M. DCC XXXVII. Avec Approbation et Privilège du Roi.
PRIVILÈGE DU ROI. §
LOUIS par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : à nos amez et féaux Conseillers les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Conseil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs LieutenanTs Civils, et autres nos justiciers qu’il appartiendra, SALUT. Notre bien amé Pierre-Jacques Ribou, Libraire à Paris, Nous ayant fait supplier de lui accorder nos lettres de permission pour l’impression des Acteurs déplacés, ou l’Amant Comédien, par le sieur L’Affichard, Arlequin Apprentis Philosophe, offrant pour cet effet de les faire imprimer en bon papier et beaux caractères, suivant la feuille imprimée et attachée pour modèle sous le contrescel des présentes ; Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer lesdits livres ci-dessus spécifiés, en un ou plusieurs volumes, conjointement ou séparément, et autant de fois que bon lui semblera, et de les vendre, faire vendre et débiter par tout notre Royaume pendant le temps de trois années consécutives, à compter du jour de la date des dites présentes, faisons défenses à tous Libraires, imprimeurs et autres personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, d’en introduire d’impression étrangère dans aucun lieu de notre obéissance ; à la charge que ces présentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Libraires et Imprimeurs de Paris dans trois mois de la date d’icelles ; que l’impression de ces livres sera faite dans notre Royaume, et non ailleurs, et que l’impétrant se conformera en tout aux Règlements de la Librairie, et notamment à celui du dix Avril 1725, et qu’avant que de les exposer en vente, les manuscrits ou imprimés qui auront servi de copie à l’impression des dits Livres, seront remis dans le même état où les approbations y auront été données, ès mains de notre très cher et féal Chevalier le Sr CHAUVELIN, Garde des Sceaux de France, Commandeur de nos Ordres, et qu’il en sera ensuite remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, et un dans celle de notre très cher et féal Chevalier Garde des Sceaux de France, le Sieur CHAUVELIN, Commandeur ce nos Ordres ; le tout à peine de nullité des Présentes ; du contenu desquelles vous mandons et enjoignons de faire jouir l’exposant ou ses ayants cause, pleinement et paisiblement, sans souffrir qu’il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons qu’à la copie des dites Présentes qui sera imprimée tout au long au commencement ou à la fin des dits Livres, foi soit ajoutée comme à l’original. Commandons au premier notre huissier ou Sergent de faire pour l’exécution d’icelles tous actes requis et nécessaires, sans demander autre permission, et nonobstant clameur de Haro, Charte Normande et Lettres à ce contraires : CAR tel est notre plaisir. Donné à Versailles le vingt-deuxième jour de Décembre l’an de grâce mille sept cent trente-six, et de notre règne le vingt-deuxième.
Par le Roi en son Conseil. SAINSON.
Registré sur le Registre IX. de la Chambre Royale des Libraires et Imprimeurs de Paris ,N°. 405, fol. 369 conformément aux anciens Règlements confirmés par celui du 18 lévrier l723, À Paris, le 2 Janvier 1757.
G. MARTIN, syndic.
APPROBATION. §
J’ai lu par ordre de Monseigneur le Garde des Sceaux la Comédie intitulée : les Acteurs déplacés, ou L’Amant Comédien, avec un Prologue et un Divertissement à la fin de la pièce. À Paris ce 26 Novembre 1735. VALEYRE.
ACTEURS DU PROLOGUE. §
- LA VILLE DE PARIS personnifiée par Melle DUBOCAGE.
- LA FOLIE, déguisée en auteur, Melle DANGEVILLE, jeune.
- MADAME DANGEVILLE.
- MONSIEUR POISSON.
- MONSIEUR DE MONT-MENY.
- MONSIEUR DE LA THORILLIÈRE.
- MONSIEUR FLEURY.
- MADEMOISELLE GRANDVAL.
- LE PETIT ARMAND.
- LA PETITE DEHAND.
ACTEURS. §
- MONSIEUR MONDOR, père de Lucile, le petit Armand.
- MADAME MONDOR, la petite Dehand.
- DORANTE, fils de l’Élu, Amant de Lucile, M. Poisson.
- LUCILE, Amante de Dorante, Madame Dangeville..
- LE MARQUIS DE BOIS-SEC, frère de l’Élu, M. de La Thorillière.
- L’ÉLU DE BEAUJEU, père de Dorante , M. de Fierville.
- MÉNÉLAS, Roi Sparte, Monsieur de Mont-Meny.
- LÉDA, mère d’Hélène, Reine de Sparte.
- DORIS, Confidente de Léda et d’Hélène, M. Fleury.
- LISETTE, suivante de Lucile, Mademoiselle Grandval.
- LUCAS, Jardinier de Monsieur et Madame Mondor, Mademoiselle Dangeville jeune.
PROLOGUE §
SCÈNE PREMIÈRE. La Ville de Paris, Monsieur de Mont-Meny. §
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Quoi ! La Ville de Paris dans notre hôtel ! Cela m’étonne ; puis-je vous demander, Madame, la cause de votre visite.
LA VILLE.
Elle a pour objet vos intérêts et mes plaisirs.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
L’un et l’autre est l’unique but de nos soins ; cependant nous n’avons pas toujours le bonheur de réussir.
LA VILLE.
Je ne le sais que trop ; mais dans la circonstance où je me trouve, j’ai besoin que vous fassiez un effort.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Vous pouvez compter sur notre zèle.
LA VILLE.
Vous me voyez à la veille d’être entièrement abandonnée ; depuis le départ des Officiers, le beau sexe n’a trouvé d’amusement que chez les gens de robe et les abbés ; les vacances vont nous enlever les uns et les autres, si vous ne trouvez moyen de les retenir.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Que faut-il faire pour cela ?
LA VILLE.
De l’excellent, ou du bizarre.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
L’alternative est embarrassante : le premier est au-dessus de nos forces, le second est fort équivoque.
LA VILLE.
N’importe, il faut quelquefois risquer.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Pour vous satisfaire, Madame, nous aurions besoin de quelque cerveau de travers, de quelque Auteur Calotin.
SCÈNE II. La Folie, La Ville, Monsieur de Mont-Meny. §
LA FOLIE, mettant la main sur l’épaule de Monsieur de Mont-Meny.
Le voici.
Ah ! Ah ! Madame, vous dans ces lieux ! Je suis charmée de de vous y rencontrer ; je vois que nous sommes inséparables.
LA VILLE.
Quoi! Vous me connaissez ?
LA FOLIE.
Oui, Madame, à votre Vaisseau peut-on vous méconnaître ? Embrassons-nous ; j’ai toujours diverti la ville et les faubourgs.
LA VILLE.
La Ville et les Faubourgs vous sont très redevables.
LA FOLIE.
J’ai là ...
Une ressource infinie pour vos amusements ; vous en jugerez par l’échantillon que je vous apporte.
LA VILLE.
Je suis impatiente de le voir.
LA FOLIE, à Monsieur de Mont-Mény.
Allez dire à vos camarades que je les attends.
SCÈNE III. La Folie, La Ville. §
LA FOLIE.
Il me semble que vous me considérez avec beaucoup d’attention.
LA VILLE.
