ROY DES PARTHES,
Chez THEODORE GIRARD, dans la grand'
Salle du Palais, à l'Envie
M. DC. LXVI.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Édition critique établie par Anne Tannhof dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2011-2012).
Introduction §
En 1662, Jean Le Royer de Prade publie Arsace, roy des Parthes, tragédie qu’il avait composée quelques années auparavant et qui fut sa seule pièce à avoir été représentée, par la troupe de Molière, en 1666. Surchargée d’événements, la pièce connut un succès médiocre ; elle met en scène la recherche du pouvoir : un roi, souhaitant abandonner son trône à l’un de ses deux fils, les surprend en train de se battre et ne parvient pas à déterminer le coupable, tandis que ce dernier est prêt à tout pour obtenir la couronne. Dans cette pièce, des personnages sont en proie à la fureur vengeresse et à l’ambition, et la complexité de l’intrigue ne nuit pas à l’expression du style brillant de l’auteur.
Éléments de biographie et conditions de représentation d’Arsace, roy des Parthes §
Jean Le Royer de Prade, un érudit tombé dans l’oubli §
« Prade, le fort esprit, dont on voit maint savant écrit »1. Ce vers écrit par Jean Loret, gazetier contemporain de notre dramaturge, évoque l’érudition de Jean Le Royer de Prade, auteur aujourd’hui méconnu. Né vraisemblablement en 1624, originaire de Rodez, on sait peu de choses sur la vie de Prade, dont la date de mort, autour de l’année 1685, reste incertaine. Fils d’un haut fonctionnaire des finances et contrôleur général des vivres des camps et armées du roi, nous ignorons où il fit ses études, mais ses écrits attestent qu’il reçut une formation solide, notamment en histoire.
Prade, Cyrano de Bergerac et Henri Le Bret §
Une formule située en bas d’un portrait de Cyrano, peint d’après un tableau de Heince en 1654 atteste que Cyrano comptait Prade et le juriste et homme de lettres Henri Le Bret2 parmi ses amis les plus anciens. Le Bret lui-même, dans la préface à l’Histoire comique de Cyrano (1657), atteste de cette amitié proche qui liait Prade et Cyrano :« il fut après moi le plus ancien de ses amis et un de ceux qui le lui a témoigné plus obligeamment en une infinité de rencontres »3. Prade a par ailleurs écrit un poème qui figure dans la préface de cette même œuvre4. De même, on attribue à Cyrano de Bergerac la préface des Œuvres Poétiques de notre auteur5. Dans cette préface, Cyrano fait état du rapport de Prade à ses propres écrits, au sujet desquels il dit qu’il les avait pour la plupart rédigés très jeune :
Lecteur, comme l’Imprimeur t’a déja dit dans un autre advertissement qui precede Annibal & Silvanus, on doit faire grand estat de tout le contenu de ce recueil de Vers, Mais l’Autheur n’est pas de mesme avis, & m’a chargé de te dire qu’il a besoin de ton indulgence pour plusieurs pieces qui se sentent de la foiblesse de l’âge où il estoit, lors qu’il les composa6.
Cyrano conclut cette même préface en insistant sur le talent précoce de son ami :
En attendant reçoy ce present avec reconnoissance, qui du moins te donnera la satisfaction de connoistre qu’il en est plusieurs capables d’écrire en un àge où d’autres ont peine à parler.
Nous trouvons la même allusion au regard critique de notre auteur sur son œuvre dans la préface d’Arsace. Celle-ci présente l’originalité d’avoir été rédigée par l’imprimeur, Antoine Girard, qui s’adresse à Prade en avouant avoir publié sa tragédie grâce au vol commis par un des amis proches de Prade7. Si l’on s’en tient au registre de La Grange, dans lequel on lit qu’un certain M. de Saint-Gilles fit donner Arsace au Palais-Royal8, l’auteur de ce larcin paraît être ce même Saint-Gilles, « capitaine au régiment de Conti9 », cité par Le Bret dans sa Préface de l’Histoire comique comme un ami de Cyrano de Bergerac.
Prade et le milieu libertin §
D’après la biographie de Cyrano établie par Madeleine Alcover10, Prade, aurait fait partie, avec Cyrano, d’une « côterie prétendue philosophique11 » formée par plusieurs écrivains, Chapelle, Le Bret, d’Assoucy, Saint-Gilles, des proches de Cyrano. Certains de ces écrivains, à savoir le Vayer de Boutigny, l’abbé la Mothe Le Vayer, Charles Beys, et Montauban, sont cités dans la préface d’Arsace. Dans sa biographie, Madeleine Alcover renvoie à la thèse de Yoshio Fukui12, qui, à la suite d’Antoine Adam, s’est penché sur le cas de ce fameux « groupe de d’Assoucy » et de Cyrano, actif entre 1645 et 1650. Les membres de ce groupe, qui n’avait pas énoncé de théorie ni de style propre, se sont démarqués du courant poétique dominant par leurs vers burlesques mais surtout par leur volonté d’« échapper à la monotonie de la poésie du temps13 » en usant de l’art de la pointe et des équivoques. Une telle aspiration d’indépendance par rapport aux conventions littéraires de l’époque ressort en effet de la préface attribuée à Cyrano des œuvres poétiques de notre auteur, comme nous pouvons le lire dans cet extrait :
Il [Prade] croit qu’il ne suffit pas d’écrire au goust du siecle, qui n’estime plus que les choses fades, & ne s’attache qu’à la superficie, puis qu’il fait moins d’estat d’un chef-d’œuvre bien imaginé, que de quelques mots, qu’à force de les polir on a comme arrangez au compas : Il tient au contraire que le feu qui se termine en pointe, se manifeste tousjours par des sentimens qui semblent retenir sa forme, que la Poësie estant fille de l’imagination doit tousjours ressembler a sa mere, ou du moins avoir quelques-uns de ses traits […]14.
Les relations entre les membres de ce cercle sont visibles grâce aux vers qu’ils s’adressèrent entre eux, notamment dans les pièces liminaires de leurs œuvres respectives. On trouve par exemple dans les œuvres poétiques de Prade un poème de neuf stances célébrant Le Grand Selim, ou le couronnement tragique, tragédie (1645) de Roland le Vayer de Boutigny, et Cyrano aurait rédigé un rondeau burlesque situé en tête de cette pièce15. Le groupe s’est dissous en 1650 après la querelle qui brouilla Cyrano et d’Assoucy. Prade se rangea aux côtés de d’Assoucy dans ce conflit qui, selon la thèse de Madeleine Alcover, ne serait pas seulement littéraire mais concernerait les mœurs homosexuelles des deux poètes. C’est Prade qui fut à l’origine de l’anagramme « Soucidas » parodiant le nom de d’Assoucy, auquel il reprochait le style grivois, et Madeleine Alcover, dans sa biographie de Cyrano de son édition des Etats de la lune et du soleil a émis l’hypothèse que notre auteur aurait pu être à l’origine du désaccord en ayant rendu jaloux d’Assoucy par son accointance avec Cyrano16 .
Si la plupart des ces poètes étaient libertins, au sens de libres du carcan de la morale et de l’orthodoxie religieuse, tous n’étaient pas athées, et Prade lui-même composa des poèmes pieux17. Du reste, pour Madeleine Alcover18, l’apologie du tabac qui ressort de son Discours du tabac de 1668 serait un signe de sa proximité avec la pensée libertine. Mais l’analyse apportée par Georges Forestier et Alain Riffaud sur l’éloge du tabac par Sganarelle qui ouvre Le Festin de Pierre (1665) de Molière19 rend cette assertion discutable. Le discours de Sganarelle développe en effet les mêmes arguments que ceux du traité de Prade, semblant davantage relever d’une « conception matérialiste de l’homme et de la société »20 que du « libertinage érudit », bien distinct du comportement des « libertins sans savoir pourquoi, qui font les esprits forts », pour reprendre les propos de Sganarelle21.
Le Parasite Mormon §
Jean Le Royer de Prade contribua à cette œuvre collective qui se situe dans la même ligne de pensée que le « groupe de Dassoucy et Cyrano », à savoir une pensée critique vis-à-vis de la littérature de leur époque. Le Parasite Mormon parut en 1650 sans nom d’auteur mais le chef de file de ce roman comique était l’abbé François de la Mothe le Vayer, à qui Prade dédia son Trophée des armes héraldiques en 1650 et qui était le fils du philosophe adepte du scepticisme du même nom. Parmi ses auteurs, on compte Cyrano de Bergerac ainsi que Charles Sorel. L’œuvre, qui se revendique burlesque, s’apparente à l’art de la pointe et s’inscrit dans un esprit de satire à l’encontre des prétentions du « grand genre ». Certaines conventions théâtrales, qui sont pratiquées sur scène et qui vont selon les narrateurs à l’encontre de la règle de vraisemblance, y sont tournées en dérision, comme par exemple les soliloques, ou certains discours du héros :
Vous y verrez une personne parler à son bras & à sa passion, comme s’ils estoient capables de l’entendre. Courage mon bras : Tout-beau ma passion. Mettons la main sur la conscience ; Nous arrive-t’il jamais d’apostropher ainsi les parties de nostre corps ? Quand vous avez quelque grand dessein en teste, quand vous vous devez battre en duël, faites-vous ainsi une belle exhortation à vostre bras pour l’y resoudre22 ?
Un « fort esprit » §
La réputation de Prade, dont la devise était « Fortis et Prudens simul23 » est ambiguë. Un factum datant de 166724 nous permet de savoir qu’il a été impliqué, avec un groupe de jeunes nobles, dans l’assassinat, en 1645, de deux bourgeois, et qu’après avoir été condamné à mort, sa peine fut réduite et il dût payer, avec d’autres, la forte somme de vingt-quatre mille livres de réparation25. On lit par ailleurs dans ce factum à propos des jeunes hommes : « c’étoient de jeunes débauchés » et à propos de Prade, qu’il « a toujours été homme d’intrigue ».
Dans la première moitié du siècle de l’auteur d’Arsace, avant que l’idéal de « l’honnête homme » ne s’installe dans les rangs de la société mondaine, c’est le « bel esprit » qui y est sans cesse évoqué. Il convient alors aux lettrés talentueux de briller par leur vivacité d’esprit, et parfois, comme l’explique Yoshio Fukui dans sa thèse, « aux dépens des autres, aux dépens des convenances sociales »26. Au regard de l’appartenance de Prade à un groupe qui privilégiait les pointes, définies par Furetière comme « jeux d’esprit27 », la formule de Loret – « Prade, le fort esprit, dont on voit maint savant écrit » – prend tout son sens.
Son œuvre §
Son ami Charles Beys, dans un sonnet à son éloge, nous donne l’estime que certains poètes ont accordée, dans les années quarante, au talent de Prade et à son érudition.
Je ne fais que des vers ; Prade, en toute saison,Fait cent choses d’une âme également hardie.Que personne avec lui n’entre en comparaison :Cet esprit tout savant tous les arts étudie.Il compose l’histoire, il montre le blason ;Il fait également l’ode et la tragédie.D’une grâce héroïque il honore le mal,Il entend la peinture, il est bien à cheval,Sur tous les escrimeurs il gagne la victoire.Mais je ne puis louer cent vertus à la fois.Puisqu’il décrit si bien les gestes de nos Rois,Il pourra dignement écrire son histoire28.
De même, les stances que Rotrou composa à son éloge, et qui figuraient en tête du Trophée d’armes héraldiques et des œuvres poétiques de Prade, méritent d’être reproduites :
J’idolâtre ta Muse, et profane, et Chrestienne,Jaloux, ou furieux ton style me ravit,Et si j’en puis juger la Harpe de DavidEut moins de mélodie en sa main qu’en la tienne.Soit que d’un désespoir tu décrives la rage,Ou d’un coeur pénitent nous exprimes les voeux,Tu rends également par l’un et l’autre ouvrage,Et les amoureux saincts, et les saincts amoureux.Silvanus que le sort ou propice, ou contraire,Avoit monté si haut pour le faire périr,T’est bien plus obligé qu’il ne fut à TibèreCar tu le fais revivre, et luy le fit mourir.Ce fameux Ànnibal qu’un renom équitableA fait victorieux de cent peuples divers,Avecque tant de gloire éclatte dans tes Vers,Qu’aux portes des Romains il fut moins redoutable.Si tu produis souvent des ouvrages si dignes,Je ne t’estime pas au poinct que je le doy,Si je n’ose avancer, que pour n’ouyr que toyLa Scène imposera silence à tous ses Cygnes.En fin tu scais jetter par l’art dont tu blasonnes,De si doux aiguillons aux cœurs de nos guerriers,Que la France est ingratte, ou te doit des couronnes,Son or est épuisé, mais elle a des lauriers.
Succincte, l’œuvre de Prade n’en fut pas moins vaste : dramaturge, poète et historien, il s’est aussi essayé à l’art du blason, en composant un traité29 dédié au fils de François de La Mothe Le Vayer, et a acquis une certaine reconnaissance dans le milieu médical de son temps par ses écrits sur le tabac30. Il a écrit sous plusieurs noms : Jean Royer de Prade, Jean Le Royer de Prade, sieur de Prade – titre qu’il acquiert avant 1645 – et sous le pseudonyme Edme Baillard, sous lequel il publia, en 1668, son Discours du tabac, où il est traicté particulièrement du tabac en poudre, par le Sr. Baillard, et chez certains historiens comme Cioranescu, son nom est orthographié « Prades »31.
Théâtre
Annibal, tragi-comédie, par le Sieur D. P., Paris, Pierre Targa, 1649, in-4º.
La Victime d’Estat, ou la mort de Plautius Silvanus Preteur romain, tragédie, par le Sieur D. P., Paris, Pierre Targa, 1649, in-4º. Cette pièce a pour source un chapitre des Annales de Tacite (IV, 23).
La préface écrite par l’imprimeur en tête de ces deux tragédies révèle la même humilité de Prade vis-à-vis de son œuvre :
L’auteur, toutefois, n’a pas voulu qu’elles [les pièces] aient porté son nom ; soit par sentiment d’humilité, ou, qu’au contraire, les ayant composées en l’âge de dix-sept à dix-huit ans, comme les lumières d’esprit croissent toujours, il desdaigne aujourd’huy de les advouer à l’âge de vingt-cinq.
Arsace, roy des Parthes, tragédie, Paris, Théodore Girard, 1666.
Poésie
Selon Y. Fukui32, Prade s’est distingué des autres membres du « groupe de d’Assoucy » en ce qu’il exprime dans ses poèmes la conception d’un amour dont la passion est exclusive et engage le poète corps et âme. Ses poèmes se caractérisent par un style brillant.
– Les Œuvres poétiques, sieur de P., Paris, Pierre Targa, 1650, in-4º.
Histoire
Surnommé par Le Bret « le Corneille Tacite des français »33 pour ses travaux sur l’histoire de France, Prade est surtout connu pour son Histoire d’Allemagne, qui lui a valu un élogieux compte-rendu dans le Journal des Savants du 15 mars 1677.
