Le théâtre représente dans l’enfoncement un fort. Il y a au dessus écrit en gros caractères : Fort de l’Opéra-Comique. Dans les ailes, sont deux tentes ; celle du coté droit est une tente à la Romaine avec les Aigles, sur laquelle se lisent ces mots : Camp de la Comédie Françoise. Et du côté gauche une autre tente de toile bariolée, sur laquelle il y a écrit Camp de la Comédie Italienne. La Scène ouvre par le bruit du Canon, et par une décharge de Mousqueterie qu’on tire du fort fur les Assiégeants.
SCÈNE PREMIÈRE. La Comédie Française, La Comédie Italienne en Amazones armées. §
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air La Troupe Italienne, faridondaine partira.
Eh quoi ? La Troupe Romaine
Ne détruira jamais le Comique-Qpéra !
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Quoi donc ? L’Italienne,
Faridondaine,
5 Et lonlanla.
Jamais à la Foraine,
Faridondaine
Ne nuira.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air Le Démon malicieux et fin.
Nous n’avons encor pu qu’à demi
10 Nous venger de ce fier Ennemi.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Contre lui notre juste furie
Ne sera donc qu’un inutile effort ?
À nos yeux il a l’effronterie
De se venir retrancher dans ce fort.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air 193. Choquons le verre.
15 La belle gloire !
La belle gloire,
De l’avoir mis hors de la Foire !
Tin, terlintin, terlintin, terlintin ;
Et pour en garder la mémoire,
20 D’avoir perdu tant de latin.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Air Que Dieu bénisse la besogne.
Il tire sans cesse sur nous,
Nous donne souvent du dessous.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Il a, ma foi, fait des sorties,
Que nous avons bien ressenties.
Air 125. Comment faite ?
25 Mais contre fortune bon coeur ;
Il nous faut reprendre vigueur.
Ne consultons que la colère.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Oui, mais, après mille travaux,
Nos vieux Soldats sont tous manchots :
30 Comment faire ?
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Oh !
Vraiment, je ne serais point en peine si "Brutus et Catilina" me venaient secourir, comme ils me l’ont promis : mais je ne puis compter sur ces grands guerriers...
Air 28. Le vin a des charmes puissants.
1
Catilina, par sa lenteur,
Me laisserait réduire en poudre :
2
Brutus devient un déserteur,
Quand il voit qu’il faut en découdre.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Cela est fâcheux pour nous.
Il nous faudrait pourtant quelque puissant secours,
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
J’espère que bientôt nous en aurons un qui nous délivrera de nos Ennemis.
C’est un monstre de ma connaissance à qui j’ai envoyé ordre de se rendre ici.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Ho-ho !
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air Joconde.
35 Ce Monstre en malice n’a pas
Son pareil fur la Terre :
Il fait cent fois plus de dégâts
Que la Peste et la Guerre ;
3
Il fait d’écus, et d’escalins
40 Tous ses repas funestes ;
Les Veuves et les Orphelins
Ne mangent que ses restes.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Que me dites-vous !
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air Amis, sans regretter Paris.
Du Manceau, comme du Normand,
Cette Bête est l’organe.
45 Elle est des environs de Caen.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Ha ! C’est donc la Chicane !
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Vous l’avez deviné.
Je l’attends...
Mais, tenez, la voici.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
O che bruta figura !
SCÈNE II. Les deux Comédies, La Chicane suivi de l’Envie et de la Fraude. §
LA CHICANE, à la Comédie Française,
Air 194. En bâche Normandie.
En bâche Normandie
Ton ordre a pénétré,
O chuch’ ma fey !
50 Je viens t’offrir, ma Mie,,
Tout le pouvoir que j’ay.;
O chuch’ ma fey.
Vér’ guieu m’damne !
Donn’ z’au guiéble !
55 Qui se prend à tey,
Se prend à mey,
O chuch’ ma fey !
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air Le fameux Diogène.
Sur l’Opéra-Comique,
Et sur toute sa clique
60 Exerce ta fureur ;
Massacre cette race ;
Va remplir cette place
De carnage et d’horreur.
LA CHICANE, à sa Suite.
Air C’est à toi, mon Camarade, à qui je livre l’assaut.
Venez, l’Envie et la Fraude,
65 Allons leur donner l’assaut :
Cà, çà , çà, qu’on les galvaude
Vaude, vaude,
Çà, çà , çà, qu’on les galvaude
Comme il faut.