Je regarde si je ne reconnaîtrai pas en vous les traits de quelques-uns de mes auteurs ; mais j’ai beau vous examiner , vous ressemblez à tous en général, sans en désigner aucun en particulier ; votre personne est toute nouvelle à mes yeux.
LA FOLIE.
Vous me surprenez ! Je suis fans cesse avec vous ; je préside à toutes vos actions, je gouverne toutes vos démarches ; c’est moi que vous prenez pour guide, pour conseil, et vous ne me connaissez pas ?
LA VILLE.
Non, quel est votre nom, votre demeure ?
LA FOLIE.
Ma demeure est partout ; maisons, palais, bureaux, comptoirs, tout me sert d’asile ; je loge, avec la suffisance, chez les financiers, avec la fatuité , chez les petits-maîtres, avec l’appétit, chez les Gascons, au cabaret, avec les peintres, proche les toits, avec les auteurs.
LA VILLE.
Et avec la discorde chez les comédiens.
LA FOLIE.
2C’est la vérité ; mais écoutez : sous l’habit d’un Narcisse je me promène aux Tuileries de cette façon.
Tantôt Sous la figure d’une Coquette je fais l’exercice de l’éventail, je lance un coup d’oeil au Comte, je souris au Président, j’agace le Trésorier ; une autre fois, avec la contenance d’un jeune étourdi, j’entre chez une actrice, et voici mon début :
Ma Reine, que vous avez de charmes !
Me donnez-vous à souper ?
LA VILLE.
Tout cela me divertit, sans m’éclaircír.
LA FOLIE, montrant sa marotte.
Connaissez-moi.
LA VILLE.
Eh ! Quoi ! C’est la Folie !
LA FOLIE.
Elle même. J’ai pris soin d’inspirer à un jeune auteur la pièce que j’apporte ; c’est son coup d’essai. La crainte que donnent ordinairement les premières productions, l’empêche de se faire connaître : je me fuis chargée de présenter son ouvrage.
LA VILLE.
Puisque la Folie s’en mêle, je compte sur du plaisant.
LA FOLIE.
Vous y trouverez peut-être du singulier. Mais j’aperçois les comédiens, voulez-vous être témoin de la façon dont ils recevront la pièce.
LA VILLE.
Non ; je vais inviter mes habitants à venir prendre part au cadeau que vous leur préparez.
SCÈNE IV. Les Comédiens, La Folie. §
MONSIEUR DE MONT-MENY, à la Folie,
J’ai l’honneur de vous présenter mes camarades.
LA FOLIE.
Messieurs, je suis votre serviteur.
MONSIEUR POISSON.
Un siège à Monsieur.
MADAME DANGEVILLE.
Avancez ce fauteuil.
MONSIEUR DE LA THORILLIÈRE.
Commencez, Monsieur, nous sommes prêts à vous entendre.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Je suis vive, prompte, ne me faites point attendre.
MONSIEUR FIERVILLE.
Hâtez-vous, nous avons répétition.
MONSIEUR POISSON.
Lisez distinctement.
MONSIEUR FLEURY.
Je l’en défie, si nous parlons toujours.
LE PETIT GARÇON.
Quelle lenteur ! Cela devrait être lu.
LA PETITE FILLE.
Vous m’impatientez furieusement ; commencez donc.
LA FOLIE.
Point de lecture : je suis un auteur au-dessus des règles, je prétends que ma pièce soit reçue sans examen.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Que dites-vous ?
MADAME DANGEVILLE.
Comment ?
MONSIEUR FIERVILLE.
Je ne vous comprends pas.
LA FOLIE.
Cela pourtant est assez clair.
MONSIEUR DE LA THORILLIÈRE.
Y pensez-vous, Monsieur ?
MONSIEUR FLEURY.
La proposition est absurde.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Quelque bonne opinion que nous puissions avoir de vous, le risque est trop grand.
LE PETIT GARÇON.
En vérité, Monsieur, vous n’êtes pas raisonnable.
LA PETITE FILLE.
Depuis que je suis au théâtre, je n’ai rien vu de pareil.
LA FOLIE.
Je n’écoute point vos discours ; conformez-vous, s’il vous plaît, à mes intentions, sinon point de pièce. J’ai fait l’ouvrage sans réflexion , je veux qu’il soit reçu sans lecture, et joué sans répétitions.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Sans répétitions !
MADAME DANGEVILLE.
Vous plaisantez.
MONSIEUR POISSON.
Cela n’est pas possible.
MONSIEUR FIERVILLE.
Je n’y consentirai jamais.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Nous avons des juges trop éclairés, on ne nous passerait pas cette imprudence.
LE PETIT GARÇON.
Ma réputation s’y trouverait compromise.
LA PETITE FILLE.
J’ai trop d’expérience pour vous donner ma voix.
LA FOLIE, se levant.
Je me retire ; vos refus obstinés vous rendent indignes de mes bontés. Adieu.
MONSIEUR FLEURY.
Voyons ce qu’il veut nous donner.
MADAME DANGEVILLE.
C’est peut-être du bon.
MONSIEUR DE LA THORILLIÈRE.
Si la pièce ne nous convient pas, nous serons les maîtres de la refuser.
MONSIEUR FIERVILLE.
C’est bien dit, Monsieur ; revenez, s’il vous plaît.
MADEMOISELLE GRANDVAL, à la Folie.
Vous êtes bien vif.
LE PETIT GARÇON.
Qu’on a de peine avec les auteurs !
LA PETITE FILLE.
Quelle complaisance il faut avoir !
LA FOLIE.
Je suis charmée de vous voir plus dociles, et que votre intérêt vous ouvre enfin les yeux. La pièce dont il s’agit, est une espèce d’ambigu, elle a pour titre : L’Amant Comédien ; en voici les rôles tout prêts.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Sans doute que vous faites de moi une amoureuse tendre, vive et badine.
MONSIEUR POISSON.
De moi, un Crispin, qui par des traits bouffons et des sauts en avant...
MONSIEUR DE LA THORILLIÈRE.
De moi un raisonneur, un père ?
LA FOLIE.
Point du tout, à Mademoiselle Grandval. Je vous donne un rôle de soubrette.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Moi, soubrette ! Cela ne me va point ; j’en appelle au parterre.
LA FOLIE.
Un auteur est maître des rôles ; ainsi, Mademoiselle, je vous prie de faire celui que je vous destine.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Si vous le voulez absolument, je risquerai ce début.
MONSIEUR FIERVILLE.
Non pas, s’il vous plaît : les soubrettes appartiennent à Mesdemoiselles Dangeville ou Dubocage : demandez à mes confrères.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Monsieur a raison.
MONSIEUR FIERVILLE.
On ne doit point aller sur les droits de ses camarades.
LA FOLIE.
Mais, Monsieur...
MONSIEUR FIERVILLE.
Mais, tant qu’il vous plaira.
LA FOLIE.
Quoi ! Je ne pourrai disposer...
MADAME DANGEVILLE.
Non, nous avons chacun notre emploi marqué ; ayez la bonté de vous y conformer.
LA FOLIE.
Je vois que nous allons avoir mille difficulté ; sous les préviendrons, si vous voulez m’en croire.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
De quelle manière ?
LA FOLIE.
