1730.
Par Mrs. le. S** et D’OR**
ACTEURS. §
- LE PRÉSIDENT.
- QUATRE CONSEILLERS.
- UN GREFFIER.
- MAÎTRE GOUFFIN, Avocat des Nouveaux Couplets.
- MAÎTRE GROSSEL, Avocat des Vieux Couplets, Pierrot.
- MAÎTRE BABILLARY, Avocat de l’Auteur Calisthéne.
- LE MENUET, nouveau couplet.
- LA MUSETTE, nouveau couplet.
- LE COTILLON, couplet nouveau dansant.
- LA CONTRE-DANSE, couplet nouveau dansant.
- LE TAMBOURIN, couplet nouveau dansant.
- LA LOURE, couplet nouveau dansant.
- FLON-FLON, vieux couplet chantant.
- LA COMÈRE VOIRE, vieux couplet chantant.
- LE MITRON DE GONESSE, vieux couplet dansant.
- MAROTTE MIGNONNE, vieux couplet chantant.
- PIERRE BAGNOLET, vieux couplet chantant.
- LA BELLE DIGUEDON, vieux couplet chantant.
- LE TRAQUENARD, vieux couplet chantant.
- GRISELIDIS, vieux couplet chantant.
SCÈNE PREMIÈRE. Maître Groseel Avocat, Flon-Flon en vieux grivois, La Commère Voire, en harangère. §
MAÎTRE GROSSEL, à Flon-flon.
FLON-FLON.
MAÎTRE GROSSEL.
FLON-FLON.
Quel Bonheur, de rencontrer tout d’un coup ce que nous cherchons ! Voulez-vous bien, Monsieur, vous charger d’une affaire que nous avons à votre Tribunal.
MAÎTRE GROSSEL.
Très volontiers. Qui êtes-vous l’un et l’autre.
LA COMÈRE VOIRE.
FLON-FLON.
LA COMÈRE VOIRE.
MAÎTRE GROSSEL.
Je ne vous connaissais que de nom ; je suis ravi de vous connaître personnellement. Hé bien qu’y a-t-il gour votre service ? De quoi s’agit-il ?
FLON-FLON.
Il s’agit de nous maintenir , nous, et tous les autres anciens airs du Pont-Neuf ; nos confrères, dans la possession immémoriale où je sommes, de débiter notre marchandise à l’Opéra Comique.
MAÎTRE GROSSEL.
Cela me paraît juste. Et qui veut vous troubler dans cette possession ?
LA COMÈRE VOIRE.
FLON-FLON.
V’la, nos parties adverses.
LA COMÈRE VOIRE.
Oui, ce sont ces Coquins-là, Monsieur, qui veulent nous chasser d’une boutique que j’occupons depuis vingt ans.
MAÎTRE GROSSEL.
Vous chasser dà ! Oh ! Nous verrons cela !
FLON-FLON.
Ils nous ont fait assigner à la Bazoche du Parnasse, pour voir dire que dès aujourd’hui je vuiderons le camp, avec défenses à nous de paraître jamais à la Foire.
MAÎTRE GROSSEL.
Comment Diable !
FLON-FLON.
MAÎTRE GROSSEL.
Doucement, mon Ami ! Point de voie de fait ! Vous avez de bons juges et un excellent avocat. Je m’appelle Maître Grossel.
LA COMÈRE VOIRE.
Tant mieux. Bon droit a besoin d’aide.
MAÎTRE GROSSEL.
FLON-FLON.
Je vous serons bien obligés, Monsieur Grossel.
MAÎTRE GROSSEL.
Mais à qui en veulent tous ces gens-ci ?
LA COMÈRE VOIRE.
C’est une partie de nos camarades qui viennent nous joindre.
SCENE II. Maître Grossel, Flon-Flon, La Comère Voire, Troupe de vieux couplets dansants. §
MAÎTRE GROSSEL, montrant les Couplets l’un après l’autre.
MAÎTRE GROSSEL.
MAÎTRE GROSSEL.
Et voilà, sans doute, sa Maîtresse.
LA COMÈRE VOIRE.
MAÎTRE GROSSEL.
LA COMÈRE VOIRE.
MAÎTRE GROSSEL.
Et ces deux couplets à cheveux gris ?