L’Envie et la Fraude, l’une tenant un poignard et, l’autre un flambeau, vont escalader le Fort sous les ordres de la Chicane.
SCÈNE III. Les Acteurs de la Scène précédente ; troupe d’acteurs forains, paraissant aux crénaux du fort. §
CHOEUR DE FORAINS.
Air 195. Parodie d’Armide.
70 Ah ! Quels objets horribles !
Ah ! Quels Monstres terribles !
LA COMÉDIE ITALIENNE, à la Comédie Française.
L’alarme est au quartier.
MEZZETIN.
Air Y-avance, y-avance.
Vole à nous, Cousin l’Opéra ?
Contre ces vilains : monstres-là
Tu dois prendre notre défense.
CHOEUR DE FORAINS.
75 Y-avance, y-avance, y-avance !
MEZZETIN.
Nous payons bien ton assistance.
SCÈNE IV. Les Acteurs de la scène précédente, L’Opéra l’épée à la main, Suivant de l’Opéra portant des chaînes. §
L’OPÉRA.
Air 196 Combattants de Cadmus.
Qu’est-ce donc que cela ?
CHOEUR DE FORAINS.
Bon, le voilà !
L’OPÉRA, aux Forains.
Oui, mes Enfants, l’Opéra
80 Toujours vous protégera.
Aux deux Comédies.Quoi ? Vous ne voudrez donc jamais
Laisser mes Amis en paix !
Je vous écraserai tous.
Redoutez mes coups,
85 Ô Coeurs jaloux !
Fuyez, fuyez, éloignez- vous,
Pour éviter mon courroux.
Les deux Comédies prennent la fuite, [comme] en fait l’Envíe et la Fraude, L’Opéra courtise la Chicane.>
Et toi, Monstre fatal,
Affreux Animal,
90 Échappé du séjour infernal !
À nous tu t’adresses bien mal.
Frappant la Chicanne.Reçois, Méchant,
Dans ce moment,
Ton châtiment.
95 Pour ton tourment,
Je vais promptement
Te lier fortement,
T’envoyer aux Enfers,
Expier dans les fers.
Tous les maux que par toi les Forains ont soufferts.
II pousse la Chicane dans la Coulisse , en la frappant toujours, pendant que son Suivant la charge de chaînes. Dans le temps que cela se fait, les Forains chantent ce qui fuit.
PIERRETTE, du haut des Murs.
Air 36. Perrette étant dessus l’herbette.
100 Quelle horreur ! Quel triste ravage !
Le Monstre redouble sa rage !
L’Opéra s’expose pour nous !
Grands Dieux, donnez-lui l’avantage,
Conduisez son bras et ses coups !
MEZZETIN.
Air Des Fraises.
105 Amis, réjouissons-nous :
L’Opéra , plein de gloire,
Vient d’abattre sous ses coups
la Chicane. Chantons tous :
Victoire ! Victoire ! Victoire !
CHOEUR DE FORAINS.
110 Victoire ! Victoire ! Victoire !
Le Choeur continue.
Air 197. Parodie du Prologue de Phaéton.
Que du nom d’Opéra retentissent les airs !
Rien ne peut nous troubler, la Chicane est aux fers.
L’OPÉRA, aux Forains.
Air Quand le péril est agréable.
Enfants, j’ai fini mon ouvrage.
Je ne puis plus rien pour vos jours :
115 N’attendez plus d’autre secours
Que de votre courage.
II s’en va emmenant avec lui la Chicane enchaînée.
SCÈNE V. Les deux comédies. §
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
AIR Dans un Couvent bien-heureux.
Ciel ! Qui l’aurait pu prévoir !
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Ha ! Que la peste le crève,
L’Opéra qui nous enlève
120 Notre plus charmant espoir !
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Ne perdons point l’espérance
De voir les Forains périr.
Il faut à notre vengeance
Les immoler, ou mourir.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
C’est bien dit.
Mais conduisons-nous prudemment.
Air Le Cabaret est mon réduit.
125 Ils se rendront sans coup férir,
Ou je veux y brûler mes livres.
Pour les prendre fans ,courir ,
Il faut leur couper les vivres.
Il faut leur couper
Trois fois.
Il faut leur couper les vivres,
SCÈNE VI. Les deux Comédies, Scaramouche. §
SCARAMOUCHE.
Grande nouvelle, Mesdames, grande nouvelle !
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Qu’y a-t-il donc, Scaramouche ?
SCARAMOUCHE.
Air Je ne suis né, ni Roi, ni Prince.