– L’Histoire de France depuis Pharamond jusqu’à Louis XIII, avec les éloges des roys en vers, réduitte en sommaire, Paris, Antoine de Sommaville, 1651, in-4º.
– Généalogie de la maison des Thibaults, s.l,. 1654, in-4º.
– Histoire d’Allemagne, par M. de P. Paris, Sébastien Cramoisi, 1677, in-4º.
– Histoire de la véritable origine de la troisième race des rois de France, composée par M. le duc d’Epernon et publiée par M. de P., Paris, Sébastien Cramoisi, 1679, in-12º.
– Sommaire de l’histoire de France, par J. R de P, Paris, Augustin Besoigne et Charles Osmont, 1683-84, in-12º, 5 vol. (Privilège, 29 mars 1674).
– L’Histoire de Gustave-Adolphe, dit le Grand, et de Charles-Gustave, comte palatin, roys de Suède, et de tout ce qui s’est passé en Allemagne depuis la mort du grand Gustave jusqu’en 1648, par le sieur R. de P., Paris, Daniel Horthemels, 1685, in- 8º.
Création et intertextualité §
À l’époque de notre auteur, les vers et les idées circulaient entre les poètes dramatiques. Certains historiens de la littérature ont permis de mettre en lumière cet échange en reconnaissant ce qui relevait de la plume de Prade dans des œuvres contemporaines.
Tout d’abord, selon les frères Parfaict, qui s’appuient sur l’affirmation d’un éditeur de Scarron en 167934, Prade aurait contribué à la composition d’une tragi-comédie de Quinault, Les Coups de l’amour et de la Fortune, crée en 1656 à l’Hôtel de Bourgogne : il en aurait fourni le sujet en le transmettant à une comédienne de l’Hôtel de Bourgogne, Mademoiselle de Beaûchateau, et rédigé certaines scènes. D’après la déclaration de l’éditeur, Tristan l’Hermite ainsi que Scarron auraient aussi aidé à l’écriture de la pièce, mais les frères Parfaict doutent des propos de l’éditeur et affirment que la pièce est bien l’œuvre de Quinault. Quoiqu’il en soit, la pièce, comme celle, jugée médiocre, du même nom de Boisrobert qui fut jouée la même année à l’Hôtel du Marais, puise ses origines dans Lances de amor y fortuna (1636), pièce de Pedro Calderon de la Barca. Or, en certains points de l’intrigue, Les Coups de l’amour et de la Fortune comportent de fortes similitudes avec Arsace, roy des Parthes. En effet, la tragi-comédie de Quinault mêle une intrigue amoureuse à une intrigue politique. Dans la première, deux rivaux, l’un fourbe, Lothaire, l’autre honnête, Roger, tentent tous deux de gagner le cœur de la Comtesse de Barcelone. Dans la seconde, la Comtesse, Aurore, est en guerre avec sa propre sœur Stelle car elles se disputent le trône. Nous y trouvons des ressemblances avec celle d’Arsace. D’abord, le thème politique est le même, à savoir celui d’un conflit entre frères et sœurs. La situation qui divise les deux sœurs est semblable à celle des personnages d’Arsace, Pharasmane et le héros éponyme : Stelle prétend au pouvoir en tant que fille légitime de ses parents alors que ceux-ci n’étaient pas encore mariés quand ils ont donné naissance à sa sœur, tandis que celle-ci y prétend en tant qu’aînée comme nous pouvons le lire à la scène 3 du premier acte : « et qu’enfin je ne puis vous souffrir qu’avec honte, / Sur un Trosne où nos loix ordonnent que je monte ». De même, Pharasmane prétend arriver au pouvoir « en qualité d’aisné », et « Arsace comme fils, d’un pere couronné » (v. 25-26), tandis que leur père n’était pas encore roi à la naissance de l’aîné. Ensuite, du point de vue du caractère des héros, Arsace comme Aurore sont présentés comme pacifiques : tandis que son frère est animé d’une haine farouche contre lui, Arsace, désireux de maintenir l’unité avec Pharasmane malgré leur ambition du même trône, lui dit : « Nostre malheur est grand, mais il pourra finir ; / Si du moins une fois nous nous pouvons unir, » (v. 445-446), et dans la pièce de Quinault, Aurore déclare à sa sœur : « je veux par ma tendresse étouffer vostre hayne / Et vous traitter en Soeur, et non en Souveraine. » (I, 3).
Ensuite, dans l’avis au lecteur, nous pouvons lire :
Ceux qui trouveront dans cét Ouvrage de la conformité avec quelques autres qui ont parû depuis six ou sept années, sont advertis qu’il estoit en estat d’estre mis au jour dés l’année 1650.
Or, dans A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century35, H. C. Lancaster s’est penché sur ces « quelques autres » ouvrages en comparant la tragédie de Prade avec deux pièces représentées en 1658 et en 1661 et en reconnaissant, dans chacune de ces deux pièces, l’héritage d’Arsace. Il s’agit d’une tragi-comédie de Quinault, Amalasonte et d’une tragédie de Thomas Corneille, Camma, reine de Galatie. Selon Lancaster, Quinault et Corneille se seraient largement inspirés des scènes 8 et 9 de l’acte II de notre pièce pour y puiser un des ressorts de leurs intrigues. Rappelons en quoi consiste l’action de ces scènes, qui correspondent au point culminant de l’intrigue : Pharasmane tente de poignarder son frère qui se défend, mais le roi arrive à ce moment même, et voyant « le poignard tombant », est incapable de savoir qui des deux a commis l’attentat.
Dans Amalasonte, créée en 1658, à la scène 6 de l’acte IV, Amalfrède profite du sommeil d’Amalasonte pour lever l’épée sur elle dans un moment de jalousie envers son amant Théodat dont elle est éprise, mais ce-dernier l’arrête et Amalfrède laisse l’épée dans la main de Théodat juste avant le réveil de l’héroïne. Mais ici, si comme dans Arsace, l’héroïne surprend un crime manqué, après qu’il a eut lieu, elle voit l’arme non pas au sol mais dans la main de son amant, ce qui l’oblige à croire en la culpabilité de l’un tandis que dans Arsace la situation plonge le roi dans le doute le plus complet.
De même, dans la scène 3 de l’acte III de Camma, reine de Galatie, alors qu’un personnage est en proie à une vision, l’héroïne éponyme tente de l’assassiner mais son amant accourt pour empêcher le crime, et « le poignard tombe sans que [Sinorix] puisse connoistre de quelle main ». Si Prade a voulu insister sur le fait que sa tragédie avait été composée bien avant sa représentation et lue devant des auteurs comme Quinault et Corneille, c’est sans doute par souci d’échapper aux reproches qu’on aurait pu lui faire de manquer d’originalité, ou du moins de les prévenir, tandis qu’au contraire Lancaster revendique Prade comme l’inventeur de cette situation scénique36.
Enfin, dans son article « Corneille, Brébeuf et Le Royer de Prade37 », Gilles Margoulies discute de l’attribution d’un même sonnet à Pierre Corneille et à Brébeuf38, attribution qui fut mentionnée par certains critiques39. Parmi eux, M. Harmand a remarqué qu’un vers de ce sonnet, qu’on trouve dans l’œuvre de Corneille : « Et son dernier soupir fut un soupir d’amour. », apparaît de manière détournée chez Brébeuf : « Et que le dernier de ma vie/Soit encore un soupir d’amour… ».
G. Margouliès a poursuivi l’étude de M. Harmand en précisant que ces vers provenaient en fait d’un vers de Prade :
Et son dernier soupir fut un soupir d’amour
tiré de sa tragédie La Victime d’Estat, ou la Mort de Plautius Silvanus, preteur romain40. Il a alors supposé que le grand Corneille avait pu avoir connaissance de la tragédie de Prade, sachant que son ami Rotrou avait composé des stances très élogieuses à son sujet.
Création et réception d’Arsace, roy des Parthes §
Parmi les trois pièces de théâtre composées par notre auteur, Arsace, roy des Parthes est la seule qui fut représentée sur scène. Annoncée à l’Hôtel de Bourgogne ainsi qu’au théâtre du Marais une dizaine d’années plus tôt selon l’avis au lecteur, la pièce fut finalement jouée entre le 3 et le 14 novembre 1662 au Palais-Royal par la troupe de Molière. Il paraît peu probable que Molière lui-même ait joué un rôle, puisqu’il avait cessé de jouer dans les tragédies et était alors occupé par la création de L’École des femmes dont la première eut lieu le 26 novembre de la même année. Par ailleurs, d’après le registre de La Grange, les recettes de quatre représentations sur six furent inférieures à 200 livres, et dès la deuxième représentation, la pièce rapporta la médiocre somme de 116 livres41, ce qui explique qu’elle fut retirée au bout de la sixième. Ce fut par l’intermédiaire de Saint-Gilles, ami de Cyrano, qu’Arsace put être montée par la troupe de Monsieur, frère du roi. S’agit-il du gentilhomme de Saint-Gilles que peignit justement Molière dans Le Misanthrope, sous le personnage de Timante, comme certains biographes l’affirment42 ? Cela est vraisemblable, puisque le Saint-Gilles qu’ont décrit les critiques avait été en relation avec l’abbé La Mothe le Vayer, le dédicataire du Trophée d’armes héraldiques de Prade.
Comme nous l’avons vu, dans la préface d’Arsace, roy des Parthes, l’imprimeur Girard déclare que la pièce « estoit en estat d’estre [mise] au jour dés l’année 1650 ». Une telle affirmation nous semble plausible, comme elle l’est aux yeux de Lancaster43, dans la mesure où les autres pièces de Prade datent des années quarante, et où la tragédie d’Arsace avait été annoncée dans Le Parasite Mormon44 paru en 1650, soit douze ans avant la première représentation de notre pièce45.
Nous pouvons trouver dans ce détail – l’affirmation de Girard – l’une des raisons de l’insuccès d’Arsace. En effet, étant donnée l’évolution rapide du théâtre à l’époque de notre auteur, on comprend que le public de 1662 avait peu de chances de louer une pièce qui avait déjà douze ans, et dont l’auteur lui-même s’était refusé à la représentation. Par ailleurs, les comptes tenus par La Grange nous permettent de conclure, à l’instar d’Antoine Adam, qu’« au Palais-Royal, les tragédies n’obtenaient qu’un succès médiocre46 » ; seulement cinq tragédies y furent représentées entre 1662 et 1666, l’Hôtel de Bourgogne étant alors le lieu de prédilection pour ce genre47.
Analyse de l’œuvre §
Résumé de l’action §
Acte I : La pièce s’ouvre au milieu d’un dialogue entre Artaban, roi des Parthes et le Seigneur Vologese, par lequel on apprend que le roi veut léguer son royaume à un de ses deux fils. Tous deux peuvent prétendre au royaume : Pharasmane est l’aîné, mais son père n’était pas encore roi à sa naissance, tandis qu’Arsace est né sous le règne de son père (scène 1). Le roi veut aussi donner celui qu’il fera roi en mariage à Araxie, la fille aînée de son prédecesseur d’Artaban, et l’autre à sa sœur, Médonie (scène 2). Araxie veut choisir Arsace et le confie à sa sœur (scène 3). Médonie, conduite par sa soif du pouvoir, a feint de les aimer tous les deux pour se rapprocher de celui qui sera roi. Elle avoue avoir plus de sentiments pour Pharasmane mais veut que son ambition, et non son cœur, la dirige vers celui qui sera couronné (scène 4). Pharasmane déplore le choix que doit faire Araxie car il estime que les alternatives lui sont contraires : l’une à son désir, car étant roi il devra abandonner Médonie, l’autre à son ambition, puisqu’épousant Médonie il sera réduit au rang de sujet. Mais Pharasmane est lui aussi mû par la soif du pouvoir et prêt à séduire Araxie pour arriver à ses fins. Lorsqu’il apprend de la bouche de son amante que le choix d’Araxie penche vers Arsace, il veut commettre un fratricide. Médonie tente de l’en dissuader en s’engageant à user de ses charmes auprès d’Arsace pour qu’il refuse le choix d’Araxie, mais en vain (scène 5). Pharasmane menace donc Arsace, l’accusant d’être heureux d’avoir pu lui ravir la couronne, et lui assurant que les Parthes ne voudront pas qu’il soit couronné à la place de son aîné (scène 6). Arsace, contrairement à Médonie et à Pharasmane, ne tolère pas que l’ambition règne sur son cœur, épris de Médonie, et demande à celle-ci d’aller dire à Araxie qu’il refuse la couronne ainsi que sa main (scène 7).
Acte II : En les rapportant à sa sœur, Médonie transforme les propos d’Arsace et lui fait dire qu’il veut qu’Araxie achète son amour en lui offrant davantage de pouvoir (scène 1). Après avoir entendu cela, Araxie croise Arsace et lui apprend qu’elle prévoit de le faire couronner sans lui donner sa main, et de se donner la mort. Arsace est alors partagé entre la pitié qu’il éprouve pour Araxie et son amour pour Médonie, et va trouver son frère (scène 2). Araxie, furieuse et désespérée, veut se venger (scène 3 et 4). Elle appelle Pharasmane, dont elle sait qu’il veut régner et croit qu’il l’aime, pour lui faire accomplir son désir de vengeance. Pharasmane demande à Araxie de lui donner la mort ; il lui affirme qu’il ne pourrait la voir dans les bras d’Arsace ni voir son frère régner à sa place. S’en suit un quiproquo qui sera central pour la suite de la pièce : Araxie répond en lui ordonnant de tuer Arsace ; elle revient ensuite sur cette décision, mais Pharasmane ne l’entend pas car il sort au moment où elle se ravise, et revient sans avoir entendu qu’elle avait changé d’avis (scène 5). Pharasmane prévoit donc un fratricide (scène 6). Lorsqu’Arsace s’adresse seul à son frère en lui proposant qu’ils s’allient pour tenter de convaincre leur père de rester roi, Pharasmane lève son poignard sur lui pour accomplir ce qu’il croît être la volonté d’Araxie ; Arsace se défend (scène 7). Le roi arrive au moment où ses deux fils sont aux prises, et est incapable de déterminer lequel des deux a porté en premier la main sur l’autre. Il tente de trouver l’assassin en écoutant leurs défenses, mais les deux argumentent si bien – Pharasmane en mentant – qu’il reste dans le doute. Il finit par les accuser tous les deux de leur désunion, et ordonne au capitaine des Gardes de les enfermer en attendant de connaître le coupable (scène 8). Mais après avoir pris congé de ses fils, le roi confie à Vologese qu’il pressent l’innocence d’Arsace et veut s’employer à la faire éclater (scène 9).
