RICHARD COEUR DE LION
COMÉDIE EN TROIS ACTES.

M. DCC. LXXXIV.

DE SEDAINE.

APPROBATION. §

Lu et approuvé. A Paris, ce 13 Juillet 1784.

Vu l’Approbation, permis d’imprimer. À Paris, ce 13 Juillet 1784. LE NOIR.

À PARIS, Chez CAILLEAU, Imprimeur-Libraire, rue Galande. No. 64.

PERSONNAGES ACTEURS. §

  • RICHARD.
  • MARGUERITE.
  • BLONDEL.
  • MATHURIN.
  • LA VIEILLE FEMME.
  • LE SÉNÉCHAL.
  • FLORESTAN.
  • WILLIAMS.
  • LAURETTE.
  • BÉATRIX.
  • ANTONIO.
  • SUITE de MARGUERITE.
  • VIEILLES.
  • VIEILLARDS.
  • OFFICIERS.
  • SOLDATS.
La scène se passe au château de Lintz.

ACTE I §

Le théâtre représente les environs d’un château fort ; on en voit les tours, les créneaux ; il est élevé dans un lieu agreste ; des montagnes stériles et des forêts sombres et touffues paraissent entourer ce lieu. Sur un des côtés est une maison qui a l’apparence d’une gentilhommerie, on en voit la porte ; un banc est de l’autre côté. Pendant l’ouverture passent plusieurs paysans avec leurs outils de travail sur leurs épaules ; ils sont en veste, et portent leurs habits.

PROLOGUE. §

LE CHOEUR DE PAYSANS.

Chantons, chantons,
Célébrons cette journée,
À demain la matinée ;
Chantons, chantons,
5 Retournons dans nos maisons.
L’ouverture continue, et ensuite les mêmes.
Sais-tu que c’est demain
Que le vieux Mathurin
Refait son mariage ?
Oui le fait est certain,
10 Nous danserons demain,
Nous boirons du bon vin.
L’ouverture continue.

COLETTE.

Antonio, je gage,
En ce moment
Est bien loin du village :
15 Ah ! quel cruel tourment !

AUTRE TROUPE DE PAYSANS.

Colette, c’est demain
Que le vieux Mathurin
Refait son mariage :
Fille, point de chagrin,
20 Nous danserons demain,
Nous boirons du bon vin.
L’ouverture continue.

LE VIEUX MATHURIN.

Comment, c’est demain
Que ton vieux Mathurin
Avec toi, ma femme, se remet en train !

LA VIEILLE FEMME.

25 Après cinquante ans,
Il est encor temps
De nous montrer gais, et d’être contents.
On reprend le choeur.

SCÈNE I. Blondel, Antonio. §

Blondel, feignant d’être aveugle ; il a un grand manteau, un violon dessous ; le petit garçon Antonio le conduit.

BLONDEL.

Antonio, qu’est-ce que j’entends ? J’entends, je crois, chanter.

ANTONIO.

Ce n’est rien, c’est tout le hameau qui s’en retourne chez lui après l’ouvrage des champs ; le soleil est couché.

BLONDEL.

Où suis-je ici, mon petit ami ?

ANTONIO.

Vous n’êtes pas loin d’un château où il y a des tours, des créneaux ; je vois tout en haut un soldat qui fait faction avec son arbalète.

BLONDEL.

Je suis bien las.

ANTONIO.

Tenez, asseyez-vous sur cette pierre ; c’est un banc...

BLONDEL.

Ah ! Je te remercie.

ANTONIO.

C’est un banc qui est vis-à-vis la porte d’une maison qui paraît être une ferme : c’est comme une maison de gentilhomme.

BLONDEL.

Hé bien, mon ami, va t’informer si on peut m’y donner à coucher pour cette nuit.

ANTONIO.

Je vous retrouverai là ?

BLONDEL.

Ah ! Je n’ai pas envie d’en sortir ; quand on ne voit pas, on est bien forcé de rester où on nous dit d’attendre ; ne manque pas de revenir.

ANTONIO.

Oh ! Non, car vous m’avez bien payé ; mais, père Blondel, j’ai quelque chose à vous dire.

BLONDEL.

Quoi ?

ANTONIO.

Ah ! C’est que...

BLONDEL.

Dis, mon fils, dis : qu’est-ce que c’est ?

ANTONIO.

C’est que je suis bien fâché ; je ne pourrai pas vous conduire demain.

BLONDEL.

Hé ! Pourquoi donc ?

ANTONIO.

C’est que je suis de noce ; mon grand-père et ma grand-mère se remarient, et mon petit-fils qui est leur frère...

BLONDEL.

Ton petit-fils ! Tu as un petit-fils ?

ANTONIO.

Oui, leur petit-fils, qui est mon frère, se marie, aussi le même jour de leur remariage, à une fille de ce canton.

BLONDEL.

Hé, dis-moi, elle ne demeurerait pas dans ce château que tu dis, où il y a un soldat qui a une arbalète ?

ANTONIO.

Non, non.

BLONDEL.

Mais, mon ami, demain, comment ferai-je pour me conduire ?

ANTONIO.

Ah ! Je vous donnerai un de mes camarades, il est un peu volage ; mais je vous ferai venir à la noce, et vous y jouerez du violon : ah ! ne vous embarrassez pas.

BLONDEL.

Tu aimes donc bien à danser ?

ANTONIO.

La danse n’est pas ce que j’aime,
Mais c’est la fille à Nicolas ;
30 Lorsque je la tiens par le bras,
Alors mon plaisir est extrême,
Je la presse contre moi-même ;
Et puis nous nous parlons tout bas :
Que je vous plains ! vous ne la verrez pas.

BLONDEL.

C’est vrai, mon fils, je suis bien à plaindre.

ANTONIO.

35 Elle a quinze ans, moi j’en ai seize,
Ah ! Si la mère Nicolas
N’était pas toujours sur nos pas :
Hé bien, quoique cela déplaise,
Auprès d’elle je suis bien aise ;
40 Et puis nous nous parlons tout bas :
Que je vous plains ! vous ne la verrez pas.

BLONDEL.

Continue, je crois la voir.

ANTONIO.

Vous la voyez ? Ah ! Vous êtes aveugle.

BLONDEL.

Va, mon fils, va toujours voir si je pourrai trouver où passer cette nuit.

SCÈNE II. §

BLONDEL.

Oui, voilà des tours, voilà des fossés, des redoutes ; c’est bien là un château fort ; il est éloigné des frontières, dans un pays sauvage, au milieu des marais ; il n’est propre qu’à renfermer des prisonniers d’État ; on dit qu’on ne peut en approcher, nous verrons, on se méfiera moins d’un homme que l’on croira aveugle. Orphée, animé par l’amour, s’est ouvert les enfers ; les guichets de ces tours s’ouvriront peut-être aux accents de l’amitié.

