M DCC XLI. Avec Approbation et Privilège du Roi.
Par Monsieur le Comte de S...
PRIVILÈGE DU ROI. §
LOUIS, par la Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : à nos amés et féaux Conseillers les Gens tenants nos Cours de Parlement, Maître des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Conseil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils et autres nos Justiciers qu’il appartiendra ; SALUT. Notre bienamé PIERRE PRAULT , libraire et imprimeur de nos fermes et Droits à Paris, Nous ayant fait remontrer qu’il souhaiterait faire imprimer ou imprimer et donner au Public la Bibliothèque de Campagne, ou Recueil d’Aventures choisies, nouvelles. Histoires, Contes, Bons mots, et autres Pièces , tant en Prose qu’en VerS, pour servir de récréation à l’esprit, en six volumes : Le Livre des Enfants, et le Glaneur Français, s’il nous plaisait lui accorder nos Lettres de Privilèges sur ce nécessaires ; offrant pour cet effet de les faire imprimer ou imprimer en bon papier et beaux caractères y suivant la feuille imprimée et attachée pour modèle sous le contre-scel des présentes. À ces causes, voulant traiter favorablement ledit exposant, Nous lui avons permis et permettons par ces Présentes de faire imprimer ou imprimer lesdits Livres ci-dessus spécifiés en un ou plusieurs volumes, conjointement ou séparément, et autant de fois que bon lui semblera, sur papier et caractères conformes à ladite feuille imprimée et attachée sous notre dit contre-scel ; et de les vendre, faire vendre et débiter par tout notre Royaume, pendant le temps de six années consécutives, à compter du jour de la date desdites Présentes. Faisons défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, d’introduire d’impression étrangère dans aucun lieu de notre obéissance : comme aussi à tous Libraires, Imprimeurs et autres d’imprimer, faire imprimer, vendre et faire vendre, débiter ni contrefaire lesdits Livres ci-dessus exposés, en tout ni en partie, ni d’en faire aucuns Extraits, sous quelque prétexte que ce soit d’augmentation, changement de titre, même en feuilles séparées, ni d’impression étrangère ou autrement, sans la permission expresse et par écrit dudit exposant, ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, de six mille livres d’amende contre chacun des contrevenants, dont un tiers à Nous, un tiers à l’Hôtel-Dieu de Paris , l’autre tiers audit Exposant, et de tous dépens, dommages et intérêts. À la charge que ces Présentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Libraires et Imprimeurs de Paris, dans trois mois de la date d’icelles ; que l’impression de ces Livres fera faite dans notre Royaume et non ailleurs, et que l’Impétrant se conformera en tout aux Réglements de la Librairie, et notamment à celui du 10 Avril 1725 et qu’avant que de les exposer en vente, les Manuscrits ou Imprimés qui auront servi de Copie à l’mpression des dits Livres, seront remis dans le même état où les approbations y auront été données, ès mains de notre très-cher et féal Chevalier Garde des Sceaux de France, le Sieur Chauvelin, et qu’il en fera ensuite remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, et un dans celle de notre très-cber et féal Chevalier, Garde des Sceaux de France, le Sieur Çhauvelin ; le tout à peine de nullité des Présentes. Du contenu desquelles vous mandons et enjoignons de faire jouir l’Exposant ou ses ayants cause pleinement et paisiblement, sans souffrir qu’il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la Copie desdites Présentes, qui sera imprimée tout au long au commencement ou à la fin desdits Livres, soit tenue pour dûment signifiée, et qu’aux copies collationnées par l’un de nos amés et féaux Conseillers et Secrétaires, foi soit ajoutée comme à l’Original : Commandons au premier notre huissier ou sergent, de faire pour l’exécution d’icelles tous actes requis et nécessaires, sans demander autre permission, et nonobstant Clameur de Haro, Charte Normande et Lettres à ce contraires. CAR tel est notre plaisir ; Donné à Versailles le seizième jour du mois de Mars, l’an de grâce mil sept cent trente-six , et de notre Règne le vingt-huitième. Par le Roy en son Conseil. Signé, SAINSON.
Registré sur le Registre IX de la Chambre Royale des Libraires et Imprimeurs de Paris, n° 264. Fol. 241. conformément aux anciens règlements, confirmés par celui du 28 Février 1723, Paris, ce 24 Mars 1736. Signé, G. MARTIN, Syndic.
