NOUVEAU PROLOGUE, ET NOUVEAUX DIVERTISSEMENTS
POUR LA COMÉDIE DE L’INCONNU

M. DC. XCVII, AVEC PRIVILÈGE DU ROI.

De Mr DANCOURT

À PARIS, chez Thomas GUILLLAIN, proche les Augustins, à la descente du Pont-Neuf, à l’image Saint Louis.

ACTEURS §

  • THALIE. Muse.
  • CRISPIN.
  • MADEMOISELLE MIMY.
  • MADEMOISELLE DESMARRES.
  • MONSIEUR PONTEUIL.
  • MONSIEUR SALLÉ.
  • LA COMTESSE.
  • OLIMPE, aimée du Chevalier.
  • LE MARQUIS, Amant de la Comtesse.
  • LE CHEVALIER, Amant d’Olimpe.
  • LE VICOMTE, Amant de la Comtesse.
  • LA MONTAGNE, Valet de Chambre du Marquis.
  • VIRGINIE, Suivante de la Comtesse.
  • MÉLISSE, Suivante d’Olimpe.
  • DEUX ENFANTS, représentants l’Amour et la Jeunesse.
  • CASCARET, Laquais de la Comtesse.
La Scène est dans le Château de la Comtesse.

PROLOGUE. §

SCÈNE I. §

THALIE, seule.

Quelle favorable puissance
A rétabli les agréments,
La pompe et la magnificence
D’un Théâtre que mon absence
5 Avait laissé sans ornements ?
Moi, qu’on nomme en tous lieux la divine Thalie ;
1
Moi, Muse de la Comédie,
L’amour des plus rares esprits,
Je n’ai donc pu par leurs écrits
10 Soutenir l’honneur de la Scène ?
J’ai pris une inutile peine,
Malgré les efforts que j’ai faits,
On a déserté mes Palais :
Depuis un temps une juste colère
15 M’a fait abandonné ces lieux ;
Un retour de tendresse, un désir curieux,
De voir ce que sans moi l’on y peut encore faire
Me fait y reporter et mes pas et mes yeux :
Je reviens, je n’y vois rien qui ne doive plaire.
20 Une foule de connaisseurs,
Par le bon goût au spectacle appelée,
Me fait penser que l’une de mes Sœurs
À ma place s’en est mêlée.
Se pourrait-il qu’à mon emploi
25 Elle réussit mieux que moi !

SCÈNE II. Thalie, Crispin. §

CRISPIN.

Dieu vous garde, Madame Thalie.
Hé ! Depuis quand à Paris de retour ?
Je vous croyais en Italie,
Où vous aviez dit-on, fixé votre séjour.

THALIE.

30 N’est-ce pas là Crispin qui me parle.

CRISPIN.

Lui-même.
Crispin cadet, fils de Crispin l’aîné,
Sous une heureuse étoile né
S’il pouvait se flatter de la gloire suprême
D’être autant de vos favoris
35 Que feu son père en fut jadis ;
Car il en fut beaucoup, à ce que j’entends dire.

THALIE.

Je l’ai favorisé, j’ai connu les talents
Qu’il eût du Ciel pour faire rire,
Et pour plaire aux honnêtes gens :
40 Mais enfin depuis quelque temps,
En termes assez bons on m’a parlé des vôtres,
Et l’on m’en a tant dit…

CRISPIN.

À d’autres,
Comme toujours de la Profession
L’amour propre fut l’apanage,
45 Ne me louez qu’avec précaution,
Je n’ai que trop de pente à la présomption,
Ne m’en donnez pas davantage.

THALIE.

La louange n’est pas mon fort,
La raillerie est mon partage.

CRISPIN.

50 Fort bien, vous me raillez, je gage,
Et j’ai donné dedans. J’ai tort.
D’autres que moi…

THALIE.

Laissons cette matière,
Et me dites un peu ce que l’on fait ici.

CRISPIN.

On fait tout ce qu’on peut pour plaire,
55 Et l’on est fort content quand on a réussi.

THALIE.

Arrive-t-il souvent que l’on y réussisse ?
Et pendant mon absence…

CRISPIN.

On s’est passé de vous,
Et pour peu qu’on nous applaudisse,
Nous redoublons nos soins, enfin nous sommes tous
60 Fort contents de Paris, quand Paris l’est de nous.

THALIE.

De bons Acteurs la Troupe est-elle bien fournie ?

CRISPIN.

Troupe, Madame ! On dit à présent Compagnie.
2
Malepeste ! Sur un bon pied
Nous avons mis la Comédie ;
65 Et si par quelque heureux génie
Le théâtre était appuyé…
Car voyez-vous, j’ai l’âme la plus ronde,
Et ne sais point faire le fin.
Vous nous voyez aujourd’hui bien du monde,
70 Nous n’aurons personne demain.

THALIE.

Comment donc ! Et qui peut produire
Chez vous cette inégalité ?

CRISPIN.

C’est que… Comprenez bien ce que je vais vous dire.
Une première fois par curiosité…
75 On vient voir en foule un ouvrage.
Quand… la première fois… on en est dégoûté,
On n’y revient pas davantage.

THALIE.

Cela se comprend aisément ;
Mais à qui d’une Pièce attribuer la chute ?

CRISPIN.

80 On en parle différemment.
L’Auteur aux Acteurs l’impute
Les Acteurs parlent autrement,
Le Parterre ordinairement
Est le Juge de la dispute ;
85 Et comme il juge sainement,
Il juge souverainement :
Ce qu’il a jugé s’exécute.

THALIE.

Vous avez de nouveaux Acteurs ?

CRISPIN.

Oh ! Beaucoup, presque autant que de nouveaux Auteurs.
90 Que l’un de nous quitte ou trépasse,
Il en viendra quatre à sa place.

THALIE.

Cela vous fait plaisir.

CRISPIN.

Le proverbe le dit,
Plus on est de fous, plus on rit.

THALIE.

Le proverbe est très véritable.
95 Mais, dites-moi de grâce, à ces Acteurs nouveaux
Le parterre est-il favorable ?

CRISPIN.

S’il ne leur était pas, ce serait bien le diable.
Nous n’avons presque plus de ces originaux,
Que vous aviez formés vous-même.
100 Grand changement d’un temps à l’autre y a ;
Et quand on n’a pas ce qu’on aime,
Il faut bien aimer ce qu’on a.
Nous nous formons sur le meilleur modèle.
À vous faire la cour tous ardents comme moi,
105 Nous avons tous le même zèle,
Pour réussir chacun dans son emploi.

THALIE.

Avec succès je crois que chacun s’en acquitte ;
Si par hasard la chose est autrement,
Le zèle tient lieu de mérite ;
110 Et le public qui de l’orgueil s’irrite,
Aux modernes Acteurs se prête bonnement ;
Quoi qu’il en soit, faites-les-moi connaître,
Je prétends les encourager ;
Et suivant ce qu’ils pourront être,
115 Je m’engage à les protéger.

CRISPIN.

N’est-ce point trop vous engager.

THALIE.

Non, qu’ils viennent.

CRISPIN.

Holà, Monsieur Dufort, la France ?
Voyez si ces Messieurs, ces Dames sont là-haut.
Une Muse de connaissance
120 Nous honore de sa présence ;
Qu’ils accourent tous au plutôt,
Lui faire la révérence.
En voici deux nouveaux, c’est Ponteuil et Sallé.