ARIETTE.
Ô Richard ! Ô mon roi !
L’univers t’abandonne ;
Sur la terre il n’est que moi
45 Qui s’intéresse à ta personne :
Moi seul dans l’univers
Voudrais briser tes fers,
Et tout le reste t’abandonne.
Et sa noble amie... Ah ! Son cœur
50 Doit être navré de douleur.
Ô Richard ! Ô mon roi !
L’univers t’abandonne, etc.
Monarques, cherchez des amis
Non sous les lauriers de la gloire,
55 Mais sous les myrtes favoris
Qu’offrent les filles de Mémoire.
Un troubadour
Est tout amour,
Fidélité, constance,
60 Et sans espoir de récompense.
Ô Richard ! ô mon roi !
L’univers t’abandonne ;
Et c’est Blondel, il n’est que moi
Qui s’intéresse à ta personne.

Mais j’entends du bruit, remettons-nous et reprenons notre rôle.

SCÈNE III. Blondel, Williams, Guillot, ensuite Laurette. §

WILLIAMS, sort, tenant par l’oreille un paysans, qui crie.

Je t’apprendrai à porter des lettres à ma fille.

GUILLOT.

C’est de la part du gouverneur.

WILLIAMS.

65 C’est de la part du gouverneur ?

BLONDEL, à part.

Ah, si c’était ce gouverneur !

GUILLOT.

Il m’a dit de lui remettre
Cette lettre.

WILLIAMS.

Ma fille écoute un séducteur !
70 Non, ma Laurette
N’est point faite
Pour amuser le gouverneur.
Et toi, et toi,
Si tu reviens, c’est fait de toi.

GUILLOT.

75 Ce n’est pas moi
Qui reviendrai, non, sur ma foi.

WILLIAMS.

Dis, dis à ce gouverneur
Que ma Laurette
N’est point faite
80 Pour écouter un séducteur :
Monsieur, monsieur le gouverneur
Me fait en ce jour trop d’honneur.

BLONDEL, à part.

Ah ! Si c’était le gouverneur
De ce château ! Dieux, quel bonheur !

GUILLOT.

85 Mais, c’est monsieur le gouverneur.

WILLIAMS.

Eh ! Que me fait ce gouverneur ?
Oui, sur ma foi,
Prends garde à toi.
À Laurette qui paraît.
Et toi, si jamais tu revois
90 Ce séducteur,
Tu sentiras
Si dans mon bras
Il est encor quelque vigueur.

BLONDEL.

Si je pouvais ! Ah, quel bonheur !
À part.
95 Mes bons amis, ne frappez pas,
Point de débats :
La paix, la paix, point de débats !

LAURETTE.

Mon père, hélas !
Je ne vois pas
100 Le gouverneur.

BLONDEL.

Ah, si c’était ce gouverneur !
Ah, quel bonheur !
Mes bons amis,
Soyez unis :
105 Ah, point de fiel !
La paix du ciel ;
Point de débats,
Ne frappez pas.
À part.
Ah, si c’était ce gouverneur !

SCÈNE IV. Williams, Blondel. §

WILLIAMS.

Rentrez dans la maison... Elle dit qu’elle ne l’a point vu, et qu’elle ne lui parle pas, et il lui écrit ; je voudrais bien connaître ce que dit cette lettre ; ils ont à présent une manière d’écrire qu’on ne peut déchiffrer. Si quelqu’un... ce vieillard n’est pas de ce pays-ci : bonhomme, savez-vous lire ?

BLONDEL.

Ah, mon Dieu ! Oui, je sais lire.

WILLIAMS.

Hé bien, lisez-moi cela.

BLONDEL.

Ah, mon bon monsieur ! Je suis aveugle, ces méchants Sarrasins m’ont brûlé les yeux avec une lame d’acier flamboyante ; mais ne voyez-vous pas venir un petit garçon ?

WILLIAMS.

Oui.

BLONDEL.

C’est celui qui me conduit ; il sait lire, et il vous lira tout ce que vous voudrez. Antonio, est-ce toi ?

SCÈNE V. Williams, Blondel, Antonio. §

ANTONIO.

Oui, c’est moi, père Blondel.

BLONDEL.

Tu as été bien longtemps.

ANTONIO.

Ah ! C’est que je l’ai trouvée, et je lui ai dit un petit mot.

BLONDEL.

Tiens, lis la lettre de ce monsieur que voilà, et lis bien haut, et distinctement ; lis, lis, mon petit ami.

ANTONIO.

« Belle Laurette... »

WILLIAMS.

Belle Laurette ! Voilà comme ils leur font tourner la tête.

ANTONIO.

« Belle Laurette, mon coeur ne peut se contenir de la joie qu’il ressent par l’assurance que vous me donnez de m’aimer toujours. »

WILLIAMS.

Ah, fille indigne ! Elle l’aime.

BLONDEL.

Laissez, laissez ; continue.

ANTONIO.

« Si le prisonnier que je ne peux quitter... »

WILLIAMS.

Tant mieux.

BLONDEL, à part.

Ce prisonnier !

ANTONIO.

« Si le prisonnier, que je ne peux quitter, me permettait de sortir pendant le jour, j’irais me jeter... »

WILLIAMS.

Fût-ce dans les fossés de ton château !

BLONDEL, à part.

Qu’il ne peut quitter.

Haut.

Lis toujours.

ANTONIO.

« J’irais me jeter à vos pieds ; mais si cette nuit... » Il y a des mots effacés.

BLONDEL.

Ensuite ?

ANTONIO.

« Faites-moi dire par quelqu’un à quelle heure je pourrais vous parler. Votre tendre, fidèle amant, et constant chevalier, Florestan. »

WILLIAMS.

Ah, damnation ! Goddam !

BLONDEL.

Goddam ! Est-ce que vous êtes Anglais ?

WILLIAMS.

Ah ! Oui, je le suis.

BLONDEL.

Vigoureuse nation ! Eh ! Comment est-il possible que, né un brave Anglais, vous soyez venu vous établir dans le fond de l’Allemagne, et dans un pays aussi sauvage qu’on m’a dit qu’il était ?

WILLIAMS.

Ah ! C’est trop long à vous raconter. Est-ce que nous dépendons de nous ? Il ne faut qu’une circonstance pour nous envoyer bien loin.

BLONDEL.

Vous avez raison ; car moi je suis de l’Ile-de-France, et me voilà ici : et de quelle province d’Angleterre êtes-vous ?

WILLIAMS.

Du pays de Galles.

BLONDEL.

Vous êtes du pays de Galles ! Ah ! Si j’avais la jouissance de mes yeux, que j’aurais de plaisir à vous voir ! Et comment avez-vous quitté ce beau pays ?

WILLIAMS.

J’ai été à la croisade, à la Palestine.

BLONDEL.

À la Palestine ! Et moi aussi.

WILLIAMS.

Avec notre roi Richard.

BLONDEL.

Avec votre roi ! Et moi de même.

WILLIAMS.

Quand je suis revenu dans mon pays, n’ai-je pas trouvé mon père mort !

BLONDEL.

Il était peut-être bien vieux ?

WILLIAMS.

Ah ! Ce n’est pas de vieillesse : il avait été tué par un gentilhomme des environs, pour un lapin qu’il avait tiré sur ses terres. J’apprends cela en arrivant, je cours trouver ce gentilhomme, et j’ai vengé la mort de mon père par la sienne.

BLONDEL.

Ainsi voilà deux hommes tués pour un lapin.

WILLIAMS.

Cela n’est que trop vrai.

BLONDEL.

Enfin vous vous êtes enfui ?

WILLIAMS.

