. L’obstacle principal des Rivaux amis est tragi-comique par son aspect insurmontable, sans pour autant être un lieu commun du genre.
Les obstacles qui se présentent aux deux jeunes couples sont différents. Bien qu’ils soient engagés dans une situation de réciprocité, leurs relations de dépendance ne sont pas les mêmes.
L’obstacle majeur pour le couple Liliane/Phalante est le fait que Phalante soit tombé amoureux de Bérénice d’une façon foudroyante :
Je n’eu pas si tost veu sa fille Berenice, [...]Que me voilà charmé de sa beauté divine
Les conséquences de cet amour constituent un obstacle pour la relation de Phalante et de Liliane. Cependant, c’est un obstacle sans complication, car Bérénice n’est qu’une rivale virtuelle pour Liliane. Elle ne cherche pas à conserver l’amour de Phalante, puisqu’elle aime et est aimée de Iolas. De plus, Bérénice ayant épousé Iolas, Phalante s’interdit cet amour, sauf s’il arrive un malheur à son ami, puisqu’il lui a promis de s’occuper de sa femme et de ses terres s’il venait à disparaître.
L’obstacle principal des deux couples est donc la menace qui pèse sur la vie de Iolas. L’obstacle du couple Bérénice/Iolas est la mort et par ce fameux jeu de dépendance, c’est aussi celui du couple Liliane/Phalante. La dépendance n’est pas réciproque entre les deux couples : le sort du couple Phalante/Liliane dépend de la survie de Iolas, alors que le sort du couple Iolas/Bérénice ne dépend aucunement de l’autre couple.
La volonté paternelle apparaît, souvent, comme un obstacle dans les tragi-comédies. Il est courant de rencontrer des pères tyranniques qui s’opposent à l’amour de leurs enfants pour des raisons d’intérêts ou politiques. Ici, Iarbe ne se pose pas comme un obstacle au couple que forme Iolas avec sa fille Bérénice. Il a seulement contribué par ses intentions belliqueuses au fait que Iolas soit blessé et qu’il risque la mort. En revanche, l’obstacle de la mésalliance se serait posé si Bérénice avait tenu à épouser Phalante, sur le plan externe uniquement. Le père, en effet, dans Les Rivaux amis, comme dans tant d’autres pièces, exerce sa fonction d’opposant en grande partie contre cet interdit. Les pères sont présents pour faire respecter les hiérarchies sociales, non pour les briser. De plus, cette volonté d’observer les normes sociales se mêle, souvent, à un tempérament intéressé, qui pousse les pères à chercher toujours plus haut dans la société le mari de leur fille :
Et puis le Duc son père en ce Prince admirable,Des partis qui s’offroient trouvant le plus sortable,Il le voulut d’abord aux autres preferer,Sans consulter sa Fille, & sans deliberer.
Au contraire, sur le plan interne, celui des amants, la mésalliance n’est pas un obstacle. Dans Les Rivaux amis, aucun des personnages principaux ne s’étonnent que Phalante, un simple chevalier, soit l’ami intime d’un prince et, surtout, l’amant de deux princesses. Pour Bérénice comme pour Liliane, l’inégalité de naissance n’a pas d’importance.
Les obstacles entraînent nécessairement une situation de crise qui évolue de façon différente en fonction des tragi-comédies, tout en demeurant typique.
Une crise tragi-comique §
Face aux obstacles, les personnages de tragi-comédie adoptent la plupart du temps des comportements typiques. La fuite est la réponse à l’opposition paternelle. Le duel est l’unique issue lorsque le personnage se trouve confronté à l’appareil judiciaire.
L’obstacle de la pièce de Boisrobert n’ayant rien de typique, la crise ne l’est donc pas moins.
Dans Les Rivaux amis, les personnages principaux sont passifs face aux obstacles qui s’opposent à leur bonheur.
Phalante décide de tenir sa promesse, même s’il ne s’empresse pas d’accepter. Liliane ne va pas trouver son frère pour l’obliger à changer de décision, dans le but d’empêcher l’union prévue de Phalante et de Bérénice. Elle s’en remet à Carinte et à son herbe miracle :
Tu peux, sans qu’il t’en couste un soupir seulement,Vaincre mon infortune, & guerir mon tourment:Si tu n’as oublié ce secret admirable,Qui du plus fort venin, & du plus incurable,Anéantit la force... (Acte III, scène 5)
Bérénice, quant à elle, tente de résister à la décision de Iolas qui avec beaucoup de poésie veut exprimer, avant de mourir, l’amour qu’il porte à sa femme et à son ami :
Mon Phalante t’adore, il te le faut choisir,Nous ne faisons qu’un coeur, qu’une ame, & qu’un desir;En luy tu m’aimeras, & dans ces chastes flames,Tu feras subsister l’union des trois ames.
Bérénice refuse, au départ, de s’unir à Phalante, même si c’est une manière de prolonger, au delà de la mort, l’amour qu’elle éprouve pour son époux :
Tu voudrois disposer mon coeur à l’Hymenée?Non, non, puisque nos jours n’ont qu’un mesme flambeau,Il faut que Bérénice épouse le tombeau.
Elle veut le suivre dans la tombe, car elle ne conçoit pas un instant de vivre leur amour sans lui.
Mais il est impossible de ne pas respecter les dernières volontés d’un mourant. Bérénice accepte ou feint d’accepter l’ultime désir de Iolas, afin qu’il meurt en paix :
C’est fait, vous consentez, ce silence m’arreste,Et ces beaux yeux moüillez, m’accordent ma requeste.
Seule Iolante ne reste pas inactive, face à cette situation qu’elle considère intolérable : « Ie me vengeray seule, & i’en auray l’honneur. »
Mais le fait qu’elle décide de rejoindre le camp de l’ennemi n’influe en rien sur l’obstacle majeur de la pièce. Cette trahison est justifiée par l’amour qu’elle porte à Phalante, mais elle ne s’intègre pas à l’intrigue amoureuse qui est le ressort essentiel de la tragi-comédie.
Les personnages principaux de la pièce se contentent de subir les obstacles, car personne, mise à part la magie, ne peut rien contre la mort.
La disparition de l’obstacle, cependant, survient très rapidement. Dès le début de l’acte IV, le spectateur sait que Iolas va être sauvé :
Madame, il est guéry, non, non, n’en doutez point,Je connois mon remede.
C’est, peut être, ici que réside le principal défaut des Rivaux amis, Boisrobert ne laisse pas à la crise le temps de s’installer. Les personnages ne luttent pas, ils subissent l’obstacle, en espérant un dénouement.
Un dénouement tragi-comique §
La fin d’une tragi-comédie est presque toujours heureuse. Le dénouement d’une tragi-comédie, c’est la disparition des obstacles qui empêchaient la réunion des amants. Dans Les Rivaux amis, cet obstacle disparaît dès l’acte IV. Cette résolution anticipée marque tant la faiblesse que la singularité de la pièce.
Iolas est sauvé, mais ce n’est pas pour autant que tous les conflits sont résolus. L’acte V aborde donc la résolution des obstacles qui ne concernent pas l’intrigue amoureuse. La menace du Duc de Calabre est toujours présente.
Pour réussir son dénouement, Boisrobert utilise un motif typique de la tragi-comédie : la reconnaissance. Il faut souligner le caractère artificiel de cette reconnaissance, puisqu’elle apparaît comme le dénouement d’un obstacle, alors que celui-ci ne s’est jamais posé durant la pièce. Phalante pense sincèrement que Ménandre est son père, et son parcours n’est en aucun cas une quête d’identité :
O justes Dieux que voy-je; ah mon Pere est-ce vous,Que la rigueur du sort fait perir sous mes cous?
Phalante est déguisé inconsciemment, il ne s’est jamais posé de questions sur son identité. La situation de Phalante et des personnages de tragi-comédie qui se trouvent confrontés à ce cas de figure est décrite par Georges Forestier dans Esthétique de l’identité dans le théâtre français :
Rôle inconscient signifie, en effet, que le personnage déguisé est dénué de toute connaissance non seulement de sa véritable identité, mais du fait même d’être déguisé. Par là, toutes les paroles que lui prête l’auteur sont l’expression verbale de son identité fictive, sans que se fasse jour le moindre lien entre celle-ci et l’identité réelle qui sera finalement révélée8.
La démarche de Boisrobert va à l’encontre d’une logique de dénouement qui recherche, avant tout, l’oubli des obstacles. Le dénouement des Rivaux amis voit surgir un nouvel obstacle (Si Phalante n’est pas le fils de Ménandre, qui est son père ? C’est un obstacle d’ignorer son identité) pour aussitôt le résoudre (Phalante est le fils de Iarbe).
Cette reconnaissance, cependant, sert à arrêter le conflit entre Tarente et la Calabre, ainsi qu’à justifier la nature héroïque de Phalante. Les liens entre les deux cités sont à présent très forts. La reconnaissance participe à l’aspect romanesque de la tragi-comédie.
