Chez AUGUSTIN COURBE’ Imprimeur & Libraire ordinaire
de Monseigneur Frere unique de sa Majesté, en la petite
Salle du Palais, à la Palme.
M. DC. XLI.
AVEC LE PRIVILEGE DU ROY
Édition critique établie par Claire Chaineaux dans le cadre d'un mémoire de maîtrise sous la direction de Georges Forestier (1997)
Belisaire de Desfontaines §
Dans la ville de Constantinople, sous le règne de Justinien, Bélisaire et Amalazonthe plaident pour la liberté de Vitigés, roi des Goths. Justinien accepte de lui donner se liberté et fait de Bélisaire son second, un acte qui excite la jalousie de Théodore, qui ordonne à Narsés de tuer le fameux soldat. Sophie, la nièce de l’empereur, s’offre en mariage à Narsés s’il sauve la vie de Bélisaire dont elle est amoureuse. Apprenant qu’Iskirion, un prince danois et amant de Théodore, sera envoyé par celle-ci pour tuer Bélisaire, Narsés et deux autres attaquent Iskirion, mais Bélisaire vient au secours de ce dernier et ne reconnaissant Narsés que trop tard, il le blesse fatalement. Iskirion donne un anneau à son bienfaiteur ; envoyé par Théodore, il va ensuite assassiner Bélisaire mais quand il lève le bras droit, il reconnaît l’anneau et comprend que cet homme est son sauveur et lui demande alors pardon. Non découragée, Théodore envoie Doristel pour tenter le meurtre mais il trouve Bélisaire endormi avec un document militaire à ses côtés dans lequel il donne à Doristel un poste important. Celui-ci se retire après avoir écrit un avertissement et laissé un poignard. Bélisaire se réveille et découvre encore qu’il a bien failli être tué. Alors il expédie une lettre à Sophie dont il a refusé l’amour à cause d’Amalazonthe, où il dit qu’il est prêt à mourir pour lui être désagréable. Cette lettre est utilisée par Théodore qui l’ayant interceptée prétend à l’empereur qu’elle lui était adressée. Comme Justinien a entendu que Bélisaire demandait à quitter son service, il en conclut que le général est amoureux de Théodore et le fait arrêter. Sophie lui rend visite en prison et propose qu’il s’échappe avec ses vêtements, mais Théodore rentre et tente de poignarder Bélisaire, qui est sauvé par Iskirion. De toute façon, Bélisaire refuse de profiter de cet aide et offre à Théodore de se laisser tuer, laissant supposer qu’il a toujours sacrifié son plaisir dans le but de sauver son honneur. Elle est tellement touchée qu’elle le libère et obtient l’accord de Justinien pour son mariage avec Sophie dont le dévouement a gagné Bélisaire. Amalazonthe, ainsi oubliée, se mariera avec Vitigés qu’elle a toujours aimé.
Telle est en quelques lignes l’histoire que développe Desfontaines dans sa pièce Bélisaire selon les règles de la tragi-comédie, comme nous allons tenter de le montrer tout au long de cette étude. Mais pour commencer, voici un aperçu du contexte de création et de publication de l’œuvre.
L’auteur §
Nous possédons peu d’informations sur la vie de Nicolas Marc Desfontaines tout comme sur la réception de ses pièces et sur ses qualités d’acteur et de dramaturge. Nous savons qu’il commença sa carrière d’auteur vers 1637 avec Eurymédon, suivi de quelques autres pièces dont Les Galantes vertueuses, imprimée en 1642. Nous pouvons penser que ses talents étaient reconnus par ses contemporains puisqu’il fréquenta la Troupe Royale qui joua La Vraie suite du Cid (1638), la troupe de Charles Dufresne, pour qui il créa Bélisaire (1641), puis celle de Molière lorsqu’il monta à Paris. D’autre part, pour l’ouverture de l’Illustre Théâtre, le 1er janvier 1644, c’est l’une de ses pièces Alcidiane ou les quatre rivaux que l’on représenta. Par la suite, Desfontaines reprit sa vie de comédien ambulant au cours de laquelle il écrivit encore quelques pièces dont Perside ou la suite d’Ibrahim Bassa (1644), L’Illustre comédie ou le Martyre de saint Genest (1645), La véritable Semiramis (1647). Il meurt à Anger en février 16521.
En fait, même si Desfontaines est un auteur oublié aujourd’hui, il était un comédien et dramaturge reconnu au XVIIème siècle. Il savait en effet conquérir son public grâce à son savoir faire en matière de spectaculaire et a ainsi tiré parti du goût de l’époque pour un théâtre du mouvement.
La réception de la pièce §
En ce qui concerne Bélisaire, mis à part le fait qu’il a été créé pour la troupe de Charles Dufresne, nous n’avons aucun indice sur sa réception par le public et la critique. Nous pouvons néanmoins faire une hypothèse : il se pourrait que le Bélisaire de Desfontaines ait été repris par la troupe de Molière vers 1643 et par concurrence, l’Hôtel de Bourgogne aurait commandé à Rotrou un autre Bélisaire. Un élément pourrait conforter cette hypothèse : les deux troupes sont chacune spécialisée dans un genre et la différence fondamentale entre les deux pièces est précisément le genre dramatique puisque le Bélisaire de Desfontaines est une tragi-comédie alors que celui de Rotrou est une tragédie.
Le contexte de création §
Le XVIIème siècle est l’âge d’or du théâtre français. C’est surtout à partir de 1628-1630 que le raffermissement politique permet l’installation à Paris de deux troupes permanentes. Le nombre des dramaturges et la production annuelle des pièces s’élèvent. On voit apparaître un public cultivé, affiné par les salons. Les patronages aristocratiques protègent les comédiens, encore excommuniés, contre les attaques de l’Église. En 1630, la France s’inspirait encore étroitement de l’Espagne et de l’Italie. En 1680, son théâtre est répandu dans toute l’Europe. C’est dans ce climat très favorable au théâtre que la tragi-comédie va connaître une vogue inouïe, vers 1631-16422.
La tragi-comédie est un genre neuf, issue de deux traditions qui lui apportent chacune leur caractéristique propre. Tout d’abord, elle tient des Mystères du Moyen Âge l’importance du mouvement : les obstacles que rencontrent les amoureux permettent de rompre la monotonie de l’intrigue, plaisent aux spectateurs qu’ils touchent et frappent par des coups de théâtre et des péripéties. D’autre part, le grand sujet de la tragi-comédie est l’amour, puisé directement dans le genre pastoral. Mais, ce grand théâtre ne réside pas dans la peinture de l’amour ; il doit reposer sur l’intrigue, sur la manière plus ou moins habile par laquelle l’auteur parviendra au but connu d’avance (dénouement heureux pour le héros) et redonnera à chacun son ancien amour ou celui qui lui convient, selon les lois de l’amour et de la société.
Outre ces deux éléments capitaux que sont le mouvement et l’intrigue amoureuse, la tragi-comédie cherche à s’adapter au nouveau public composé d’« honnetes gens » et met donc en scène des héros aux valeurs nobles, telles que la générosité, le courage et l’honneur. La générosité est cette grandeur d’âme qui permet d’adoucir la colère, de pardonner et de reconnaître ses erreurs. Le courage, quant à lui, est mis à l’épreuve dans le duel, dont la tragi-comédie est friand. Il vérifie la conduite du gentilhomme : c’est à se battre que songe l’amoureux malheureux pour se valoriser auprès de sa maîtresse et de sa famille à qui il veut plaire et montrer sa vaillance. Le courage et l’honneur sont incontestablement des vertus nobles qui peuvent quelques fois faire pardonner certains défauts comme l’ambition et l’intérêt, ce dont se serviront les dramaturges pour construire leurs intrigues. Ce succès de la tragi-comédie s’explique donc par le fait que ce genre répond à l’attente du public.
Belisaire, une tragi-comedie §
Les sources et leur utilisation §
Comme la plupart de ses contemporains, Desfontaines va trouver sa source dans la comedia espagnole qui commence à prendre beaucoup d’ampleur en Europe. C’est la pièce El ejemplo major de la desdicha o el capitan Belisario (1627) de Mira de Mescua qui lui donne non seulement l’idée même du sujet mais aussi la plus grande partie des péripéties. L’auteur espagnol avait lui même puisé son sujet dans les Anecdotes de Procope de Césarée, secrétaire de Bélisaire. Ce célèbre Général des armées de Justinien au VIème siècle a renouvelé les exploits d’Alexandre le Grand et de César en portant les armes de Byzance en Orient et en Occident. Mais en littérature, il a été célébré moins par ses triomphes militaires que comme le symbole de l’inconstance de la fortune. Il connut en effet les plus grands honneurs : c’était un modèle de bravoure, de générosité et de dévouement. Il demeura le plus fidèle et le plus loyal sujet de Justinien. Mais il perdit, à plusieurs reprises, les bonnes grâces de l’empereur qui, jaloux de son succès, l’accusa de complot pour le faire passer du commandement suprême de l’armée aux misères de la prison. Mira de Mescua s’est basé sur cet ouvrage de Procope, y a pris les noms et caractères des personnages principaux, idéalisant Bélisaire et utilisant les mésententes entre Antonia, épouse de Bélisaire, et l’impératrice Théodore. Mais il a aussi utilisé la légende de Bélisaire aveugle. Dès le Xème siècle, il courait sur Bélisaire dans le monde byzantin des histoires qui contaient ses misères et comment le général, aveuglé par la cruauté de l’Empereur, avait été réduit à tendre la main comme un mendiant. C’est ainsi que le Bélisaire espagnol meurt sur scène le sang lui coulant par les yeux, innocent malheureux devant la colère de Justinien. Se fiant ainsi au récit de Procope, Mira de Mescua met en relief les infortunes du héros qu’il attribue à la haine de Théodore.
De son côté, dans la mesure où il a voulu faire de Bélisaire un héros tragi-comique pour répondre au goût du public, Desfontaines va devoir changer le dénouement et certains éléments. Il puisera chez Procope de nouvelles données par rapport à celles de l’auteur espagnol : au lieu de prendre appui sur la légende, il va rechercher la vérité historique de la remise en grâce de Bélisaire par Justinien lui-même, corrigeant ainsi son erreur et rétablissant l’innocence de son fidèle sujet. Mais en plus de la transformation de la fin mortelle pour le héros en une issue dans laquelle il garde la vie, il faut un dénouement nuptial, simple ou double, conformément à la règle de la tragi-comédie. Desfontaines, afin d’aboutir à une telle fin, va alors rajouter un épisode amoureux entre deux personnages, historiques eux aussi, Amalazonthe et Vitigés. Si dans un premier temps il s’était montré plus fidèle à l’histoire du peuple byzantin en rétablissant la vérité sur la disgrâce de Bélisaire, il va faire lui aussi une entorse à l’histoire en inventant une relation amoureuse entre Amalazonthe et Vitigés. Il était, en effet, admis au XVIIème siècle qu’il fallait combler les « trous de l’histoire » pour adapter le sujet au goût des contemporains. Grâce à ce premier aperçu, nous pouvons repérer les transformations essentielles qu’a apportées Desfontaines. Si le sujet reste profondément le même (Théodore, jalouse de la gloire de Bélisaire veut sa perte et pour cela engage plusieurs personnes pour le tuer), l’issue est totalement renversée : Bélisaire meurt, chez l’auteur espagnol, alors qu’il se marie avec Sophie dans la pièce française. Par ailleurs, l’intrigue amoureuse est très différente entre les deux oeuvres : d’un côté les deux amants s’aiment d’un amour réciproque mis en péril par Théodore, de l’autre Sophie aime Bélisaire mais n’est pas aimée en retour, ce dernier en aimant une autre.
