M. DCC. LII. Avec Approbation et Privilège du Roi.
PRIVILÈGE DU ROI. §
Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers les gens tenants nos cours de parlement, maîtres de requêtes ordinaires, de notre Hôtel, Grand conseil, prévôt de Paris, baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants civils, et autres nos justiciers qu’il appartiendra, Salut. Notre Amé le sieur TANEVOT, Nous a fait exposer qu’il désirerait imprimer et donner au public un livre qui a pour titre, Adam et Eve, ou la Chute de l’Homme, tragédie, s’il nous plaisait lui accorder nos lettres de privilège pour ce nécessaires. À ces causes, voulant traiter favorablement l’exposant, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes de faire réimprimer ledit Livre en un ou plusieurs volumes, et autant de fois que bon lui semblera, et de le faire vendre et débiter par tout notre Royaume pendant le temps de six années consécutives, à compter du jour de la date des présentes. Faisons défense à tous Imprimeurs, Libraires et autres personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, d’en introduire d’impression étrangère dans aucun lieu de notre obéissance, comme aussi d’imprimer ou faire imprimer, vendre, débiter ni contrefaire ledit Livre, ni d’en faire aucuns extraits fous quelque prétexte que ce soit, d’augmentation, correction, changement, ou autres, sans la permission expresse et par écrit dudit Exposant, ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de confiscation des exemplaires contrefaits, de trois mille livres d’amende contre chacun des contrevenants, dont un tiers à Nous, un tiers à l’Hôtel-Dieu de Paris, et l’autre tiers audit Exposant, ou à celui qui aura droit de lui, et de tous dépens, dommages et intérêts : À la charge que ces présentes seront enregistrées tout au long fur le Registre de la Communauté des Imprimeurs et Libraires de Paris, dans trois mois de la date d’icelles ; que la réimpression dudit Livre fera faite dans notre Royaume et non ailleurs, en bon papier et beaux caractères conformément à la feuille imprimée attachée pour modèle fous le contrescel des présentes ; que l’Impétrant fse conformera en tout aux Règlements de la Librairie, et notamment de celui du 10 Avril 1725 ; qu’avant de l’exposer en vente, l’imprimé qui aura servi de copie à la réimpression dudit Livre, fera remis dans le même état où l’approbation y aura été donnée, ès mains de notre très-cher et féal Chevalier Chancelier de France le sieur de Lamoignon, et qu’il en sera ensuite remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, un dans celle de notre dit très-cher et féal Chevalier Chancelier de France le sieur de Lamoignon, et un dans celle dé notre très cher et féal Chevalier Garde des Seaux de France teneur de Machault, Commandeur de nos Ordres : lé tout à peine de nullité des présentes : Du contenu desquelles vous mandons et enjoignons de faire jouir ledit Exposant et ses ayant cause pleinement et paisiblement, sans souffrir qu’il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie des présentes, qui sera imprimée tout au long au commencement ou à la fin dudit Livre, soit tenue pour dûment lignifiée, et qu’aux copies collationnées par l’un de nos amés et féaux Conseillers-Secrétaires, soi soit ajoutée comme à l’original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l’exécution d’icelles tous actes requis et nécessaires, fans demander autre permission, et nonobstant clameur de Haro, Charte Normande et Lettres à ce contraires. Car tel est notre plaisir. Donné à Versailles le huitième jour du mois d’Octobre, l’an de grâce mil sept cent cinquante-un, et de notre Règne le trente-septième. Par le Roi en son Conseil.
Signé SAINSON.
Registré sur le Registre douze de la Chambre Royale et Syndicale des Libraires et Imprimeurs de Paris n°. 6 5 8 fol.,5,14. conformément au Règlement de iji^, qui fait défenses art, iv. à toutes personnes de quelque qualité qu’elles soient, autres que les Libraires et Imprimeurs, de vendre, débiter et faire afficher aucuns Livres pour les vendre en leurs noms, soit qu’ils s’en disent les Auteurs ou autrement, et à la charge de fournir à la susdite Chambre neuf exemplaires, prescrits par l’art. 108 du même Règlement, A Paris le 22 Octobre mil sept cent cinquante-un.
LE GRAS, Syndic.
