Thomas Corneille
Chez GABRIEL QUINET, au Palais, dans
la Gallerie des Prisonniers, à l’Ange Gabriel.
M. DC. LXIX.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Édition critique établie par Aloys Clarke de Dromantin sous la direction de Georges Forestier (2006-2007)
Introduction §
En 1659, un jeune comédien-poète arrivé depuis peu à Paris donnait au théâtre une simple petite comédie en un acte intitulée Les Précieuses ridicules, et s’attirait, grâce à cette pièce, les louanges du public parisien. Un autre dramaturge était alors au sommet de sa gloire ; Thomas Corneille, qui n’est guère plus qu’un nom pour nous, venait de faire représenter quatre ans plus tôt la tragédie de Timocrate qui fut, avec ses quatre-vingt représentations consécutives, le plus grand succès dramatique du XVIIe siècle. Le petit frère de l’auteur du Cid était donc aussi connu que Pierre et même bien plus à la mode que celui-ci à la fin des années 1650. Face au succès de Molière, les deux frères, qui étaient très proches, déclarèrent que la troupe du farceur n’excellait que dans la « bagatelle »I. Le jugement était sévère, c’était aller contre l’avis du public galant. Les années suivantes furent marquées par ce même affrontement avec Molière : Thomas Corneille fut un adversaire zélé de L’École des femmes et continua de mépriser celui qui était désormais installé avec sa troupe au Palais-Royal et dont le succès allait grandissant. Dans le même temps, on n’avait pas vu « Corneille le Jeune » donner de comédie depuis précisément cette année 1659, alors qu’au cours des dix années qui avaient précédé, il en avait donné neuf. Étonnant retrait de la part d’un auteur qui avait su égaler et même dépasser Scarron avec son Geôlier de soy-mesme en 1655. Étonnant retrait aussi de la part d’un « bourguignon », lorsqu’en ces années 1660, l’Hôtel de Bourgogne, qui excellait dans la tragédie, avait justement besoin de succès comiques pour rivaliser avec Molière. Les petites farces de Poisson et les pièces de Montfleury ne suffisaient pas, et les Grands Comédiens étaient en train de voir leur public filer vers le Palais-Royal. Thomas Corneille avait-il peur d’affronter Molière sur le terrain de la comédie ? Lui qui avait montré qu’il savait se renouveler et s’adapter aux exigences du public, lui qui avait excellé dans la veine burlesque, était-il en panne d’inspiration comique ? Le fait est qu’en 1660, comme l’écrit La Fontaine, « Jodelet n’est plus à la mode »II. Or c’est précisément dans les pièces « à Jodelet », c’est-à-dire dans les pièces burlesques, que Thomas Corneille avait obtenu ses plus grands succès. C’est en 1667 qu’il sortit de son silence comique. Le Baron d’Albikrac venait à point, Molière connaissait quelques difficultés après le demi-échec du Misanthrope et la seconde interdiction du Tartuffe. Sans renoncer à ses caractéristiques propres, inspiration espagnole et valet bouffon au langage fantaisiste, le Normand innova quelque peu par rapport à ses anciennes comédies. Thomas Corneille, en effet, multiplie les sources de comique : il s’intéresse autant aux ruses du galant pour parvenir à ses fins qu’au caractère du personnage qui contrarie les amours des jeunes gens, sans oublier de mettre au centre de l’intrigue un personnage bouffon qui donne son nom à la pièce. Nous rions du personnage de la Tante, nous rions aussi des ruses d’Oronte, de Léandre et d’Angélique, et nous rions enfin de la fourbe et des fantaisies du valet la Montagne. La formule sembla fonctionner : sans toutefois déstabiliser aucunement Molière, Thomas Corneille séduisit le public et fit même rire MadameIII qui, sans s’en douter, vivait les derniers mois de sa courte existence. Il n’y avait plus qu’à recommencer : trois ans plus tard, en 1670, il donnait une pièce très similaire au Baron, La Comtesse d’Orgueil. Sur un modèle espagnol il ajoutait un valet déguisé en comtesse de Bretagne qui devait permettre au héros de se débarrasser de son rival. Mais cette fois le succès ne fut pas au rendez-vous.
Vie de Thomas Corneille §
Thomas Corneille naquit à Rouen en 1625 dans une famille de la moyenne bourgeoisie. Son frère Pierre le précédait de dix-neuf ans et leur père mourut quand Thomas n’avait encore que quatorze ans. C’est alors Pierre qui fut son tuteur et qui remplaça la figure paternelle. Thomas suivit donc les traces de son frère au collège jésuite de Rouen et devint avocat en 1649. Il marcha sur les pas de Pierre jusqu’à épouser, un an plus tard, la sœur de sa femme, Marguerite de Lampérière, avec laquelle il eut au moins trois enfants. Sans doute pour se distinguer d’un frère déjà au sommet de sa gloire, Thomas se fit appeler « Corneille de l’Isle », et si ses prétentions nobiliaires étaient légitimes depuis l’anoblissement de son père en 1637 (au lendemain du Cid) elles lui valurent toute de même une moquerie de la part de Molière quelques années plus tard au début de L’École des femmesIV.
Il était courant au XVIIe siècle d’entreprendre des études de droit et d’obtenir le titre d’avocat sans pour autant embrasser la carrière juridique. C’est ce que fit Thomas. En 1647, à vingt-deux ans, il donnait déjà sa première pièce de théâtre, Les Engagements du hasard, jouée par les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne grâce à la bienveillance de l’acteur Floridor, ami intime de la famille Corneille. La pièce, inspirée d’une comedia de Calderón, fut le premier succès du jeune homme. La mode de l’imitation espagnole avait été lancée au début des années 1640 par d’Ouville et toute la première partie de la carrière de dramaturge de Thomas Corneille s’inscrit dans ce courantV. De 1647 à 1655, traversant la Fronde, Corneille le jeune, comme on l’appelait le plus souvent, donna sept comédies inspirées de modèles espagnols. Avec Dom Bertrand de Cigarral en 1651 il s’essaya avec succès à la comédie burlesque. Quatre ans plus tard il entrait en concurrence avec Scarron: les deux dramaturges donnèrent chacun une adaptation d’une pièce de Calderón, El Alcalde de si mismo, et c’est Le Geôlier de soy-mesme de Thomas qui l’emporta sur Le Gardien de soy-mesme de Scarron. L’élève l’avait emporté sur le maître.
En 1656 la carrière dramatique du jeune Corneille prit un premier virage. Il se détourna de l’Hôtel de Bourgogne, se rapprocha de la troupe du Marais et donna une tragédie d’un genre tout à fait nouveau. En effet, depuis la Fronde, les tragédies avaient disparu des scènes parisiennes et répéter les recettes du passé face à un public sortant tout juste de la guerre civile eut été un échec. Thomas Corneille su saisir l’esprit du temps et le goût du public puisque Timocrate fut, nous l’avons dit, un véritable triomphe. La pièce est centrée sur l’amour, l’intrigue en est chargée et le dénouement heureux : c’est ce qu’on appela par la suite la « tragédie romanesque ». Les pièces qui suivirent et qu’il continuait de donner au Marais, avant de retrouver l’Hôtel de Bourgogne en 1659, sont de la même veine mais obtinrent moins de succès, par exemple Stilicon en 1660 et Camma en 1661. Peu après l’arrestation de Fouquet qui leur versait une pension, les frères Corneille vinrent s’établir à Paris à la fin de l’année 1662 invités par le duc de Guise. Thomas, quant à lui, entretenait d’excellentes relations avec certaines grandes dames du pays comme la Comtesse de Noailles, la Comtesse de Fiesque ou la Duchesse de Montpensier et fréquentait régulièrement le salon de Madame Deshoulières.
La carrière dramatique de Thomas Corneille avait commencé depuis vingt ans lorsqu’il revint à la comédie en 1667 avec Le Baron d’Albikrac. À cette date, il était capable de manier avec aisance les différents genres dramatiques: ainsi, à peine quelques mois après le succès du Baron, donna-t-il une tragédie intitulée Laodice. Mais déjà les premiers succès de Jean Racine commençaient à faire de l’ombre aux tragédies des frères Corneille. C’est en 1670 que la Bérénice de Racine l’emporta sur celle de Pierre. Thomas, quant à lui, obtint encore un beau succès avec son Ariane en 1672, pièce écrite dans la veine des tragédies élégiaques de Racine, mais une nouvelle tragédie intitulée Théodat et représentée seulement quelques mois plus tard, fut un échec. Écœuré par les succès de Racine, Thomas Corneille, à la différence de Boyer, n’abandonna pas pour autant la création théâtrale. Poussé par son ami Jean Donneau de Visé, il prit ses distances avec l’Hôtel de Bourgogne où Racine triomphait et collabora désormais avec le jeune théâtre Guénégaud. Cette nouvelle troupe rassemblait les comédiens de Molière, restés orphelins en 1673, ainsi que certains acteurs du théâtre du Marais. Après l’échec de La Mort d’Achille (janvier 1674), Thomas Corneille se détourna de la tragédie qu’il laissa à Racine et se lança dans la création de pièces à machines en collaboration avec Donneau de Visé. En 1675 Circé puis L’Inconnu furent d’importants succès. Trois ans plus tard, Racine ayant été nommé historiographe du roi, Thomas renoua avec la tragédie en donnant Le Comte d’Essex qui fut bien accueillie par le public. Il s’acheminait alors lentement vers la fin de sa carrière dramatique. Pourtant il réussit encore à se renouveler en collaborant avec Lully dans la création d’opéras, lors d’une courte disgrâce de Quinault. En 1678 il composa avec son neveu Fontenelle une version opératique de la Psyché de Molière et l’année d’après Bellérophon fut un triomphe. Après La Devineresse en 1679, comédie d’actualité écrite avec Donneau de Visé pendant l’affaire des poisons, Thomas Corneille ne connut plus le succès au théâtre. Mais il n’avait pas attendu d’être boudé par le public pour se lancer dans de nouvelles entreprises. En 1677 il s’était associé à Visé pour relancer le Mercure Galant. Cette gazette d’un genre nouveau, créée cinq ans plus tôt, donnait l’essentiel des nouvelles mondaines de Paris et de province ainsi que les nouvelles des théâtres dans un volume de deux cent pages qui paraissait à la fin de chaque mois. Donneau de Visé et Thomas Corneille collaborèrent ainsi pendant plus de vingt ans. Le Mercure, s’il était critiqué par certains, était lu par presque tous dans les milieux mondains.
À la mort de Pierre Corneille, en 1684, Thomas fut élu à l’Académie Française à l’unanimité au siège de son frère. De cette période d’académicien on retient son engagement en faveur des Modernes dans la Querelle déclenchée par un discours de Perrault en 1687. Il soutint ce dernier et vit son neveu Fontenelle élu à l’Académie en 1691 contre la Bruyère. Puis, à presque soixante-dix ans, « Corneille le Jeune » commença une nouvelle carrière : celle de savant. En effet, en 1694, l’Académie voulut concurrencer le très complet dictionnaire de Furetière. Thomas se chargea alors de rédiger un Dictionnaire des termes d’arts et de sciences qui devait s’ajouter en complément à la première édition du Dictionnaire de l’Académie. Il traduisit aussi Les Métamorphoses d’Ovide puis les Fables d’Esope. Enfin il donna un Dictionnaire universel géographique et historique. Ces volumes représentèrent des années de travail et contribuèrent sans doute à épuiser le vieillard : Thomas Corneille mourut aveugle le 8 décembre 1709.
Il semble que ce soit après sa mort que Thomas Corneille commença à souffrir de la gloire de son frère et que son théâtre fut progressivement oublié. Sans doute Nicolas Boileau ne fut-il pas pour rien dans cette faible postérité. Il disait par exemple du jeune Corneille : « C’est un homme […] emporté de l’enthousiasme d’autrui, et qui n’a jamais pu rien faire de raisonnable »VI. Et en effet Thomas cherchait le succès, l’obtint à de nombreuses reprises, laissa derrière lui une œuvre extrêmement variée comprenant plus de quarante pièces de théâtre, comédies, tragédies, pièces à machines, tragi-comédies, ou encore opéras, fut aussi journaliste, polémiste et savant, ami de Molière, puis brouillé et réconcilié, ennemi de La Bruyère et déjà un pied dans le dix-huitième siècle grâce à la fougue de son neveu et filleul Fontenelle. Boileau en un sens avait raison: est-il bien raisonnable de faire tant de choses en quatre-vingt quatre ans d’existence ?
On trouvera à la fin de ce volume la liste des œuvres de Thomas Corneille.
Conditions de représentation §
La date de la première représentation : petite question d’histoire littéraire §
Le Baron d’Albikrac a été créé sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne. Malheureusement, nous ne connaissons pas la date exacte de la première représentation. Cependant, le privilège du roi (c’est-à-dire l’autorisation royale de publier le texte) datant du 21 février 1668, nous pouvons faire l’hypothèse que la pièce fut créée vers la fin de 1667, sans doute à l’automne puisque la troupe fut occupée à la représentation d’Andromaque de Racine à compter du 17 novembre. Le plus souvent, une pièce était jouée avant que soit demandé un privilège pour son impression. C’est cette date de 1667 que proposa, dans les années 1930, le spécialiste du théâtre du XVIIe siècle, Henry Carrington Lancaster. Il venait ainsi corriger la date traditionnellement retenue de 1668. Les anciens commentateurs, des Frères ParfaictVII à Gustave ReynierVIII, s’appuyaient sur une mention d’une représentation du Baron d’Albikrac chez Madame dans une lettre de la gazette de Robinet datant du 29 décembre 1668IX. Mais rien n’indique que cette représentation fut la première et même tout laisse penser le contraire. En effet, Robinet qui n’était pas ce soir-là chez Henriette d’Angleterre commente la pièce qu’il avait donc vraisemblablement déjà vue jouer auparavant.