4
130 Le Malade par complaisance
À petit pas ici s’avance,
Escorté d’un joli garçon,
5
Appelé Le Bal du Parnasse.
Tous deux conduisent un Caisson,
135 Ils vont ravitailler la Place.
Il se retire.
SCÈNE VII. Les deux Comédies. §
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
C’est ce qu’il ne faut pas souffrir.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Quelles troupes leur opposerons-nous ?
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air 22. Changement pique l’appétit.
6
Hé, mais, votre Roi de Grenade ,
7
Ou bien votre Prince Malade.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Hélas ! Ignorez-vous leur sort ?
L’un ne vit plus, et l’autre est mort.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Cela est bien triste.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
N’avez-vous pas vos Philosophes amoureux ?
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Non.
Air On n’aime point dans nos Forêts.
8
140 Mes Philosophes amoureux
Viennent de partir pour leur Terre ;
Pour jamais dégoûtés tous deux
Du rude métier de la Guerre,
Voulant jouir d’un sort plus doux,
145 Ils sont allés planter des choux.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Nous voilà bien embarrassées.
Attaquons nous-mêmes le convoi.
Air Ô reguingué ! Ô lonlanla !
Venez, secondez mon ardeur :
Montrons que nous avons du coeur ;
Deux hommes nous feront-ils peur ?
Ma Bonne, allez je vous proteste
150 Que nous leur donnerons leur reste.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
J’en fuis persuadée.
Courons au devant de l’ennemi.
SCÈNE VIII. Les deux Comédies, Le Malade par complaisance, Le Bal du Parnasse conduisant un caisson. §
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air À boire, à boire, à boire ! Nous quitterons nous etc.
Mais à nous il arrive.
LA COMÉDIE ITALIENNE, au Malade etc.
Qui vive ? Qui vive ? Qui vive ?
LE MALADE.
Vive le Comique-Opéra.
LA COMÉDIE FRANÇAISE, le pistolet à la main.
Messieurs les Guerriers, halte-là !
Air 198. Des Fêtes Vénitiennes.
155 Songez à vous défendre.
Tout Forain est notre ennemi.
LA COMÉDIE ITALIENNE, l’épée à la main, au Malade, lui poussant une botte.
Air 86 Je fuis un bon Soldat : Ti , ta, ta !
Pare moi celle-là :
Ti, ta, ta !
Hé ! Tire donc ta lame !
LA COMÉDIE FRANÇAISE, au Bal,lui mettant le Pistolet sur l’estomac.
160 Et toi, résistes-tu ?
Tu, tu, tu ?
Je vais te brûler l’âme.
LA COMÉDIE ITALIENNE, au Malade.
Air, Les Trembleurs.
Ah ! Que vous avez de peine !
Allons donc mon Capitaine !
165 Voyez la belle dégaine !
Le Malade tire son épée lentement et la laisse tomber.
LE BAL, à la Comédie Française.
Je vous demande quartier.
LE MALADE, à genoux devant la Comédie Italienne, et lui rendant les armes.
Madame de l’Italie,
Épargnez-moi, je vous prie !
Je n’ai qu’un souffle de vie...
170 Je suis votre prisonnier.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Hé bien, soit.
Entrez dans ma tente avec vos vivres.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Oh !
Pour les vivres, non.
Qu’on les conduise à notre Camp.
Nous en avons plus besoin que vous.
SCÈNE X. Les deux Comédie, Callisthène. §
CALLISTHÈNE, déclamant, à la Comédie Française,
9
Madame, vous voyez le bouillant Callisthéne.
En Chevalier Errant ,touché de votre peine,
Je viens vous présenter le secours de mon bras,
180 Qui vous vaudra lui seul des milliers de Soldats.
Pour louer ma valeur, il faut des hyperboles.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Il faut des actions, et non pas des paroles.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
C’est le prendre en effet sur un assez haut ton.
CALLISTHÈNE.
Vous verrez dès ce jour si je suis un Gascon.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air 199. Lasson bredondaine.
185 Mon brave Callisthène,
Lassi,
Lasson,
Lasson bredondaine :
Mon bonheur vous amène
190 Fort à propos ici :
Patari,
Pataton :
Fort à propos ici,
Bis.
Pour combattre une Reine,
195 Lassi,
Lasson,
Lasson, bredondaine ;
Pour combatre une Reine,
Qui sert notre Ennemi.
En cet endroit, on entend le tambour qui bat la Marche des Dragons.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Air 200. Du Feu d’Artifice.