APPROBATION. §
J’ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier, Bajazet premier Tragédie nouvelle par M. le Comte de Sommerive, et je n’ai rien trouvé dans cette pièce qui doive en empêcher l’impression. À Paris, ce 23 Février 1741. Signé, DE MONCRIF.
MONSEIGNEUR, §
Quelle gloire pour l’illustre sang dont son sort VOTRE ALTESSE SERENISSIME, d’avoir peuplé l’Europe de héros ? Quand toute l’Asie, depuis Alexandre, en a produit peu d’autres, dignes de lui être présentés que Tamerlan et Bajazet. Heureux, si éclairés par les lumières de la vraie religion, ces Monarques aussi célèbres, que fameux conquérants, en eussent fait la base de leur héroïsme. Leur grandeur aurait été plus solide, et leur gloire digne de l’immortalité, s’ils avaient pu connaître ces vertus épurées qui ne tirent leur véritable source que du christianisme, et se modeler sur ces sentiments vraiment magnanimes, sur ces qualités plus qu’humaines qui ont toujours été et sont encore l’apanage des Bourbons, et que l’on voit, MONSEIGNEUR, se réunir dans VOTRE ALTESSE SERENISSIME. Ces vertus essentielles et seules dignes de nos hommages, étant par leur principe et par leurs effets, d’un bien autre prix que celles qui ont attiré tant d’admiration à ces princes infidèles, eux-mêmes, s’ils vivaient aujourd’hui, en feraient les admirateurs ; et dans le desir qu’ils avaient d’éterniser leur mémoire, ils auraient ambitionné un suffrage aussi glorieux que celui de VOTRE ALTESSE SERENISSIME. Je n’ose, MONSEIGNEUR, VOUS le demander pour eux ; mais du moins sous les auspices de ces deux héros, agréez le respect profond avec lequel je suis, MONSEIGNEUR, DE VOTRE ALTESSE SERENISSIME ,
Le très humble et très obéissant Serviteur LE COMTE DE SOMMERIVE, Commandeur de l’Ordre de Saint Lazare.
PRÉFACE. §
Les Historiens qui ont écrit de Tamerlan, conviennent tous qu’il fut un des plus illustres conconquérans de l’Asie ; mais on ne peut rien de plus opposé que les idées qu’ils en donnent d’ailleurs.
Dans les uns, il est peint comme un héros si accompli, que par le parallèle qu’ils en font avec Alexandre, ils le croyent au-dessus de lui. Les autres en ont fait un brigand et un scélérat heureux.
Ces Historiens ne sont pas plus d’accord sur sa naissance et sur sa véritable origine. Quelques-uns l’ont fait descendre du sang royal ; d’autres ne lui ont donné pour titre que celui de pastre.
Les Poètes dramatiques qu ont travaillé ce sujet semblent avoir adopté ce dernier sentiment, quoique d’ailleurs ils lui prodiguent l’héroïsme. À l’égard de ses passions particulières, ils l’ont fait tel qu’il leur convenait qu’il fut, jusqu’à le rendre passionnément amoureux de la fille de son ennemi et de son captif ; et en cela ils se sont visiblement écartés de la vérité, et même de la vraisemblance. Tamerlan âgé de 78 ans, lorsqu’il vainquit Bajazet, était, et au delà, dans cet âge où l’amour, quelque puissant qu’il soit, n’est plus maître de nous enflammer. D’ailleurs cet empereur usé par les fatigues de guerres continuelles, était boiteux et manchot. Des défauts si visibles et si rebutans lui permétaient-ils seulement l’espoir d’être écouté d’une jeune et belle princesse ? Cependant selon nos auteurs tragiques, il ne prétendait pas moins que de s’en faire promptement aimer ; mais cet altier et farouche conquérant méprisait trop un ennemi qu’il tenait dans les fers, pour s’abaisser à contracter une alliance sérieuse avec sa fille.
Il y a plus : Tamerlan, indépendamment d’une multitude de concubines, avait réellement deux femmes, toutes deux descendues des princes Chétéens. L’une nommée Tomane était la grande reine, comme la plus considérable et la plus accomplie, et qui lui survécut. L’autre, qui s’appellait Gelbane , n’était que sa seconde reine, quoique plus belle et plus agréable.
