M. DC. XXXVII. AVEC PRIVILÈGE DU ROI.
PAR MONSIEUR DE SCUDERY
À MONSEIGNEUR L’EMINENTISSIME CARDINAL, DUC DE RICHELIEU §
Après tant de bienfaits, et tant de faveurs dont je vous suis redevable, la fortune ayant refusé toujours à mes injustes désirs, les moyens de vous faire voir par mes services, ma reconnaissance, l’ardeur de mon zèle, et la grandeur de mon affection, je me suis enfin résolu de vous le faire comprendre, en vous montrant leur objet : a permission que vous ’avez donnée de vous offrir cet ouvrage, m’en a fait naître l’occasion ; et comme vous savez que les peintres et les poètes ont des conformités, qui peuvent leur acquérir mêmes privilèges, j’ai cru que vous ne vous en offenseriez pas, de voir votre portrait au commencement de ce livre, puisque vous avez assez de bonté pour souffrir à tous ceux qui l’ont au cœur comme moi, de la placer dans leurs cabinets, ou de la porter en médailles. Je sais qu’à moins que d’avoir en main la pinceau de Ferdinand, ou le crayon de Dumonstier, on ne devrait jamais entreprendre un si haut dessein : mais quand je considère que la difficulté qui se trouve à vous faire ressembler parfaitement, est une marque de votre gloire, et que la faiblesse que je ferai paraître en cette entreprise, me sera commune avec tous les illustres du siècle où nous sommes ; je ne peux retenir ma plume, et je me sens forcé de faire voir au jour, l’idée que je conserve en la mémoire de tant de rares vertus que toute la terre adore en votre Éminence. Agréez donc (Monseigneur) que j’apprenne à la postérité, que j’ai l’honneur d’avoir pour Maître, un homme qui mériterait de l’être de tout le monde, et qui pourrait même le devenir, par le choix de l’Esprit de Dieu si sa générosité ne le portait à n’avoir point d’autre ambition, que celle de voir régner avec pompe et majesté, le plus juste de tous les rois : aimant mieux en rester sujet, que de s’en rendre le père. Cette vérité qui m’anime, est si généralement connue, qu’il n’est point d’États si éloignés de notre monarchie, qui n’admirent en vous cet esprit désintéressé, qui se remarque en toutes vos actions, comme en tous vos conseils : l’histoire nous peut montrer des homes dans l’antiquité, qui sans doute ont fait pour eux de belles et grandes choses ; mais elles ne nous produit point d’exemple de ce zèle ardent, qui vous fait perdre votre repos, pour assurer celui des peuples, et qui vous oblige tous les jours à hasarder pour eux votre illustre vie, par tant de soins et par tant de veilles, qui peuvent altérer votre tempérament, et détruire votre santé. De sorte (Monseigneur) qu’on peut dire sans hyperbole, que le roi n’a point de capitaine, nid e soldat en ses armées qui s’expose à de si grands périls que vous, ni qui plus souvent ait affronté la mort, sans le craindre : Mais si votre courage éclate, votre conduite et votre prudence ne donnent pas moins d’étonnement : cet esprit pénétrant qui vous fait prévoir les desseins de nos ennemis, est un rayon de divinité, qui souvent a fait tomber sur eux les malheurs qu’ils nous préparaient. Et c’est avec ces armes puissantes, que vous avez rendu celles du Roi victorieuses. Vous avez employé l’adresse, où la violence était inutile ; vous avez fait agir la force, où la douceur ne pouvait servir, et s’il se trouve quelqu’un assez hardi pour entreprendre votre histoire, il ne faudra point d’autre lecture pour devenir savant en Politique, puisqu’on verra par les événements tous ce que les autres ne nous montrent que par les règles ; et dans l’être des choses, ce qui n’avait jamais été qu’en idée : mais je crains bien qu’il ne soit point de plume assez forte, pour pouvoir s’élever si haut: et j’ose même dire que vous seul pouvez bien faire votre image. Oui Monseigneur, c’est de votre main que vous devez attendre l’immortalité que les autres vous promettent, et que vous mérités avec tant de justice. Quand nous aurions des Appelles et es Phidias, et qu’ils emploieraient ls plus vives couleurs de la peinture, l’or, le marbre, la jaspe, et le porphyre, pour vous faire des tableaux et des statues ; tout cela ne serait point assez fort pour défendre la gloire de votre nom contre les injures du temps. L’expérience nous fait voir que tous les arcs triomphants qu’autrefois on avait élevés pour éterniser la mémoire de ce même CÉSAR que je vous présente, ne nous donneraient que de faibles marques de sa grandeur et de sa vertu, si ses commentaires ne le faisaient revivre en la même splendeur qu’il était en les écrivant. Souffre donc (Monseigneur) que je vous conjure à genoux au nom de toute la France, de vouloir imiter cet illustre dictateur, et de travailler vous-même à votre gloire, puisque vous en êtes le seul capable : afin que tous les siècles suivants, croient aussi bien que moi, lorsqu’ils apprendront les miracles de votre vie, que si le grand CÉSAR fut venu dans le temps où vous êtes, pour acquérir le titre glorieux du vainqueur des Gaules, la couronne qu’il obtint après dix ans de combats, aurait paru sur votre tête : et nous vous eussions vu triompher d’un homme, qui triomphait de tous les autres. Mais comme on ne saurait faire que deux ages tant éloignés se réduisent en un, je fais du moins que ce même CÉSAR, qui pouvait être votre captif, a besoin de votre protection ; ne lui refusez pas une grâce qui lui est si nécessaire, car je ne doute point qu’il ne se trouve des BRUTUS, qui le persécuteront encor dans mon ouvrage : mais il les vaincra tous sans peine, pourvu que vous les regardiez favorablement, et que vous me permettiez de publier que vous voulez bien que le sois toute ma vie,
MONSEIGNEUR,
Votre très humble, très obéissant, et très passionné serviteur. DE SCUDERY.