Oui, avec ma fille, et ma femme, qui est morte depuis ; et me voilà. La justice a mangé mon château et mon fief, et je n’ai plus rien là-bas, qu’une sentence de mort ; mais ici je ne les crains pas.

BLONDEL.

Je vous demande bien pardon de toutes mes questions.

WILLIAMS.

Ah ! Il ne me déplaît pas de parler de tout cela.

BLONDEL.

Et à la croisade, vous avez donc connu le brave roi Richard, ce héros, ce grand homme ?

WILLIAMS.

Oui, puisque j’ai servi sous lui.

BLONDEL.

Et sans doute vous avez... ?

WILLIAMS.

Mais j’ai affaire, et je crois que voilà cette voyageuse qui va arriver.

SCÈNE VI. Blondel, Laurette, Antonio. §

Antonio, pendant cette scène, tire du pain d’un bissac, et va le manger un peu loin.

LAURETTE.

1

Ah, bonhomme ! Je vous en prie, dites-moi ce que vous a dit mon père.

BLONDEL.

C’est vous qui êtes la belle Laurette ?

LAURETTE.

Oui, monsieur.

BLONDEL.

Votre père est irrité ; il sait ce que contient la lettre du chevalier FLorestan.

LAURETTE.

Oui, Florestan, c’est son nom. Est-ce qu’on a lu la lettre à mon père ?

BLONDEL.

Non, pas moi, je suis aveugle, mais c’est mon petit conducteur.

ANTONIO.

Oui, c’est moi : mais, est-ce que vous ne me l’aviez pas dit, de la lire ?

LAURETTE.

On aurait bien dû ne le pas faire.

BLONDEL.

Il l’aurait fait lire par un autre.

LAURETTE.

C’est vrai. Et que disait la lettre ?

BLONDEL.

Que sans le prisonnier qu’il garde... Et qu’est-ce que c’est que ce prisonnier ?

LAURETTE.

On ne dit pas ce qu’il est.

BLONDEL.

Que sans le prisonnier qu’il garde, il viendrait se jeter à vos pieds.

LAURETTE.

Pauvre chevalier !

BLONDEL.

Mais que cette nuit...

LAURETTE.

Cette nuit ? Ah, la nuit !

Elle soupire.
110 Je crains de lui parler la nuit,
J’écoute trop tout ce qu’il dit.
Il me dit : « Je vous aime, » et je sens malgré moi,
Je sens mon coeur qui bat, et je ne sais pourquoi :
Puis il prend ma main, il la presse
115 Avec tant de tendresse,
Que je ne sais plus où j’en suis ;
Je veux le fuir, mais je ne puis.
Ah ! Pourquoi lui parler la nuit ? etc.

BLONDEL.

Vous l’aimez donc bien, belle Laurette !

LAURETTE.

Ah, mon Dieu, oui, je l’aime bien !

BLONDEL.

En vérité, votre aveu est si naïf que je ne peux m’empêcher de vous donner un conseil.

LAURETTE.

Dites, dites. Je ne sais ici à qui me confier ; mais votre air, votre âge... Et puis vous ne pouvez me voir... Tout cela me donne la hardiesse de vous parler, et me fait, je crois, moins rougir.

BLONDEL.

Hé bien, belle Laurette...

LAURETTE.

Mais, qui vous a dit que j’étais belle ?

BLONDEL.

Hélas ! Pour moi, pauvre aveugle, la beauté d’une femme est dans le charme, dans la douceur de sa voix.

LAURETTE.

Hé bien ?

BLONDEL.

Je vous dirai donc que, lorsque ces chevaliers, ces gens de haute condition, s’adressent à une jeune personne, d’un état inférieur, moins touchés souvent de la beauté, de la noblesse de son âme que de celle de leur extraction...

LAURETTE.

Hé bien ?

BLONDEL.

Ils ne se font quelquefois aucun scrupule de la tromper.

LAURETTE.

Mais ma noblesse est égale à la sienne.

BLONDEL.

Le sait-il ?

LAURETTE.

Sans doute. Quoique mon père ait peu d’aisance, nous avons toujours vécu noblement ; et si je ne craignais sa vivacité, vivacité qui heureusement l’a forcé de s’établir dans ce pays-ci, je lui aurais confié les intentions du chevalier.

BLONDEL.

C’est lui qui est le gouverneur de ce château ?

LAURETTE.

Oui.

BLONDEL.

Et tout en attendant cette confiance en votre père, vous le recevrez cette nuit : cette nuit ! Ce chevalier que vous aimez, vous lui parlerez cette nuit ! Écoutez-moi, ceci n’est qu’une chansonnette.

Un bandeau couvre les yeux
120 Du Dieu qui rend amoureux ;
Cela nous apprend, sans doute,
Que ce petit Dieu badin
N’est jamais, jamais plus malin
Que quand il n’y voit goutte.

LAURETTE.

125 Ah ! Redites-moi, s’il vous plaît,
Ce joli couplet ;
Ah ! Je ne dois pas l’oublier,
Je veux l’apprendre au chevalier.

BLONDEL.

Très volontiers.

BLONDEL, LAURETTE.

Ils reprennent ensemble.
Un bandeau couvre les yeux
130 Du Dieu qui rend amoureux ;
Cela nous apprend, sans doute,
Que ce petit Dieu badin
N’est jamais, jamais plus malin
Que quand il n’y voit goutte.

LAURETTE.

Ah ! Voici je ne sais combien de personnes qui arrivent ; des chevaux, des chariots. C’est sans doute cette dame qui descend ici : j’y cours.

BLONDEL.

Écoutez donc, belle Laurette, j’ai quelque chose à vous dire.

LAURETTE.

De lui ?

BLONDEL.

Non.

LAURETTE.

Dites donc vite.

BLONDEL.

Pourrai-je passer cette nuit-ci seulement dans votre maison ?

LAURETTE.

Non, cela ne se peut pas. Mon père, à la prière d’un ancien ami, a cédé, pour cette nuit seulement, la maison tout entière à une grande dame, et, à moins qu’elle ne le permette, nous ne pouvons pas disposer du plus petit endroit ; mais demain... Adieu.

BLONDEL.

Allons, prenons patience... Antonio ?

ANTONIO.

Plaît-il ?

BLONDEL.

Va voir s’il n’y a pas d’autre retraite aux environs.

SCÈNE VII. Marguerite, Comtesse de Flandre et d’Artois ; Blondel. §

Alors paraissent des gens de toute sorte, des domestiques, des chevaliers. Ils donnent le bras à *MARGUERITE ; elle paraît descendre de son palefroi, et est accompagnée de femmes suivantes. Elle a l’air de donner des ordres.

BLONDEL.

Ciel ! Que vois-je ? C’est la Comtesse de Flandre ! C’est Marguerite ; c’est le tendre et malheureux objet de l’amour de l’infortuné Richard ! Ah ! J’accepte le présage ; sa rencontre ici ne peut être qu’un coup du ciel. Si le roi est ici, et si ces tours lui servent de prison... Ah, dieux ! Mais, peut-être me trompé-je ! Voyons si vraiment c’est elle. Si c’est Marguerite, son âme ne pourra se refuser aux douces impressions d’un air qu’en des temps bienheureux son amant a fait pour elle.