En tirant les rôles au sort.
MONSIEUR FIERVILLE.
Le projet est charmant.
MADAME DANGEVILLE.
Je l’adopterais en faveur de la nouveauté.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
On n’a jamais rien proposé de si ridicule.
MONSIEUR FLEURY.
J’en conviens ; mais il faut quelquefois se prêter aux idées de ces Messieurs.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Peut-être que le sort fera moins capricieux que l’Auteur.
MONSIEUR POISSON.
Pour moi je jouerai tout ce qui me viendra.
LA PETITE FILLE.
Sa pauvre cervelle est bien malade.
MONSIEUR DE LA THORILLIÈRE.
Voyons ce que cela produira.
LA FOLIE.
Puisque vous voilà d’accord, ne perdons point de temps. Madame Dangeville, commencez.
Attendez à voir votre fort que tout soit tiré.
Voyons à présent les rôles qui vous sont échus.
MADAME DANGEVILLE.
Lucile, à moi l’amoureuse ! Me voilà bien lotie ?
MONSIEUR POISSON.
Dorante, c’est apparemment l’amoureux.
Touchez-là ; je suis aussi bien partagé que vous.
MONSIEUR DE LA THORILLIÈRE.
Le Marquis. Moi, Marquis ! Suis-je d’une tournure à faire des extravagances.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Lisette. Le sort répond à l’idée de l’auteur, il en faut passer par-là, malgré le péril.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Léda, mère d’Hélène.
Si vous croyez que je jouerai ce rôle-là, vous vous trompez fort.
MONSIEUR FLEURY.
Doris, confidente de Léda.
Nous sommes bien assortis.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Voilà deux acteurs placés à merveilles.
MONSIEUR FIERVILLE.
L’Élu, père de Dorante. C’est un niais ; moi je doublerai Monsieur Dangeville ! Je ne crois pas cela !
LA FOLIE, au petit Garçon.
À vous petit bonhomme.
LE PETIT GARÇON.
Monsieur Mondor, père de Lucile.
Dangeville. Je serai votre papa, Madame ; allez, allez, je vous ferai obéir de la bonne sorte.
LA PETITE FILLE.
Madame Mondor. Me voilà mère avant d’être mariée.
Ma petite mignonne. Vous serez ma fille, vous n’aurez qu’à vous bien tenir, je sais comme on range la jeunesse.
LA FOLIE.
Il me reste un rôle de paysan, mais je m’en charge : pour rendre la pièce plus folle, j’y représenterai Monsieur Lucas ; je serai déplacé tout comme vous.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Ho ça, Monsieur l’Auteur, vous imaginez-vous qu’on puisse représenter votre comédie, comme les rôles en sont distribués ?
LA FOLIE.
Pourquoi non ? Le public veut du nouveau ; peut-être en trouvera-t-il dans le déplacement des acteurs.
MONSIEUR FIERVILLE.
Nous ne risquerons pas une pareille nouveauté.
MADAME DANGEVILLE.
Nous serions les dupes de notre complaisance.
LA FOLIE.
Rassurez-vous : je prends tout sur mon compte. Le public m’a toujours favorisé ; vous vous ressentirez tous des bontés qu’il a pour un auteur comme moi.
MONSIEUR DE MONT-MENY.
Vous ne pouvez être inspiré que par la folie.
LA FOLIE.
4Vous pensez juste ; c’est elle que vous voyez sous ce déguisement ; montrant sa marotte. S’il vous reste quelque doute, qu’il s’évanouisse à l’aspect de mon sceptre.
MONSIEUR POISSON.
Honneur à la souveraine du genre humain.
MONSIEUR FIERVILLE.
Nous ne nous opposons plus à vos volontés.
LA FOLIE.
Allons, que ma pièce soit jouée sur le champ.
MADEMOISELLE GRANDVAL.
Donnez-nous donc les moyens de vous servir aussi promptement que vous le désirez.
LA FOLIE.
C’est à quoi je vais pourvoir ; les Dieux, qui m’ont privée du jugement, pour m’en dédommager, m’ont donné la mémoire, et la faculté de la communiquer.
5Éprouvez la vertu de la marotte ; une simple lecture de votre rôle vous suffira pour le savoir. Allez.
LA FOLIE , au public.
Messieurs, le désir de vous plaire a souvent fait imaginer aux auteurs quelque chose de singulier, mais toutes les folies ne sont pas heureuses ; nous souhaitons que celle-ci vous amuse, et que l’ardeur de notre zèle fasse excuser notre témérité.
COMÉDIE §
SCENE PREMIÈRE. Lisette, Lucas. §
LUCAS.
Vous vla fort à propos. Mameselle Lisette.
LISETTE.
Que me veux-tu, Lucas ?
LUCAS.
Vous savais bian que Monsieur Dorante, nous a ce matin graissé la patte pour nous engager à parler de son amour à Mameselle Lucile ?
LISETTE.
Oui, Lucas.
LUCAS.
Vous savais bian que nous ne li en avons pas encore ouvart la bouche.
LISETTE.
L’occasion ne s’en est pas offerte.
LUCAS.
Vous savais bian itou que je ne savons pas trop si ce Monsieur Dorante est tel qu’il nous le paraît.
LISETTE.
Oh ! Je ne doute point de sa probité, elle est peinte sur son visage : il a l’air et la manière d’un homme de naissance.
LUCAS.
C’a est vrai, Mameselle Lisette ; mais , morgué y a des parsonnes qui avont des philozomies si trompeuses.
LISETTE.
Je n’ai sur Dorante aucun fâcheux soupçon.
LUCAS.
6Tant mieux. Ho ça, Mamefelie Lisette, vous savais bian tout ce que je venons de vous dire ; mais, ventrebille, vous ne savais pas tout.
LISETTE.
Que sais-tu donc encore, Lucas ?
LUCAS.
Regardez-moi bian fixiblement, à marveilles ! Devinais vous queuque chose ?
LISETTE.
Non. Que veux-tu dire ?
LUCAS.
Vous ne devinais rian ! Vous me trompais, Mameselle Lisette : vous ères trop éveillée ; trop seine, pour ne pas var que je sommes épardument amoureux de vous.
LISETTE.
Quoi ! Tu m’aimes ?
LUCAS.
La tête m’en torne. Mais votre surprinze est-elle de joie ou de tristesse ?
LISETTE.
Vraiment, Lucas, elle est de joie.
LUCAS.
Alle est de joie ! Me vla le plus heureux jardinier du village ; apprenais que depis longtemps je renfermions stamour-là, et que sans stilà de Dorante je n’aurions jamais osé vous dégoiser. Tatigue ! Que jevians de me tirer une tarribie épeine du pié ! Vous m’aimais, je vous aime, et je nous aimons : queul ravissement ! Ne songeons qu’à nous bian aimer, et à conduire, chemin faisant, l’amour de Dorante à bonne fin. À ne vous point mentir je sis un tantet coeffé de ce gentilhomme là ; sa contenance m’a plu d’abord ; une parsonne de rian n’aurait pas une meine si revenante, des magnières si agriables, et ne ferait pas de si biaux présents ; Lucile et li sont faits l’un pour l’autre ; c’est un mariage conclu, et le nôtre par-dessus le marché.