Nous allons maintenant comparer, de façon plus systématique, les deux pièces en partant d’El ejemplo mayor de la desdicha3.
Première journée §
La première scène de l’œuvre espagnole dans laquelle Bélisaire échappe à l’attentat de Léonce déguisé en pèlerin est totalement supprimée. Desfontaines ouvre sa pièce directement sur la scène du trône que l’on trouve aussi chez Mira de Mescua à la scène 2 : Bélisaire rentre victorieux de sa campagne militaire et reçoit les félicitations de son empereur. On trouve en plus, dans la pièce française, la présentation des prisonniers (Amalazonthe et le traitre Vitigés) ainsi que la remise des insignes royaux à Bélisaire comme récompense. Par contre Desfontaines supprime le récit épique que Bélisaire fait sur ses exploits en Afrique. Dès le départ, on peut remarquer le souci de concentrer l’exposition afin de rentrer plus vite dans l’action et de répondre un peu plus aux règles dramaturgiques de l’unité de temps. Il suffit en effet d’une seule scène à Desfontaines pour présenter les différentes relations entre les personnages alors qu’il en faut trois à l’auteur espagnol (scènes 2-3 de l’acte I) : Bélisaire favori de Justinien mais cependant loyal et soumis, la relation amoureuse entre Amalazonthe et Vitigés, l’amour de Sophie pour Bélisaire et enfin la jalousie de Théodore envers le général d’armée. Notons en plus la nécessité pour Desfontaines de déplacer la scène 18 de l’acte II dans sa scène d’exposition afin de donner plus de force à son action, dès le départ.
Dans la scène 4, à l’aveu de Théodore sur les raisons de sa jalousie à sa confidente correspond le « faux aveu » de l’impératrice, scène 2 de l’acte I, chez Desfontaines : Théodore se dit jalouse du succès de Bélisaire et le présente comme une menace pour la couronne. Là encore, on remarque l’effet de concentration de deux scènes espagnoles (scène 4 et 7 de l’acte I dans laquelle Théodore demande à Narsés de tuer Bélisaire).
Dans la suite du premier acte, la mise en place du péril que représente Théodore pour l’amour de Bélisaire et d’Antonia est totalement différencié d’une pièce à l’autre. Chez Mira de Mescua, Antonia reçoit l’interdiction de parler à l’homme qu’elle aime (I, 5, 10), ce qui crée un malentendu entre les deux amants puisque Bélisaire pense qu’elle ne l’aime plus (I, 6, 8, 11, 14, 15). Chez Desfontaines, le problème est que Sophie est promise à l’homme qui tuera celui qu’elle aime. Dès lors, Sophie va prendre ses initiatives contre Théodore : elle détourne Narsés du projet de Théodore et lui demande son aide pour protéger Bélisaire (3, I). Narsés, une fois seul, balance sur son dessein d’aider Sophie plutôt que Théodore (4, I). Chose totalement inexistante chez Mira de Mescua.
Vient ensuite dans la pièce espagnole l’attentat de Narsés contre Bélisaire endormi (12-13, I), attentat qui échoue finalement puisque le soldat voit son nom sur l’avis militaire ; Desfontaines choisit de le déplacer à l’acte IV, mais il conserve néanmoins le cheminement de l’action en trois temps (Bélisaire nomme le chef d’armée puis s’endort, Narsés vient pour accomplir son méfait et se trouve désarmé, Bélisaire se réveille et lit l’avertissement sur le parchemin). Il supprime cependant la rencontre entre Bélisaire et l’empereur avant la tentative d’attentat et fait agir non plus Narsés mais Doristel (Narsés étant mort déjà depuis deux actes).
Les scènes 14 et 15 sont inexistantes chez Desfontaines : l’idée d’un nouveau conflit et d’un départ précipité de Bélisaire est supprimée, non seulement par ce même souci de rapidité et de concentration, mais aussi à cause de son inutilité. En effet, l’intérêt de ces deux scènes pour Mira de Mescua est d’accentuer une fois de plus la menace d’une séparation qui pèse sur les deux amants avec un péril de mort supplémentaire pour Bélisaire qu’Antonia interprète comme une marque de non-amour.
Deuxième journée §
Les scènes 1 et 8 dans lesquelles l’empereur réfléchit, seul puis avec Narsés, aux attentats portés contre son favori sont supprimées dans la pièce française : Justinien ignore totalement le danger que court Bélisaire. Desfontaines remplace la première scène par l’isolement de Bélisaire et son monologue en stances dans les bois (scènes 1 et 2) dans lequel il exprime sa rancune contre Vitigés qui est aimé d’Amalazonthe, ce qui renforce la dimension tragi-comique de la pièce par le lieu et la forme du discours.
La donnée du guet-apens des scènes 4 à 7 est conservée aux scènes 2 à 4 de l’acte II chez Desfontaines mais les modalités en sont changées. Chez Mira de Mescua, Théodore demande à Filipo d’accomplir le forfait mais la conversation est surprise par Narsés et Léoncio qui décident de gêner Filipo dans sa mission, ce qui nous conduit à la lutte dans les bois. Chez Desfontaines, Narsés est envoyé par Sophie pour empêcher Iskirion de rencontrer Théodore et de recevoir ses ordres. Si ce qui motive le guet-apens est différent, dans les deux cas, Bélisaire vient en aide à la victime de façon imprévue et fait fuire les coupables. Il en résulte une nouvelle amitié entre Bélisaire et l’homme sauvé, Filipo dans un cas et Iskirion dans l’autre, amitié symbolisée par l’échange de l’anneau qui sera utilisé comme signe de reconnaissance par la suite. Une donnée essentielle est ajoutée dans l’œuvre française : la mort de Narsés, tué par Bélisaire qui ne savait pas qui était son adversaire, celui-ci portant un tapabort. Desfontaines met en scène alors la plainte de Bélisaire sur la mort de son ami et ses interrogations concernant les propos mystérieux qu’il a eu le temps de prononcer (scènes 5 et 6, II).
La scène 9 n’existe puisqu’il s’agit du retour de Bélisaire à la cour après sa mission entre l’acte I et II et que le Bélisaire de Desfontaines ne part pas.
Tout le passage des scènes 2, 10-14 concernant les répétitions de la pièce de Pyrame et Thisbée n’existe pas dans la pièce française dans la mesure où la problématique amoureuse n’est pas la même. Chez Mira de Mescua, ces répétitions sont l’occasion pour les deux amants Bélisaire et Antonia de discuter entre eux, sous couvert de leur rôle, sans que Théodore ne les sépare immédiatement. Les affrontements amoureux chez Desfontaines sont répartis à la scène 3 de l’acte III pour Amalazonthe et Bélisaire, à la scène 2 de l’acte IV pour Bélisaire et Sophie et à la scène 1 de l’acte IV pour Amalazonthe et Vitigés. Ce sont de véritables tête-à-tête, sans entraves ni retenues de la part des deux parties.
La scène 16 qui correspond à l’attentat de Filipo sur Bélisaire trouve son parallèle chez Desfontaines à la scène 5 de l’acte III avec une préparation dans les deux scènes précédentes qui comprend la demande faite par Théodore et le monologue d’Iskirion dans lequel il se donne du courage en pensant à Sophie qui est la réconpense. Là encore, le déroulement est le même : le malfaiteur s’approche de Bélisaire pour le frapper en plein coeur, mais au dernier moment, il reconnaît l’anneau et l’homme qui lui a sauvé la vie.
Ensuite, dans la pièce espagnole, Bélisaire, qui soupçonne Théodore d’être la responsable des différents attentats portés contre lui, feint de parler en rêvant et tente ainsi d’en avertir l’empereur qui discute alors sur scène avec Narsés. Desfontaines supprime complètement cet épisode puisque Bélisaire n’envisage jamais l’implication de Théodore dans les attaques contre lui. Cependant, le dramaturge français conserve l’idée d’une tentative de meurtre par Théodore elle-même mais va la déplacer au dernier acte, uniquement quand toutes les autres personnes engagées auront échoué.
Troisième journée §
Les scènes 1 et 2 sont supprimées : il s’agit d’un dialogue entre Bélisaire et ses soldats sur la possibilité qu’il a eu de se faire roi en Italie, chose qu’il a refusée par loyauté et obéissance envers l’empereur. La scène 2 correspond à l’entrée de l’impératrice qui surprend la conversation et exprime, une fois de plus, la haine qu’elle éprouve devant la vertu de son ennemi et l’amour que les autres lui portent, ce que le dramaturge français a jugé inutile et redondant.
Le moment important de la pièce où Théodore tente de séduire le jeune héros avec le jeu du gant et de la bande qu’elle laisse tomber successivement n’existe pas chez Desfontaines. L’impératrice n’apparaît qu’en femme jalouse et accusatrice et perd ainsi son caractère de séductrice-tentatrice. Cette scène est remplacée par un monologue de Théodore (2, V) dans lequel elle confirme son désir profond de vengeance et avoue enfin la véritable raison de sa haine pour Bélisaire : il aurait détourné autrefois ses avances.
L’enchaînement des scènes qui suivent est conservé par Desfontaines. Il réutilise l’épisode de la lettre que Bélisaire envoie à Sophie et qui est interceptée par l’impératrice, mais en détournant le message de sa fonction initiale. En effet, dans la pièce espagnole, cette lettre est un message de l’amant à la femme aimée pour réaffirmer son amour pour elle. Par contre, le Bélisaire français se sert de cette lettre pour vérifier si c’est Sophie la responsable de l’attentat de Doristel contre lui, ce qu’il dit à scène 1 de l’acte V, par l’intermédiaire de Diophante. Dès lors, la réaction de la destinataire va changée d’une pièce à l’autre : Antonia n’a pas le temps de la lire et donc ne manifeste rien, contrairement à Sophie qui exprime sa colère devant ce qu’elle considère comme une attaque. L’impératrice voit alors là l’occasion unique de se venger une bonne fois pour toute : elle suggère de façon autoritaire à Sophie de quitter Bélisaire et prévoit d’utiliser la lettre à son avantage (monologue ajouté à la scène 5, acte V). Une fois de plus, Desfontaines va transformer la rencontre entre l’empereur et Théodore : si Mira de Mescua met en scène une impératrice qui feint l’affliction devant la lettre au point qu’elle s’évanouit, l’auteur français donne l’occasion à Théodore d’accuser Bélisaire de façon intelligente et non en jouant les femmes accablées. C’est l’empereur qui se montre accablé par la nouvelle et déçu de son favori.
Enfin, les dénouements apparaissent très différents dans la mesure où il faut faire vivre le héros dans la tragi-comédie et même le marier. Le motif de l’arrestation de Bélisaire est tout de même conservé mais réduit de beaucoup par Desfontaines : au développement des scènes 8-12 correspond la scène 6 dans laquelle on a simplement l’ordre de l’arrestation sans aucune défense du héros déchu. Alors que d’un côté nous assistons à la disgrâce tragique de Bélisaire, à son aveuglement et à sa mort, de l’autre nous avons d’avantage de pathétique avec le héros en prison, mais qui va pouvoir en sortir grâce à Sophie, Iskirion et finalement Théodore. En effet, s’il n’y a aucun remords de la part de l’impératrice dans la pièce espagnole et si Bélisaire n’y est innocenté qu’après sa mort par Antonia, le Bélisaire français est reconnu innocent par Théodore qui demande alors à l’empereur de lui donner son pardon et d’accepter l’union de Sophie et Bélisaire et par la même occasion celle de Vitigés et Amalazonthe.