Il joue cet air sur son violon. Dès les premières phrases, *MARGUERITE s’arrête, écoute, s’approche.

MARGUERITE.

Oh, ciel, qu’entends-je... ! Bonhomme, qui peut vous avoir appris l’air que vous jouez si bien sur votre violon ?

BLONDEL.

Madame, je l’ai appris d’un brave écuyer qui venait de la Terre-Sainte, et qui, disait-il, l’avait entendu chanter au roi Richard.

MARGUERITE.

Il vous a dit la vérité.

BLONDEL.

Mais, madame, vous qui avez la voix d’un ange, n’êtes-vous pas cette grande dame qui doit occuper la maison qu’on m’a dit être ici tout près ?

MARGUERITE.

Oui, bonhomme.

BLONDEL.

Ayez pitié, je vous prie, d’un pauvre aveugle, et permettez-lui d’y passer cette nuit, dans le lieu où il n’incommodera pas.

MARGUERITE.

Ah ! Je le veux bien, pourvu que vous répétiez plusieurs fois l’air que vous venez de jouer.

BLONDEL.

Ah, tant qu’il vous plaira !

MARGUERITE, à ses gens.

Je vous recommande ce bon vieillard.

Williams donne la main à Marguerite, et la conduit dans sa maison.

SCÈNE VIII. §

Blondel se met à jouer plusieurs fois ce même air, avec des variations. Pendant ce temps, tout le bagage se décharge : les gens de la Comtesse vont et viennent. On dresse une grande table à la porte : on y met du vin et des verres

UN PREMIER DOMESTIQUE, à Blondel.

Allons, bonhomme, mettez-vous là, vous boirez un coup avec nous.

BLONDEL.

Antonio ?

ANTONIO.

Me voilà.

BLONDEL, lui donnant son verre plein.

Tiens, bois, mon fils, bois.

On verse à Blondel un second verre, et il dit après avoir bu :

En vous remerciant, mes amis : mais je veux payer mon écot.

UN DOMESTIQUE.

Hé ! Comment ça ?

BLONDEL.

En vous disant une chanson, et vous ferez chorus.

UN AUTRE DOMESTIQUE.

Allons, c’est un bon vivant. Courage, père.

BLONDEL.

2
135 Que le sultan Saladin
Rassemble dans son jardin
Un troupeau de jouvencelles,
Toutes jeunes, toutes belles,
Pour s’amuser le matin,
140 C’est bien, c’est bien,
Cela ne nous blesse en rien ;
Mais je pense comme Grégoire
J’aime mieux boire.
Ces deux vers sont repris en choeur.

BLONDEL.

Qu’un seigneur, qu’un haut baron,
145 Vende jusqu’à son donjon
Pour aller à la croisade,
Qu’il laisse sa camarade
Dans la main des gens de bien,
C’est bien, c’est bien,
150 Cela ne nous blesse en rien ;
Mais je pense comme Grégoire,
J’aime mieux boire.

UN OFFICIER DE LA COMTESSE.

Voilà Madame qui va se retirer dans son appartement.

UN DOMESTIQUE.

Rachevons : encore un couplet, père.

BLONDEL.

Que le vaillant roi Richard
Aille courir maint hasard
155 Pour aller loin d’Angleterre
Conquérir une autre terre
Dans le pays d’un païen,
C’est bien, c’est bien,
Cela ne nous blesse en rien ;
160 Mais je pense comme Grégoire,
J’aime mieux boire.

BÉATRIX.

Finissez donc, Madame vous entend de son appartement.

Blondel feint de prendre *Béatrix pour son petit garçon, Antonio l’emmène.

ACTE II §

Le théâtre représente l’intérieur d’un château fort ; sur le devant est une terrasse ; elle est entourée de grilles de fer, et cette terrasse est disposée de façon que Richard, lorsqu’il y est, ne peut voir le fond du théâtre, qui représente un fossé, revêtu extérieurement d’un parapet ; c’est sur la terrasse que paraît Richard, et c’est sur le parapet que Blondel est vu.

SCÈNE I. Le Roi Richard, Florestan. §

Le théâtre est peu éclairé, surtout dans le fond ; il s’éclaire par degrés, l’aurore se lève après le crépuscule.

FLORESTAN.

L’aurore va se lever ; profitez-en, Sire, pour votre santé : dans une heure on va vous renfermer.

RICHARD.

Florestan ?

FLORESTAN.

Sire ?

RICHARD.

Votre fortune est dans vos mains.

FLORESTAN.

Je le sais, sire, mais mon honneur...

RICHARD.

Pour un perfide ! Pour un traître !

FLORESTAN.

Pour un traître ! S’il l’était, sire, je ne le servirais pas. Non, non, je ne le servirais pas, si je croyais qu’il fût un perfide.

RICHARD.

Mais, Florestan...

Florestan fait une révérence respectueuse, ne répond rien, et sort.

SCÈNE II. §

RICHARD, sur la terrasse.

Ah, grand Dieu, quel funeste coup du sort ! Couvert de lauriers cueillis dans la Palestine, au milieu de ma gloire, dans la vigueur de l’âge, être obscurément confiné, comme le dernier des hommes, dans le fond d’une prison !

Il se lève.
Si l’univers entier m’oublie,
S’il faut passer ici ma vie,
Que sert ma gloire, ma valeur ?
Il regarde un portrait de Marguerite.
165 Douce image de mon amie,
Viens calmer, consoler mon coeur,
Un instant suspends ma douleur.
Ô souvenir de ma puissance !
Crois-tu ranimer ma constance ?
170 Non, tu redoubles mon malheur :
Ô mort ! viens terminer ma peine !
Ô mort ! viens, viens briser ma chaîne !
L’espérance a fui de mon coeur.

SCÈNE III. Richard, Blondel, Antonio. §

Richard est le coude appuyé sur une saillie de pierre, et paraît abîmé dans le plus profond chagrin : sa tête est en partie cachée par sa main.

BLONDEL.

Petit garçon, arrêtons-nous ici : j’aime à respirer cet air frais et pur qui annonce et accompagne le lever de l’aurore. Où suis-je à présent ?

ANTONIO.

Près du parapet de cette forteresse, où vous m’avez dit de vous mener.

BLONDEL.

C’est bien.

Comme il semble tâter ce parapet pour monter dessus.

ANTONIO.

Ah ! Ne montez pas dessus ce parapet, vous tomberiez dans un grand fossé plein d’eau, et vous vous noieriez.

BLONDEL.

Ah ! Je n’en ai pas d’envie. Tiens, mon fils, voilà de l’argent, va nous chercher quelque chose pour déjeuner.

ANTONIO.

Ah ! Vous me donnez trop.

BLONDEL.

Le reste sera pour toi.

ANTONIO.

En vous remerciant.

Il part.

BLONDEL.

Quand tu seras revenu, nous irons promener. Sans doute que les campagnes sont aussi belles que je les ai vues autrefois. Au défaut de mes yeux, je me plais à l’imaginer. Tu ne réponds pas. Ah ! Est-il parti ?

SCÈNE IV. Richard, sur sa terrasse ; Blondel monte et s’arrange sur le parapet. §

RICHARD.

Une année ! Une année entière se passe, sans que je reçoive aucune consolation, et je ne prévois aucun terme au malheur qui m’accable !