SCÈNE III. Thalie,Crispin, et Plusieurs Acteurs et Actrices. §

THALIE.

3
Melpomène ma sœur m’en a déjà parlé.
4
125 N’avez-vous pas le fils de la Thorillière ?

CRISPIN.

Oui, dont vous aimiez tant le père.

THALIE.

De mes faveurs je l’ai toujours comblé,
Et sa famille aussi me sera toujours chère.

CRISPIN.

Tant mieux. La famille a peuplé,
130 En voici de la jeune espèce.
5
Vous aimiez fort aussi, dit-on, la Champmeslé ?

THALIE.

Assurément.

CRISPIN.

Hé bien, tenez, voilà sa nièce.

THALIE.

J’aime à voir dans cette jeunesse,
Des Acteurs que j’aimais avec tant de tendresse,
135 Le mérite renouvelé.

CRISPIN.

Mesdames, voilà la déesse,
Par les faveurs de qui nos aïeux ont brillé.

MIMY.

À cet éclat, à cet air noble et tendre,
Je connais bien une Divinité :
Mais sans savoir son nom oserai-je prétendre
140 Qu’elle reçoive avec bonté
Les hommages qu’on vient lui rendre ?

THALIE.

Venez tous reconnaître en moi,
Une des Muses du Théâtre.

CRISPIN.

Allons gaiement, la Muse est gaillarde et folâtre
145 Et le Comique est son emploi.
Entrée des Acteurs et des Actrices qui viennent saluer Thalie.

THALIE.

Vos Acteurs, à ce que je vois,
Ont presque tous du talent pour la danse ?

CRISPIN.

6
Fi donc ! Vous vous moquez, je crois ?
Ce n’est pas là danser, c’est marcher en cadence.

THALIE.

150 Quelqu’un de vous n’a-t-il pas de la voix ?

CRISPIN.

Pour chanter non. Il est vrai que parfois
Ils vous prennent un ton tendrement énergique,
Demi gaillard, demi tragique,
Une façon de réciter,
155 Qu’on prendrait pour de la Musique,
Quand le tour du Vers est Lyrique,
Ce diable de ton-là ne se peut éviter.
C’est un grand défaut au Comique.

THALIE.

Cette manière de récit
160 Sera pour moi toute nouvelle,
Et peut-être me plaira-t-elle ;
La nouveauté quelque fois réussit.
Messieurs, que l’on me fasse entendre
Ceux en qui ce défaut est le moins vicieux.

CRISPIN.

165 Allons, Monsieur Sallé, du grand, du beau, du tendre,
De l’enjoué, du sérieux,
Quelque chose qui touche l’âme.
C’est assurément lui, Madame,
À qui sans contredit ce défaut sied le mieux.
CHANSON DE Monsieur Sallé.
170 Sombre forêt, aimable solitude,
Votre ombre impénétrable à la clarté du jour,
Ne l’est pas à l’inquiétude
Que me cause un funeste amour.
De l’inhumaine que j’adore
175 L’image me suit en tous lieux,
Et le cruel Amour la présente à mes yeux
Plus belle qu’elle n’est encore.

THALIE.

Cet Acteur a la voix touchante,
Et je suis tout à fait contente
180 De cette sorte de récit.

CRISPIN.

Elle ne me plaît point, moi, je trouve qu’il chante…
Et cependant le public l’applaudit.

THALIE.

Vous pourriez, à ce qu’il me semble,
Réciter ainsi deux ensemble ?

CRISPIN.

185 Deux soit, n’allez pas jusqu’à trois ;
Car c’en serait trop à la fois.
Allons, Messieurs du Chromatique,
De l’enjouement avec du pathétique,
Et puis à peu près, là, sur le ton qu’ils prendront,
190 Pour ne pas rester à rien faire,
Les autres Acteurs marcheront,
Ou par-devant, ou par derrière,
Tantôt de biais, tantôt en rond.
CHANSON DE M. Sallé et Ponteuil.
Ô l’heureux jour !
195 Muse adorable :
Que ton retour
Nous est favorable !
Qu’il charme nos sens !
Vous qui de nos jeux innocents,
200 Faites un usage agréable,
Venez seconder nos désirs,
Venez partager nos plaisirs,
Approuvez nos efforts, approuvez notre zèle,
Et nous favorisez comme elle.

THALIE.

205 Vous récitez très galamment,
Et marchez tous légèrement.
J’approuve fort cette manière,
Et sans aucun secours d’une main étrangère,
Vous pourriez assez aisément
210 Mettre des Pièces d’agrément.

CRISPIN.

Des Pièces d’agrément sans Danse, sans Musique ?
Autant vaut fermer la Boutique.

MADEMOISELLE DESMARRES.

Pourquoi donc ? Nous venons de remettre Psyché,
Avec tout le succès qu’on s’en pouvait promettre.

CRISPIN.

215 Oui : mais au double il a fallu la mettre,
Et le Public s’en est presque fâché.
Demandez, demandez, hem…

MADEMOISELLE DESMARRES.

Malgré sa colère,
En foule il est venu la voir,
Et nous sortions bienheureux d’en avoir
220 Une qui pût autant lui plaire.

CRISPIN.

Où la prendre ? Où l’aller chercher ?
Si ce n’est par bonne fortune
Que Madame Thalie en indique quelqu’une,
Qui de loin seulement paraisse s’en approcher.

THALIE.

225 Je voudrais un sujet Comique,
Bien manié, bien entendu,
Et plus galant que magnifique.

CRISPIN.

Par de certains Auteurs il sera mal rendu,
Si vous ne les aidez de votre Rhétorique.

THALIE.

230 Je me souviens autrefois d’avoir vu
Réussir certain INCONNU :
Il ne serait pas mal je pense,
Après l’avoir si longtemps négligé,
D’essayer sans trop de dépense
235 Si le goût du Public ne serait point changé.

MADEMOISELLE DESMARRES.

Oui, l’Inconnu, la Pièce est toute préparée,
Et je crois que déjà les Rôles en sont sus.

CRISPIN.

Mais la Musique est égarée,
Les Airs et les Chansons ne se retrouvent plus.

MIMY.

240 Un de nos Musiciens en a fait de nouvelles,
Qui ne sont pas sans agrément ;
De ces sortes de bagatelles
Il s’acquitte assez galamment.

THALIE.

Je vous seconderai de toute ma puissance.

MADEMOISELLE DESMARRES.

245 Le conseil de la Muse assure le succès.

CRISPIN.

Elle ne nous a pas conseillé la dépense,
De crainte d’accident ne faisons pas grands frais.
Ne prendra-t-on que le prix ordinaire,
Ou le double, comme à Psyché ?

THALIE.

250 Non, le simple.

CRISPIN.

Messieurs, la Muse aime à vous plaire !
En sa faveur on vous fait bon marché.
En sa faveur aussi… Voici ce qu’il faut faire.
Agréez nos efforts, louez, applaudissez,
Venez en foule, et souvent, c’est assez.

DIVERTISSEMENT DU PREMIER ACTE. §

SCÈNE I. La Comtesse, Olimpe, deux enfants représentants l’Amour et la Jeunesse, Virgine, Mélisse, Valet More. §

L’AMOUR.

255 Vous voyez l’Amour et la Jeunesse
Qui viennent admirer la charmante Comtesse,
Et lui dire à l’envi, qu’être de ses plaisirs
Fait l’unique bonheur qui flatte leurs désirs.

LA COMTESSE.

Et qui les a conduits ?