De cette comparaison entre les deux pièces ressortent de nombreuses conclusions sur les intentions de Desfontaines. Nous avons noté dès le départ un souci particulier pour la concentration et la rapidité de l’action ; l’auteur a ainsi regroupé plusieurs scènes en une, a supprimé entièrement l’idée d’un nouveau départ de Bélisaire pour l’Afrique, départ effectif entre la première journée et la seconde dans l’oeuvre espagnole. Cela n’est pas sans rapport avec le goût du public français pour la concentration et la rapidité d’action ni avec le courant de règlementation de la dramaturgie en vigueur à cette époque, même pour le genre de la tragi-comédie. L’unité la plus fondamentale est le temps et Bélisaire y obéit : malgré l’absence d’indices temporels, l’action peut tenir en 24 heures. On peut même se demander si cette unité n’a pas été un souci particulier pour Desfontaines puisqu’il ne reprend pas l’épisode de la source dans lequel Bélisaire est envoyé en Afrique, entre la première et la deuxième journée. Pour ce qui est du lieu, l’action occupe un espace très fragmenté, allant de la salle du trône jusqu’à l’orée des bois, en passant par la prison et autres salles du palais mais elle est tout de même confinée dans une seule ville et plus précisément au palais et à ses alentours. Enfin, l’unité d’action semble être aussi respectée ; même si l’intrigue principale reste la vengeance de Théodore contre Bélisaire et que l’amour de Bélisaire pour Amalazonthe n’apporte rien à l’action et au contraire à tendance à faire des entorses au caractère des personnages, comme nous le verrons plus tard dans l’étude, le couple Amalazonthe-Vitigés, ajouté par Desfontaines, fait partie de la chaîne amoureuse.
Par ailleurs, toujours dans cette perspective de faire une tragi-comédie, Desfontaines a fait une place plus grande à l’amour ne donnant au politique que le statut de toile de fond et de prétexte à la haine de Théodore envers Bélisaire. Le fait que Justinien fasse de Bélisaire son second dès la première scène permet à Théodore de cacher la motivation réelle de sa vengeance entraînant la nécessité pour Desfontaines de déplacer la remise des insignes royaux au début. Dans la suite aussi l’enjeu politique deviendra un outil à l’impératrice pour décider les malfaiteurs de tuer Bélisaire : elle n’aura aucun scrupule à promettre une promotion à qui accomplira le forfait. Cette réduction de la dimension politique se note aussi par la grande réduction des apparitions de l’empereur sur scène par rapport à la pièce espagnole, mais nous y reviendrons plus en détail.
L’intrigue amoureuse est donc beaucoup plus développée : un nouveau couple vient bouleverser le triangle initial Théodore-Bélisaire-Antonia, et Sophie devient un véritable enjeu dans l’entreprise de l’impératrice qui donne sa nièce comme salaire du meurtre de Bélisaire. Les relations entre les différents protagonistes se compliquent donc et offrent un véritable schéma de tragi-comédie ; nous aurons l’occasion d’y revenir.
Une autre transformation est à noter : celle concernant l’ordre des attentats, différent d’une pièce à l’autre. La première tentative de Léonce déguisé en pèlerin est simplement supprimée. Mais l’enchaînement des deux attentats suivants est inversé : chez Mira de Mescua, on a d’abord Narsés tentant de tuer Bélisaire endormi, puis le guet-apens tendu à Filipo et son échec quand il reconnaît la bague que porte Bélisaire, alors que chez Desfontaines le guet-apens contre Iskirion et son forfait contre Bélisaire qui échoue quand il voit l’anneau viennent avant la tentative de Doristel lorsque Bélisaire dort. Cet inversement s’explique, semble-t-il, par le fait que la mort de Narsés qui survient pendant l’épisode du guet-apens est nécessaire à l’action dans la pièce française. En effet, Narsés est un rival pour Bélisaire puisqu’il aime Sophie et qu’elle s’est offert de l’épouser s’il le protégeait ; en mourant, il rend encore envisageable l’union entre Sophie et Bélisaire et se sauve ainsi, d’une certaine façon, de la colère de Théodore qu’il a trahie en acceptant d’aider Sophie. Par ailleurs, une autre inversion a été faite : dans la pièce espagnole, Filipo commence par recevoir l’ordre de Théodore puis se retrouve piégé par Narsés et Léonce et enfin tente son forfait, alors que dans l’autre, le guet-apens a lieu avant que Théodore ne rencontre Iskirion et qu’elle ne lui demande de tuer le général d’armée. Dans cette dernière pièce, l’ordre de Théodore n’a pas besoin de venir avant puisque Narsés est envoyé par Sophie et qu’il n’a donc pas besoin de surprendre la conversation entre l’impératrice et son mandataire (contrairement à ce qui se passe chez Mira de Mescua). De plus le fait de placer le guet-apens avant alors même qu’Iskirion n’est encore jamais rentré en scène et qu’il est donc inconnu de tous rend la situation plus tendue et laisse l’attention du public en éveil. Si ce remaniement de l’ordre des péripéties est principalement motivé par le goût des spectateurs, un autre changement notable a été fait pour la logique de l’action.
On trouve en effet, chez l’auteur espagnol, un enchaînement un peu étrange : l’empereur, qui soupçonne sa femme, la surprend voulant tuer Bélisaire mais quelques scènes plus loin croit aveuglément à ses propos accusateurs contre Bélisaire avec pour preuve une lettre. La réaction de Justinien paraît peu vraisemblable d’autant plus qu’il a une très grande confiance en Bélisaire dont il a fait son second. Desfontaines a choisi alors d’inverser cet ordre : Théodore accuse Bélisaire d’un amour coupable grâce à la lettre, ce qui est rendu encore plus vraisemblable dans la mesure où Bélisaire a annoncé son départ, en en cachant les raisons. La colère de Justinien est donc plus crédible. Et c’est seulement après que vient la tentative de meurtre par l’impératrice elle-même contre Bélisaire, alors en prison, quand elle surprend Sophie et Iskirion auprès du prisonnier pour l’aider à fuire : de rage, elle lève le bras sur son ennemi.
Telles sont les principaux remaniements relatifs à l’ordre des différents moments de l’action. Il reste un point important à noter concernant les ajouts de Desfontaines : il s’agit du rôle donné aux personnages engagés par l’impératrice. On peut noter en effet que, à l’exception de Doristel, chacun d’eux après avoir reçu l’ordre de l’attentat, s’interroge sur son dessein selon la problématique honneur-amour, dans un monologue. Contrairement à ce qui se passe dans l’oeuvre espagnole, le texte français fait appel à cette dualité traditionnelle très en vogue à l’époque et particulièrement en Espagne (le Cid n’est alors vieux que de quatre ans) et que l’on retrouve pratiquement dans toutes les tragi-comédies du moment. Desfontaines donne ainsi plus l’occasion à ses protagonistes de faire connaître leurs ressentiments et leur donne un véritable statut de personnages avec une profondeur psychologique qui ne sont alors plus de simples pantins dans les mains de l’impératrice, ce sur quoi nous reviendrons ultérieurement.
Action et structure §
« La tragi-comédie, mettant en péril la vie ou le bonheur des protagonistes, est un genre sérieux, admettant le tragique et le pathétique, mais dont le dénouement est généralement satisfaisant pour les héros. »4 Telle est la définition que nous donne R. Guichemerre et qui s’applique très bien à Bélisaire d’autant plus que le modèle est une tragédie et que la création de Desfontaines tient dans le dénouement heureux. Notons aussi que la part du comique est absente ; le sujet de l’innocence malheureuse et de Bélisaire est indéniablement tragique : l’empereur disgracie son favori et le menace d’une peine plus grande alors même qu’il est innocent de cet amour coupable dont l’accuse l’impératrice. Mais si le sujet est tragique, Desfontaines en a fait une tragi-comédie et c’est là toute la gageure de la transformation, d’autant plus que Bélisaire répond très bien à l’esthétique de ce genre du XVIIème siècle du point de vue de l’intrigue et de ses composantes, mais aussi de l’esthétique dite « romanesque ».
Tout d’abord, ce qui caractérise la tragi-comédie tout comme la tragédie, c’est que le sujet concerne des personnages de rang élevé : Bélisaire a pour protagonistes un grand nombre de rois et de reines, de princes et de princesses, de soldats de haut rang ; seul deux personnages sont de moins bonnes conditions, Diophante, confident de Bélisaire, et Doristel, simple soldat. Cependant, même s’il s’agit de personnages nobles et historiques, la tragi-comédie ne s’intéresse qu’à leurs passions et à leurs problèmes sentimentaux ; en d’autres termes, elle représente des « aventures privées »5, ce qui la distingue principalement de la tragédie. On comprend pourquoi Desfontaines a réduit la question politique à sa simple expression.
Nous somme, en effet, d’un point de vue de la morphologie, en présence d’une tragi-comédie de palais mélangeant le problème politique au thème traditionnel des amours contrariées : Théodore manigance la perte du favori de Justinien pour se venger de ce qu’elle appelle son mépris. Et en même temps, elle fait tout pour séparer les deux amants, Sophie et Bélisaire. L’agencement des événements est également caractéristique : le désir de vengeance engage un complot, qui aboutit au guet-apens et aux différentes tentatives de meurtre qui échouent et ouvrent sur l’emprisonnement puis sur le dénouement. De même, les quiproquos sur l’identité du commanditaire sont présents dans beaucoup de tragi-comédies. Cela vaut aussi pour la relation nécessaire entre obstacle et dénouement : vouloir la mort de Bélisaire n’a de sens que s’il est sauvé in extremis, remis en grâce et marié à la nièce de l’empereur.
Du point de vue de sa structure, Bélisaire est une tragi-comédie tout à fait conforme aux autres pièces de l’époque. Déjà la répartition de 1818 vers sur 36 scènes en cinq actes est courante. Mais c’est surtout au niveau de l’action et de la relation entre les personnages que Bélisaire est caractéristique de l’esthétique de ce genre dramatique. L’action est centrée sur le trio Bélisaire-Sophie-Théodore autour desquels gravitent des personnages souvent seuls, excepté le couple Amalazonthe-Vitigés. Cette concentration sur ces trois personnages se retrouve au niveau de la répartition des scènes : le personnage éponyme est sans aucun doute le rôle principal puisque non seulement il occupe le plus souvent l’espace scénique (18 fois) mais aussi le temps de parole (538 vers) ; Théodore apparaît 14 fois contre 12 pour Sophie6. Cette répartition reste conforme à la pièce espagnole mais il y a une exception qui concerne l’empereur comme nous en avons parlé dans le début de cette étude : son nombre d’apparitions passe de 20 à 4. Nous reviendrons sur le nouveau rôle de Justinien dans la pièce française.