BLONDEL.

S’il est ici, le calme du matin, le silence qui règne dans ces lieux laissera sans doute pénétrer ma voix jusqu’au fond de sa retraite. Eh ! S’il est ici, peut-il n’être pas frappé d’une romance qu’autrefois l’amour lui a inspirée ? Auteur, amoureux et malheureux : que de raisons pour s’en souvenir !

RICHARD.

Trône, grandeurs, souveraine puissance ! Vous ne pouvez donc rien contre une telle infortune ! Et Marguerite, Marguerite !

Pendant ce couplet, Blondel paraît accorder son violon presque en sourdine, afin de faire sentir qu’il est très loin ; il commence à jouer lors du mot, Marguerite.

Quels sons ! Ô ciel ! Est-il possible qu’un air que j’ai fait pour elle ait passé jusqu’ici ? Écoutons.

BLONDELcommence à chanter.

Une fièvre brûlante,
175 Un jour me terrassait,

RICHARD.

Quels accents... ! Quelle voix !

BLONDEL.

Et de mon corps chassait
Mon âme languissante :
Ma dame approche de mon lit,
Et loin de moi la mort s’enfuit.
Il s’arrête, et écoute.
Pendant ce couplet, Richard marque tous les degrés de surprise, de joie et d’espérance ; il cherche à se rappeler la fin du couplet, s’en souvient, et dit :

RICHARD.

180 Un regard de ma belle
Fait dans mon tendre coeur
À la peine cruelle
Succéder le bonheur.
Pendant ce couplet, Blondel marque la joie la plus vive ; il a même l’air de se trouver mal de saisissement.

BLONDEL.

Dans une tour obscure
185 Un roi puissant languit ;
Son serviteur gémit
De sa triste aventure.

RICHARD.

C’est Blondel ! Ah ! Grands dieux.

Si Marguerite était ici,
Je m’écrierais plus de souci.

BLONDEL et RICHARD, ensemble.

190 Un regard de ma belle
Un regard de sa belle
Fait dans mon tendre coeur
Fait dans mon tendre coeur
À la peine cruelle
Succéder le bonheur.
Blondel répète le refrain, en faisant la deuxième partie : il danse, il saute, exprime sa joie par l’air qu’il joue sur son violon.

SCÈNE V. Richard, Blondel, des Soldats. §

Le gouverneur et des soldats font rentrer le roi ; la porte de la terrasse se ferme : des soldats s’emparent de Blondel, et le font passer par une poterne, et entrer dans les fortifications ; alors il paraît au dedans du théâtre.

LES SOLDATS.

Sais-tu, connais-tu, sais-tu
195 Qui peut t’avoir répondu ?
Réponds, réponds, réponds vite.
Ah ! que tu n’en es pas quitte !

BLONDEL, feignant d’avoir peur.

Sans doute quelque passant
Que divertissait mon chant.

LES SOLDATS.

200 En prison, vite en prison,
Tu diras là ta chanson.

BLONDEL.

Ah, messieurs ! Point de colère !
Ayez pitié de ma misère ;
Les Sarrasins furieux
205 De la lumière des cieux
Ont privé mes pauvres yeux.

LES SOLDATS.

Ah ! tant mieux pour toi, tant mieux :
Tu périrais dans ces lieux,
Si tu portais de bons yeux.

BLONDEL.

210 Ah, messieurs ! Attendez donc,
Je dois obtenir pardon ;
Je veux parler à monseigneur,
À monseigneur le gouverneur,
Pour un avis important
215 Qu’il doit savoir à l’instant.

LES SOLDATS, à un officier.

Il veut parler à Monseigneur,
À monseigneur le gouverneur.

BLONDEL.

Pour un avis important
Qu’il doit savoir à l’instant.

LES SOLDATS.

220 Pour un avis important
Qu’il doit savoir à l’instant.

LES OFFICIERS ET LES SOLDATS.

Tu vas parler à monseigneur,
À Monseigneur le gouverneur.
Puisque l’avis important
225 Doit être su dans l’instant,
Le voici ; mais prends garde à toi
Oui, sur ma foi
Tu périrais
Si tu mentais,
230 Si tu mentais à Monseigneur,
À Monseigneur le Gouverneur.

SCÈNE VI. Les Précédents, Florestan, Gouverneur. §

UN SOLDAT.

Voici monsieur le gouverneur.

BLONDEL.

Où est-il, monsieur le gouverneur ?

FLORESTAN.

Me voilà.

BLONDEL.

De quel côté ? Où est-il ?

FLORESTAN.

Ici.

BLONDEL.

J’ai un avis important à lui donner.

FLORESTAN.

Hé bien ! De quoi s’agit-il ? Mais ne cherche point à mentir, ni à m’amuser, car à l’instant tu perdrais la vie.

BLONDEL.

Ah ! Monsieur ! C’est être déjà mort à moitié que d’avoir perdu la vue. Eh ! Comment un pauvre aveugle pourrait-il prétendre à vous tromper ?

FLORESTAN.

Hé bien ! Parle.

BLONDEL.

Êtes-vous seul ?

FLORESTAN.

Oui. Retirez-vous, vous autres.

Les soldats se retirent dans le fond.

BLONDEL.

Monsieur, c’est que la belle Laurette...

FLORESTAN.

Parle bas.

BLONDEL.

C’est que la belle Laurette m’a lu la lettre que vous lui avez écrite, afin que vous vissiez que je suis envoyé par elle ; or, vous y dites que vous vous jetez à ses pieds, et vous lui demandez un rendez-vous pour cette nuit.

FLORESTAN.

Hé bien, mon ami ?

BLONDEL.

Hé bien, monsieur ! Elle m’a dit de vous dire que vous pourriez venir à l’heure que vous voudriez.

FLORESTAN.

Comment à l’heure que je voudrais ?

BLONDEL.

Il y a chez son père une dame de haut parage, qui, pour célébrer la joie d’une nouvelle intéressante, y donne toute la nuit à danser, à boire, manger et rire, et vous pourriez y venir sous quelque prétexte ; alors la belle Laurette trouvera toujours bien l’occasion de vous dire quelque petite chose.

FLORESTAN.

C’est donc pour me parler que tu as chanté ?

BLONDEL.

C’est pour être mené vers vous que j’ai fait tout ce bruit avec mon violon.

FLORESTAN.

Il n’y a pas de mal : dis-lui que j’irai. Mais se servir d’un aveugle pour faire une commission ! Ah ! Elle est charmante. Va-t’en.

BLONDEL.

Mais, Monsieur le Gouverneur ! Monsieur le Gouverneur !

FLORESTAN.

Hé bien ?

BLONDEL.

Ah ! Vous voilà de ce côté-là. Pour qu’on ne soupçonne rien de ma mission, grondez-moi bien fort, et renvoyez-moi.

FLORESTAN.

Tu as raison ;

À part.

ce drôle a de l’esprit.

Pour le peu que tu m’as dit
Fallait-il faire ce bruit !

BLONDEL.

Ah ! je n’ai pas fait de bruit ;
235 Vos soldats ont fait ce bruit.

LES SOLDATS.

Téméraire, téméraire,
Tu devrais, tu dois te taire ;
Alarmer la garnison !
Tu devrais être en prison.

