M. DC LXII.
de Boucher
NOTICE SUR BOUCHER de Victor FOURNEL (1875) §
Boucher, l’auteur de la petite comédie que nous reproduisons ci-après, est fort peu connu. Ni la biographie, ni la critique ne s’en sont jamais occupés. Seulement le "Dictionnaire des anonymes", de Barbier, et après lui le "Manuel du libraire" et le "Catalogue Soleinnes" lui attribuent la "Pompe funèbre de Scarron", petite pièce assez curieuse qui fut publiée en 1660, à la mort de l’écrivain burlesque. C’est à peu près tout ce que nous pouvons dire sur notre auteur. Il y avait, vers 1660, un Boucher libraire et un autre secrétaire du roi [1] : nous ignorons si l’un ou l’autre doit se confondre avec celui qui nous occupe, mais il n’est pas probable que Boucher fût libraire, puisqu’il a publié "La Pompe funèbre" chez Ribou et sa comédie chez Charles de Sercy.
Champgne le coiffeur, comédie en un acte, en vers (Ch. de Sercy, 1663, in-12; privilège du 14 octobre 1662 ; achevé d’imprimer le 14 novembre suivant), est dédié à M. le baron de Gentilly, maître d’hôtel ordinaire du roi. Nous apprenons, par le titre même, qu’elle fut jouée au Marais, et par la dédicace, qu’elle n’a pas déplu sur le théâtre. C’est une de ces pièces coulées dans le moule de la vieille farce, écrites en petits vers octosyllabiques et roulant sur des sujets de circonstance, sur les hommes et les choses du jour, comme les aimait le Marais et comme nous en avons déjà vu des exemples avec les ouvrages de Chevalier. Toutefois, si loin qu’elle soit d’être un chef d’oeuvre, la comédie de Boucher est bien supérieure à celles de l’acteur-auteur dont nous venons de parler. La versification en est aisée et parfois assez bonne. Cette bluette agréable renferme quelques scènes plaisantes, mais elle est trop longue, d’un comique généralement un peu lourd et qui ne sait pas s’arrêter à temps. L’intrigue, très sommaire se développe avec une lenteur extrême. Elle nous donne du, moins des détails curieux sur les modes et les artifices de la toilette féminine, particulièrement sur l’art de la coiffure et sur l’artiste célèbre et parfaitement historique qu’elle met en scène. C’est surtout à ce point de vue que nous reproduisons la pièce de Boucher, qui est, d’ailleurs, une rareté bibliographique.
Champagne ne fut pas seulement un des plus fameux coiffeurs du XVIIème siècle, mais le véritabLe créateur de la profession. On annonçait ses voyages, ses retours, sa rentrée à Paris, comme ceux d’un personnage important. Nous lisons dans la Muse historique de Loret, à la date du 22 octobre 1650 :
Enfin le renommé Champagne,
Ayant fait quatre ans de campagne,
En un pays assez lointain,
Est de retour entier et sain.
Déjà dans Paris il exerce
Son talent, science et commerce
Quoiqu’il soit sec, maigre et menu,
Il est partout le bien venu,
Et quantité de belles fées
En ont été déjà coiffées.
Il y a là un jeu de mots, qui fait allusion aux succès de plus d’un genre de cet artiste gâté par les dames. Il faut lire surtout l’historiette de Tallemant des Réaux car Tallemant [2] n’avait garde d’oublier cette curieuse figure dans sa galerie, pour savoir jusqu’où Champagne, enivré par ses talents, et les flatteries dont on l’entourait de toutes parts, poussait sa fatuité d’homme à bonnes fortunes et à quel prix il estimait ses moindres coups de peigne. Il se vantait d’avoir conquis les faveurs de Mme de Choisy. « Ce faquin, par son adresse à coiffer et à se faire valoir, se faisait caresser et rechercher de toutes les femmes. Leur faiblesse le rendit si insupportable, qu’il leur disait tous les jours cent insolences il en a laissé telles demi-coiffées ; à d’autres, après avoir fait un coté, it disait qu’il n’achèverait pas si elles ne le baisaient; quelquefois il s’en allait, et disait qu’il ne reviendrait pas si on ne faisait retirer un tel qui lui déplaisait, et qu’il ne pouvait rien faire devant ce visage-là... Avec tout cela elles le couraient, et il a gagné du bien passablement ; car, comme il n’est pas sot, il n’a pas voulu prendre d’argent, de sorte que les présents qu’on lui faisait lui valaient beaucoup... Il était medisant comme le diable il n’y avoit personne à sa fantaisie. »
Champagne était le coiffeur de toutes les grandes dames de la cour, particulièrement de la princesse Marie de Gonzague ; qui s’était engouée de lui :
J’enrage quand je vois Champagne
Porter la main à vos cheveux.
s’écriait Maître Adam Billaut dans ses Chevilles, en s’adressant à la princesse :
Vous ternissez votre louange
Souffrant que cet homme de fange
Maîtrise des liens qui font tout soupirer.