Un autre motif du genre apparaît dans ce dénouement : le pardon ou la réconciliation. Le personnage de Iolante est pardonné de sa trahison envers les siens :
Je veux une autre grace, Iolante a failly;Mon fils noyez son crime au fleuve de l’oubly,
Elle est si bien pardonnée que Iarbe la prend même pour épouse, comme s’il voulait réparer l’injustice de sa solitude.
À l’instar de toute bonne tragi-comédie, Les Rivaux amis se concluent par l’annonce du mariage des amants, à qui plus rien, ni personne à présent, ne s’oppose. La singularité de la pièce est soulignée par ce choix dramaturgique. C’est la règle du genre : célébrer un ou deux mariages, à la fin d’une tragi-comédie; cependant conclure une pièce par l’union de trois couples, marque, sans doute, la volonté d’étoffer le dénouement et de ne laisser aucun rival seul, afin de neutraliser tout risque d’obstacle dans le futur. Il n’y a véritablement que deux annonces de mariage, dans le dénouement des Rivaux amis : celui de Liliane et de Phalante, celui de Iolante et de Iarbe. Pour le spectateur, néanmoins, le bonheur retrouvé de Bérénice et de Iolas s’apparente à une union et contribue largement à ce dénouement heureux.
Les Rivaux amis appartiennent légitimement au genre tragi-comique. Cette pièce possède de nombreux points communs avec celles de son époque. Elles ont toutes un « air de famille », tout en conservant leur singularité, car elles relèvent toutes de la même esthétique.
La « feinte » régularité §
En 1637, Boisrobert cherche t-il à régulariser son théâtre ? Comment aborde t-il la question des unités de temps et de lieu dans Les Rivaux amis ?
L’unité de temps est respectée, mais l’unité de lieu ne peut être considérée que très largement.
Pour mieux cerner le rapport entre la tragi-comédie et les unités, le travail d’Hélène Baby-Litot nous éclaire :
La marche vers la régularisation n’est que feinte progression: les choix dramaturgiques perdurent et se déguisent seulement en choisissant les accessoires les plus voyants, tels le lieu et le temps9.
Boisrobert semble ne pas se soucier particulièrement des règles. Il en use quand elles vont dans le sens de son travail. L’illusion de régularité qu’elles donnent à sa tragi-comédie lui laisse une entière liberté et c’est, sans doute, ce qu’il recherche avant tout.
Le traitement du temps §
Boisrobert respecte l’unité de temps dans Les Rivaux amis. Il faut même moins de vingt-quatre heures pour permettre à l’action de s’accomplir. Cependant, cette apparente régularité tient sans doute plus à la nature de l’intrigue qu’au respect d’une règle.
L’acte I se déroule sans doute à la tombée de la nuit. Aucune indication dans le texte ne définit à quel moment exact Phalante pénètre dans Tarente. Cependant, il paraît certain que ce dernier arrive après la bataille, puisqu’il est « informé » de la mort de Iolas.
Les actes II, III et IV se passent durant la nuit. Les références à la nuit abondent dans la pièce.
À la scène II de l’acte II, Iolas raconte :
De plus, toute la nuict j’ay fait de grands efforts,Pour me développer d’un grand tas de corps morts,
Cette affirmation souligne que dès l’acte II, l’heure de la nuit est déjà avancée.
À l’acte III, deux vers montrent que la nuit n’est pas terminée mais que l’aube va poindre, Iolante s’écrie : « Il faut avant le jour, que ma vengeance éclate, » Carinte, dans la scène suivante, veut aussi surmonter un obstacle, avant que la nuit ne s’achève : « Avant que cette nuit ait terminé son cours. »
Une didascalie, au début de l’acte IV, précise qu’« il se passe dans la nuict ».
Dans de nombreux vers, le regard rétrospectif que les personnages portent sur cette nuit écoulée souligne qu’elle touche presque à sa fin :
La nuict tantost passée enfin vous y convie. » (Carinte, acte IV, scène II).Nous l’avons cette nuict par nos soings preservé,Carinte cette nuit accouruë à son aide, (Liliane, acte IV, scène III).
Mais la nuit reste suffisamment opaque pour permettre à Iolante de tenter une évasion, sans risquer d’être vue. « La nuit me favorise, allons en liberté, » L’acte V se déroule le matin, comme l’annonçait Phalante, à la scène V de l’acte IV :
Avec mille des miens ce matin je me vante,De l’aller affronter jusques dedans sa tante.
Tout va très vite. Iarbe apprend le début de la bataille en même temps que son issue. Il est donc peu probable que les combats durent, toute la journée, puisque la reconnaissance de Ménandre par Phalante arrête immédiatement la bataille.
Les retrouvailles se font très rapidement, la pièce semble se terminer avant le milieu de journée.
Les vingt-quatre heures habituelles, dans lesquelles une tragi-comédie comme Le Cid peine à s’insérer, sont largement nécessaires à l’action de cette pièce. En effet, Les Rivaux amis ne montrent aux spectateurs que l’ultime crise d’une longue histoire, qui a commencée bien avant le temps de la pièce. Cette longue histoire que Phalante tente de raconter au début de l’acte I :
Mais amy, je ne puis contenter ton envie,Sans faire en abregé l’Histoire de ma vie,
Les Rivaux amis respectent donc l’unité de temps, tout en usant cependant d’un des plus grand artifice qui soit dans la dramaturgie : le récit sur la scène. L’acte I, en effet, raconte des événements qui se sont déroulés bien avant l’arrivée de Phalante à Tarente. Il ne faut donc pas comparer les vingt-quatre heures du Cid, ou tous les conflits naissent et se résolvent, aux vingt-quatre heures de la pièce de Boisrobert qui ne servent qu’à conclure une longue histoire qui se déroule sur plusieurs années et dans plusieurs lieux.
Le traitement du lieu §
Pour Les Rivaux amis, l’unité de lieu ne peut être considérée qu’au sens large. Tout se passe dans ou autour de Tarente. Même si l’intrigue ne mène pas les personnages de ville en ville, ou de pays en pays, comme dans certaines tragi-comédies « de la route »; il faut, cependant, plusieurs lieux pour permettre à l’action de se dérouler.
Les lieux dans Tarente §
Comme le précise Boisrobert, au bas de la liste liminaire : « La scene est à Tarente. »
La plupart des scènes se déroulent dans le palais, à l’exception des scènes 1 et 2 de l’acte I, qui marquent l’arrivée de Phalante dans les rues de la ville, et de la scène 4 de l’acte V, où Iolas et les princesses se trouvent « sur les murailles », comme l’indique la didascalie.
Les deux premières scènes sont des scènes d’exposition, ou Phalante raconte à son compagnon Hydaspe « l’histoire de sa vie ». Boisrobert a choisi un lieu neutre : les rues de Tarente, car ce récit ne saurait prendre place au palais. Bérénice, en effet, en connaît certains épisodes, mais Liliane ne doit pas tout savoir. Aucune indication de l’auteur ne précise explicitement que ces deux personnages se trouvent dans les rues de Tarente. Cependant, Hydaspe dit à la scène 1 : « Nous voila parvenus dans la Ville assiegée ».
Phalante, dans la même scène, propose à son compagnon : « Marchons vers le Palais tousjours au petit pas, ». Enfin, à la scène 2, Phalante s’écrie : « Nous voicy, cher Hydaspe, aux portes du Chasteau; ».
Ces deux scènes sont en mouvement. Durant le récit de Phalante, les personnages se déplacent. Ils se trouvent dans la ville comme le signale Phalante et ils se dirigent vers le palais de Iolas. Ces deux scènes ne peuvent donc se dérouler ailleurs que dans les rues de Tarente.
La scène 4 de l’acte V, n’est pas une scène essentielle à l’action. Elle montre Iolas et les Princesses observant le combat de Phalante contre les partisans d’Iarbe.
Ce changement de lieu, (ils ont quitté le palais pour les murailles de la ville), leur permet d’avoir une vision personnelle de la bataille. En étant témoins lointains de l’action, ils interprètent à leur façon les agissements de Phalante. L’éloignement provoque la surprise, car, vu des murailles, ils sont loin de penser que Phalante vient de retrouver son père putatif.
Ce n’est peut-être pas un hasard, si ces trois scènes, hors du palais, se situent au début de l’acte I et à la fin de l’acte V. Ces trois scènes ne font pas partie du noeud de l’intrigue. Les deux premières forment l’exposition; la troisième annonce le dénouement. Le fait qu’elles se déroulent hors des murs du palais souligne que l’exiguïté des salles de la demeure princière favorise la tension dramatique.
Les actes II, III et IV se déroulent exclusivement dans le palais de Iolas. Cependant, encore une fois, les lieux sont multiples. Les Rivaux amis présentent certains aspects d’une tragi-comédie « de palais ». Ainsi, selon les personnages et le ton de la scène, le lieu est différent mais toujours dans le cadre du palais.
Trois lieux, dans le palais, sont nécessaires pour permettre à l’action de se dérouler : la chambre de Iolas, l’antichambre et une autre salle, qui peut être la grande salle du palais. La majorité des scènes se déroulent dans cette dernière salle, car c’est un lieu de passage, un lieu qui n’est relié à aucun personnage. Tous s’y croisent.