VIRGINE.

Cet homme qui jargonne
260 Certains mots, qui ne sont entendus de personne ;
Et sont tous deux entrés, demandant à vous voir.

OLIMPE.

C’est encor l’Inconnu.

LA COMTESSE.

Nous allons le savoir.

L’AMOUR.

Nous n’avions pas besoin que l’on nous vînt conduire ;
Et d’eux-mêmes jusqu’à ce jour,
265 Jamais dans aucun lieu la Jeunesse et l’Amour
N’ont eu de peine à s’introduire.

OLIMPE.

L’aimable couple !

LA COMTESSE.

Il n’est rien de si beau.

OLIMPE.

De leur petite mascarade,
Le dessein est assez nouveau.

LA COMTESSE.

270 Il faut les écouter ; car je me persuade
Qu’ils nous vont de l’Amour faire un joli tableau.

DIALOGUE. De l’Amour et de la Jeunesse. §

LA JEUNESSE.

Quoique vous nous voyiez ensemble,
C’est assez rarement que nous sommes d’accord.

L’AMOUR.

Comme tout me cède, il me semble
275 Que me céder aussi ne vous ferait pas tort.

LA JEUNESSE.

Moi vous céder ! Et pourquoi, je vous prie ?
Si vous avez des charmes assez doux
Qui plaisent en coquetterie,
Je me fais aimer plus que vous.
280 Jamais je ne quitte personne,
Qu’on ne s’en fasse un dur tourment.
Hélas, dit-on, faut-il si promptement
Que la Jeunesse m’abandonne ?
Mais quand le noir chagrin de vos transports jaloux,
285 Force deux cœurs à la rupture,
On y trouve un repos si doux,
Qu’on vous laisse aller sans murmure ;
Et je ne sache que les fous,
Qui, mal guéris de leur blessure,
290 Veuillent renouer avec vous.

L’AMOUR.

Et quand on ne rompt point, est-il douceurs pareilles.

LA JEUNESSE.

C’est un miracle dont le bruit
Vient rarement à mes oreilles :
Mais regardons le dégoût qui le suit
295 Ce n’est pas comme la Jeunesse,
Qui se trouve aimable en tous temps.
Vous n’avez point d’agrément qui ne cesse,
Pour peu que vous alliez au-delà du Printemps.
Quand l’âge vient, la belle chose
300 Que les soupirs de deux amants barbons !
À quoi peuvent-ils être bons,
Qu’à plaindre leur métamorphose ?
Ce n’est plus en douceurs qu’ils passent tout le jour.
L’un dort tandis que l’autre gronde ;
305 Et jamais on ne vit au monde,
Rien de si sot qu’un vieil amour.

L’AMOUR.

De vos jeunes attraits vous faites bien la fière.

LA JEUNESSE.

On la ferait à moins. Partout je saute aux yeux,
On me nomme partout des beautés la première,
310 Et c’est en quoi sur vous je l’emporte encore mieux ;
Car enfin pour me vaincre employez ruse, adresse,
Cherchez artifice, détours,
Il n’est point de laide Jeunesse :
Mais il est de vilains Amours.

L’AMOUR.

315 Vous croyez que je me chagrine
De vous voir ravaler mes droits.

LA JEUNESSE.

Il n’est pas défendu de faire bonne mine,
Quoiqu’on enrage quelquefois.

L’AMOUR.

Vous n’êtes qu’un enfant, c’est ce qui vous rend vaine ;
320 Mais je me vengerai dans peu sur votre cœur.

LA JEUNESSE.

Vos traits ne me font point de peur.
Mais finissons un discours qui vous gêne.
Fin du Dialogue.

SCÈNE III. §

L’AMOUR.

Approchez, notre conducteur,
C’est à vous d’entrer sur la Scène.
Air Italien, chanté par un Indien qui a conduit l’Amour et la Jeunesse.

UN INDIEN.

325 Dalle sponde del mar
D’ove l’Aurora,
Nasce ad indorar
Odorosi Campi di Flora.
Vengo per mirar
330 La beltà che’l mondo adora.
Ad un ciglio
Fiammegiante
Ad un occhio
Fulminante
335 Nò, nò, nò,
Nò resister non si puo.
Venite amori,
In tutti i cuori
Spirate ardori.

OLIMPE.

340 En toute langue on vous dit des douceurs.

LA COMTESSE.

Ignorant qui me les adresse,
Ce sont d’assez vaines ardeurs.
Mais tâchons d’accorder l’Amour et la Jeunesse.

LA JEUNESSE.

Aucun de nous n’est d’humeur à céder.

L’AMOUR.

345 Il faut du moins nous accorder,
Pour louer dignement cette belle Comtesse.

LA JEUNESSE.

La louer, ce n’est point mon fait,
Je ne pourrais assez élever son mérite,
Et j’aime mieux en être quitte
350 Pour ma guirlande et ce bouquet.
Prenez, d’une Déesse il n’est rien qu’on refuse.

L’AMOUR.

Pour moi qui cherche à voir tous les cœurs sous mes lois,
Je sais comme il faut que j’en use,
Et veut mettre à ses pieds mon arc et mon carquois.

OLIMPE, reprenant le carquois de l’Amour, d’où elle tire un billet parmi les flèches.

355 Qu’il est bien fait ! Mais Dieux ! À l’aimable Comtesse.
Madame, c’est à vous que ce billet s’adresse.

LA COMTESSE.

Lisons.

OLIMPE.

De l’Inconnu j’admire le talent.
Tout ce qu’il fait enchante.

LA COMTESSE.

Il n’est rien plus galant.
Elle lit.
Quoique ma passion extrême
360 Me fasse un souverain bonheur
Du plaisir de vous dire à quel point je vous aime,
Permettez que l’Amour vous parle en ma faveur,
Avant que je parle moi-même.
J’ose attendre beaucoup d’un entretien si doux.
365 Hé ! Qui sait mieux que ce que je sens pour vous.

OLIMPE.

C’est s’exprimer avec tendresse.

LA COMTESSE.

On dit plus qu’on ne sent : mais je veux à mon tour
Faire un présent à la Jeunesse.
La Comtesse lui donne un diamant.

LA JEUNESSE.

J’accepte cette bague, attendant l’heureux jour
370 Où vous saurez pour qui je m’intéresse.

LA COMTESSE.

Je ne donne rien à l’Amour.
Il se vante, et je crains ses contes ordinaires.

L’AMOUR.

Par lui-même l’Amour trouve à se contenter ;
Et tant qu’il se fait écouter,
375 Il n’est pas mal dans ses affaires.
L’Amour et la Jeunesse s’en vont avec le Maure.

OLIMPE.

On les a bien instruits.

LA COMTESSE.

Tâche à les amuser.
Virgine, les enfants n’aiment point à se taire,
Et de notre Inconnu par eux…

VIRGINE.

Laissez-moi faire,
380 En badinant je les ferai jaser.
Fin du Divertissement du premier Acte.

DIVERTISSEMENT DU SECOND ACTE. §

SCÈNE I. La Comtesse, Olimpe, Le Chevalier, Le Marquis, Virgine, Mélisse. §

LE CHEVALIER.

Quoique j’ignore encor quel spectacle on apprête,
Je puis vous préparer à quelque grande fête,
Madame, dans ce bois j’ai vu des gens épars,
Qui pour vous la donner viennent de toutes parts.
385 Ils s’avancent vers vous.

LE MARQUIS.