SCÈNE VII. Les Précédents, Antonio. §

Il a un pain passé dans son bâton.

ANTONIO.

240 Ah ! Messieurs, pardon, pardon,
Ayez pitié de sa misère ;
Les Sarrasins furieux
Ont privé ses pauvres yeux
De la lumière des cieux.

LES SOLDATS.

245 Ah ! Tant mieux, tant mieux ;
S’il avait porté de bons yeux,
Il périrait dans ces lieux.
Va, retire-toi ;
Mais prends garde à toi.
250 Ici si jamais
Tu paraissais,
Tu périrais.

BLONDEL.

Messieurs, croyez-moi,
Ici si jamais
255 Je revenais,
Je me soumets
À votre loi.
Ah ! Croyez-moi,
Ah ! Croyez-moi.

ANTONIO.

260 Ici si jamais
Il revenait,
Ah ! Ce serait
Sans moi, sans moi.
Ah ! Ce serait
265 Sans moi, sans moi.
Blondel s’en va en repassant par la poterne avec son guide, et les soldats et le gouverneur, par la poterne qui lui a servi d’entrée.

ACTE III §

Le théâtre représente la grande salle de la maison de Williams.

SCÈNE I. Blondel, Deux hommes de la Comtesse. §

On entend la ritournelle du morceau.

Cette scène est chantée ensemble en duo entre Blondel et les deux hommes.

BLONDEL.

Il faut, il faut,
Il faut que je lui parle ;
Mon cher Urbin, mon ami Charles,
Il faut que je lui dise un mot.
270 Tout au plus tôt, tout au plus tôt.

LES DEUX HOMMES.

Il faut, il faut !
Vous ne pouvez lui dire un mot ;
On chasserait Urbin et Charles,
Si nous vous laissions dire un mot.
275 Sortez, sortez tout au plus tôt.

BLONDEL.

Mon cher Urbin, mon ami Charles.
À l’instant, ciel ! quoi, dans l’instant !
Voici de l’or.

LES DEUX HOMMES.

Nous allons partir à l’instant ;
280 Oui, dans l’instant.
De l’or !
À part.
Est-ce de l’or ? oui, c’est de l’or ;
De l’or ! attendez : mais comment ?
Peut-il parler en ce moment ?

BLONDEL.

285 De l’or, afin que je lui parle.
Ah ! que je lui parle à l’instant.
Dans ce moment.
Hé bien ! Soit ; ah, que je lui parle,
Mon cher Urbin, mon ami Charles.
290 Pourvu que je lui dise un mot,
Je suis content, mais au plus tôt.

LES DEUX HOMMES.

Le pourrait-il en ce moment ?
À la dame de compagnie,
Oui, oui, nous pourrions dire son envie
295 À la dame de compagnie.
On peut lui dire qu’il la prie...
Dans ce moment,
Tout au plus tôt.

SCÈNE II. La Comtesse, Sire Williams, Les Chevaliers, Le Sénéchal, La dame de compagnie. §

La dame de compagnie arrive avant la comtesse et ses chevaliers ; les deux hommes qui étaient sur la scène vont parler à la dame de compagnie, qui sort avec eux ; il reste avec la comtesse une autre dame de compagnie.

LA COMTESSE.

Sire Williams, je ne peux trop vous remercier du gracieux accueil que j’ai reçu chez vous.

WILLIAMS.

Madame, que ne puis-je vous y retenir plus longtemps !

LA COMTESSE.

Cela ne peut être.

LE SÉNÉCHAL.

Madame, tout sera bientôt prêt pour votre départ.

LA COMTESSE.

Ah ! Chevalier, ce soir assignera le terme à notre voyage ; qu’il m’en coûte de vous dire ce qui va le terminer !

LE SÉNÉCHAL.

Quoi donc, madame ?

LA COMTESSE.

Je vais consacrer mes jours à une retraite éternelle.

LE SÉNÉCHAL.

Vous, madame !

LA COMTESSE.

Un long chagrin qui me dévore me rend incapable de m’occuper du bonheur de mes sujets ; je vais, chevalier, faire ajouter quelques mots à cet écrit, vous le remettrez aux états assemblés : ce sont mes volontés.

SCÈNE III. Les Précédents, Béatrix, Dame suivante. §

BÉATRIX.

Madame.

LA COMTESSE.

Que voulez-vous ?

BÉATRIX.

Ce bon homme à qui vous avez permis de passer la nuit dans ce logis, et qui n’est plus aveugle.

LA COMTESSE.

Hé bien ?

BÉATRIX.

Il demande l’honneur de vous être présenté.

LA COMTESSE.

Que veut-il ? Ah, ciel !

BÉATRIX.

Je lui ai dit que madame était bien triste ; il m’a répondu : « Si je lui parle, je la rendrai bien gaie. » Entendez-vous sa voix, madame ? il l’a très belle.

LA COMTESSE.

Qu’il paraisse ; peut-être a-t-il appris cette complainte de la bouche même de Richard.

SCÈNE IV. Les Précédents, Blondel. §

LA COMTESSE.

Hé bien ! Bonhomme, on dit que vous demandez à m’être présenté.

BLONDEL.

Oui, madame : mais qu’il est difficile d’approcher des grands, même pour leur rendre service !

LA COMTESSE.

Qui était celui qui vous a appris ce que vous chantiez si bien tout à l’heure, et en quel lieu de la terre cette complainte vous a-t-elle été connue ?

BLONDEL.

Je ne peux le dire qu’à vous.

Béatrix se retire.

LA COMTESSE.

Hier, vous étiez aveugle.

BLONDEL.

Oui, madame ; mais je ne le suis plus, et quelles grâces n’ai-je point à rendre au ciel, puisqu’il me fait jouir de la présence de Madame Marguerite, comtesse de Flandre et d’Artois.

LA COMTESSE.

Ciel ! Vous me connaissez ?

BLONDEL.

Oui, madame, et reconnaissez Blondel.

LA COMTESSE.

Quoi, c’est vous, Blondel ! Vous étiez avec le roi : où l’avez-vous laissé ?

BLONDEL.

Le roi, le roi, que je cherchais depuis un an, le roi, Madame, est à cent pas d’ici.

LA COMTESSE.

Le roi !

BLONDEL.

Il est prisonnier dans ce château que vous voyez de vos fenêtres ; car, sans le voir, je lui ai parlé ce matin.

LA COMTESSE.

Ah, dieux ! Ah, Blondel ! Chevaliers !

BLONDEL.

Madame, qu’allez-vous dire ?

LA COMTESSE.

Qu’ai-je à craindre ? Ce sont mes chevaliers, tous attachés à moi, à ma personne, et sire Williams est Anglais.

Les chevaliers, Williams et Béatrix s’approchent.

BLONDEL.

Oui, chevaliers, oui, ce rempart
300 Tient prisonnier le roi Richard.

LES CHEVALIERS.

Que dites-vous ? Le roi Richard !
Richard ! Qui ? Le roi d’Angleterre !

BLONDEL.

Oui, chevaliers, oui, ce rempart
Tient prisonnier le roi Richard ;
305 C’est là qu’est le roi d’Angleterre.

LES CHEVALIERS.