Au mariage de celle-ci, que le roi Ladislas épousa par procuration à Paris, le 6 novembre l645, Champagne assistait Mme de Sénecé, quand elle posa la couronne sur la tête de la nouvelle reine, dans la chapelle du Palais-Royal, à la suite de la messe. [3]
Marie de Gonzague l’emmena avec elle en Pologne : de là, dit Tallemant, « il alla en Suède, et revint ici avec la reine Christine ». Il y a dans cette dernière phrase une erreur : on a vu, par le passage de Loret cité plus haut, que Champagne était revenu en 1650, tandis que le premier voyage de Christine en France n’est que de 1656. Son excursion en Suède probablement, et son retour avec la reine Christine, si Taltemant ne s’est pas trompé sur ce point, sont certainement postérieurs à ce premier voyage. Quant à ce que dit l’auteur de notre pièce de son voyage en Turquie, c’est sans doute une pure fiction, n’ayant d’autre but que d’amener un de ces travestissements orientaux à la mode sur le théâtre dans le genre de celui que Molière devait imaginer avec le mamamouchi M. Jourdain.
D’ailleurs, même en son absence, Champagne n’avait pas été oublié. Il est nommé dans "l’Enfer burlesque" de l’abbé de Laffemas [4] publié en 1649, et la même année encore, l’auteur de la Mazarinade : "le Ministre d’État flambé", passant en revue tous les industriels et artistes ruinés par Mazarin, rencontre tout naturellement au bout de sa plume le nom de Champagne :
Cardelin semble être perclus,...
Carmeline, en un coin reclus,
Voit ses pélicans superflus ;
Le Coutelier même sommeille,
Et Champagne ne coiffe plus
Que la poupée ou la bouteille.
Enfin l’abbé d’Aubignac, ayant à parler de la science de coiffer dans sa "Relation du royaume de coquetterie" [5], s’est tout de suite rappelé son nom.
La réputation de Champagne était conforme aux traditions du métier. Les coiffeurs pour dames passaient généralement pour des messagers d’amour, des instruments d’intrigues galantes et la plupart des coiffeuses n’avaient pas meilleure réputation. Leurs maisons servaient de rendez-vous ; leur art fournissait un prétexte et un couvert à bien des aventures [6] :
« Sa principale profession, dit Scarron en parlant d’une entremetteuse dans la "Précaution inutile", était d’être conciliatrice des volontés, possédant éminemment toutes les conditions requises à celles qui veulent s’en acquitter, comme d’être perruquière, revendeuse, distillatrice, d’avoir quantité de secrets pour l’embellissement du corps humain. »
La plupart de ces secrets étaient l’apanage du coiffeur pour dames et de la coiffeuse. Leur rôle ne se bornait pas seulement à la chevelure, qui eut déjà suffi surtout avec le développement pris par les perruques au XVIIème siècle, pour leur donner une importance particulière. Ils se distinguaient des perruquiers, dont les fonctions étaient beaucoup plus restreintes. Les eaux de senteur, les pâtes, les onguents, les mouches, tout cela les regardait, et ils empiétaient même quelquefois sur le domaine des modistes. D’innombrables pièces volantes, des satires et beaucoup de comédies, parmi lesquelles je citerai seulement celle de Douville, la "Coiffeuse à la mode", qui roule en entier sur ce sujet et peut fournir matière à quelques rapprochements curieux, attestent les développements qu’avait pris alors cette partie de la mode.
Champagne occupa le plus haut rang peut-être parmi ces artistes de la coiffure et de l’ajustement au XVIIème siècle, au nombre desquels nous citerons encore la Darancey, la Jeanneton, la Poulet, la Bariton, la Prime et le Métayer, que nomme l’auteur de la pièce, Paysan, que nous avons vu dans "l’Académie des femmes" de Chapuzeau, la Martin, Melle la Borde et le baigneur la Vienne, dont il est fort question dans Mme de Sévigné.
Nous n’avons pas la date de la naissance de Champagne, dont l’origine était probablement fort humble, comme l’indique son état et comme semble l’indiquer aussi son nom. Mais il était déjà célèbre et en vogue à la cour en 1638, car c’est après le voyage qu’il fit à Paris à cette date et la visite qu’il rendit alors à la princesse Marie, que maitre Adam composa la pièce citée plus haut. Il mourut juste vingt ans après, d’une manière tragique, non pas toutefois sous le bâton, comme on pourrait croire, mais sur la grande route, dans le midi de la France, où l’avait appelé peut-être l’exercice de son art, sollicité de tous les cotés. Loret a enregistré cette catastrophe, à la date du 2 novembre 1658 :
Un bruit venant de ta campagne
Nous apprend que le sieur Champagne
Que deux ou trois reines du Nord
Estimaient et cHérissaient fort...
Dans un rencontre inopiné
Fut l’autre jour assassiné
Entre, dit-on, Vienne et Grasse,
Par cette détestable race
Que l’on appelle des bandits.
Ou voit, et il était facile d’ailleurs de le conjecturer d’avance, qu’il ne fut mis sur le théâtre qu’après sa mort. Les cinq ans écoulés depuis son assassinat n’avaient pas encore réussi à faire oublier cet homme illustre.