LISETTE.
Tu vas bien vite, Lucas ; savons-nous si Monsieur et Madame Mondor sont d’humeur à marier leur mie ?
LUCAS.
Pourquoi la garderiont-ils ? Une fille n’est bonne qu’a devenir femme, pis à rendre son mari... Que sais-je ?
LISETTE.
Malgré l’empire que j’ai sur l’esprit du père et de la mère, je crains de voir échouer mon projet.
LUCAS.
Vous étés trop craigneuse, tout ira bian.
LISETTE.
Sur quoi fondes-tu cette espérance ?
LUCAS.
Pargué, sur la raison. Acoutez, Mameselle Lucile n’a que seize ans, alle sort du Couvent, où alle n’a pu faire d’inclination ; drès qu’aile verra Dorante, zeste, alle en deviendra folle. Dorante ira et viendra ; il écrira, alle répondra ; le père et la mère s’aparcevront de queuque manigance ; ils espioneront leur fille , ils la surprendront causant, riant, folâtrant aveuc Dorante ; aussitôt de faire tapage du côté des bonnes gens, de l’autre de pleurer, se lamenter, se désespérer. Qu’arrivera-t-il ? La peur de faire mourir de chagrin une fille unique qu’ils aimont, les fra bailler dans le pagniau : on les marira, pour faire taire les jazeurs, et je nous marions de compagnie ; ça est clair comme le jour.
LISETTE, riant.
À merveilles.
LUCAS.
N’en riais-pas, j’ons morgué, sous ce chapiau là tout autant de çarvelLe qui en a sous votre cornette. Ne laissons pas languir les choses, ma chère partendue, allons faire à Lucile la preumiere ouvarture de l’amour de Dorante. Mais le vecy.
SCÈNE II. Dorante, Lisette, Lucas. §
LUCAS.
Pargué, Monsieu Dorante, je parlions de votre affaire.
LISETTE.
Pourquoi paraissez-vous ici ?
DORANTE.
Je venais apprendre...
LISETTE.
Demeurez tranquille, vos intérêts sont en bonnes mains.
LUCAS, tendant la main.
Je vous sarvons de tout notre coeur.
DORANTE.
Je le crois. Mais en quel état sont les choies ?
LUCAS.
Tout comme ce matin.
DORANTE.
Mon impatience est extrême.
LUCAS.
J’allons doucement, mais je ne nous arrêtons point.
LISETTE,
Vous saurez aujourd’hui votre destinée.
DORANTE.
Puisse-t-elle s’accorder avec mes désirs ! Je viens encore d’apercevoir Lucile ; qu’elle a de charmes ! Ah ! Lisette, si tu voulais, je pourrais moi-même lui déclarer que ses beaux yeux ont fait naître dans mon coeur la passion la plus vive.
LISETTE.
Je lui dirai tout cela ; sortez, Monsieur, je vous en conjure.
LUCAS tendant la main.
Tandis que vous nous amusais, je n’avancons rian.
DORANTE.
Je pars ; mais, ma chère Lisette, puis-je me flatter de l’espérance que tu m’as fait concevoir.
LUCAS.
N’en ayez point de doutance ; rian ne se fait dans la maison que par le canal de Lisette ; alla mene la fille, le bonhomme et la bonne femme, par le nez, alle est leur précepteur, leur intendant, leur maître enfin.
LISETTE.
De grâce sortez ; si l’on nous surprenait ensemble, cela nuirait à vos affaires.
DORANTE.
Tu raisonnes sensément, Lisette ; mais je crains que tu ne t’imagines que je te trompe.
LISETTE.
Je n’ai point ce soupçon.
LUCAS.
Je sommes tous deux coiffés de votre figure.
DORANTE.
Ma famille est très connue de Monsieur et Madame Mondor ; si cette passion est agréable à la belle Lucile, je suis le plus heureux des hommes. Je ne veux devoir sa main qu’à ma tendresse, c’est ce qui m’oblige à me cacher. Mon père sera charmé qu’en revenant d’Italie couvert de gloire, à deux lieues de Lyon, j’aie fait une conquête si digne de mon coeur.
LISETTE.
Encore une fois sortez.
LUCAS,
Que le’z amoureux sont tenacés !
DORANTE.
Adieu ; je viens d’arrêter des chanteurs, ils préparent une fête pour ce soir.
LISETTE.
Une fête ! Que vous savez bien la façon de vous insinuer dans le coeur d’une fille !
LUCAS.
Tatigué, que j’aurons de plaisir!
DORANTE.
Songez tous deux que votre fortune est faite...
LUCAS tendant la main.
Morgué j’y comptons bian.
LISETTE.
J’entends quelqu’un.
LUCAS.
C’est notre vieille maîtresse.
LISETTE.
Ciel ! Monsieur Mondor la suit.
LUCAS prenant la bourse en sortant avec Dorante.
Et vite, vite, fuyais.
LISETTE examinant Monsieur et Madame Mondor.
Ils me paraissent en conversation sérieuse, écoutons un moment.
SCÈNE III. Monsieur Mondor, Madame Mondor, Lisette écoutant. §
MONSIEUR MONDOR.
Oui, Madame, Lucile est en âge d’être pourvue.
MADAME MONDOR.
C’est à ce dessein-là, Monsieur, que je l’ai fait sortir du Couvent.
MONSIEUR MONDOR.
Toujours de la sympathie entre nous, ma chère petite vieille.
MADAME MONDOR.
Nous pouvons la pourvoir avantageusement et lui donner une dot considérable.
MONSIEUR MONDOR.
Assurément. Depuis plus de quarante ans que nous sommes ensemble, j’ai beaucoup augmenté notre fortune.
MADAME MONDOR se fâchant.
Mon économie n’y a pas mal contribué.
MONSIEUR MONDOR.
Ne vous emportez point, m’amour, parlons d’autre chose. Apprenez sur qui j’ai jeté les yeux, pour en faire notre gendre.
MADAME MONDOR.
N’en prenez pas la peine, ce soin me regarde ; mon choix est fait.
LISETTE à part.
Je ne m’attendais pas à ce coup-là.
MONSIEUR MONDOR.
Je pense que c’est moi qui dois lui choisir un époux, et celui que je lui destine c’est notre ami Monsieur Dorimon.
MADAME MONDOR.
Calmez-vous, mon poulet, c’est à lui que je l’ai promise. Mais ils sont deux frères, auquel comptez-vous la donner ?
MONSIEUR MONDOR.
Au plus digne, à l’Élu.
MADAME MONDOR.
Oh ! Moi je la donne au Marquis ; c’est un garçon riche, galant, spirituel, je ne lui connais qu’un petit défaut, c’est d’être un peu trop prévenu en sa faveur.
MONSIEUR MONDOR.
L’Élu sera mon gendre ; il n’est point fou comme votre Marquis ; de plus je le regarde comme garçon ; car il ne reçoit point de nouvelles de son fils qui sert en Italie. II est vrai qu’on prendrait l’Élu pour un benêt ; mais je l’estime : vive les gens de robe, les richesses leur viennent en dormant.
MADAME MONDOR.