Voilà l’essentiel de ce qu’il est possible de déduire des informations dont nous disposons. Toutefois le problème a donné lieu à des discussions contradictoires intéressantes de la part des spécialistes. Étendons-nous un instant sur cette petite question d’histoire littéraire. Tout d’abord, comme le note A.-L. Chamoux dans un article paru en 1966 dans la Revue d’histoire littéraire de la FranceX, Lancaster commet une erreur : il confond la date de l’achevé d’imprimer avec celle de l’enregistrement du privilège par la communauté des libraires qui eut lieu le 5 mars 1668, date elle-même suspecte si l’on en croit Christopher Gossip qui a épluché le registre en question. Cette date précoce servait, dans l’argumentation de Lancaster, à renforcer son hypothèse d’une première représentation en 1667. L’achevé d’imprimer date en fait du 8 février 1669 et n’indique donc rien sur la date de la première. Par ailleurs Lancaster ajoutait l’argument suivant : la pièce daterait bien de 1667 car Thomas Corneille avait l’habitude de donner une pièce par an ; or si le Baron avait été joué en 1668 il n’aurait pas eu de pièce de théâtre à son actif en 1667. Cet argument est difficilement recevable pour deux raisons : premièrement, la chronologie des pièces de Thomas Corneille établie par Christopher GossipXI montre qu’il n’était pas aussi régulier dans sa production théâtrale qu’on avait pu le penser ; deuxièmement, il n’est pas établi qu’un auteur se sentait tenu de donner nécessairement une pièce par an aux comédiens. Chamoux, en contredisant Lancaster, voulait démontrer que Le Baron avait pu être représenté après Laodice, tragédie pour laquelle Thomas Corneille obtint un privilège le même jour que pour Le Baron mais qui fut imprimée dans la foulée, le 8 mars 1668, à la différence du Baron, qui, si l’on en croit la date de l’achevé, fut imprimé un an après l’obtention du privilège. Chamoux en déduisait que la pièce aurait donc bien pu être représentée à la fin de 1668 comme il avait été admis avant Lancaster. Mais elle semble par là ignorer que seul le privilège peut renseigner sur la date de la première représentation dans la mesure où l’on sait que, généralement, la représentation précédait l’autorisation accordée à l’imprimeur. C’est ce que relève Christopher Gossip dans une note parue en 1968 dans la revue italienne Studii FrancesiXII. Ce dernier va plus loin en démontrant qu’il n’était pas impossible, pour un même auteur, de mettre en scène plus d’une seule pièce par an. Le Baron aurait donc bien pu être joué en 1667, avant Laodice, et Laodice être imprimée avant le Baron. Gossip va jusqu’à émettre l’hypothèse d’une erreur dans la date de l’achevé et suggère que le « 1669 » de l’imprimeur signifie en fait 1668. La pièce aurait alors été achevée d’être imprimée avant qu’un privilège ne soit accordé ce qui effectivement se produisait de temps en temps. La question de la date de la première représentation reste donc ouverte et uniquement basée sur des hypothèses.
L’hôtel de Bourgogne en 1667 §
En 1667, l’Hôtel de Bourgogne, situé rue Mauconseil, demeurait la principale scène parisienne. C’était la compagnie la plus prestigieuse, appréciée surtout pour ses tragédies, la comédie étant devenue la spécialité du théâtre du Palais-Royal, c’est-à-dire de la troupe de Molière. Quant au théâtre du Marais, en mauvaise posture au début des années 1660XIII, il tire alors sa réputation des pièces à machines. Cette spécialisation croissante des différents théâtres dans les années 1660 n’empêche pas les comédiens de l’Hôtel de continuer à donner des comédies afin de concurrencer les succès de Molière au Palais-Royal. En particulier l’Hôtel multiplia la représentation de petites comédies en un acte fournies par Villiers, Montfleury, Boursault ou Poisson et qui devinrent très à la mode dans ces années 1660. Les « comédiens du roi », comme ils se faisaient appeler, étaient au nombre de douze sous la direction de Floridor. Nous connaissons deux des acteurs du Baron d’Albikrac : Villiers jouait Philipin et Poisson La Montagne. Ces deux comédiens étaient très célèbres à l’époque. Villiers d’abord, de son vrai nom Claude Deschamps, entré dans la troupe en 1642 après quelques années au Marais, s’était depuis longtemps spécialisé dans le rôle de Philipin (ou Filipin) créé pour concurrencer Jodelet qui, dans les années 1640 et 1650 régnait sur le Marais. En 1667, lorsqu’il joue le valet d’Oronte dans Le Baron d’Albikrac, Villiers approche de la fin de sa carrière puisqu’il prend sa retraite trois ans plus tard en 1670. C’est peut être la raison pour laquelle il n’a qu’un rôle secondaire dans Le Baron. Car dans le même temps un autre acteur s’était fait remarquer depuis plusieurs années dans les rôles de valets fourbes. Il s’agit de Raymond Poisson (1630-1690), alors étoile montante de la comédie. Arrivé à Paris en 1660 et entré à l’Hôtel de Bourgogne la même année, il s’illustra d’abord dans les petites comédies qui suivaient en général la représentation d’une tragédie. Il écrit aussi de ces comédies en un acte : par exemple Le Baron de la Crasse en 1662, où l’on se moque d’un noble de province. On remarque la proximité sonore entre le titre de cette pièce et Le Baron d’Albikrac, qui peut laisser penser que Thomas Corneille se serait souvenu de la pièce de Poisson pour trouver un nom à son baron. Enfin, Poisson est surtout celui qui incarna le rôle de Crispin dans ses propres comédies, dans celles de Montfleury mais surtout dans celles de Hauteroche au début des années 1670. On retiendra que ce personnage type de valet fourbe avait une réputation de laideur. Les autres acteurs du Baron nous sont inconnus. Toutefois quelques suppositions sont possibles : Floridor avait l’habitude de jouer les rôles de jeune premier et Montfleury, si la pièce fut effectivement jouée en 1667, n’était pas encore mort. Hauteroche faisait aussi parti de la troupe et une des deux actrices vedettes de l’Hôtel, la des Œillets et la d’Ennebaut, jouait sans doute le rôle d’Angélique. Par ailleurs il est fort probable que la Tante, selon l’usage de l’époque, ait été jouée par un homme.
Un beau succès §
Le Baron d’Albikrac connut un succès durable, comme en témoignent les nombreuses reprises de la pièce, les commentaires de Robinet ou plus tard ceux des frères Parfaict. Pour autant, au moment de sa création, le Baron fut-il vraiment un « énorme succès » comme l’affirme Gustave ReynierXIV ? Un élément permet d’en douter : il s’agit d’une phrase de la dédicace de la pièce à une certaine Madame M.B.E.C.S. Si Thomas Corneille y assure être « satisfait du succès » de sa comédie, il ajoute ceci : « Quand le public se serait entierement déclaré pour elle, son suffrage n’auroit point suffit à mon ambition, et la gloire de vous avoir plu est quelque chose de si considérable pour moi, qu’elle me console aisément de la sévérité de la censure ». Nous pouvons déduire de cette phrase que le public ne fit pas un accueil particulièrement chaleureux au Baron lors de sa création même s’il semble avoir été bien reçu à la cour et dans les cercles privés auxquels appartenait la dédicataire. En effet, en plus de la représentation chez Madame, Robinet rend compte d’une autre représentation, cette fois-ci à Saint-Germain-en-Laye, au mois d’août de la même annéeXV. Or nous savons que ces divertissements royaux étaient particulièrement fastueux et qu’ils constituaient donc un honneur pour l’auteur de la pièce. Ensuite Le Baron d’Albikrac semble avoir quitté l’affiche en 1670. Il n’a été repris qu’en 1682 par la toute récente Comédie-Française issue de la fusion entre la troupe de Molière et celle du théâtre GuénégaudXVI. Lundi 5 janvier 1682, premier soir de la reprise, nous savons, grâce au registre de Lagrange, que la recette atteignit 1329 livres, ce qui est tout à fait honorable. Ce fut d’ailleurs la meilleure recette du mois derrière Le Misanthrope de Molière. La pièce fut jouée dix-sept fois cette année-là dont une fois à Saint-Germain et une fois à Saint-Cloud ; elle a ensuite été jouée huit fois avant la fin de 1685, ce qui prouve que le public ne s’en lassait pas. Cinquante ans plus tard, les frères Parfaict affirmaient : « Cette Comédie eut un succès si marqué lorsqu’elle parut au Théatre, et ce succès s’est si bien soutenu depuis, qu’il est peu de personnes qui ne connoissent cette Pièce, soit par la lecture, soit par la représentationXVII ». Et en effet la Comédie-Française continua de jouer Le Baron d’Albikrac tout au long du XVIIIe siècle, en tout cent soixante huit fois, et la pièce fut rééditée à maintes reprisesXVIII. Son succès dépassa même les frontières nationales : Le Baron fut représenté au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles en 1753 et on en trouve une édition réduite à trois actes pour la cour de Vienne datant de 1764XIX. Puis peu à peu la pièce disparut du paysage théâtral. Si l’on en croit Reynier elle fut encore représentée en juin 1823 au théâtre de l’Odéon, encore une fois réduite à trois actes. Pour le XXe siècle notons que le deuxième acte du Baron fut représenté les 4 et 11 mars 1915 à la Comédie-Française, à l’occasion de soirées spéciales, et fut encore monté au festival de Barentin dans les années 1960 grâce au Cercle Pierre et Thomas Corneille. Le Baron d’Albikrac fut donc une des pièces de « Corneille le Jeune » qui résista le mieux au temps.
Réception critique §
La critique contemporaine de la création de la pièce se réduit à Robinet qui, dans sa gazette en vers rapporte les nouvelles mondaines et mentionne à deux reprises le Baron. Nous avons déjà dit qu’il annonçait une représentation chez Madame le 29 décembre 1668, ajoutons qu’il le fait en termes élogieux. Robinet insiste sur le comique de la pièce qui provoque un rire franc et sur la qualité du jeu de Raymond Poisson en valet La Montagne. Quelques jours plus tard, Robinet revient sur la représentation en introduisant une nuance à son éloge : il juge le « poëme (…) bon malgré tout mic-mac ». La pièce selon Robinet est donc comique mais un peu trop compliquée. Le Mercure Galant fait aussi mention du Baron lorsqu’il est repris douze ans après sa création par la troupe de la Comédie-Française. La référence est brève et le gazetier — Thomas Corneille lui-même ? — se contente de préciser que la pièce « a fort diverty de nombreuses assemblées ».
Au XVIIIe siècle ce sont les frères François et Claude Parfaict qui contribuèrent à fixer la critique d’un grand nombre de pièces du siècle précédent dans leur impressionnante Histoire du théâtre françois, depuis son origine jusqu’à présent, parue entre 1739 et 1745. Dans le paragraphe consacré au Baron d’Albikrac les frères Parfaict reconnaissent le succès qu’avait obtenu et que continuait d’obtenir la pièce de Thomas Corneille. Le début du jugement qu’ils proposent est élogieux :
La Comédie du Baron d’Albikrac est plaisamment imaginée, bien conduite et les personnages qui la composent ont tous leur mérite particulier.
Cependant le propos est rapidement nuancé. Pour les frère Parfaict, la pièce ne remplit qu’une des deux fonctions traditionnellement attribuées au théâtre, elle divertit mais manque à sa fonction principale qui devrait être, selon eux, d’instruire :
Aucuns caractères, et nulle correction pour les mœurs. On n’emporte de cet ouvrage que le plaisir d’avoir ri aux dépens d’une ridicule, et cette ridicule n’est pas assez singuliere pour présenter un tableau utile aux yeux du spectateur.
Quant aux quelques critiques modernes qui ont lu et commenté Le Baron d’Albikrac ils se contentent de reproduire un jugement assez similaire à celui des frères Parfaict. Gustave Reynier, le biographe de Thomas Corneille, s’étonne du succès qu’avait pu obtenir la pièce :
Le Baron d’Albikrac fit courir tout Paris. Le public, dont dix ouvrages de Molière n’avaient pas encore formé le goût, fit un énorme succès à cette médiocre comédie d’intrigue, qui n’avait pas le mérite d’être originale : et ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que ce succès dura deux siècles.XX
On retrouve dans ce jugement deux lieux communs de la critique dix-neuviémiste de la comédie : la comparaison avec Molière qui, lui, corrige les mœurs, ainsi que l’adaptation de l’espagnol percue comme une absence d’originalité. Ces deux arguments manquent de profondeur critique : en effet Molière, malgré ses déclarations, avait-il véritablement pour but de « corriger les mœurs ».e ses contemporains ? On sait que les prétentions morales affichées par tous les auteurs étaient en fait assez convenues et ne sont pas à prendre à la lettre. Molière n’est pas plus un moraliste que Thomas Corneille. Quant au prétendu « manque d’originalité », il est à replacer dans le contexte général de la création théâtrale au XVIIe siècle : rien n’est absolument neuf et l’imitation est le point de départ de toute création.
Enfin notons la critique plus élogieuse que propose Victor FournelXXI, spécialiste du théâtre du XVIIe siècle et contemporain de Gustave Reynier: il voit dans la pièce de Thomas Corneille un « nouvel effort vers la comédie de caractère. La Tante, vieille au cœur inflammable, jalouse de sa nièce, coquette, minaudière, soupirant au seul nom de l’amour, et croyant tout le monde épris de ses appas, est tracée avec verve. La pièce est vraiment plaisante, bien imaginée, bien conduite, bien versifiée et elle resta longtemps au répertoire. »
Synopsis du Baron d’Albikrac §
L’intrigue de la pièce est à la fois simple et complexe. Simple dans la mesure où le schéma de base est celui de presque toutes les comédies : il s’agit d’un amour empêché entre deux jeunes gens. Oronte, arrivé d’Angleterre avec son ami Léandre, est venu chercher un appui auprès d’une veuve pour quelque procès dans lequel il est impliqué. La vieille garde sévèrement chez elle une jeune nièce nommée Angélique dont le jeune homme est tombé amoureux. Mais la Tante, vieille coquette en quête d’amour, n’acceptera pas que sa nièce se marie tant qu’elle même ne se sera pas remariée. À la suite d’une péripétie elle s’entiche d’Oronte et il faut alors faire intervenir le valet la Montagne déguisé en noble de province disposé au mariage pour la détourner de l’amant de sa nièce. L’intrigue est donc simple mais elle donne lieu à des développements et péripéties complexes, c’est pourquoi nous proposons ici un synopsis détaillé de la pièce.