Boisrobert ne fait jamais allusion au décor, il ne décrit jamais, que ce soit par une didascalie ou au détour d’un vers, le lieu ou la scène se déroule. Une multitude de salles pourraient servir à la représentation : les appartements des princesses pour les scènes ou elles sont seules, ceux de Bérénice... Mais par commodité, il paraît plus évident de n’utiliser qu’une seule salle, même si les décors compartimentés de théâtre du XVII e siècle pouvaient, sans doute, parvenir à donner simultanément l’illusion de plusieurs salles.
Un lieu se détache des autres par son importance : la chambre de Iolas. Au début de l’acte III, Iolas se croit au seuil de la mort, il fait don à son ami de tout ce qu’il possède : « Reçoy ma Femme, & mes Estats aussi ».
Ce don montre la générosité de Iolas et souligne l’intimité qu’il partage avec son ami Phalante. La chambre est un lieu intime qui permet un tel échange. La chambre est le lieu des scènes capitales, elle est le lieu des échanges les plus confidentiels.
Un autre lieu a aussi son importance dans le palais : l’antichambre des appartements de Iolas. C’est le lieu où se décide l’action. C’est là que Iolante décide de se venger et qu’elle annonce à Liliane qu’elle peut sauver son frère. L’antichambre n’est pas le lieu des grandes déclarations, mais le cadre des conversations furtives qui font avancer l’intrigue.
Parfois l’action s’échappe de Tarente mais sans jamais aller bien loin, en ce sens, on peut parler d’unité de lieu au sens large.
Les lieux hors de Tarente §
Même si la majorité des scènes se déroulent au palais, il ne faut pas négliger l’importance de celles qui prennent place hors de la ville.
La scène 4 de l’acte I en est l’exemple : Iolas apparaît pour la première fois. Il apprend à Cleonte, le capitaine de sa garde, et aux spectateurs comment il a survécu à la bataille contre les troupes de Iarbe. Iolas se trouve dans un lieu neutre, il est devant les murs de Tarente : « Nous voicy pres des murs, que j’ay tant deffendus, ».
Il est important que Iolas ne soit pas dans Tarente, car tout le monde le croit mort. Afin de surprendre ceux qu’il aime, il faut cacher son retour. De plus, comme les scènes 1 et 2 du même acte, cette scène est en mouvement.
Mais le lieu essentiel, hors de Tarente, est, sans aucun doute, le camp de Iarbe, siège de l’ennemi, ou l’intrigue va se résoudre, puisque le campement du Duc de Calabre n’apparaît comme décor qu’à l’acte V : « Mais au camp dans ce jour vous le verrez parestre ».
L’acte V est donc l’acte des changements. Alors que les quatre premiers actes se déroulaient de nuit, cet acte se passe en plein jour et, de plus, hors de Tarente.
Un dernier lieu, enfin, est nécessaire à l’action : le champ de bataille. Toujours à l’acte V, Phalante s’apprête à se battre avec son père putatif, qui n’a pu le reconnaître à cause de son casque. Encore une fois, aucune indication précise ne renseigne le lecteur sur le lieu de l’action. Il paraît peu probable, cependant, que cette scène ne se produise ailleurs que sur un champ de bataille, des gentilshommes ne livrent pas combat dans un camp. Le combat ne peut avoir lieu sur la grande place de Tarente, puisque Iolas et les princesses regardent Phalante combattre du haut des les murailles. De plus, Iolas fait référence à un arbre : « Puis vers cét arbre ensemble ils ont tourné visage. »
Il faut par conséquent environ huit lieux pour permettre à l’action des Rivaux amis de s’accomplir. L’intrigue s’échappe même de la ville à la fin de la pièce. Même si Boisrobert ne fait pas voyager le spectateur de ville en ville, l’unité de lieu n’est respectée qu’au sens large du terme.
En ce qui concerne les unités de temps et de lieu, il ne semble pas impropre d’évoquer la « feinte » régularisation à propos de la technique d’écriture dramatique de Boisrobert, pour lequel, les règles ne sont ni des impératifs, ni des priorités. Il les respecte quand elles ne bouleversent pas la construction de sa tragi-comédie.
L’héroïsme, le romanesque et l’enjouement §
La tragi-comédie est un mélange. Dans Les Rivaux amis, l’héroïsme côtoie le romanesque, tout en laissant à certaines scènes la liberté d’être enjouées.
L’héroïsme §
L’héroïsme dans Les Rivaux amis est incarné par le personnage de Phalante. À travers la structure épique de la pièce, le spectateur assiste à la confirmation d’un héros.
Boisrobert impose la notion de générosité par l’abondance du vocabulaire héroïque. On trouve dans Les Rivaux amis, 21 occurrences du mot « honneur », 12 de « vertu », 10 de « gloire », 6 de « généreux » et 3 de « raison », pour un total de 51. « On est loin des 127 occurrences du Cid »10, mais elles suffisent à souligner l’importance du thème héroïque dans la pièce.
Dans Les Rivaux amis, il n’y a pas véritablement d’actions violentes sur la scène. Cependant, l’intrigue fait régner un climat belliqueux sur l’ensemble de la pièce. Elle débute après une première bataille et se déroule durant le siège de Tarente.
Toutefois, il faut attendre l’acte V pour entendre le récit de fait d’armes. À la scène II, Almedor, un gentilhomme du Duc de Calabre s’écrie :
Seigneur tout est perdu, vos gens épouvantez,Sans attendre les coups fuyent de tous cottez,Phalante qui n’a point de pareil sur la terre,(Sorti de la Cité comme un foudre de guerre)Et seme dans le Camp l’effroy de toutes parts:Tous nos retranchemens cedent à son courage.
Ce récit hyperbolique, qui laisse imaginer une grande brutalité, contribue à affirmer la nature héroïque de Phalante, tout comme le récit de la bataille contre les Maures fait de Rodrigue Le Cid.
Les métaphores de la force et du courage sont utilisées pour qualifier Phalante au combat : « Attacquons ce Lyon, dont on craint la furie ». Les figures habituelles pour représenter la vigueur d’un guerrier sont également employées : « Rien ne peut résister aux forces de son bras; ».
Cette métonymie, ainsi que les autres figures de rhétorique, contribuent largement à donner une représentation très conventionnelle de la violence et des combats.
Habilement, Boisrobert parvient à faire croire aux spectateurs que la violence était sur le point d’apparaître sur la scène. À la scène III de l’acte V, Phalante surgit, près au combat :
Tu cours à ta ruïne, insencé temeraire,Qui ne peut resister à ma juste colère.
Les deux adversaires ont la même fougue, le combat peut donc commencer. Le spectateur frémit déjà à l’idée d’un combat sur la scène, situation qui n’est plus du tout fréquente en 1637.
Un coup d’épée de Phalante fait tomber le casque de Ménandre. Ce coup de théâtre est souligné par une didascalie pour le lecteur : « Icy le Casque tombe de la teste de Menandre, qui est recogneu de Phalante pour son Pere putatif ».
Ce procédé très théâtral possède un double intérêt : il arrête net le combat et permet d’amorcer le processus de reconnaissance de l’identité de Phalante.
L’héroïsme n’est pas un choix pour Phalante, il s’impose naturellement à lui. Phalante est fils de Duc, même s’il l’ignore, ses agissements sont le fait de sa noblesse. Phalante est venu à Tarente pour sauver son ami, non pas pour s’affirmer en tant que héros libérateur, mais parce que sa naissance, qu’il ne connaît pas encore, le pousse à agir de façon héroïque quand une situation périlleuse se présente. Dans les tragi-comédies, les jeunes nobles sont par naissance des héros et les pièces fournissent, presque toujours, l’occasion à ses jeunes hommes de prouver la valeur propre à leur rang, tout en faisant la fierté de leurs pères.
Le romanesque §
Le romanesque mêle l’amour et les aventures extraordinaires. En ce sens, Les Rivaux amis est une tragi-comédie romanesque.
La définition de Gérard Genette s’applique parfaitement au genre tragi-comique : « Le romanesque, chacun sait cela, c’est la passion triomphant (le plus tard possible) des obstacles11. »
L’amour §
L’amour est le ressort principal de la tragi-comédie. L’amour est omniprésent dans Les Rivaux amis, comme l’écrit Georges Forestier : « Tout chez Boisrobert est subordonné à l’intrigue amoureuse12. »
Les problèmes politiques causés par la querelle entre Iolas et Iarbe bouleversent bien peu les princesses. Ce sont les obstacles à l’épanouissement de leur amour, causés par ce différent, qui les préoccupent.
Les agissements de Iolante sont révélateurs de la place tenue par l’amour dans la détermination des personnages. Iolante était destinée à Phalante. Il l’a délaissée pour sa jeune sœur Liliane, mais Iolante aime Phalante :
Sur le point qu’Iolante entroit en frenesie,Que nos feux mutuels fondoient sa jalousie.