Acte III : Araxie apprend la tentative de fratricide de Pharasmane ; elle l’accuse d’avoir feint de ne pas l’entendre lorsqu’elle était revenue sur son ordre et d’avoir tenté volontairement ce crime. Pharasmane affirme au contraire avoir commis cet acte en sacrifiant son amour fraternel pour contenter le désir de vengeance de la princesse, mais celle-ci ne le croit pas, et lui reproche d’avoir accompli sa volonté alors qu’elle était manifestement irraisonnée. Cependant, elle refuse d’accuser publiquement Pharasmane et de résoudre ainsi l’enquête du roi, car elle redoute qu’en l’accusant, on pense qu’elle cherche seulement à innocenter celui qu’elle aime. Pharasmane, qui se doute des feintes de Médonie, veut en savoir davantage (scène 2). Médonie apprend à Pharasmane que le Conseil a décidé d’organiser un duel entre les deux suspects dont le vainqueur sera élu roi et le vaincu désigné coupable (scène 3). Arsace, au courant de cette décision, parle à son frère et lui propose de désobéir à l’arrêt du Conseil et de renoncer à un tel combat, certain que le roi sera touché par ce refus. Mais Pharasmane refuse, reconnaissant Arsace comme son ennemi davantage que comme son frère, et voyant en ce duel la garantie de son succès (scènes 4 et 5). Scène 6 : Araxie tente elle aussi de persuader le roi de révoquer la décision du Conseil, qu’elle trouve cruelle. Le roi se laisse convaincre par le discours d’Araxie, mais demande d’abord à voir ses fils : il compte secrètement sur le refus d’Arsace de participer à ce combat, ce qui lui fera voir qu’il est innocent (scène 7). Il feint alors de maintenir le duel, mais Pharasmane en entendant cela fait mine de ne pas vouloir combattre son frère, devinant la pensée de son père. Le roi, n’arrivant pas à deviner lequel des deux dit vrai, rentre dans une colère noire et menace de les déshériter s’il ne parvient pas à reconnaître le coupable (scène 8). Sous les conseils de Vologese, le roi imagine une nouvelle ruse pour découvrir la vérité ; il prévoit de promettre à Pharasmane la couronne et la main d’Araxie, et de lui demander de punir Arsace en le mettant à mort, pour voir sa réaction et celle d’Arsace et deviner leurs sentiments (scène 9).
Acte IV : Le roi demande à Araxie de nommer le coupable ; la princesse répond qu’elle ne peut le nommer à la place du roi, qu’il doit chercher en lui-même son véritable fils en faisant confiance à ses sentiments, affirmant que si le roi ressent plus d’estime pour l’un de ses deux fils, cette préférence est la preuve que ce fils a davantage de vertu. Elle se doute que sa préférence est pour Arsace, son amant. Le roi consent alors à choisir celui qu’il préfère, puis Araxie annonce à Arsace qu’il va être couronné (scène 2). Pharasmane, ne supportant pas la perspective d’être assujetti à son frère, lui demande de le tuer si le roi lui donne son règne, ce qu’Arsace refuse, invoquant sa grandeur d’âme (scène 3). Mais contre toute attente, Médonie apprend aux deux frères que le roi a choisi Pharasmane – il s’agit en fait de la réalisation du plan du roi prévu à l’acte précédent. Apprenant cela, Pharasmane promet à son frère de partager le trône avec lui ; et annonce le double mariage qui les unira. Arsace est étonné mais heureux de cette magnanimité soudaine. Mais Médonie demande à Arsace un répit avant d’accepter de l’épouser, répit qu’Arsace voit comme le mépris de son amour. Médonie lui avoue en effet que puisque son père ne l’a pas élu roi, elle ne peut lui donner sa main, et que le considérant comme celui qui a voulu attenter aux jours de son frère puisque le roi en élisant l’un désigne l’autre comme criminel, elle ne peut aimer un coupable même si son frère lui accorde la grâce. Arsace ne croit pas en la fausse magnanimité de Médonie et regrette d’avoir refusé les feux d’Araxie (scène 4). Puis Médonie et Pharasmane se retrouvent et Médonie lui reproche de se laisser contraindre par les lois du rang et d’accepter d’épouser Araxie au lieu d’elle-même ; Pharasmane, qui n’est pas dupe de l’honnetêté de Médonie, lui répond qu’elle feint de l’aimer pour être reine, ce qui laisse Médonie désespérée et furieuse de se voir délaissée par les deux personnes par qui elle aurait pu régner (scène 5). Le roi arrive et suivant son plan, demande à l’aîné d’ordonner la mort de son frère pour le punir (scène 6). Mais Pharasmane se doute du projet de son père et prévoit de ne pas laisser éclater sa haine, et de continuer à mépriser Médonie afin qu’elle se détourne de lui, pour pouvoir enfin obtenir la gloire d’être couronné et d’épouser la Princesse Araxie (scène 7).
Acte V : Arsace revient vers Araxie et lui offre les feux qu’il lui avait refusé. Araxie est interrompue dans son trouble par la venue de Vologese, qui lui annonce que venant de la part du roi dire à Médonie qu’elle épousera Arsace, il l’a trouvée poignardée aux pieds de Pharasmane lui aussi ensanglanté. Vologese dit encore que Médonie a succombé à sa blessure contrairement à Pharasmane resté muet quant à l’auteur de cet assassinat. Araxie apprend alors que le roi soupçonne Arsace, croyant qu’il s’agit de sa réaction à l’annonce du règne de son frère. Le roi pense que Pharasmane se tait pour protéger son frère, puisqu’il a demandé à le voir son successeur. Il avoue à Arsace l’avoir chéri, mais désormais convaincu de sa trahison, il le condamne à mort. Araxie intervient en vain pour tenter de raisonner le roi, aveuglé par sa colère. Puis c’est au tour de Vologese de clamer l’innocence d’Arsace : il témoigne avoir entendu les dernières paroles de Médonie, qu’il croyait morte mais qui ne l’était pas encore. Celle-ci lui a avoué avoir résolu la mort des deux fils, et avoir poignardé Pharasmane qui s’est défendu et l’a à son tour blessée. Après l’annonce de cette nouvelle qui résout le crime, Pharasmane arrive devant tous l’épée à la main pour tenter de tuer Arsace, mais le roi le retient. Tombant, il renonce à son projet. Son père l’accuse alors de sa perfidie et Pharasmane avoue ses forfaits, mais regrette seulement d’avoir manqué son attaque et provoque le roi en lui disant qu’il ne peut le punir puisqu’il est déjà sur le point de rendre l’âme. Le roi veut alors sacrer Arsace devant son frère mourant pour rendre sa justice, mais Pharasmane ouvre sa blessure pour éviter de voir Arsace roi de son vivant, et refuse que les gardes l’emportent pour troubler son père et son frère par sa vue ; avant d’être emporté, il prédit que le règne d’Arsace apportera la discorde entre un père et son fils. Le roi demande alors à Arsace et à Araxie qu’ils lui accordent du temps pour se relever de sa tristesse avant de célébrer leur mariage et leur règne.
Les sources §
Comme l’indique l’avis au lecteur,
Le sujet d’Arsace est tiré du 42e livre de Justin, où il dit qu’Artaban septième Roy des Parthes succeda à son neveu Phradate.
À l’instar de nombreuses tragédies de l’époque classique, Arsace, roy des Parthes puise son sujet dans l’histoire antique, celle du ve siècle avant J.-C. Prade s’est en effet appuyé sur quelques mots extraits du livre XLII de l’Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée. Cet abrégé, écrit par l’historien romain du iie siècle Justin à partir des écrits de Trogue-Pompée qui vécut au premier siècle avant Jésus-Christ, retrace la destinée des Parthes, peuple perse situé en actuelle Turquie, et celle des Arsacides, nommée ainsi à partir du nom de leur fondateur, Arsace. Il y est en effet écrit qu’« Artaban, oncle paternel de Phrahate, fut fait roi à sa place48. »
Le nom d’Arsace en est tiré, puisque nous pouvons lire, au livre XLI de ce même Abrégé, qu’après le soulèvement des Parthes contre Séleucus – que l’on peut rapprocher de la ville où se passe l’action, Séleucie – Arsace a repris le pouvoir et fondé la dynastie parthe des Arsacides49. De même, l’indécision du roi qui doit choisir son successeur semble s’inspirer d’une phrase de Justin où il est dit que « Le roi Orode avait du mal à choisir qui allait lui succéder : « de ses trente fils, il ne savait lequel il devait destiner au trône50 ». Toutefois, comme le dit Charles Mazouer dans Le Théâtre français de l’âge classique,
Les embellissements et l’invention peuvent aller loin, jusqu’à la relégation, voire à l’effacement du contexte historique réel51.
L’intrigue a été inventée comme le précise l’avis au lecteur, tout en défendant la part de vérité qui y est conservée :
[…] l’histoire en est plûtost estendüe que contredite […] si l’on y represente Pharasmane si criminel, ce n’a pas esté sans fondement, puisque le mesme Justin témoigne qu’il estoit ordinaire aux Parthes d’avoir des Roys Parricides52.
De telle sorte qu’en dehors de la référence à la succession de Phrahate évoquée explicitement par Justin, et de l’allusion à la cruauté de certains princes parthes, Prade revendique s’être éloigné de sa source pour donner libre cours à son récit. Il ne dit pas s’être inspiré d’autres livres de l’abrégé de Justin, mais peut-être l’avait-il lu intégralement, car la situation dans laquelle se trouvent Pharasmane et Arsace – qui prétendent tous deux au pouvoir, l’un se prévalant de son droit d’aînesse, l’autre prétendant au pouvoir comme étant né sous le règne du père tandis que celui-ci n’était pas encore roi à la naissance de l’aîné –, est semblable à une situation évoquée dans le livre II, celle de deux fils de Darius dont la rivalité politique est due aux même raisons invoquées au début d’Arsace :
Bientôt la mort frappa Darius […] il laissait plusieurs enfans nés, les uns avant, les autres depuis son avènement à l’empire. Artémène, l’aîné de tous, alléguait pour titre à la couronne, le privilège de sa naissance, droit naturel consacré par tous les peuples. Xerxès, son frère, voulait qu’on décidât le différent, non d’après l’ordre, mais d’après les circonstances heureuses de leur naissance. Selon lui, Artémène était le fils aîné de Darius, mais de Darius encore sujet ; lui, au contraire, état le premier né du roi […]53
Cependant, outre l’œuvre de Justin citée par Prade, ce dernier pourrait s’être inspiré de pièces antérieures à Arsace dans lesquelles les mêmes sujets sont traités, comme la question des lois de succession, ainsi que la rivalité entre deux frères. En effet, ces sujets ont été abordés dans une tragi-comédie de Magnon, Artaxerce, jouée par la troupe de Molière en 1644 soit dix-huit ans avant Arsace54. Dans Artaxerce55, dont la source est un texte de Plutarque56 et qui s’inspire d’une pièce de Boisrobert57, le roi Artaxerce a deux fils dont l’un, comme Pharasmane dans Arsace, se présente comme le rival de son frère. Du texte de Plutarque, dans lequel le fils d’Artaxerce invoque les lois perses lui permettant en tant qu’aîné de demander la main d’Aspasie, lois qui ne conviennent guère au roi forcé de céder son amour pour Aspasie à son fils, Magnon a conservé le thème des opinions divergentes quant au respect de la loi. Si au xviie siècle, le respect des lois était un thème courant dans le genre de la tragédie classique, c’est davantage l’évocation, au début de la pièce de Magnon, de la situation vécue par Pharasmane et Arsace qui nous conduit à voir en Artaxerce une possible source d’inspiration pour Prade. En effet, comme Arsace, Artaxerce de Magnon commence par un dialogue au cours duquel le roi évoque l’aspiration de ses fils à régner – « Mes fils briguent toujours le trône de l’Asie » (v. 3) – ainsi que sa volonté de céder son royaume à l’un d’eux, avant de présenter l’origine du conflit entre ses fils, en mentionnant son propre sort partagé par son fils aîné Darie. Or ce sort58 est exactement identique à celui de Pharasmane dans la tragédie de Prade. Cependant, dans Artaxerce, la querelle au sujet de la succession est résolue dès la scène 4 de l’acte I par le choix du roi qui nomme Darie comme son successeur. Ainsi contrairement à Arsace, elle ne constitue pas le sujet ni l’obstacle principal de l’intrigue mais n’en est que le point de départ, conformément au récit plutarquien.
Le titre §
Le titre de la pièce semble désigner le personnage d’Arsace comme le héros principal de la pièce. Cependant, il se range parmi les personnages les moins prolixes de la pièce : sur un total de trente-neuf scènes, il ne prend la parole que dans douze scènes, et prononce moins de 172 vers sur 1694, ce qui le rapproche, sous l’aspect de la répartition des vers, de Vologese, qui s’exprime le moins conformément à son statut de personnage secondaire. Arsace semble ainsi s’apparenter aux « héros rares », d’après la classification de Jacques Scherrer, mais aussi au cas qu’il décrit en ces termes :
La rareté du héros risque en effet d’être liée à une certaine passivité et de faire apparaître son rôle comme moins important que celui d’autres personnages moins prestigieux, mais plus déterminés59.
En effet, l’intrigue est surtout conduite par les personnages fourbes que sont Pharasmane et Médonie, et par le roi qui prévoit le sort de ses fils avec l’aide d’Araxie et de Vologese, ce qui laisse peu de place à la parole du futur roi.
Mais outre la question de l’apparition du héros, un tel titre fait référence au dénouement et nous pouvons penser qu’il s’agit d’une allusion à l’histoire de Justin dont le sujet de la pièce est tiré, puisqu’il y a bien eu un Arsace roi des parthes et fondateur de la dynastie des Arsacides. Cette allusion au règne d’Arsace, alors que toute l’action gravite autour du choix d’un successeur, révélé seulement au dénouement, semble également témoigner de la manière dont Prade a composé sa pièce. Le titre peut en effet nous faire supposer que l’auteur est parti de la fin pour remonter au début de l’intrigue – puisque Arsace n’est choisi comme « roy des Parthes » qu’au dénouement – et qu’il a déroulé les péripéties de telle sorte que le dénouement apparaisse comme la conséquence des décisions et des passions des personnages tandis qu’en réalité le dénouement préexiste à l’action, comme le dit Georges Forestier dans Passions tragiques et règles tragiques60. Selon le processus dit classique de création d’une tragédie, le sujet de notre pièce est donc contenu dans son titre : à partir du dénouement que constitue le choix, par un roi, de son second fils comme successeur, l’action se construit. Il s’agit bien, comme l’indique G. Forestier, de l’élément qui constitue une « matrice à partir de laquelle le dramaturge va reconstruire à rebours une action61 ». Toutefois, contrairement à certaines pièces du xviie siècle dont les sources historiques constituent les dénouements à partir desquels l’action est déroulée, la phrase de Justin citée dans l’avis au lecteur ne correspond pas au dénouement de la pièce mais n’offre qu’un contexte historique, un point de départ à partir duquel Prade a créé un enchaînement de causes et d’effets.