Acte I §
Philipin est venu porter un billet à Angélique : son maître Oronte demande à la jeune fille un entretien secret. (1) Conversation entre Philipin et Lysette qui fait un portrait de la Tante. Nous apprenons que la veuve est obsédée par l’idée de se remarier, qu’elle s’imagine être jeune et belle, et qu’elle garde cachée sa nièce qui risquerait de lui faire de la concurrence. Un noble de province ruiné, ami d’Oronte (le baron d’Albikrac), et qui ne cherche qu’à se marier richement, doit venir faire sa cour à la vieille et ainsi permettre à Oronte de courtiser la nièce sans être dérangé par la Tante. Cependant il tarde à arriver. Enfin, déclaration d’amour de Philipin à Lysette. (3) La Tante entre, et Philipin lui annonce l’arrivée d’Oronte et de Léandre. En attendant, Lysette fait l’éloge du veuvage, essaie de convaincre la Tante de ne pas prétendre à un mari jeune, vante les qualités du Baron d’Albikrac, et désamorce les soupçons de la vieille sur la relation entre Oronte et Angélique. (5) Arrivent Oronte et Léandre : Léandre occupe la tante avec une conversation galante pendant qu’Oronte fait la cour à Angélique. La Tante cherche à faire avouer à Léandre qu’il la courtise et lui avoue qu’elle penche pour lui. (7) Le laquais Cascaret annonce une marquise, la Tante sort. Léandre déclare à son ami Oronte qu’il ne veut plus jouer le rôle d’amuseur et propose de combler le retard du baron en faisant passer son valet pour ce dernier. (9) Arrive le valet la Montagne à qui on annonce le rôle qu’il va devoir jouer.
Acte II §
Angélique exprime ses scrupules pour avoir accepté un entretien avec Oronte, Lysette la rassure. (1) Oronte arrive et déclare sa flamme à Angélique. (2) Au moment où la jeune fille cède, les deux amants sont surpris par la Tante. Pour se défendre, Angélique prétend qu’Oronte languit d’amour non pas pour elle-même mais pour la Tante et qu’il venait lui demander de parler en sa faveur auprès d’elle. (3) La tante congédie sa nièce et, seule avec Oronte, veut en savoir plus. Oronte, qui ne peut démentir les propos d’Angélique, tente d’expliquer auprès de la fausse prude qu’il se repent de l’aimer et qu’il renonce à ses prétentions. Mais la Tante lui fait comprendre qu’elle n’y est pas hostile. (4 et 6) Angélique, quant à elle, essaye par tous les moyens de venir perturber la conversation pour tirer Oronte d’affaire. (5 et 7) Puis Lysette annonce le baron. La valet la Montagne déguisé arrive enfin, fait semblant de confondre la Tante et la nièce, se répand en compliments grotesques, affirme qu’il est pressé de se marier mais qu’il veut d’abord visiter la maison. (9)
Acte III §
Léandre, à qui l’on a appris que les amants ont été surpris et qui a été mis au courant de la ruse d’Angélique, raconte à Lysette la visite de la maison avec la Montagne déguisé. La servante, quant à elle, annonce à Léandre que la Tante est tombée amoureuse de lui. (1) Arrivent Oronte et Angélique. Oronte décrit avec amusement l’attitude de la Montagne devant Angélique qui n’est pas au courant du stratagème. La conversation entre les amants reprend, et Oronte demande à la jeune fille une preuve d’amour. Elle lui accorde sa main. (2) À ce moment, la Tante arrive et Oronte fait semblant d’être en train de lire l’avenir dans la main d’Angélique. Léandre devant la Tante fait l’éloge du faux baron. (3) Restée seule avec Oronte, la veuve lui annonce qu’elle consent à l’épouser le soir même et qu’elle veut donner sa nièce au baron. Pour cela elle demande à Oronte de convaincre Angélique. Celui-ci essaie alors de trouver une excuse. Il commence par prétendre que Léandre aime aussi la Tante éperdument et que ce serait donc trahir son ami que d’épouser la Tante. (4) Le faux Baron arrive, se plaint d’avoir été abandonné et fait mine d’être jaloux d’Oronte. (5) Tous vont au jardin et laissent Léandre seul avec la Tante. Celle-ci veut lui faire avouer son amour pour elle. Mais Léandre nie en bloc et trouve une ruse : Oronte lui a fait croire cela parce qu’une raison plus importante l’empêche de l’épouser : il est son neveu, fils de son frère et d’une certaine comtesse d’Uspek. (6)
Acte IV §
La Tante revient du jardin pour faire parler Oronte sur ce qu’elle vient d’apprendre de Léandre ; Oronte ne sachant pas ce que Léandre a dit est embarrassé, et dès qu’il comprend, il soutient le stratagème et explique à la Tante que s’il ne lui a pas avouer dès le début qu’il était son neveu, c’est que son père ne voulait pas que cela se sache. La Tante considère alors qu’elle peut légitimement embrasser Oronte. (2) Arrive Angélique qui les surprend, feint d’être choquée et en profite à son tour pour embrasser son « cousin ». (3) Mais rapidement la tante annonce à Oronte que son frère n’est pas son vrai frère, que le mariage est donc possible et que le notaire peut venir le soir même ; Oronte, sans donner d’explication, lui affirme que cela est impossible pour une raison secrète. (4) La Tante exprime alors ses doutes sur la réalité de l’amour d’Oronte pour elle ; le jeune homme lui explique qu’il brûle pour elle mais que sa vie est en jeu dans l’affaire qu’il lui cache et qui est censée empêcher son mariage avec elle. Il presse alors Philipin de l’aider en inventant une histoire et se retire. (5) Philipin est pressé par la Tante d’expliquer l’attitude de son maître. Le valet invente qu’Oronte, sous le nom de La Rapière, se serait battu avec un ennemi en Bretagne, l’aurait tué, se serait réfugié dans un château d’un certain baron d’Albikrac pour échapper à la police. Ce baron étant alors en voyage, Oronte aurait été recueilli par la sœur du baron ; après l’avoir séduite puis surprise avec un autre amant il se serait enfuit en Angleterre. À son retour le baron l’aurait fait condamner à mort par contumace et depuis le ferait rechercher. (6) Arrive la Montagne ; la Tante, inquiète pour Oronte, veut faire abandonner au faux baron d’Albikrac son projet de tuer la Rapière. Or la Montagne n’est pas au courant de l’invention de Philipin. Heureusement celui-ci réussit à lui expliquer en deux mots l’affaire. Le faux baron saisit alors l’occasion pour proposer un marché à la Tante : il accepte de laisser la vie à la Rapière à condition que la veuve ne tarde plus à signer le contrat de mariage. La tante lui propose sa nièce. Il refuse, et l’on assiste alors à un échange d’insultes entre les deux personnages. (7) Lysette restée seule avec la Tante lui prédit que si elle continue, elle va perdre les deux. La Tante veut en parler avec Oronte. (8)
Acte V §
Angélique, qui maintenant est au courant du déguisement, annonce à Oronte que la Tante est décidée à épouser le baron pour le sauver. Oronte explique à Angélique que le vrai baron doit arriver et qu’il a reçu de lui une procuration pour signer le mariage à sa place. On apprend ensuite qu’une partie du récit de Philipin était vraie : Oronte s’est vraiment réfugié chez Albikrac après un règlement de compte et a fui à Londres sur son conseil. (1) Arrive la Tante, Oronte feint d’être au désespoir d’avoir appris qu’elle avait dessein d’épouser le baron. La tante lui reproche sa bêtise avec la sœur du baron, il raconte alors lui-même son aventure. La veuve lui propose comme moindre mal d’épouser sa nièce, Oronte n’accepte pas tout de suite pour ne pas être suspecté d’être heureux. (4) La Montagne arrive, qui vient presser la décision en brandissant la menace de faire pendre la Rapière si les choses ne sont pas réglées au plus vite car il doit partir pour un voyage. (5) Le valet déguisé annonce alors à Angélique qu’elle va se marier. Celle-ci feint de croire que c’est avec le baron et s’en montre ravie. Le faux baron rectifie la vérité et Angélique fait mine d’opposer une résistance puis accepte de donner sa main à Oronte. La montagne présente une bague pour la Tante. (6) Le notaire est annoncé, Philipin demande à la Montagne d’épouser Lysette : l’affaire est conclue. (7)
La source espagnole et la construction de l’action §
Introduction : l’imitation espagnole en France §
Le Baron d’Albikrac est tiré d’une comédie de l’auteur espagnol Agustín Moreto intitulée De fuera vendrá… (c’est le titre complet de l’édition originale), publiée pour la première fois en 1654, et elle-même sans doute inspirée de la comedia de Lope de Vega intitulée ¿ De cuándo acá nos vino ? À partir du XVIIIe siècle, De fuera vendrá… apparaît sous deux titres différents : De fuera vendrá quien de casa nos echara (De Dehors viendra qui de la maison nous chassera, allusion au fait que la nièce attend l’homme qui la libèrera du joug de sa tante) et La tía y la sobrina (La tante et la nièce). Il faut replacer cette imitation dans le contexte de la création théâtrale au XVIIe siècle. La littérature espagnole était très bien diffusée en France depuis le début du siècle et le théâtre espagnol faisait l’objet de l’admiration des auteurs français. Ces derniers commencèrent alors à adapter des pièces de Lope de Vega ou de Calderón. La première vague d’imitations de comedias concerne surtout des tragi-comédies : par exemple, à partir de 1629, Rotrou donne huit tragi-comédies adaptées de pièces espagnoles. Le Cid de Pierre Corneille (1637) est aussi tiré d’une pièce espagnole de Guillén de Castro. Mais c’est dans la veine comique que la Comedia constitua une source d’inspiration plus importante pour les dramaturges français. Une véritable mode de l’imitation espagnole débuta lorsqu’en 1638 François le Métel d’Ouville adapta La dama duende de Calderón sous le titre de L’Esprit follet. Le succès de la pièce incita des poètes concurrents à reprendre le même sujet puis à adapter toutes sortes de comédies espagnoles. Boisrobert, le frère de d’Ouville s’inspira aussi de Calderón ou de Tirso de Molina. Pierre Corneille lui aussi donna une comédie adaptée de l’espagnol : il s’agit du Menteur représenté en 1644. Au début de sa carrière de dramaturge Thomas Corneille s’inscrit en plein dans cette grande vague d’imitation avec Les Engagements du hasard, sa première pièce représentée sans doute en 1648 et adaptée de la comedia de Calderón intitulée Los empeños de un acaso. Cavaliers aux grands sentiments, intrigues mouvementées, péripéties romanesques, ou autres déguisements et quiproquos, voilà les caractéristiques principales de ces comédies.
Avec Jodelet ou le maître valet (1643) adapté d’une pièce de Rojas Zorilla, Scarron, quant à lui, créa un nouveau courant d’imitations à partir de comedias de figurón, c’est-à-dire de pièces qui mettent en scène un personnage ridicule. La nouveauté de Scarron consista à inverser les proportions entre l’intrigue romanesque et le comique de personnage. Les passages sentimentaux sont réduits et l’on s’attarde davantage sur les facéties du valet déguisé. Le valet bouffon, inspiré du gracioso espagnol, tient alors le rôle principal. Scarron s’illustra encore dans ce qu’on a appelé la « comédie burlesque » avec L’Héritier ridicule en 1650, adaptation d’une comédie de Castillo Solorzano, puis avec Dom Japhet d’Arménie un an plus tard. Nous avons vu que dès sa troisième pièce Thomas Corneille donna lui aussi une comédie burlesque avec Dom Bertrand de Cigarral en 1651 où le célèbre acteur Jodelet tenait le rôle principal comme dans Le Geôlier de soy-mesme quatre ans plus tard, autre comédie burlesque, adaptée cette fois de Calderón. La mode de la comedia se termina vers la fin des années 1650 mais les adaptations de pièces espagnoles n’avaient pas pour autant disparu et elles connurent même un certain regain de faveur au milieu des années 1660. Les comédiens italiens jouaient à partir de canevas tirés de pièces espagnoles. Montfleury, en 1668, donne La femme juge et partie adapté de La dama presidente de Fransisco de Leiva. C’est donc dans cette nouvelle petite vague d’imitations espagnoles que s’inscrit la représentation du Baron d’Albikrac en 1667 puis de La comtesse d’Orgueil en 1670 et enfin de Dom César d’Avalos en 1672.
Résumé de De fuera vendrá… (1654) §
Première journée §
Le capitan Lisardo, tout juste arrivé à Madrid après une campagne militaire en Flandre, et accompagné de son lieutenant Aguirre, n’a plus un sou en poche et envisage d’utiliser la lettre de recommandation que son supérieur lui a donnée à l’attention de sa sœur, une très riche veuve nommée Doña Cecilia Maldonado. Parallèlement le capitan apprend de son lieutenant qu’une vieille tante garde chez elle une jolie jeune fille déjà convoitée par trois personnages, que cette tante est folle, s’imaginant être une Vénus et désirant farouchement se remarier avant que sa nièce ne se marie. À ce moment apparaissent la tante et la nièce qui vont entrer dans une église. Le jeune homme tombe amoureux de la jeune fille malgré les précautions de sa tante et apprend peu après que cette vieille duègne est en fait la riche veuve, sœur de son supérieur. Il n’a plus qu’une idée en tête : s’introduire chez elle pour faire la cour à sa nièce. Son lieutenant lui suggère alors d’écrire une fausse lettre de recommandation où le frère demanderait à la vielle tante d’offrir l’hospitalité à Lisardo et à son ami, et d’imiter la signature du frère. Le stratagème fonctionne, et Lisardo s’empresse de se retrouver seul avec la jolie Doña Fransisca pour lui déclarer son amour.
Deuxième journée §
Au début de la deuxième journée, Lisardo raconte à son lieutenant qu’il a été surpris par la tante seul avec Fransisca, en train de lui dire des douceurs. Pour se défendre il a dit à la tante qu’il venait en fait la demander elle-même en mariage mais en passant par sa nièce. Fransisca n’a pas compris que c’était une ruse et pense que Lisardo est intéressé par l’argent de la tante. Elle ne veut donc plus lui adresser la parole. Pendant ce temps la vieille a pris très au sérieux la demande en mariage feinte du jeune homme et s’est éprise de lui. Lisardo, au désespoir, demande alors à son ami de venir à son secours en prétendant que lui-même est fou amoureux de la tante. Le lieutenant refuse tout net. Arrive la nièce Fransisca : Lisardo lui explique alors que sa demande en mariage à la Tante n’était qu’une ruse. Fransisca le croit et lui donne sa main. Sur ce arrive la Tante qui les surprend de nouveau : Lisardo fait mine d’être en train de lire l’avenir dans la main de Fransisca. La Tante propose alors à Lisardo un mariage secret. Celui-ci, affolé, cherche de bonnes raisons qui rendraient impossible une telle union. Il invente qu’il serait en fait le neveu de la tante, le fils de son frère. Mais la vieille lui assure que cela n’est pas un problème pour elle. Alors Lisardo prétend que son ami Aguirre est amoureux d’elle et qu’il ne peut pas le trahir. Mais le lieutenant nie en bloc. Entre alors Fransisca qui se méprend de nouveau sur les intentions de Lisardo et qui, se retrouvant seule avec sa Tante, lui reproche de lui voler ses amants.