APPROBATION. §
J’ai lu, par ordre de Monseigneur le Chancelier, la Tragédie d’Adam et d’Eve. J’ai cru que cette Pièce qui n’est pas faite pour la représentation ordinaire, était très digne de l’impression par la force des sentiments et la noblesse de la versification. De plus, elle est très édifiante pour ceux même qui seraient les plus grands ennemis du Théâtre. Fait à Paris ce 19 Août 1751.
FONTENELLE.
* La Boussolle.
TANEVOT.
* M. Destouches, de l’Académie française.
PRÉFACE. §
La Poésie tire son origine de la Religion : née dans son sein, elle y puisa ces transports et ces accents tout divins que par une juste reconnaissance elle lui a d’abord consacrés. Il aurait été bien à souhaiter que cette céleste fille eût toujours conservé la pureté de sa source, et qu’elle ne s’en fût pas écartée au point de devenir quelquefois la plus cruelle ennemie de son auguste mère : heureusement des génies sublimes ont en différens temps pris soin de les réconcilier. Esther, Athalie, les Odes sacrées, ont été entr’autres les fruits précieux de cette réunion ; et la Poësie a pu juger, par la solide gloire qu’elle en a recueillie, combien ses vrais intérêts doivent l’attacher à la Religion. On a essayé, dans la composition de ce poéme, de resserrer encore de si beaux noeuds, et de faire dans un genre ce que le célèbre Milton avait exécuté dans un autre : il est même l’Auteur de l’idée qu’on a suivie, son premier dessein avoit été de mettre en Tragédie le Paradis perdu. Un génie vaste, une imagination vive et féconde, l’ont emporté dans l’épique. Que de beautés ne devons-nous pas à ce noble essor ! Une savante traduction les a fait passer dans notre langue avec une économie peut-être plus sage que dans l’original. Il a semblé qu’un fonds si riche produirait toujours d’excellents fruits, quoique foiblement cultivé, et que ceux qu’on en serait éclore ne pouvaient manquer du moins de nourrir la piété, C’est pour nous toucher davantage et pénétrer plus avant dans notre âme, que la Religion emprunte quelquefois le langage de la poésie.
Cette Tragédie aurait pu avoir de grands avantages, si elle n’eût été remplie que des pensées du grand poète qui en a fourni la matière, mais le cadre était trop étroit pour pouvoir les contenir, et le talent trop borné pour les bien mettre en oeuvre. D’ailleurs la Tragédie, comme on le fait, marche autrement que l’épopée, elle a ses grâces et son style à part ; de sorte que la différente constitution des deux poèmes a rendu nécessairement ici l’imitation très libre : il a fallu souvent s’écarter du sentier battu, et chercher d’autres routes pour arriver à peu près au même terme.
Le sujet de cette Tragédie cause d’abord quelque surprise. On n’aperçoit pas du premier coup d’oeil les différentes pièces qu’il peut faire entrer dans la structure d’un poème dramatique. Le fond en paraît stérile, et l’on est en peine des personnages qui doivent le développer. On ne voit d’un côté que des anges ou des démons, de l’autre Adam et Eve : ceux-ci sont plus à notre portée, mais comment introduire des esprits sur la Scène ? Quels discours leur faire tenir ? Et quelle vraisemblance autorisera toute la conduite du poème ?
S’il est besoin de se prêter un peu à ce qu’un pareil sujet offre de singulier et d’extraordinaire, il faut convenir cependant qu’il ne présente que des idées dont la Religion nous a revêtus dès l’enfance. C’est un merveilleux consacré par les Livres Saints : les apparitions des Anges et des Démons y sont fréquentes ; l’histoire d’Abraham nous en fournit plusieurs. Dieu a même permis que l’Esprit de Ténèbres ait osé quelquefois lui parler : les persécutions de Job et la tentation de Notre-Seigneur en sont une preuve. On pourrait encore s’appuyer sur d’autres exemples d’Êtres spirituels ou métaphysiques mis en action et présentés aux yeux ; nos Théâtres en sont pleins : mais à Dieu ne plaise que dans un sujet tel que celui-ci, on puise ses autorités ailleurs que dans la source sacrée qui l’a produit. On peut donc, sans blesser la vraisemblance, faire converser entr’eux les esprits célestes ou infernaux ; on peut aussi leur donner une forme humaine. Par la même raison, rien n’empêche de les unir à une action, dès qu’il se trouvera un intérêt assez grand pour les faire agir : or en fut-il jamais un plus digne du ministère des saints anges, que la conservation de l’innocence d’Adam, ni qui touchât plus les démons, que de pouvoir l’en priver. L’intrigue naît donc de ces deux parts : tout est en mouvement dans le Ciel, sur la Terre, dans les Enfers. Quoi de plus susceptible d’une action dramatique ! Quel spectacle ! Et encore une fois, quel intérêt ! Eh ! Qui peut nous émouvoir davantage que l’histoire de notre origine, soit dans l’ordre de la nature, soit dans celui de la grâce ? Peu nous importent, au prix d’un si grand objet, le siège de Troie, la conquête de l’Asie, les batailles de Pharsale ou d’Actium.