LA COMÈRE VOIRE.
MAÎTRE GROSSEL.
FLON-FLON.
Serpedié ! Monsieur Grossel, vous nous remettez le coeur au ventre.
LA COMÈRE VOIRE.
Chut ! V’la deux de nos Parties, adverses avec leur avocat.
MAÎTRE GROSSEL.
CHOEUR de VIEUX COUPLETS, le suivant.
SCÈNE III. Maître Gouffin Avocat, Le Menuet, La Musette. §
MAÎTRE GOUFFIN, au Menuet.
LE MENUET.
Qu’en dit l’aimable Musette.
LA MUSETTE.
MAÎTRE GOUFFIN.
C’est à quoi je conclurai, je vous assure... Mais quelles personnes s’avancent ? Je juge qu’elles sont de votre compagnie.
LE MENUET.
Vous ne vous trompez point.
SCÈNE IV. Maître Gouffin, Le Menuet, La Musetten Troupe de nouveau couplets. §
LA MUSETTE, À Maître Gouffin.
MAÎTRE GOUFFIN.
SCÈNE V. Le Menuet, La Musette. §
LE MENUET.
Vivat, Monsieur Gouffin !
SCÈNE VI. Le Président, Les quatre Conseillers, Maître Gouffin, Maître Grossel, Troupe de vieux couplets, Troupe de nouveaux couplets, Maître Babillary avocat, Le Greffier. §
LE PRÉSIDENT, au Greffer.
Appelez les placets.
LE GREFFIER.
Entre la Dame Éléonor la Tragédie en vers, et Guillemette la Tragédie en prose.
LE PRÉSIDENT.
Appellez-en un autre.
LE GREFFIER.
L’auteur de Calisthène contre le Parterre.
LE PRÉSIDENT.
Mais cela a été décidé. Le Parterre a porté son jugement.
MAÎTRE BABILLARY.
Oui, Messieurs ; mais le poète a pris ses juges à partie.
LE PRÉSIDENT, après avoir été un motnint aux opinions.
LE GREFFIER.
Entre les nouveaux et les anciens couplets de l’Opéra-Comique. Maître Gouffin ? Maître Grossel ?
MAÎTRE GOUFFIN.
Me voici.
MAÎTRE GROSSEL.
Me voilà.
MAÎTRE GOUFFIN.
Messieurs.
MAÎTRE GROSSEL.
MAÎTRE GOUFFIN.
Messieurs, voici le fait en deux mots. Les Vieux Couplets de l’Opéra-Comique, après plusieurs années de service, étaient sur les dents ; et déjà le Public, se plaignant de leur caducité, commençait à les abandonner : lorsque les nouveaux airs, mes parties, dont ils implorèrent l’assistance, rétablirent leurs affaires de désespérées.
MAÎTRE GROSSEL.
Cela est faux. Ce n’est pas comme cela que...
MAÎTRE GOUFFIN.
Oh ! Taisez-vous, de grâce !
MAÎTRE GROSSEL.
MAÎTRE GOUFFIN.
MAÎTRE GROSSEL.
LE PRÉSIDENT, à Maître Grossel.
Maître Grossel, n’interrompez pas maître Gouffin.
MAÎTRE GOUFFIN.
Je disais donc, Messieurs, que les Nouveaux Couplets remirent le spectacle sur pied, et lui donnèrent une face toute nouvelle. J’ose dire même qu’ils ont depuis eu le bonheur de le rendre tel qu’il devient de Foire en Foire plus agréable au Public : Vires acquirit eundo. Orsus, Messieurs.
C’est à quoi je conclus, pour la satisfaction du Public, et pour la gloire d’un Spectacle, qui a l’honneur de porter le titre respectable d’Opéra.
MAÎTRE GROSSEL.
À moi le dé.
MAÎTRE GOUFFIN.
Ils ne font en effet que trop gaillards.
MAÎTRE GROSSEL, à Monsieur Gouffin.
Ne m’interrompez point.
Il est inouï, Messieurs, qu’on ose à la barbe de la Bazoche du Parnasse, avancer des faussetés. On dit que mes parties ont été implorer le secours des airs nouveaux ! Cela n’est pas vrai, c’est tout le contraire. C’est vous qui êtes venus mendier un asile dans notre atelier.