Cet amour non partagé en fait la rivale de sa propre soeur. De plus, son frère, sur le point de mourir, veut offrir tous ses biens (y compris sa femme et le destin de ses sœurs) à son ami Phalante. Iolante ne pouvant supporter l’idée d’être sous l’emprise de celui-là même qui l’a dédaignée, décide de se venger : « Il faut avant le jour, que ma vengeance éclate. »
Cette vengeance se concrétise par la fuite vers le camp de l’ennemi. Cette trahison, cependant, n’est en aucun cas une manœuvre politique. Dans la démarche de Iolante, il n’y a aucune volonté de s’immiscer dans le conflit. C’est un acte d’amour malheureux, une réponse au dédain de Phalante, le geste d’une jeune femme délaissée et non pas l’acte prémédité d’une « traîtresse politique ».
Les échanges amoureux sont nombreux dans Les Rivaux amis. Les obstacles, qui ne sont pas de nature à séparer les amants comme dans certaines tragi-comédies, n’empêchent pas Phalante et Liliane de se prouver leur amour.
À l’acte II, Liliane apprend que Phalante aime aussi Bérénice. Lorsqu’elle retrouve son amant, après les reproches d’usage, il parvient à la convaincre de la différence de l’amour qu’il porte à Bérénice par rapport à celui qu’il éprouve pour elle : « Je sens pour Berenice une innocente flame. »
Compréhensive et généreuse, Liliane fait à Phalante une des plus belles déclarations d’amour de la pièce :
Non, non, voy sa beauté, puisqu’elle te contente,Pourveu que ton amour réponde à mon attente:Sois libre en tes désirs, ne te contrains pas tant,Je t’estime fidelle, & je t’ayme inconstant
L’importance de l’amour dans la tragi-comédie est marquée par le fait que tous les personnages principaux sont engagés dans une relation amoureuse (même si Iolante n’est pas dans une situation d’amour réciproque, elle rencontre l’amour à la fin de la pièce).
Le dénouement révèle la prédominance de ce sentiment. Les problèmes politiques et les obstacles sont rapidement éludés pour parvenir à ce que chacun désire le plus : le mariage, comme victoire de l’amour sur les épreuves.
Les aventures extraordinaires §
Les faits extraordinaires se glissent un peu partout dans les tragi-comédies. La magie apparaît souvent dans les tragi-comédies. Elle intervient là ou les hommes ne peuvent plus rien faire et elle souligne l’origine romanesque du genre.
Dans Les Rivaux amis, il n’y a pas de magicien, c’est Carinte qui sauve la vie de Iolas grâce à un remède légué par son père :
Il est vray qu’en mourant mon Pere m’a laisséCe souverain remede, & souvent exercé,Qui détruit du venin la qualité mauvaise.
Carinte accentue les vertues extraordinaires de son « herbe » en n’ayant aucun doute sur sa réussite...
Mon herbe toutefois, dont je sçay la puissance,En deux heures luy peut donner toute allegeance
... et en soulignant l’incapacité des médecins : « Dans l’Art des Medecins sa perte est resoluë ».
Cette guérison est d’autant plus spectaculaire qu’elle est considérée comme extraordinaire par les personnages de la pièce. Bérénice doute, mais désire croire en la magie : « Croiray-je à ce miracle ? »
Phalante, au départ, est sceptique, mais il finit par se réjouir de ce remède qui sauve la vie de son ami : « J’adore ce miracle, & la main qui l’a fait. »
Le fait que Bérénice et Phalante qualifie le remède de « miracle » confère à la guérison de Iolas, sa nature extraordinaire. En acceptant immédiatement cet événement heureux et en ne doutant pas de son efficacité, ils auraient fait disparaître toute la dimension magique du remède de Carinte. Il y a magie et surgissement de faits extraordinaires quand une force, impénétrable à l’homme (ce qui explique son scepticisme), intervient pour lever des obstacles, là ou l’intelligence humaine ne peut plus agir.
Parmi les événements extraordinaires de la pièce, il y a aussi les coïncidences. La coïncidence est un artifice très romanesque, nécessaire à toute fiction, car sans elle rien n’arrive. La vie de Phalante est jonchée de rencontres surprenantes. Durant ces nombreux voyages, le fait qu’il tombe amoureux de Bérénice, la seule femme qu’il n’aurait pas du aimer, puisqu’elle est sa sœur, est une coïncidence aussi extraordinaire que romanesque. On ne voit pas tous les jours un jeune homme tombé amoureux de celle qu’il ignore être sa sœur.
Dans Les Rivaux amis, les coïncidences ne sont pas uniquement des rencontres, elles s’apparentent parfois à des gestes. À l’acte V, Phalante combat contre Ménandre. Ils portent tous deux un casque. Phalante ne peut donc pas reconnaître son père putatif. Il s’agit déjà d’une coïncidence en soit que les deux hommes se retrouvent face à face au combat, alors qu’il ne se sont pas vu depuis six ans. C’est alors qu’un fait extraordinaire se produit : « Icy le Casque tombe de la teste de Menandre, qui est recogneu de Phalante pour son Pere putatif ».
Cet événement tient presque autant du miracle que la guérison de Iolas. Il arrête le combat sur la scène et il permet d’amorcer le processus de reconnaissance de Phalante. Il représente parfaitement l’esthétique tragi-comique car il mêle l’héroïsme au romanesque.
Le ton enjoué §
La tragi-comédie possède un ton particulier. Selon Hélène Baby-Litot, elle a « le secret de ce ton désinvolte qui rend impossible toute emphase dramatique13 ». Ce ton pourrait être qualifié d’« enjoué », car il n’atteint jamais le comique.
Dans Les Rivaux amis, Boisrobert donne souvent ce ton en utilisant les quiproquos et les rebondissements.
À la scène I de l’acte II, Bérénice et Phalante se retrouvent pour la première fois. Ils croient tous deux Iolas mort, alors que celui-ci est caché dans la pièce ou ils se trouvent. Leurs propos n’ont, indépendamment du contexte, rien d’enjoués puisqu’ils regrettent la perte d’un être cher, tout en justifiant mutuellement leurs actions. Phalante feint de ne pas reprocher à Bérénice d’avoir épouser Iolas : « J’estois, je le confesse, indigne de vos charmes ».
Bérénice s’accuse également et veut avoir la responsabilité de leur « non-union » :
Je te diray pourtant, pour consoler ta foy,Que par la loy d’honneur j’ay peché contre toy.
Mais le fait que Iolas ne soit pas mort, qu’il les écoute tout en étant caché et qu’il ponctue, sans être entendu d’eux, leurs déclarations par des paroles qui montrent sa surprise, brise « toute emphase dramatique » :
Dieux! que viens-je d’entendre? est-il vray que je veille?La chaste Berenice est l’objet de sa flame ?
La présence de Iolas brise le caractère solennel de cette rencontre. Le spectateur s’attend à voir surgir Iolas de sa cachette, c’est d’ailleurs ce qu’il fait à la scène II : « Il ne tiendra qu’à toy, me voila plein de vie ».
Ce coup de théâtre, très prévisible pour le spectateur, accentue le caractère enjoué de la scène. Iolas ne se pose ni en mari jaloux, ni en ami déçu. Par son attitude compréhensive, il empêche la scène de tourner au pathétique. Aucun affrontement, en effet, n’a lieu entre Phalante et Iolas. Ce dernier accepte immédiatement l’idée que son ami ait pu aimer Bérénice avant lui :
Sçache que la Raison, qui toujours me conseille,Et qui fait mon bon-heur de tes propres plaisirs,M’auroit fait preferer tes voeux à mes desirs.
Le ton enjoué de la tragi-comédie provient, peut-être, du fait que les personnages n’ont pas besoin d’être convaincu par un long discours rhétorique pour admettre une réalité ou faire confiance à la personne qu’ils aiment.
Le début de la scène 3 de l’acte IV se déroule aussi sur un ton enjoué. Liliane est rassurée. Son frère vient d’être sauvé grâce au remède de Carinte, mais Phalante ignore encore cette bonne nouvelle. Elle profite de cet avantage pour l’aborder d’une manière légère :
Ou peut aller Phalante, ainsi triste & pensif?D’ou luy vient ce chagrin, & ce deuil excessif,Lors que tout est ravy d’un excez d’allegresse?
Elle sait pertinemment ce qui cause la tristesse de Phalante, ses interrogations ne sont que d’amoureuses provocations. Au risque de le choquer par son attitude enjouée, Liliane décide de ne pas annoncer immédiatement à Phalante la guérison miraculeuse de Iolas. Elle savoure son bonheur et semble éprouver un certain plaisir à laisser Phalante, quelques instants de plus, dans son chagrin. Ses propos sont hautement ironiques : « Ma rencontre peut estre a causé sa tristesse? »
Elle se moque littéralement de lui et se venge gentiment de son attitude qu’elle qualifiait de volage14. De plus, l’emploi de la troisième personne accentue cette impression de légère moquerie. Elle s’adresse à sa confidente comme si Phalante n’entendait pas leur conversation. Evidemment, Phalante, ne pouvant rester insensible à cette étrange gaieté, alors que pour lui la situation est encore grave, lui reproche avec force son attitude. C’est, sans doute, ce que Liliane recherchait par ce ton enjoué, provoquer sa colère pour qu’il revienne à elle.