Un sujet hautement tragique §
En mettant en scène un affrontement entre deux frères qui mènera l’un à vouloir tuer l’autre, Prade a choisi une intrigue qui incarne hautement le tragique : la tentative de fratricide accomplie par Pharasmane n’est pas sans rappeler le frontispice pour l’édition collective des Tragédies de Racine de 1675 que Georges Forestier a commenté et décrit dans son traité sur la tragédie62 comme représentant l’allégorie de la tragédie au dessus de deux frères en proie à une lutte mortelle, censée faire naître les sentiments de pitié et de crainte, suivant le chapitre XIV de la Poétique d’Aristote qui expose le principe de la tragédie. L’action d’Arsace correspond en effet au « surgissement des violences au cœur de l’alliance »63 propre à éveiller frayeur et pitié chez le spectateur : le conflit d’intérêt entre deux frères conduisant à un fratricide manqué s’apparente bien aux « événements extraordinaires » qui selon G. Forestier, qui commente la Préface d’Héraclius de Corneille64, sont aptes à produire ces deux émotions propres au genre tragique.
Comme le dit Charles Mazouer en résumant Arsace65, « les ambitions et les intérêts amoureux se croisent en une querelle fratricide ». En effet, le début de la pièce indique un entrelacement entre une intrigue politique et une intrigue amoureuse, puisque le roi demande à Araxie de choisir pour roi celui qu’elle veut épouser :
Ne pouvant me resoudre à vous donner Arsace,Ny Pharasmane aussi, vous choisirez demainA qui des deux offrir et l’empire et la main (v. 84-86)
Au départ, le choix du successeur dépend donc uniquement des sentiments de la Princesse. Toutefois, dans Arsace, l’intrigue politique prend une telle importance que l’intrigue amoureuse s’en trouve amoindrie, et l’expression des sentiments amoureux semble pouvoir se réduire dans la personne d’Araxie, dont la fureur contre Arsace provient de son amour déçu. Les autres personnages expriment rarement leur amour, mûs par leur désir de régner. Mais les conflits tragiques qui opposent la raison d’État et l’amour d’une part, ou des passions entre elles – ici l’ambition contre l’amour – ressortent de la pièce, notamment à travers le personnage de Médonie qui voudrait commander à sa raison de diriger son cœur vers le futur roi :
Je dois aimer celuy qui sera couronné (v. 170)
L’emploi d’un verbe injonctif manifeste par ailleurs le conflit intérieur du personnage qui souhaite faire dépendre ses sentiments de son ambition.
Arsace, roy des Parthes face aux règles classiques §
Une action invraisemblable ? §
À l’époque de notre pièce, la vraisemblance s’impose comme un critère indispensable de la tragédie, qui sert l’adaptation de la pièce au public. Comme le rappelle Jacques Scherer dans La Dramaturgie classique en France, « l’exigence de vraisemblance est l’une des plus importantes de l’esthétique classique66 ».
Arsace, roy des Parthes, traite d’un sujet qui peut entrer dans la catégorie du « vraisemblable extraordinaire » tel que l’a distingué Aristote dans sa Poétique et que Richelet résume ainsi dans son Dictionnaire : « quant au vraisemblable rare, on entend aisément que c’est celui qui arrive rarement et contre les apparences, mais dont on a vû [sic] des exemples qui le rendent possibles67 ». En effet, le fratricide appartient à ces faits qui arrivent rarement mais dont l’histoire a donné des exemples, et l’appui d’Arsace sur l’histoire universelle de Justin permet à notre auteur d’inventer ces péripéties et que celles-ci soient croyables.
Toutefois, selon le jugement de Lancaster dans A History of French Dramatic literature in the XVIIth century, dans Arsace, à trois moments, l’action contrevient à cette règle de vraisemblance.
En premier lieu, le quiproquo qui a lieu à la cinquième scène de l’acte II ne semble pas vraisemblable. Lancaster n’énonce pas les raisons de cette invraisemblance, mais nous pouvons supposer qu’il l’a déduit de l’aspect assez artificiel, surfait, de cet épisode constitué par la sortie de Pharasmane juste avant qu’Araxie ne revienne sur sa décision de commander le meurtre d’Arsace, et par son retour non remarqué quelques vers plus loin, épisode majeur puisqu’il déclenche « le crime », la tentative de fratricide. Si en pratique, dans l’ordre de la représentation, le jeu de l’acteur tragique tel qu’il existait au xviie siècle – à savoir la position des acteurs face au public, ne se tournant pas l’un vers l’autre –, un tel quiproquo est adapté à la dramaturgie de l’époque de la pièce, il est cependant peu probable, en réalité, qu’une telle situation ait pu se produire. Or, pour respecter l’exigence de vraisemblance, comme l’explique l’abbé d’Aubignac dans La Pratique du Théâtre, il convient que les choses se passant sur scène soient considérées comme « véritablement arrivées, ou ayant dû arriver68 ». Au troisième acte, le spectateur apprend que le quiproquo censé être à l’origine du « crime », ne l’était pas vraiment, puisque Pharasmane avoue avoir feint de ne pas entendre les paroles d’Araxie revenant sur son ordre :
Et bien vous le voulez, pour immoler Arsace,Oüy je fermay l’oreille à l’arrest de sa grace. (III, 1, v. 663-664)
En faisant dire à son personnage qu’il avait bien entendu les mots de la princesse et que sa sortie de scène était « calculée », l’auteur d’Arsace semble avouer que le quiproquo n’aurait pas pu véritablement arriver. Prade a-t-il prévu qu’on lui reprocherait l’invraisemblance du quiproquo et inventé ce revirement afin de rétablir la vraisemblance ? Quoi qu’il en soit l’épisode déclencheur de la pièce, à partir duquel choisir un successeur implique de choisir un coupable, est fondé sur un leurre.
Ensuite, deuxième invraisemblance, située cette fois sur le plan de la psychologie du héros : Lancaster note qu’il est invraisemblable qu’Arsace se tourne si rapidement de Médonie vers Araxie69. Il peut s’agir d’une « invraisemblance invisible70 » au public du xviie siècle, qui ne se demande pas si cela est vraisemblable, étant pris dans le feu de l’intrigue. C’est ainsi que Jacques Scherer les analyse en prenant l’exemple de la Médée de Corneille et en y évoquant l’aspect peu réaliste voire fantaisiste de la psychologie qui y est développée, s’appuyant sur le caractère « fort imprécis » de Jason qui passe d’un sentiment à un autre : de l’indifférence à l’amour pour la princesse, puis à la haine de Médée. De même, la rapidité avec laquelle Arsace change l’objet de son amour est déconcertante, surtout pour un personnage dont le rôle de héros implique qu’il soit constant dans ses actes comme dans ses sentiments.
Enfin, toujours dans l’ordre de la psychologie des personnages, Lancaster a émis une critique concernant la règle d’adaptation de la pièce à son public, au sujet du caractère meurtrier de Médonie, révélé par l’intermédiaire de Pharasmane au dénouement, auquel le spectateur ne serait pas préparé71. Cette critique semble recevable, dans la mesure où Médonie tente de calmer la fureur mortelle de Pharasmane en lui conseillant (v. 220-221) de ne pas céder à l’ardeur de son ressentiment. On ne s’attend pas à ce que son ambition déçue finisse par se concrétiser en un acte assassin envers Pharasmane, car tout au long de la pièce son caractère s’affirme comme celui d’une femme prête à toutes les manipulations pour arriver à ses fins, mais non comme celui d’une meurtrière. Toutefois, son désir de vengeance est annoncé dès la scène 5 de l’acte IV (v. 1299-1302), ce qui rend moins soudaine la découverte, au dernier acte, de l’accomplissement de ce désir de vengeance. De plus, le changement progressif du caractère de Médonie de l’infidélité et la fourberie à la vengeance meurtrière est préparé par l’intrigue, puisque c’est le cours des événements, par lesquels Médonie perd les faveurs d’Arsace et de Pharasmane, qui conduit Médonie à se résoudre à cet acte sanglant en faisant naître en elle des sentiments d’humiliation et d’impuissance.
Le lieu et le temps §
Nous passons sur les règles de temps et de lieu puisqu’à l’époque de notre pièce ces règles n’étaient plus remises en cause. Le lieu qu’indique la didascalie initiale, à savoir « à Séleucie, dans le palais d’Artaban » correspond à un espace relativement ouvert quoique conventionnel, conformément à l’action centrée autour de la figure centrale du roi Artaban dont dépend le sort de ses deux fils, ce qui permet à Prade de s’adapter aux besoins de la dramaturgie et d’y faire circuler tous les personnages, sans toutefois se libérer de toutes contraintes, comme le rappelle la définition que donne Jean-Yves Vialleton du lieu dans sa thèse, à savoir un « paramètre définissant l’espace d’une relation et donc des règles de comportement72 ». C’est le roi qui règle les entrées et les sorties des personnages par ses ordres donnés au Capitaine des Gardes, et Prade le fait renvoyer Pharasmane, dont la présence sur scène, au dénouement, pourrait finir par contrevenir à la bienséance étant donnée l’évocation de sa blessure sanglante et la violence de ces propos. Les décisions du Conseil sont prises en dehors de la scène et rapportées par les personnages, et la bienséance oblige à ce que le spectateur ne soit pas témoin du double assassinat de Pharasmane et Médonie, rapporté par les propos de Vologese au dernier acte. Du reste, le « palais d’Artaban » évoque une place peu définie et aussi peu précise que l’est l’unique indication spatiale, donnée par Pharasmane au moment crucial de la tentative de fratricide, lorsqu’il désigne l’endroit où il se trouve en évoquant un « lieu fatal », où « nul témoin ne [l]’éclaire » (v. 443).
Quant aux indications temporelles, elles sont trop rares pour qu’on puisse en conclure la durée exacte de l’action, mais on peut supposer à partir des vers finals prononcés par le roi que cette dernière est rapide : le roi demande à Pharasmane et à Araxie de lui donner « tout ce jour » pour vaincre sa tristesse (v.1692) En effet, s’il reste encore « tout [le] jour » au roi, cela suppose que tous les événements qui constituent la pièce se sont déroulés en une matinée, en tout cas en bien moins de vingt-quatre heures.
Une action unifiée §
L’action est parfaitement unifiée dans Arsace. Elle se concentre autour du problème initial posé par le choix du successeur d’Artaban, et les péripéties s’enchaînent jusqu’au dénouement du problème. Le fratricide manqué qui a lieu à l’acte II constitue le ressort principal de l’intrigue, à partir duquel les personnages élaborent chacun des projets pour arriver à leurs fins, le roi pour déterminer un coupable, Pharasmane pour que sa culpabilité échappe à la vue de son père. Ainsi cette tentative de meurtre, plutôt que de se présenter comme un nouveau nœud sans lien avec le début de l’intrigue, apparaît comme un événement qui étaye le problème initial en le déplaçant sur le plan d’un procès : la question du choix entre deux fils demeure, et s’augmente de celle de la culpabilité d’un de ces fils.
Un dénouement de tragédie ? §
Conformément aux exigences classiques, le dénouement d’Arsace est rapide et se joue sur le dernier acte. Il est amené de manière assez artificielle, par un acte extérieur, à savoir le « coup de théâtre » que constitue la découverte, par Vologese, que Médonie n’est pas morte et qu’elle a avoué son forfait, ce qui permet de changer l’avis du roi qui, après avoir cru Arsace coupable du meurtre de Pharasmane, a la preuve qu’il est innocent et qu’il peut être nommé roi. Prade, à l’instar des dramaturges de son temps, s’est emparé du retournement de situation que constituent ici les révélations, entrecoupées, de Vologese quant au double crime de Pharasmane et de Médonie pour aboutir à la résolution des nœuds. En effet, la première déclaration de Vologes, à la scène 3 de l’acte III, retourne une première fois la situation en apportant au roi une preuve apparente de la culpabilité d’Arsace, puis la situation se renverse à nouveau trois scènes plus loin, lorsque la seconde déclaration de Vologese, qui contient l’aveu de Médonie, permet de démentir la culpabilité d’Arsace, que le roi avait entre temps condamné à mort.
Qu’en est-il de la dernière tentative d’assassinat qui a lieu à la dernière scène, lorsque Pharasmane s’empare encore de son épée pour tenter d’accomplir le crime qu’il avait manqué à l’acte II ? Il ne s’agit pas d’une péripétie, si l’on suit la définition qu’en donne Jacques Scherer dans La Dramaturgie classique en France, à savoir un « événement imprévu qui modifie la situation psychologique des héros, qui ne figure ni dans l’exposition ni dans le dénouement, et qui est susceptible de se retourner73 ». L’acte de Pharasmane n’implique pas de modification psychologique des héros même si il aurait pu conduire à la mort d’Arsace ; il s’agit là d’un élément de surprise, d’un dernier revers de l’action qui permet d’asseoir la posture de Pharasmane, dont la dernière tentative de meurtre, alors même que sa mort est arrêtée, est le signe ultime de sa fureur extrême, en même temps qu’elle maintient le spectateur en haleine jusqu’à la fin de la pièce. En effet, la menace qui pesait sur le couronnement d’Arsace depuis la scène fatale de l’acte II où le roi doit trouver un coupable et le punir, pèse désormais – et pour la seconde fois – sur sa propre vie toujours à cause de son frère : le sort du héros est ainsi menacé jusqu’au dernier moment, jusqu’à ce que Pharasmane, celui par qui la menace est arrivée, quitte la scène.
À l’époque de notre pièce, et depuis les années 1640, sous l’influence de la tragi-comédie – genre auquel s’est d’ailleurs essayé notre auteur en écrivant Annibal –, les tragédies peuvent avoir un dénouement heureux et même s’achever sur un mariage. Cependant dans Arsace, le dénouement se situe entre les deux alternatives, et n’est ni tout à fait malheureux, puisque le mariage et le couronnement d’Arsace y sont annoncés, ni parfaitement heureux puisque le Roi avoue sa tristesse d’avoir perdu son fils et reporte les réjouissances au lendemain en invoquant sa peine. Prade a peut-être voulu marquer, en employant l’artifice du chagrin du roi, la distinction d’Arsace avec le genre de la tragi-comédie, qui se termine nécessairement par une fin heureuse.
De plus, la réserve du roi, qui repousse le mariage et le couronnement, après les avoir annoncés (aux vers 1652-1654) est vraisemblable eu égard à la mort violente de son fils Pharasmane qui lui avoue sa haine et maudit sa famille. Le comportement du roi correspond à ce qu’on attendrait d’un roi qui se trouve en face de telles épreuves que sont la trahison d’un fils ainsi que l’expression de la haine exprimée directement, et de manière très virulente, à l’encontre du pouvoir paternel et royal. En effet, Pharasmane, après l’avoir maudit, va jusqu’à provoquer le roi son père en lui exprimant son regret de ne pas pouvoir se tuer à nouveau devant lui pour accentuer sa douleur (v. 1689-1690).