200 Elle vient, ma foi ! Je l’entends.
Je la vois avec tous ses gens.
LA COMÉDIE FRANÇAISE, à Callisthène.
Opposez-vous à son passage,
Et nous montrez votre courage :
Pan, pan, pan !
205 Allez-vous-en
10
À la Reine du Barostan.
Elle se retire.
LA COMÉDIE ITALIENNE, s’en allant.
Air Voici les Dragons, etc.
Voici les Dragons qui viennent,
Vite sauvons-nous !
SCÈNE XI. Callisthène, La Reine du Barostan, Les Couplets en Procès, un Tambour jouant la marche des Dragons, avec l’Orchestre.
§
Callisthéne fait un mouvement pour aller à l’Ennemi.
LA REINE, aux Couplets.
Air 2O1. Marche des Dragons.
Allons, mes enfants, alerte !
210 On arrête ici nos pas,
L’Ennemi vient. Il court à sa perte.
Donnons dessus, ne l’épargnons pas.
CALLISTHÈNE, l’épée à la main.
Air 6 Ô turlutaine !
Ne vous battez point, ma Reine ,
Contre un trop fort ennemi :
215 Rendez-vous à Callisthène.
LA REINE, d’un ton moqueur.
Ô turlutaine !
CALLISTHÈNE.
Il vous fera bon parti.
LA REINE.
Turlutu, tantaleri !
CALLISTHÈNE.
Prenez- y garde.
Air 88. Ha ! Voyez donc !
Je suis un rude compagnon,
220 Et j’ai bien de l’école :
Il fait de la pointe et de l’espadon.
11
J’y vais de pointe et d’espadon.
LA REINE.
Ha ! Voyez donc.
Ha ! Voyez donc.
Comment s’y prend le Drôle !
Aux Couplets.
Filez, Grivois, filez. Gagnez promptement le Fort.
CALLISTHÈNE, se préparant à leur barrer le passage.
Je vais écharper votre escorte.
LA REINE, lui présentant sa demi-pique.
Plaît-il ?
Pendant ce temps-là les Couplets gagnent le Fort, dont on leur ouvre les portes.
CALLISTHÈNE.
Air 141. Badinez ; mais restez-en là.
225 Je ne souffrirai pas qu’elle entre.
LA REINE, l’arrêtant toujours.
Tout beau, tout beau.
CALLISTHÈNE.
Tout beau, tout beau. Mort ! Tête ! Ventre !
Je ne souffrirai pas cela.
LA REINE.
Menacez, grondez, pestez, criez, jurez,
Fulminez ; mais restez-en là.
CALLISTHÈNE.
Quoi ?
Il sera dit qu’une femme à ma Barbe...
LA REINE.
Croyez-moi, faites retraite.
Il n’y a rien à gagner ici pour vous.
CALLISTHÈNE, se retirant.
J’enrage !
LA REINE, à part.
Rejoignons nos gens.
Elle fait quelques pas pour se rendre au Fort, Le jeu de l’Amour et du Hasard l’arrête.
SCÈNE XII. La Reine du Barostan, Le Jeu de l’Amour et du Hasard. §
LE JEU, Arrêtant la Reine.
Air Tique, tique, toque , et lonlanla.
230 Attendez, Reine, attendez !
LA REINE, se retournant.
Qu’est-ce que vous demandez ?
LE JEU.
12
Contre vous, non sans alarmes :
Tique, tique, taque, et lonlanla !
je viens éprouver mes amies,
235 Je vous demande cela.
LA REINE.
Qui êtes-vous ?
LE JEU.
Je suis le Jeu de l’Amour et du Hasard.
Il fait deux pas en arrière.
Mais que vois-je !
Air L’autre nuit j’aperçus en songe.
13
Je trouve de la ressemblance,
Ma Princesse, entre vous et moi.
LA REINE.
De vos parents les miens, je crois,
N’avaient aucune connaissance :
240 Cette ressemblance ne part
Que d’un simple jeu du Hasard.
LE JEU.
Air 110. De tout temps le jardinage.
Quel honneur pour moi, ma Reine !
LA REINE.
N’écoutons que notre haine.
LA REINE, lui présentant sa demi-pique.
Je n’en ai plus. Battons-nous,
245 Mettez-vous vite en défense.
LE JEU.
Non, j’ai trop de répugnance
À me battre contre vous.
II se retire et s’en va.
SCÈNE XIV. La Comédie Italienne, Samson, tenant une mâchoire d’âne. §
SAMSON.
Air 202. Matelots d’Hypermnestre.