AU LECTEUR. §
Il est des tragédies, comme des beautés sérieuses, elle ne plaisent pas à tout le monde : ce genre de poème, qui n’a pour objet que d’émouvoir les passions, et de donner de l’horreur et de la pitié, ne saurait être le divertissement de ces humeurs enjouées, qui n’en trouver qu’à rire. Quelque sublime que soit l’esprit de Sénèque, celui de Plaute leur agréera davantage : et sans doute ils préféreront la naïveté de l’un, à la magnificence de l’autre. Mais pour moi, sans condamner le sentiment de personne, pour autoriser le mien, soit qu’il vienne de ma raison, ou de mon tempérament, j’avoue que le poème grave, attire mon inclination toute entière : et que je me fais violence, lorsqu’on me voit travailler, sur un sujet qui ne l’est pas. Comme toutes les choses qui sont en la Nature, vont à leur centre, avec une merveilleuse facilité, je sens bien que mon génie s’élève, plus aisément qu’il ne s’abaisse : et que le style pompeux me coûte moins que le populaire. J’ai plus de peine, à faire parler des bergers que des rois ; et les maximes de la Morale et de la Politique s’offrent plutôt à mon imagination, que je n’y trouve cette humble et douce façon d’écrire, que demande un ouvrage comique. Ce discours (Lecteur) est plus un effet de ma crainte, que de ma vanité, et je veux plutôt excuser mes autres pièces, que te louer celle-ci. Ce n’est pas que je la juge absolument mauvaise, mon opinion particulière serait trop orgueilleuse, si elle voulait combattre la générale : et je ne mettrais jamais au jour, une chose que j’en croirais indigne. Je sais bien que cette tragédie est dans les règles, qu’elle n’a qu’une principale action, où toutes les autres aboutissent, que la bienséance des choses s’y voit assez observée, le théâtre assez bien entendu, et les pensées, et la locution, assez proportionnées à la grandeur de mon sujet ; et qu’enfin, si je dois tirer quelque gloire de la poésie, il faut que cet ouvrage me la donne. Mais avec tout cela, je t’avoue, que l’idée que j’ai conçu de cet Art, est si haute, que mes paroles n’en sauraient approcher, et qu’à la représentation de mes poèmes, je suis toujours le moins satisfait. Ne t’imagine donc pas, de voir un tableau fini, puisque j’écris à tous ceux qui partent de ma main, SCUDERY FAISAIT CETTE PEINTURE, et non pas jamais, A FAIT : tant il est vrai que j’ébauche mieux que je n’achève, tant il est certain que je le connais. Au reste, je dois t’avertir, que je fais dire des choses à Brutus, que l’Histoire met en la bouche de Décimus Brutus Albinus, mais ne crois pas que ce rapport de noms ait embrouillé mon jugement, et m’ait fait prendre l’un pour l’autre : j’ai trop étudié Plutarque, pour tomber en cette erreur, dont je ne suis point capable ? Mais c’est un dessein qui regarde le théâtre, et qui pour faire mieux agir le principal acteur, s’écarte un peu de la vérité, dans une chose de nulle importance. Je sais bien que Brutus a des sectateurs, qui ne le trouveront pas bon, mais outre que j’écris sous une monarchie et non pas dans une République, je confesse que je n’ai pas de ce Romain, les hauts sentiments qu’ils en ont ; car s’il aimait tant la liberté de sa Patrie, je trouve qu’il devait mourir avec elle ; après la perte le bataille de Pharsale, sans attendre cette de Philippes. Il ne devait point devenir le flatteur de CÉSAR, pour s’en rendre après l’assassin ; ou plutôt la parricide : et s’il aimait tant la philosophie, il devait finir sans lui dire des injures, et ne pas faire voir qu’il était heureux. Mais j’ai tort de songer aux fautes des grands hommes de l’Antiquité, lorsque je fais imprimer les miennes : et j’aurais plus de raison, de chercher de quoi faire mon apologie, que leur censure. Mais je ne veux ni te flatter, ni te prévenir ; je te laisse ton jugement libre et ne te le demande qu’équitable.
LES ACTEURS §
- CÉSAR, dictateur perpétuel.
- CALPHURNIE, sa femme.
- BRUTE, sénateur.