Vous devez les attendre,
Madame, et l’Inconnu ne saurait moins prétendre :
Il connaît mieux que moi ce que c’est qu’être Amant,
Partout il vous régale.

LA COMTESSE.

Et toujours galamment ;
Du moins j’ai tout sujet d’en être satisfaite.

LE MARQUIS.

390 Vous pouvez l’écouter, voici son Interprète.

SCÈNE II. La Comtesse, Le Marquis, Le Chevalier, Olimpe, La Montagne représentant Comus, Virgine, Mélisse, Suite de Comus. §

COMUS.

Madame, par hasard, si Comus est un Dieu
Qui soit de votre connaissance,
Vous le voyez en moi qui paraît en ce lieu
Pour vous jurer obéissance.
395 Je suis un grand Maître en Festins,
À les bien ordonner on connaît mon génie :
Et l’Amour, dont le goût fut toujours des plus fins,
Voulant en bonne compagnie
Vous donner un régal approchant des divins,
400 M’a fait Maître d’Hôtel de la Cérémonie.
C’est un Dieu quoique très petit,
À qui l’on peut céder sans honte.
Marchez sous sa conduite, et rendez-vous plus prompte
À faire tout ce qu’il vous dit,
405 Vous y trouverez votre compte.

LA COMTESSE.

Sur l’espérance des douceurs
Dont l’Amour doit combler nos cœurs,
Quand une fois il s’en empare,
Je suivrais volontiers ses pas :
410 Mais comme il est enfant, j’ai peur qu’il ne s’égare,
Et j’aime à ne me perdre pas.

COMUS.

Avancez, il est temps ; vite, que l’on commence.
Plusieurs Paysans apportent des corbeilles pleines de fruits.

LE CHEVALIER, à la Comtesse.

Tant de galanterie a droit de vous charmer,
Madame.

OLIMPE.

N’épargner ni peine ni dépense,
415 Pour fournir des plaisirs toujours en abondance,
C’est là ce qui s’appelle aimer.

COMUS.

Madame, il ne faut point différer davantage ;
Quand l’Amour, dont je prends ici les intérêts,
Par ce régal vous rend un tendre hommage,
420 Vous connaissez à quel usage
En sont destinés les apprêts.

LA COMTESSE.

Je ne veux pas les laisser inutiles,
Olimpe y prendra part ainsi que son Amant.

OLIMPE.

Volontiers. Les refus sont assez difficiles,
425 Quand on agit si galamment.

LA COMTESSE.

J’ai besoin d’une main, la vôtre est-elle prête,
Marquis ?

LE MARQUIS.

Vous vous moquez, je crois ?

LA COMTESSE.

Non, vous me conduirez.

LE MARQUIS.

Je renonce à la Fête,
Elle n’est pas faite pour moi.

LA COMTESSE.

430 Point d’excuse, point de défaite,
Je veux que vous veniez.

LE MARQUIS.

Hé ! Madame.

LA COMTESSE.

Hé ! Marquis,
Sans façon, croyez-moi, faites ce que je dis.
Vous vous montrez plus jaloux que vous n’êtes.

LE MARQUIS.

435 Justement.

LA COMTESSE.

Je connais votre cœur mieux que vous,
Et c’est si rarement que le trouble y peut naître…

LE MARQUIS.

Oui, Madame, j’ai tort de paraître jaloux,
Car je n’ai pas sujet de l’être.
Le Marquis sort.

SCÈNE III. La Comtesse, Olimpe, Le Chevalier, Virgine, Mélisse, Comus, Suite de Comus. §

OLIMPE.

On dirait qu’ils sont en courroux.

LA COMTESSE.

440 Il aura tout le loisir de s’en rendre le maître :
Cependant divertissons-nous.

COMUS.

Tandis que vous ferez une épreuve agréable
Des douceurs que ces fruits offrent aux curieux,
L’Amour qui m’emploie en ces lieux,
445 M’a fait chercher ce qu’il a cru capable
De pouvoir attacher vos yeux.
Allons, faites de votre mieux,
Et qu’à l’envie chacun de montre infatigable.
La Comtesse s’avance, avec Olimpe et le Chevalier, vers les corbeilles de fruits. Les Paysans et Paysannes dansent, pendant que la Comtesse et sa compagnie font collation.

MADEMOISELLE DESMARRES en Jardinière.

L’âme la plus fière
450 Aux traits des amours,
Follement espère
Résister toujours :
On fuit, on échappe
À leurs premiers coups ;
455 Si l’un ne nous frappe,
L’autre nous attrape :
Ces petits libertins sont tous
Tôt ou tard les maîtres de nous.
L’âme la plus fière
460 Aux traits des amours,
Follement espère
Résister toujours.
Aux cœurs sans défense
Leur empire est doux,
465 Trop de résistance
Souvent les offense.
Ces petits libertins sont tous,
Tôt ou tard les maîtres de nous.
L’âme la plus fière
470 Aux traits des amours,
Follement espère
Résister toujours.

MONSIEUR PONTEUIL en Jardinier.

S’il faut tôt ou tard que l’on aime,
Si les traits des amours ne peuvent se parer,
475 N’est-ce pas une erreur extrême
De s’obstiner à différer,
S’il faut tôt ou tard que l’on aime,

MONSIEUR SALLÉ en Jardinier.

Tous les moments que l’on diffère
Sans éteindre nos feux contraignent nos désirs,
480 L’amour est un mal nécessaire,
Et l’on dérobe à ses plaisirs
Tous les moments que l’on diffère

LA COMTESSE.

Leur danse, leur voix, tout m’enchante.

LE CHEVALIER.

On aurait peine à mieux chanter.

LA COMTESSE.

485 La beauté de la Fête a passé mon attente.

OLIMPE.

L’Inconnu l’ordonnant, aviez-vous à douter
Qu’elle ne fût toute galante ?

COMUS.

Hé bien, pour toucher votre cœur
Comus a-t-il su satisfaire,
490 En Dieu d’importance et d’honneur,
À tout ce que l’Amour l’avait chargé de faire !

LA COMTESSE.

Comus peut s’assurer partout de son bonheur,
Si Comus s’en fait un de plaire.
Mais comme en terre quelquefois
495 La divinité s’humanise,
Le Dieu Comus pourrait m’apprendre à qui je dois
Le divertissement dont il me voit surprise.

COMUS.

C’est un secret qu’à conserver
Ma qualité de Dieu m’engage.
500 Et de ses soins l’Amour, qui veut vous éprouver,
Peut espérer quelque avantage,
Il m’attend dans le Ciel où je le vais trouver,
Employez-moi pour le message.

LA COMTESSE.

Je ne m’explique pas ainsi,
505 Je veux connaître avant qu’entrer en confidence.

COMUS.

Ma suite a disparue, et je suis seul ici.
Bonsoir : vivez en espérance
De sortir bientôt de souci.

LA COMTESSE.

Se taire, se cacher si longtemps quand on aime ?

VIRGINE.

510 J’avais cru par l’un d’eux en lui parlant tout bas,
Développer ce stratagème ;
Mais après quelques mots que peut-être moi-même
En les disant n’entendait pas,
Il a d’une vitesse extrême
515 Pour s’éloigner doublé le pas.

LA COMTESSE.

Pour moi, je ne sais plus qu’en dire.

OLIMPE.

Le temps éclaircira l’amour de l’Inconnu,
Un peu de patience.

LA COMTESSE.