Les gens de guerre sont fort au dessus ; s’ils gagnent du bien c’est en veillant toujours. Le Marquis a ma parole, il aura ma fille. Je suis surprise qu’il ne soit pas arrivé.
MONSIEUR MONDOR.
J’attends l’Élu, c’est lui qui l’emportera.
MADAME MONDOR.
Tarare.
LISETTE.
Tarare à mon tour. Vous ne savez tous deux ce que vous faites ; c’est moi qui veut marier Mademoiselle votre fille : elle est jeune, aimable, il lui faut un époux beau, bien fait, alerte, raisonnable ; en un mot, un homme qui lui plaise. Je veux qu’elle soit sage et contente dans son ménage ; pourrait-elle l’être avec un vieux petit-maître, ou avec un Élu suranné, qui ne serait auprès d’elle que ce qu’il fait à l’Audience.
MONSIEUR MONDOR.
Ma mie, il y a longtemps que j’ai envie de réprimer vos impertinences.
MADAME MONDOR.
Vos façons d’agir commencent à m’être fort à charge.
LISETTE.
Fâchez-vous tant qu’il vous plaira, je ne souffrirai point que vous fassiez des choses contre le bon sens.
MONSIEUR MONDOR.
Nous vous donnerons votre congé.
LISETTE.
Vous m’en menacez ; je l’accepte : adieu.
MADAME MONDOR.
Ne la renvoyons pas, elle a du bon.
MONSIEUR MONDOR.
Vous avez raison ; son affection pour nous veut que nous lui passions quelque chose.
MADAME MONDOR.
Oui, mon fils ; car à notre âge nous avons besoin auprès de nous de quelqu’un qui connaisse notre tempérament.
MONSIEUR MONDOR.
Rappelez-la.
MADAME MONDOR.
Lisette.
LISETTE.
Plaît-il, Madame.
MADAME MONDOR.
Venez-çà. Nous vous gardons, mais c’est à condition que vous ne vous mêlerez plus de nos affaires.
LISETTE.
Je ne resterais qu’à condition du contraire.
MONSIEUR MONDOR.
Lisette, vous... Rentrons, ma poule, elle nous échaufferait la bile.
SCÈNE IV. §
LISETTE seule.
Me voilà rentrée en grâce, mais je suis fort embarrassée ; ces gens-ci voudront l’emporter. Dorante sera la dupe des promesses que je lui ai faîtes ? Non. Il ne sera pas dit que Lisettte aura cédé. Armons-nous de courage ; n’abandonnons point Lucile, c’est une fille qui mérite d’être heureuse ; la voici.
SCÈNE V. Lucile, Lucas, Lisette. §
LUCAS.
Oui, Mamefelie, j’ons queuque chose à vous apprendre qui vous rendra bian aise. Vous commençais à m’acouter. Tatigué ! La douce nouvelle que j’alions vous dégoiser !
LUCILE.
Hé bien ? Qu’est-ce, Lucas ? Parle donc.
LUCAS.
Un gaillard bian torné, qu’an nomme un amoureux, perd l’eprit en votre faveur.
LISETTE.
Ah ! Lucas, il y a bien d’autres nouvelles. Que je vous plains, ma chère maîtresse ! Vous allez devenir la femme d’un époux ridicule ; Monsieur et Madame Mondor s’accordent sur ce point, ils ne sont en dispute que sur la préférence.
LUCAS.
Queulle trahison ! Oh ! Pargué, la parférence est pour stilà que j’avons à vous bailler ! Dame ! C’est du nanan ; demandais à Lisette, j’ons tous deux commissions de vous en marmoter queuques paroles.
LISETTE.
Oui, Mademoiselle, vous êtes adorée d’un cavalier tout charmant, et je me suis chargée de vous faire agréer la respectueuse passion.
LUCILE.
Vous êtes bien hardie, Lisette, de me faire une pareille proposition. Apprenez que ce serait à mes parents à disposer de mon coeur.
LISETTE.
De la main passe ; le coeur n’est pas de leur compétence.
LUCILE.
Non ; puisque le mien s’est donné sans leur aveu.
LUCAS.
Adieu notre fortune.
LISETTE.
Mon étonnement est extrême ! Quoi ! Depuis huit jours que vous êtes sortie du Couvent, vous avez toujours été renfermée dans cette campagne, vous n’y avez vu que vos parents ou vos domestiques, et votre coeur n’est plus à vous ?
LUCAS.
Bon ! Mameselle aura fait queuque songe.
LUCILE.
L’aimable illusion, si c’en est une ! Je soupire sans cesse, je sens de douces émotions ; mille idées charmantes remplissent mon esprit, mon âme est toujours agitée, et rien n’est si agréable que son agitation. Je m’imagine, Lisette, que tout cela ne peut être que l’effet d’une passion naissante.
LUCAS.
Pargué, vous rêvais bian farme.
LISETTE.
Une passion naissante !
S’aviserait-elle d’aimer Lucas.
Daignez m’éclaircir ce mystère.
LUCAS, à part.
Je sommes assez biau garçon ; peut-être...
LUCILE.
Ma vue s’est fixée sur le jeune homme le plus aimable ; ses yeux, en dépit de moi-même, ont enlevé mon coeur.
LISETTE, à part.
C’est Lucas.
LUCILE.
Il ignore mon amour ; mais il m’a fait comprendre le sien par des regards si touchants, que je ne dois point douter de la violence de ses feux.
LUCAS, à part.
J’ons toujours les yeux sor alle ; c’est pour nous qu’alle en riant.
LISETTE.
Faites-moi du moins le portrait de votre amant.
LUCILE.
Il a la taille de Lucas.
LUCAS, à part.
Alle m’adore.
Mameselle, nommais-nous le fortuné mortel qui vous inspire tant d’amour ; morgué, je n’en serons pas ingrat, je saurons nous taire.
LISETTE, a part.
L’aimerait-il aussi ?
LUCILE.
Comment le nommerais-je ? Hier pour la première fois je le vis se promener autour de notre maison, je i’ai revu ce matin ; c’est tout ce que je puis t’en apprendre.
LISETTE, à part,
Je respire.
LISETTE.
Vous aimez Dorante,celui de qui avions à vous parler.
LUCILE.
Quoi, ma chère Lisette, je serais assez heureuse pour avoir le coeur prévenu pour celui qui te presse le m’instruire de ses feux !
LUCAS.
Il vous aime comme un pardu ; mais ce n’est pas tout, il faut bailler un croc-en-jambe à nos autres amoureux.
LUCILE.
Comment s’y prendre ?
LUCAS.
Ça n’est pas malaisé ; dites-leur que si l’un d’eux zst assez osé pour vous épouser maugré vous, que vous ly ferez var biau jeu ; que vous ferez ceci d’un côté, que vous ferez ça de l’autre ; que vous dépenserez par ci, que vous aurez des amants par-là ; bref mentez-leur biaucoup, en attendant que vous pissais rendre tout ça vrai.
LISETTE.
J’imagine un sûr moyen.
LUCAS.
Chut, j’avise Monsieur Dorante.
Jasais tout votre bian6aise ; moi, je vas faire le guet de peur de surprinze.
SCÈNE VI. Dorante, Lucile, Lisette. §
LUCILE, bas à Lisette.