MAÎTRE GOUFFIN.
Oh ! Je vous ferai bien voir que...
MAÎTRE GROSSEL, Maître Gouffin.
Me m’interrompez donc point. Je vous ai laissé parler, taisez-vous à votre tour.
LE GREFFIER, faisant l’office d’Huissier.
Paix-là ! Paix-là !
MAÎTRE GROSSEL, aux Juges.
Préparez-vous, Messieurs, à voir l’ingratitude en chausses et en pourpoint.
Ces Ingrats, Messieurs, ont perdu le souvenir de nos bontés. Quelques légères louanges qu’on a données à leur nouveauté, leur ont tourné la tête. Ils s’imaginent pouvoir suffire à tout ;
Cependant, Messieurs, pour bien apprécier les Airs Nouveaux, ils ne sont bons à l’Opéra-Comique qu’à délasser l’esprit de l’attention qu’il a donnée aux vieux couplets, qui sont chargés de l’essentiel ; je veux dire, du soin important d’exprimer les passions. Hoc opus, hic labor est, comme dit l’autre,
MAÎTRE GOUFFIN.
Les passions ! Ho-ho ! Nous les exprimerons aussi bien que vous, quand il nous plaira.
MAÎTRE GROSSEL.
Je vous en défie, Maître Gouffin, je vous en défie. Est-ce avec un Menuet, est-ce avec une Contredanse que vous ferez l’exposition d’un sujet ? Lequel de vos nouveaux couplets est aussi propre à faire un Récit que le "Cap de Bonne Espérance",
et le vieux "Joconde" ? Pour bien marquer la joie, avez-vous l’équivalent d’un "Allons-gai", "Toujours-gai", "D’un-air gai" ? Comment peindrez-vous la désolation, si vous n’avez pas "l’Air de Lapalisse" ? Et fic de coeteris.
MAÎTRE GOUFFIN.
Bon.
MAÎTRE GROSSEL, aux Juges.
Ah ! Messieurs, pesez-bien les dernières paroles de Maître Gouffin, et voyez en la conséquence. Nous avons déjà toute la "Petite-oie" de l’Opéra : Venienti occurrite morbo ! Si vous n’y mettez ordre, son Récitatif va venir planter le piquet chez nous.
LE PRÉSIDENT.
Concluez, Maître Grossel.
MAÎTRE GROSSEL.
Je conclus donc à ce qu’il plaise à la Bazoche du Parnasse, de débouter les Parties de Maître Gouffin de leur injuste, prétention, et de les bannir des Foires à perpétuité.
Songez, Messieurs, que l’Opéra Comique nous doit sa naissance. Nous en sommes les Fondateurs.
MAÎTRE GOUFFIN.
Nous en sommes les Restaurateurs.
LE GREFFIER.
Paix-là ! Paix-là !
MAÎTRE GROSSEL.
Nous allons voir, nous allons voir si la Bazoche favorisera des traîtres.
MAÎTRE GOUFFIN.
Des Traîtres !
Messieurs ; une petite observation. J’ai oublié de dire que les vieux couplets sont de faux frères qui vont servir les Italiens dans leurs parodies.
MAÎTRE GROSSEL.
Beau reproche à nous faire ! Est-ce que les couplets italiens ne viennent pas quelquefois nous rendre le même service ? Ne confondons point la reconnaissance avec la trahison.
MAÎTRE GOUFFIN.
Vous avez beau dire, Maître Grossel.
MAÎTRE GROSSEL.
LE GREFFIER.
Paix-Là ! Prêtez silence.
LE PRÉSIDENT.
MAÎTRE GROSSEL, à ses parties.
Vous devez être contents.
MAÎTRE GOUFFIN, aux Juges.
Mais, Messieurs, considérez donc que ce mélange...
LE PRÉSIDENT.
MAÎTRE GOUFFIN.
Ah ! Qu’il fera beau voir en scène une Musette avec un Ramonez,la !
MAÎTRE GROSSEL.
Hé bien.
LE PRÉSIDENT.
Sans doute.
MAÎTRE GROSSEL.
Vous voyez, Maître Goussin, que mes couplets ne sont pas si diables qu’ils sont noirs.
LE PRÉSIDENT.
CHOEUR.