Il faut tâcher d’en rire,
En attendant que ce temps soit venu.
Fin du Divertissement du second Acte.

DIVERTISSEMENT DU TROISIÈME ACTE. §

SCÈNE I. La Comtesse, Olimpe, Le Marquis, Le Chevalier, Virgine, La Montagne représentant un bohémien, Troupe de bohémiens. §

Ils entrent tous au bruit des Castagnettes et des Tambours de Biscaye.

LA COMTESSE.

520 Pour des bohémiens, cet équipage est beau.

VIRGINE.

On les a rencontrés qui venaient au Château.

LA COMTESSE.

Rien n’est si propre qu’eux.

LE CHEVALIER.

La bande est fort complète.

OLIMPE.

Elle vaut bien la voir.

LA COMTESSE.

525 J’en suis très satisfaite.

LA MONTAGNE.

Nous ne faisons qu’arriver de Paris,
Où pour avoir dit des nouvelles
Assez agréables aux Belles,
On nous a fait présent de ces riches habits :
530 Mais rien n’approche là de ce qu’on voit paraître,
Où vos divins attraits cessent d’être cachés.
Comme de tous les cœurs leur éclat se rend maître,
Souffrez qu’en l’admirant, nous vous fassions connaître
Combien nous en sommes touchés.
Toute la troupe de Bohémiens donne des marques d’admiration, par une figure qu’elle fait en regardant la Comtesse.

LA COMTESSE.

535 La figure est galante.

OLIMPE.

Et fort bien ordonnée,
Partout où vous irez, le prix vous est certain.
Mais voyez cette belle main,
Et nous dites à qui l’Amour l’a destinée.

LA COMTESSE, donnant la main.

Puisque vous le voulez, il faut y consentir.

LA MONTAGNE.

540 Comme nous sommes gens de qui la connaissance
Sut toujours de l’erreur se garantir,
C’est sur nous seuls qu’on doit prendre assurance,
Les autres ne font que mentir.
Dans vos plus grands projets vous serez traversée ;
545 Mais en vain contre vous la brigue emploiera tout,
Vous aurez le plaisir de la voir renversée,
Et d’en venir toujours à bout.
Vous avez quelquefois de flatteuses manières,
Qui seraient pour l’espoir un motif bien pressant,
550 Si pour les balancer vous n’en aviez de fières,
Qui le font mourir en naissant.
Cette ligne qui croise avec celle de vie,
Marque pour votre gloire un murmure fatal ;
Sur des traits ressemblants on en parlera mal,
555 Et vous aurez une copie
Qui vous fera croire l’original.
D’un honneur ennemi de la Cérémonie,
N’en prenez pas trop de chagrin ;
Si notre gaillarde figure,
560 Contre vous quelque temps cause un fâcheux murmure,
Un tour de ville y mettra fin,
Et vous rirez de l’aventure.
Votre cœur est brigué par quantité d’amants ;
Mais le premier de tous pourrait s’en rendre maître,
565 Si le dernier, sans se faire connaître,
Ne vous inspirait pas de tendres sentiments :
Cependant vous aurez beau à faire,
Même prix, même gloire est acquise à leurs feux,
Vous les épouserez tous deux,
570 C’est du destin, un décret nécessaire.

LA COMTESSE.

Tous deux ?

OLIMPE.

Si pour constant ce décret est tenu,
Madame, du Marquis nous demandons la vie,
Il vous a le premier servie :
Quand vous serez veuve de l’Inconnu,
575 Vous pourrez l’épouser, s’il vous en prend envie.

LE MARQUIS.

Non, non, je prends sur moi de démentir
La nécessité du veuvage.

LA COMTESSE.

Laissons-là tout ce badinage,
Et songeons à nous divertir,
580 Point de mort, ni de mariage.

LE CHEVALIER.

Leur rapport ne peut rien que sur les scrupuleux,
Qui s’en font un fâcheux augure.

OLIMPE.

Et ces enfants qu’ils mènent avec eux
Disent-ils la bonne aventure.

PETIT BOHÉMIEN.

585 Croyez-vous qu’on nous mène en vain ?
Si vous voulez, je vous dirai la vôtre.

OLIMPE.

Je vous écouterai plus volontiers qu’un autre,
Venez, j’abandonne ma main.

PETIT BOHÉMIEN.

Pour découvrir plus à mon aise
590 Ce que j’y vois de plus caché,
Avant toute autre chose, il faut que je la baise :
C’est-là ce que je mets toujours à mon marché.

OLIMPE.

Il peut garder son privilège,
Sans qu’on songe à le contester.

PETIT BOHÉMIEN.

595 Il est doux de vous en conter :
Mais il faut se garder du piège ;
Vous êtes fine, fine, et vous ne dites pas
Tout ce que vous avez dans l’âme.
Un amant déclaré brûle pour vos appas :
600 Mais comme un autre en secret vous enflamme,
De ce premier, ma bonne Dame,
Vous avez peine à faire cas.

LE CHEVALIER.

Vous le voyez, Madame, un enfant vous accuse,
Condamnez mon jaloux dépit.

OLIMPE.

605 À faire un conte en l’air, l’âge lui sert d’excuse,
Il parle comme il peut, sans savoir ce qu’il dit.

LA COMTESSE.

Chevalier, les jaloux souvent se font haïr.
Finissons, et prions quelqu’une de la bande,
Puisque nous avons le loisir
610 De danser une sarabande.

LA BOHÉMIENNE.

La belle Comtesse commande,
Nous faisons gloire d’obéir.
On danse.

MADEMOISELLE DESMARRES, en Bohémienne, chante.

Un Inconnu pour vos charmes soupire.
Son sort égalerait celui des Dieux,
615 S’il pouvait lire
Dans vos beaux yeux,
Qu’avec plaisir vous souffrez en ces lieux,
Les soins qu’il prend de vous le faire dire.
Sur son destin, que faut-il qu’il apprenne ?
620 D’un tendre aveu soulagera le souci
D’un cœur en peine
D’être éclairci,
Nous disons la bonne aventure ici,
Ne pourrons-nous l’instruire de la sienne.
625 Monsieur Ponteuil en Bohémien.
Belles, qui voulez apprendre
Quelle fortune vous aurez,
Ne pouvez-vous pas prétendre
À celle que vous voudrez ?
630 Il est un sort qui de vous doit dépendre ;
D’heureux destins
Sont en vos mains,
C’est à vous de les faire, à nous de les attendre.

LA COMTESSE.

J’admire également et la voix et la danse,
635 Il n’est rien, dont par là, vous ne veniez à bout,
Et vous méritez tous, que pour reconnaissance…

LA BOHÉMIENNE.

Vous avoir divertie, est une récompense,
Qui nous doit tenir lieu de tout.

LA COMTESSE.

Mais je veux qu’un présent…

LA BOHÉMIENNE.

Non, Madame, de grâce,
640 Réservez vos présents, et nous laissez aller.

OLIMPE.

Ils sortent.

LA COMTESSE.

Suivez-les, Virgine, et que l’on fasse
Tout ce qui se pourra pour les bien régaler.
Fin du Divertissement du troisième Acte.

DIVERTISSEMENT DU QUATRIÈME ACTE. §

SCÈNE I. La Comtesse, Olimpe, Le Vicomte, Le Marquis, Le Chevalier, La Montagne représentant un bohémien, Troupe de bohémiens, Virgine, Cascaret. §

CASCARET.

Madame…

LA COMTESSE.