Ah, Lisette ! Pourrai-je cacher mon trouble ?
DORANTE.
Madame, je ne serais pas excusable de m’offrir à vos yeux, sans avoir l’honneur d’être connu de vous, si je n’y étais amené par l’estime la plus parfaite, et l’amour le plus tendre.
LISETTE.
En faveur de vos sentiments, on excuse votre témérité.
DORANTE.
Hier, Madame, dès que mes regards eurent rencontré les vôtres, de si charmants transports s’emparèrent de mon âme, que mon coeur fut aussitôt pLus à vous qu’à moi-même.
LISETTE.
On vous aperçut, on remarqua votre trouble, il en causa ; vous n’êtes point à plaindre.
Daignez, Madame, confirmer le bonheur dont me flatte Lisette ; un mot de votre belle bouche, va me rendre le plus heureux des mortels.
LUCILE.
Monsieur, je ne sois point faite au langage des amants ; quand même je l’entendrais , mon devoir me défend d’y répondre : cependant je vous écoute, je laisse parler Lisette, et mon coeur...
SCÈNE VII. Monsieur Mondor, Madame Mondor, Dorante, Lucile, Lisette. §
LUCAS.
Tout est pardu ! Veci Monsieu et Madame Mondor.
LISETTE, à Dorante et Lucile.
Ne paraissez point embarrassés, je vous tirerai de ce pas ci.
MONSIEUR MONDOR.
Que demande Monsieur ?
LISETTE, bas à Monsieur et Madame Mondor.
Faites lui des politesses ; c’est un homme d’importance.
Monsieur est philosophe, poète, musicien, robin, officier, médecin, petit Maître ; il est tour à tour poli, grossier, galant, brutal, spirituel, sot, amusant, ennuyeux, doux , grondeur, généreux , ingrat, magnifique, avare, vertueux, débauché, écolier, précepteur, père, fils, maître, valet, etc.
MONSIEUR MONDOR.
Quel diable d’homme est-ce donc là ?
LISETTE.
Un Comédien. On l’envoie vous donner une fête, vous devinez de quelle part.
MADAME MONDOR.
C’est de celle du Marquis ; cela n’est point douteux.
MONSIEUR MONDOR.
Non, non , Madame , c’est de celle de l’Élu.
En quoi consistera votre divertissement ?
DORANTE.
En danses, en chants.
Tu as de l’esprit.
MADAME MONDOR.
Je voudrais quelque morceau tragique, j’ai du plaisir à pleurer.
MONSIEUR MONDOR.
Oui : vive la Tragédie ! on y fait ronfler les vers, les Acteurs ouvrent de grands bras, ils roulent les yeux, ils crient comme des possédés ; c’est-là ma fureur.
DORANTE.
Il m’est impossible, Monsieur, de vous contenter : je n’ai amené que des danseurs, des chanteurs, et des symphonistes.
LISETTE.
On ne vous demande que quelques lambeaux.
MADAME MONDOR.
Faites comme vous l’entendrez, mais je veux du tragique.
MONSIEUR MONDOR.
J’en veux aussi.
DORANTE, à Lisette.
Quel embarras !
LISETTE, bas à Dorante.
Voulez-vous les contredire ? C’est la première fois que je les vois d’accord.
Donnez-nous l’enlèvement d’Hélène; c’est une petite tragédie en cinq scènes, il ne faut que trois acteurs pour la représenter ; d’ailleurs on vous passera bien des choses en faveur de l’impromptu.
DORANTE, bas à Lisette.
Y penses-tu ?
LISETTE, bas.
Vous devez connaître cette pièce.
DORANTE, bas.
Oui, mais...
LISETTE, haut.
Chargez-vous du rôle de Ménélas.
DORANTE.
Je n’ai point d’habit convenable, sans cela...
MONSIEUR MONDOR.
8Je vous en promets un ; j’ai encore celui qui me servit jadis à représenter Samson dans la tragédie de mon collège.
Je n’avais que quinze ans alors.
MADAME MONDOR, à Dorante.
Vous ne pouvez plus reculer.
LISETTE.
Allez vous préparer.
SCÈNE VIII. Monsieur Mondor, Madame Mondor, Lucile, Lisette. §
MONSIEUR MONDOR.
Monsieur l’Élu veut nous prouver qu’il est encore galant.
MADAME MONDOR.
Quelle erreur ! Cela ne peut venir que du Marquis.
LISETTE.
Pour terminer le différend, accordez Mademoiselle à celui qui donne le cadeau.
MONSIEUR MONDOR.
Je le veux bien.
Elle en sera la dupe.
MADAME MONDOR.
J’y consens.
Qu’il est aveugle !
Le Marquis triomphera, préparez-vous, petite fille à le bien recevoir.
LUCILE.
Vous serez contente.
MONSIEUR MONDOR, à Lucile.
Vous épouserez l’Élu, songez que je le veux.
LUCILE.
Puisque je dois appartenir à celui qui donne fête, soyez sur de mon obéissance.
MONSIEUR MONDOR.
Fort bien.
MADAME MONDOR.
L’événement fera voir qui se trompe de nous deux.
MONSIEUR MONDOR.
C’est bien dit, rentrons, ma poule, allons nous reposer en attendant le divertissement.
SCÈNE IX. Lucile, Lisette, Lucas. §
LUCAS.
Vecy venir un homme bian vêtu , qui m’a l’air d’être un de vos épouseux.
LISETTE, mettant son tablier à Lucile.
C’est apparemment le Marquis, il ne vous connaît pas ?
LUCILE.
Non. Mais comment l’éconduire ?
LISETTE.
Laissez-moi faire. Vous êtes une novice sans expérience ; mettez mon tablier, je passerai pour vous.
LUCAS.
Queulle manigance.
LUCILE.
Fais ce que tu voudras, je consens à tout.
LISETTE.
Vous voilà ma suivante. Lisette ? Un miroir ? Je suis bien mal coiffée aujourd’hui. Raccommodez ce ruban, vous ôtez mon rouge, vous me piquez : que vous êtes gauche ! Il faut que je fasse tout moi-même. Lucas, vas travailler à ton jardin.
LUCAS.
Nennin, morgué, je resterons : vous avais biau faire la maîtresse, vous êtes toujours Lisette. L’original approche ; je voulons voir notre Comédie.
SCÈNE X. Le Marquis, Lucile, Lisette, Lucas. §
LE MARQUIS, à Lisette.
La brillante personne ! Quels yeux vifs ! Je ne comptais trouver qu’une figure bourgeoise, et je vois un air charmant, des grâces, des manières : parbleu ! Je suis homme à bonnes fortunes jusques dans le mariage.
LUCAS.
Il contrefait à marveille le jeune homme.
LUCILE.
Vous êtes Monsieur le Marquis ?
LE MARQUIS.
Oui, mon enfant. Tu es gentille...
LUCILE.
Vos façons nobles et galantes m’ont fait vous deviner d’abord.
LE MARQUIS, tirant sa bourse.
Tu m’as deviné, friponne ! Je dois récompenser ta pénétration, j’aime les soubrettes qu’on peut soupçonner d’avoir de l’esprit.
LUCAS.
J’ons itou queuque bon sens : drès qu’on vous a nommé, zeste, j’ons deviné que vous étiez Monsieur le Marquis.
