1718.
Par Monsieur D’Or**
ACTEURS. §
- JUPITER.
- JUNON.
- PALLAS.
- VÉNUS.
- MERCURE.
- THÉTIS.
- PÉLÉE.
- L’AMOUR.
- L’HYMEN.
- TROUPE DE DIVINITÉS CÉLESTES.
- MONSIEUR GARGOT, Cabaretier.
- GARÇONS, Cabaretiers.
- PÂRIS, Arlequin.
SCÈNE PREMIÈRE. Mercure, Monsieur Gargtot. §
MERCURE.
MONSIEUR GARGOT.
MERCURE.
MONSIEUR GARGOT.
MERCURE.
Nous y venons célébrer les noces de Thétis et de Pelée.
MONSIEUR GARGOT.
Le Grand Jupiter fait trop d’honneur à ma Guinguette. Je vais me mettre en quatre, pour contenter une si belle compagnie.
MERCURE.
Ils ont déjà dîné. Ils viennent pour passer ici l’après-dinée, et y souper ensuite.
Tenez. Voilà l’ordre du repas. Mettez vite la main à la pâte.
MONSIEUR GARGOT.
Je ne perdrai point de temps. Holà ! Garçons ! Vous placerez ces deux Bourgeoises avec ces deux Officiers dans la chambre sur le devant.
MERCURE.
L’ordre est judicieux.
MONSIEUR GARGOT.
Ils avaient retenu celle-ci qui est plus particulière.
MERCURE.
Ils choisissent bien les logements. Ce sont apparemment deux Maréchaux des Logis.
MONSIEUR GARGOT.
Garçons ! Mettez du vin au frais.
MONSIEUR GARGOT.
Oh ! Nous n’avons que du bon.
MERCURE.
Eh ! Mon enfant, à qui vendez-vous vos coquilles ? Ce n’est pas le vin qu’on vient chercher ici.
MONSIEUR GARGOT.
D’accord, mais j’en ai d’excellent.
MERCURE.
Il faudra qu’il soit exquis pour piquer des gosiers accoutumés au nectar. Un peu trop de douceur ou d’âcreté les dégoûtera.
MONSIEUR GARGOT.
De l’âcreté !
MERCURE.
Si cela arrive, les Déesses seront aussi bien conditionnées, sur ma parole.
MONSIEUR GARGOT.
MERCURE.
Mais, voici Jupiter.
SCÈNE I.. Jupiter, Junon, Pallas, Vénus, Mercure, l’Hymen, Thétis, Pélée, Troupe de Divinités, Monsieur Gargot. §
JUPITER, tenant Thèiis par la main, s’avance en chantant.
De la joie, mes enfants, de la joie. Je suis en train aujourd’hui. Divertissons-nous. Du vin, du vin comme de l’eau.
MONSIEUR GARGOT.
Vous en aurez bientôt de frais.
JUPITER.
Et des violons, n’y en a-t-il pas ici ?
MONSIEUR GARGOT.
D’excellents.
JUPITER.
Bon. Tant mieux. Je veux danser, et me réjouir comme un compère.
MERCURE, à Monsieur Gargot.
Vous lui faites grâce du peu.
JUPITER, sautant lourdement.
Dansons. Chantons. Morbleu ! Qu’il est doux de laisser sa qualité à la porte d’une Guinguette, et de goûter des plaisirs à la croque-au-sel !
MERCURE.
Aussi, cela se fait assez souvent.
JUPITER.
Mais, Dame Vénus, je ne vois point ici votre fils. Où est-il donc, ce petit coquin ?
VÉNUS.
Je ne sais. Il ne suit que sa fantaisie.
MERCURE.
Vous ne l’attendrez pas longtemps. Le voici.
SCÈNE III. Les Acteurs de la Scène précédente, L’Amour*. §
VÉNUS.
Hé, d’où venez-vous donc, petit fripon.
L’AMOUR, d’un air brusque.
Oh, dame ! Chacun a ses affaires.
VÉNUS.
Comme vous répondez ! Qu’avez-vous donc ? Quelle mine vous faites ?
L’AMOUR.
Je ne saurais la faire meilleure, tant que je verrai devant moi ce benêt d’Hymen. C’est ma bête.
L’HYMEN, à l’Amour.
L’AMOUR, à l’Hymen.
Ha, ha, ha ! Regardez un peu ce nigaud, avec sa face de papier mâché.
JUPITER.
Mes enfants, point de querelle.
L’AMOUR.
Je suis fâché d’être venu ici, puisque je l’y trouve.
L’HYMEN.
Tout beau, Seigneur Cupidon. Ma compagnie vous fait honneur, au moins.