Que veut-on ?

CASCARET.

Un Monsieur vous demande.

LA COMTESSE.

Voyez qui c’est, Virgine, et l’amenez ici.

VIRGINE.

645 Je n’irai pas bien loin, Madame, le voici.
La Montagne représentant un Comédien.
Ayant plus d’une fois eu l’honneur de paraître
Devant leurs Majestés, je croirais mal connaître
Ce que l’on doit, Madame, à votre qualité,
650 Si m’étant pour ce soir dans le Bourg arrêté…
Je ne vous venais pas faire la révérence.

LA COMTESSE.

Je suis fort obligée à votre complaisance ;
Mais ne sachant à qui…

LE COMÉDIEN.

Je suis Comédien,
Madame.

LE VICOMTE, l’embrassant.

Ah, serviteur. Ne vous manque-t-il rien,
655 Pour nous pouvoir ici donner la Comédie ?

LE COMÉDIEN.

Non, Monsieur.

LE VICOMTE.

Il faudrait quelque Pièce applaudie,
Où l’emploi des Acteurs répondit…

LE COMÉDIEN.

Laissez-nous
Le soin de la choisir.

LE VICOMTE.

Et Circé, l’avez-vous ?

OLIMPE.

Nous, Circé ? Non, Monsieur, Paris seul est capable…

LE VICOMTE.

660 Les singes m’y charmaient, leur scène est admirable.

OLIMPE.

C’est là le bel endroit.

LE VICOMTE.

Il plaît à bien des gens.

LA COMTESSE, au Comédien.

Et comment jouerez-vous ?

LE VICOMTE.

Avec des Paravents.

LE COMÉDIEN.

Un moment suffira pour dresser un Théâtre.

OLIMPE.

La Comédie enchante, et j’en suis idolâtre.

LE VICOMTE.

665 J’en voudrais retrancher ces grandes passions,
On y pleure, et je hais les lamentations…

OLIMPE.

Vous êtes gai.

LE VICOMTE.

Jamais aucun chagrin en tête,
Je ris toujours.

LE COMÉDIEN.

Tandis que la Troupe s’apprête,
Nous avons parmi nous des voix dont on fait cas,
670 Vous plaît-il les ouïr ?

LA COMTESSE.

Qui ne le voudrait pas ?

LE VICOMTE.

Ce début de chanteurs servira de prologue.

LA COMTESSE, aux Acteurs Musiciens.

Avancez. Vous allez entendre un Dialogue,
Dont j’ai vu jusqu’ici tout le monde charmé.

LE VICOMTE.

Voyons ce Dialogue.

LE COMÉDIEN.

Il est fort estimé.

DIALOGUE. Chanté par Monsieur et Mademoiselle Sallé, vêtus en Berger et en Bergère, sous le nom d’Alcidon et d’Aminte. §

AMINTE.

675 Berger, vous savez le mystère
Que je brûle de découvrir.
Un Inconnu cherche à me plaire ;
Des feux cachés ne peuvent m’attendrir ;
Ou qu’il cesse de se taire,
680 Ou qu’il songe à se guérir.

ALCIDON.

Vous aimez à voir souffrir,
Il n’est point de Bergère
Plus cruelle et plus fière.
Qu’à vos yeux l’Inconnu s’ose offrir,
685 Vous le trouverez téméraire,
Et vous le laisserez mourir.

AMINTE.

Ou qu’il cesse de se taire,
Ou qu’il songe à se guérir.

ALCIDON.

L’Amour est un Dieu charmant,
690 Qui pour plaire n’a qu’à paraître ;
Mais il s’offre à vous vainement,
Dans votre cœur sa flamme ne peut naître,
Si sous un long déguisement
Un Inconnu cherche à s’en rendre maître.
695 Pourquoi chercher à connaître l’Amant,
Quand l’Amour est un Dieu qu’on ne veut pas connaître ?

AMINTE.

Pour un invisible
Quel cœur est sensible ?
Il soupire inutilement.
700 Pour un invisible
Quel cœur est sensible ?
Prend-on de l’amour sans connaître l’amant ?

ALCIDON.

D’un doux sourire,
D’un tendre espoir
705 Flattez son martyre,
Vous allez voir
Qu’il brûle de dire
Ce secret qu’il fait tant valoir.

AMINTE.

Ah ! S’il brûle de m’en instruire,
710 Adieu, Berger, adieu, je n’en veux rien savoir.
Fin du Dialogue.

OLIMPE.

Madame, après cela que l’Inconnu hasarde
De se faire connaître.

LE VICOMTE.

Oh, vraiment, il n’a garde,
Mais aux airs sérieux, je prends peu de plaisir.

LE COMÉDIEN.

Ils en savent de gais, vous n’avez qu’à choisir.

Air chanté par MADEMOISELLE SALLÉ.

715 Profitons des plaisirs
Que l’Amour nous présente.
De ses tendres désirs
Il n’est point d’âme exempte.
La moins diligente
720 Perd le meilleur temps ;
Et telle est prude à quinze ans,
Qui devient coquette à trente.

Air chanté par MONSIEUR SALLÉ.

On ne saurait être heureux,
Si l’on n’a pas l’art de plaire,
725 Si l’on n’est pas amoureux,
On ne saurait être heureux,
Sans amour on ne plaît guère.
On ne saurait être heureux,
Si l’on n’a pas l’art de plaire,
730 L’on ne saurait être heureux,
Si l’on n’est pas amoureux,

LE VICOMTE.

Morbleu que je le suis !

OLIMPE.

La Chanson est jolie :
Mais en chantant toujours le Théâtre s’oublie.

LE COMÉDIEN.

J’en aurai soin.

LE VICOMTE.

Allons-y faire travailler,
735 Et leur choisir un lieu commode à s’habiller.
Fin du Divertissement du quatrième Acte.

DIVERTISSEMENT DU CINQUIÈME ACTE. §

SCÈNE I. La Comtesse, Le Marquis, Le Chevalier, Le Vicomte, Virgine, La Montagne. §

LE VICOMTE.

Madame.

LA COMTESSE.

Quoi, déjà de retour ?

LE VICOMTE.

Ah ma foi
Nous allons bien ici nous divertir.

LA COMTESSE.

De quoi ?

LE VICOMTE.

Hé ! Cela vaudrait mieux que votre Comédie,
Pour moi je n’ai rien vu de plus gai de ma vie,
740 Et vous en ferez cas sans doute à votre tour.
J’ai pris, en vous quittant, mon chemin par le bourg,
À dessein d’obliger notre troupe obstinée,
À nous tenir ce soir la parole donnée :
Mais à peine ai-je fait vingt pas, que j’ai trouvé
745 De quoi recevoir tous un plaisir achevé.
Une noce morbleu ; mais noce de village,
Plaisante au dernier point par chaque personnage ;
Et j’ai si bien prêché, qu’elle vient sur mes pas.
Que vous rirez voyant ce grotesque fracas !

LA MONTAGNE, s’en allant.

750 Il est de notre cru, nous y ferons figure.

LE VICOMTE.

7
Ah morbleu, que ne puis-je en faire la peinture !
Vous en ririez d’avance, et diriez comme moi,
Que tout cet attirail est un plaisir de Roi.
Entre autres l’on y voit, outre la mariée,
8
755 Qui suit en bel arroi la troupe conviée,
Un ramas d’animaux, qui des plus sottes gens
En différente espèce offre le passe-temps.
Un Suisse, un vieux bourgeois, des clercs, des villageoises,
9
Des grisettes, un page, et de riches Bourgeoises,
760 Et deux badauds, dont l’un est aussi sot, et plus,
Que ne fut en son temps Thomas Diafoirus.
Ah, qu’en guerre un parti ferait là de ravages !
Ma foi les beaux habits resteraient pour les gages.