Dans cette circonstance, s’il avait été possible que Tamerlan eût eu quelque penchant pour Astérie, il y aurait tourt lieu de présumer que cela n’aurait pu être que dans sa vue d’augmenter le nombre de ses concubines ; mais nulle apparence qu’il ait eu cette faiblesse pour la fille de Bajazet, et encore moins le dessein de l’épouser ; c’est ce qui m’a fait croire, après plusieurs personnes éclairées, que l’amour passionné que Pradon avait donné à ce guerrier estropié et décrépit dans la tragédie qu’il en a faite , en avait été la pierre d’achopement, indépendamment de la catastrophe qui pêche contre le sentiment que j’établis à la fin de cette préface.
Je ne songeais point à traiter ce sujet, lorsque j’y fus excité par la découverte que je fis de l’histoire des quarante-neuf Califs, à la fuite de laquelle se trouve celles de Tamerlan intitulée : Mémorial des merveilles dans la vie et les actions du grand Tamerlan divisée en sept livres, contenant l’origine, la vie et la mort de ce fameux conquérant, composé par Achamed Arabe fils de Gérsspe. Cette seconde histoire est suivie d’un livre entier qui a pour titre : Portrait du grand Tamerlan par le même auteur, lequel après un récit fort étendu de ses vertus et, de ses vices, peint son véritable caractère, les qualités de son esprit, son naturel en général et ses inclinations particulières.
Dans son mémorial, le fils de Géraspe expose les divers discours qui se répandirent quelques années après la mort de Tamerlan sur la bassesse de son origine ; mais il les rejette tous comme n’étant appuyés d’aucune vraisemblance, et soutient que le plus vraisemblable était, que son père Targaï avait été un des plus grands de la cour du sultan, sur quoi Achamed poursuit en ces termes : J’ai vu à la fin d’une chronique Persane nommée la choisie, qui tient depuis le commencement du monde jusqu’à Tamerlan, c’est un fort bel ouvrage, j’ai vu, dis-je, à la fin de cette chronique une généalogie qui fait venir Tamerlan de Genghis-Knan par les femmes, quant à l’extraction. En effet, après qu’il se fut rendu maître des pays de delà la rivière et fait grand seigneur, il épousa les filles des princes, ce qui fit ajouter à ses qualités celle de Couracan, c’est-à-dire, en Mogol le gendre, parce qu’il était gendre des princes et perpétuellement dans leurs. maisons. Chézine alors sultan avoit quatre vizirs qui tous avaient des tribus, et c’est de Berlase l’un d’eux , dont sortit Tamerlan. Pour sa personne, il devint jeune homme d’esprit et de courage, généreux, prudent, actif, civil, qui sut gagner l’affection de ses pareils enfants des vizirs, et fit une ligue composée des principaux de la jeunesse ; et un jour qu’ils s’étaient assemblés, il leur dit : Une certaine femme du nombre de celles qui ont le don de deviner et prophétiser, a vu un certain songe qu’elle a examiné selon les règles de l’onirocritique, et trouvé par-là qu’elle verroit dans peu un enfant de la ligue dompter les nations et subjuguer les peuples, se rendant puissant seigneur, et réduisant sous son obéissance les rois du siécle, C’est moi qu’elle entend, poursuivit-il, et c’est bientôt que ceci doit arriver. Promettez moi donc fidélité, et m’assurez de m’accompagner, et de m’aider en mon entreprise constamment et vaillamment, sans m’abandonner jamais, et ils lui accordèrent tout ce qu’il demandait, etc.
En effet, ses premiers exploits furent une espèce de brigandage, ce qui aura sans doute donné lieu aux reproches méprisans que Bajazet lui en fit ; et c’est sur ces reproches que les Historiens se sont persuadés que Tamerlan n’avait été originairement qu’un vil pâtre, et par la fuite un brigand révolté, ce qu’il ne fut jamais selon notre auteur Arabe, d’autant plus croyable qu’il était chrétien Jacobite, fort considéré pour sa doctrine, ennemi et contemporain de Tamerlan, qu’il avait si particulièrement connu qu’il en dépeint jusqu’à la taille et la mine. Depuis sa mort Achamed avait conversé avec quantité d’honnêtes gens qui avoient passé la plus grande partie de leur vie au service de cet empereur, il en devait parler avec connaissance ; et l’histoire qu’il en a faite, n’ayant été publiée que trente-cinq ans après sa mort, il en pouvait parler librement, temps auquel, ainsi qu’il l’assure, les choses avaient bien changé de face.