Troisième journée §
Le coup de théâtre de la dernière jornada est le retour du frère de la vieille tante. Le problème pour Lisardo est qu’il s’est fait passer précisément pour le fils de cet homme qui est son supérieur hiérarchique dans l’armée. Le frère dément fortement avoir un fils et encore plus avoir envoyé Lisardo chez sa sœur. Maldonado s’explique alors avec Lisardo. Il considère que celui-ci l’a déshonoré en s’introduisant chez sa sœur. Pour autant, il ne veut pas se battre et propose à Lisardo de réparer l’offense en épousant Doña Fransisca. La pièce se termine par le mariage de Lisardo avec Fransisca, de la Tante avec un des trois autres soupirants de la nièce et du gracioso Chichon avec la servante de la Tante.
La structure de l’action : l’imitation et ses limites §
Thomas Corneille prend chez Moreto le thème général de sa pièce (la vieille tante amoureuse et ridicule qui entre en concurrence avec sa nièce) et, pour la conduite de l’intrigue, il s’appuie principalement sur la deuxième jornada de De fuera vendrá. En revanche il se débarrasse d’un certain nombre d’éléments des première et troisième jornadas et surtout remanie les personnages : il en supprime plusieurs et change notablement l’attitude de ceux qu’il garde. Le Baron d’Albikrac reste une comédie d’intrigue en cela qu’il s’agit bien des stratagèmes d’un galant pour approcher sa belle. Toutefois les ajouts que fait Thomas Corneille, et en particulier le personnage du faux baron, la tire vers la comédie burlesque.
Différences dans l’exposition §
Le premier acte est consacré à l’exposition d’une intrigue assez chargée. À la différence de la pièce de Moreto, l’histoire a commencé avant le début de l’action proprement dite. Léandre et Oronte fréquentent la tante et la nièce depuis déjà quelques semaines ou peut-être quelques mois. Lysette, toute acquise aux amants, travaille depuis longtemps pour eux : « mes soins en si bon train ont déjà mis l’affaire » (I, 3). Léandre, quant à lui, en a assez de faire le galant avec la Tante ayant « déjà dix fois joué ce personnage ». D’ailleurs la vieille est déjà amoureuse de lui avant le début de la pièce : « On l’aime icy déja plus qu’on ne fait paroistre ». Enfin, marier le baron d’Albikrac (le vrai) à la Tante est un coup prévu depuis longtemps par Oronte, et la veuve, qui « par lettres aussi-tost de luy s’est informée », est déjà toute disposée à l’accueillir favorablement. Chez Moreto c’est toute la première Journée qui était consacrée à la mise en place des relations entre les personnages et aux stratagèmes du capitan pour s’introduire chez la tante. Faire commencer l’histoire avant le début de la pièce permet à Thomas Corneille non seulement de supprimer les scènes en extérieur et ainsi d’assurer l’unité de lieu, mais aussi et surtout de concentrer l’action du Baron d’Albikrac sur une seule journée, et de ne retenir de la première partie de la pièce espagnole que le thème général et l’obstacle à l’amour des jeunes gens : une vieille tante amoureuse qui garde sévèrement une jolie nièce dont elle est jalouse et qu’il est difficile d’approcher. Il allège l’intrigue en supprimant les trois rivaux du héros qui occupaient une bonne partie de l’action de la première journée dans De fuera vendrá... Enfin il nous épargne les récits de victoires militaires du capitan. À la place, Thomas Corneille insiste davantage sur le personnage de la Tante : Lysette et Philipin en font un portrait complet (I, 2) et un peu plus loin nous la découvrons telle qu’ils nous l’avait décrite. Cette insistance sur la folie de la Tante a d’abord une fonction comique mais aussi une fonction dramaturgique : cela permet de justifier à l’avance, devant les spectateurs, tous les efforts qui seront déployés pour la tromper tout au long de la pièce. Autrement dit, la Tante nous est longuement présentée comme un monstre de sorte que nous ne nous étonnions pas qu’il faille cinq actes pour en venir à bout, c’est-à-dire pour que l’action de la pièce nous paraisse vraisemblable. Parallèlement l’auteur crée une attente autour du personnage du Baron, personnage qui n’a pas d’équivalent dans l’original espagnol. Il s’agit d’abord de l’attente du vrai baron qui est censé sauver les amants de la tyrannie de la Tante mais qui n’arrive pas et n’arrivera qu’après le dénouement. Lorsque Léandre propose, à la place, de travestir son valet, l’attente se reporte sur la Montagne déguisé en faux baron et qui n’interviendra qu’à la fin du deuxième acte.
Vers une plus grande unité d’action §
L’action se noue lorsque les amants sont surpris par la Tante. Cette péripétie est directement tirée de la pièce espagnole mais elle est traitée et exploitée d’une manière différente. Dans Le Baron d’Albikrac on assiste à la scène alors que dans De fuera vendrá il fallait se contenter d’un récit du capitan. Il existe une autre différence de taille : chez Moreto, c’est Lisardo qui se met lui-même dans l’embarras en prétendant aimer la Tante et non la nièce. À l’inverse, dans Le Baron, c’est Angélique qui se tire elle-même d’affaire et laisse son amant se débrouiller. La jeune fille est rusée, comme en témoignent ces vers (II, 3) :
ORONTE bas à Angelique.Qu’allez-vous dire ?ANGELIQUE haut.Tout, et devant tout le monde ;Voyez, il faut pour vous, Monsieur, que l’on me gronde.Je vous l’avois bien dit renvoyant vos amoursQue ma Tante vouloit rester veusve toûjours.Elle en a fait bon vœu.
Angélique joue ici son rôle à la perfection, elle sauve sa peau et n’hésite pas à laisser Oronte embarrassé. Elle est plus maligne que lui qui n’a pas su réagir et qui allait tout avouer, ce qui aurait gâté l’affaire. Cette différence dans le personnage de la jeune fille est importante car elle influe sur toute la pièce. Dans De fuera vendrá, la ruse, qui était une invention du capitan, était le point de départ d’un quiproquo qui s’étendait jusqu’au dénouement : malgré les explications de Lisardo, la jeune fille prenait au sérieux ce qui n’était qu’un stratagème et croyait que le jeune homme courtisait sa vieille tante pour son argentXXII. Plus loin dans Le Baron d’Albikrac cette différence est encore perceptible : à la scène 3 de l’acte IV Angélique surprend sa Tante dans les bras d’Oronte qui vient de prétendre qu’il était son neveu. Dans la pièce espagnole la jeune fille s’offusquait de ce geste et le quiproquo était relancé. Au contraire, ici, Angélique fait semblant d’être choquée car, en réalité, elle a eu connaissance de la ruse par Léandre. Elle en profite alors pour elle aussi embrasser Oronte. En fait, Thomas Corneille réduit au maximum l’intrigue sentimentale. Au tout début de la pièce, si Angélique s’était inquiétée des « douceurs » qu’avait parfois Oronte pour sa Tante, ses soupçons avaient été bien vite neutralisés par Philipin. L’union entre les amants, qui était souvent brisée dans la pièce espagnole, est ici parfaite, ce qui a pour effet d’isoler la tante ridicule. Plus globalement, là où chacun jouait pour soi chez Moreto, tous jouent contre la Tante dans la pièce de Thomas Corneille. Cela est vrai aussi pour le personnage de l’ami : Léandre refuse certes de jouer au galant avec la Tante mais il ne laisse pas pour autant Oronte se débrouiller seul. Il apporte une solution qui consiste dans le déguisement de son valet. Au lieu de cela, dans l’original espagnol, le lieutenant refuse toute aide au galant. Chaque personnage dans la pièce, Oronte, Léandre, Lysette, Philipin et surtout la Montagne, fait preuve d’ingéniosité pour tromper la Tante qui se retrouve ainsi totalement isolée : son ridicule s’en trouve exacerbé et surtout l’action est unifiée.
Avec la ruse d’Angélique, le problème pour Oronte s’est compliqué : désormais il s’agit de contenir les avances ardentes de la Tante, tout en tachant de conserver sa bienveillance dans la mesure où, pour épouser Angélique, il aura besoin de son consentement. Vexer la tante aurait pour conséquence désastreuse de ruiner ses espérances de mariage avec la nièce. L’entrée en scène fracassante du faux baron vient suspendre son supplice. (II, 9)
Le déguisement : fonction dramaturgique §
La création du personnage de faux baron par Thomas Corneille constitue l’originalité principale par rapport à la pièce d’Agustín Moreto, à tel point que c’est ce personnage qui donne son nom à la pièce. Corneille le Jeune n’est pas novice en matière de déguisements lorsqu’il écrit Le Baron : quasiment toutes ses comédies en contiennent un. Le type de déguisement, de valet en gentilhomme, est aussi le plus fréquent comme par exemple dans Le Geôlier de soy-mesme. Mais ici le déguisement est unique et isolé, il n’entraîne pas celui du maître en valet. Ceci a pour effet de concentrer un peu plus l’attention sur ce personnage grotesque. Enfin, comme dans la plupart des cas, la finalité du déguisement est la tromperie. Toutefois Le Baron d’Albikrac se distingue d’une comédie burlesque « classique ». le personnage du faux baron intervient somme toute assez peu avant le dénouement. Ainsi aux actes deux, trois et quatre il n’apparaît à chaque fois que dans une seule scène. Dans ces scènes, sa fonction n’est pas dramatique, mais dramaturgique : il ne s’agit pas de faire avancer l’histoire, mais d’être à l’origine de situations comiques. L’histoire n’avance pas en ceci que le stratagème imaginé par Léandre ne fonctionne pas : la Montagne déguisé en baron ne détourne aucunement la vieille tante de l’amant de sa nièce. Bien au contraire ses feux pour Oronte semblent avoir redoublé. Mais le faux baron n’est pas non plus un gracioso classique de la comedia espagnole puisqu’il est véritablement au cœur de l’action de la pièce. Ainsi le comique dont il est à l’origine n’est pas pur ornement, mais s’intègre à l’action principale qui consiste à tromper la Tante et à en tirer des situations burlesques. Lorsque le faux baron est sur scène, on en oublie presque l’histoire de l’amour contrarié d’Oronte et Angélique. Cette conception dramaturgique du déguisement était déjà celle de Scarron dans ses premières comédies burlesques.
Un enchaînement de situations comiques calquées sur la pièce espagnole §
S’il introduit un élément fondamentalement nouveau, Thomas Corneille n’abandonne pas pour autant ici la pièce de Moreto. La seconde péripétie, qui consiste une nouvelle fois en un flagrant délit des jeunes amants qui se tiennent la main, est directement tirée de la source. Cette partie de l’intrigue est calquée sur la deuxième journée de la pièce de Moreto. Il est ici intéressant de comparer les vers des deux pièces qui correspondent aux étapes successives de l’avancée de l’intrigue. C’est d’abord la ruse du jeune galant qui explique à la vieille tante que s’il tient dans sa main celle de la nièce c’est pour lire son avenir puisqu’il possède quelques bases de chiromancie. Lisardo prédit par exemple que Fransisca finira dans un couvent :
ConventoSignifica aquesta raya ;Que habeis de ser monja es cierto.
Thomas Corneille met quasiment les mêmes mots dans la bouche d’Oronte :
De ce bien vous ne joüirez guere,Car cette ligne jointe à ce triangulaireEst pour vous tost aprés la marque d’un Couvent.
C’est juste après ce passage que, dans les deux pièces, la vieille tante propose au jeune galant un mariage secret. Oronte s’imaginait sorti d’affaire : il n’en est rien. Le déguisement du valet en baron d’Albikrac n’a pas produit les effets escomptés, et la Tante estime le moment venu de déclarer sa flamme à Oronte :
Perdez donc ce chagrin que vostre front déploye,Vous voulez m’épouser ? J’y consens avec joye,
L’affaire se complique donc un peu plus pour le jeune homme dans la mesure où la proposition de la Tante introduit un délai particulièrement bref : le notaire doit venir le soir même. Les évènements qui vont suivre seront dictés par cet impératif temporel. Il s’agit de trouver une solution au plus vite. La première excuse donnée par Oronte est déjà présente dans la pièce espagnole mais Thomas Corneille la développe davantage. Oronte prétend que son ami Léandre est fou amoureux de la Tante et qu’il ne peut donc le trahir. On trouve déjà le stratagème dans la pièce espagnole mais il échoue bien plus vite :
El me ha dicho que de verVuestra gracia y vuestro aseo,Se ha enamorado de vos.
Le lieutenant nie alors totalement être amoureux de la Tante (« Esta borracho Lisardo ? ». et l’on passe à une autre scène. Au contraire, dans Le Baron, la ruse d’Oronte donne lieu à un long entretien en tête à tête entre Léandre et la Tante. C’est à l’issue de cet entretien que Léandre, ayant aussi démenti les propos de son ami, relance l’action en inventant qu’Oronte serait le neveu de la vieille. Le procédé est encore tiré de la source espagnole où c’était Lisardo lui-même qui en avait trouvé l’idée :
Que los dosSer casados no podemos(…)Yo soy hijo de tu hermano.
Cela n’arrêtait pas la vieille dans ses intentions. Dans Le Baron la raison semble pourtant être la bonne cette fois-ci et l’acte III s’achève sur cette ruse de Léandre. Thomas Corneille n’a donc pas inventé cette succession d’excuses comiques d’Oronte. En revanche il développe bien plus que l’auteur espagnol. Ce qui ne représente que quelques vers dans De fuera vendrá… occupe plusieurs scènes dans Le Baron.
Originalité du dénouement §
À la fin du troisième acte, Oronte semble une nouvelle fois tiré d’affaire. Mais le spectateur a pris l’habitude d’une construction par rebondissements successifs. Le coup de théâtre a lieu au vers 1264 quand la Tante révèle à Oronte que son frère n’est pas son vrai frère. Thomas Corneille, à partir de ce moment, s’éloigne de l’original espagnol. La troisième journée de la pièce de Moreto s’ouvrait sur un coup de théâtre que n’utilise pas Thomas Corneille : le retour du frère de la Tante qui amenait assez vite au dénouement. Au contraire, dans Le Baron d’Albikrac l’action repart avec l’histoire de la Rapière inventée par Philipin à la scène 6 de l’acte IV. Cette nouvelle ruse a un avantage dramatique évident, en joignant l’histoire d’Oronte à celle du faux baron. Si Philipin arrive à informer la Montagne de sa ruse, comme cela est fait à la scène suivante à l’occasion d’un jeu de scène amusant, alors l’histoire de Philipin, de toute invraisemblable qu’elle paraît, devient vraisemblable aux yeux de la Tante. La Montagne devient alors le meneur de jeu en ayant l’idée de proposer à la Tante un échange de bons procédés :
LA TANTESignons sa grace, après entiere confidence.
