1758.
PAR M. VADÉ.
ACTEURS §
- ALISON, Veuve.
- SUSON, sa Cousine.
- MATHURIN, amoureux d’Alison.
- COLIN, amoureux d’Alison.
ACTE UNIQUE §
SCÈNE PREMIÈRE. §
ALISON.
Allons à ce sujet consulter ma cousine, et profitons de ses conseils.
SCÈNE II. Mathurin, Colin. §
MATHURIN.
Oui, te dis je ; son penchant pour moi la détermine.
COLIN.
Oh ! Je suis sûr que c’est moi qu’elle va couronner.
MATHURIN.
COLIN.
MATHURIN.
Mais quel droit as-tu pour y prétendre ?
COLIN.
Eh ! Quel droit as-tu, toi, de me la contester ?
MATHURIN.
Moi ? J’étais l’ami du défunt ; elle m’aimait aussi dès ce temps-là : ainsi j’ai pour moi l’ancienneté.
COLIN.
Oh ! Moi, c’est depuis son veuvage qu’elle m’aime ; ainsi j’ai pour moi la nouveauté.
MATHURIN.
Arrange-toi comme tu voudras, mais je n’en démordrai pas.
COLIN.
Ni moi non plus.
MATHURIN.
Eh ! Mais ! Tu veux donc te faire frotter ?
COLIN.
Par qui ?
MATHURIN.
Par moi.
MATHURIN.
COLIN.
SCÈNE III. Alison, Suson, Mathurin, Colin. §
SUSON, accourant.
Pourquoi donc tout ce bruit ?
ALISON.
Pourquoi donc tout ce vacarme ?
MATHURIN.
C’est lui qui veut me disputer ton coeur.
COLIN.
C’est lui qui prétend l’emporter sur moi.
ALISON.
Mais vraiment cela me fait honneur.
MATHURIN.
C’est votre faute aussi.
ALISON.
Pourquoi donc ?
COLIN.
Sans doute, depuis six mois que vous nous bercez d’espérance.
SUSON.
Ils ont raison ; pourquoi ne pas se déterminer ?
ALISON.
Cela t’est bien aisé à dire ; mais je considère bien des choses.
SUSON.
Quoi ?
ALISON.
Ce n’est pas un marché d’un jour ; j’ai le bonheur d’être veuve : si j’étais sûre de l’être une seconde fois, je n’y regarderais pas de si près.
SUSON.
Tu plaisantes, mais il faut une fin.
MATHURIN.
Sans doute il faut une fin.
ALISON.
SUSON.
MATHURIN et COLIN.
COLIN.
MATHURIN.
ALISON.
MATHURIN.
COLIN.
ALISON.
COLIN.
ALISON.
MATHURIN.
SUSON.
ALISON.
COLIN.
MATHURIN.
MATHURIN et COLIN.
ALISON.
MATHURIN.
Il n’y a qu’un mot qui serve. Voyons.
COLIN.
Que de façons ! Parlez.
ALISON.
Oh ! Plus vous me pressez, moins je pourrai me décider. Donnez-moi du moins le temps de réfléchir.
MATHURIN.
COLIN.
ALISON, à Colin.
COLIN.
MATHURIN.
ALISON.
MATHURIN.
Ingrate ! Sur un tel caprice je vais réfléchir à mon tour.
SCENE IV. Suson, Alison, Colin. §
SUSON.
Quoi ! Toujours balancer !
COLIN.
Jarni, pourquoi faut-il que je sois amoureux ?
ALISON.
Suson, conseille moi.
COLIN.
Que voulez-vous qu’elle vous dise ? C’est votre coeur qui doit vous conseiller.
SUSON.
C’est bien dit. Que ne prends-tu Colin !
ALISON.
J’aurais bien aimé Mathurin, mais, non ; il me semble que tu as raison : Colin est mieux mon fait. Va je te prends.
COLIN.
Que je suis satisfait ! Oh ! Tatigoi, vous ne vous repentirez pas de la préférence que vous me donnez.
ALISON.
Suson, ai-je bien fait ?
SUSON.