Sur le plan de la mise en scène, la vue de la blessure de Pharasmane, qu’il expose devant tous les personnages réunis dans la scène finale en l’ouvrant pour accélérer sa mort afin de ne pas assister au couronnement de son frère, mène le tragique à son apogée. Par ailleurs, cet élément qui ensanglante la scène a pu déplaire au public du Palais-Royal assistant à Arsace, puisque comme le rappelle Jacques Scherer, l’exigence des bienséances s’est rigidifiée après la Fronde tandis que les dramaturges de la première moitié du siècle n’hésitaient pas à exhiber de telles blessures, suivant « le goût pour [les] spectacles horribles74 ». Comme le dit Georges Forestier, cette « manifestation scénique d’objets sanglants » est propre à rendre compte du dérèglement des passions75.
L’expression de la tristesse du roi semble ainsi constituer un artifice par lequel Prade fait adhérer son personnage à la règle de bienséance, du moins à une certaine idée qui pourrait être répandue dans le public, selon laquelle il conviendrait à un roi d’observer un délai pour faire le deuil de son fils avant de célébrer un événement aussi réjouissant qu’un mariage.
Une structure judiciaire et un discours délibératif : la condamnation d’un crime §
Le rôle du roi : un père juge §
En tant que roi, le personnage d’Artaban, successeur de Phradate, semble assumer partiellement les trois rôles dont Corneille dit dans son Examen de Clitandre76, qu’ils peuvent être représentés par toute personne d’autorité :
un roi […] peut paraître sur le théâtre en trois façons : comme roi, comme homme et comme juge; quelquefois avec deux de ces qualités, quelquefois avec toutes les trois ensemble. Il paraît comme roi seulement, quand il n’a intérêt qu’à la conservation de son trône ou de sa vie, qu’on attaque pour changer l’Etat, sans avoir l’esprit agité d’aucune passion particulière […]. Il paraît comme homme seulement quand il n’a que l’intérêt d’une passion à suivre ou à vaincre, sans aucun péril pour son Etat […]. Il ne paraît enfin que comme juge quand il est introduit sans aucun intérêt pour son Etat ni pour sa personne, ni pour ses affections, mais seulement pour régler celui des autres […].
Artaban est roi, mais il ne l’est plus pour longtemps : son pouvoir royal est remis en cause dès la scène d’exposition, par ses toutes premières paroles qui annoncent son désir de léguer sa couronne :
J’abandonne le Trône, et ne m’en prive pas;Mes fils y regneront, et puis à trop attendreJe pourrois en tomber, j’ayme mieux en décendre,
Sa fonction de roi doublée à celle de père n’est évoquée par lui-même qu’à deux reprises, à l’acte III (v. 973-974) ainsi qu’à l’acte IV :
Donnez pour mon repos en le faisant connoistre,Un fils à ma famille, à mon estat un maistre. (v. 1029-1032).
Ce rôle s’efface en effet derrière sa double fonction de père et de juge. Il énonce lui-même les devoirs qui lui incombent en tant que père d’un fils coupable : il doit régner en « bon pere, et juge rigoureux » (v. 593), ainsi qu’il le reconnaît lui-même, et cette problématique d’une double responsabilité transparaît plusieurs fois à travers les propos d’Araxie qui prévient le roi du danger « de manquer au devoir ou de Juge ou de pere » (v. 1043) ou qui rassure Arsace quant au choix de son père (v. 1079-1080). Le roi doit être juge équitable, mais il ne juge pas vraiment : il s’en remet d’abord à Araxie, puis au Conseil, quoiqu’il s’oppose à sa proposition de duel entre ses fils, et ne prétend y consentir qu’afin d’observer la réaction de ses fils pour pouvoir déterminer le coupable.
Avant que la tentative de fratricide ne le ramène à son devoir de justice contre son fils, Artaban confie son pouvoir et sa responsabilité de père et de roi à une femme, ce qui peut sembler étonnant dans la mesure où au xviie siècle le roi, rôle omniprésent dans le théâtre classique, incarne l’autorité, une autorité qui apparaît souvent dans les pièces de l’époque comme contraignante pour les héros. Ici, le roi représente à la fois un obstacle, pour celui qui se verra contraint d’obéir aux ordres royaux de son frère, et la garantie du succès et de la gloire pour celui qui va lui succéder ; le roi détient la Couronne et la foudre.
Ainsi, bien que le roi soit le personnage le plus présent sur scène et le plus bavard – ses vers occupent 30 % de la pièce77 –, il apparaît comme une personne au caractère assez faible. Il élabore en vain des plans pour trouver le coupable, son âme est « incertaine » (v. 555), son cœur « partagé » (v. 558) : il est déchiré entre sa préférence pour Arsace – c’est là qu’il apparaît « comme homme » selon la distinction cornélienne – et la nécessité d’exercer son rôle de justicier, il se fait sans cesse conseiller par Vologese ou par la Princesse Araxie, envers qui il montre une certaine dépendance d’esprit. Elle lui est inférieure, mais ses discours ont une grande influence sur la manière dont il traite l’affaire criminelle, influence qu’il reconnaît à l’acte IV, lorsqu’elle le pousse à choisir Arsace comme successeur, selon sa préférence :
Hé bien à vos avis je deffere, Princesse, (v. 1067).
Le fait qu’il confie le choix du successeur à un personnage féminin, et qu’il soit incapable de déterminer le coupable malgré ses plans manifeste une certaine faiblesse de jugement qui se révèle impardonnable pour quelqu’un qui doit mener un Royaume, ce qui explique la description de Lancaster : « the king is well intentionned and unintelligent78 ». Au dernier acte, le dilemme du roi, qui doit choisir le coupable et risque de le couronner par erreur disparaît par la mort de ce coupable, le meurtre de Pharasmane par Médonie évite au roi d’avoir à mettre à mort son fils, qu’il punit néanmoins par la promesse qu’il fait devant lui de couronner Arsace (v. 1648-1650), montrant ainsi sa rigueur et son équité. Malgré ce défaut, il s’avère être naturellement doué d’une bonne intuition, puisqu’il pressent dès le début l’innocence d’Arsace, bien que ce jugement, au dernier acte, soit faussé par la fausse preuve de la culpabilité d’Arsace, lorsqu’il le croit coupable de l’assassinat de Médonie et de Pharasmane.
La mise en scène de la justice §
L’interrogatoire du roi, la défense de ses fils, la condamnation d’Arsace puis celle de Pharasmane, sont autant d’événements mis en scène qui font de la pièce de Prade une tragédie où la justice tient une place importante. Dans Arsace, la structure judiciaire s’installe à partir de la tentative de fratricide qui a lieu au deuxième acte (scène 7). À partir de la scène suivante où le roi découvre le crime mais est incapable d’identifier le criminel, l’action se met en place autour de ce crime : il ne s’agit plus pour le roi que de trouver un coupable, de le juger, de le punir. La découverte du coupable représente un enjeu de taille pour le roi mais aussi pour le royaume de Séleucie. En effet, dès lors que l’élection du successeur ne dépend plus du choix d’Araxie mais d’une décision de justice – le coupable devant être mis à mort, son frère deviendra roi – une erreur de jugement conduirait à mettre sur le trône un meurtrier. L’enjeu dépasse donc la simple sphère familiale et les ambitions orgueilleuses de chacun pour venir se situer sur la sphère publique, celle de l’État, dont le bon fonctionnement dépend du gouverneur.
Sur le plan matériel, cette structure judiciaire est appuyée par la présence d’une instance judiciaire, le Conseil, ce qui permet d’éviter les risques de « perversion de l’esprit de justice », pour reprendre l’expression de Christian Delmas dans son ouvrage La Tragédie de l’âge classique79, qu’impliquent la concentration des rôle de roi, de juge, et de père. Dans l’affaire qui oppose Arsace et Pharasmane, le rôle du Conseil semble d’ailleurs davantage déterminant que celui du roi : c’est le Conseil qui ordonne le combat, et Artaban lui-même reconnaît l’autorité suprême des lois de la Cité, comme on le voit au vers 906. L’autorité royale semble absorbée par l’autorité de cette instance extérieure, comme le montre l’emploi du pronom personnel indéfini comme sujet du verbe injonctif « on ordonne » (v. 715), bien que la soumission du roi à l’avis du Conseil ne soit qu’apparente. Le roi se sert en effet de l’instance juridique en prétendant se soumettre à sa proposition, à savoir celle d’un combat entre ses deux fils pour déterminer le coupable, afin de voir la réaction de ses fils vis-à-vis d’une telle décision juridique, et mène donc sa propre investigation en dehors des procédures du Conseil du royaume, comme il l’annonce dès le début de l’acte III (v. 625-626). Les réactions des différents personnages vis-à-vis de cette décision manifestent d’ailleurs leur caractère ainsi que leurs sentiments : Arsace et Araxie expriment tour à tour leur désir de révoquer cet « Arrest si severe » (v. 755, 844), Araxie par amour pour son amant, Arsace par grandeur d’âme, tandis que Pharasmane « cherche le péril » (v. 774) qui lui permettra d’accomplir sa vengeance, bien qu’il prétende devant son père vouloir le contraire.
Accusation et défense §
Dans Arsace, le discours judiciaire, qui revient sur un événement passé, se mêle au discours délibératif, visant à dissuader ou à conseiller une action future. Le public peut ainsi entendre la plaidoirie de la Princesse Araxie en faveur de la révocation du combat ordonné par le Conseil (acte III, scène 6) faire suite aux plaidoiries de Pharasmane et d’Arsace accusés de forfait criminel, à la scène 8 de l’acte II.
Cette scène s’apparente d’ailleurs à un procès, car le roi se voit investi du rôle d’arbitre tandis que ses fils, tous deux suspects, tentent chacun d’entreprendre leur défense, leur père les accusant successivement, ignorant lequel croire. La force argumentative de leur propos plonge le roi dans l’indécision, le verbe constituant, comme le dit Christian Delmas80, « l’arme quasi exclusive » des personnages pour appuyer leur innocence et prendre le dessus de la situation. Ainsi les deux accusés emploient tour à tour des procédés rhétoriques tels que la question oratoire (v. 501, 524, 525), des tournures emphatiques (v. 496-498) ; les figures d’amplification, comme la gradation ascendante employée par Pharasmane :
Un pere me condamne, un frere m’assassine,Et pour me perdre enfin tout mon sang se mutine (v. 499-500),
ou bien l’emploi de termes hyperboliques (« ses plus vives clartez » v. 521, « un attentat si noir » v. 525) ainsi que la manière dont Arsace personnifie l’innocence (v. 519-522), permettent à l’un de dissimuler son forfait et à l’autre de tenter de faire éclater son innocence. Mais leur discours, en plus d’être empreints d’un certain ton emphatique propre à persuader, se veulent convaincants. Par exemple, dans la réplique d’Arsace, l’emploi d’une structure hypothétique, ainsi que d’une formule (v. 515) témoigne d’une construction rationnelle du discours.
Les mêmes procédés argumentatifs se retrouvent d’un dialogue à un autre dans la pièce. Ainsi au début de l’acte IV, Araxie cherchant à convaincre le roi de faire confiance à ses sentiments pour nommer le coupable, appuie son discours d’une sentence (v. 1056), use d’une construction hypothétique, et l’emploi de l’anaphore (des vers 1041 à 1044), figure chère à Prade, accentue son argumentation. Quant aux raisons invoquées par Araxie pour que le roi choisisse lui-même son successeur selon sa préférence, elles sont d’un ordre supérieur, la princesse ayant recours au destin, invoquant « le Ciel » (v. 1059), « les Dieux » (v. 1065) qui auraient permis que les faveurs du roi se portent sur Arsace, pour justifier le choix du roi.
Toutefois, on notera que si le roi avoue à deux reprises à Araxie avoir été convaincu, voire persuadé, par ses propos81, il s’agit d’un aveu factice et que les argumentations de la Princesse sont obsolètes du fait que le roi, avant même qu’Araxie ne s’efforce de le raisonner, a déjà penché en faveur de son avis. En effet, à la fin du second acte, on apprend que le roi a projeté de faire éclater la gloire d’Arsace, son favori, grâce à certains artifices, sans toutefois prévenir la Princesse de ses plans (voir v. 619-621). Les discours argumentatifs d’Araxie – à la scène 6 de l’acte II et à l’entrée de l’acte IV – servent ainsi davantage au développement d’une certaine rhétorique et d’un certain style propre à Prade qu’à l’intrigue en elle-même.
Le jeu des passions §
Si les ressorts de l’intrigue d’Arsace concernent surtout la politique, puisque l’action repose sur le choix d’un successeur, l’aspect moral tient néanmoins une place importante dans la pièce, car les paroles des personnages ainsi que leurs actions reflètent leurs habitus, et conduisent à identifier une opposition de caractère entre deux « couples » : Arsace et Araxie, personnages aimables et honnêtes dupés par Pharasmane et Médonie, dont les mensonges et la cruauté en font des contre-modèles de vertu. Mais outre la question des mœurs, traitée en amont de l’intrigue politique, c’est davantage le conflit des passions qui est mis en scène dans la tragédie de Prade. En effet, comme le dit Christian Delmas dans son essai sur la tragédie, « d’enjeu de la tragédie, l’intrigue politique […] devient le lieu où se déploient les intérêts particuliers passionnels82 ». Les passions qui y sont représentées s’inscrivent en premier lieu dans la logique des intérêts politiques ; elles soutiennent l’action en même temps qu’elles l’empêchent, ce qui provoque certains événements83 ; par exemple l’ambition et la haine vengeresse de Pharasmane entraîne la tentative de fratricide de l’acte II.
La définition qu’a donnée Corneille de la tragédie convient parfaitement à Arsace :
Sa dignité demande quelque grand intérêt d’État, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l’amour, telles que sont l’ambition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d’une maîtresse84.