LA MONTAGNESignons puisqu’il le faut, mais à conditionQue vous ne ferez point languir ma passionEt que dés aujourd’hui par bon contrat en formeJ’auray droit de vous dire, attendez moy sous l’orme.
Le dénouement est commencé et tous les efforts de la Tante ne feront que le retarder. Le temps qui sépare l’acte IV de l’acte V permet à Lysette d’agir auprès de la Tante, ce qui rend vraisemblable la résignation de la Tante à un mariage avec le baron et non avec Oronte :
ANGELIQUELe bon est que de tout Lysette la console,Et ne luy laisse voir rien d’égal au desseinDe vous sauver la vie en luy donnant la main.
Le mariage de la Tante est donc une affaire réglée, et le problème qui était apparu à l’acte III est résolu. Mais il reste cependant la question du sort d’Oronte et d’Angélique : le Baron a pensé à tout puisqu’il exige de la Tante qu’Oronte épouse sa nièce pour empêcher le jeune homme de pousser plus loin son prétendu amour pour la Tante. Ainsi ce qui constituait un obstacle pour Oronte tout au long de la pièce est retourné en stratagème pour un dénouement heureux par l’habile la Montagne. Tout cela est permis par le pouvoir donné à Oronte par le vrai baron d’Albikrac de signer son mariage. Il n’y aura donc pas de levée de déguisement et à la fin de la pièce il n’y a pas non plus d’évolution du personnage de la Tante qui reste trompée. Mais le dénouement n’est pas malheureux pour elle non plus. En effet le vrai baron, sur lequel elle avait pris des renseignements « par lettres », devrait lui plaire puisqu’il est « des mieux faits ».
En conclusion, nous pouvons dire que Thomas Corneille s’inspire grandement de Moreto tout en élaborant une construction dramatique originale. Le Baron d’Albikrac n’est pas une simple comédie d’intrigue ni une pure comédie burlesque. Ces deux types de comédies ne sont plus à la mode et notre auteur a su mêler des éléments de l’une et de l’autre tout en ayant soin d’unifier l’action. Notons toutefois que la pièce est longue et que sa construction par rebondissements successifs peut introduire une certaine monotonie. Ainsi, dès la deuxième édition Thomas Corneille supprime une scène (la scène 3 de l’acte V) qui ne faisait pas avancer l’action et plus tard certains réduisirent la pièce à trois actes de manière à concentrer davantage l’intrigue.
Le comique §
Le comique dans Le Baron d’Albikrac repose principalement sur l’attitude de deux personnages : d’un côté la Tante ridicule et de l’autre le valet déguisé en baron de Bretagne, personnage grotesque hérité de la comédie burlesque. Thomas Corneille ne retient pas les malentendus entre les amants qu’on trouvait dans la pièce de Moreto, ni les scènes comiques de dépit amoureux qui en découlaient. Il réduit l’intrigue sentimentale pour se concentrer sur les deux personnages ridicules et sur les situations comiques qu’il est possible d’en tirer.
La Tante : vieille coquette et visionnaire §
Le comique de la pièce provient d’abord du personnage de la Tante. Thomas Corneille semble le rappeler lui-même dans sa dédicace :
Dans l’âge le moins propre à s’attirer des douceurs, elle va au devant de ce que vous ne croyez pas qu’on doive souffrir dans le vostre, et comme elle n’est pas la seule de son caractere, il sera difficile que vous ne trouviez à vous divertir de plus d’une Copie d’un si ridicule Original.
Le personnage de la Tante est d’abord drôle parce qu’il s’écarte de la vraisemblance. La typologie des caractères héritée de l’antiquité voulait qu’un vieillard ne soit plus sujet à la passion amoureuse mais au contraire la condamne et condamne les jeunes gens qui s’y abandonnent. Une vieille amoureuse qui recherche les « douceurs » est donc automatiquement drôle. C’est un ressort très classique de la comédie que l’on trouve par exemple dans presque toutes les pièces de Plaute. La Tante n’est donc pas une ancienne coquette qui aurait vieilli et qui condamnerait l’amour parce qu’il ne serait plus de son âge et qu’elle serait ainsi frustrée telle Orante dont Dorine fait le portrait dans Le Tartuffe de MolièreXXIII ; non, la Tante ici est une vieille coquette toujours animée de désirs ardentsXXIV et qui s’habille comme une coquette. Son accoutrement est censé provoquer le rire, une remarque de Philipin en témoigne :
Et l’on doit s’habiller sans tant de sots atoursA l’usage des Gens que l’on voit tous les jours.De son deuil mitigé la mode est fort nouvelle.
On croirait ici entendre un vieux bourgeois de Molière qui condamne la garniture d’un jeune galant. La coquetterie de la Tante est déplacée et invraisemblable et c’est pourquoi elle est comique.
La Tante est coquette, elle est aussi jalouse de sa nièce, et c’est parce qu’elle est jalouse qu’elle affecte d’être prude devant Angélique. Cela lui sert à justifier le fait qu’elle n’ait pas d’amant, mais aussi à éviter que sa nièce n’en trouve un avant elle. Les fausses prudes qui « preschent contre l’amour qu’elles font en secret » (v. 1632) sont très courantes au théâtre. On peut citer ici un exemple célèbre de peu antérieur au Baron d’Albikrac. Arsinoé dans le Misanthrope de Molière (1666) fait l’objet d’un portrait de Célimène à la scène 3 de l’acte III qui pourrait être mis dans la bouche d’AngéliqueXXV. Comme Arsinoé la Tante est une hypocrite et dès lors tous les passages où elle fait mine de mépriser l’amour sont comiques. Cette hypocrisie permet aussi à Oronte ou Léandre d’essayer de la prendre à son propre piège, comme le fait ici Oronte à la scène 4 de l’acte II :
Quoy, pour me soulager vous pourriez vous contraindreA souffrir ce qu’ailleurs on vous voit le plus craindre ?Vous que l’amour offence, et dont l’aversionVient de paroistre encore pour cette passion,
Oronte tente de mettre face à ses contradictions la vieille coquette qui, en public, prétend être prude.
Enfin si la Tante fait rire c’est aussi et surtout parce qu’elle est folle. C’est parce que la veuve « Dans le premier venu croit voir un Protestant* » que son personnage est vraiment comique. Là s’arrête la comparaison avec l’Arsinoé du Misanthrope qui n’est pas folle mais simplement aigrie et frustrée. La folie de la Tante, qui consiste à croire que tous les hommes sont fous d’elle, est un ressort comique très efficace qui permet de donner lieu à de nombreuses situations cocasses par exemple à la scène 6 de l’acte II lorsqu’elle prétend qu’elle a eu nombre de soupirants depuis la mort de son mari :
Sans trop de vanité je pourrois me flaterQu’il n’a tenu qu’à moy jusqu’ici d’écouter,Cent fois le défunt mort, on m’a persécutée,Officiers, gens de Cour mais rien ne m’a tenté.
Ce passage est d’autant plus drôle lorsqu’on se souvient de la description railleuse que faisait la Tante de son amie la marquise d’Amblesme à la scène 8 de l’acte I. On peut alors voir dans l’échange suivant le programme comique de Thomas Corneille :
ORONTE.Elle vous fournit bien dequoy vous divertir ?LA TANTE.Et qui ne riroit pas de l’entendre mentirQue pour elle en secret plus d’un Chevalier brûle,Que Monsieur le Marquis s’en meurt.LEANDRE.La ridicule !
La folie de la Tante conduit à son isolement total dans le système des personnages de la pièce. Tous sont ligués contre elle, sorte de monstre à endormir. Dès lors sont comiques tous les stratagèmes des autres personnages pour la tromper et en particulier toutes les histoires invraisemblables que sa folie l’amène à croire sans douter un instant de leur réalitéXXVI. Enfin si la Tante est parfois un peu choquée par les manières extravagantes du faux baron, elle ne découvre pas son déguisement pour autant. Sa folie lui fait prendre l’apparence pour la réalité, le paraître pour l’être, et elle ne peut s’empêcher de laisser aller son imagination. Il en découle des situations burlesques. La scène 6 de l’acte III, où elle voudrait faire avouer à Léandre qu’il brûle pour elle, en est un bon exemple :
LA TANTE.Quand d’Oronte aujourd’huy je n’aurois pas apprisCombien d’amour pour moy vous vous sentez épris,Vous m’en avez tant dit ce matin mesme encore,J’ay tant veu dans vos yeux que vostre cœur m’adore,Que le mien de vos feux jamais ne doutera.LEANDRE.J’ay dit, vous avez veu tout ce qu’il vous plaira,Mais je ne vous aimay cependant de ma vie.
La Tante « voit » des amants partout, elle vit dans ses visions. Au XVIIe siècle, un personnage de ce caractère est appelé un « visionnaire ». Trente ans avant Le Baron on trouve un personnage semblable à la Tante dans la comédie de Desmarets de Saint-Sorlin qui s’intitule précisément Les Visionnaires. Hespérie est atteinte de la même folie que notre vieille tante. Cependant, comme Hespérie, la Tante n’est folle que lorsqu’on lui parle d’amour. Car, pour le reste, elle n’est pas si facile à duper ; au contraire, elle est rusée et se montre un adversaire redoutable. Elle soupçonne les amours d’Oronte et Angélique et elle est habile à surprendre les amants. Elle sait aussi profiter des situations qui lui sont agréables : ainsi, au lieu de révéler tout de suite à Oronte que son frère n’est en fait que son demi-frère et qu’il n’y a donc pas d’impossibilité au mariage, c’est elle, avant même Angélique, qui en profite pour embrasser Oronte en prenant le prétexte qu’il est son neveu et qui fait durer le plaisir de l’entendre gémir et se lamenter (IV, 4).
La folie de la Tante et ses prétendues amours prennent une place très importante dans la pièce à tel point que l’histoire d’amour entre Oronte et Angélique est comme remplacée par une parodie d’intrigue sentimentale dont le personnage central est la Tante trompée à qui l’on fait croire tour à tour qu’Oronte, Léandre et la Montagne sont amoureux d’elle. Cela commence par le récit qu’invente Angélique de la prétendue déclaration d’amour que lui aurait faite Oronte en faveur de sa Tante :
Enfin donc il venoit vous chercher,Et m’ayant apperceuë, il m’a fait la peintureDe je ne sçay quels maux que pour vous il endure ;Que depuis qu’il vous voit il languit nuit et jour,Et que si je n’avois pitié de son amour…
La scène est d’autant plus comique qu’Oronte y assiste et qu’il est contraint de laisser parler Angélique. Un peu plus loin c’est Oronte lui-même qui reproduit le stratagème aux dépens de son ami Léandre, et invente de toute pièce une scène de dépit amoureux :
Tantost à l’impourveu vous sçavez que LeandreDans vostre Cabinet nous est venu surprendreLà voyant le Baron, plein d’un secret depit,Est-ce-là quelque Amant, pour Madame, a-t’il dit ?Ayant appris la chose, Ah malheureux, je l’aime,A-t’il lors ajousté, cent fois plus que moy-mesme,Et si mon triste espoir n’est par vous affermy,Oronte, c’en est fait, vous n’avez plus d’amy.Je vous cachois toûjours cette ardeur violente,Mais plus j’approche d’elle et plus elle s’augmente ;Où je ne la voy point je ne fais que languir.
Cette scène imaginaire est rendue particulièrement vivante, et donc comique, par l’utilisation du discours direct. Le mensonge d’Oronte prend une apparence de réalité qui trompe la Tante, à qui, il est vrai, il n’en faut pas beaucoup pour croire qu’elle est aimée. Léandre passe alors pour jaloux d’Oronte et, à la scène suivante, c’est la Montagne qui, à son tour et jusqu’à la fin de la pièce, fait le jaloux mais cette fois de manière grotesque.
La Montagne, un personnage burlesque §
Le valet La Montagne est directement hérité de la comédie burlesque. Ce type de comédie, créé par Scarron dans les années 1640, avait pour caractéristique principale de mettre en scène les fantaisies d’un personnage grotesque, rustre de province ou valet déguisé, à l’origine d’une succession de situations comiques. S’inspirant de la comedia de figurón, Scarron plaçait le personnage au centre de l’action et non en marge de celle-ci. Le comique du bouffon n’était plus un ornement gratuit mais s’intégrait parfaitement à l’action de la pièce. Ces grandes comédies pleines d’exubérance n’avaient pas laissé Thomas Corneille indifférent. Dès 1651 son Dom Bertrand de Cigarral est calqué sur le modèle des comédies de Scarron et, en 1655, il brilla avec une autre comédie burlesque intitulée Le Geôlier de soy-mesme. Thomas Corneille s’était donc fait une spécialité de ces personnages bouffons au langage fantaisiste et au bavardage intarissable. Le stratagème imaginé par Léandre à la fin de l’acte I et qui consiste à faire passer son valet pour le baron d’Albikrac est typiquement une ruse de comédie burlesque qui pose un personnage bouffon au centre de l’intrigue. Seulement, bien qu’il donne son titre à la pièceXXVII, le faux baron n’occupe qu’une place secondaire après la Tante et il intervient somme toute assez peu avant le dénouement. Le Baron d’Albikrac n’est donc pas à proprement parler une comédie burlesque d’autant que la Montagne se distingue quelque peu du valet bouffon que l’on trouvait chez Scarron ou dans les pièces antérieures de Thomas Corneille. En effet il n’est ni couard ni poltron mais au contraire fait preuve de vivacité et de hardiesse. C’est lui qui mène toute l’intrigue à la fin de la pièce et qui imagine le dénouement. Sa fourbe est plus proche de celle du valet des Italiens que de celle d’un Jodelet.