Par ailleurs, en plus de la violence sur scène (multiplication des tentatives de meurtre, un guet apens) les relations entre les personnages sont mouvementées, ce qui transparaît jusque dans le discours. Même s’il n’y a jamais plus de trois personnages par scène (sauf pour les assemblées du début et de la fin) l’intrigue avance et le texte est le lieu de véritables conflits. En effet, le théâtre est, de façon apparemment contradictoire, essentiellement action mais est constitué presque exclusivement de discours : parler devient nécessairement agir. Les discours ne sont point générés par l’éloquence de l’auteur, mais par le besoin qu’a le personnage, dans les circonstances où il se trouve, de dire ce qu’il dit. Desfontaines a ainsi appliqué cette définition « le verbe est action » et a donc multiplié les tête-à-tête entre les personnages amoureux (Bélisaire-Amalazonthe, III, 3 ; Amalazonthe-Vitigés, IV, 1 ; Bélisaire-Sophie, IV, 2 ; Bélisaire-Sophie, V, 9). On rencontre aussi de nombreux monologues dans lesquels chaque personnage expose son état d’âme, le dilemme auquel il est confronté tout en charchant à le résoudre et fait ainsi avancer l’action. Cette forme de discours n’est d’ailleurs pas ici réservée aux personnages principaux : Bélisaire en prononce quatre dont deux en stances, Théodore trois et même Narsés et Iskirion s’interrogent seuls sur scène.
D’autre part, il convient de prêter attention à la répartition des scènes. Bélisaire se caractérise par une structure répétitive due aux nombreuses tentatives de mettre fin aux jours de Bélisaire. On obtient alors le schéma suivant :
- – Théodore demande de tuer Bélisaire : 1/ à Narsés (I, 2), 2/ à Iskirion (III, 1), 3/ à Doristel (IV, 4), 4/ Théodore décide d’agir seule (V, 7),
- – le mandataire s’interroge : 1/ monologue de Narsés (I, 4), 2/ monologue d’Iskirion (III, 2), 3/ -, 4/ -,
- – puis tente le forfait : 1/ guet-apens contre Iskirion pour protéger Bélisaire (II, 3), 2/ Iskirion vient dans le cabinet de Bélisaire (III, 6), 3/ Doristel s’approche quand Bélisaire dort (IV, 5), 4/ Théodore rentre dans la cellule de Bélisaire (V, 11)
- – et échoue à cause de la générosité de ce général : 1/ Narsés se fait tuer car Béliaire prend la défence d’Iskirion (II, 4), 2/ Iskirion reconnaît l’homme qui lui a sauvé la vie (III, 6), 3/ Doristel lit que Bélisaire l’a nommé pour mener la campagne d’Italie (IV, 5), 4/ Théodore finit par reconnaître que Bélisaire, en refusant son amour, l’a servie et lui a rendu son honneur sauf.
Sur cet enchaînement répétitif des péripéties, se répartissent les dialogues amoureux qui mettent en place les relations entre les personnages : Bélisaire-Amalazonthe (III, 3), Amalazonthe-Vitigés (IV, 1), Bélisaire-Sophie (IV, 2), Bélisaire-Sophie (V, 10, 11). On a alors deux mouvements un peu paradoxaux : l’un est itératif, l’autre est une progression linéaire qui atteint son point culminant dans la scène 2 de l’acte IV. Ce face à face entre Bélisaire et Sophie est une scène capitale puisqu’elle apporte une preuve de l’impossibilité de voir les deux amants réunis à la fin. Dès lors, on va avoir un Bélisaire réaffirmant son amour pour Amalazonthe et croyant Sophie coupable des tentatives d’assassinat et une Sophie au désespoir qui va faire part à Théodore de sa douleur devant l’accusation de Bélisaire ; grâce à quoi l’impératrice va pouvoir rendre Bélisaire coupable aux yeux de Justinien. On a alors une accélération à l’acte V avec la visite de Sophie en prison, la tentative de Théodore de tuer Bélisaire et enfin son repentir ce qui permet un retournement in extremis (ce qui explique aussi l’étalement de l’acte V sur 13 scènes).
Si l’on regarde du côté de l’action, on constate que cette tragi-comédie reprend la structure des relations issue du genre pastoral, comme en témoigne la chaîne amoureuse : Théodore est jalouse de Sophie qui aime Bélisaire qui aime Amalazonthe qui aime Vitigés et en est aimée. Toute l’action est déterminée par cette structure : chaîne amoureuse à cinq personnages, jalousie et tentative de tuer le rival (ici Bélisaire), désir de vengeance et impossibilité pour le couple de trouver le bonheur. En plus, d’autres rivaux apparaissent au fur et à mesure, ceux-là même qui sont engagés par Théodore pour se venger et qui sont promis à Sophie s’ils accomplissent leur forfait.
On est là dans une structure à opposant unique puisque Théodore s’obstine à vouloir tuer le héros. Cette solitude, renforcée par sa place en bout de chaîne, nous donne l’impression qu’elle est comme un élément extérieur, d’autant plus que c’est d’elle que dépend l’action : elle ne peut supporter que Bélisaire l’ait méprisée et, guidée par l’honneur, elle décide de mettre fin à ses jours. On n’assiste pas au schéma traditionnel qui veut que l’obstacle entre les deux amants soit l’autorité du père : la seule autorité de la pièce est celle de Justinien qui n’agit ici ni en père, ni en rival, ni en amoureux mais en juge (d’où son nombre d’apparitions très réduit et principalement dans des scènes de jugement). Cette construction ne diffère en rien d’une route parcourue et poursuivie au fur et à mesure des étapes franchies.
Mais on peut noter aussi que le noyau de la pièce est négatif : c’est le refus de Bélisaire qui guide Théodore dans son dessein, le refus d’Amalazonthe plonge Bélisaire dans le désespoir, le refus de Bélisaire devant l’amour de Sophie la décourage et la déroute à tel point que le héros va la croire responsable d’une tentative de meurtre. C’est ainsi que la chaîne amoureuse ne se résoudra que si le non de Bélisaire pour Sophie devient un oui et si Théodore quitte son triste combat.
D’où l’importance du dénouement in extremis digne d’une pastorale et de la tragi-comédie puisqu’on assiste au changement d’attitude au dernier moment de l’impératrice qui se repent et à un amour soudain de Bélisaire pour Sophie (V, 10). Dès lors, l’empereur reconnaît l’innocence de son général d’armée et lui permet ainsi d’épouser sa nièce : l’obstacle qu’était Bélisaire entre Amalazonthe et Vitigés est ainsi levé et ils peuvent aussi s’unir selon le voeu de l’empereur. Quant à Iskirion, rival le plus inquiétant au départ pour Sophie et Bélisaire, il fait preuve de générosité et organise l’union des deux amants tout en acceptant de rester seul. Ce n’est pas pour autant que le dénouement reste inachevé : ce personnage choisit cette fin et se met ainsi à leur service.
Spectacle et mise en scène §
Il existe au XVIIe siècle une véritable passion du spectacle : le public veut être étonné, émerveillé par ce qu’il voit. Pour satisfaire cette passion populaire, on écrit de nombreuses pièces dont le succès considérable est dû en partie « au superbe appareil de la scène ». Et même si l’évolution du théâtre va limiter la part de l’élément spectaculaire dans les pièces à partir de 1639-1640 pour tendre vers une action restreinte dans le temps et l’espace avec une concentration de l’intérêt sur la psychologie des personnages, Desfontaines déroge à la règle et donne une très belle place au spectacle.
Ce spectacle passe d’abord par le décor. Il existe au XVIIe siècle un système de décoration complexe l’hérité du Moyen Age : le décor médiéval à compartiments, utilisé dans la représentation des Mystères, s’est adapté à la taille des salles de jeu de paume et aux scènes de théâtre comme l’Hôtel de Bourgogne. L’idée de ce décor est un décor multiple représentant, soit par des compartiments, soit par des espaces conventionnels, des lieux en réalité très éloignés les uns des autres. L’utilisation de cette technique ne fait aucun doute pour notre pièce mais nous n’avons aucun témoignage sur ce qu’a été le décor de Bélisaire. Nous ne pouvons pas non plus nous aider du registre de l’Hôtel de Bourgogne où a été représenté le Bélisaire de Rotrou : Mahelot n’y fait pas allusion, certainement par oubli7, et si le décorateur Laurent évoque un Bélisaire, Lancaster émet quelques soupçons :
Il s’agit de cette pièce [Bélisaire de La Calprenède, non imprimée et louée en juillet 1659] plutôt que des tragédies plus anciennes de Desfontaines et de Rotrou, car le Bélisaire du premier, imprimé en 1641, demande un bois et une prison, tandis que le Bélisaire du dernier représenté vers 1642, désigne il est vrai, une bague, un poignard, des lettres [...] mais aussi [des] objets dont Laurent ne parle pas.8
Néanmoins, les lieux de l’action de notre pièce sont typiques de la tragi-comédie et il est facile d’imaginer ce que pouvait être le décor. Desfontaines, par ses didascalies, nous indique qu’il faut un palais, un bois et une prison ; nous pouvons ajouter que la salle du trône doit apparaître pour les scènes judiciaires du début et de la fin et qu’il faut ajouter deux autres pièces du palais : même si le dramaturge ne l’indique pas, l’enchaînement des scènes dans les actes III, IV et V nécessite deux salles et non une seule, pour la logique des entrées et des sorties des acteurs9. Ainsi, le décor serait le suivant : au fond, une toile représentant le palais en perspective avec la salle du trône (au milieu pour respecter la symétrie), puis, des deux côtés de la scène, les deux autres salles du palais. La prison serait devant à gauche caractérisée par une grande fenêtre grillée. Devant à droite, on trouverait le bois. Il est important de préciser qu’il était souvent impossible pour l’acteur de rester dans le compartiment où l’action est censée avoir lieu. L’acteur se montrait dans le lieu puis allait au milieu de la scène où l’auditoire pouvait le voir et l’entendre, tout en supposant qu’il était toujours dans le compartiment d’où il était sorti.
En plus de la fonction dramatique de la mise en scène qui donne un espace concret au texte, elle apporte une dimension décorative et spectaculaire pour le plaisir des yeux. Le public attend, en effet, que les personnages évoquent une idée de richesse et de noblesse par leurs atours. Nous n’avons aucun indice sur la beauté du décor et des costumes mais nous pouvons imaginer qu’ils devaient correspondre à la grandeur et à la majesté de l’empereur Justinien. Un seul accessoire permet de se faire une idée sur cette richesse : c’est un diamant qu’Iskirion offre à Bélisaire en gage d’amitié.
En plus de cette magnificence des accessoires, il y a le spectacle de la pompe royale. J. Scherer10 insiste sur l’importance de cette notion de « pompe » dans l’esthétique du XVIIème siècle, pompe que l’on obtient au théâtre, selon d’Aubignac, « par le nombre et par le majesté des acteurs, ou par un spectacle magnifique »11. C’est ainsi que Bélisaire compte deux scènes de cérémonie où l’on retrouve tous les personnages : la première et la dernière de la pièce, deux scènes judiciaires d’une gravité majestueuse que l’on imagine bien jouée dans la salle du trône.
Par ailleurs, comme le recommandait Aristote, il faut exciter la terreur et la pitié ce qui n’est pas sans déplaire au sentiment populaire. Ainsi la mise en scène va fournir plusieurs éléments de spectacle pathétique12. La prison est assez courante : elle offre souvent l’occasion au héros de se plaindre et permet même, ici, à Bélisaire de se rendre compte de son amour pour Sophie et de la générosité de cette dernière qui est prête à prendre sa place de captif pourvu que l’homme qu’elle aime soit libre (V, 11).
Enfin il faut noter l’importance des combats que se livrent les acteurs qui sont là pour matérialiser les conflits. La forme de combat la plus répandue est le duel mais elle est absente de Bélisaire ; elle est remplacée par le guet-apens (II, 2).