Une représentation des passions mâles : ambition, vengeance, haine §
Prade répond aux attentes d’une audience assistant à la représentation d’une tragédie en nous faisant voir dans Arsace l’orgueil, l’ambition, la jalousie, la haine, la vengeance et l’amour, que Georges Forestier définit comme « principales passions tragiques à cause desquelles les grands de ce monde peuvent mourir sous les yeux des spectateurs85 ». L’expression de telles passions sert d’ancrage au développement de l’esthétique traditionnelle des personnages tragiques comme « êtres en procès dans leurs rapports avec autrui et avec eux-mêmes », ainsi que le décrit Christian Delmas86. L’amour n’y est cependant pas questionné au même titre qu’une passion « plus mâle », pour reprendre la description de Corneille. En effet, l’origine du drame étant politique, la haine, la vengeance et l’ambition en constituent les ressorts principaux. Si les sentiments déçus d’Araxie constituent les prémisses du crime commis par Pharasmane à l’acte II, ce crime est davantage motivé par la fureur que cause la déception amoureuse, mais surtout par l’ambition, passion maîtresse de la pièce, et la haine de Pharasmane : il s’empare de l’ordre d’Araxie et y voit l’occasion d’accomplir son désir cruel de vengeance contre son frère, ce qu’Araxie lui reproche d’ailleurs au début de l’acte III. Le « couple » formé par Pharasmane et Médonie unis par une même soif de pouvoir incarne ces passions mâles par leurs agissements – Araxie forme un projet meurtrier, mais que sa fureur excuse, et seuls Pharasmane et Médonie se comportent en criminels – et par leur propos dont l’agitation transparaît et qui suggère l’empire des passions. Leurs intentions sont identiques, et font naître une semblable propension à la tromperie comme nous l’apprenons à la scène 5 lorsque Médonie évoque leur « mesme effort » (v. 205) pour parvenir au pouvoir. Le combat que mènent ces deux personnages procède de leur soif du pouvoir, à travers laquelle sont mis en scène des aspects de caractère semblables à ceux qui ressortent des personnages cornéliens, à savoir « la prétention du moi et l’orgueil de la race » comme le dit Paul Bénichou dans Morales du grand siècle87.
L’ambition est représentée de manière exacerbée, surtout au dernier acte où les caractères de Pharasmane et de Médonie se rejoignent puisque Médonie finit par donner entièrement prise à sa jalousie en mettant fin aux jours de celui à qui elle était promise. Mais la fureur meurtrière de Médonie fait éprouver une certaine pitié au spectateur, dans la mesure où elle avoue ses crimes, en se désignant à la troisième personne, ce qui manifeste le mépris d’elle-même (« cette criminelle », v. 1584), et semble les regretter, tandis que Pharasmane est loin d’exprimer le moindre regret de ses crimes et va jusqu’à maudire les siens. La dernière scène présente le personnage en proie à une haine extrême qui se rapproche de la folie. Sa fureur se manifeste notamment par le fait qu’il se mette à tutoyer son père à la dernière scène, invoquant la vengeance des dieux contre lui et contre Arsace, et quittant tout respect en le traitant de père « injuste et cruel ». L’expression du caractère de Pharasmane rejoint ainsi la « logique d’un criminel de théâtre [qui] tient à ce que tout son ethos est contenu dans son pathos88 » La menace de Pharasmane, à la scène finale (v. 1679-1680) annonce un possible prolongement de l’action après la mort du personnage, car elle retentit comme un oracle qui destine les héros à un sort cruel – Prade semble faire référence à la detsinée des rois Parthes – et permet un retour au pathétique, communiqué par la tristesse du roi contraint de repousser les noces.
Arsace, un héros modéré §
Face à ces personnages animés par l’ambition et la haine, Arsace apparaît dans la pièce comme le moins en proie à la violence des passions, incarnant, outre l’idéal du héros tragique superbe et généreux, la modération.
En premier lieu, il est présenté comme un prince dont le caractère généreux égale les actes militaires, comme nous pouvons le lire aux vers 609-610. Sa vertu est reconnaissable par son équanimité et son pacifisme : il cherche l’unité avec son frère, se refuse à l’idée de le combattre, bien qu’il se défende lorsque celui-ci tente de le poignarder. Son héroïsme se manifeste dans la manière dont il est prêt à se sacrifier, à risquer d’être condamné par son père en refusant le combat, non seulement pour éviter d’être tué par son propre frère mais surtout par amour pour lui. En cela, Arsace s’apparente à une figure christique, qui tend la joue droite, et ne se laisse pas aller aux sentiments de haine alors même que son frère le déteste et en veut à sa vie :
Quelque ressentiment qui me doive animer,
J’ayme un frere inhumain qui ne me peut aimer ; (v. 821-822).
Pourtant, le roi reproche à ces fils d’être « deux lâsches » (v. 941), et reproche implicitement au héros sa timidité, à l’acte III (v. 965). Se peut-il donc que le héros déroge à sa fonction, contrevenant alors à la bienséance de son rang puisque comme le dit Jacques Scherer « le héros de théâtre doit briller par son courage et sa noblesse89 » ? Il n’en est rien, car le courage et la noblesse de cœur d’Arsace se manifestent dans son esprit de sacrifice et sa décision de refuser la décision du Conseil relève d’un acte de bravoure comme il le dit lui-même en évoquant son « courage » (v. 826).
Dans la dernière scène, Arsace s’exprime rarement, mais l’un des deux seuls mots qu’il prononce en s’adressant à son frère : « Vivez… » (v. 1661) est une nouvelle marque de sa générosité et de sa noblesse de cœur qui atteint là son paroxysme. En effet, l’expression du désir de voir son frère échapper à la mort, laisse entendre qu’il lui pardonne, et nous pouvons apercevoir dans une telle demande, une forme d’orientation vers la vertu de clémence, bien que cette vertu soit reservée aux rois, comme le dit Georges Forestier dans son édition de Cinna90, car Arsace, en voulant voir son frère en vie, s’oppose à l’issue qu’aurait prévue la justice eu égard aux crimes de Pharasmane, ce qui laisse présumer que son règne ne sera pas celui d’un tyran.
Mais surtout, Arsace refuse de se laisser guider par sa légitime ambition politique, ce qui fait de lui un être mesuré, et affirme sa propre générosité et sa tempérance, cette résistance aux passions dont Pharasmane est dénué, comme nous pouvons le lire aux vers 1111-1113. D’abord épris de Médonie, il devine son infidélité et se tourne alors vers Araxie : on pourrait qualifier un tel changement de sentiments d’inconstance mais la manière dont Prade met en scène ce revirement fait davantage ressortir la lucidité du héros, sa finesse d’esprit, puisqu’il ne se laisse pas duper par les faux discours de Médonie (v. 1233-1235) mais refuse encore une fois de s’adonner à sa colère et « remets à son frère à [se] venger » (v.1238) avant d’exprimer son regret d’avoir refusé l’amour d’Araxie.
Lancaster a remarqué qu’Arsace est le seul personnage qui ne s’apparente pas aux Parthes tels qu’ils sont décrits dans l’histoire de Justin comme un peuple qui a souvent fait preuve de cruauté et dont les principaux monarques furent parricides91. En effet, Pharasmane et Médonie sont prêts à tromper leurs semblables et à les tuer pour assouvir leur soif du pouvoir, et Araxie elle-même a projeté d’assassiner son amant par désespoir, tandis que celui-ci ne se livre jamais à la vengeance. Cette maîtrise fait de ce héros le personnage qui incarne le moins le dérèglement des passions dont la tragédie se veut une illustration. De plus, Arsace apparaît non seulement comme la victime des passions vengeresses des autres acteurs – car rappelons qu’avant son frère, c’est Araxie qui a ordonné son meurtre par jalousie, mais aussi comme la victime des Parthes. Pharasmane déclare en effet à l’acte I avoir les Parthes de son côté, opposés au couronnement d’un fils puiné (voir v. 251 à 254), et à l’acte V, le roi confirme la volonté des Parthes de voir mis à mort celui qu’ils croient coupable du meurtre de son frère (v. 1499-1500).
L’expression féminine du conflit intérieur : l’amour contre la fureur §
Si la tragédie de Prade est fondée sur un conflit d’ordre politique, né de l’ambition de deux frères pour un même trône, d’autres conflits ressortent de la pièce et laissent voir la présence de la passion amoureuse, en manifestant à travers les propos des personnages les différentes valeurs que ces derniers lui accordent. Tout d’abord, cette passion est mise en scène par le cercle amoureux qui transparaît des relations entre les différents personnages. Araxie est éprise d’Arsace dont les faveurs se portent sur Médonie, tandis que celle-ci prête sa flamme à chacun des deux frères, et que Pharasmane prétend aimer Médonie mais offre son cœur à Araxie pour arriver à ses fins. Par ailleurs, la place accordée à l’amour contribue à fonder l’opposition de caractère entre les deux frères : lorsqu’il est question de l’empire d’une passion sur une autre, Pharasmane affirme devoir « tout à [sa] gloire, et rien à [son] amour » (v. 1262), tandis qu’Arsace refuse que l’ambition commande à sa flamme (v. 263). Dès le premier acte, nous voyons se manifester le conflit intérieur que fait naître le sentiment amoureux chez Médonie, quand elle évoque à la scène 5 sa préférence pour Pharasmane mais commande à sa passion par une apostrophe qui extériorise les mouvements qui l’agitent :
Superbe passion, fay-moy toûjours connoistreQue ma franchise est deüe à qui sera mon maistre, (v. 167-168).
La présence de ces deux passions, l’amour et l’ambition, n’engendre toutefois pas, ni chez Médonie et chez Pharasmane, ni chez Arsace, la naissance d’un dilemme, car chacun des personnages a déjà choisi en faveur de l’une ou l’autre passion. Médonie refuse que ses sentiments nuisent à ses désirs, et affirme son désir de contrôler cette part d’involontaire contenue dans sa sensibilité. C’est à travers le personnage d’Araxie que le déchirement entre deux passions est mis en scène jusqu’à manifester « l’irrégularité de sentiments et de conduite » propre aux héros de Corneille, pour reprendre l’expression de Paul Bénichou92, bien qu’il ne s’agisse pas, comme dans les pièces cornéliennes, d’un conflit qui oppose le devoir à la raison.
Contrairement à sa sœur et aux fils du roi, Araxie est le seul personnage du quatuor pour qui la question de la succession ne compte pas puisque le règne lui est d’emblée acquis grâce à son rang de fille aînée du prédécesseur du roi. Ainsi, chaque fois qu’Araxie s’exprime par un monologue ou lors d’une scène de confidence avec sa sœur, nous quittons la sphère politique, où le « dérèglement passionnel93 » est mis en scène à travers l’expression de l’ambition et de la haine fratricide, pour rejoindre la sphère intime de la passion amoureuse, où la fureur féminine, passion située selon Vialleton « du côté du comportement déréglé94 » manifeste là aussi ce désordre des passions humaines que la tragédie tend à représenter.
À travers ce personnage féminin, Prade met en scène un conflit intérieur entre l’amour et la colère, conflit qui procède de la non-réciprocité de cet amour donné au héros éponyme, et cette non-réciprocité apparaît comme une figure d’un thème tragique que Jean-Yves Vialleton dans sa thèse sur le comportement des personnages dit être hérité de Sénèque, à savoir celui de la « fureur de la femme délaissée95 ». C’est en effet après avoir essuyé le refus de son amant – par l’intermédiaire de sa sœur qui s’efforce de teinter ce refus d’une froideur extrême en rapportant les propos d’Arsace – qu’Araxie tombe sous l’emprise de cette passion. Notons par ailleurs que la non-réciprocité des sentiments est suggérée par certains procédés syntaxiques. Un contraste, dans la manière de s’adresser l’un à l’autre, témoigne d’un déséquilibre dans la relation : Araxie tutoie Arsace, celui vers qui se portent ses sentiments, tandis qu’Arsace, qui ne partage pas cet amour, la vouvoie (acte II, scène 2). Si le vouvoiement d’Arsace est sans doute lié au statut de princesse aînée qui incombe au personnage d’Araxie, celle-ci réserve néanmoins le tutoiement à son amant tandis qu’elle vouvoie Pharasmane. En effet, comme le dit Jean-Yves Vialleton, le tutoiement peut exprimer « une variation du régime affectif96 » ; il peut s’agir dans cette scène d’un tutoiement transgressif, exprimant la fureur97. « Amante en vain de l’autre quand l’autre est son Amant » (v. 993), la déception de cette dernière provoque différents états d’âme avant de prendre la forme de la fureur vengeresse. Araxie apprenant le refus d’Arsace souhaite d’abord mourir tout en lui accordant le trône par amour (v. 322), puis, piquée dans son orgueil, laisse monter sa colère jusqu’à vouloir se venger. Au moment où Araxie donne entièrement prise à sa fureur, elle quitte, en projetant le meurtre et en l’ordonnant, le rôle de son caractère censé être vertueux. Cette fureur extrême annonce celle du personnage racinien d’Hermione qui dans Andromaque commande à Oreste l’assassinat de Pyrrus par jalousie. Comme le rappelle Jean-Yves Vialleton, un tel emportement n’est légitime que dans la mesure où « le personnage est poussé dans la fureur98 ».
D’une part, les vers d’Araxie sont empreints d’une tonalité pathétique qui illustrent la souffrance du personnage en proie à un tourment extrême, et à la scène 3 de l’acte III, les allusions corporelles employées par Araxie manifestent l’emprise totale de cette fureur, qui se répand dans tout son être, comme le relève l’emploi du vocabulaire corporel : « mon sang », « mon cœur » « ma bouche » « ma veüe » et la métaphore filée du feu qui « échauffe » (v. 354) « reluit » (v. 352), « rougit » (v. 354) renforce le caractère excessif de ce sentiment ; comme le dit Araxie à la fin de ces stances : « le desordre où je suis en devient l’interprete » (v. 358), cette fureur se voit, ce qui par ailleurs nous laisse supposer l’importance du jeu de l’actrice qui doit transcrire cet état au public.
De plus, la manière dont Araxie prend à parti les passions qui l’agitent, en s’adressant par une apostrophe à sa propre fureur : « Va, ne me parle plus, ô fureur insensée » (v. 427) témoigne du dédoublement de la personne propre à l’expression du déchirement tragique, comme le dit Georges Forestier évoquant l’extériorisation des passions par le « procédé rhétorique traditionnel de l’allégorisation99 ».
En effet, le recours à l’allégorisation de cette fureur, qui traduit l’effet extrême que celle-ci a sur le personnage en même temps qu’elle permet en quelque sorte à Araxie de la mettre à distance en s’ordonnant à elle-même de ne plus lui donner crédit. L’emploi des questions rhétoriques manifeste ce dialogue intérieur, cette quête du bon comportement ; Araxie parvient seule à maîtriser sa colère excessive et s’empresse de revenir sur son ordre. Elle revient plus tard avec lucidité sur son moment d’égarement et de trouble dont témoigne le choix de certains adjectifs : « confus » (v. 639), « agitée » (v. 640), « irresoluë » (v. 643). Ici le conflit habituel entre la raison et le cœur se déplace du côté de l’amour : Araxie ne prend pas sa raison à partie, ce sont les sentiments qu’elle éprouve pour Arsace qui lui font retrouver le plein gouvernement de sa personne comme nous pouvons le lire au vers 420 : « Mais mon amour veut-il ce que veut ma colere ? ». Bien que son orgueil lui interdise d’avouer au roi son intention criminelle initiale, Araxie fait ensuite preuve de droiture d’esprit en refusant de clamer devant le roi l’innocence d’Arsace, souhaitant que la magnanimité de son amant éclate au grand jour d’elle-même, sans son aide (scène 1, IV).