J’ai donc été autorisé à adopter cet auteur préférablement à tous autres comme le mieux instruit, et c’est lui qui apprend que Tamerlan à l’âge de quatre-vingt quatre ans, avait encore le jugement sain et entier, l’esprit si ferme et si égal, que les bons et les mauvais succès ne faisaient sur lui aucune impression différente. Entreprenant et hardi, il n’était, pas moins, tranquille et prudent.
Aussi fin politique qu’intrépide guerrier, il ne laissait rien transpirer de ses desseins, il n’aimait que les gens de coeur ; il vouloit qu’ils lui parlassent avec franchise, et souffrait qu’on, lui dit la vérité, mais rarement dans la vue d’en faire usage. Son sentiment réglait seul ses desseins et ses résolutions. Subtil et intelligent dans ses réflexions, il était toujours sûr dans ses conjectures. C’était un esprit délié, adroit, qui savait le langage des yeux et des paupières. Une expérience infinie dans les entreprises, lui faisait connaître quelle en serait l’issue. Habile à pénétrer les intrigues les plus cachées , il en perçait les ruses les plus fines, et on ne pouvait pénétrer dans les siennes ; il avait de faux mouvements par lesquels il trompoit les plus clairvoyants. Dans les choses qu’il avait à contrecoeur, il paraissait ne demander pas mieux et ne feignait de n’en vouloir pas d’autres qu’il désirait ardemment. Quoique dévoré d’ambition, il affectait des sentiments de magnanimité que son coeur et les évènements démentaient ; et plus insatiable encore de conquêtes que de gloire, sous des motifs qu’il avait l’art de rendre les plus spécieux, il y facrifiait tout. Aussi sa clémence n’était-elle dûe qu’à sa politique. Sa justice découvrait son penchant pour la sévérité ; et pardonnant rarement, il la portait presque toujours jusqu’à la cruauté. Le même historien Arabe parle fort succintement de Bajazet. Il dit que Tamerlan avoit résolu de l’enfermer dans une cage de fer, et de le traîner à sa suite dans le voyage qu’il fit à Azare ou il mourut ; mais que le malheureux Ottoman s’empoisonna. Peut-être la résolution de Tamerlan avait-elle transpiré jusqu’à sa prison ; mais Achamed n’instruit point de quelle manière le poison était parvenu jusqu’à ce prince qui sut toujours très étroitement renfermé. Il est probable que quelques-uns des siens trouvèrent moyen de lui en faire donner pour épargner à Bajazet un traitement aussi humiliant que celui dont il était menacé, et dont l’affront aurait rejailli sur tout l’empire Ottoman. Cette conjecture est d’autant plus vraisemblable, que Michel Baudier dans son inventaire de l’histoire générale des Turcs, dit, que ceux qui étaient a la suite de Bajazet et parmi l’armée de Tamerlan, firent bien tout ce qu’ils purent pour mettre leur prince en liberté ; mais qu’ils ne furent pas moins malheureux en leurs desseins, qu’ils l’avaient été dans la guerre ; car ayant fait une mine pour aller au dessous de sa prison, ils sortirent trop tôt, et percèrent droit au lieu ou étaient les gardes, ce qui fut cause qu’il fut plus sûrement renfermé, et ajoute que selon quelques-uns, ce fut dans une cage de fer. En rapprochant ce récit de celui d’Achamed, on ne peut douter que ce fut cette tentative qui avait déterminé Tamerlan à traîner son captif avec lui d’une manière si barbare et si honteuse. Le même Baudier fait une histoire si détaillée de Bajazet, qu’en rassemblant ce qu’en rapporte cet auteur Français avec ce que l’auteur Arabe récite de Tamerlan, il est facile de connaître que l’un et l’autre, animés de la plus violente ambition, étaient également avides de gloire ; mais qu’ils y tendaient par des motifs qui n’étaient pas également purs. Bajazet l’aimait noblement, et n’employait pour l’acquérir que les voies que lui inspirait une valeur intrépide ; il ne consultait qu’elle dans ses entreprises ; et ne prenant d’autres mesures que celles que lui dictaient l’espoir et l’honneur de vaincre, il n’en attendait le succès que d’un courage si fougueux, qu’il le fit surnommer foudre de guerre. Tamerlan au contraire marquoit beaucoup plus d’ardeur à conquérir, qu’à mériter la gloire d’avoir conquis, qu’il faisait plus consister dans l’étendue et dans la difficulté des conquêtes, que dans l’honneur du triomphe. L’un concevait des projets plus nobles, l’autre en formait de plus vastes. Le Tartare assurait ses entreprises par de profondes et d’utiles réflexions ; et l’Ottoman les manquait faute de réfléchir, ce qui causa sa perte. Celui-là