Esthétique romanesque §
Bélisaire répond aux caractéristiques de l’esthétique baroque avec, en plus du spectacle, un élément nécessaire pour toucher le public : le romanesque. Il naît du caractère invraisemblable des thèmes et de leur multiplicité. Bélisaire manque de mourir pas moins de cinq fois et n’hésite pas à se mettre en péril pour sauver des étrangers. D’autre part le repentir de Théodore ainsi que la croyance aveugle de Justinien dans les dires de son épouse sur une trahison de Bélisaire paraissent un peu extrêmes et dignes du roman. Que dire encore du « duel de générosité » entre Amalazonthe et Vitigés (acte I, scène 1), et de celui entre Iskirion et Bélisaire (acte V, scène 11) où chacun accepte de perdre la vie pour sauver l’autre ? N’oublions pas non plus l’offre que fait Sophie à Bélisaire de prendre sa place en prison pour qu’il retrouve la liberté (acte V, scène 10). A ces lieux communs de la littérature romanesque, s’ajoute le déguisement. On ne trouve qu’un seul déguisement dans la pièce, le tapabort de Narsès à la scène 3 de l’acte II, mais qui est tout à fait motivé et nécessaire à l’action. En effet, Bélisaire ne doit pas voir pendant le combat le visage de son adversaire afin qu’il le frappe impunément et garde ainsi sa vertu malgré la blessure mortelle qu’il inflige à son meilleur ami (dont la mort est également nécessaire). Il y a également la référence au travestissement de Sophie et de Bélisaire pour que la première prenne la place en prison et que l’autre sorte sans éveiller les soupçons des gardes.
D’autre part, c’est au langage que les dramaturges vont demander de plus en plus de frapper l’imagination et la sensibilité des spectateurs. Dans la tragi-comédie, se met en place une véritable rhétorique passionnelle qui, à travers l’expression des sentiments exaltés des personnages, cherche à toucher et émouvoir le public : ce qui contribue à faire du texte, un discours galant.
Cette rhétorique emploie donc un certains nombres de figures de style (métaphore, hyperbole, antithèse) mais aussi les formes d’écriture théâtrale comme le monologue et les stances lyriques. On retrouve alors les métaphores et comparaisons hyperboliques, mises à la mode par la poésie pétrarquiste, pour désigner la femme aimée ou décrire ses beautés. La comparaison de Sophie avec un « Astre divin » revient constamment dans la bouche d’Iskirion : il tente d’attirer l’attention de Bélisaire et de lui redonner espoir ;
Voy cét Astre Divin qui doit finir ta peine,Sophie est tousjours belle & jamais inhumaine (10, V).
Quant aux métaphores exprimant le mal d’amour - le feu consume, trait qui blesse, lien captif -, les amants les répètent sans cesse. C’est l’occasion d’un jeu subtil entre Bélisaire et Amalazonthe :
Belis....Amour n’est jamais mieux que dans une prison,Il hayt la liberté, fait mesme qu’on la craigne,Et la chasse d’un coeur aussi tost qu’elle y regne.Amal.Ses plumes nous font voir qu’il sçait bien en partir.Belis.Mais c’est pour y voler, & non pour en sortir,Conservons liy pourtant l’usage de ses aisles,Sortant d’une prison qu’il entre en de plus belles, [...]Amour vous nuit icy, qu’Amour vous en retire. (v. 821-830)
Théodore se sert aussi de la métaphore pour exprimer la haine et le terrible désir de vengeance que lui inspire la gloire de Bélisaire :
Icare audacieux, cette orgueïlleuse pompeDont le funeste esclat me déplaist & te trompe,Seront de faux ardens dont les traistres appasAttireront ta vie au chemin du trespas. (v. 153-156)
L’antithèse permet aussi souvent aux personnages de faire connaître leurs sentiments avec force, soit que partagés entre deux passions contraires, soit que leur joie ou leur douleur contrastent avec la situation dans laquelle ils se trouvent. C’est ainsi que l’impératrice évoque son trouble, avec en plus un effet d’accumulation :
Je desteste son nom, je le hay, je l’abhorre,Je le fuis, je le crains, & je l’aime encore,Je sens mon feu s’éteindre, & puis se rallumer,Je ne le puis hayr, je ne le puis aimer, (v. 1482-1485).
D’autres figures contribuent à suggérer la violence des passions et le trouble qu’elle engendre. Ainsi les invocations et apostrophes que les héros adressent aux dieux ou forces de la nature. Bélisaire, isolé à l’orée du bois, se tourne vers les arbres qui l’entourent :
Lieux charmans, solitude sombre,Séjour du silence & de l’ombre,Beaux arbres que je rends tesmoins de mon tourment, (v. 409-411).
Mais dans cette pièce, c’est le dieu Amour qui est le plus souvent invoqué. Narsés lui demande de l’aide dans sa mission pour protéger Bélisaire, mais en même temps est persuadé qu’un tel dieu n se tient que du côté du crime :
Et toy Dieu des beautez, & des graces, Amour,Confonds un assasin qui vient en cette Cour, [...]Mais ! ô Roy du désordre et du déreglement,Ma voix en ce besoin t’invoque vainement,Tu ris dans les malheurs, tu te plais dans les larmes,A ces tristes effects tu reserves tes armes. (v. 375-382)
Parfois lyrisme et rhétorique s’allient afin de plus émouvoir et prennent souvent la forme des stances. Bélisaire s’exprime deux fois en stances dans l’acte II et partage ainsi avec le public sa douleur et sa détresse : dans un cas, il s’agit de sa plainte amoureuse dans la mesure où il a un rival (2, II) et dans l’autre, de son affliction devant la cadavre de son ami qu’il vient de tuer par erreur (5, II).
D’autre part, les références à Eros, fort nombreuses, se font souvent sur un mode descriptif comme s’il s’agissait de véritables tableaux, et selon les critères de représentation traditionnelle de cet enfant ailé :
Et tu ne portes plus de traits dans ton carquoy,Que pour favoriser des tyrans comme toy, [...]Seconde des desseins, allume ton flambeau, (v. 383-387)
Tous ces éléments montrent bien le souci du dramaturge de toucher l’imagination des spectateurs aussi bien par la situation sur scène que par le discours font de Bélisaire une véritable tragi-comédie. Cependant, elle présente la caractéristique de ne pas comporter d’indices proprement comiques ce qui peut s’expliquer par le fait que la source est une tragédie et que les personnages sont presque tous de haute condition.
Les personnages §
Bélisaire est, comme nous l’avons vu d’après sa présence sur scène et son temps de paroles, le personnage principal et présente le caractère du héros de tragi-comédie : il brille par son courage et par la noblesse de ses sentiments.
Comme tout héros tragi-comique, il est amoureux passionné : cet amour est soudain, irrésistible, inspirant une véritable dévotion pour sa maîtresse et un attachement que rien ne peut rompre, même le discours que lui tient Sophie. Il préfère mourir que d’accepter que la femme qu’il aime éprouve des sentiments pour un autre (2, IV). Mais en même temps, Bélisaire est amoureux inconstant : il a un penchant pour Amalazonthe, mais n’est cependant pas indifférent à la beauté de Sophie. Dans le face à face des deux amants, Bélisaire reconnaît qu’elle a beaucoup de charmes (« Et pour ne pas aimer il ne faut pas vous voir », v.1097) mais explique le fait qu’il se détourne d’elle par le respect qu’elle inspire, d’autant plus qu’elle est la nièce de son maître. Ce caractère inconstant va se confirmer dans le dénouement puisque devant la générosité de Sophie, il va très vite oublier Amalazonthe pour s’unir à Sophie.
Même si Bélisaire est un héros inconstant, il n’en demeure pas moins digne d’être le favori de Justinien et d’être au rang de héros. C’est un brave guerrier qui multiplie les victoires, grâce à qui l’Empire s’agrandit et qui est capable d’une extraordinaire générosité. Il est, en effet, prêt à mettre sa vie en danger afin de sauver les autres comme en témoigne la façon dont il tire Iskirion du guet-apens dans lequel il est tombé (3, II). En plus de cette grandeur d’âme, Bélisaire est un être vertueux par son sens de la justice, de l’obéissance et de l’honneur. Il est entièrement dévoué à son empereur, soumis à toutes ses décisions au point de ne point chercher à se défendre lorsqu’il est fait prisonnier alors qu’il est innocent. Il accepte aussi difficilement les pouvoirs que Justinien lui offre en récompense de ses exploits militaires ne se sentant pas digne de les recevoir et d’être ainsi l’égal de l’empereur. Par ailleurs, c’est un homme qui agit au nom de la justice au point qu’il n’hésite pas à vouloir se donner la mort en punition du coup mortel qu’il a porté sur Narsés. Bélisaire obéit aussi au code de l’honneur non seulement pour lui mais aussi pour Théodore et Sophie. En effet, il évoque la question de l’honneur afin de justifier auprès de l’impératrice le fait qu’il est répondu négativement à ses avances d’autrefois (« Loin de vous mépriser, combien je vous honnore, / Puis que sans écouter mon amour suborneur, / J’ay perdu mes plaisirs pour sauver vostre honneur : » v.1658-1659).
Bélisaire est donc un véritable héros de tragi-comédie, amoureux et même inconstant mais sachant répondre aux vertus nobles dignes des personnages de son rang. Cependant, certains passages font entorse à la bienséance interne. Obéir à la bienséance interne, c’est faire évoluer un personnage conformément à la manière dont il a été introduit ; cela signifie que Bélisaire présenté comme un homme vertueux et soumis doit le rester jusqu’à la fin de la pièce. Or c’est précisément ce qui pose problème, notamment dans ses tête-à-tête amoureux dans lesquels il se montre parfois odieux. Si l’on se réfère à la scène 3 de l’acte III, on peut noter combien Bélisaire est menaçant dans ses propos, voire même tyrannique dans la fin de l’entrevue contrairement au début : « Cét espoir, ma Princesse, entretient vos malheurs, / Cette espine jamais ne produira de fleurs [...] / Vous reparez la vostre en mon amour offerte, / Ma premiere victoire est de vous acquerir. » (v. 832-840).
Enfin, nous pouvons noter que Bélisaire, héros tragique dans la pièce d’origine, perd cette dimension tragique. Il est tout au plus pathétique, notamment dans la scène de la prison ou lorsqu’il tue son ami Narsés. Nous reviendrons ultérieurement sur cette utilisation du thème tragique de l’innocent persécuté dans une tragi-comédie et les transformations que cela implique.