Qui vous l’a dit ? Par quel hasard
Avez-vous connu cette affaire ?
Comment savez-vous ce mystère ?

LA COMTESSE.

Qui vous l’a dit ? Par quel hasard ?
310 Ah, grands dieux ! Mon coeur se serre.

BLONDEL.

Par moi qui, sous cet habit vil,
M’en suis approché sans péril :
Sa voix a pénétré mon âme ;
Je la connais, oui, oui, Madame ;
315 Oui, chevaliers, oui, ce rempart,
Tient prisonnier le roi Richard.

LA COMTESSE.

Ah ! S’il est vrai, quel jour prospère !
Ah, grands dieux... ! Ah ! Mon coeur se serre
De joie et de saisissement.

LES CHEVALIERS, WILLIAMS, BÉATRIX ET LA COMTESSE.

320 Ah, grands dieux ! quel étonnement !
Quel bonheur ! quel événement !
Travaillons à sa délivrance :
Marchons, marchons.

BLONDEL.

Point d’imprudence ;
325 Travaillons à sa délivrance :
Non, il faut agir prudemment.

LES CHEVALIERS.

Travaillons à sa délivrance.

LA COMTESSE.

Que faire pour sa délivrance ?
Ah, Blondel ! Quel heureux moment !
330 Que faire pour sa délivrance ?
Chevaliers, écoutez Blondel.

LES CHEVALIERS.

Blondel ! Blondel ! Oui, c’est Blondel !

LA COMTESSE.

Chevaliers, connaissez Blondel.
Ah, quel bonheur ! Quel coup du ciel !

BLONDEL.

335 Travaillons à sa délivrance,
Et ne parlons point de Blondel.

SCÈNE V. Blondel, Le Comtesse, Sire Williams, Les Chevaliers §

LA COMTESSE.

Ah, chevaliers ! Ah, sire Williams ! Et vous Blondel ! Mon cher Blondel ! Voyez entre vous ce qu’il convient de faire pour délivrer le roi ; la joie, la surprise, cette nouvelle m’a saisie, de manière que je ne peux jouir de ma réflexion ; servez-vous de tout mon pouvoir, c’est de moi, c’est de mon bonheur que vous allez vous occuper.

Elle sort en s’appuyant sur les bras de ses femmes.

SCÈNE VI. Blondel, Williams, Le Sénéchal, Deux chevaliers. §

LE SÉNÉCHAL.

Oui, c’est l’infortune de Richard qui faisait toute sa peine.

BLONDEL.

Sires chevaliers, sire Williams, le temps est précieux ; voyons quels sont les moyens qui s’offrent à nous pour délivrer Richard ; sachons d’abord quel est l’homme qui le garde. Williams, quel homme est-ce que ce gouverneur ? Le connaissez-vous ?

WILLIAMS.

Que trop !

BLONDEL.

L’intérêt peut-il quelque chose sur lui ?

WILLIAMS.

Non.

BLONDEL.

Et la crainte ?

WILLIAMS.

Encore moins.

BLONDEL.

Ni l’intérêt, ni la crainte ; c’est un homme bien rare : écoutez, chevaliers, et vous Williams, voici mon avis : le gouverneur va venir parler à votre fille.

WILLIAMS.

Parler à ma fille !

BLONDEL.

Oui : il sait que ce soir vous donnez un bal, une fête.

WILLIAMS.

Moi !

BLONDEL.

Oui, vous, et faites tout préparer à l’instant pour recevoir ici les bonnes gens des noces qui s’amusent ici près, et que j’ai prévenus de votre part.

WILLIAMS.

Des noces ! Un bal ! Il sait que je donnerais une fête ! Et de qui aurait-il pu savoir... ?

BLONDEL.

De moi.

WILLIAMS.

De vous ! Eh ! Comment cela se peut-il ?

BLONDEL.

Enfin il le sait, je vous le dirai ; mais ne perdons pas un instant, il viendra ici dans l’espoir que cette fête lui donnera les moyens de parler à la belle Laurette.

WILLIAMS.

Ah ! Qu’il lui parle.

BLONDEL.

Oui, il lui parlera ; mais qu’aussitôt il soit entouré des officiers de la princesse, qu’il soit sommé de rendre le roi ; s’il le refuse, alors la force...

LE SÉNÉCHAL.

Oui, la force : armons-nous, forçons le château.

WILLIAMS.

Forcer le château ! Et que peuvent vingt ou trente hommes, armés seulement de lances et d’épées, contre cent hommes de garnison placés dans un château fort !

LE SÉNÉCHAL.

Vingt ou trente hommes ! Et les soldats qui jusqu’ici ont servi d’escorte à Marguerite, et qui sont dans la forêt voisine en attendant notre retour ? Je vais les faire avancer ; et que ne peuvent la valeur, notre exemple, et le désir de délivrer le roi ?

BLONDEL.

Ah, Sénéchal ! Vous me rendez la vie ; est-il quelqu’un de nous qui ne se sacrifie pour une si belle cause ! Williams, Richard est dans les fers, et vous êtes Anglais.

WILLIAMS.

Ou le délivrer, ou mourir !

BLONDEL.

Sénéchal, faites promptement avancer votre escorte, faites armer tous vos chevaliers, que Florestan soit arrêté, et dès que nos gens seront au pied des murailles, le signal de l’assaut. J’ai remarqué un endroit faible, où, à l’aide des travailleurs, j’espère faire brèche, et montrer à nos amis le chemin de la victoire : en attendant, Williams, faites tout préparer ici pour la danse.

Williams sort.

SCÈNE VI.. §

BLONDEL.

Si l’amitié la plus pure, si l’ardeur la plus vive peuvent inspirer un coeur tendre et sensible, que ne dois-je pas attendre des motifs qui m’enflamment.

SCÈNE VI.I. Williams, Laurette, Des Domestiques. §

WILLIAMS, aux garçons.

Préparez tout ici, rangez cette table, enlevez les meubles qui peuvent embarrasser.

LAURETTE.

Est-ce qu’on va danser ?

WILLIAMS.

Oui, ma fille, ma chère fille.

LAURETTE.

Ma chère fille ! Ah, mon père n’est plus en colère ! On va danser ; ah ! Si le chevalier le savait, peut-être pourrait-il...

WILLIAMS.

Allons, aide-nous à préparer cette salle, nous allons danser.

Cependant les garçons rangent les meubles, préparent la salle.

Mettez encore ici des lumières.

SCÈNE IX. Les Précédents, Blondel. §

BLONDEL, à Laurette.

Le gouverneur, après la danse,
Viendra se rendre dans ces lieux.

LAURETTE.

Ah, quel bonheur ! Que sa présence
340 Pour moi doit embellir ces lieux !

BLONDEL, à Williams qui approche.

Nous n’avons point de mystère :
Je lui disais que mes yeux
Revoyaient enfin les cieux.

LAURETTE.

Nous n’avons point de mystère,
345 Non, mon père, non, mon père
Ce bon homme doit vous plaire.

WILLIAMS.

Parlez, parlez sans mystère,
Ce bon homme a su me plaire.

LAURETTE, à part.

Est-il bien sûr de ma tendresse ?
350 Me sera-t-il toujours constant ?

BLONDEL.