L’AMOUR.
Il est vrai que vous êtes un prête-nom. Mais sans moi, mon ami, vous auriez l’air d’attendre longtemps la pratique.
L’HYMEN.
Pourquoi donc, sans vous ?
L’AMOUR.
Après tout, vous n’avez que mes restes.
L’HYMEN.
Oh ! Je me passe de vous assez souvent.
L’AMOUR.
Oui ; mais cela va d’une belle dégaine, quand je ne suis pas de la partie.
L’HYMEN.
Allez. Vous n’êtes qu’un libertin.
L’AMOUR.
Et vous, qu’un vil esclave. Écoutez ce que dit l’Opéra :
L’Opéra met entre nous bien de la différence comme vous voyez.
L’HYMEN.
L’Opéra dit bien d’autres sottises. C’est un impertinent, et vous aussi.
L’AMOUR, le frappant.
Et vous, vous êtes un sot.
L’HYMEN, se défendant.
À qui en veut donc ce brutal ?
JUPITER, les séparant.
Hé-bien, hé-bien... Cela finira-t-il ; bientôt ? On vient ici pour se réjouir, et...
VÉNUS.
Allons, mon fils, soyez sage.
JUPITER, à l’Amour.
Je veux que vous vous raccommodiez avec l’Hymen : Tout en ira mieux.
L’AMOUR.
Au contraire. Sans mes petits tours de passe-passe, tout irait sans-dessus-dessous. Voulez-vous que je vous le prouve.
JUPITER.
Voyons.
L’AMOUR.
JUPITER.
Il a raison.
VÉNUS.
L’Enfant dit vrai.
L’AMOUR.
JUPITER.
Cela est véritable.
VÉNUS.
Oh, pour cela, oui.
L’AMOUR.
C’est pourtant mon ouvrage, cela.
JUPITER.
Mais, mais, il a raison.
VÉNUS.
L’Enfant dit vrai.
L’AMOUR.
Sans moi, que deviendraient la Villette, Passy, les Bois de Boulogne et de Vincennes, Charenton, la Râpée, etc. Ces doux asiles des époux mal-assortis, ces correctifs de la nonchalance des maris deviendraient d’affreux déserts.
JUPITER.
Tout cela est le mieux du monde, mon enfant ; mais fais quelque chose pour Thétis et Pelée.
L’AMOUR.
Soit : Mais, ce sera sans tirer à conséquence.
JUPITER.
Voilà qui est bien. Dansons présentement.
JUPITER.
Que signifie donc cette vapeur-là ? Qui diable fait un si grand sabat ?
Ah, morbleu ! C’est cette vilaine Discorde !
Voila bien du rabat-joie. Jarni !
SCèNE IV. Les Acteurs de la Scène précédente. La Discorde, appuyée sur deux Bas-Normands dont l’un tient à la main une grosse pomme. §
LA DISCORDE, parlant avec un accent Normand marqué.
Ah ! Ha ! Je vous y atrape ! Dianche ! Comme vo z’y âllez ! Hé, d’où vient donc que vous né m’avez pas priée de la noche ?
MERCURE.
On a grand tort, assurément.
JUPITER, en colère.
Peste de Normande, ta présence m’afflige. Va-t-en au Diable.
LA DISCORDE.
Hé ! Vas y tey-même, grand Chenapan.
JUPITER.
LA DISCORDE.
J’aurais été de trop ichit, apparemment. No valons pourtant bien toutes ces Pinbéches-là.
UN DES NORMANDS.
LA DISCORDE.
UN DES NORMANDS.
Oh ! Vére, mâ fey.
JUPITER.
Plaisante puissance.
LE NORMAND.
All est aussi pissante que vo, si pus n’est.
LA DISCORDE, entrant en fureur.
Vére, Guieume dânne ! Pat la sang-Guiêble ! Il me prend envie de vo galvauder tretons, et de jeter par les fernêtres les Dieux, les Diesses ry les violons z’aussi.
JUNON.
Ma Comète, ne te fâche point. Si nous ne t’avons pas mise de la partie, ce n’a point été par mépris. Tu sais que je t’ai toujours aimée.
VÉNUS.
On nous a dit que tu avais affaire aujourd’hui.
LA DISCORDE.
Cela est vrai. On a besoin de mey dans l’Université de Paris, où l’on va procéder ; à sélection d’un Recteur : mais, item, il fallait tréjours me semoncer de lâ noche.
JUNON.
Tu n’aurois rien perdu pour cela, mon enfant, nous t’aurons gardé une part de gâteau.
LA DISCORDE, avec un ris perfide.