fit des conquêtes plus étendues et celui-ci en fit de plus rapides. Le premier obtint plus de victoires : l’autre, avant sa défaite, en avait obtenu de plus éclatantes. Si Tamerlan eut le bonheur de subjuguer quantité de nations, elles étaient presque toutes barbares, et ce fut par ses généraux ; et Bajazet eut l’honneur de vaincre en personne les Européens. Enfin, il ne lui était pas inférieur en valeur, et il lui fit tout au moins égal en gloire ; et s’il n’eût été vaincu par la trahison des Tartares, il auroit en tout surpassé son vainqueur, si l’on en juge par cette fermeté inflexible, et le courage inébranlable, avec lesquels il soutint également le malheur de sa défaite et les horreurs de sa captivité, et qui lui ont dû faire regagner toute la gloire que sa défaite lui avait enlevée.
C’est ici le lieu de répondre à quelques personnes qui ont crû que Bajazet aurait dû se tuer ou s’empoisonner dès l’instant qu il en a eu les moyens. Mais l’héroïsme consiste-t-il à se donner la mort aussitôt que l’on est malheureux ?
L’effet propre d’une vertu mâle ne consiste-t-il pas au contraire à lutter et à se raidír contre les plus grandes infortunes et les disgrâces les plus horribles, et si c’est, comme on en peu douter, cette fermeté inébranlable , et le courage infléxible avec lesquels on supporte les revers les plus accablants, qui constitue le véritable héroïsme, c’est donc une faiblesse de s’en laisser abattre, et une lâcheté d’y succomber, surtout au point de ne pouvoir y survivre.
Indépendamment de ces motifs de gloire, Bajazet en avait encore d’autres bien naturels pour ne pas se donner la mort dès qu’il en a été le maître. En le faisant, il laissait l’honneur , et peut-être la vie d’Astérie à la merci de deux ennemis également dangereux, l’un par sa haine, et l’autre par un amour aussi entreprenant qu’emporté, et que Bajazet du moins contenait par sa présence ; mais Bajazet mort, nul doute que Thémir aussi passionné, et aussi violent qu’il est dépeint, ne se fût livré aux derniers excès pour satisfaire une passion d’autant plus à craindre, qu’elle étoit irritée par les mépris d’Astérie et par l’opposition déclarée de Tamerlan ; de sorte que si Bajazet se fût tué ou empoisonné dès l’instant qu’il en a eu les moyens, il aurait agi en homme désespéré ce qui est bien éloigné de l’héroïsme ; il aurait même agi contre le sentiment naturel, et c’eût été précisément une action si déplacée, qu’elle aurait mérité une critique à laquelle il n’aurait pas été possible de répondre, Mais, dira-t-on, Bajazet ne s’empoisonne-t-il pas ? J’en conviens ; mais dans quel temps et dans quelles circonstances le fait-il ? Dans celles, où chez, les Orientaux, ainsi que parmi les Romains, il était non seulement en usage, mais même glorieux de se tuer, non pour se délivrer de ses malheurs, ce qui eût été un lâche désespoir ; mais pour s’arracher à l’infâmie lorsqu’elle y était attachée, ou pour se dérober à une mort infâme. Or tant que Bajazet ne se trouve point dans l’un ou l’autre de ces cas, quelque affreuse, à tous égards, que soit sa situation, il ne doit point se donner la mort, puisqu’au contraire sa vie touté infortunée qu’elle était , servoit à la conservation de l’honneur de sa fille ; mais dès que Bajazet, en refusant, avec dédain le tribut onéreux etc humiliant que Tamerlan exige de lui, se voit menacé d’une mort prochaine, il s’empoisonne, parce qu’alors la mort qu’il se donne de sa propre main lui est aussi glorieuse qu’elle lui aurait été honteuse de la main de son vainqueur ; et ce n’est même qu’après avoir pourvu à la sûreté de la vie et de l’honneur d’Astérie par le poignard qu’il lui donne, et par l’usage qu’il lui intime d’en faire, indépendamment des secours et de la défense qu’elle avait tout lieu d’attendre de l’amour d’Adanaxe pour elle, et qui était autorisé par Tamerlan. Sans ces motifs également fondés et pressans, et selon les notions non d’un héroïsme arbitraire, mais du Vrai Bajazet, n’aurait pas dû se donner la mort ; et s’il l’eût fait, il n’aurait pas laissé douter que le désespoir de sa défaite joint aux rigueurs de la captivité, ne lui eussent aliéné l’esprit, ainsi que nous en fournissent assez de tristes exemples ces coeurs lâches, dénués de tous sentiments de vertu ; et qui ne pouvant survivre à leur infortune, courent à la première disgrâce se pendre ou se noyer, mais dont assurément les noms ne sont pas inscrits dans le catalogue des héros.