Oui, j’approuve ton choix ?
ALISON.
Mathurin va faire le diable. Il est riche et puissant dans le village. Il peut nous nuire, et je crains...
COLIN.
Ne craignez rien. Je vais l’observer.
SCÈNE V. Suson, Alison. §
ALISON, rêvant.
Oui, oui, je serais mieux...
SUSON.
À quoi rêves tu ?
ALISON.
C’est que...
SUSON.
Eh ! Bien ?
ALISON.
C’est que... Tiens, il faut te le dire, Colin ne m’aura pas.
SUSON.
Bon ! Autre caprice ! Et tu viens de le lui promettre.
ALISON.
C’est vrai ; mais j’ai eu tort.
SUSON.
Que peux-tu lui reprocher. Il est jeune, il t’aime....
ALISON.
Mais il n’a rien.
SUSON.
ALISON.
Tu as beau dire, je crois pourtant que Mathurin ferait mieux mon affaire.
SUSON.
Quel esprit indécis !
ALISON.
Dis-lui que je veux lui parler.
SUSON.
J’y cours de ce pas.
SCÈNE VI. §
ALISON seule.
SCENE VII. Mathurin, Alison. §
MATHURIN.
Suson vient de me dire que vous vouliez me parler.
ALISON.
Oui, cela est vrai.
MATHURIN.
Et est-il vrai encore ce qu’elle m’a dit ?
ALISON.
Quoi ?
MATHURIN.
Que vous aviez, enfin, rendu justice à mon amour.
ALISON.
Oui, cela est vrai.
MATHURIN.
Ah ! Si tu savais à quel point ma flamme...
ALISON.
Elle est entre nous mutuelle.
MATHURIN.
ALISON.
MATHURIN.
ALISON.
MATHURIN.
SCÈNE VIII. Suson, Alison. §
SUSON.
Eh ! Bien, cousine, es-tu contente ?
ALISON.
Oui.
SUSON.
Ton choix est donc fait ?
ALISON.
Oui.
SUSON.
Quel effort ! Et c’est sans retour ?
ALISON.
Oui, oui, ne crains rien.
SUSON.
Au bout du compte, tu as fort bien fait.
Cousine, allons de la gaieté, pense à ton hymen.
ALISON.
Je n’y pense que trop.
SUSON.
Comment !
ALISON.
Je ne sais... mais...
SUSON.
Tu ne voudrais pas te dédire, peut-être?
ALISON.
Pourquoi non ?
SUSON.
Mais, tu deviens donc folle ?
ALISON.
Il y va de ma liberté.
SUSON.
Tout comme il vous plaira. Je ne vous conçois plus.
ALISON.
Qu’est-ce que cela te fait ? Tu peux t’engager, si tu veux.
SUSON.
Mais enfin, pour qui penches-tu ?
ALISON.
Je suis encore indécise. Mathurin m’aime, il est vrai. Il est riche, j’en conviens ; mais il est si délicat... Un mari comme celui-là ne durerait pas six mois.
SUSON.
C’est donc pourquoi il faut s’en tenir à Colin.
ALISON.
Mais je te l’ai dit, il n’a pas de bien.
SUSON.
Si ces deux-là ne te conviennent pas, cherches en un troisième.
ALISON.
Ne pense pas rire, chacun d’eux n’a que la moitié des qualités que je voudrais trouver dans un mari, et c’est ce qui cause mon embarras.
SUSON.
Il faut te décider. J’attends que tu aies fait ton choix pour faire le mien, et je m’en ennuie à la fin.
ALISON.
En ce cas, choisis toi-même qui tu voudras ; car je ne veux plus ni de l’un ni de l’autre.
SCÈNE IX. §
SUSON, seule.
SCÈNE X. Suson, Mathurin, Colin. §
MATHURIN, à Colin.
Je te fais compliment.
COLIN, à Mathurin.
Oh ! Je te félicite.
SUSON, à part.
C’est bon ; chacun de son côté s’imagine avoir réussi.
MATHURIN.
On se rend à tes voeux.
COLIN.
Point du tout ; c’est à ton mérite.