Il n’y a pas d’« emphase dramatique » car ce choix dramaturgique ne se justifie pas. Les situations ne sont que virtuellement tragiques. La vie de Iolas est menacée mais il ne meurt pas.
Les obstacles sont présents entre les amants mais ils ne sont pas de nature à les empêcher de se déclarer leur amour. La trahison de Iolante n’est pas d’une grande importance...
De plus, il semble important de souligner que le ton enjoué vient de l’attitude et des propos des personnages principaux. Ce sont les princes et les princesses qui donnent de la légèreté à certaines scènes. Le ton enjoué n’est pas l’apanage des personnages de rangs inférieurs. Ce ton survole toute la pièce.
Typologie §
L’auteur de tragi-comédie emploie des acteurs types pour construire sa pièce. Ainsi, de pièces en pièces, les amoureux adoptent le même discours, les rivaux sont aussi déterminés, les pères orgueilleux et les confidents complices.
Les amoureux §
Les amoureux sont les personnages principaux de la tragi-comédie. Les Rivaux amis n’échappent pas à cette règle, et, présentent même deux couples d’amoureux. Même si ces personnages ont en commun la jeunesse, la beauté et presque toujours la noblesse, les héros masculins se différencient, par leurs actions nobles, de la figure féminine de l’amoureuse.
Phalante et Iolas se ressemblent. Cette typologie très marquée les rend presque interchangeables. Leurs sentiments sont nobles. Iolas est prêt à s’effacer, lorsqu’il apprend que Phalante a aimé Bérénice avant lui :
Et je n’ay rien de cher, ny d’agreable au monde,Que je ne cedasse, au premier mouvement, (Acte II, scène 2).
Phalante pour respecter sa promesse, est prêt à épouser Bérénice (le sacrifice est moindre), quand son ami mourant le lui demande, même s’il aime Liliane.
Iolas, lorsqu’il fait don de la femme qu’il aime à son ami Phalante, dès la scène II de l’acte II (alors que sa vie n’est pas encore en danger), ne cherche pas à se guérir de « la maladie d’amour » dont parle Marc Fumaroli dans un de ses articles15 :
Chez Corneille, Alidor, par des moyens analogues et extravagants, veut se libérer de la passion qui le porte vers sa fiancée Angélique. Ce malade d’amour veut donc être à lui-même son propre médecin, retrouver sa liberté de jugement.
Dans La Place royale, Alidor fait don d’Angélique à son ami Cléante, qui aime secrètement celle-ci, pour se libérer de la passion amoureuse. Dans Les Rivaux amis, la démarche de Iolas est totalement différente. Son acte est infiniment plus généreux que celui d’Alidor. Iolas veut s’effacer car il vient d’apprendre que son ami a aimé Bérénice avant lui. Il fait passer les sentiments de son ami avant les siens, alors qu’Alidor utilise son ami pour se guérir de l’amour.
La générosité est le sentiment qui caractérise le mieux le héros de tragi-comédie.
Les deux héros, cependant, ne sont pas totalement à égalité. Iolas est prince, il n’a rien à prouver pour affirmer son courage qui est l’apanage de son rang. Phalante ne sait pas qu’il est le fils du Duc de Calabre. Il doit prouver son courage par ses actions. Il ne devient pas prince en défendant Tarente et en s’illustrant dans des combats victorieux, puisqu’il l’est de naissance. Pour le spectateur du XVIIe siècle, qui connaît les acteurs-types de la tragi-comédie, le courage de Phalante est la conséquence de sa noblesse et non pas le contraire. Il a agit avec honneur parce qu’il était prince. À la figure du héros amoureux, s’ajoute, pour Phalante, celle non moins typique du « prince déguisé », même si ici son déguisement est inconscient. Il est révélateur, à ce propos, d’étudier la liste des acteurs. Alors que l’intrigue amoureuse surpasse largement l’intrigue politique, dans Les Rivaux amis, Phalante et Iolas sont définis selon leur statut social et non pas selon le critère de leurs relations amoureuses. Le lecteur sait dès le début de la pièce que Phalante est le « Fils inconu d’Iarbe » (la culture théâtrale du spectateur le lui laisse imaginer), alors que cette même liste ne précise pas qu’il est l’amant de Liliane. La liste liminaire contribue à faire des deux héros des acteurs-types qui doivent être, avant tout, des princes généreux et courageux.
Une amitié très forte lie Iolas et Phalante. À certains moments de la pièce, ils placent l’amitié au dessus du sentiment amoureux :
C’est sur ton amitié que ma gloire se fonde,Et je n’ay rien de cher, ny d’agreable au monde,Que je ne te cedasse, au premier mouvement.
Ce type de relations amicales très fortes vient des auteurs antiques, comme l’écrit Alexandre Cioranescu : « La tradition classique mettait l’amitié au-dessus de tout, et cette tradition n’était pas perdue16. » Il montre que Boccace est un des premiers à avoir décrit, dans Tite & Gésippe, « la valeur primordiale de l’amitié, qui passe après l’amour... » Le sens de l’amitié fait donc aussi partie de la typologie des héros masculins de la tragi-comédie.
Les héroïnes amoureuses de la tragi-comédie possèdent les qualités qui sont propres à leur rang dès la naissance. En utilisant, une nouvelle fois, la liste liminaire force est de constater que Bérénice et Liliane sont mentionnées respectivement comme la « Fille du Duc de Calabre » et comme une des « Princesses de Tarente » et non pas comme les maîtresses de Iolas et de Phalante.
Elles agissent selon leur rang, en respectant les bienséances qu’imposent leur statut. Bérénice, avertie de la fausse nouvelle du décès de Iolas, réagit avec la dignité d’une veuve de sa condition :
La douleur m’a du tout de raison dépourveuë;Je n’aurois pas le coeur de soutenir sa veuë.
Liliane reste digne, même si Bérénice n’est qu’involontairement sa rivale, il n’y aucune scène d’affrontement, ni de jalousie. Elles ne s’adressent la parole qu’à l’acte IV, une fois que Iolas est sauvé et qu’elles ne sont plus rivales.
Elles respectent les impératifs sociaux. Ainsi, lorsque Bérénice a connu Phalante, avant de rencontrer son époux, elle ne s’est jamais interdit de l’aimer parce qu’il n’était pas prince, mais, elle a toujours su que son père s’opposerait à cette mésalliance...
Mais comme pour l’honneur cette Belle estoit née,Quoy qu’elle m’aimast fort, elle me fit sentir,Que son coeur à ce point ne pouvait consentir.
...regrette Phalante à la scène 2 de l’acte I.
Elles aiment mais apparaissent plus sages et moins passionnées que leurs amoureux qui ornent leurs discours de rhétorique galante.
Le sentiment qui lie Phalante à Bérénice est une des plus complexes de la pièce. Le lecteur sait qu’ils sont frère et sœur. Le spectateur le présume grâce à sa culture théâtrale. Ce couple frôle, sans le savoir, un interdit majeur : l’inceste.
Dans la pièce, cependant, de nombreux indices suggèrent que Phalante a comme une intuition au sujet du sentiment qu’il éprouve pour Bérénice :
Un mouvement secret, dont mon coeur est complice,Me donne à Liliane, & puis à Bérénice.Si l’une a plus d’atraits, l’autre a plus de douceur,J’aime l’une en Maistresse, & cheris l’autre en Soeur.
Phalante a le pressentiment d’un amour fraternel. Il procède une seconde fois, dans Les Rivaux amis, à une différenciation de ses sentiments, en séparant nettement ceux qu’il éprouve pour Liliane de ceux qu’il ressent pour Bérénice :
Bref je croy qu’en l’aimant je puis t’étre fidelle,Et m’attacher à toy, sans me séparer d’elle [...]Je sens pour Berenice une innocente flame,Dont l’ardeur pure & sainte échauffe bien mon ame.
Cette relation ambiguë est relativement typique de la tragi-comédie. Même si Boisrobert la traite dans Les Rivaux amis d’une manière singulière, il a déjà abordé ce thème en 1633 dans Pyrandre et Lisimène. Il n’y a, en effet, que deux comportements incestueux dans les tragi-comédies : le drame de s’aimer quand on est frère et sœur, et, risquer involontairement l’inceste lorsque l’on ignore son identité.
Les personnages amoureux ne sont pas les seuls, cependant, à respecter certains codes.
Les rivaux et les rivales §
Les rivaux et les rivales peuplent les tragi-comédies. Ce sont des personnages antipathiques qui s’opposent concrètement et symboliquement aux héros.
Dans Les Rivaux amis, Phalante et Iolas, Bérénice et Liliane se trouvent confrontés à des situations de rivalité étant donné la réciprocité de leurs relations, mais en aucun cas, ils ne peuvent figurer parmi les acteurs-types de la rivalité. Un rival est un opposant. Or, aucun de ces personnages ne s’opposent volontairement à la relation de l’autre couple.