C’en est assez pour faire sentir le faux du sentiment contraire au mien sur cet endroit, qui juíqu’à présent a été le seul attaqué. Je n’en crois pas pour cela cette pièce exempte d’autres défauts, loin de les défendre, je suis très disposé à les avouer à ces censeurs respectables par leurs sentiments encore plus que par leurs lumières, lorsqu’ils me feront l’honneur de me critiquer.
ACTEURS §
- TAMERLAN, empereur des Tartares.
- BAJAZET, empereur des Turcs.
- THÉMIR, fils de Tamerlan
- ASTÉRIE, fille de Bajazet.
- ADANAXE, prince du sang de Tamerlan.
- AXALLA, ministre et général des Tartares.
- ODMAR, ministre et général des Parthes.
- ZAÏRE, confidente d’Astérie.
- USBEK, officier des gardes de Tamerlan.
- MIRSAS, officier des gardes de Tamerlan.
- CIARCAN, officier des gardes de Tamerlan..
- GARDES de Tamerlan et de Bajazet.
ACTE I §
SCÈNE PREMIÈRE. Astérie, Zaïre. §
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
SCENE II. Astérie, Thémir, Zaïre. §
THÉMIR.
ASTÉRIE.
THÉMIR.
ASTÉRIE.
THÉMIR.
ASTÉRIE.
SCÈNE I.I. §
THÉMIR, seul.
SCÈNE I.. Thémir, Mirsas. §
MIRSAS.
THÉMIR.
MIRSAS.
THÉMIR.
MIRSAS.
THÉMIR.
MIRSAS.
THÉMIR.
ACTE II §
SCÈNE PREMIÈRE. Tamerlan, Axalla, Odmar, Gardes. §
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
SCÈNE II. Tamerlan, Astérie , Axalla, Odmar, Gardes. §
ASTÉRIE.
TAMERLAN.
ASTÉRIE.
TAMERLAN.
ASTÉRIE.
SCÈNE III. Tamerlan, Axalla, Odmar, Gardes. §
TAMERLAN.
SCÈNE IV. Tamerlan, Thémir, Axalla, Odmar, Gardes. §
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR, à part.
TAMERLAN.
THÉMIR.
SCÈNE V. Tamerlan, Axalla, Odmar, Gardes. §
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
ODMAR.
TAMERLAN.
SCÈNE VI. §
TAMERLAN, seul.
SCÈNE VII. Tamerlan, Adanaxe. §
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN, à part.
ADANAXE, à part.
TAMERLAN, à part.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ACTE III §
SCÈNE PREMIÈRE. Adanaxe, Axalla. §
ADANAXE.
AXALLA.
ADANAXE.
AXALLA.
ADANAXE.
AXALLA.
ADANAXE.
AXALLA.
ADANAXE.
AXALLA.
SCÈNE II. Bajazet enchaîné, Adanaxe, Axalla, Gardes de Bajazet. §
BAJAZET.
ADANAXE.
BAJAZET.
ADANAXE.
BAJAZET.
ADANAXE.
BAJAZET.
