M. DCC. XXIX. AVEC APPROBATION et PRIVILÈGE DU ROI.
PAR FUZELIER
ACTEURS §
- DIANE.
- PLUTON.
- ENDYMION.
- VÉNUS.
- MELPOMÈNE.
- HÉBÉ.
- BACCHUS.
- APOLLON.
- MARS.
- PAN.
SCÈNE I. Bacchus, Pan. §
PAN, à part.
Que vois-je ?
BACCHUS.
Quoi, le dieu Pan ! Le dieu des forêts ne sait pas ce qui se passe ici dans le sein de son empire ?
PAN.
C’est que depuis un mois ou deux je me trouve souvent à Paris.
BACCHUS.
Quoi ! Vous ignorez encore que Pluton est amoureux dans ces bois ?
PAN.
Pluton amoureux ! Cela ne lui sied pas, il ferait bien mieux d’aller chercher l’Indifférence à l’Opéra !
BACCHUS.
PAN.
Eh ! Quelle est, s’il vous plaît, l’enchanteresse qui a métamorphosé Pluton si prodigieusement ?
BACCHUS.
Vous ne le devineriez jamais : c’est la régulière Diane.
PAN.
Comment le savez-vous ?
BACCHUS;
La découverte de ce secret ne nous a pas beaucoup coûté : un faune curieux l’a surpris en rodant sous cet ombrage, ce faune l’a dit à Cérès, la maman Cérès n’a pas manqué de le rapporter à sa fille Proserpine qui a eu la discrétion de ne s’en plaindre qu’à Mercure dans le temps qu’il conduisait la dernière caravane des trépassés et Mercure à son retour n’en a fait confidence qu’à tous les dieux.
PAN.
Cette nouvelle n’a pas dû les ennuyer, Pluton amoureux ! Je n’en reviens pas.
BACCHUS.
BACCHUS.
PAN.
J’approuve vos bonnes intentions.
BACCHUS.
2Et pour les bien remplir presque tous les dieux se sont donné aujourd’hui un rendez-vous général sur le Mont Latmos ; nous savons que Pluton doit y chercher Diane, nous avons formé le dessein de les surprendre et de les régaler d’une espèce de charivari.
PAN.
BACCHUS.
PAN.
BACCHUS.
PAN.
Est-ce que je n’ai pas de la voix ? Est-ce que Doris ne chante pas joliment ?
PAN.
Vous ne vous connaissez pas qu’en gosiers de buveurs. Adieu, je vais chercher Doris, je veux qu’elle ait sa part dans la fête d’aujourd’hui.
SCÈNE II. §
BACCHUS, seul.
Ceci ne commence pas mal ; Pan se mêle de vouloir faire le goguenard
Exemplum ut talpa, j’aperçois la Muse de la tragédie.
SCÈNE III. Bacchus, Melpomène. §
BACCHUS.
5Eh bien ! Grave Melpomène, vous venez donc en cothurne à une partie bouffonne ? Mais...
MELPOMÈNE.
Aussi l’est-il.
BACCHUS.
Et bien lui en prend, car je ne vous trouve pas aisée à vivre ! Le pauvre Linus saurait bien qu’en dire.
MELPOMÈNE.
BACCHUS, riant.
MELPOMÈNE.
BACCHUS.
Vous êtes un peu trop prompte à soupçonner les bonnes gens.
MELPOMÈNE.
Comment ? Je verrais de loin mon amant aux genoux d’une belle et ne soufflerais pas !
BACCHUS.
Mais ! Ce que vous preniez pour un rendez-vous n’était qu’une consultation. Linus interrogeait Uranie sur votre mariage !
MELPOMÈNE.
BACCHUS.
MELPOMÈNE.
BACCHUS.
Au fond, vous n’avez pas absolument tort.
MELPOMÈNE.
Oublions cela Je sens que ce discours rallumerait ma colère. Mais plus de querelle, je vais rejoindre mon tendre Linus qui s’est écarté un moment dans ce bois pour me composer une élégie.
BACCHUS.
7Une élégie !
SCÈNE IV. §
BACCHUS, seul.
SCÈNE V. Bacchus, Apollon, Hébé. §
BACCHUS.
À propos de poètes, voici leur beau directeur, d’où vient que la jeune Hébé l’accompagne ?
APOLLON.
Elle m’a prié de la conduire dans ce bois ; il est question de turlupiner un vieux galant, ceci est de sa compétence
HÉBÉ.
BACCHUS.