Cette Pièce, publiée il y a quelques années sans l’aveu de l’auteur, fut reçue avec indulgence : il s’y était glissé beaucoup de fautes, on les a corrigées dans cette édition ; l’auteur l’a revue avec soin, y a fait plusieurs changements, et l’aurait rendue encore moins défectueuse, si des occupations fort étrangères à ce genre d’ouvrage, lui avaient laissé plus de loisir.
ACTEURS. §
- RAPHAËL.
- GABRIEL.
- MICHEL.
- URIEL.
- ADAM.
- EVE.
- SATAN.
- MOLOCH.
- LA VOIX DE DIEU.
ACTE I §
SCÈNE PREMIÈRE. §
SATAN.
SCÈNE II. Satan, Moloch. §
SATAN.
MOLOCH.
SATAN.
MOLOCH.
SATAN.
SCÈNE III. Gabriel, Uriel, Les Anges Gardiens du Paradis Terrestre. §
URIEL.
GABRIEL.
11ACTE II §
SCÈNE PREMIÈRE. §
SATAN.
SCÈNE II. §
ADAM, seul.
SCÈNE III. Adam, Eve. §
EVE.
ADAM.
EVE.
ADAM.
EVE.
SCÈNE IV. §
SATAN.
SCÈNE V. Gabriel, Satan. §
GABRIEL.
SATAN.
GABRIEL.
SATAN.
GABRIEL.
SATAN.
GABRIEL.
SCÈNE VI. Raphaël, Gabriel, Satan. §
RAPHAËL.
15ACTE III §
SCÈNE PREMIÈRE. Raphaël, Adam. §
RAPHAËL.
ADAM.
RAPHAËL.
ADAM.
RAPHAËL.
ADAM.
RAPHAËL.
ADAM.
RAPHAËL.
ADAM.
RAPHAËL.
ADAM.
RAPHAËL.
SCÈNE II. Adam, Eve. §
EVE.
ADAM.
EVE.
ADAM.
EVE.
ADAM.
EVE.
ADAM.
ACTE IV §
SCÈNE PREMIERE. Satan, Moloch. §
SATAN.
MOLOCH.
SATAN.
MOLOCH.
SATAN.
SCÈNE II. Eve, Satan, ou le serpent. §
EVE.
SATAN, ou le Serpent.
EVE.
SATAN, ou le Serpent.
EVE.
SATAN, ou le Serpent.
EVE.
SATAN, ou le Serpent.
EVE.
SATAN, ou le Serpent.
EVE.
SATAN, ou le Serpent.
EVE.
SATAN, ou le Serpent.
EVE.
ACTE V §
SCÈNE PREMIÈRE. Satan, Moloch. §
SATAN.
MOLOCH.
SATAN.
MOLOCH.
SATAN.
MOLOCH.
SATAN.
MOLOCH.
SATAN.
SCÈNE II. §
ADAM, seul.
SCÈNE III. Adam, Eve. §
EVE.
ADAM.
EVE.
ADAM.
SCÈNE VI. La Vvois de Dieu, Adam, Eve. §
LA VOIX DE DIEU.
ADAM.
LA VOIX DE DIEU.
ADAM.
LA VOIX DE DIEU.
EVE.
LA VOIX DE DIEU, au serpent.
SCÈNE V. Adam, Eve. §
ADAM.
SCÈNE VI. Eve, Adam. §
EVE.
ADAM.
EVE.
ADAM.
SCÈNE VII. Michel, Adam, Eve. §
MICHEL.
20ADAM.
MICHEL.
ADAM.