LA COMTESSE.

L’assemblée est risible, et c’est un raccourci…

LE VICOMTE.

765 Vous en aurez la vue en demeurant ici.
Si par quelque accident la noce n’est troublée,
J’ai fait de cet endroit le lieu de l’assemblée.

OLIMPE.

Ah, Madame, voyons.

LA COMTESSE.

Hé bien voyons.

LE MARQUIS.

Comment ?
Parlez-vous tout de bon, Madame ?

LA COMTESSE.

Assurément.

LE MARQUIS.

770 La cohue, une noce aurait de quoi vous plaire ?

LA COMTESSE.

Oui.

LE MARQUIS.

Vous n’y songez pas.

LA COMTESSE.

Non ? À votre ordinaire
Vous êtes complaisant.

LE MARQUIS.

Je ne m’oppose à rien ;
Mais tant de sottes gens vous ennuieront.

LA COMTESSE.

Hé bien,
Je veux me divertir à m’ennuyer.

OLIMPE.

Courage,
775 Tenez ferme.

LE VICOMTE.

Faut-il consulter davantage ?
Vous diriez qu’il s’agit de donner un assaut.

LA COMTESSE.

C’est que le Marquis sait…

LE MARQUIS.

Je sais ce qu’il vous faut.

LA COMTESSE.

Mais enfin je le veux.

LE MARQUIS.

Je n’ai plus rien à dire.

LE VICOMTE.

Voici toute la bande, apprêtez-vous à rire.
La noce entre. La Comtesse, le Marquis, etc. s’assoient sur un banc à un côté du Théâtre ; et pendant que les violons jouent la Marche, tous les gens de la noce, deux à deux, font la révérence à la Comtesse en passant devant elle, et se vont ranger au fond du théâtre.

VIRGINIE, après qu’ils sont rangés au fond du théâtre, dit.

780 Ah, que la mariée est drôle !

LE VICOMTE.

Dame, c’est
La perle du pays.

OLIMPE.

10
Et ce pauvre benêt
Que je vois auprès d’elle, est-ce l’époux ?

LE VICOMTE.

Lui-même.
11
Sa figure allongée est d’un vrai Nicodème.

OLIMPE, riant.

Ah !

LE VICOMTE.

Savez-vous à quoi je le trouverais bon ?
785 À faire de sa tête un boulet de canon.
Qu’il ferait beau la voir rebondir en l’air !

LE MARQUIS.

Je gage
Que vous vous ennuyez.

LA COMTESSE.

Vous ne seriez pas sage,
De hasarder beaucoup, vous perdriez.

LE MARQUIS.

Vos yeux
Font voir…

LA COMTESSE.

Qu’on aurait peine à se divertir mieux.
790 Voyons, à cela près, ce qui suit.

LA MONTAGNE, représentant Gros-Jean.

12
Ça morguenne,
13
Dansons de la gaillarde, et que l’on se démène.

PIERRETTE.

C’est parler de raison… Je vas pour commencer
Prendre un de ces Monsieux, et le faire danser.
Vous plaît-il…
En faisant la révérence au Marquis.

LE MARQUIS.

Non, jamais je ne danse.

GROS-JEAN.

Parrette,
795 Laisse-le là ; morgué ce n’est pas comme on traite.

PIERRETTE.

Parce qu’il est tout d’or, il fait bien le Signeur :
Oh si je sommes pauvres, au moins j’ons de l’honneur,
Et je craignons rian.

LE VICOMTE.

Je vais prendre sa place,
C’est qu’il a du chagrin. Attendant qu’il se passe,
800 Voyons ce qu’à la danse un gentilhomme vaut.
Après avoir dansé.
14
Hé bien ! N’est-ce pas trémousser comme il faut ?
J’en fais partout de même. À vous la mariée.
Il redanse la même Bourrée.
Elle est jolie. Un air, la taille déliée.
Allons, courage, ferme, à la recharge, bon.
805 Voilà s’en acquitter de la belle façon,
Je l’aime ; elle a les yeux tournés d’une manière…

LA MARIÉE.

Hé, Monsieur.

LE VICOMTE.

15
Voulez-vous être ma vivandière,
Si je vais à l’armée ? Ah, morbleu, je prétends
Vous faire vivre en Reine, et bien passer le temps.
810 Qu’en dites-vous ?

LA MARIÉE.

Oh rien ! Quand j’en serais bien aise,
Colin ne voudrait pas.

LE VICOMTE.

Ah ! Qu’il ne lui déplaise,
Serviteur à Colin. Hé ! Ne dans-t-il pas !
Monsieur Colin, allons ; debout et haut les bras.
À moins qu’un marié ne soit d’humeur gaillarde,
815 J’en dis fi.

GROS-JEAN.

Vas danser, Colin.

COLIN.

Oh ! Je n’ai garde.

LE VICOMTE.

Pourquoi ?

COLIN.

Je sis honteux devant les grandes gens,
16
Ils se gobargeriont.

GROS-JEAN.

17
Tatigué, tu te rends
Honteux ! Les grandes gens sont tout comme je somme,
Bâtis de chair et d’os, et tu fais si bien comme…

COLIN.

18
820 S’il en faut débacler. Hé ! Va-t’en danser, toi.
Madame voudra bien.

DORIMÈNE.

Ah ! S’il ne tient qu’à moi,
Volontiers.

GROS-JEAN.

Hé bian donc, pis que n’an m’y condamne,
Dansons. Brimbalez-nous queuque bonne Pavane.
Il danse.

LE VICOMTE.

Fort bien. Le volte face, et les jambes en l’air.
825 Ferme en avant, jamais il ne faut reculer.
Quel compère ! Ah, parbleu ! L’on ne peut mieux l’entendre.
Voyons ce grand nigaud.

VIGNOLET, en Thomas Diafoirus.

19
Vous venez donc me prendre,
Ça m’est beaucoup d’honneur, mais je suis en souci
Comme sans cheminée on peut danser ici :
830 Mais n’importe. Attendez. Au lieu d’une Courante,
Où je suis neuf encor, voulez-vous que je chante ?
Je sais bien mieux chanter que je ne danse.

DORIMÈNE.

Ah ! Bon.
Sans voir la cheminée on peut prendre son ton.

VIGNOLET, chante.

Si Claudine,
835 Ma voisine,
S’imagine
Sur ma mine,
Que je ne suis bon à rien,
Qu’en cachette
840 La follette
Me permette
20
La fleurette
Elle s’en trouvera bien.

LE VICOMTE.

La galante chanson !

VIGNOLET.

845 C’est sur moi qu’on l’a faite.

COLIN.

Hé, Thomas, Grand François, Dubois, Lubin, Paquete,
Morgué, je vais danser d’ici jusqu’à demain.
Est-ce que je dormons ? Pis qu’on m’a mis en train,
Excusez si j’osons…
Il fait la révérence à la Comtesse.

LA COMTESSE.

Vous voulez que je danse ?

LE MARQUIS.

850 Allez, Madame, allez faire la révérence,
Danser une pavane avec Monsieur Colin.

LA COMTESSE.