LE MARQUIS, à Lucas,
Pour un Paysan tu as une assez jolie physionomie.
Pardon, Madame, si je me suis distrait un moment du soin de vous admirer. Que vous m’annoncez de félicité ! Je sens couler dans mon coeur le doux poison de l’amour.
Tout en vous m’enchante ; mais j’ai un scrupule, c’est de vous épouser ; vous méritez d’être adorée.
LISETTE.
9En vérité, Marquis, vos airs de Cour ; vos façons aisées, et ces jolis riens, que vous débitez si galamment, me divertissent. Vous comptiez ne trouver en moi qu’une simple bourgeoise, qu’une Agnès ; vous trouvez une fille qui joint de l’esprit à des charmes. Votre opinion gagne beaucoup à tout cela. Je suis fort du goût d’être adorée ; vous m’en trouvez digne : hé bien , un hommage ne peut me déplaire ; je vous reçois au nombre de mes adorateurs.
LE MARQUIS.
Cet avantage me flatte infiniment.
LUCAS, à Lisette.
Vecy l’autre épouseux ; je sommes pardus.
LE MARQUIS, à part.
Quel sujet amène ici mon frère ? Éloignons-nous un peu pour l’apprendre.
LISETTE, à part.
J’ai besoin de tout mon esprit ; je forme un projet.
Écoutez.
LUCILE.
Laisse-moi faire, je vais te seconder.
SCÈNE XI. L’Élu et les acteurs précédents. §
L’ÉLU.
Laquelle de vous deux est Mademoiselle Lucile, que je lui fasse la révérence ?
LUCAS.
Qu’il a l’air et le ton gniais !
LISETTE.
C’est moi, Monsieur , peut-on s’y méprendre ?
Lisette, vas promptement où tu sais.
L’ÉLU.
Oh ! Je me doutais bien que c’était vous ; mais je voulais en être assuré par votre jolie bouche. Sans doute que vous ne me connaissez pas, puisque vous ne m’avez jamais vu. Je me nomme Monsieur Dorimon, écuyer, revêtu de l’honorable charge d’Élu.
Oh! Oh ! N’est-ce pas là mon frère ? Eh ! Oui : que faites-vous céans ?
LISETTE.
Cela se devine sans peine : Monsieur vient pour m’épouser.
L’ÉLU.
Pour vous épouser !
LE MARQUIS.
Quoi, mon frère, cela vous étonne !
L’ÉLU.
Oui, vraiment ; car, ne vous déplaise, je viens aussi pour épouser Mademoiselle ; nous voilà deux : comment ferons-nous ?
LUCAS.
Pargué, Messieurs, tirez à la courte paille.
LE MARQUIS.
Je ne crois pas que vous osiez tenter de le disputer au Marquis de Bois-sec.
L’ÉLU.
Oh ! Ne vous flattez pas de l’emporter sur le doyen des Élus de Beaujeu ; je suis votre cadet, mon frère, mais ce n’est pas en mérite.
LUCAS.
Eh ! Morguene, Messieus, point de brit ; ça ne serait point bian que deux, frères s’entremangistions le blanc des oeils.
L’ÉLU, à Lisette.
Tel que vous me voyez, je suis un bon parti, je n’ai qu’un fils qui sert en Italie, et comme depuis longtemps il ne m’a point donné de ses nouvelles, je crains d’apprendre sa mort : que sa perte me coûterait de pleurs !
LUCAS.
Je pense qu’ous devez faire bian rire quand vous pleurez.
LE MARQUIS, à Lisette.
Moi, je suis garçon, et comme l’aîné de la famille, je sais encore plus riche que mon frère. Considérez-moi bien : je joins au teint fleuri d’un Abbé la santé d’un jeune mousquetaire. Jusqu’ici l’on m’a vu léger comme un papillon changer tous les jours d’objet ; mais je veux être fixe, et je compte que vous aurez cette gloire-là.
LUCAS.
Je ferions bian partagés ; via un biau marle.
LISETTE, au Marquis.
Je suis fort aise de vous voir dans ces sentiments-là.
L’ÉLU.
Ma charge vous rendra la première Dame du lieu.
LUCAS.
Et la femme le rendra le plus huppé.
L’ÉLU.
Quand vous m’appartiendrez, je vous suivrai partout, je serai l’ombre d’un si beau soleil.
LISETTE.
Que vous me donnez d’empressement de porter le glorieux nom de Madame l’Élue ! Je crois que nous vivrons bien ensemble, je vous avertis que je ne serai point de ces femmes dociles par tempérament, qui fuient les plaisirs par régime, de ces indolentes statues qui ne sortent point de chez elles et craignent le froid et le chaud ; je sois la vivacité même ; je ne puis rester en place. Je veux aller, venir, recevoir grand monde, tenir table ouverte, vous aurez soin qu’elle soit tous les jours servie des mets les plus délicats , et jamais deux fois la même chose ; l’uniformité me ferait mourir. Nous jouerons, nous danserons, nous rirons , nous chasserons, nous concerterons. Oh ! Je ferai déguerpir votre humeur taciturne, je vous en réponds. Réveillez-vous, allons, allons, de la joie.
LUCAS.
Queulle babilleuse !
L’ÉLU.
Pour de la joie vous en aurez avec moi ; l’on s’étouffe de rire dès qu’on me regarde : on est fou de moi partout.
LISETTE.
Je le crois, et vous, Monsieur le Marquis !
LE MARQUIS.
Votre caractère m’enchante ; je suis comme vous l’ennemi juré de la solitude ; le grand monde est mon élément. Quand votre bien, que je crois considérable, sera joint à mes revenus, nous ferons la plus belle figure de notre Province. Décidez entre mon frère et moi ; je pense que vous ne balancerez pas à me donner la préférence.
LUCAS.
Le moyan de balancer entre vous deux.
L’ÉLU, à Lisette.
Oui, oui ; décidez, décidez : je suis sûr que je vous plais moi.
LISETTE.
Vous me plaisez tous deux beaucoup. Un autre peut-être vous dirait que vous ne lui convenez pas.
Vous, parce que vous avez l’air niais.
Vous, parce que vous êtes déjà suranné ; mais tout cela, Messieurs, vous rend charmants à mes yeux.
On fait ce qu’on veut d’un mari comme vous.
LE MARQUIS rit en regardant l’Élu.
Hé, hé hé, hé.
LISETTE, au Marquis.
Et un époux bien avancé dans sa carrière ne fait pas languir une jeune femme, elle est bientôt veuve.
L’ÉLU, rit en regardant le Marquis.
Hi,hi, hi, hi.
LUCAS, riant.
La bonne botte qu’alle viant de leur pousser ! Ho , ho, ho, ho.
LUCILE, à Lisette.
Madame, on vous demande.
LISETTE.
Que me veut-on ?
Parlez haut, je n’ai rien de caché pour ces Messieurs.
LUCILE.
10C’est ce lapidaire à qui vous devez dix mille francs à l’insu de Monsieur et Madame Mondor.
L’ÉLU, à part.
Dix mille francs !
LE MARQUIS, à part.
Diable !
LISETTE.