Iolante est la seule et unique rivale de la pièce. C’est un personnage ambigu. Ce qui la motive, avant tout, c’est d’avoir été dédaignée par Phalante, alors qu’elle en est amoureuse :
Le fuyray-je? ah! mon coeur, ce Volage me plaist,Et tu le veux aimer, tout inconstant qu’il est (Acte II, scène 4).
Mais, chez elle, le dépit n’entraîne pas la violence. Comme beaucoup de personnages féminins, Iolante opte pour la dénonciation. Ce procédé, pour le moins déloyal, est la réplique féminine à la violence des rivaux masculins. Iolante trahit car sa motivation est double. Croyant son frère sur le point de mourir, elle refuse l’union de Phalante et Bérénice, elle se croit, de plus, victime d’une injustice. En plus de sa femme, Iolas donne ses biens et confie ses sœurs à son ami. Iolante s’oppose à la volonté de son frère et n’accepte pas d’être lésée par un homme qui l’a délaissée.
Un personnage de rival est, nécessairement, isolé par rapport aux autres protagonistes de la pièce. Ainsi, Iolante est le seul personnage qui s’exprime au moyen du monologue. À deux reprises : acte III, scène 3 et acte IV, scène 4, Iolante se retrouve seule en scène et montre sa colère et son dessein.
Iolante, tout en incarnant la rivalité, appartient à un épisode selon la définition que Georges Scudéry en donne en 1637 dans ses Observations sur le Cid :
Ces amplifications, qui ne sont pas tout à fait nécessaires, mais qui ne sont pas aussi hors la chose, s’appellent des épisodes chez Aristote; et l’on donne ce nom à tout ce que l’on peut insérer dans l’argument, sans qu’il soit de l’argument même.
Iolante est dédaignée par Phalante, elle ne s’intègre donc dans aucune relation amoureuse. Elle aime sans réciprocité, comme l’infante du Cid qui est la figure par excellence du personnage épisodique, selon les détracteurs de Corneille. Iolante est souvent présente aux côtés de sa sœur Liliane, mais son rôle est assez limité dans la pièce. Sa trahison, en effet, n’a que très peu d’impact sur le déroulement de l’action comme sur les autres personnages.
Il ne faut voir, cependant, aucune profondeur psychologique dans les agissements de Iolante. Elle incarne la rivale et son rôle se cantonne à l’opposition. L’aspect mouvementé de la tragi-comédie fait qu’elle n’est pas seule a joué ce rôle.
Le père : le duc de Calabre §
Comme les rivaux, les pères de tragi-comédie sont des opposants. Dans Les Rivaux amis, comme dans beaucoup de pièces, la figure du père se superpose à celle du roi. Mais, ici, cette double puissance ne donne pas au duc de Calabre un pouvoir démesuré. Il n’apparaît qu’à l’acte V, son temps de parole s’en trouve donc réduit et son influence limitée. Sur la liste des acteurs, il n’est inscrit qu’en treizième position. C’est sans lui que l’action principale de la pièce évolue, car il ne joue presque aucun rôle dans l’intrigue amoureuse. Il ne s’oppose pas à l’union de Iolas et de sa fille Bérénice, puisque c’est lui même qui a arrangé ce mariage. Le tempérament intéressé est un des aspects les plus marquant des pères de tragi-comédie :
Et puis le Duc son pere en ce Prince admirable,Des partis qui s’offroient trouvant le plus sortable,Il le voulut d’abord aux autres preferer,Sans consulter sa Fille, & sans deliberer.
Il n’intervient pas, non plus, dans les projets d’union de Liliane et de Phalante, puisqu’il ignore que ce dernier est son fils. Iarbe ne joue qu’un seul rôle dans l’intrigue amoureuse, il est l’initiateur involontaire du déguisement inconscient de Phalante. Si celui-ci avait su, plus tôt, qu’il était le frère de Bérénice, la possibilité qu’il l’épouse aurait été impensable. De la sorte, l’obstacle majeur de l’union de Phalante avec Liliane disparaissait immédiatement. Iarbe apparaît comme un opposant involontaire à l’intrigue amoureuse.
En revanche, il exerce son pouvoir par les armes. Son tempérament belliqueux contribue à l’aspect héroïque de la pièce. Il se rapproche de la figure du père orgueilleux. Il n’hésite pas, en effet, à se venger de son beau-fils en assiégeant Tarente. Même si Iolas, le premier, a lancé l’offensive, Iarbe est en tort, il n’a pas respecté sa promesse, qui consistait à livrer au prince « trois places » proches de Tarente :
Ce Duc plein de colere & de ressentiment,Chercha de se venger aussi soudainement,Maudit son allience; & luy faisant la guerre,L’assiegea dans Tarente, & par mer, & par terre:
Iarbe agit plus comme un ennemi que comme un père. Pour cette raison, il n’apparaît sur la scène qu’au moment ou l’intrigue se déplace sur le plan guerrier.
Boisrobert fait du duc de Calabre un personnage complexe, possédant tous les aspects typiques de père de tragi-comédie : l’intéressement, l’orgueil, le pouvoir... sans, toutefois, dépasser le statut de personnage épisodique. Sa présence seule suffit-elle à représenter une opposition ?
Les confidents §
Les confidents et les confidentes sont, bien souvent, les doubles des héros et ne servent qu’à éviter les monologues. Dans les tragi-comédies, ce qui différencie les confidents, c’est leur noblesse.
Carinte est présentée sur la liste des acteurs comme une « Fille d’honneur des Princesses de Tarente ». Elle est d’une noblesse plus élevée qu’une simple suivante, mais son rôle est le même. Elle est là pour écouter Liliane sa maîtresse, mais elle peut aussi à l’occasion dépasser cette fonction. En plus de recevoir des confidences, Carinte agit. Grâce à elle et à son remède miracle, Iolas a pu être sauvé.
Les confidentes participent parfois au bonheur de leur maîtresse, mais rares sont celles, comme Carinte, qui en sont instigatrices :
Carinte, à qui je dois la lumiere du iour,Le bien de mon Estat, & l’heur de mon amour;Que feray-je pour toy dans ce bien-fait extréme?
Bien évidemment, Carinte ne demande rien en échange. La seule chose qui compte pour une confidente fidèle est le bonheur de celle qu’elle sert.
Hydaspe n’a pas l’opportunité d’une telle action pour aider son maître Phalante. Il se comporte comme un parfait confident de tragi-comédie. Il écoute et pose les questions nécessaires pour que le discours de son double ne soit pas un monologue :
Veut-il se laisser vaincre à ses propres douleurs ?En pleurant ton amy, veux-tu cesser de vivre?
Il résume et simplifie, en donnant l’illusion d’une conversation :
Je touche au but, Phalante, & comprens le mistere,Tu viens servir la Soeur, aussi-tost que le frere,
Un troisième personnage est annoncé comme « le Confident d’Iarbe », dans la liste des acteurs, il s’agit de Ménandre qui, en revanche, ne correspond pas au personnage-type du confident. Seuls les personnages principaux ont un confident dans la tragi-comédie, or Iarbe n’apparaît qu’à l’acte V de la pièce. Ménandre connaît ses secrets mais ils n’ont pas une relation maître/confident, Iarbe le considère comme un gentilhomme de son duché.
Les Rivaux amis, comme la plupart des tragi-comédies des années 1630, sont peuplés de personnages typiques qui se ressemblent. Ils se comportent selon leur fonction. Ainsi, il est difficile de différencier un amoureux d’un autre comme il est courant de croiser des rivaux inactifs. Ils agissent, presque tous, pour ou contre l’union d’un ou plusieurs couples. Ce personnel dramatique peut être réparti en deux catégories : les opposants et les adjuvants. C’est, en effet, l’enjeu d’une tragi-comédie de séparer pour réunir un ou plusieurs couples d’amants.
Une poétique de la tension §
Gérard Genette, dans son article « L’or tombe sous le fer17 », parle d’une « dramaturgie de l’opposition » pour qualifier l’écriture poétique du début du XVIIe siècle que certains appellent baroque :
Ainsi, Or s’oppose tantôt à Fer, tantôt à Argent, tantôt à Ivoire, tantôt à Ebène. Ivoire et Ebène s’attirent, comme Albâtre attire Charbon ou Jais, qui s’oppose à Neige, qui craint l’Eau (et le Feu), qui évoque d’un côté Terre (d’ou Ciel), de l’autre Feu ou Flamme, qui appelle ici Fumée, là Cendre, etc.
Ce climat de tension est rendu possible par l’utilisation de certaines figures de rhétorique privilégiées, comme l’antithèse ou l’oxymore.
Didier Soullier18 place aussi l’opposition au centre de cette écriture :
[...] la rhétorique se met simplement au service des tendances structurantes de l’imaginaire. Ce constat est encore renforcé pour qui observe que l’univers baroque, que l’on sait conflictuel, mouvant et inconnaissable, a suscité le recours systématique à des figures qui expriment la contradiction et l’opposition non résolues des forces : le paradoxe, l’antithèse et l’oxymore.