15
250 Où sont-ils,
Ces Forains maudits ?
16
Cette engeance,
Qui balance
Les forces de mes Amis ?
255 La fureur
Règne dans mon coeur.
C’est en vain qu’une Citadelle
Entre ces murs recèle
Des gens que glace la peur.
260 Par la mort !
Dans mon fier transport,
Ma. mâchoire d’âne ,
Tombant sur leur crâne,
Enverra
265 Chez Pluton ces Faquins-là.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Air 203 Par derrière et par devant.
Suivez votre noble audace,
La victoire vous attend.
SAMSON.
De mon asinine masse,
Je m’en vais tout culbutant,
270 Le long de ça ,
Le long de là ,
Le long de la Place,
Par derrière et par devant.
II s’approche du fort, y donne plusieurs coups de sa mâchoire d’âne, pendant qu’on tire sur lui des pétards. Il revient chargé des portes du Fort.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Quel abatteur de quilles !
SCÈNE XV. Samson, La Comédie Italienne, La Reine de Barostan, Les Couplets ne procès, Télémaque, Messzetin et plusieurs autres acteurs forains tous sortant du fort en ordre de bataille. §
LA RElNE, aux assiégés.
Air Je ferai mon devoir.
Ne souffrons pas un tel affront :
275 Jetons nous sur Samson.
Bis.
LA COMÉDIE ITALIENNE, à Samson.
Songez à les bien recevoir.
SAMSON.
Je ferai mon devoir.
Bis.
CHOEUR DE FORAINS.
Air Belle Brune, belle Brune.
Qu’il périsse !
Qu’il périsse!
MEZZETIN.
280 Nous avons pour notre Chef
17
Le courageux Fils d’Ulysse.
CHOEUR.
Qu’il périsse !
Qu’il périsse !
TÉLÉMAQUE, d’un ton niais, s’avançant l’épée à la main contre Samson.
Je suis plus fort que Samson, moi.
SAMSON.
Oui ; car je n’ai qu’une mâchoire d’âne et tu en as deux.
Il le frappe de sa mâchoire et le renverse.
Tiens voilà ton estasse.
Va te faire panser.
Télémaquese relève, et tout éclopé il rentre en pleurant dans le fort. Samson adresse ensuite la parole à tous les autres, et leur dit :
Air 204. L’Amour veut devenir vainqueur.
Unissez-vous contre un héros
285 Suivi de la Victoire :
Venez, je vous attends , Marauds ;
Bis.
Sentez le poids de ma mâchoire.
Je vais sur vos malheureux corps,
Je vais frapper et déstoc et de taille.
290 Sous mes invincibles efforts
Tombez, tombez, vile canaille :
Pata , pata , pan !
Pan, pan, pan !
Pata , pata, pata, pan !
295 Tombez, tombez, vile Canaille.
Il renverse tous les Forains, qui se relèvent et se sauvent dans le Fort.
SCÈNE XVII ET DERNIÈRE. Samson, La Comédie Italienne, La Comédie Française, Callisthène. §
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Air Quand on a prononcé ce malheureux oui.
Nous venons de Samson célébrer la victoire.
305 Nous ne devons donc plus appréhender la Foire ?
LA COMÉDIE ITALIENNE.
De lui j’attends encor un coup plus généreux.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Quel coup ?
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Quel coup ? Qu’il vous assomme en ce moment tous dcus,
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Qu’entends-je !
Pourriez-vous tourner vos armes contre vos Alliés !
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Apprenez à me connaître.
Quelque bonne mine que je vous fasse, je vous regarde comme ma plus grande ennemie.
LA COMÉDIE FRANÇAISE.
Il y a de 1a franchise dans cet aveu.
LA COMÉDIE ITALIENNE.
Et de la vérité.
Je voudrais qu’il n’y eût à Paris que notre troupe.
SAMSON.
C’est bien dit.
Déclamant.
19
Comme un soleil suffît au Céleste lambris,
Un Théâtre suffit pour divertir Paris.
N’est-ce pas, Seigneur Callisthène ?
LA COMÉDIE ITALIENNE, à Samson.
Ne perdons point de temps, expédiez les l’un et l’autre.
Samson les frappe tous deux.
LA COMÉDIE FRANÇAISE, fuyant.
La Traîtresse !
CALLISTHÈNE, chancelant, et déclamant.
310 C’en est fait, je me meurs. Âme double et sans foi !
Bientôt ton imprimeur me vengera de toi.
La prédiction n’a pas été vaine.