8Passe pour vous, folâtre Hébé, mais Apollon ne devrait pas46, lui, être si enclin à dauber sur les amants malheureux ; ne se souvient-il déjà plus de Daphné et de Coronis ?
APOLLON.
HÉBÉ, à Bacchus.
BACCHUS.
APOLLON.
Non assurément je ne prétends pas cela. Je conviens que tout cède aujourd’hui à Pluton en fait de galanterie.
HÉBÉ.
Venez blond Phébus, il me tarde de voir Pluton faire l’amour en berger, cela doit être drôle.
SCÈNE VI. Bacchus, Vénus. §
BACCHUS.
La petite a raison, il est temps que j’aille me cacher dans les bois ainsi que font tous les dieux qui s’y rendent Mais quelle est cette venue ? Eh ! C’est Vénus en grand deuil ! Ceci mérite attention.
Bonjour aimable souveraine de Paphos . Êtes-vous en noir par affliction ou par coquetterie ?
VÉNUS.
Hélas !
BACCHUS.
VÉNUS.
BACCHUS.
Eh ! Tant mieux, vous aurez le temps de vous retourner !
VÉNUS.
Perfide Mars, quelle indignité ! Avoir fait tuer par un vilain sanglier un des plus jolis hommes du monde.
BACCHUS.
VÉNUS.
Oui, je vais instituer des jeux funèbres en l’honneur d’Adonis qui seront célébrés dans la Grèce, dans l’Egypte, dans la Syrie.
BACCHUS.
En attendant ces anniversaires-là
VÉNUS.
Ce qui me pique le plus, c’est que cette funeste mort est l’ouvrage de mon imprudence. Je savais que Mars venait pour me surprendre clandestinement avec son rival.
BACCHUS.
Il le faut avouer, le retardement d’Adonis n’était pas trop sage et ses chasseurs n’étaient pas plus raisonnables que lui, de s’amuser à danser quand ils avaient un sanglier furieux à courir. Avaient-ils peur de n’être pas assez fatigués ?
Un saut, deux sauts, trois sauts, quatre sauts, cinq sauts, six sauts ?
VÉNUS, riant.
Halte-là, Bacchus, vous me feriez étouffer de rire.
BACCHUS.
VÉNUS.
C’est une inattention qui est échappée à mon désespoir.
BACCHUS.
Les veuves sont fort sujettes à ces inattentions-là ; mais où vous conduit à présent votre désespoir inattentif ?
VÉNUS.
Je viens sur le mont Latmos chercher à me dissiper un peu, il faut bien suivre le torrent.
BACCHUS.
SCÈNE VII. Bacchus, Mars. §
BACCHUS, seul.
Je sais que Mars est admirable pour consoler les belles affligées Eh ! Le voilà ! D’abord, le torrent opère.
MARS.
BACCHUS, ironiquement.
MARS.
BACCHUS.
MARS.
SCÈNE VIII. Bacchus, Pluton. §
BACCHUS.
9Mars se tire d’affaire en petit-maître. Sans doute le monarque des enfers n’est pas encore ici. Allons prendre notre poste avant qu’il arrive. Morbleu le voici, il m’a aperçu, je ne peux me dispenser de le saluer.
PLUTON.
BACCHUS.
Que vous quittez docilement dès qu’elle vous congédie.
Adieu beau ténébreux, je ne veux pas vous gêner.
Allons informer les dieux de l’arrivée de Pluton, ils comptaient d’en être avertis par un tremblement de terre ; ce petit signal leur a manqué, c’est à moi d’y suppléer.
SCÈNE IX. §
PLUTON, seul.
10Enfin le mont Latmos est paisible, je ne rencontre plus de bergers téméraires qui osent y chanter des airs nouveaux pendant que Diane s’y promène.
Elle vient cette déesse de mauvais exemple qui s’avise d’être prude quand la mode en est passée dès le déluge !
SCÈNE X. Pluton, Diane, boudant. §
PLUTON.
12Vous m’avez cette obligation-là, j’ai écanillé tous ces bergers chantants qui vous étourdissaient.
DIANE.
PLUTON.
DIANE.
PLUTON.
DIANE.
Que vous sert de m’aimer ?
PLUTON.
La belle demande !
DIANE.
PLUTON.
DIANE.
PLUTON.
DIANE.
PLUTON.
DIANE, ironiquement.
Comment donc ? Je ne vous reconnais plus.
PLUTON.
DIANE.
Oh çà ! J’ai affaire au ciel et vous en enfer !
Ce n’est pas tout à fait le même chemin, quittons-nous sans cérémonie.