Enfin, on est en droit de s’interroger sur la part de responsabilité du personnage d’Araxie dans l’attentat commis contre le héros à l’acte II. Si Araxie ordonne à Pharasmane d’assassiner son frère, un tel projet avait déjà été résolu par ce dernier, animé d’une fureur jalouse, comme on peut le lire au vers 199 : « Arsace ton bon-heur te va couster la vie ». Ainsi Araxie n’agit qu’en tant que « cause efficiente » dans l’accomplissement de ce crime, elle ne fait que permettre à Pharasmane, présenté comme un fratricide en puissance dès le début de la pièce, de réaliser son projet haineux sous sa pleine autorité. Pharasmane profite de la fureur passagère d’Araxie pour satisfaire sa propre fureur, faisant de la tentative de fratricide un crime davantage politique que passionnel, la passion d’Araxie ne constituant qu’un moyen pour Pharasmane d’arriver à ses fins. Notons que la manière dont la fureur de Pharasmane est exprimée ressort de ce que G. Forestier nomme dans Passions tragiques et règles classiques « l’esthétique traditionnelle de la fureur passionnelle dans laquelle la raison n’est invoquée que pour souligner la force irrépressible de la passion100 » : le frère d’Arsace, malgré les conseils de Médonie, donne l’empire à sa fureur (v. 229).
L’art de la dissimulation : projets cachés et amour feint §
Est-ce une illusion ? Est-ce une verité ? (v. 949)
Cette question posée par le roi à ses fils résume en quelques mots le balancement permanent, dans la pièce, entre ce qui relève de la feinte et ce qui relève de la réalité. En effet, seuls Arsace et Médonie sont présentés comme des personnages transparents : le thème de la dissimulation se manifeste aussi bien à travers les fourberies de Médonie et de Pharasmane qu’à travers les agissements du roi qui élabore des plans à deux reprises pour mettre en lumière l’affaire criminelle. Les monologues de ces personnages, témoignant à l’audience de leurs projets fallacieux, ainsi que les nombreuses occurrences de termes relevant du faux-semblant : « aveuglement » (v. 152), « je feins » (v. 154), « amour trompeur » (v. 205), mais aussi les didascalies indiquant des apartés, sont autant d’indices textuels qui contribuent au développement d’une atmosphère où règne l’artifice. Les projets du roi sont préparés à l’insu de ses fils et de la princesse Araxie, et à l’insu du Conseil ; seul Vologese est mis dans la confidence. Toutefois, à la scène 6 de l’acte III, les noms des personnages indiquent la présence de Pharasmane sur scène. Il n’y a pas d’indication scénique quant à la manière dont apparaît Pharasmane mais les propos qui sont tenus entre le roi et Araxie nous permettent de supposer que Pharasmane se tient à la dérobée des autres personnages. En effet, le roi annonce à Araxie qu’il va révoquer la décision du Conseil mais qu’il veut d’abord s’entretenir avec ses fils pour voir leur réaction. Ainsi, lorsqu’à la scène 8, le roi parle à ses fils en prétendant consentir à l’arrêt du Conseil à la scène 8, Pharasmane sait qu’il s’agit là d’une manigance et prétend alors se refuser à un tel combat parce qu’il a connaissance du plan du roi.
Pharasmane, esprit averti, se doute à la fois des projets de son père et de « l’amour déguisé » (v. 709) de Médonie. Sa ruse, qu’il emploie pour faire échouer les plans de son père, s’accompagne de l’art du mensonge. À l’acte II, le fils aîné fait mine de ne pas avoir entendu les propos d’Araxie revenant sur son ordre de mise à mort, puis après avoir commis la tentative de fratricide, il se dédouane de son crime en reprenant à son compte les arguments d’Arsace, comme le montre l’exacte répétition des vers 525-528, prononcés par Arsace, aux vers 534-536, qui met le doute dans l’esprit du roi. En outre, il dissimule sa culpabilité en revêtant à plusieurs reprises les traits de caractère de son frère vertueux, d’abord en affirmant à Araxie avoir commis le crime contre son amour fraternel, puis en prétendant devant le roi refuser la décision du Conseil tandis qu’Arsace a commencé par exprimer ce refus, à la scène 7 de l’acte IV.
De même, Médonie fait montre d’une hypocrisie extrême en prétendant aimer chacun des deux frères, et sa volonté d’accéder au pouvoir la conduit à faire fi des lois du sang, puisqu’elle trompe sa propre sœur. Notons par ailleurs que l’amour d’Araxie ne devient réciproque qu’après la découverte du caractère fourbe de Médonie qui refuse les vœux d’Arsace dès lors qu’elle croit que Pharasmane va régner ; ainsi le retour amoureux d’Arsace ne provient pas d’un sentiment d’admiration mais est provoqué par la répulsion que lui inspire Médonie, dont la duplicité la situe aux antipodes de l’idéal héroïque qu’incarne Arsace. Au dénouement, le double assassinat de Médonie et de Pharasmane annonce le triomphe de la vérité sur le mensonge.
Note sur la présente édition §
Il existe une seule édition d’Arsace, Roy des Parthes. La pièce fut exécutée par Théodore Girard en mars 1666 et imprimée par Christophe Journel. On notera que le Privilège d’impression a été enregistré sur le registre de la communauté des libraires en même temps que celui du Festin de Pierre qui devait être publié par le même libraire Louis Billaine, à qui Molière n’a jamais remis son texte. Il subsiste, à notre connaissance, quatorze exemplaires d’Arsace : cinq à la Bibliothèque de l’Arsenal, un au site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF), cinq au site Tolbiac de la BnF, un à la Bibliothèque Mazarine, un à Cherbourg et un à Dublin. Deux exemplaires – l’un à Tolbiac, l’autre à Arsenal – sont signalés sans carton : il s’agit de la conséquence d’un incident de fabrication de l’édition originale. En effet, une partie du texte ayant été oubliée à l’impression, un feuillet a été imprimé et cartonné dans les exemplaires déjà tirés. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes servi de l’exemplaire de la Bibliothèque Mazarine, qui a été cartonné, plutôt que celui qui est en ligne sur Gallica, présent à Tolbiac – cote YF-6230 – qui ne possède pas ce carton. L’exemplaire sur lequel nous avons travaillé se trouve donc à la Mazarine, sous la cote 8º 42113-8. En voici la description matérielle :
Description du volume §
1 vol. in-12º de [XII]-84-[II] p.
[I] : page de titre
[II] : verso blanc
[III-VIII] : épître dédicatoire
[IX-XI] : au lecteur
[XII] : acteurs
1-82 : texte de la pièce
[XIII] : extrait du privilège du Roy
Description de la page de titre §
ARSACE / ROY DES PARTHES, / TRAGEDIE. / DE MONSIEUR DE PRADE. / Representée par la Troupe / du Roy. / [fleuron du libraire ] / A PARIS, / chez THEODORE GIRARD, dans la grand’ / Salle du Palais, à l’Envie. / [ filet ] / M. DC. LXVI. / AVEC PRIVILEGE DV ROY
Établissement du texte : §
Nous avons suivi l’édition originale. Nous avons reporté à droite et mis entre crochets la pagination. Nous avons respecté la pagination d’origine, d’où la duplication des pages 48 et 49.
Nous nous sommes abstenue de corriger toutes les variantes orthographiques comme « bon-heur », « mal-heur », « long-temps », « tous-jours », « moy », « deuë » pour dûe, « sceue » pour sûe, courroux/couroux, etc. puisque l’orthographe au xviie n’était pas rigoureusement fixée.
Cependant, nous avons effectué quelques modifications pour faciliter la compréhension du texte :
Nous avons rétabli les « s » selon l’usage moderne.
Conformément à l’usage moderne, nous avons systématiquement rétabli la distinction entre « u » et « v » ainsi qu’entre « j » et « i ».
Concernant l’emploi des accents, nous avons suivi le texte original, comme pour « réünissant » (v. 71) ou « advoüez » (v. 227), excepté pour les accents diacritiques : nous avons corrigé « a » par « à » aux vers 57, 218, 228, 1339, « ou » par « où » aux vers 132 et 166.
Nous avons dénasalisé les voyelles surmontées d’un tilde : « viendroient » pour « viendroĩt », « contraindre » pour « cõtraindre », « cõme » pour « comme ».
Nous avons délié la ligature coordonnante & en « et ».
Corrections §
Nous avons conservé la ponctuation de l’époque, sauf lorsqu’elle nous semblait fautive. La présence d’un point signale généralement la fin d’une phrase mais peut aussi être l’équivalent de nos points de suspension actuels (en plus du point, on peut aussi trouver une virgule ou plusieurs points à la suite). La présence d’une virgule, d’un point-virgule ou des deux‑points signale une pause plus ou moins longue lors de la déclamation. Nous avons seulement corrigé les points d’interrogation, qui se confondent parfois avec les points d’exclamation, afin de redonner au texte tout son sens.
Nous avons uniformisé les points de suspension, dont la graphie n’est pas fixée au xviie siècle, selon l’usage moderne.
Nous avons conservé les majuscules, qui ont une valeur de mise en relief, principalement s’agissant de noms ayant rapport à un titre royal, ou à un lien de parenté, comme pour : « Roy », « Père » (v. 875), « Amant » (v. 993), « Couronne », « Sceptre ».
De même, l’emploi des majuscules après un point-virgule a été conservé, eu égard à la valeur de ce signe de ponctuation qui marque une pause entre deux périodes.
Nous avons rétabli le point d’interrogation lorsque la phrase avait un sens interrogatif.
Le renvoi au lexique est signalé par un astérisque à la fin d’un mot.
Ponctuation : §
[et quelque chagrin que vous ait pu donner le larcin qu’il vous a fait de VOSTRE ARSACE. Je pense que vous devez estre satisfait] (Épître)
« Deviendrez-vous subjet dans vos propres Estats. » (v. 1).
« Lors que l’un sur le Trône élevant son destin. » (v. 34)
« Leur donner tout par elle, et m’espargner l’employ. » (v. 41)
« Elles veulent ma mort et vous les consultez : » (v. 346).
« PHARASMANE » PHARASMANE. (p. 21)
« ARSACE » (p. 74).
« Si vous me connoissez quel remors vous arreste. » (v. 780): si vous me connoissez quel remors vous arreste ?
« Ou comme moy peut-estre il en connoist l’adresse » (v. 840) : Ou comme moi peut-estre il en connoist l’adresse ;
« Et ne differe ainsi vostre propre bonheur. » (v. 1086): Et ne differe ainsi vostre propre bonheur,
« Ha ! Prince, de quel bien plus long-temps souhaité, Me pouviez-vous payer celuy qui m’est osté. » (v. 1157-1158) : Ha ! Prince, de quel bien plus long-temps souhaité, Me pouviez-vous payer celuy qui m’est osté ?
« Et qu’ainsi mon amour m’en imposant la loy. Avecque plus d’éclat vous asseure ma foy. » (v. 1177-1178) : Et qu’ainsi mon amour m’en imposant la loy, avecque plus d’éclat vous asseure ma foy.
Coquilles : §
Épître : « laterre »
Avertissement : « Bourgongne » §
Acte I :
« perdrason » (v. 36), « N’y » (v. 53), « est » (v. 258), « ARAXIS ».
Acte II :
« n’y » (v. 415), « quelque » (v. 389), « l’autredroit » (v. 492), « puor » (v. 538), « la » (v. 600), « Selucie » (v. 605), « sy » (v. 606).
Acte III :
« Quant » (v. 631), « Princesse » (v. 633), « la » (v. 644), « ARAXIE » : ARSACE (p. 40), « conduisez-là » (v. 843), « legetimes » (v. 908), « fortue » (v. 911), « à » (v. 966).
Acte IV:
« ou », (v. 1024), « jevay » (v. 1070), « la » (v. 1082), « ou » (v. 1188), « a » (v. 1258).
Acte V:
« A profondir », (v. 1418), « n’esperes » (v. 1503), « maider » (v. 1531), « Parasmane » (v. 1553), « fais » (v. 1579), « où » (v. 1603), « répens » (v. 1618), « on » (v. 1637).
Arsace, roy des Parthes §
A MONSIEUR, §
MONSIEUR
DE PRADE
MONSIEUR,
Voicy une restitution qu’un de vos meilleurs amis m’a chargé de vous faire ; et quelque chagrin que vous ait pu donner le larcin qu’il vous a fait de VOSTRE ARSACE, je pense que vous devez estre satisfait de la maniere dont il le repare, puis qu’il vous le rend à milliers pour un seul qu’il vous a pris. Si pourtant il vous en reste quelque ressentiment ; Considerez, s’il vous plaist, MONSIEUR, qu’il n’a point eu d’autre dessein que de vous acquerir l’estime de toute la terre, que d’exposer au grand jour une merveille que vous condamniez à des tenebres eternelles, et que le voulant dérober à tout le monde, vous estiez plus coupable que luy, qui ne l’a dérobé qu’à vous seul. En effect, le but de l’Art estant de plaire au public, il faloit que vous eussiez eu intention de l’en gratifier ; et si quelque consideration vous en avoit empesché pendant plusieurs années ; il estoit du devoir d’un amy de vous ramener à la premiere comme à la plus juste. Reconnoissez donc, MONSIEUR, que vous avoir fait un larcin de cette sorte, c’est avoir sceu vous rendre un bon office ; commencez à vous loüer de luy101, puis qu’il vous a fait loüer par tant d’honnestes gens qui ont applaudy à vostre ouvrage ; et s’il a disposé sans vous d’un bien qui vous appartenoit, vous devez vous en prendre à l’estime qu’il en a fait, comme je le mets sous la presse par celle que j’en ay vû faire à plusieurs personnes d’esprit et de merite,
Je suis,
MONSIEUR,
Vostre tres-humble et tres-obeissant serviteur,
GIRARD102.
AU LECTEUR. §
Ceux qui trouveront dans cét Ouvrage de la conformité avec quelques autres103 qui ont parû depuis six ou sept années, sont advertis qu’il estoit en estat d’estre mis au jour104 dés l’année 1650. Que les suivantes il fut promis dans les Affiches des Comediens du Marais, et depuis annoncé par ceux de l’Hostel de Bourgogne ; et que si Monsieur de Prade, qui ne l’avoit fait que pour son divertissement particulier, ne se fust opposé à la representation, il y eut éclatté dés ce temps-là avec tous les avantages que luy pouvoient donner ses beautez naturelles, soûtenuës des charmes de la nouveauté. Il a esté leu à une infinité de personnes de merite qui peuvent en rendre témoignage : Messieurs de Sainte Marthe, le Vayer de Boutigny, Lebret, de Folleuille, l’Abbé de la Motte le Vayer, de Montauban, de Scudery, de Rotrou, du Ryer, et Beïs105 ont publié dés l’année 1653, l’estime qu’ils en faisoient. Et il y a neuf ou dix ans que l’on en fit une lecture chez Monsieur le Comte de la Serre, où se trouverent Messieurs Quinault et Corneille le jeune106, ce dernier mesme y releut à loisir quelques endroits dont il fut touché : Après cela je pense qu’il est aisé de conclure en faveur de Monsieur de Prade, puis qu’il ne pouvoit pas avoir jetté les yeux dans l’avenir pour y chercher un modele de son travail dans des pieces qui pour lors n’estoient pas seulement en idée. J’espere que l’on lui rendra justice, et que l’on estimera pas moins les belles choses, qui sont dans son ouvrage leur lieu naturel, que l’on a fait dans ceux où elles estoient transplantées.