S’il est vif et hardi, la Montagne n’en demeure pas moins un personnage burlesque. Le burlesque repose en premier lieu sur le décalage entre d’un côté ses prétentions aristocratiques et de l’autre ses manières grossières et ridicules. Au XVIIe siècle, la valeur d’un individu dépend de sa naissance et un gentilhomme ne parle pas comme un valet ni un valet comme un gentilhomme, celui-ci fût-il de province. Or à chacune de ses interventions notre faux baron insiste lourdement sur sa prétendue noblesse comme en témoignent ces quelques exemples :
Aussi par tout le bruit de ma Noblesse craque (II, 9)Mille barons et plus sont sortis de ma race. (IV, 7)Je suis dans nos quartiers le Premier des Barons. (V, 5)
Cette insistance grotesque ne fait qu’agrandir le fossé antre la prétendue position sociale du faux baron et ses manières grotesques et en particulier sa grossièreté et son humour grivois. Les exemples sont nombreux d’allusions peu fines :
Ma mereA pris aussi, dit-on, grand plaisir à me faire,Et je m’en suis senty, car certain air gaillardQue j’ay d’elle hérité me rend tout égrillard.Je vous divertiray, belle Tante.
Ou plus loin avec Angélique :
Bouchonne, dés demain vous aurez l’avantageDe sçavoir quelle joye on trouve au mariage,Pour réveiller les sens rien n’est plus souverain.
Cette dissonance entre l’attitude de la Montagne et le rôle qu’il prétend jouer est d’autant plus comique que le spectateur sait que ce rôle est fictif et que le valet s’amuse à exagérer son caractère grotesque. L’efficacité comique est plus grande que dans Dom Bertrand de Cigarral par exemple, où le personnage burlesque est vraiment issu de la noblesse. Le déguisement introduit un jeu sur l’apparence et la réalité aux dépens de la vieille Tante et en connivence avec le spectateur.
À la grossièreté comique de la Montagne s’ajoute la verve et le langage fantaisiste du valet déguisé. On note quelques verbes forgés à l’aide de préfixes simples comme « embarronner » (v. 1792), « dépendre » au sens de « retirer sa menace de pendaison » (v. 1832), ou encore « goguenarder » (v. 1765). On trouve aussi au vers 1785 le féminin insolite « bouchonne ». Ces exemples de jeu gratuit avec les mots relèvent de ce que Robert GaraponXXVIII a appelé la fantaisie verbale. Ici nous rions des mots eux-mêmes et non pas tant d’une quelconque signification. Ce n’est pas le sens des phrases qui provoque le rire mais les mots dans leur puissance comique autonome. Par ailleurs l’origine bretonne du personnage qu’est censé être la Montagne est un prétexte à des jeux amusants sur les sonorités :
Aussi par tout le bruit de ma Noblesse craque,Mon Pere estoit Kerling, et ma Mere Albikraque,
Ce procédé comique n’est pas de l’invention de Thomas Corneille : on trouvait déjà des noms bretons aux sons rocailleux hérissés de K et de R dans La Belle Plaideuse de BoisrobertXXIX. Plus largement, le jeu sur les sonorités exotiques est assez fréquent dans les comédies burlesques comme en témoignent par exemple les indienneries de Scarron dans Dom Japhet d’Arménie. À cette fantaisie verbale s’ajoute le comique de mots à proprement parler, c’est-à-dire le comique qui joue cette fois sur le sens des mots. On note par exemple plusieurs oxymorons burlesques particulièrement heureux, non seulement dans la bouche du faux baron, comme « ma poupine veuve » (v. 1413), mais aussi dans celle de Philipin avec son « Ah, beauté bisayeule/ Si j’osois pour douceur te bien paumer la gueule » (v. 73 et 74).
La Tante et le faux baron §
Le comique burlesque repose non seulement sur le valet lui-même mais aussi et surtout sur sa relation avec la Tante. Les galanteries grotesques d’un personnage rustre sont la marque des comédies burlesques, mais elles sont en général adressées à une jeune fille horrifiée par le comportement de celui à qui on la destine en mariage. Il en est ainsi dans Dom Bertrand de Cigarral ou dans Le Geôlier de soy-mesme, les deux principales comédies burlesques de Thomas Corneille. Au contraire, ici, si la vieille Tante est parfois un peu choquée par les manières du faux baron, elle ne s’offusque jamais de son attitude. Cette configuration est assez proche de celle de L’Héritier ridicule de Scarron ou des Précieuses ridicules de Molière. Dans ces deux comédies on trouvait déjà des valets déguisés faisant la cour à des personnages antipathiques. Ces femmes, Hélène dans L’Héritier, Cathos et Magdelon dans Les Précieuses, étaient ridicules en ce qu’elles ne percevaient pas le caractère burlesque des galanteries qui leur étaient adressées. De même, la Tante, si elle ne succombe pas aux avances du faux baron, n’en demeure pas moins flattée d’avoir un admirateur de plus, tandis que nous rions aux galanteries ridicules qu’il lui adresse. Lysette lorsqu’elle annonce son arrivée nous prévient :
Ah, Madame, il n’est rien plus galant.
Dès lors le comique repose sur le décalage entre cette annonce et le comportement bouffon du valet déguisé. Cela commence par son entrée en scène grotesque où il fait mine de confondre la tante et la nièce (II, 9) : la veuve, malgré ses soixante ans, devient une « Poupon », une « Niepce encore à peine au monde ». Ces qualificatifs ridicules seront suivis de bien d’autres compliments cocasses tout au long de la pièce, par exemple à l’acte IV scène 5 :
Vos yeux ont je ne sçay quel faste,Un certain aigre doux si savoureux pour moy,Que je pasme d’amour si-tost que je vous voy.
Appliqué au regard de la Tante, l’« aigre doux » devient une oxymore burlesque qui s’interprète à double sens. En somme le faux baron laisse entendre que l’aigreur de la vieille tante frustrée et antipathique perce sous ses apparences d’amabilité exagérée. La pamoison évoquée au vers suivant n’en devient que plus comique. Surtout le faux baron accompagne ces propos ridicules de gestes grotesques :
LA MONTAGNE.Sans cesse auprés de vous le cœur me fait tic tac.Tâtez.LA TANTE.Ah !
Il est possible d’imaginer que la Montagne en profite pour choquer la Tante en ouvrant sa chemise ; c’est une hypothèse de mise en scène qui n’est pas interdite par le texte. Plus globalement, il est clair que l’exubérance du langage du baron devait s’accompagner d’une exubérance dans ses gestes. Alors la Montagne peut faire penser aux deux valets des Précieuses ridicules, Mascarille et Jodelet, qui n’hésitent pas à montrer leurs prétendues blessures de guerre aux deux jeunes filles. Pour autant, la comparaison s’arrête là entre les deux pièces. En effet, la Montagne, s’il se répand en galanteries ridicules n’en reste pas moins un rustre qui, en plus, joue le hobereau de province. Après quelques galanteries d’usage il en vient donc au fait :
Je suis un peu pressant.Mais à voir tant d’appas qui feroit moins la presse !Et puis, quand on va droit sans entendre finesse,Et que l’un a peu prés est de l’autre le fait,On dit que le plûtost vaut le mieux.
Au contraire dans Les Précieuses ridicules Mascarille joue au véritable galant parisien, capable de faire des vers et d’imiter le langage ampoulé de Cathos et Magdelon. Avec la Montagne nous restons dans un schéma classique de comédie burlesque à la Scarron : le héros est un rustre, un provincial, capable des bouffonneries les plus osées. Ainsi nous assistons à un échange d’insultes entre la Montagne et la Tante au moment où celle-ci voudrait lui faire épouser sa nièce (IV, 7). L’usage parodique des stichomythies augmente le burlesque de la scène qui se termine dans la bestialité :
LA TANTE.Ah, le vilain magot qui refuse les gens.LA MONTAGNE.Ah, la laide Guenon qui jase à soixante ans.
Les noms d’animaux utilisés comme des appellatifs injurieux est en général le monopole des valets. Or ici c’est la Tante qui ouvre le feu ce qui donne à la Montagne tout loisir de surenchérir. Il touche le point sensible en lui rappelant son âge véritable et insiste par deux fois sur sa laideur grâce au pléonasme « laide guenon ». mais « guenon » peut aussi connoter la débauche ce qui permet à la Montagne de suggérer à la Tante que ses désirs ardents sont déplacés à son âge. L’insulte se transforme un peu plus loin en tendresse ridicule :
Si tost qu’il vous plaira nous entretutoyer,Sans rancune et sans fiel, volontiers, va, Mignonne,Je seray ton Magot, tu seras ma Guenonne,
Le féminin insolite de guenon est encore un exemple de fantaisie verbale dans la bouche de la Montagne. Mais le comique ici repose aussi sur la rime avec « mignonne » et sur le passage du vous au tu. Les bouffonneries du valet déguisé, ses « singeries » sommes-nous tenter de dire, ont pour but de provoquer un rire franc de farce.
Proposer une confrontation entre une vieille amoureuse ridicule et folle et un valet bouffon déguisé en gentilhomme de province était une idée originale de Thomas Corneille qui offre quelques effets et trouvailles comiques intéressants. Divertir et faire rire, tel est bien le but de l’auteur. Il serait exagéré et même erroné de voir dans Le Baron d’Albikrac une satire des fausses prudes ou des nobles de provinces. D’abord parce que ces deux éléments sont tout à fait convenus dans la comédie classique et très peu originaux, et ensuite parce que nos deux personnages sont trop peu vraisemblables.
Le Baron d’Albikrac a-t-il influencé Molière ? §
Pour conclure notre étude nous proposons un rapprochement entre Le Baron d’Albikrac et des éléments de pièces de Molière qui lui sont postérieures. L’intention n’est pas de prétendre que Molière devrait une partie de son talent à Thomas Corneille, loin de là. Il s’agit simplement de faire des hypothèses prudentes de manière à illustrer l’atmosphère de création théâtrale comique dans les années 1660. Les deux hommes faisaient leur métier de dramaturge de manière bien différente, Molière s’inspirant davantage de l’Italie que de la comedia espagnole. Les rapprochements que nous proposons ne concernent donc que des détails. Cependant nous savons que Molière n’était pas insensible aux talents d’auteur burlesque de Thomas Corneille puisque, par exemple, il fit souvent représenter Dom Bertrand de Cigarral et Le Geôlier de soy-mesme par sa troupe. Nous avons déjà rapproché l’entrée en scène du baron, où celui-ci fait mine de confondre la Tante et la nièce, avec le comportement de Thomas Diafoirus dans Le Malade imaginaire (1673) qui confond involontairement Bélise et Angélique. L’effet comique, dans les deux cas est efficace. Voici donc deux autres rapprochements possibles.
On peut proposer un premier parallèle avec L’Avare. Lancaster suggère que, si Le Baron d’Albikrac fut effectivement représenté en 1667, il serait possible d’imaginer que Molière s’en soit inspiré pour sa comédie qui fut représentée pour la première fois en septembre 1668. De même que la Tante dans Le Baron est amoureuse du galant de sa nièce, de même Harpagon dans L’Avare convoite la jeune fille qu’aime son fils Cléante. Dans les deux cas la figure parentale non seulement s’oppose à l’amour des jeunes gens mais en plus convoite l’être cher à un fils dans un cas et à une nièce dans l’autre. Mais ce genre de rivalité déjà largement présent dans le théâtre antique est fréquent au théâtre. En revanche la ressemblance entre les deux pièces se fait plus frappante sur un détail : au début de l’acte IV de L’Avare, Frosine est priée par Mariane d’inventer une ruse qui permette d’empêcher le mariage prévu entre elle et Harpagon. L’entremetteuse imagine alors un stratagème pour tromper le vieillard qui ressemble fort à celui qui est au cœur de l’intrigue du Baron :
ÉLISE.- Trouve quelque invention pour rompre ce que tu as fait.
FROSINE.- Ceci est assez difficile. Pour votre mère, elle n’est pas tout à fait déraisonnable, et peut-être pourrait-on la gagner, et la résoudre à transporter au fils le don qu’elle veut faire au père. Mais le mal que j’y trouve, c’est que votre père est votre père.
CLÉANTE.- Cela s’entend.
FROSINE.- Je veux dire qu’il conservera du dépit, si l’on montre qu’on le refuse; et qu’il ne sera point d’humeur ensuite à donner son consentement à votre mariage. Il faudrait, pour bien faire, que le refus vînt de lui-même; et tâcher par quelque moyen de le dégoûter de votre personne.
CLÉANTE.- Tu as raison.
FROSINE.- Oui, j’ai raison, je le sais bien. C'est là ce qu’il faudrait; mais le diantre est d’en pouvoir trouver les moyens. Attendez; si nous avions quelque femme un peu sur l’âge, qui fût de mon talent, et jouât assez bien pour contrefaire une dame de qualité, par le moyen d’un train fait à la hâte, et d’un bizarre nom de marquise, ou de vicomtesse, que nous supposerions de la basse Bretagne; j’aurais assez d’adresse pour faire accroire à votre père que ce serait une personne riche, outre ses maisons, de cent mille écus en argent comptant; qu’elle serait éperdument amoureuse de lui, et souhaiterait de se voir sa femme, jusqu’à lui donner tout son bien par contrat de mariage; et je ne doute point qu’il ne prêtât l’oreille à la proposition; car enfin, il vous aime fort, je le sais: mais il aime un peu plus l’argent; et quand ébloui de ce leurre, il aurait une fois consenti à ce qui vous touche, il importerait peu ensuite qu’il se désabusât, en venant à vouloir voir clair aux effets de notre marquise.
CLÉANTE.- Tout cela est fort bien pensé.
FROSINE.- Laissez-moi faire. Je viens de me ressouvenir d’une de mes amies, qui sera notre fait.XXX
Ce stratagème, Frosine ne le mettra pas en œuvre, et la ressemblance entre les deux pièces s’arrête donc là. Par ailleurs la situation est bien différente : la Tante est riche dans Le Baron et n’est pas du tout intéressée par l’argent. Mais l’objectif de la ruse est bien, comme dans Le Baron, de détourner Harpagon de Mariane par le biais d’un tiers déguisé.