ADANAXE.
BAJAZET.
ADANAXE.
BAJAZET.
ADANAXE.
BAJAZET.
ADANAXE.
BAJAZET.
ADANAXE.
SCÈNE III. Bajazet, Axalla. §
BAJAZET.
AXALLA.
BAJAZET.
AXALLA.
BAJAZET.
AXALLA.
BAJAZET.
SCÈNE IV. Bajazet, Astérie, Axalla, Gardes. §
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
AXALLA.
BAJAZET.
AXALLA.
ASTÉRIE.
AXALLA.
SCÈNE V. Bajazet, Astérie. §
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
SCÈNE VI. §
ASTÉRIE, le poignard à la main.
SCÈNE VII. Adanaxe, Astérie. §
ADANAXE.
ASTÉRIE, à part.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE, à part.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE, à part.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ACTE IV §
SCÈNE PREMIÈRE. Tamerlan, Adanaxe, Axalla, Odmar, Cciarcan, Gardes. §
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN, en s’asseyant.
SCÈNE II. Tamerlan assis, Bajazet enchaîné, Adanaxe, Odmar, Ciarcan, Gardes de Tamerlan et de Bajazet. §
BAJAZET.
TAMERLAN.
BAJAZET.
TAMERLAN.
BAJAZET.
TAMERLAN.
BAJAZET.
TAMERLAN.
BAJAZET.
BAJAZET.
TAMERLAN.
BAJAZET.
TAMERLAN.
BAJAZET.
TAMERLAN.
BAJAZET, en se retirant.
ADANAXE, à Bajazet.
BAJAZET, en se retirant.
ADANAXE.
BAJAZET, en sortant.
SCÈNE III. Tamerlan, Adanaxe, Axalla, Odmar, Gardes de Tamerlan. §
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
ADANAXE.
TAMERLAN.
SCÈNE IV. §
ADANAXE, seul.
SCÈNE V. Thémir, Adanaxe. §
THÉMIR.
ADANAXE.
THÉMIR.
ADANAXE.
THÉMIR.
ADANAXE.
THÉMIR.
ADANAXE.
THÉMIR.
ADANAXE.
THÉMIR.
ADANAXE.
THÉMIR.
ADANAXE.
SCÈNE VI. Astérie, Thémir, Adanaxe. §
ASTÉRIE, sans les apercevoir.
THÉMIR.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
ADANAXE, en sortant.
SCÈNE VII. §
ASTÉRIE, seule.
SCÈNE VIII. Astérie, Zaïre. §
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ZAÏRE.
ASTÉRIE.
ACTE V §
SCÈNE PREMIÈRE. Tamerlan, Axalla, Odmar, Gardes. §
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
SCÈNE II. Tamerlan, , Axalla, Odmar, Ciarcan, Gardes. §
CIARCAN.
TAMERLAN.
SCÈNE III. Tamerlan, Axalla. §
TAMERLAN.
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
AXALLA.
TAMERLAN.
SCÈNE IV. Tamerlan, Axalla, Odmar. §
ODMAR.
TAMERLAN.
ODMAR.
TAMERLAN.
ODMAR.
TAMERLAN.
SCÈNE V. Tamerlan, Thémir, Axalla, Odmar, Gardes. §
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN.
SCÈNE VI. Tamerlan, Thémir, Adanaxe, Astérie, Zaïre, Axalla, Odmar, Gardes. §
ASTÉRIE.
THÉMIR.
TAMERLAN.
THÉMIR, à Tamerlan.
TAMERLAN.
THÉMIR.
TAMERLAN, en s’asseyant.
ASTÉRIE.
TAMERLAN.
ASTÉRIE.
TAMERLAN.
SCÈNE DERNIÈRE. Bajazet, Tamerlan, Astérie, Adanaxe, Axalla, Odmar, Gardes de Tamerlan et de Bajazet. §
BAJAZET.
TAMERLAN.
BAJAZET.
TAMERLAN.
ADANAXE.
ASTÉRIE.
TAMERLAN.
ASTÉRIE.
TAMERLAN, en se levant.
ADANAXE, arrachant le poignard d’Astérie.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
TAMERLAN.
ASTÉRIE, à Bajazet.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
BAJAZET.
ASTÉRIE.
ADANAXE.
TAMERLAN.