Il est bien exact, son billet n’est échu que de ce matin.
LUCILE.
Votre Marchand d’étoffes est aussi là.
L’ÉLU, a part.
Quelle dépensière ! Elle me ruinerait en moins d’un an.
LISETTE.
Qu’ils attendent, je n’ai point d’argent.
LE MARQUIS, à part.
Elle est née pour être femme de condition.
LUCILE.
Ils disent qu’ils ne s’en iront point qu’ils ne soient payés.
LISETTE.
Dis-leur que je me marie demain, et qu’ils peuvent revenir dans deux jours.
LE MARQUIS, à part.
Peste !
L’ÉLU, à part.
J’aimerais autant aller prendre femme à Paris.
LUCILE.
Voici deux Lettres qu’on vient de recevoir pour vous.
LISETTE.
Celle-ci est de la Présidente. Elle me demande sans doute les deux cens Louis qu’elle me gagna hier Sur ma parole : elle est bien persécutante. Cette autre est de la Comtesse. Messieurs, permettez-moi de la lire.
« Je donne ce soir à souper, je t’y invite , ma chère bonne ; la compagnie t’amusera. Cinq ou six de nos soupirants doivent s’y rendre. Au sortir de table nous irons au bal chez la Marquise. On compte sur toi ; ne te fais point attendre. »
Je me flatte, Messieurs, que vous me donnerez la main, et que nous ne nous quitterons pas de la nuit.
LE MARQUIS.
Je le souhaiterais, Madame, mais j’ai compagnie chez moi.
L’ÉLU.
Le dû de ma Charge ne me permet pas d’avoir cet honneur. Il faut que demain je siège dès sept heures du matin.
LISETTE.
En sortant du Bal on vous y conduira.
LE MARQUIS.
Madame, je suis votre très humble serviteur.
Quelle commère ! Je m’en tiens aux bonnes fortunes.
L’ÉLU.
Adieu, Madame.
Je ne crois pas qu’on m’y rattrape. Quelle dégourdie !
LUCAS.
Quand vous revarrons-je, mes gentilhommes ?
LE MARQUIS ET L’ÉLU, s’en allant.
Nos baise-mains à Monsieur et Madame Mondor.
SCÈNE XII. Lucile, Lisette, Lucas. §
LISETTE.
Nous en voilà débarrassés. Hé bien, Mademoiselle, êtes-vous contente de moi ?
LUCILE.
Tu es une fille impayable. Mais je ne suis pas sans inquiétude : je crains la colère de mon père et de ma mère.
LUCAS.
Rassurez-vous. Vous êtes sous notre protection.
LISETTE.
Je vais m’informer de ce qui se passe, et voir si Dorante est prêt.
LUCAS.
Allez. Jarnonbille, vecy Monsieu et Madame Mondor qui accourons.
LUCILE.
Ah ! Je frémis.
SCÈNE XIII. Monsieur Mondor, Madame Mondor, Lucile, Lucas. §
MADAME MONDOR.
Comment avez-vous donc reçu ces Messieurs, petite fille ?
MONSIEUR MONDOR.
Il faut que vous les ayez mécontentés ; ils s’en vont sans nous dire adieu.
LUCAS.
Ils avons tort ; Mamefelle Lisette et moi, j’avons fait de notre mieux pour les bian recevoir.
LUCILE.
Je leur ai parlé suivant les sentiments de mon coeur.
MADAME MONDOR,
Ce sont les miens qu’il faut suivre.
MONSIEUR MONDOR.
C’est à moi que vous devez obéir.
LUCILE.
Je ne puis vous satisfaire tous deux.
MADAME MONDOR,
Comment, petite sotte, vous raisonnez ?
MONSIEUR MONDOR.
Vous osez me contredire, petite ridicule.
SCÈNE XV. LISETTE, les Acteurs précédents. §
LISETTE.
Quel vacarme ! On vous entend du Village.
Amuse-les un moment, j’ai deux mots à dire à Lucile.
LUCAS.
Place , place, via nos Tragédiens qui venont.
LISETTE, bas à Lucile.
Nos vieillards savent que nous les avons joué.
LUCILE.
Ah ! Que m’apprends-tu ?
LUCAS.
Que ces habits de masque ieux vont bian.
SCÈNE XV. Ménélas, on Dorante. Doris, et les acteurs précédents assis, Gardes. §
DORIS.
MÉNÉLAS, dans l’attitude où il vient d’être peint.
DORIS.
MÉNÉLAS.
DORIS.
MÉNÉLAS.
DORIS.
MÉNÉLAS.
DORIS.
MÉNÉLAS.
DORIS.
MÉNÉLAS.
SCÈNE XVI. §
MÉNÉLAS, seul.
SCÈNE XII. Ménélas, Doris. §
MÉNÉLAS.
DORIS.
MÉNÉLAS.
DORIS.
MÉNÉLAS.
DORIS.
SCÈNE X.III. Léda, Ménélas, Doris. §
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS.
LÉDA.
MÉNÉLAS, à part.
SCÈNE XIX. §
MÉNÉLAS, seul.
SCÈNE XX ET DERNIÈRE. Le Marquis, L’Élu, et les Acteurs précédents. §
LE MARQUIS.
Oui, mon frère, c’est la soubrette qui nous a joués sous le nom de ma maîtresse, pour favoriser un rival.
L’ÉLU.
Éclaircissons-nous du fait.
Ciel ! Que vois-je ! Mon fils !
LE MARQUIS.
Mon neveu ! Eh ! En quel équipage !
MONSIEUR MONDOR.
Qu’entends-je ?
LUCAS.
La drôle d’aventure !
L’ÉLU.
Je te retrouve, quel bonheur !
LE MARQUIS.
Apprends-nous ce que tout ceci signifie.
DORANTE.
Je revenais d’Italie pressé du désir de vous revoir. Hier, passant par ici j’aperçus la charmante Lucile, ses attraits m’ont fixé, je ne puis vivre sans La posséder.
LISETTE.
Moi, je l’ai fait passer peur comédien, il achevait son rôle quand vous êtes entrés.
LE MARQUIS, à Lisette.
Nous Savons de tes nouvelles.
Ton père et moi nous avions à l’insu l’un de l’autre formé le dessein d’épouser Lucile ; mais nous sacrifions notre plaisir à celui de te rendre heureux. Je crois que personne ne m’en dédira.
MONSIEUR MONDOR.
Je consens à tout.
MADAME MONDOR.
Et moi de même.
LISETTE, à l’Élu.
Répondez-donc.
L’ÉLU.
Je suis de l’avis de la compagnie.
DORANTE, prenant la main de Lucile.
Belle Lucile, rien n’égale ma félicité.
LUCILE.
Croyez qu’elle fait la mienne.
LUCAS, à Lisette.
Marions-nous itou, Mameselle Lisette.
LISETTE.
Tu te moques. Il me faut vraiment bien un autre mari que toi.
DORANTE.
Allons, que la fête s’exécute.
DIVERTISSEMENT. §
[MONSIEUR POISSON].
AUTRE.
VAUDEVILLE. §
AUTRE.
MADEMOISELLE DANGEVILLE.
LE PETIT GARÇON.
LA PETITE FILLE.
MONSIEUR POISSON.