MATHURIN, à part.
Il pense l’épouser.
COLIN.
Il croit l’emporter sur moi. Parbleu ! Je veux m’en divertir.
MATHURIN.
Je ne puis m’empêcher de rire.
SUSON.
Oui, oui, le chose est fort plaisante.
MATHURIN.
COLIN.
MATHURIN.
Tiens, vois-tu : si Alison ne prononce pas en ma faveur, je perds cent écus.
COLIN.
J’y consens.
SUSON.
Hé bien ! Ils sont perdus.
MATHURIN.
Pourquoi donc ?
SUSON.
C’est qu’à vous deux ma cousine renonce.
MATHURIN.
COLIN.
MATHURIN.
Morgué, v’là qu’est fini, je n’y pense plus.
SUSON.
Eh ! Bien, tiens, si tu veux.....
MATHURIN.
Si je veux... Oh ! Si tu veux toi-même : je ne demande pas mieux ; accepte ma main.
SUSON.
Ma cousine fait une sottise ; je me garderai bien de l’imiter.
COLIN.
Vous avez raison.
Bon ! Mon rival me laisse le champ libre ; quand je serai tout seul, il faudra bien qu’Alison me choisisse.
Mais la voici.
SCÈNE XI. Ssuson, Alison, Colin, Mathurin. §
SUSON.
Alison, viens donc vite.
ALISON.
Pourquoi faut-il doubler le pas ?
SUSON.
Mathurin.
ALISON.
Mathurin.
COLIN.
Épouse ta cousine.
ALISON.
Bon ! Quel conte !
MATHURIN.
Eh ! Non, non, ce n’est point un conte.
ALISON.
Plaît-il ?
SUSON.
C’est en honneur.
ALISON.
Ô Dieux !
SUSON.
Dame, arrange-toi donc. Tu le veux, puis tu ne le veux plus. Après cela tu le regrettes ; on n’a jamais vu d’esprit comme le tien.
ALISON.
Taisez-vous.
SUSON.
La chose n’est pas faite ; si tu veux, je te céderai mes droits.
MATHURIN, à Suson.
Mais qu’est-ce que vous faites donc, vous, à votre tour ?
COLIN.
Pourquoi donc cela ? Vous êtes si bien ensemble ; et pargué, tenez vous y.
SUSON, bas à Mathurin.
Ne crains rien ; c’est pour l’amener où nous voulons.
Eh bien ! Le coeur t’en dit-il ?
COLIN.
Fi donc, encore une fois.
SUSON.
Moi, je prendrai Colin.
ALISON.
Oui-dà.
COLIN.
Vous avez raison ; aussi bien quand vous le voudriez, je ne le voudrais plus.
ALISON.
Toi ?
COLIN.
Non, et je vais de ce pas trouver Claudine.
ALISON.
Tu l’aimes donc ?
COLIN.
Oh ! Que cela ne vous inquiète pas.
ALISON.
Perfide.
COLIN.
À la bonne heure ; mais j’ai pris mon parti.
ALISON.
Écoute moi donc.
COLIN.
Non.
ALISON.
Colin ?
COLIN.
Adieu.
ALISON.
Viens donc, j’ai quelque chose à te dire.
COLIN.
Qu’est-ce que c’est ?
ALISON, lui tendant le main.
Touche-là, je te donne la préférence.
COLIN.
Je crois bien, parce que je suis tout seul.
ALISON.
Non, c’est parce que je t’aime.
COLIN.
Est-il bien vrai ?
ALISON.
Oui.
COLIN.
Puis-je compter sur toi ?
ALISON.
J’en fais serment.
MATHURIN, à Colin.
4Si tu lui donnes encore le temps de la réflexion, elle pourrait bine se dédire. Jarni ! Prends-là au mot.
COLIN.
Tu as raison.
Eh bien ! C’est fait ; allons vite chez le notaire.
MATHURIN.
Ne faisons qu’une seule noce pour nous quatre, et vive le joie.
QUATUOR.
VAUDEVILLE. §
ENSEMBLE.
COLIN, à Alison.