Dans Les Rivaux amis, Boisrobert assimilent certaines de ces oppositions, sans jamais avoir l’idée d’appartenir à une catégorie esthétique. La vie et la mort est le couple qui représente le mieux cette poétique de la tension : « Vy pour luy, si tu veux que ie meure en repos. »
Ces deux verbes, on ne peut plus opposés, trouvent leur valeur profonde dans leur union au sein d’une même antithèse. Dans cette poétique, la vie n’a de sens que si elle est confrontée à la mort. Le contexte prouve ici l’importance que Boisrobert attache à la force de cette figure. Iolas, se croyant sur le point de mourir, veut unir sa femme Bérénice à son ami Phalante. Face à leur refus respectif, il entreprend de les convaincre en leur montrant que par leur mariage, l’amour qu’il leur porte pourra subsister après sa mort (encore un nouveau couple d’opposition : l’amour et la mort). Ce n’est donc pas un hasard si Boisrobert choisit de conclure la tirade de Iolas par cette antithèse, il connaît l’effet que peut produire cette opposition, à la fin d’une argumentation.
Cette opposition peut aussi servir à créer des images violentes qui émaillent souvent les tragi-comédies :
Pour me développer d’un grand tas de corps morts,Ou j’ay presque tout vif, trouvé ma sepulture.
Même si « l’enterré vivant » n’est pas un thème littéraire comme la « belle more » ou la « belle en deuil », cette image est le fruit d’une démarche identique : l’association de contraires. Le paradoxe appartient aussi à la poétique de la tension.
L’oxymore est souvent considéré comme une antithèse extrêmement violente. Boisrobert, à travers les propos de Phalante, procède, à la scène III de l’acte IV, à une véritable accumulation de cette figure pour souligner la colère du personnage :
Ta clemence est injuste, & ta pitié cruelle:Ta main r’ouvre ma playe apres sa guerison,Et le miel qu’elle m’offre est meslé de poison.
Tout est tension dans les paroles de Phalante. Comme l’écrit Gérard Genette19 :
La poétique baroque se garde bien de combler les distances ou d’atténuer les contrastes par la magie unifiante d’une tendresse : elle préfère les accuser pour mieux les réduire à la faveur d’une dialectique foudroyante.
Il faut souligner la singularité de Boisrobert qui invente ses propres tensions, même s’il est évident qu’il n’a pas conscience d’appartenir à une poétique.
Le titre de la pièce de Boisrobert est tout aussi paradoxal. Durant la première moitié du XVIIe siècle, de nombreux auteurs de comédies et de tragi-comédies utilisent des titres de ce type, comme le montre Georges Forestier dans un de ses articles20 :
À une époque où l’un des grands soucis des auteurs dramatiques était d’exciter la curiosité d’un public instable et difficile, le choix de titres paradoxaux, lourds de mystères et garants de surprises, figurait assurément au nombre des techniques d’incitation qu’ils avaient à leur disposition.
Le succès de ce genre de titre se mêle à celui remporté par les intrigues empruntées au théâtre espagnol, car ils ont en commun le fait de jouer sur une dialectique de l’être et du paraître, une des tensions fondamentales de la poétique de ce début de siècle. Cette vision paradoxale du monde s’applique donc même au choix des titres des pièces de théâtre. Aussi la formulation oxymorique du titre de la tragi-comédie de Boisrobert, Les Rivaux amis, révèle l’opposition de deux plans : celui de la réalité et celui des apparences. De cette façon, il est possible d’expliquer le titre de la sorte : Iolas et Phalante sont amis en réalité et rivaux en apparence. Les Rivaux amis reposent sur la « dramatisation de l’oxymore initial ».
La pièce est construite autour de cette donnée fondamentale : Iolas et Phalante sont à la fois rivaux et amis, mais sur des plans différents. Leur amitié est réelle, elle est profonde et ils ne cessent de s’en donner des preuves, mais leur rivalité ne peut s’accomplir que sur le plan des apparences, puisque Phalante et Bérénice sont frère et sœur.
Cette dialectique de l’être et du paraître est en grande partie destinée au spectateur, lui seul peut comprendre les paroles à double sens et l’ironie de certaines situations car il connaît la signification du titre paradoxal :
L’ironie fonctionne essentiellement sur le plan externe, c’est le public de la comédie qui est véritable destinataire du discours ironique21.
Ainsi, à la scène I de l’acte I, seul le spectateur est en mesure de comprendre qu’au travers des propos mystérieux de Phalante apparaissent les premiers signes de l’amour fraternel qu’il porte à Bérénice :
Vn mouvement secret, dont mon coeur est complice,Me donne à Liliane, & puis à Bérénice.Si l’une a plus d’attraits, l’autre a plus de douceur,J’aime l’une en Maistresse, & cheris l’autre en Soeur.
Phalante a l’intuition de la réalité, mais il demeure sur le plan des apparences. Il se croit rival de son ami, même s’il a l’impression que le sentiment qu’il éprouve pour Bérénice est différent de celui qu’il porte à Liliane.
Cependant, Boisrobert, contrairement aux modèles espagnols et aux auteurs français de comédies qui s’en inspirent, rétablit soigneusement, à la fin de sa tragi-comédie, la hiérarchie entre le monde des apparences et celui de la réalité. En apprenant sa véritable identité, Phalante comprend qu’il n’a jamais été véritablement le rival de son ami. Phalante et Iolas ne sont que des amis, l’oxymore initial n’a plus de sens. Les tensions artificielles des Rivaux amis se sont neutralisées. L’ordre a surmonté le désordre.
Les
Rivaux
Amis
Tragi-comédie §
A
MONSEIGNEUR
LE COMTE
D’ANNAN22. §
Monseigneur,
De quelque nature que soit la Gloire, elle a cela de particulier avec le feu de s’élever toujours en haut, & de n’agir jamais si noblement que sur les choses le moins attachées à la matière terrestre. Il en est de mesme des hommes illustres; qui dedaignent si fort les actions villes & rampantes23, qu’ils n’en font pour l’ordinaire que de glorieuses, & de relevées. Dequoy je m’asseure, on ne s’estonnera pas beaucoup, si l’on considere que cét aduantage est un effet de la bonne education, & encore plus de la Nature, qui dénie la pluspart du temps aux Ames vulgaires, ce qu’elle donne presque tousjours aux personnes de grande naissance. Je sçay MONSEIGNEUR, qu’au point ou la vostre est considerable, elle vous fait assez estimer des honnestes gens, sans qu’il soit besoin que je le publie. Aussi ne pretends-je pas de vous loüer icy, pour faire sçavoir à tout le monde que personne n’ignore; mais plûtost pour rendre à vos vertus une recognoissance d’autant plus juste, qu’elles vous font admirer de tous en general, & de moy particulierement. Car je croy ne rien donner à la Flaterie, si je dis qu’en un âge encore tendre, vous tesmoignez avoir une moderation extraordinaire, & que les dons du corps sont accompagnez en vous de ceux de l’esprit, dans une solide connoissance des Arts & des Langues. Vous avez si bien appris la nostre, qu’estant asseuré comme je suis, qu’elle vous est familiere, & que vous aimez passionement les Ouvrages de Prose & de Vers, je prends la hardiesse de vous envoyer celuy-cy, que j’ay depuis peu, fait mettre en lumière. C’est une nouvelle piece de Theatre, que vostre grande REINE24, qui est une des merveilles de nostre FRANCE, & les delices de l’ANGLETERRE, a déjà veue escrite à la main, & qu’elle a mesme daigné honorer de son approbation; Ce qui me fait esperer, que cette TRAGI-COMEDIE ayant eu le bon-heur de luy plaire, vous n’aurez pas desagreable qu’elle vous soit dédiée. Recevez la doncques s’il vous plaist, pour un témoignage de ce que je dois à vostre Vertu, & du service que je vous ay voüé, puis que je suis de toute mon ame.
MONSEIGNEUR,
Vostre tres-humble, & tres obeïssant serviteur, I. BAUDOIN25.
AU LECTEUR. §
Je vous entretiendrois amplement sur ce Poëme Dramatique; si je ne sçavois, qu’en le lisant vous-mesme d’un bout à l’autre, vous en trouverez sans doute le sujet plus divertissant, & la tissure26 plus agreable. Il me suffit de vous dire, que son Autheur est assez connu par le merite de son esprit, & par ses autres Ouvrages, pour vous faire juger equitablement de ce que vaut celuy-cy. C’est une TRAGI-COMEDIE, accommodée au Theatre, où, quand on l’a representée, elle n’a pas manqué d’Approbateurs, qui luy ont donné de legitimes loüanges. Vostre sentiment secondera le leur je m’asseure, en la voyant sur le papier; et vous advoüerez, à vray dire, que l’invention en est belle, la conduitte judicieuse, & l’intrigue ingenieusement demeslée. Que si par mesgarde, il s’y est glissé des fautes d’impression, vous seriez peu raisonnable de ne les excuser pas, puis qu’il n’est point de Liure qui s’en exempte, quelque diligence qu’on y apporte.