Le personnage de la Tante dans Le Baron d’Albikrac a aussi pu inspirer Molière pour sa Bélise dans Les Femmes savantes, comédie représentée pour la première fois en mars 1672. Tout comme notre veuve, la sœur de Chrysale est une vieille tante amoureuse qui fait la fausse prude. Le quiproquo de la quatrième scène de l’acte I est bien connu : Clitandre vient demander à la tante d’Henriette qu’elle favorise son mariage avec la jeune fille. Mais Bélise est persuadée que le jeune homme est fou amoureux d’elle et que c’est le respect et la pudeur qui l’amène à prétendre qu’il est amoureux de sa nièce et non d’elle-même. Elle cherche alors lui faire avouer les feux dont elle imagine qu’il brûle pour elle. Le dialogue ressemble fort à celui auquel nous assistons entre Léandre et la Tante à la fin du troisième acte du Baron d’Albikrac. Voici par exemple une réplique représentative de la folie de Bélise :
BÉLISE.Mon Dieu, point de façons; cessez de vous défendreDe ce que vos regards m’ont souvent fait entendre;Il suffit que l’on est contente du détourDont s’est adroitement avisé votre amour,Et que sous la figure où le respect l’engage,On veut bien se résoudre à souffrir son hommage,Pourvu que ses transports par l’honneur éclairésN'offrent à mes autels que des vœux épurés.
Bélise vit dans ses visions et ses imaginations comme la Tante dans Le Baron d’Albikrac mais aussi comme Hespérie dans Les Visionnaires de Desmarets de Saint-Sorlin (1637). On a souvent dit que Thomas Corneille n’était qu’un habile imitateur, un auteur qui se contentait de suivre la mode. Ces quelques exemples montrent qu’il a aussi pu donner des idées à d’autres ou du moins être un créateur à part entière.
Note sur la présente édition §
Le texte que nous publions est celui de l’édition originale. Le privilège du roi fut accordé le 21 février 1668 et le texte fut achevé d’imprimer par le rouennais Laurent Maurry le 8 février 1669. La pièce fut diffusée à Paris par deux libraires : Gabriel Quinet et Claude Barbin. Nous avons recensé sept exemplaires originaux. Du vivant de Thomas Corneille on ne retrouve Le Baron d’Albikrac que dans les volumes qui regroupent l’ensemble de ses pièces, mises à part deux éditions pirates, l’une chez Barbin sans date, et l’autre qui paraît en 1689 en Hollande. La pièce est ensuite rééditée à plusieurs reprises au XVIIIe siècle.
L’édition originale §
Chez Gabriel Quinet :
- – un exemplaire est conservé à la Bibliothèque nationale (RF-2719 ou MC91-4355 en microforme).
- – quatre exemplaires sont conservés dans des bibliothèques municipales de province à Bourg en Bresse, Strasbourg, Toulouse et Nantes.
- – un exemplaire est conservé au Royaume-Uni, à la British Library (11736.b.10).
Chez Claude Barbin :
- – un exemplaire est conservé à la bibliothèque Mazarine (Z1 831 B).
Description matérielle de l’ouvrage : les deux exemplaires de l’édition originale (Quinet et Barbin) sont identiques en tous points (hormis la page de titre) : in-12, volume de X-113 pages. Le volume se présente comme suit :
[I] : page de titre
[II] : verso blanc
[III-VII] : épître dédicatoire
[VIII] : liste des acteurs
1-113 : texte de la pièce
[IX-X] : extrait du privilège du roi et achevé d’imprimer
Voici la description des pages de titre de l’édition originale (Quinet et Barbin) :
LE BARON/D’ALBIKRAC, /COMEDIE./[fleuron du libraire représentant une coupe de fruits] /A PARIS, /Chez GABRIEL QUINET, au Palais, dans/la Gallerie des Prisonniers, à l’Ange Gabriel./[filet] / M. DC. LXIX./ AVEC PRIVILEGE DU ROY.
LE BARON/D’ALBIKRAC, /COMEDIE./[fleuron du libraire] /A PARIS, /Chez CLAUDE BARBIN, sur le second/Perron de la Sainte Chapelle./[filet] / M. DC. LXIX./ AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Les autres éditions parues du vivant de l’auteur §
L’édition sans date §
Cette édition qui ne comporte aucune date a parue chez Claude Barbin. Il s’agit d’un in-12 de 112 pages. La dédicace a été supprimée et l’extrait du privilège est placé au début du volume. Le texte comporte les mêmes variantes que celui de l’édition collective de 1682. Ces éléments permettent de penser qu’il s’agit effectivement d’une nouvelle édition parue chez Barbin et corrigée par l’auteur et non d’une édition pirate de province (qui serait alors parue après 1682) comme l’absence de date pourrait le suggérer. Nous pouvons donc supposer que la date a simplement été omise et que cette édition a parue dans le courant des années 1670. Nous en avons recensé trois exemplaires :
- – deux exemplaires sont conservés à la BNF Richelieu (RF-27-18 et Z. Rothschild-4077)
- – un exemplaire est conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal (GD-6053)
L’édition de 1689 §
Il s’agit d’une édition hollandaise qui attribue par erreur le texte à « P. Corneille ». C’est un in-12 de 96 pages qui porte la mention « suivant la copie imprimée à Paris ». Le texte est identique à celui de l’édition originale. Nous en avons recensé cinq exemplaires :
- – deux exemplaires sont conservés à la Bibliothèque de l’Arsenal (GD-6055 et GD-6052)
- – trois exemplaires sont conservés dans des bibliothèques municipales de province à Caen, Nantes et Rouen.
Les recueils de pièces §
Thomas Corneille avait pris l’habitude, dès 1669, de faire éditer l’ensemble de son théâtre dans des recueils de « Poëmes dramatiques ». Les éditions que nous mentionnons sont toutes de véritables éditions revues et corrigées. Les principales corrections et variantes au texte du Baron d’Albikrac ont été apportées dès 1682. Cependant on trouve encore de nouvelles variantes dans l’édition de 1692. Nous les avons mentionnées en notes de bas de page.
- – Paris, G. de Luyne, 1682
- – Paris, G. de Luyne, 1692.
- – Amsterdam, H. Desbordes, 1701.
- – Paris, C. Osmont, 1706.
- – Amsterdam, frères Chatelain, 1709.
Les éditions postérieures à la mort de l’auteur. §
Le Baron d’Albikrac a été réédité trois fois au XVIIIe siècle en pièce séparée. La plupart des éditions retiennent le texte de 1682 en modernisant toutefois l’orthographe et la ponctuation. Nous mentionnons aussi une édition réduite à trois actes.
- – Paris, Compagnie des libraires, 1762.
- – Paris, Compagnie des libraires, 1774.
- – Paris, Petite bibliothèque des théâtres, 1786.
(– Le Baron d’Albikrac, comédie de T. Corneille, corrigée et réduite en 3 actes par M. Delaribadière, Imprimerie de Ghelen, 1764).
Enfin Le Baron d’Albikrac a été réédité dans la plupart des recueils de pièces de Thomas Corneille mais aussi dans les nombreux recueils de « chefs d’ouvres de Pierre et Thomas Corneille ». Notons la dernière édition du théâtre de Thomas Corneille dans laquelle figure Le Baron (cette édition est consultable à la Bibliothèque nationale) :
- – Théâtre complet de T. Corneille. Nouvelle édition précédée d’une notice par M. Edouard Thierry. Paris, Laplace Sanchez & Cie, 1881.
Interventions sur le texte §
Nous avons corrigé les coquilles évidentes, unifié le nombre de points de suspension et remplacé les tildes par la consonne qui leur correspondait. Mises à part ces quelques modifications, le texte est totalement fidèle à celui de l’édition originale. Voici la liste des corrections que nous avons apportées :
- – v. 335 : Peste, soit
- – v. 565 : Oyez donc,
- – v. 1050 : neccessaire
- – v. 1285 : m’accable ?
- – v. 1316 : Adieu. Monsieur
v. 1353 : Maistre.
v. 1379 : c’estoit
v. 1454 : guet à pend
v. 1498 : faire.
v. 1627 : droit
v. 1658 : vostre flame ?
v. 1780 : La Belle. Il faut
Par ailleurs, lorsque l’orthographe de certains mots variait d’un cahier à l’autre nous l’avons harmonisée. Ces variations s’expliquent sans doute par des changements de compositeur :
- – v. 68 : stile
- – v. 514 : envain.
- – v. 942 : vesvage.
Les termes précédés d’un astérisque sont ceux dont le sens a varié depuis le XVIIe siècle ou qui sont archaïques. Ils font l’objet d’une définition dans le glossaire. On trouvera aussi en notes de bas de pages le sens des expressions variées utilisées par les personnages. Les définitions sont extraites, dans la mesure du possible, des dictionnaires de l’époque.
Abréviations :
- – Ac. : Dictionnaire de l’Académie Française (1694)
- – Fur. : Dictionnaire universel de Furetière (1690)
- – Moreri : Le Grand dictionnaire historique (1674)
- – Rich. : Dictionnaire françois de Richelet (1680)
- – Vaugelas : Remarques sur la langue françoise de Vaugelas. (1647)
Nous donnons aussi quelques explications grammaticales qui s’appuient soit sur La syntaxe française du XVIIe siècle d’Alfons Haase (1898) soit sur l’ouvrage de Nathalie Fournier : Grammaire du français classique (1998).
Enfin, les lettres entre crochets correspondent aux changements de cahier dans l’édition originale et les chiffres aux numéros des pages.
LE BARON D’ALBIKRAC, COMÉDIE §
A M. B. E. C. SXXXI §
[p. III]Madame,
J’ay bien lieu d’estre satisfait du succez de ma Comedie. Vous m’avez asseuré que sa représentation vous a divertie agreablement, et je n’avois rien de plus à souhaiter. Quand le Public se seroit entierement declaré pour elle, son suffrage n’auroit point suffit à mon ambition, et la gloire de vous avoir plû est quelque chose de si considerable pour moy, qu’elle me console aisément [p. IV] de la severité de la censure. C’est peut-estre dire beaucoup, mais ce n’est point encor dire assez pour la surprise où je me suis veu tant de fois de la force de vostre esprit, et de la delicatesse de vostre discernement.
C’est à dire, Madame, que trois années de sacrement ne vous ostent point l’avantage sur toutes celles qui y prétendent, et que vous paroissez tellement ne faire qu’entrer à la vie, qu’on a peine à se persuader que vous ayez déjà fait un Heureux. Il est bien rare sans doute que d’aussi tendres années que les vostres soient soûtenuës d’autant de lumieres que vous en avez ; mais il l’est [p. V] beaucoup davantage qu’ayant de quoy vous attirer des vœux en foule par tout ce qu’une belle personne a d’engageant, vous sçachiez si bien regler les sentiments de ceux qui vous approchent, que vous ne leur inspiriez pas moins de respect pour vostre vertu, que d’admiration pour vostre beauté.
C’est, Madame, cette scrupuleuse severité qui vous a donné plus de lieu de vous réjoüir aux dépens de la Vieille Tante. Dans l’âge le moins propre à s’attirer des douceurs, elle va au devant de ce que [p. VI] vous ne croyez pas qu’on doive souffrir dans le vostre, et comme elle n’est pas la seule de son caractere, il sera difficile que vous ne trouviez à vous divertir de plus d’une Copie d’un si ridicule Original. Souffrez que pour vous aider à les mieux connoistre, je l’oblige à vous aller debiter une seconde fois ses folies jusques chez vousXXXII, et que par cette foible marque de ma reconnaissance, je tâche à m’acquiter d’une partie de ce que je vous dois pour l’obligeant Portrait que vous avez daigné faire de moy. Je sçay que vous vous estes assez laissée préoccuper en ma faveur pour en avoir adoucy les traits, et cherché plûtost à les rehausser par de vives couleurs, qu’à y faire trouver une exacte ressemblance : Mais, Madame, il est naturellement si doux d’estre flaté, et surtout par une personne faite comme vous, qu’il ne s’en faut guere que je ne tâche quelquefois à m’y reconnoistre. Du moins je puis vous asseurer avec beaucoup de verité que ce glorieux témoignage de vostre estime est un honneur que je préfere à tout ce que je pour- [p. VII] -rois souhaiter d’ailleurs. Aussi ne suis-je plus en estat de me contenter des remerciements particuliers que je vous en ay déja faits. Ma vanité aspire à les rendre publics autant qu’il vous a plû de me le permettre, et si en me faisant supprimer mille éloges qui vous sont deubs, vostre modestie ne m’avoit pas forcé en mesme temps à cacher vostre nom sous des lettres misterieuses, j’aurois eu la joye d’apprendre aujourd’huy plus ouvertement à tout le monde avec combien de respect et de passion je suis et je seray toute ma vie,
MADAME,
Vostre tres-humble, tres obeissant,
Et tres-obligé serviteur,
T. CORNEILLE.
ACTEURS. §
- LA TANTE.
- ANGELIQUE, Amante d’Oronte.
- [PHILIPIN]
- LEANDRE, Amy d’Oronte.
- ORONTE, Amant d’Angelique.
- LYSETTE, Servante de la Tante.
- LA MONTAGNE, Valet d’Oronte.
- CASCARET, Laquais de la Tante.
ACTE I. §
SCENE PREMIERE. §
ANGELIQUE tenant une lettre.
PHILIPIN.
ANGELIQUE.
PHILIPIN.
ANGELIQUE.
PHILIPIN.
ANGELIQUE.
PHILIPIN.
ANGELIQUE.
PHILIPIN.
ANGELIQUE.
PHILIPIN.
SCENE II. §
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
LYSETTE.
PHILIPIN.
ANGELIQUE.
SCENE III. §
[p. 4]PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
Pour de si vieuxLYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
SCENE IV. §
[p. 9]LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
SCENE V. §
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
SCENE VI. §
LA TANTE.
ANGELIQUE.
Je croy qu’elles sont faites.LA TANTE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
LYSETTE allant prendre une coife sur la table.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ANGELIQUE bas.
LYSETTE.
SCENE VII. §
[p. 16]LEANDRE à la Tante.
ORONTE.
LA TANTE.
LEANDRE à Angelique.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
LEANDRE.
ANGELIQUE à la Tante.
LA TANTE.
LYSETTE à la Tante.
ORONTE à la Tante.
Madame, on poursuit mon affaire,LA TANTE.
LEANDRE à la Tante.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE faisant signe de l’œil à Angelique.
ANGELIQUE.
ORONTE à Angelique feignant de continuer haut la conversation.
ANGELIQUE.
LYSETTE bas à la Tante.
LA TANTE à Leandre.
LEANDRE.
LYSETTE bas.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LYSETTE bas.
Et de plus tristes nuits.LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LYSETTE bas.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE l’interrompant d’un air chagrin.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
SCENE VIII. §
CASCARET.
LA TANTE.
CASCARET.
LA TANTE.
CASCARET.
LA TANTE.
LYSETTE.
LEANDRE bas en regardant la Tante.