Ah ! Que vo z’êtes de braves femmes ! Tenez par reconnaissance via un petit présent que je vo fais.
VÉNUS.
Voyons, voyons.
LA DISCORDE.
C’est une poume de Vire z’en Normandie.
Que Junon, Pallas et Venus se la disputent.
JUNON, à la Discorde.
LA DISCORDE.
LES TROIS DÉESSES, ensemble.
C’est donc pour moi, c’est donc pour moi.
LA DISCORDE, donnant la pomme a Jupiter.
Tenez, vieux Grigou. C’est en vos mains que je lâ remets, pour en faire l’adjudication comme adviserez bon être.
JUPITER.
Que voulez-vous que j’en fasse, moi ?
LA DISCORDE.
Ce qu’il vo pglaira. Adieu. Réjouissez-vo bien , mez’efans. Cette poume vo bâillera du tintoin, comptez là-dessus.
SCÈNE V. Jupiter, Junon, Pallas, Vénus, Mercure. §
JUPITER.
Peste de la Carogne, avec sa chienne de pomme.
MERCURE.
Hé, pourquoi la preniez-vous ? En vous la donnant on vous avertit qu’elle sera fatale, vous êtes assez sot pour la recevoir.
JUPITER.
Oui, j’ai tort, il est vrai, j’ai tort. Ah ! Maudite Discorde !
JUNON.
Ça, ça, qu’on nous donne cette pomme.
PALLAS.
Ne différons point.
VÉNUS.
C’est le plus pressé.
JUPITER.
4Hé bien, hé bien, ne voilà-t-il pas déjà le commencement du branle ? Ah ! Que je prévois de maux à l’heure qu’il est !
PALLAS.
JUNON.
JUPITER, branlant la tête.
VÉNUS.
PALLAS, se moquant.
JUPITER.
Oh ! Que je me garderai bien de prononcer entre vous.
PALLAS.
VÉNUS.
JUNON.
JUPITER.
Je n’en ferai rien, vous dis-je. Rapportez-vous-en à quelque mortel qui ait du discernement.
MERCURE.
J’ai votre fait, Mesdames.
JUNON.
Qui ?
MERCURE.
5Pâris. C’est un Berger de Charenton, un Virtuose, qui fait arrêter les carrosses, et nouer l’éguillette.
PALLAS.
J’ai entendu parler de ce drôle-là.
MERCURE.
VÉNUS.
JUPITER, à Mercure.
Portez vite cette pomme à Pâris : Qu’il la donne à qui elle appartient. Pour nous, que cela ne regarde plus, continuons de nous réjouir.
SCÈNE VI. §
PÂRIS, seul.
SCÈNE VII. Pâris, Mercure. §
MERCURE.
PÂRIS, après avoir bien considéréla pomme.
MERCURE.
SCÈNE VIII. Pâris, Pallas. §
PALLAS.
PÂRIS, tombant sur le ventre.
Hoïmé ! Je suis mort.
PALLAS, le relevant.
Ne crains rien. C’est Junon qui s’approche.
SCÈNE IX. Pâris, Pallas, Junon. §
PÂRIS.
Morbleu, Madame Junon, vous m’avez fait grand-peur ! Ne sauriez vous m’aider d’une manière moins bruyante ?
JUNON.
PÂRIS.
Beau régal, ma foi.
SCÈNE X. Pâris, Pallas, Junon, Vénus. §
VÉNUS, à Paris.
PÂRIS, regardant Venus avec admiration.
PALLAS.
JUNON.
VÉNUS.
PÂRIS.
VÉNUS.
Le petit badin !
JUNON, lui montrant une bourse.
VÉNUS.
PALLAS.
VÉNUS.
PÂRIS, à Pallas.
PALLAS.
JUNON.
VÉNUS.
PÂRIS, rêvant.
Cela mérite réflexion.
JUNON.
PALLAS.
PÂRIS.
PALLAS.
JUNON.
VÉNUS.
PÂRIS.
Oh, parbleu, attendez. Je vais vous accorder toutes trois.
JUNON.
Que veux-tu faire ?
PÂRIS.
Partager la pomme entre vous ! Et pour mes trois pièces, vous me donnerez chacune un peu de votre marchandise.
VÉNUS.
Je veux tout ou rien.
PÂRIS, donnant la pomme a Vénus.
Eh bien, elle est à vous, belle Vénus.
JUNON.
PALLAS.
PÂRIS.
PALLAS, en colère, s’en allant.
JUNON.
SCÈNE XI ET DERNIÈRE. Pâris, Vénus. §
PÂRIS, alarmé des menaces de Junon.
VÉNUS.
PÂRIS, chante en partant.