Le personnage féminin de Théodore a aussi un rôle capital dans l’action. C’est elle, comme nous l’avons déjà dit auparavant, qui lance l’action et la conduit jusqu’au bout dans la mesure où nous sommes dans une pièce à opposant unique. Et de façon plus précise, c’est l’honneur qui anime toute la pièce puisque c’est lui qui inspire tous les crimes de l’impératrice : elle ne peut supporter que Bélisaire l’ait méprisée et décide de se venger ; même la grandeur d’âme de sa victime ne parvient pas à la toucher. Elle met sa gloire en sa haine. Ce désir puissant de vengeance se traduit par une détermination et une précipitation particulières. On a alors le sentiment qu’elle agit davantage par instinct. La façon, par exemple, dont elle se confie à Narsés et Sophie, qui finalement ne s’avèrent pas être de véritables confidents puisqu’ils vont s’opposer à ses intentions, dans la scène qui suit immédiatement après, illustre très bien cette détermination. De même, quand elle apprend l’échec d’Iskirion, elle se tourne tout de suite vers Doristel, sans même prendre la peine de s’assurer de sa fiabilité ; elle ne prend d’ailleurs pas le temps de punir Iskirion comme elle l’avait menacé s’il échouait. Théodore est finalement une femme seule : elle n’a ni confidente, ni suivante contrairement à la pièce espagnole dans laquelle Théodore en a trois, et tous ses mandataires échouent par amitié ou reconnaissance envers Bélisaire. D’une certaine façon, elle n’a pas besoin de confident puisqu’elle nous fait connaître ses états d’esprit, seule, dans ses monologues à l’acte cinq. Mais ces monologues apparaissent davantage comme un pur ressort dramatique que comme l’indice d’une profondeur psychologique. En outre, il semblerait que Desfontaines ait choisi de l’isoler ainsi, afin de mettre en valeur le décalage entre cette femme impérieuse et orgueilleuse et le général vertueux et généreux que tout le monde soutient contre elle : la grandeur d’âme de Bélisaire est d’autant plus importante que la colère de Théodore est aveugle et démesurée.
Mais il n’en demeure pas moins que l’impératrice est une femme intelligente et qui sait retourner la situation à son avantage. L’épisode de la lettre en est le meilleur témoin : c’est uniquement quand elle apprend par Justinien que Bélisaire quitte la cour et qu’il cache la raison de son départ, qu’elle pense à utiliser la lettre contre lui. Mais aussi intelligente soit-elle, on se demande pourquoi elle attend le dernier acte pour nous dévoiler les véritables enjeux de sa vengeance. L’évolution psychologique du personnage se fait en l’espace de quelques scènes seulement, ce qui semble un peu rapide pour un caractère si déterminé. À cette faiblesse de Desfontaines dans la construction de sa pièce, s’ajoute la même entorse que pour le personnage de Bélisaire. Dans la scène 3 de l’acte IV, Théodore s’adresse à Iskirion sur un ton et d’une manière qui ne correspondent pas à ceux qu’on emploie devant un Prince : « Perfide est-ce donc là l’effect de ta promesse ? / [...] Tu medites en vain des excuses frivoles, » (v.1198-1209).
Autour de ces deux personnages centraux de la pièce, on trouve aussi l’empereur dont la présence dans la pièce française est très réduite. On ne compte que quatre entrées dans des scènes en majorité politique dont trois dans le dernier acte. Justinien a un rôle avant tout de juge (son nom est déjà porteur de sens). La pièce s’ouvre et se ferme par une scène judiciaire dans lesquelles il prononce un jugement : dans la première il s’agit du sort de Vitigés et Amalazonthe, faits prisonniers par Bélisaire ; à la fin il est question de l’union de Bélisaire et Sophie et de Vitigés et Amalazonthe.
Lors de ses deux autres apparitions, son autorité est mise en difficulté. A la scène 6 de l’acte V, Justinien entre seul, même sans garde (symbole de son pouvoir), et paraît très affligé de la décision qu’il a prise au sujet du départ de Bélisaire : il agit désormais plus en tant qu’homme et époux puisqu’il fait intervenir ses sentiments dans ses arrêtés, comme en témoigne l’ordre qu’il donne suite aux révélations de sa femme. De même, dans la scène 12 de l’acte V, l’empereur s’interroge sur le jugement qu’il va prononcer et la punition qu’il va infliger à Bélisaire. Il fait là aussi parler son cœur, ce qui est normalement interdit à un juge comme le symbolise la statue aux yeux bandés de la justice (les juge ne doivent ni connaître ni favoriser personne). Le dilemme dans lequel il est engagé se résout de lui même avec l’arrivée de Théodore et le prisonnier dont elle déclare l’innocence.
Desfontaines a ainsi éliminé toutes les autres scènes espagnoles dans lesquelles Justinien prenaient plus part à la vie de ses sujets et tentaient de découvrir la responsable des attentats visant Bélisaire. Dans la pièce française, l’empereur n’est, bizarrement, pas au courant du danger que court son favori...
Le deuxième personnage féminin d’importance est celui de Sophie, qui lui aussi a changé par rapport à celui que propose Mira de Mescua. Elle a acquis plus de caractère et d’assurance notamment face à Théodore. En effet, elle n’hésite pas à affirmer ce qu’elle pense des intentions meurtrières de sa rivale, ni à s’opposer à ses projets avec l’aide de Narsés, en protégeant Bélisaire. Elle ose tenir tête et de façon très habile, comme dans le premier acte. La relation Théodore-Sophie n’est plus à sens unique : la jeune fille se montre plus présente.
D’autre part, elle va reprendre la charge pathétique de la pièce, chose nouvelle chez Desfontaines. Elle se retrouve être le salaire du combat mené contre celui qu’elle aime. Elle est, dans cette situation, comparable à Chimène, héroïne de Corneille d’autant plus que la rencontre entre Bélisaire et Sophie se calque bien sur le face à face Chimène-Rodrigue. Mais elle n’en demeure pas moins une héroïne tragi-comique lorsqu’elle propose généreusement à Bélisaire de prendre sa place en prison.
Les autres rôles sont au départ des rivaux pour Bélisaire dans la mesure où ils incarnent l’obstacle au bonheur de ce dernier. Ils sont avant tout des opposants, des moyens pour Théodore ; mais cela, contrairement à la tendance général, ne signifie pas qu’ils n’ont aucune profondeur psychologique (à l’exception de Doristel). Narsés et Iskirion ont une conscience, un honneur a défendre et un idéal à poursuivre. C’est ainsi qu’on les voit tous deux s’interroger dans un monologue dans les termes du dilemme honneur-amour. D’autre part, ces deux personnages ont une véritable fonction auprès de Bélisaire lors de leur revirement, surtout Iskirion. En effet, c’est lui qui va pousser Sophie à se rendre dans la prison pour le libérer.
Belisaire, l’innocent persécuté §
Le personnage de Bélisaire s’inscrit dans la tradition du thème de l’innocent malheureux qui a pour modèle Hippolyte victime des machinations de Phèdre. En effet, au couple Phèdre et Hippolyte se substitue celui de Théodore et Bélisaire. Cependant il existe une différence notable entre les deux : Bélisaire n’est pas le fils de Justinien. Dès lors, si le sujet d’Hippolyte est celui du fils tué par son père, chez Desfontaines il s’agit, davantage du drame de la jalousie féminine, d’autant plus que Bélisaire est finalement sauvé.
Rappelons tout d’abord la légende de Phèdre et d’Hippolyte. « Phèdre, fille de Minos et épouse de Thésée, tomba amoureuse de son beau-fils Hippolyte, fils de l’Amazone Antiope, et s’efforça de le convaincre de s’unir à elle. Il se fâcha de cette offre et, saisie de peur, elle retourna l’accusation contre lui et le dénonça à Thésée comme ayant voulu la séduire.Thésée la crut et demanda la mort de son fils à Poseïdon. Tandis qu’Hippolyte s’exerçait à conduire son char, un taureau suscité par le dieu sortit de la mer et effraya les chevaux : il fut renversé, trainé et tué. Phèdre, quand elle vit sa calomnie découverte, se pendit. »13 Cette légende, dramatisée par de nombreux auteurs, met en scène un père tuant son fils parce qu’il le pense coupable d’un amour adultère avec sa propre femme. Dans la pièce française, l’action est centrée sur les ruses de l’impératrice qui venge le refus de Bélisaire à ses avances passées. Même si Théodore n’est pas la belle-mère du héros, il existe entre le héros et le mari un rapport de subordination, impliquant respect et loyauté de la part du héros puisque Bélisaire est sujet de Justinien et chef de ses armées. En plus de ce rapport de subordination, on constate une soumission de Bélisaire devant son empereur : il approuve les décisions du juge, accepte la mort sans révolte et garde le silence devant l’injustice. Il cherche même à quitter la cour au lieu de défendre son innocence. Nous n’avons aucun face à face entre Bélisaire et Justinien, contrairement à la pièce espagnole, comme si Desfontaines avait voulu accentuer l’attitude soumise du héros afin de toucher davantage le public par le côté injuste et pathétique de l’histoire. Bélisaire attend la mort passivement, même quand Théodore vient pour le tuer en prison il dit :
Laisse agir sa fureur, c’est pour moy qu’elle bute,Souffre, cruel amy, qu’elle acheve mon sort, [...]Achevez, Theodore, achevez vostre ouvrage,Ce coeur ne tremble point pour un si foible orage (v.1618-1638)
Sa position est rendue pathétique dans la mesure où il est cruel de se voir disgracié pour avoir repoussé un amour criminel et d’être déshonoré pour ce motif surtout si l’infamie dont on est accusé est celle qu’on a repoussée.
Il existe une autre différence importante par rapport à la légende mais aussi entre les deux Bélisaire, différence qui reprend l’évolution littéraire de ce thème. Dès le début du XVIIème siècle, Hippolyte devient amoureux et est désormais un gentilhomme parfait comme le veut une nécessité quasi-institutionnelle dans la littérature européenne du XVIIème siècle où la solitude sentimentale d’un héros masculin est difficilement acceptable. C’est ainsi que le Bélisaire espagnol est amoureux d’Antiona, l’une des confidentes de Théodore, dont il est aimé en retour. Une nouvelle opposition se met en place : la séductrice face à la bien-aimée. Chez Desfontaines, la transformation de Bélisaire est encore plus importante puisque non seulement il aime mais en plus il est inconstant, ce qui fait de lui un personnage de tragi-comédie à part entière. Désormais, Théodore va agir sous l’emprise de la vengeance et de la jalousie : en plus de calomnier le héros, elle s’appliquera aussi à persécuter la rivale.
Le grand thème qu’incarne Phèdre est celui de la tentatrice-accusatrice ; Théodore, elle, va réduire cette double logique. Chez Desfontaines, on ne voit jamais l’impératrice faire des avances à Bélisaire et son désir de vengeance ne vient que bien longtemps après le refus de ce dernier. Une des scènes majeures de Mira de Mescua est supprimée dans la pièce française : à l’acte III, Théodore attire Bélisaire et tente de le séduire par le jeu du gant et de la bande qu’elle laisse tomber volontairement ; mais le héros comprend le manège et le déjoue en demandant à Antonia de les ramasser. Cette grande scène de tentation est complètement effacée chez Desfontaines et Théodore n’a alors plus que le rôle de l’accusatrice.
En même temps, Bélisaire devient le drame de la jalousie féminine dans la pièce espagnole comme dans la française mais avec quelques modifications. Dans la mesure où Bélisaire est amoureux d’une autre femme, Théodore va aussi s’attacher à séparer les deux amants en plus de vouloir tuer Bélisaire. C’est ainsi que dans la tragédie espagnole, Théodore interdit à Antonia d’adresser la parole à Bélisaire, ce dernier croyant alors qu’il n’est plus aimé en retour. Mais ils parviendront à se parler grâce à une répétition de théâtre à l’occasion de l’anniversaire de l’empereur, pièce de Pyrame et Thisbée dans laquelle Bélisaire et Sophie ont le rôle des deux amants. Cet épisode est totalement supprimé chez Desfontaines et Sophie parvient à se déjouer de sa tante en engaeant par exemple Narsés contre elle.