Si vous aviez vu son ivresse ?
Son coeur sera toujours constant.

LAURETTE.

Son ivresse !
Son coeur sera toujours constant !

WILLIAMS.

355 Il te disait que ses yeux
Revoient enfin la lumière.

LAURETTE.

Oui, mon père, oui, mon père,
Nous n’avons pas de mystère ;
Il me disait que ses yeux
360 Revoyaient enfin les cieux.

BLONDEL.

Nous n’avons point de mystère,
Je lui disais que mes yeux
Revoyaient enfin les cieux ;
Je voulais vous dire encore...

LAURETTE.

365 Je ne veux point qu’il ignore...

WILLIAMS.

Il te disait que ses yeux...

LAURETTE.

Oui, mon père, oui, mon père,
Nous n’avons pas de mystère ;
Il me disait que ses yeux
370 Revoyaient enfin les cieux.

SCÈNE X. Williams, Laurette, Antonio. §

Les noces paraissent, ensuite on danse.

UN PAYSAN.

Eh zic, et zoc,
Eh fric, et froc ;
Quand les boeufs
Vont deux à deux,
375 Le labourage en va mieux.
Sans berger, si la bergère
Est en ce lieu solitaire,
Tout pour elle est ennuyeux ;
Mais si le berger Sylvandre
380 Auprès d’elle vient se rendre,
Tout s’anime alentour d’eux.
Eh zic, et zoc,
Eh fric et froc ;
Quand les boeufs
385 Vont deux à deux,
Le labourage en va mieux.
Qu’en dites-vous, ma commère,
Eh ! qu’en dites-vous, compère,
Rien ne se fait bien qu’à deux ;
390 Les habitants de la terre,
Hélas ! ne dureraient guère,
S’ils ne disaient pas entre eux :
Eh zic, et zoc,
Eh fric et froc ;
395 Quand les boeufs
Vont deux à deux,
Le labourage en va mieux.
La danse continue, à l’instant que le gouverneur entre et est près de danser avec Laurette, on entend un grand bruit de tambour.

FLORESTAN.

Ciel ! Qu’entends-je ?

WILLIAMS, accompagné des chevaliers de Marguerite.

Je vous arrête.

FLORESTAN.

Vous !

WILLIAMS.

Moi.

FLORESTAN.

Dieux, quelle trahison !

Dieux ! qu’est-ce que prétend
Ce parti violent ?

LES CHEVALIERS.

400 Que Richard, à l’instant,
Soit remis dans nos mains ;
Oui, qu’ici ses destins
Soient remis dans nos mains.

FLORESTAN.

Non, jamais ses destins
405 Ne seront dans vos mains.
Le théâtre change, et représente l’assaut donné à la forteresse par les troupes de Marguerite ; Blondel et Williams encouragent les assiégeants ; les assiégés reçoivent un renfort, et repoussent l’attaque avec avantage. Blondel alors jette son habit d’aveugle, et sous celui que couvrait sa casaque, il se met à la tête des prisonniers, il les place, et leur fait attaquer l’endroit faible dont il a parlé ; l’assaut continue ; on voit paraître, sur le haut de la forteresse, Richard, qui, sans armes, fait les plus grands efforts pour se débarrasser de trois hommes armés ; dans cet instant, la muraille tombe avec fracas. Blondel monte à la brèche, court auprès du roi, perce un des soldats, lui arrache son sabre ; le roi s’en saisit, ils mettent en fuite les soldats qui s’opposent à eux ; alors Blondel se jette aux genoux de Richard, qui l’embrasse : dans ce moment le choeur chante " vive Richard !" fanfare très-éclatante ; les assiégeants arborent le drapeau de Marguerite ; dans ce moment elle paraît, suivie de ses femmes et de tout le peuple ; elle voit Richard délivré de ses ennemis, et conduit par Blondel ; elle tombe évanouie, soutenue par ses femmes, et ne reprend ses esprits que dans les bras de Richard. Florestan ensuite est conduit aux pieds du roi par le Sénéchal et Williams ; Richard lui rend son épée. Toute cette action se passe sur la marche, depuis la fanfare qui termine le combat.

RICHARD.

Oh, ma chère comtesse !
Ô doux objet de toute ma tendresse !

MARGUERITE.

Ah, Richard ! Ô mon roi ! Ah, dieux !

RICHARD.

À la tendresse
410 Je dois ce moment heureux.

MARGUERITE, montrant Blondel.

C’est à Blondel, c’est à son coeur.

RICHARD, embrasse Blondel.

C’est à ton coeur.

RICHARD.

Qu’en ce jour je dois mon bonheur.
Délivré par ce que j’aime,
415 De mes sujets oublié,
C’est l’amour et l’amitié
Qui font mon bonheur suprême.

MARGUERITE.

Qu’en ce jour je dois ce bonheur.

MARGUERITE, BLONDEL.

C’est l’amour et l’amitié
420 Qui font son bonheur suprême.

CHOEUR. Les Femmes de la Comtesse, Laurette, Antonio, Les Paysans.

Ah, que le bonheur suprême
L’accompagne chaque jour !
Que le bonheur l’accompagne sans cesse !
Ah, quel plaisir, quelle ivresse !
425 C’est un roi, oui, c’est lui-même,
Qui paraît dans ce séjour.

LA COMTESSE, RICHARD, BLONDEL, WILLIAMS, FLORESTAN, LES CHEVALIERS.

Ah, que le bonheur suprême
L’accompagne chaque jour !

MARGUERITE, RICHARD, BLONDEL.

Non, l’éclat du diadème
430 Ne vaut pas un si beau jour.

MARGUERITE, à Florestan et à Laurette.

Vous, commencez ma récompense ;
Heureux amants, je vous unis.
À Williams.
Souffrez que ce noeud mette un prix
À notre reconnaissance.

CHOEUR GÉNÉRAL.

435 Heureux amants. etc.
TRIO.

MARGUERITE.

C’est l’amitié fidèle
Qui finit mon malheur ;
Qu’une amour éternelle
Assure ton bonheur.

RICHARD.

440 C’est l’amitié fidèle
Qui finit mon malheur ;
Et l’amour de ma belle
Assure mon bonheur.

BLONDEL.

Pour un sujet fidèle,
445 Est-il plus grand bonheur,
Quand il voit que son zèle
Finit votre malheur !

LE CHOEUR, RICHARD, LA COMTESSE, FLORESTAN, WILLIAMS, LES CHEVALIERS.

Ah, quel bonheur, quelle ivresse !
Que le bonheur l’accompagne sans cesse !
450 C’est un roi, oui, c’est lui-même,
Qui paraît dans ce séjour.

LAURETTE, LES FEMMES DE LA COMTESSE, LES PAYSANS.

Que le bonheur l’accompagne sans cesse !
Ah, quel bonheur, quelle ivresse !
C’est un roi, oui, c’est lui-même,
455 Qui paraît dans ce séjour.

RICHARD.

C’est un roi, oui, c’est lui-même,
Qui vous doit un si beau jour.

MARGUERITE.

Richard m’est rendu dans ce jour.

BLONDEL.

C’est un roi délivré par l’amour.

LE CHOEUR.

460 Ah, quel bonheur ! quel plus beau jour.
C’est un roi qui vous doit un si beau jour.