1. Moreau, "Bibliographie des Mazarinades, I, 398, II, 224.
2. Edit. Mommerque, t. VII, p. 166-8.
3. Mémoires de Mme de Motteville, Amsterdam, 1739, t. 1, p. 333.
4. L’Enfer burlesque, ou le 6ème livre de l’Énéide occomodé à l’histoire du temps, par M.C.P.D. : Ne la trouvez-vous pas mignonne, La demoiselle Tisyphone, Et Champagne avec ses fers chauds, Coiffait-il mieux par serpenteaux ?
5. 1654, in-12, p. 51,52.
6. V. "La Fille capitaine" de Montfleury. II, sc. 10; III sc. 3.
PERSONNAGES. §
- BONIFACE.
- ÉLISE, fille de Boniface.
- LISETTE, servante d’Élise.
- MONSIEUR THOMAS, voisin et ami de Boniface.
- CLÉANDRE, Champagne, amant d’Élise.
- GUILLOT, valet de Champagne.
ACTE I §
SCÈNE PREMIÈRE. Cléanre, Guillot. §
GUILLOT.
CLÉANDRE.
GUILLOT.
CLÉANDRE.
GUILLOT.
CLÉANDRE.
GUILLOT.
SCÈNE II. Cléandre, Guillot, Ruse, Lisette. §
ÉLISE.
LISETTE.
GUILLOT.
ÉLISE, à Cléandre.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
GUILLOT, regardant Lisette.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
LISETTE, à Guillot.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
GUILLOT.
LISETTE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
LISETTE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
GUILLOT.
CLÉANDRE.
GUILLOT.
CLÉANDRE.
GUILLOT.
SCÈNE III. Cléandre, Élise, Guillot, Lisette, Boniface. §
BONIFACE, crie dans son logis.
LISETTE.
ÉLISE.
BONIFACE, sortant de son logis.
LISETTE.
BONIFACE.
ÉLISE, bas.
BONIFACE.
LISETTE, rentrant.
BONIFACE.
CLÉANDRE, bas à Guillot.
BONIFACE.
SCÈNE IV. Boniface, Monsieur Thomas. §
THOMAS, sortant brusquement de son logis.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
SCÈNE V. Boniface, Monsieur Thomas, ÉLISE et §
LISETTE.
THOMAS.
LISETTE.
THOMAS.
LISETTE, ouvrant la porte.
THOMAS.
BONIFACE.
ÉLISE, à Lisette.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
LISETTE.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
SCÈNE VI. Boniface, Monsieur Thomas, Guillot. §
GUILLOT.
GUILLOT.
THOMAS.
GUILLOT.
BONIFACE.
GUILLOT.
THOMAS.
GUILLOT.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
GUILLOT.
BONIFACE.
GUILLOT.
THOMAS.
GUILLOT.
THOMAS.
GUILLOT.
BONIFACE.
GUILLOT.
BONIFACE.
THOMAS.
SCÈNE VII. Monsieur Thomas, Cléandre, habillé en Turc. §
CLÉANDRE, bas.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
22CLÉANDRE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
SCÈNE VIII. Thomas, Cléandre, Boniface. §
THOMAS.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
27CLÉANDRE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
BONIFACE.
CLÉANDRE.
BONIFACE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
CLÉANDRE.
BONIFACE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
LISETTE, paraît à la porte.
BONIFACE.
LISETTE.
BONIFACE.
LISETTE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS, s’en allant.
SCÈNE IX. Boniface, Cléandre, Guillot, Lisette. §
BONIFACE.
ÉLISE, devant sa toilette.
CLÉANDRE.
ÉLISE, étant devant sa toilette.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
BONIFACE.
SCÈNE X. Élise, Cléndre, Guilot, Lisette. §
CLÉANDRE.
ÉLISE.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
LISETTE.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
ÉLISE, en sortant.
CLÉANDRE.
SCÈNE XI. Cléandre, Élise, Guilot, Lisetten Thomas. §
GUILLOT.
THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
ÉLISE.
THOMAS.
CLÉANDRE.
37THOMAS.
CLÉANDRE.
THOMAS.
CLÉANDRE, s’en allant.
THOMAS.
GUILLOT, revenant sur ses pas.
38THOMAS.
GUILLOT.
THOMAS.
SCENE XII. Monsieur Thomas, Boniface. §
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
THOMAS.
BONIFACE.
SCÈNE DERNIÈRE. Boniface, Monsieur Thomas, Cléandre, Élise, Guillot, Lisette. §
THOMAS, voyant venir Cléandre.
CLÉANDRE.
BONIFACE.
CLÉANDRE.
GUILLOT.
THOMAS.
CLÉANDRE.
BONIFACE.
CLÉANDRE.
GUILLOT.
THOMAS.
BONIFACE.
CLÉANDRE.
ÉLISE.
CLÉANDRE.
GUILLOT.
BONIFACE.
GUILLOT.
LISETTE.
GUILLOT.
GUILLOT.