On perd ici une dimension de la légende de Phèdre et d’Hippolyte dans laquelle nulle place n’était faite à la lutte intérieure ni au remords. Non seulement Théodore s’interroge mais en plus elle éprouve du remords devant son action et retourne alors la situation : elle s’avoue coupable de la supercherie devant l’empereur et la cour et demande pardon, alors que encore chez Mira de Mescua, Théodore disparaît de scène avant la fin et préfère s’exiler plutôt que d’affronter l’innocent devenu malheureux par sa faute. Il faut ajouter que la transformation de Théodore et de son caractère plus inconstant est la condition même du renversement final et de la possibilité de faire de la tragédie espagnole une tragi-comédie.
Établissement du texte §
Édition §
Nous ne possédons pas le manuscrit de Bélisaire. Il n’en existe qu’une édition :
BELISAIRE. / TRAGI-COMEDIE. / (fleuron) / DEDIE’E / A MONSEIGNEUR LE COMTE / DE BURY. / A PARIS, / Chez AUGUSTIN COURBE’ Impri- / meur & Libraire ordinaire de Monseigneur / Frere unique de sa Majesté, en la petite / Salle du Palais, à la Palme. / M. DC. XLI. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Petit in -4°.
120 pages.
I/ Fleuron gravé par Darat avec la devise « Curvata resurgo » ;
II/ Verso blanc ;
III-V/ Dédicace à Messire François de Rostaing Chevalier Comte de Bury ;
VI/ Sonnet au même ;
VII/ Extrait du privilège ;
VIII/ Verso blanc ;
IX/ Liste des acteurs.
P. 1-112, Belisaire.
Privilège accordé pour sept ans à Courbé le 20 juin 1641 ; achevé d’imprimer le 6 juillet 1641.
Il existe d’assez nombreux exemplaires de la même édition dans les collections publiques françaises et étrangères. Les éditions séparées sont :
- – à la Bibliothèque Nationale : Yf 575 in 4°, hors d’usage,
- – à la Bibliothèque de la Sorbonne : R ra 428 in 8°.
- – à la Bibliothèque municipale de Lyon : 36 0741
Les éditions collectives sont :
- – à la Bibliothèque de l’Arsenal : 4BL 3490 (2) in 4°,
- – à la Bibliothèque municipale de Rouen : 0. 598 (3)
- – à la Bibliothèque du British Museum, Londres : 86.a.l.(5)
Principes retenus dans la présente édition §
Nous avons préféré garder l’orthographe de l’original. Il ne faudra donc pas s’étonner des nombreuses formes d’un même mot : le XVIIème siècle n’avait pas encore une orthographe fixe. Nous avons néanmoins modernisé quelques graphies : décomposition des voyelles nasales surmontées du tilde en voyelle + consonne, les ### en ss, différenciation de i et u de j et v.
Nous avons également conserver la ponctuation de l’époque qui n’a pas la même valeur que la nôtre : il n’était par exemple pas rare de trouver une virgule entre le sujet et verbe si celui-ci était au vers suivant. En fait, la ponctuation était plutôt une indication pour la déclamation.
Les didascalies sont conformes à celles de l’original, ainsi que le découpage des scènes.
Nous avons néanmoins ajouté le numéro des vers pour faciliter la lecture.
Corrections §
Nous avons corrigé quelques erreurs et coquilles qui semblaient être de l’éditeur. En voici la liste :
vers 270 faire ou rage / 274 l’audace n’offence / 309 qu’elle est / 339 prevenir / 427 s’en est fait / 452 où / 567 Enyurez / 966 lâches / 1001 qui [...] mon / 1020 le sang / 1282 nostre / 1228 baniray / 1255 En son rang / 1279 & la place / 1383 à présent / 1416 & ici / 1531 Arrestez-le / 1693 autre Estat / 1699 calmans / Rubrique de la scène 8, de l’acte V : SCENE VII / même scène : SOPHIE / rubrique de la scène 10, de l’acte V : ISKIRION / didascalie scène 10, V: les fers à Belis. / didascalie scène 11, V : A Iskir.
Nous avons également modifié certains signes de ponctuation dans le texte pour une meilleure compréhension ; en voici la liste, avant correction :
vers 173 commandement puissant / 427 fait quitte / 448 veu posseder / 843 a ravy sa presence, / 1228 mon sort. / 1273 sommeil je luy / 1328 Prince infortuné, / 1333 si belle main, / 1383 vos yeux, à présent / 1417 ton supplice, / 1440 le perdant. / 1483 desseins differents. / 1535 expresse defense. / 1699 les flots calmans / 1747 meritoient.
BELISAIRE
TRAGI-COMEDIE
DEDIE’E A MONSEIGNEUR LE COMTE DE BURY §
A HAULT ET PUISSANT SEIGNEUR MESSIRE FRANCOIS DE ROSTAING CHEVALIER COMTE DE BURY §
MONSEIGNEUR,
Voici le plus jeune, mais le moins defectueux de mes enfants qui vient se jetter entre vos bras, par le dessein qu’il a de se donner tout à vous, & témoigner à votre grandeur la sincérité de son zele, & la pureté de mon affection. Son aisné14 a receu de votre bonté un traitement si favorable, que son Cadet ne pouvait sans ingratitude embrasser en sa naissance un autre autel que celuy de vostre merite. Souffrez donc que l’un & l’autre joignent ensemble leurs reconnoissances, & que cette égale inclination qui les porte à vous honnorer soit également heureuse auprez de vous. Si le premier dans la vie du Cid vous a fait voir un tableau de vostre valeur ; le second par celle de Belisaire vous mettra devant les yeux l’image de vôtre vertu, & vous verrez dans tous les deux un illustre portraict de vous-mesmes. Il reste pour prix de vostre courage que vous receviez un jour des mains de nos Roys ce que tous deux ont reçeu de celles de leurs Monarques. Ce sont les voeux, Monseigneur, & du pere & des enfants, qui appuyez de l’honneur de vostre protection se tiendront trop heureux d’estre au nombre de vos creatures, & moytres-glorieux de porter toute ma vie la qualité,
MONSEIGNEUR,
de
Vostres tres-humble, tres-obeïssant & tres-affectionné serviteur,
DES-FONTAINES.
AU MESME Sonnet §
Extraict du Privilège du Roy. §
PAR grace & Privilege du Roy, il est permis à AUGUSTIN COURBE’, Libraire, de faire imprimer un Livre intitulé, Bélisaire, Tragi-Comedie, Par le Sieur DES-FONTAINES. Et deffences sont faites à toutes personnes, de quelque qualité ou condition qu’elles soient, de l’imprimer, ou de le faire imprimer, vendre, ni distribuer, sans le consentement dudit COURBE’, & ce durant le temps de sept ans, sur les peines portées par ledit Privilege. DONNE’ à Paris, le vingtiesme jour de Juin mil six cens quarante-un.
Signé LEMOINE.
Achevé d’imprimer pour la premiere fois, le 6 Juillet mil six cens quarant-un.
LES ACTEURS §
- JUSTINIAN Empereur de Constantinople.
- VITIGEZ Roy des Goths.
- ISKIRION Prince Danois.
- BELISAIRE General d’Armée sous Justinian.
- NARSE’S Son lieutenant.
- PYRANDRE Capitaine des Gardes.
- DORISTEL Soldat.
- DIOPHANTE Suivant de Belisaire.
- THEODORE Imperatrice femme de Justinian.
- SOPHIE Niepce de Justinian.
- AMALAZONTHE Princesse de Saxe.
ACTE PREMIER §
SCENE PREMIERE §
JUSTINIAN15
AMALAZONTHE
Ah ! Seigneur vous estes tropJUSTINIAN
AMALAZONTHE
JUSTINIAN
[p. 4]AMALAZONTHE
VITIGES
AMALAZONTHE
VITIGES
THEODORE
SOPHIE
NARSES
BELISAIRE
[p. 7]JUSTINIAN
VITIGES
JUSTINIAN à Belisaire
THEODORE à part
BELISAIRE
JUSTINIAN
SCENE II §
THEODORE35
SOPHIE
THEODORE
NARSES
THEODORE
[p. 12]NARSES bas
THEODORE
[p. 13]SOPHIE
[p. 14]THEODORE
SOPHIE
THEODORE
NARSE’S
SCENE III §
SOPHIE46
NARSE’S
SOPHIE
NARSE’S
SOPHIE
NARSES
SCENE IV §
[p. 20]NARSE’S54
ACTE II §
SCENE I §
BELISAIRE
SCENE II §
[p. 23]BELISAIRE seul
SCENE III61 §
ISKIRION
NARSE’S
BELISAIRE
[p. 26]BELISAIRE
ISKIRION
BELISAIRE
NARSE’S
ISKIRION
BELISAIRE
Narsés, quelleNARSE’S
BELISAIRE
NARSE’S
BELISAIRE
[p. 30]NARSE’S
ISKIRION
SCENE IV §
[p. 31]BELISAIRE
ISKIRION
BELISAIRE
ISKIRION
BELISAIRE
ISKIRION
BELISAIRE
ISKIRION
BELISAIRE
SCENE V §
[p. 35]BELISAIRE86
SCENE VI §
[p. 37]DIOPHANTE empeschant qu’il ne se jette sur son espée.
BELISAIRE
DIOPHANTE
BELISAIRE
DIOPHANTE
DIOPHANTE
BELISAIRE
DIOPHANTE
BELISAIRE
Fin du secon Acte
ACTE III §
SCENE I §
THEODORE93
ISKIRION
[p. 40]THEODORE
SCENE II §
ISKIRION94
SCENE III §
BELISAIRE102
AMALAZONTHE
BELISAIRE
AMALAZONTHE
BELISAIRE
AMALAZONTHE
BELISAIRE
AMALAZONTHE
BELISAIRE
AMALAZONTHE
BELISAIRE
[p. 47]SCENE IV §
BELISAIRE
SCENE V §
DORISTEL parlant à Iskirion
ISKIRION
BELISAIRE
ISKIRION
BELISAIRE
ISKIRION
BELISAIRE
[p. 51]SCENE VI §
THEODORE123
SOPHIE
THEODORE
SOPHIE
THEODORE
SOPHIE
THEODORE
SOPHIE
THEODORE
[p. 54]SOPHIE
THEODORE
SOPHIE
Fin du troisième Acte
ACTE IV §
SCENE I §
VITIGEZ
AMALAZONTHE
VITIGEZ
AMALAZONTHE
VITIGEZ
AMALAZONTHE
VITIGEZ
[p. 58]AMALAZONTHE
VITIGEZ
AMALAZONTHE
VITIGEZ
VITIGEZ
AMALAZONTHE
VITIGEZ
AMALAZONTHE
SCENE II §
[p. 62]SOPHIE135
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SCENE III §
THEODORE146
ISKIRION
THEODORE
ISKIRION
THEODORE
ISKIRION
SCENE IV149 §
THEODORE
DORISTEL
THEODORE
DORISTEL
THEODORE
DORISTEL
SCENE V §
BELISAIRE 152
SCENE VI §
DORISTEL153
SCENE VII §
BELISAIRE s’eveillant
Fin du quatriéme Acte
ACTE V §
SCENE I §
BELISAIRE
DIOPHANTE
BELISAIRE
DIOPHANTE
BELISAIRE
DIOPHANTE
BELISAIRE
SCENE II §
THEODORE
SCENE III §
SOPHIE tenant une lettre ouverte159
THEODORE
SOPHIE
THEODORE
Lettre de Belisaire à Sophie
BELISAIRE
THEODORE
DIOPHANTE
SCENE IV §
THEODORE
SOPHIE
SOPHIE
THEODORE
SOPHIE
SCENE V §
THEODORE
SCENE VI §
JUISTINIAN parlant au garde à la porte
THEODORE à part
THEODORE
JUSTINIAN
THEODORE
JUSTINIAN
THEODORE
JUSTINIAN
THEODORE
[p. 86]JUSTINIAN
THEODORE
JUSTINIAN
THEODORE
JUSTINIAN
THEODORE
JUSTINIAN
THEODORE
JUSTINIAN
SCENE VII §
[p. 88]THEODORE seule
SCENE VIII §
[p. 90]ISKIRION
SOPHIE
[p. 91]SCENE IX §
SOPHIE
PIRANDRE
SOPHIE
SOPHIE
PYRANDRE
SCENE X §
[p. 93]ISKIRION
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
SCENE XI §
[p. 97]ISKIRION
SOPHIE
THEODORE
ISKIRION luy retenant le bras
THEODORE
ISKIRION
BELISAIRE
THEODORE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
THEODORE
BELISAIRE
THEODORE
BELISAIRE
THEODORE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
ISKIRION
THEODORE
SCENE XII §
[p. 104]VITIGEZ
JUSTINIAN
VITIGEZ
JUSTINIAN
AMALAZONTHE
JUSTINIAN
VITIGEZ
JUSTINIAN
SCENE derniere §
THEODORE191
JUSTINIAN
ISKIRION
THEODORE
SOPHIE
ISKIRION
JUSTINIAN
ISKIRION
SOPHIE
ISKIRION à Belisaire
BELISAIRE
ISKIRION
BELISAIRE
ISKIRION
[p. 110]VITIGEZ
AMALAZONTHE
JUSTINIAN
BELISAIRE
SOPHIE
BELISAIRE
AMALAZONTHE
JUSTINIAN
VITIGEZ
AMALAZONTHE
JUSTINIAN
[p. 112]FIN.