Quand je la danserais, le grand malheur !

LE MARQUIS.

Enfin,
Vous faites vos plaisirs d’une noce.

COLIN.

21
Oh jarnie,
Pis qu’an est si longtemps sur la çarimonie,
855 Je vais danser tout seul. Du plus gaillard, allons.
Il danse.

LE VICOMTE.

22
Peste, par haut voilà s’escrimer des talons !

COLIN.

À votre avis ?

LE VICOMTE.

Il est très souple, sur mon âme.
Vous avez bien choisi, la mariée.

OLIMPE.

Oh dame,
Quoique nés dans les champs, j’ons appris les cinq pas,
860 Et j’ons des qualités que bian d’autres n’ont pas.

LE VICOMTE.

Qu’en dites-vous ?

OLIMPE.

Pour moi j’en suis très satisfaite.

LE VICOMTE.

Mais à quoi rêvez-vous, aimable friponnette ?

LUBINE.

Tout doux, Monsieur, tout doux.

LE VICOMTE.

Quittez le sérieux,
Ma belle, et comme moi prenez un air joyeux ;
865 Je veux vous mettre en train.

LUBINE.

Hé dame, est-ce pour rire,
Monsieur ?

LE VICOMTE.

Non, vous avez et beau faire et beau dire,
Je vous déroberai, deux baisers seulement.

LUBINE.

23 24
Nannin, nannin. Queu patineux ! Vraiment
Vous êtes tout drôle. Ah !

LE VICOMTE.

Tout cela bagatelle,
870 Je les aurai, parbleu. La petite cruelle !

LUBINE, chante.

Ne fripez pas mon bavolet,
C’est aujordy Dimanche,
Je vous le dis tout net,
J’ai des éplingues sur ma manche,
875 Ma main pèse autant qu’alle est blanche,
Et vous gagneriais un soufflet.
Ne fripez pas mon bavolet,
C’est aujordy Dimanche.
Attendez à demain que je vase à la Ville,
880 J’aurai mes vieux habits ;
Et les Lundis
Je ne sis pas si difficile ;
Mais à présent
Tout franc
885 Si vous faites l’impertinent,
Si vous gâtez mon linge blanc,
Je vous battrai comme il faut de la hâte,
Je vous battrai,
Pincerai,
890 Piquerai,
Je vous mordrai,
Grugerai,
Pillerai,
Menu, menu, menu comme la chair en pâte ;
25
895 Hon, voyez-vous, j’avons un tarrible tâte,
Que je cachons sous notre bonnet.
Ne fripez pas mon bavolet,
C’est aujordy Dimanche.

OLIMPE.

Et ce bon Gentilhomme ?

LE VICOMTE.

Il a vécu, Madame.

MONSIEUR DE SOTTENVILLE.

900 J’ai bien valu mon prix autrefois, sur mon âme.
Il chante.
J’étais jeune Coq autrefois,
Et mon chant réveillait les plus sages Poulettes ;
J’ai vieilli depuis, et ma voix
Endort même les plus Coquettes.
Toutes les personnes de la Noce dansent un branle, et Monsieur Sallé chante.

MONSIEUR SALLÉ, chante.

905 À la santé de Colin,
L’heureux mari de Colette ;
Outre qu’il est mon voisin,
C’est qu’il aime le vin,
C’est qu’il aime le vin.
910 Sa femme aime peu la diète.
26
Fessons notre vin,
Buvons à Colette,
Fessons notre vin,
Buvons à Colin.
915 Vive Colette et Colin,
Et les enfants qu’ils vont faire.
Comme je suis bon voisin,
J’en serai le Parrain,
J’en serai le Parrain.
920 Colin prendra bien l’affaire.
S’il n’est pas certain
D’en être le père,
Il sera certain
D’avoir bon voisin.
Les Violons continuent de jouer le même Branle, et les gens de la noce se retirent en dansant.

LA COMTESSE.

925 En vérité, Marquis, ils m’ont bien divertie.

LE VICOMTE, arrêtant Gros-Jean.

Un mot, mon cher, ô çà, parlons sans raillerie.

GROS-JEAN, voulant s’échapper.

Morgué, laissez-moi là.

LE VICOMTE, lui ôtant sa fausse barbe.

Non, non, restez ici.
Voilà le Pèlerin qui nous met en souci.

LA COMTESSE.

L’Inconnu ?

LE VICOMTE.

27
Le Grosset.

LE CHEVALIER.

Quand il a fait son rôle,
930 Le Vicomte d’abord a remis sa parole.

OLIMPE.

Ce n’est point l’Inconnu.

LE VICOMTE.

Ce l’est assurément,
Madame. Parlez donc, Sieur Grosset, autrement.
Vous saurez ce que c’est qu’un Vicomte en colère.

LA MONTAGNE.

Mais quoi…

LE CHEVALIER.

Sur ce sujet, il faut nous satisfaire,
935 Et de force ou de gré nous prétendons savoir…

LA MONTAGNE.

Regardez ce portrait, vous saurez mon pouvoir,
Et quel est l’Inconnu.

OLIMPE, à la Comtesse.

Si rien ne le déguise,
Vous y verrez des traits… Vus en êtes surprise ?
Hé bien, a-t-il l’air bon ; qu’en dites-vous ?

LA COMTESSE.

Je dis…
940 Voyez.

LE CHEVALIER, regardant le portrait.

C’est le Marquis.

OLIMPE.

Le Marquis !

LE VICOMTE.

Le Marquis !

OLIMPE.

Juste Ciel !

LA COMTESSE, au Marquis.

Quoi, c’est vous dont l’adresse cachée
Cherchait à m’engager ?

LE MARQUIS.

En êtes-vous fâchée ?
Les soins de l’Inconnu pourront-ils vous toucher,

LA COMTESSE.

945 Qui l’aurait cru, qu’en vous il l’eût fallu chercher ?

LE MARQUIS.

Non, ne m’en croyez pas : mais, aimable Comtesse,
Croyez-en ce présent que m’a fait la Jeunesse.

LA COMTESSE.

C’est là mon diamant. Vous étiez destiné
À recevoir enfin la main qui l’a donné ;
950 Il est juste, et j’en fais le prix de votre flamme.

LE MARQUIS.

Ô bonheur, qui remplit tous mes vœux ! Mais, Madame,
Vous souvenez-vous…

OLIMPE.

Oui, je ne puis oublier
Que je vous ai promis d’aimer le Chevalier ;
Vous avez de l’honneur, c’est assez vous en dire.

LE CHEVALIER.

955 Doux et charmant aveu, qui finit mon martyre ?
Madame, je puis donc prétendre à votre foi ?

OLIMPE.

Si ma mère y consent, je vous réponds de moi.

LE VICOMTE.

Je vous vois là tous quatre en bonne intelligence,
Et moi, que devenir ?

LA COMTESSE.

Vous prendrez patience.

LE VICOMTE.

960 Oui, de mes pas pour vous c’est donc là le succès,
Se charge qui voudra du soin de vos procès.
Adieu.

LA COMTESSE.

Le prendrez-vous, Marquis ? Il vous regarde.

LE MARQUIS.

Que ne ferais-je point ?

LE CHEVALIER.

La retraite est gaillarde.

OLIMPE.

C’est un extravagant dont nous sommes défaits.

LA COMTESSE.

965 Allons.

LE MARQUIS.

Puisse l’Amour ne nous quitter jamais.
Fin du Divertissement du cinquième Acte.