- PORCIE, sa femme.
- CASSIE, sénateur.
- LÉPIDE, sénateur.
- ANTOINE, sénateur.
- LABEO, sénateur.
- QUINTUS, sénateur.
- ALBIN, sénateur.
- CHOEUR d’autres sénateurs.
- ARTEMIDORE, réthoricien grec.
- ÉMILIE, suivante de Calphurnie.
- PHILIPPUS, affranchi de César.
- CHOEUR du peuple Romain.
PROLOGUE §
Le Tibre, La Seine. §
LE TIBRE.
LA SEINE.
LE TIBRE.
LA SEINE.
ACTE I §
SCÈNE I. Brute, Cassie. §
BRUTE.
7CASSIE.
BRUTE.
CASSIE.
BRUTE.
CASSIE.
BRUTE.
CASSIE.
BRUTE.
CASSIE.
BRUTE.
CASSIE.
BRUTE.
CASSIE.
SCÈNE II. Porcie, Brute. §
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
ACTE II §
SCÈNE PREMIÈRE. Lépide, Antoine. §
LÉPIDE.
ANTOINE.
LÉPIDE.
ANTOINE.
LÉPIDE.
ANTOINE.
SCÈNE II. Calphurnie, César, Philipus. §
CALPHURNIE.
CÉSAR.
CALPHURNIE.
CÉSAR.
CALPHURNIE.
CÉSAR.
CALPHURNIE.
CÉSAR.
CALPHURNIE.
CÉSAR.
CALPHURNIE.
CÉSAR.
CALPHURNIE.
SCÈNE III. Brute, Cassie. §
BRUTE.
CASSIE.
21BRUTE.
CASSIE.
BRUTE.
SCÈNE IV. Porcie, Cassie, Brute. §
PORCIE.
CASSIE.
BRUTE.
CASSIE.
PORCIE.
CASSIE.
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE.
CASSIE.
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
ACTE III §
SCÈNE PREMIÈRE. César, Antoine, Lépide, Philippus. §
CÉSAR.
ANTOINE.
CÉSAR.
ANTOINE.
CÉSAR.
LÉPIDE.
CÉSAR.
ANTOINE.
CÉSAR.
ANTOINE.
PHILIPPUS.
CÉSAR.
SCÈNE II. Brute, Cassie, Labéo, Quintus, Albin, Artimore. §
BRUTE.
CASSIE.
LABEO.
QUINTUS.
ALBIN.
BRUTE.
ALBIN.
BRUTE.
CASSIE.
BRUTE.
SCÈNE III. §
ARTEMIDORE.
SCÈNE IV. Calphunie, Porcie. §
CALPHURNIE.
PORCIE.
CALPHURNIE.
PORCIE.
ACTE IV §
SCÈNE I. César, Antoine, Lépide. §
CÉSAR.
ANTOINE.
LÉPIDE.
SCÈNE II. Brute, César, Antoine, Lépide. §
BRUTE.
CÉSAR.
BRUTE.
ANTOINE.
BRUTE.
LÉPIDE.
BRUTE.
CÉSAR.
SCÈNE III. Calphurnie, César, Brute, Antoine, Lépide. §
CALPHURNIE.
CÉSAR.
BRUTE.
CÉSAR.
CALPHURNIE.
SCÈNE IV. §
PORCIE.
SCÈNE V. Brute, César, Antoine, Lépide. §
BRUTE.
CÉSAR.
BRUTE.
SCÈNE VI. Artemidore, Brute, César, Antoine, Lépide, Cassie, Labéo. §
ARTEMIDORE.
BRUTE.
CÉSAR.
BRUTE.
SCÈNE VII. Albin, Antoine, Lépide. §
ALBIN.
29ANTOINE.
LÉPIDE.
ANTOINE.
ALBIN.
SCÈNE VIII. César, Brute, Cassir, Labéo, Quintus, Albin, Choeur d’autres sénateurs. §
CÉSAR.
CASSIE.
CÉSAR.
CASSIE.
CASSIE.
BRUTE.
CÉSAR.
BRUTE.
ACTE V §
SCÈNE I. Antoine Lépide. §
ANTOINE.
LÉPIDE.
ANTOINE.
SCÈNE II. Calphurnie, Émilie. §
ÉMILIE.
CALPHURNIE.
ÉMILIE.
CALPHURNIE.
ÉMILIE.
CALPHURNIE.
SCÈNE III. Philippus, Calphurnie, Émilie. §
PHILIPPUS.
CALPHURNIE.
SCÈNE IV. Brute, Cassie. §
BRUTE.
CASSIE
BRUTE.
CASSIE.
BRUTE.
SCÈNE V. Brute, Porcie. §
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
PORCIE
BRUTE.
PORCIE.
BRUTE.
SCÈNE VI. Antoine, Calphurnie, La Sénat en corps, coeur du peuple romain, Lépide, Emilie, Philippus, Artémidore. §
ANTOINE.
CALPHURNIE.
UN CITOYEN.
SCÈNE DERNIÈRE. §
UN AUTRE CITOYEN.
ANTOINE.