Lexique §
Tableau 1 : tableau synoptique §
El ejemplo mayor de la desdicha | Bélisaire | ||
I, 1 | Léonce, déguisé en pélerin, tente de tuer Bélisaire mais il échoue devant la bonté de ce dernier. | ||
I, 2 | L’empereur félicite Bélisaire pour ses exploits guerriers dont celui-ci fait le récit | I, 2 | Bélisaire revient victorieux, avec deux prisonniers ; il reçoit les insignes royaux en récompense. |
I, 3 | Dispute entre deux soldats chacun prétendant que l’autre a reçu une récompense qu’il ne méritait pas | ||
I, 4 | Marcia fait dire les raisons de sa haine pour Bélisaire : il a repoussé autrefois ses avances. | ||
I, 5 | Théodore interdit à Antonia de parler à Bélisaire et veut la marier à Filipo. | V, 4 | Théodore demande à Sophie d’ignorer Bélisaire. |
I, 6 | Bélisaire entre avec l’empereur et s’étonne de l’attitude distante d’Antonia. | ||
I, 7 | Léonce reçoit le pardon de Justinien ; de son côté Théodore demande à Narsés de tuer le général. | IV, 4 | Théodore confie la mission à Doristel. |
I, 8 | Nouvelle épreuve pour les amants ; Bélisaire croit qu’elle ne l’aime plus. | ||
I, 9 | Antonia, seule, déplore l’interdit de Théodore. | ||
I, 10 | L’impératrice lance un défit à Antonia et se cache derrière le rideau. | ||
I, 11 | L’affrontement entre les deux amants a lieu : Antonia n’est pas libre de parler et Bélisaire ne comprend pas ses propos mystérieux. Resté seul, il la soupçonne même de l’attentat. | ||
I, 12 | L’empereur vient trouver son général et lui demande de désigner un chef pour la campagne d’Italie. Bélisaire, une fois seul, choisit Narsés, puis s’endort. | IV, 5 | Bélisaire choisit un chef d’armée puis s’endort. |
I, 13 | Narsés entre et va pour le tuer mais, guidé par sa curiosité, il lit le parchemin ; voyant son nom, il est comme désarmé et laisse alors un avertissement à Bélisaire. | IV, 6 | Doristel vient alors pour le tuer mais lisant son nom sur le papier, il renonce et laisse un avertissement. |
I, 14 | L’empereur informe ce dernier que l’Afrique se rebelle ; Bélisaire décide de partir. Antonia, qui a surpris la conversation, veut le retenir. | IV, 7 | Bélisaire se réveille et trouve le message. Aussitôt, il pense que sophie est coupable. |
I, 15 | Les deux amants s’affrontent ; Antonia pense que Bélisaire part pour lui faire de la peine. | ||
II, 1 | L’empereur s’interroge sur l’identité de la femme meurtrière. | ||
II, 2 | Théodore et ses suivantes entrent et entretiennent l’empereur la pièce qui sera jouée pour son anniversaire. Celui-ci commence à soupçonner sa femme. | ||
II, 3 | Théodore exprime sa jalousie. | ||
II, 4 | Elle demande à Filipo de commettre le meurtre. | III, 1 | Théodore demande à Iskirion de tuer Bélisaire et lui promet Sophie en mariage. |
II, 5 | Narsés et Léoncio entendent la conversation et décident de protéger Bélisaire. | ||
II, 6 | Bélisaire et Floro volent au secours de Filipo, pris dans le piège tendu par Narsés et Léoncio. | II, 3 | Bélisaire porte secours à Iskirion, pris dans le guet-apens de Narsés (qu’il tue par errreur). |
II, 7 | Filipo, reconnaissant, offre son amitié à Bélisaire et lui donne en gage un anneau. | II, 4 | Iskirion en signe de sa reconnaissance lui offre un anneau. |
II, 8 | L’empereur demande à Narsés qu’elle est la responsable des attentats. | ||
II, 9 | Bélisaire rentre victorieux de sa campagne d’Afrique. | ||
II, 10 | Les suivantes mettent Bélisaire au courant pour la pièce et lui donnent son rôle : il joue Pyrame et Antonia est Thisbée. | ||
II, 11 | La répétition commence et les deux amants, sous couvert de leur texte, parlent librement. | IV, 2 | Bélisaire et Sophie s’affrontent : celle-ci tente de connaître les raisons pour lesquelles il ne l’aime pas. |
II, 12 | Théodore entre puis ressort mais avec quelques doutes. | ||
II, 13 | La conversation entre eux continue. | ||
II, 14 | Théodore revient et cette fois-ci interrompt la répétition avec rage. | ||
II, 15 | Bélisaire, seul, se demande si son ennemi n’est pas l’impératrice. | ||
II, 16 | Filipo vient le voir afin de tenter son forfait mais au moment de frapper, il reconnaît la bague ; il avoue et sans donner de nom, laisse entendre la culpabilité de Théodore. | III, 5 | Iskirion s’approche pour commettre son forfait mais reconnaît l’anneau ; il demande alors pardon et jure une parfaite fidélité à Bélisaire. |
II, 17 | Alors que Narsés et l’empereur s’entretiennent, Bélisaire feint de rêver et dénonce à haute voix l’impératrice. Celle-ci apparaît et tente de frapper Bélisaire mais elle est arrêtée par Justinien qui lui promet une sévère punition tout en défendant son général. | ||
II, 18 | L’empereur donne les insignes royaux à Bélisaire et en fait son second. | I, 1 | Bélisaire reçoit les insignes et est désormais l’égal de Justinien. |
III, 1 | Les soldats discutent avec Bélisaire de sa campagne d’Italie. | ||
III, 2 | Théodore entre et demande à être seule avec Bélisaire. | ||
III, 3 | L’impératrice joue sa grande scène de séduction avec son gant mais Bélisaire, qui a très bien compris son jeu, ne se laisse pas prendre. | ||
III, 4 | Antonia arrive et ramasse le gant ; Bélisaire en profite pour lui glisser une lettre dans la manche. | ||
III, 5 | Mais Théodore l’a vu et la lui confisque. | V, 3 | Sophie montre la lettre à Théodore avec laquelle Bélisaire veut la tester ; l’impératrice la garde et entend bien s’en servir. |
III, 6 | L’empereur cherche Bélisaire et découvre sa femme en larmes : elle lui montre la lettre, prétend que Bélisaire l’aime puis s’évanouit. | V, 6 | Justinien apparaît affligé : Bélisaire a annoncé son départ mais il n’en connaît pas la raison. Théodore lui montre la lettre en prétextant que c’est parce qu’il l’aime. |
III, 7 | Les suivantes de l’impératrice l’emmènent. | ||
III, 8 | L’empereur commence par éviter Bélisaire puis laisse échapper sa colère ; il lui promet une punition. Le général reste surpris. | V, 6 | L’empereur le fait arrêter et prévoit un autre châtiment. |
III, 9 | Filipo vient lui reprendre l’anneau. | ||
III, 10 | Narsés lui annonce sa ruine. | ||
III, 11 | Léoncio l’arrête. | ||
III, 12 | Bélisaire prononce sa plaidoirie devant l’empereur. Mais il est emmené pour la prison. | ||
III, 13 | Filipo prend connaissnce de la punition : rendre le général aveugle. | ||
III, 14 | Bélisaire reparaît sur scène, les yeux en sang et tente de crier son innocence. | ||
III, 15 | Devant Narsés, il est réduit à faire l’aumône. | ||
III, 16 | Floro annonce qu’on lui a repris sa villa. | ||
III, 17 | L’empereur se repend de son acte. | ||
III, 18 | Bélisaire s’effondre, mort ; Antonia vient l’innocenter au nom de Théodore. Justinien demande la main d’Antonia qui refuse d’aimer celui qui a tué son amant. |
Tableau 2 : présence des personnages sur scènes et de leur temps de parole §
Acte I | Acte II | Acte III | ||||||||||||||
1 | 2 | 3 | 4 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | |
Justinien | 43 | |||||||||||||||
Vitiges | 35 | |||||||||||||||
Iskirion | 16 | 30 | 22 | 26 | 49 | |||||||||||
Bélisaire | 20 | 8 | 55 | 53 | 42 | 40 | 9 | 45 | 9 | 25 | ||||||
Narsés | 3 | 3 | 27 | 32 | 22 | 0 | ||||||||||
Pyrande | ||||||||||||||||
Doristel | 1 | |||||||||||||||
Dio-phante | 0 | 0 | 3 | |||||||||||||
Théodore | 5 | 86 | 38 | 18 | ||||||||||||
Sophie | 4 | 38 | 38 | 30 | ||||||||||||
Amala-zonthe | 66 | 32 |
Acte IV | Acte V | |||||||||||||||||||
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | |
Justinien | 20 | 21 | 32 | |||||||||||||||||
Vitiges | 67 | 7 | 2 | |||||||||||||||||
Iskirion | 14 | 18 | 0 | 8 | 4 | 16 | ||||||||||||||
Bélisaire | 69 | 16 | 0 | 20 | 32 | 26 | 51 | 15 | ||||||||||||
Narsés | ||||||||||||||||||||
Pyrande | 3 | 0 | ||||||||||||||||||
Doristel | 0 | 20 | 28 | |||||||||||||||||
Dio-phante | 2 | 1 | ||||||||||||||||||
Théodore | 22 | 8 | 19 | 25 | 5 | 13 | 25 | 39 | 33 | 16 | ||||||||||
Sophie | 46 | 3 | 3 | 4 | 9 | 27 | 9 | 5 | ||||||||||||
Amala-zonthe | 37 | 2 | 5 |