Le sujet d’Arsace est tiré du 42, livre de Justin107, où il dit qu’Artaban septième Roy des Parthes succeda à son neveu Phradate108 : Et sur ce peu de mots qui contiennent ce qu’il y a de veritable, le reste a esté imaginé ; en sorte neantmoins que l’histoire en est plûtost estendüe que contredite. Que si l’on y represente Pharasmane si criminel, ce n’a pas esté sans fondement, puisque le mesme Justin témoigne qu’il estoit ordinaire aux Parthes d’avoir des Roys Parricides.
Pour les vers je n’en diray rien, mais ceux qui s’y connoissent demeureront d’accord qu’on n’en a gueres veu de mieux imaginez, ou plus forts également par tout, et plus justes, ny de mieux tournés, et qui brillent d’un feu si vif. Aussi ont-ils fait dire à l’un des plus beaux genies de ce temps, qu’il n’avoit point encore veu de piece où il eut trouvé tant d’esprit, et l’illustre Monsieur Corneille, qu’elle avoit assez de beautez pour parer trois pieces entieres.
ACTEURS.
- ARTABAN, Roy des Parthes.
- PHARASMANE, fils aisné d’Artaban.
- ARSACE, son frere.
- VOLOGESE,
- Seigneur Parthe. ARAXIE,
- fille aisnée de Phradate, prédecesseur d’Artaban. MEDONIE,
- sa soeur.
- Le Capitaine des Gardes.
ACTE I. §
SCENE PREMIERE. §
VOLOGESE.
LE ROY.
VOLOGESE.
LE ROY.
VOLOGESE.
LE ROY.
VOLOGESE.
LE ROY.
VOLOGESE.
SCENE II. §
[p. 4]LE ROY,
ARAXIE.
LE ROY,
ARAXIE.
LE ROY.
SCENE III. §
MEDONIE.
ARAXIE.
ARAXIE.
MEDONIE.
ARAXIE.
MEDONIE.
ARAXIE.
MEDONIE.
ARAXIE.
SCENE IV. §
MEDONIE.
SCENE V. §
[Av ; 9]PHARASMANE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
[p. 10]PHARASMANE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
SCENE VI. §
[p. 12]PHARASMANE.
SCENE VII. §
ARSACE.
MEDONIE.
ARSACE.
MEDONIE.
ARSACE.
ACTE II. §
[p. 15]SCENE PREMIERE. §
MEDONIE,
ARAXIE.
MEDONIE.
SCENE II. §
ARSACE.
ARAXIE.
ARSACE.
ARAXIE,
ARSACE,
SCENE III. §
ARAXIE.
SCENE IV. §
[p. 19]ARAXIE.
SCENE V. §
[p. 20]PHARASMANE.
ARAXIE,
PHARASMANE.
ARAXIE.
PHARASMANE.
ARAXIE.
PHARASMANE.
ARAXIE,
PHARASMANE,
ARAXIE.
SCENE VI. §
[p. 23]PHARASMANE.
SCENE VII. §
[p. 24]ARSACE.
PHARASMANE,
ARSACE,
PHARASMANE.
SCENE VIII. §
[B ; 25]LE ROY,
PHARASMANE.
ARSACE.
LE ROY.
PHARASMANE.
LE ROY,
ARSACE.
LE ROY,
PHARASMANE.
ARSACE.
LE ROY.
[Biij ; 29]SCENE IX. §
[Biiij ; 31]LE ROY.
VOLOGESE.
LE ROY.
Fin du second Acte.
ACTE III. §
[p. 33]SCENE PREMIERE. §
PHARASMANE.
ARAXIE.
PHARASMANE.
ARAXIE.
PHARASMANE.
ARAXIE.
PHARASMANE.
ARAXIE.
[p. 36]SCENE II. §
SCENE III. §
[p. 37]MEDONIE.
PHARASMANE.
MEDONIE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
MEDONIE.
SCENE IV. §
ARSACE.
PHARASMANE.
ARSACE.
PHARASMANE.
ARSACE.
PHARASMANE.
ARSACE.
PHARASMANE.
ARSACE.
PHARASMANE.
ARSACE.
PHARASMANE.
ARSACE.
PHARASMANE.
ARSACE.
SCENE V. §
[p. 43]PHARASMANE.
SCENE VI. §
LE ROY.
ARAXIE. §
ARAXIE.
LE ROY.
ARAXIE.
LE ROY.
SCENE VII. §
[p. 46]LE ROY.
SCENE VIII.[47] §
LE ROY,
PHARASMANE.
LE ROY.
PHARASMANE.
LE ROY.
PHARASMANE.
ARSACE.
LE ROY,
ARSACE.
PHARASMANE.
LE ROY.
PHARASMANE.
LE ROY.
ARSACE.
LE ROY.
ARSACE.
PHARASMANE.
LE ROY.
SCENE IX. §
LE ROY.
VOLOGESE.
LE ROY.
Fin du troisième Acte.
ACTE IV. §
[p. 51]SCENE PREMIERE. §
ARAXIE.
LE ROY.
ARAXIE.
LE ROY.
SCENE II.[54] §
ARAXIE,
SCENE III. §
[p. Ciiij ; 55]PHARASMANE.
ARSACE.
SCENE IV. §
[p. 56]MEDONIE.
PHARASMANE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
[p. Cv ; 57]ARSACE.
MEDONIE.
ARSACE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
ARSACE.
SCENE V. §
[p. 61]MEDONIE.
PHARASMANE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
MEDONIE.
PHARASMANE.
SCENE VI.[64] §
LE ROY.
PHARASMANE.
LE ROY.
SCENE VII. §
[p. 66]PHARASMANE.
Fin du quatriesme Acte.
ACTE V. §
[p. 67]SCENE PREMIERE. §
ARSACE.
ARAXIE.
SCENE II. §
[p. 68]ARAXIE.
SCENE III. §
VOLOGESE.
VOLOGESE.
ARAXIE.
VOLOGESE.
ARAXIE. §
VOLOGESE.
ARAXIE.
VOLOGESE.
ARAXIE.
VOLOGESE.
ARAXIE.
SCENE IV. §
LE ROY.
ARAXIE.
LE ROY.
[p. 72]ARAXIE.
LE ROY.
SCENE V. §
[p. D ; 73]LE ROY.
ARSACE.
LE ROY.
ARAXIE.
LE ROY.
SCENE VI. §
[p. 76]VOLOGESE.
LE ROY. §
VOLOGESE. §
LE ROY.
ARSACE.
ARAXIE.
LE ROY.
VOLOGESE.
SCENE DERNIERE. §
PHARASMANE,
LE ROY,
PHARASMANE,
LE ROY.
PHARASMANE.
LE ROY.
ARSACE.
PHARASMANE,
ARSACE.
PHARASMANE.
LE ROY.
PHARASMANE.
LE ROY.
PHARASMANE.
(On l’emporte.)
LE ROY,
[p. 82]FIN.
Annexes §
Glossaire §
Dictionnaire français de Richelet (Richelet), 1680.
Dictionnaire français de Furetière (Furetière), 1690.
Dictionnaire de l’Académie (Académie), première édition, 1694.
Trésor de la Langue Française Informatisé, http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.
Bibliographie générale §
Les sources §
a) œuvres de Prade : §
- Prade, Jean le Royer, Arsace, roy des Parthes, tragédie, Paris, Théodore Girard, 1666.
- Annibal, tragi-comédie, Paris, Nicolas et Jean de la Coste, 1649. (sieur D. P).
- La Victime d’Estat, ou la Mort de Plautius Silvanus Preteur Romain, tragédie, Paris, Pierre Targa, 1649. (sieur D. P.)
b) œuvres contemporaines : §
- Corneille, Thomas, Camma, reine de Galatie, tragédie, Paris, Augustin Courbé, 1661.
- Cyrano de Bergerac, Histoire comique de Monsieur de Cyrano Bergerac, contenant les Estats et Empires de la Lune, Paris, chez Charles de Sercy, 1657(BNF, Rés. p. Y2, 2969).
- La Grange, Registre, Archives de la comédie-française, Paris, J. Claye, 1876.
- Le Parasite Mormon, s. l., s. n., 1650.
- Magnon, Jean, Artaxerxe, tragédie, Paris, chez Cardin Besogne, 1645, Bibliothèque de l’Arsenal [Rf : 6479]
- Quinault, Philippe, Amalasonte, Wolfgang, [Amsterdam], 1661.
- Quinault, Philippe, Les Coups de l’Amour et de la Fortune, Paris, Guillaume de Luyne, 1655.
c) Histoire ancienne : §
- Justin, Histoire universelle extraite de Trogue Pompée, trad. Jules Pierrot et E. Boitard, Paris, éd. C. L. F. Panckoucke, 1733, tome 2, XLI et XLII.
- Plutarque, Vie d’Artaxerxès, dans La Vie des hommes illustres, édition établie et annotée par Gérard Walter, trad. J. Amyot, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1951, tome II, chap. V.
d) Poésie : §
- Aristote, La Poétique, éd. M. Magnien, Paris, Le Livre de Poche classique, 1990.
Instruments de travail : §
a) Bibliographies et répertoires des auteurs et pièces de théâtre : §
- Cioranescu, Alexandre, Bibliographie de la littérature française du xviie siècle, CNRS éditions, 1965-1966 (3 vols.).
- Lachevre, Frédéric, Bibliographie des Recueils collectifs de Poésies publiées de 1597 à 1700, Paris, Henri Leclerc, 1903, t. II.
- Lancaster, Henry Carrington, A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1929-1942 (5 part. en 9 vol.).
- Le Catalogue de la bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, catalogue rédigé par P. L. Jacob, bibliophile, Paris, Alliance des Arts, 1843-1845.
- Parfaict, Cl. et Fr., Histoire du théâtre français des origines jusqu’à présent, t. X et XVIII, Paris, 1734-1749, 15 vol. ; Genève, Slatkine reprints, 3 vol., 1967.
- Riffaud, Alain, Répertoire du théâtre français imprimé, Genève, Droz, 2009.
b) Grammaire, ponctuation, linguistique : §
- Fournier, Nathalie, Grammaire du Français Classique, Paris, Belin, 1998 ; rééd. Belin Sup., 2002.
- Haase, Albert, Syntaxe française du xviie siècle, Paris, Delagrave, 1935.
c) Dictionnaires §
- Académie Française, Dictionnaire, Paris, J.-B. Coignard, 1694 (2 vol.).
- Furetière, Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts, La Haye et Rotterdam, 1690.
- Richelet, Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, et plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise…avec les termes les plus connus des arts et des sciences, Genève, J. H. Widerhold, 1680. (2 vol.).
- Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, 1967, rééd. 2000.
Travaux critiques §
a) Histoire, histoire des idées, histoire de la littérature : §
- Adam, Antoine, Histoire de la littérature française du xviie siècle, Paris, Albin Michel, 1996.
- Benichou, Paul, Morales du Grand Siècle, Paris, Gallimard, 1948.
- Forestier, Georges, Introduction à l’analyse des textes classiques, Paris, Armand Colin « coll. 128 », 1993, réed. 2012.
- Fukui, Yoshio, Raffinement précieux dans la poésie française duxviie siècle, Paris, Nizet, 1964.
– Van Hollebeke, B. « Étude sur Molière. Molière et ses contemporains dans le Misanthrope… », La Revue trimestrielle, Paris, 1862.
b) Histoire du théâtre et dramaturgie : §
- Aubignac, François Hédelin, La Pratique du théâtre, Genève, Slatkine, 1996.
- Delmas, Christian, La Tragédie de l’âge classique,1553-1770, Paris, Seuil, 1994.
- Forestier, Essai de génétique théâtrale. Corneille à l’œuvre, Genève, Droz, 2004 [première édition 1996].
- Forestier, Georges, La Tragédie française. Passions tragiques et règles classiques, Armand Colin, « coll. U », 2010.
- Mazouer, Charles, Le Théâtre français de l’âge classique, I et II, Paris, Champion, 2010.
- Scherer, Jacques, La Dramaturgie classique en France, Nizet, s. d. [1950], réed. 1986.
- Vialleton, Jean-Yves, Poésie dramatique et prose du monde. Le comportement des personnages dans la tragédie en France auxviie siècle, Paris, Champion, 2004.
c) Prade et ses relations : §
- Alcover, Madeleine, « Le Bret, Cuigy, Casteljaloux, Bignon, Royer de Prade et Regnault des Boisclairs : du nouveau sur quelques bons amis de Cyrano et sur l’édition posthume des États et Empires de la Lune (1657) », Les Dossiers du Grihl [En ligne], Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Libertinage, athéisme, irréligion. Essais et bibliographie, mis en ligne le 24 février 2009, consulté le 02 avril 2016. URL : http://dossiersgrihl.revues.org/3414.
- Alcover, Madeleine, « Éphémérides ou biographie sommaire de Savinien de Cyrano de Bergerac », Les Dossiers du Grihl [En ligne], Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Libertinage, athéisme, irréligion. Essais et bibliographie, mis en ligne le 18 février 2010, consulté le 12 avril 2016. URL : http://dossiersgrihl.revues.org/3817
- Cyrano de Bergerac, Les Etats et Empires de la Lune et du Soleil avec le Fragment de physique, éd. Madeleine Alcover, Paris, H. Champion, 2004.
- Fabureau, H., « Le Parasite Mormon », Mercure de France, nº 1048 (déc. 1950).
- Factum pour Dame Marie de Roquetun-La Tour, Veuve de Messire Pierre Thibault, Chevalier Seigneur de la Boessiere, Intimée et Accusatrice, Paris, Dame de la Boessiere, 1673.
- Lachèvre Frédéric, Les Œuvres libertines de Cyrano de Bergerac précédées d’une notice biographique, t. I, Paris, Honoré Champion, 1921.
- Henry Le Bret, Cyrano de Bergerac, Charles Dassoucy, Charles Nodier, Théophile Gautier, Paul Lacroix, Remy de Gourmont, Cyrano de Bergerac dans tous ses états, éd. Laurent Clavier, Toulouse, Anacharsis, 2004.
- Margoulies, Gilles, « Corneille, Bréboeud et le Prade », Revue d’histoire littéraire de la France, tome trente-cinquième, 1928, Paris, Armand Colin, p 397-400.
- Molière,Le Festin de Pierre, dans Œuvres complètes, t. II, éd. Georges Forestier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2010, p. 1638 et n. 1.