LA TANTE à Angelique.
ORONTE.
LA TANTE.
LYSETTE bas.
ORONTE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
SCENE IX. §
[p. 23]LEANDRE à Oronte.
ORONTE.
LEANDRE.
LYSETTE.
LEANDRE.
LEANDRE.
LYSETTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
LEANDRE.
ORONTE.
LEANDRE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
LEANDRE.
[p. C, 25]LYSETTE.
ORONTE.
SCENE X. §
LEANDRE à la Montagne.
LA MONTAGNE.
LEANDRE.
LA MONTAGNE.
Ouy, Monsieur, où vous lui marquezLEANDRE.
LA MONTAGNE.
Moy, Baron ? et de resteLA MONTAGNE.
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
LYSETTE.
LA MONTAGNE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
Fin du premier Acte.
ACTE II. §
SCENE PREMIERE. §
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
SCENE II. §
ORONTE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
[p. 33]ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
SCENE III. §
[p. 34]LA TANTE aprés avoir écouté les trois derniers vers.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
ANGELIQUE à Oronte.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ORONTE bas à Angelique.
ANGELIQUE haut.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
ORONTE bas à Angelique.
ANGELIQUE.
ORONTE à la Tante.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
ORONTE bas à Angelique.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
ORONTE bas.
ANGELIQUE.
LA TANTE
SCENE IV. §
[p. 38]ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
[p. 39]ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
SCENE V. §
[p. 40]ANGELIQUE.
ORONTE bas.
LA TANTE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ANGELIQUE revenant sur ses pas.
SCENE VI. §
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
Un Breton de fort hauteORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
SCENE VII. §
[p. 42]ANGELIQUE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
Vos yeux en vont êtreORONTE faisant semblant d’admirer le mouchoir.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ORONTE d’un ton chagrin.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
SCENE VIII. §
[p. 43]LYSETTE.
ORONTE bas.
LYSETTE.
LA TANTE.
Vous avez de l’ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
SCENE IX. §
LA MONTAGNE s’adressant à Angelique,
et feignant de la prendre pour la Tante.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
[p. 45] Ouy, pour me faireLA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
ANGELIQUE bas à Lysette.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LYSETTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE à Oronte.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE bas à Oronte.
LA MONTAGNE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
LA TANTE à la Montagne qui luy avoit parlé bas.
LA MONTAGNE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE bas à Oronte.
LYSETTE ouvrant une porte.
LA TANTE à Oronte.
ORONTE à Angelique.
LYSETTE à Oronte.
Fin du Second Acte.
ACTE III. §
SCENE PREMIERE. §
LEANDRE.
LYSETTE.
LEANDRE.
LEANDRE.
LYSETTE.
LEANDRE.
LYSETTE.
LEANDRE.
LYSETTE.
LEANDRE.
LYSETTE.
LEANDRE.
LYSETTE.
LEANDRE.
[p. 52]SCENE II. §
LEANDRE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
LEANDRE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
LEANDRE.
LEANDRE.
ORONTE.
LYSETTE à Oronte.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
LYSETTE à Angélique.
ANGELIQUE donnant la main à Oronte.
LEANDRE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
LEANDRE.
ORONTE.
SCENE III. §
LA TANTE.
LA TANTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LEANDRE.
LA TANTE.
ORONTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE bas à Oronte.
ORONTE.
LEANDRE.
LA TANTE à Angelique.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
SCENE IV. §
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE bas.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
SCENE V. §
LA TANTE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE à la Montagne.
LA MONTAGNE.
[p. 63]LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE bas à Lysette.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
ANGELIQUE à Oronte qui l’avoit entretenuë tout bas.
LA TANTE à Angelique.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE à Angelique.
LA MONTAGNE.
Je découvre laLA TANTE.
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE à Lysette.
SCENE VI. §
LA TANTECXXVIII.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE bas.
LEANDRE.
LA TANTE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LA TANTE.
LEANDRE.
LEANDRE.
Fin du troisiéme Acte.
ACTE IV §
SCENE PREMIERE. §
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
SCENE II. §
LA TANTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE bas.
LA TANTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE bas à Lysette.
LYSETTE haut.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
ORONTE bas.
LA TANTE.
ORONTE.
[p. 75]LA TANTE.
SCENE III. §
ANGELIQUE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
ORONTE l’embrassant.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
LYSETTE bas à Angelique.
ANGELIQUE.
SCENE IV §
[p. 77]LA TANTE.
ORONTE.
ORONTE.
ORONTE.
LYSETTE bas.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE bas.
LA TANTE.
ORONTE à Lysette.
LYSETTECXLVI.
LA TANTE.
ORONTE.
LYSETTE bas à Oronte.
LA TANTE.
[p. 79]ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
Helas, que je suisLA TANTE.
ORONTE.
SCENE V. §
[p. 80]PHILIPIN.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
PHILIPIN.
[p. 81]LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE bas à Philipin.
PHILIPIN bas à Oronte.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
PHILIPIN bas.
SCENE VI. §
[p. 83]LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
LYSETTE à Philipin.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
PHILIPIN bas.
SCENE VII. §
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
PHILIPIN à la Montagne bas sans faire semblant de luy parler.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LYSETTE l’interrompant.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA MONTAGNE bas.
PHILIPIN à la Tante.
LA TANTE à la Montagne.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LYSETTE à la Tante.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA MONTAGNE bas à Philipin.
PHILIPIN bas à la Montagne.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
[p. 90]LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
[p. 92]LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
Employez et le verd et le secLA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA MONTAGNE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LYSETTE.
LA MONTAGNE.
SCENE VIII. §
[p. 94]LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
LYSETTE.
Fin du quatriéme Acte.
ACTE V. §
SCENE PREMIERE. §
ORONTE.
ANGELIQUE.
PHILIPIN.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
PHILIPIN.
PHILIPIN.
ANGELIQUE.
ORONTE.
SCENE II. §
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
ANGELIQUE.
ORONTE.
SCENE III. §
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE.
PHILIPIN.
LYSETTE à Oronte.
SCENE IV. §
ORONTE.
LYSETTE.
ORONTE.
[p. 101]LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
PHILIPIN.
ORONTE.
PHILIPIN.
LA TANTE.
LYSETTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
PHILIPIN.
SCENE V. §
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LEANDRE.
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE à Oronte.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
ORONTE.
LEANDRE.
ORONTE.
LA TANTE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
SCENE VI. §
[p. 108]LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
ANGELIQUE.
LA MONTAGNE.
AhANGELIQUE.
LA MONTAGNE.
[K, 109]ANGELIQUE.
ANGELIQUE.
LA MONTAGNE.
ANGELIQUE.
LA MONTAGNE.
ANGELIQUE.
LA TANTE.
ANGELIQUE.
LYSETTE.
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
[p. 110]ORONTE.
LA MONTAGNE.
ANGELIQUE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LYSETTE.
ANGELIQUE.
LA MONTAGNE.
ANGELIQUE.
LA MONTAGNE.
ORONTE.
LA MONTAGNE.
LYSETTE.
LEANDRE.
LA MONTAGNE.
LA TANTE.
LA MONTAGNE.
SCENE VII. §
[p. 112]CASCARET.
LA MONTAGNE.
PHILIPIN.
LA MONTAGNE.
LA MONTAGNE.
PHILIPIN.
A peu prés.LA MONTAGNE.
FIN.
Extrait du privilege du Roy. §
Par grace et Privilege du Roy donné à S. Germain en Laye le 21 de Février 1668. Signé DE MALON, il est permis au sieur T. CORNEILLE de faire imprimer, vendre et debiter par tel Imprimeur et Libraire qu’il voudra choisir, une pièce de Theatre de sa composition, intitulée Le Baron d’Albikrac, pendant le temps et espace de cinq ans entiers et accomplis, à compter du jour que ladite Piece de Theatre sera achevée d’imprimer ; et défences sont faites à tous autres de quelque qualité et condition qu’ils soient de faire imprimer ladite Piece sur peine de trois mille livres d’amende, et de tous dépens, dommages et interests, ainsi qu’il est plus amplement porté par lesdites lettres.
Registré sur le Livre de la Communauté le cinquième de Mars 1668.
Signé THIERRY Adjoint.
Achevé d’imprimer pour la premiere fois le 8 Février 1669. à Roüen, par L. MAURRY, aux dépens de l’Autheur, lequel a traité de la presente impression et du Privilege avec CLAUDE BARBIN, et GABRIEL QUINET Marchands Libraires à Paris, pour en joüir suivant l’accord fait entr’eux.
Les exemplaires ont esté fournis.
Glossaire §
On trouvera ici la signification des mots signalés dans le texte par un astérisque. Quand cela n’est pas précisé la définition est extraite du Dictionnaire universel de Furetière (1690). Dans les autres cas la source est indiquée : « Ac. » pour le Dictionnaire de l’Académie Française (édition de 1694) et « Rich. » Pour le Dictionnaire françois de Richelet (1679).
Annexe 1 : témoignage de représentations du Baron d’Albikrac du vivant de l’auteur §
Mémoire de Mahelot §
Le mémoire de Mahelot nous donne quelques informations sur la disposition de la scène :
Le Baron D’Albicrak. Theatre est une chambre. Il faut un table, un tapis, des flambeaux sur la table, un fauteuille, une bague, un lestre pour le 5 acte.
La table doit en effet servir pour l’acte I, scène 6, la bague pour l’acte V, scène 5 et la lettre pour la première scène de la pièce.
Robinet, Lettre du 29 décembre 1668, annonce d’une représentation du Baron d’Albikrac chez Madame. §
Ce soir ou demain chez Madame…………………………………….On doit, au jour de force lustres……………………………………Voir le cher baron d’AlbikracC’est de l’habile Sieur de l’IleUne comédie en beau stile,Où mille jolis incidentsFont sans cesse montrer les Dents,C’est à dire sans cesse rire,À se tenir les deux côtez,Comme, sans contre-véritez,Que Poisson dans son PersonnageSe surpasse et fait, ma foy, rage,Et que tous les autres Acteurs,Y sont de parfaits Enchanteurs.
Robinet, Lettre du 5 janvier 1669 §
Compte rendu de la représentation annoncée dans la lettre du 29 décembre 1668 et donnée par les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne lors d’une fête donnée pour le roi au Palais-Royal chez Monsieur et Madame.
Les Comediens de l’Hostel,Par ce Poëme non tel quel,Dont je fis un petit chapitreDans ma fine dernière Epitre,Sçavoir bon, malgré tout mic-mac,Firent le prélude et la TesteDe toute la joyeuse Feste,Dans le premier des susdits lieux,Où chacun d’Eux joua des mieuxEt, mieux que tous les HypocratesDésopilla les belles RatesDu beau monde illec assamblé.
Robinet, lettre du 3 août 1669 §
Compte rendu d’une représentation lors d’une fête donnée par le roi à Saint-Germain.
Mais à propos de grand Régale,On en a fait, à la RoyaleUn merveilleux à Saint Germain,………………………………….L’Albikrac, par un doux Destin,Précéda l’opulant Festin,Joué par l’Hostel, à merveille,Et l’Auteur, le Cadet Corneille,En receut de nôtre HérosUn glorieux et charmant los.
Mercure galant, janvier 1682 §
P. 284, reprise du Baron d’Albikrac à la Comédie-Française
Le tarquin, Pièce nouvelle de M. Pradon, a paru sur le Théatre François ; et le Baron d’Albykrac qu’on y a remis, sans qu’on l’eust joüé depuis douze ans, a fort diverty de nombreuses assemblées.
Annexe 2 : œuvres de Thomas Corneille §
1647 Les Engagements du hasard, comédie
1648 Le Feint astrologue, comédie
1651 Don Bertrand de Cigarral, comédie
1651 L’Amour à la mode, comédie
1652 Le Berger extravagant, comédie
1654 Les Illustres ennemis, comédie
1655 Le Geôlier de soy-mesme, ou Jodelet Prince, comédie
1656 Timocrate, tragédie
1657 Le Charme de la voix, comédie
1657 La Mort de l’empereur Commode, tragédie
1658 Bérénice, tragédie
1658 Darius, tragédie
1659 Le Galant doublé, comédie
1660 Stilicon, tragédie
1661 Camma, reine de Galatie, tragédie
1662 Maximian, tragédie
1663 Persée et Démétrius, tragédie
1663 Pyrrhus, roi d’Epire, tragédie
1666 Antiochus, tragi-comédie
1667 Le Baron d’Albikrac, comédie
1668 Laodice, tragédie
1669 La Mort d’Annibal, tragédie
1670 La Comtesse d’Orgueil, comédie
1672 Ariane, tragédie
1672 Théodat, tragédie
1672 Traduction des Métamorphoses d’Ovide (première partie)
1673 Le Comédien poète, comédie (en collaboration avec Montfleury)
1673 La Mort d’Achille, tragédie
1674 Don César d’Avalos, comédie
1675 Circé, tragédie lyrique, jouée au théâtre de Guénégaud malgré le monopole de Lully
1675L’Inconnu, comédie mêlée de spectacle (en collaboration avec Donneau de Visé)
1676 Le Triomphe des dames, comédie à machines (avec Donneau de Visé) (seul le livret est imprimé)
1677 Le Festin de pierre, comédie, adaptation édulcorée du Festin de Pierre (Dom Juan) de Molière
1678 Le Comte d’Essex, tragédie
1678 Psyché, opéra (musique de Lully), à l’Académie de Musique cette fois
1679 Bellérophon, opéra (avec Fontenelle et Boileau, musique de Lully)
1679 La Devineresse, comédie en prose mêlée de spectacle (avec Donneau de Visé)
1681 La Pierre philosophale, comédie à machines (avec Donneau de Visé) (seul le livret est imprimé)
1682 Le Deuil, comédie (avec Hauteroche)
1683 Orion, tragédie lyrique refusée par la Comédie-Française, et perdue
1685 L’Usurier, comédie en prose (avec Donneau de Visé) (non imprimée)
1686 Le Baron des Fondrières, comédie (non imprimée, une seule représentation)
1687 Édition commentée des Remarques de Vaugelas
1693 Médée, opéra (musique de Charpentier)
1694 Dictionnaire des Termes d’Arts et de Sciences
1695 Les Dames vengées, comédie en prose (avec Donneau de Visé)
1695 Bradamante, tragédie
1697 Traduction des Métamorphoses d’Ovide (dernière partie)
1704 Observations de l’Académie Française sur les Remarques de Vaugelas
1708 Dictionnaire Géographique et Historique.