PLUTON.
Oh ! Je ne vous laisserai pas là toute seule !
DIANE.
Vous avez une fureur de politesse qui assomme ! On ne saurait sortir de chez vous que vous ne fassiez atteler votre char et que vous ne vous campiez vous-même dedans pour ramener...
des gens qui ne vous tiennent pas grand compte de vos honnêtetés.
PLUTON.
DIANE.
PLUTON, à part.
Je n’ai garde de faire une... pareille sortie... Demeurons plutôt pour examiner la conduite de Diane, son empressement à me chasser doit m’être suspect.
DIANE, seule.
Mais Endymion se montre à mes yeux ! Qu’il paraît inquiet ! Il n’ose m’aborder, il est un peu honteux, il a besoin qu’on le mette en train.
SCÈNE XI. Diane, Endymion. §
DIANE.
À propos de doux, apprenez Endymion que j’ai cent fois entendu vos concerts... les plus doux.... mais...
ENDYMION.
Ah déesse, laissez-moi mon secret !
DIANE.
Ne craignez rien.
ENDYMION.
DIANE, à part, haussant les épaules.
ENDYMION.
DIANE.
ENDYMION.
DIANE.
ENDYMION.
DIANE.
DIANE.
ENDYMION.
Confessez la dette ! Vous donnez dans le subalterne, vous oubliez la grandeur.111
DIANE.
Enfin vous y êtes ; oui, c’est un mortel qui me charme.
ENDYMION, à part.
Comment nommez-vous ce fortuné là ?
DIANE.
ENDYMION.
DIANE.
Cela est-il clair ?
ENDYMION.
Vous commencez à être intelligible.
DIANE.
N’approchez pas de ce bocage, plaisirs indiscrets et causeurs ! Restez à Paris, et vous qui savez parfaitement bien vous taire, venez bergers, accourez troupe prudente.
ENDYMION, inquiet.
Ouais, les bergers ne viennent pas.
DIANE.
Nous nous en passerons bien.
ENDYMION.
DIANE.
Serez-vous toujours aussi neuf ?
SCÈNE XII. Diane, Endymion, tous les Dieux. §
LE CHOEUR, caché.
ENDYMION.
DIANE.
Vous n’avez que trop bien deviné. J’aperçois dans le bois votre rival qui fulmine et tous les dieux qui se moquent de lui. Hélas, je vais avoir mon tour.
CHOEUR DES DIEUX, qui arrivent formant un branle avec Pluton qu’ils entraînent malgré lui, ils environnent Diane et Endymion en chantant.
PLUTON, à Diane.
Je vous prends donc sur le fait, Madame la sévère.
HÉBÉ.
LE CHOEUR DES DIEUX, riant.
BACCHUS, retournant Endymion qui s’était toujours caché avec son chapeau.
Sachons du moins quel dieu est le galant de notre chère soeur. Quelle chute ! Ce n’est qu’un simple berger !
ENDYMION, tremblant.
Fort à votre service.
APOLLON.
L’effronté ! Avoir perverti ma chaste jumelle ! Ceci mérite un châtiment exemplaire !
ENDYMION.
APOLLON.
ENDYMION.
PLUTON.
CHOEUR DES DIEUX.
BACCHUS.
Oh ça ! Pluton, vous êtes juge et partie dans cette affaire-ci ; voyons un peu ce que vous ferez de votre criminel !
PLUTON.
Moi ? Je ne prétends rien innover ; je me copierai sur l’arrêt rendu par mon frère Jupiter en cas pareil ; vous devez vous souvenir tous que ce même Endymion a eu jadis l’audace de s’attaquer à la reine des cieux et que son époux condamna le téméraire à un sommeil de plusieurs années, je lui impose encore ce supplice.
ENDYMION.
Miséricorde !
DIANE.
Quelle barbarie !
VENUS.
En vérité, Pluton, vous êtes trop cruel !
PLUTON.
En vérité, Vénus, vous ne l’êtes pas assez !
VENUS, à Diane.
PLUTON.
VENUS.
PLUTON.
Vous allez voir le cas que je fais de votre protection ! Holà suivant de Morphée !
Emparez-vous de ce galant et endormez-le très profondément pour deux ou trois siècles, car il n’est que trop éveillé.
HÉBÉ à Endymion qui baille.
DIANE, tiraillant Endymion.
ENDYMION, baillant.
DIANE.
ENDYMION s’endormant.
BACCHUS.
DIANE, désespérée tenant Endymion.
LE CHOEUR DES DIEUX.