ACTEURS. §
- PHALANTE, Fils inconu d’Iarbe, Duc de Calabre.
- HYDASPE, Compagnon de Phalante.
- IOLAS, Prince de Tarente.
- CLARIDAN, Capitaine de Phalante.
- BERENICE, Fille du Duc de Calabre.
- LE PAGE,
- IOLANTE, &
- LILIANE, Princesses de Tarente, Sœurs d’ Iolas.
- LES MEDECINS du Prince Iolas.
- CARINTE, Fille d’honneur des Princesses de Tarente.
- CLEONTE, Capitaine des gardes d’Iolas.
- ARONTE, Gentil-homme d’Iolas.
- IARBE, Duc de Calabre.
- LES SOLDATS,
- MENANDRE, Confident d’Iarbe.
- ALMEDOR, Gentil-homme d’Iarbe.
ACTE I §
SCENE I §
HYDASPE
PHALANTE
CLARIDAN
SCENE II §
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
SCENE III §
BERENICE & sa suite
ARONTE
BERENICE
LE PAGE
BERENICE
SCENE IV §
IOLAS
CLEONTE
IOLAS
CLEONTE
IOLAS
CLEONTE
IOLAS
CLEONTE
IOLAS
Fin du premier Acte.
ACTE II §
SCENE I §
PHALANTE
IOLAS, caché.
BERENICE
IOLAS
PHALANTE
BERENICE
PHALANTE
SCENE II §
IOLAS
PHALANTE
BERENICE
IOLAS
BERENICE
PHALANTE
IOLAS
BERENICE, (en elle mesme)
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
BERENICE
IOLAS
BERENICE
IOLAS
BERENICE
IOLAS
BERENICE
IOLAS
PHALANTE
SCENE III §
IOLANTE
LILIANE
IOLANTE
SCENE IV §
[IOLANTE]
ARONTE
IOLANTE
LILIANE
ARONTE
IOLANTE
ARONTE
LILIANE
ARONTE
IOLANTE
LILIANE, (en elle-même)
IOLANTE
LILIANE83
SCENE V §
PHALANTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
Fin du deuxiesme Acte.
ACTE III §
SCENE I §
BERENICE
LE CHIRURGIEN
LE MEDECIN, se tournant vers la Princesse.
BERENICE
IOLAS
BERENICE
IOLAS
BERENICE
IOLAS
BERENICE
IOLAS
BERENICE
IOLAS
SCENE II §
BERENICE
PHALANTE
IOLAS
IOLANTE, en elle-mesme
IOLAS
BERENICE, en elle-mesme.
PHALANTE
IOLANTE, en elle-mesme.
PHALANTE
IOLANTE, en elle-mesme.
IOLAS
IOLANTE, en elle-mesme.
IOLAS
SCENE III §
IOLANTE, seulle.
SCENE IV §
LILIANE
IOLANTE
LILIANE
IOLANTE
LILIANE
IOLANTE
LILIANE
IOLANTE
LILIANE
IOLANTE
LILIANE
IOLANTE
SCENE V §
LILIANE
CARINTE
LILIANE
CARINTE
LILIANE
CARINTE
LILIANE
SCENE VI §
CARINTE
LILIANE
ARONTE
LILIANE
CARINTE
Fin du troisiesme Acte.
ACTE IV §
SCENE I §
CARINTE
BERENICE
LILIANE
CARINTE
LILIANE
BERENICE
LILIANE
CARINTE
BERENICE
LILIANE
CARINTE
BERENICE
BERENICE
SCENE II §
CARINTE
LILIANE
CARINTE
LILIANE
CARINTE
LILIANE
CARINTE
LILIANE
CARINTE
LILIANE
CARINTE
SCENE III §
LILIANE
PHALANTE
CARINTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
PHALANTE
LILIANE
SCENE IV §
IOLANTE seulle.
SCENE V §
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
LILIANE
IOLAS
LE CAPITAINE DES GARDES
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
PHALANTE
IOLAS
CARINTE
IOLAS
CARINTE
LILIANE
CARINTE
Fin du IV. Acte.
ACTE V §
SCENE I §
IARBE
IOLANTE
IARBE
IOLANTE
IARBE
IOLANTE
IARBE
MENANDRE
IARBE
MENANDRE, en luy mesme.
IARBE
MENANDRE
IARBE
MENANDRE
IARBE
IOLANTE
IARBE
IOLANTE
IARBE
IOLANTE
IARBE
SCENE II §
ALMEDOR
IARBE
ALMEDOR
IOLANTE
IARBE
SCENE III §
MENANDRE
PHALANTE
MENANDRE
PHALANTE
MENANDRE
PHALANTE
MENANDRE
PHALANTE
MENANDRE
PHALANTE
HYDASPE
PHALANTE
MENANDRE
SCENE IV §
IOLAS
BERENICE
LILIANE
CARINTE
BERENICE
IOLAS
BERENICE
ARONTE
IOLAS
LE PAGE
IOLAS
LE PAGE
IOLAS
BERENICE
SCENE V §
IARBE
MENANDRE
IARBE
MENANDRE
IARBE
MENANDRE
IARBE
MENANDRE
IARBE
MENANDRE, en luy mesme.
IARBE
MENANDRE
IARBE
MENANDRE
IARBE
MENANDRE
IARBE
SCENE VI §
PHALANTE
IARBE
PHALANTE
IARBE
PHALANTE
IARBE
SCENE VII §
IOLAS
BERENICE
IARBE
PHALANTE, à Berenice.
BERENICE
PHALANTE
IARBE
PHALANTE
IARBE
IOLAS
IARBE
IOLAS
IARBE
PHALANTE
LILIANE
IOLANTE
IOLAS
IOLANTE
IOLAS
IARBE
Fin.
PRIVILEGE DU ROY. §
LOUIS PAR LA GRACE DE DIEU ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE: A nos amez & feaux Conseillers les gens tenans nos Cours de Parlement, Maistres des Requestes ordinaires de nostre Hostel, Baillis, Seneschaux, Prevosts, leurs Lieutenans, & à tous autres nos Justiciers & Officiers qu’il appartiendra, Salut. Nostre bien amé Augustin Courbé, Libraire à Paris, nous a fait remontrer qu’il a recouvré un manuscrit un liure intitulé, Les Rivaux Amis, Tragi-comedie, par le Sieur de Bois Robert, lequel liure il desiroit imprimer, s’il avoit sur ce nos lettres necesaires, lesquelles il nous a tres humblement supplié de luy accorder. A CES CAUSES nous avons permis & permettons à l’exposant, d’imprimer, ou faire imprimer, vendre & debiter en tous les lieux de nostre obeïssance, en un ou plusieurs volumes ledit liure, en telle marge & caractères, & autant de fois qu’il voudra, durant l’espace de sept ans entiers & accomplis, à compter du jour que ledit liure sera achevé d’imprimer pour la première fois: Et faisons tres expresses deffences à toutes personnes de quelque qualité & condition qu’elles soient, de l’imprimer, faire imprimer, vendre ny distribuer en aucun lieu de ce Royaume, durant ledit temps & espace, sous pretexte d’augmentation correction, changement de tiltre, ou autrement, en quelque sorte & maniere que ce soit, à peine de quinze cens liures d’amende, payables sans déport par chacun des contrevenans, & appliquables un tiers à nous, un tiers à l’Hostel Dieu de Paris, & l’autre tiers à l’exposant, confiscation des exemplaires contrefaits, & de tous dépens dommages & interests. A condition qu’il sera mis deux Exemplaires en nostre Bibliotheque publique, & un en celle de nostre tres cher & feal, le sieur Seguier, Chevalier, Chancelier de France, avant que de les exposer en vente, à peine de nullité des presentes; du contenu desquelles nous vous mandons que fassiez jouyr plainement & paisiblement l’exposant, & ceux qui auront droit de luy, sans qu’il leur soit fait aucun trouble ou empeschement. Voulons qu’en mettant au commencement ou à la fin de chaque volume un bref extraict des presentes, elles soient tenuës pour signifiées, & que foy y soit adjoustée, & aux copies d’icelles, collationnées par un de nos amez & feaux Conseillers & Secretaires, comme à l’Original. Mandons aussi au premier nostre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l’execution des presentes tous exploits necessaires, sans demander autre permission. Car tel est nostre plaisir. Nonobstant oppositions ou appellations quelconques, & sans prejudices d’icelles; Clameur de Haro, Chartre Normande, & autres Lettres à ce contraires. Donné à Paris le 28. jour de May, l’an de grace, mil six cens trente-huict: Et de nostre Regne le vingt-huitième.
Par le Roy en son Conseil. Signé CONRART.
Les Exemplaires ont esté fournis, ainsi qu’il est porté par le Privilege.
Achevé d’imprimer pour la premiere fois, le 12. Septembre, 1638.