M DCC LIII.
PAAR MR DE VOLTAIRE
AVIS DE L’ÉDITEUR §
J’ai cru rendre service aux auteurs des Belles-Lettres de publier une tragédie du Fanatisme, si défigurée en France par deux éditions subreptices. Je sais très certainement qu’elle fut composée par l’auteur en 1736 [sic] ; et que dès lors il en envoya une copie au Prince Royal, depuis Roi de Prusse, qui cultivait les Lettres avec des succès surprenant, et qui en fait encore son délassement principal.
J’étais à Lille en 1741, quand Monsieur de Voltaire vint passer quelques jours ; il y avait le meilleure troupe d’acteurs qui ait jamais été en Province. Elle représenta cet ouvrage d’une manière qui satisfit beaucoup une très nombreuse assemblée ; le gouverneur de la Province et l’intendant y assistèrent plusieurs fois. On trouva que cette pièce était d’un goût si nouveau, et ce sujet si délicat parut traité avec tant de sagesse, que plusieurs prélats voulurent en voir une représentation par les mêmes acteurs dans une maison particulière. Ils en jugèrent comme le public.
L’auteur fut encore assez heureux pour faire parvenir son manuscrit entre les mains d’un des premiers hommes de l’Europe et de l’Église, qui soutient le poids des affaires avec fermeté, et qui juge des ouvrages d’esprit avec un goût très sûr dans un âge où les hommes parviennent rarement, et où l’on conserve encore plus rarement son esprit et sa délicatesse. Il dit que la pièce était écrite avec toute la circonspection convenable, et qu’on ne pouvait éviter plus sagement les écueils du sujet ; mais que pour ce qui regarde la poésie, il y avait encore des choses à corriger. Je sais en effet que l’auteur les a retouchées avec beaucoup de soin. Ce fut aussi le sentiment d’un homme qui tient le même rang, et qui n’ pas moins de lumières.
Enfin, l’ouvrage approuvé d’ailleurs selon toutes les formes ordinaires, fut représenté à Paris le 9 août 1742. Il y avait une loge entière remplie des premiers magistrats de cette ville, des ministres même y furent présents. Ils pensèrent tous comme les hommes éclairés que j’ai déjà cités.
Il se trouva à cette premiàre représentation quelques personnes qui ne furent pas de ce sentiment unanime. Soit que, dans la rapidité de la représentation, ils n’eussent pas suivi assez le fil de l’ouvrage, soit qu’ils fussent peu accoutumés au théâtre, ils furent blessés que Mahomet ordonnât un meurtre, et se servit de sa religion pour encourager à l’assassinat un jeune homme qu’il fait l’instrument de son crime. Ces personnes, frappés de cette atrocité, ne firent pas assez réflexion qu’elle est donnée dans la pièce comme le plus horrible de tous les crimes, et que même il est moralement impossible qu’il puisse être donnée autrement. en un mot, il ne virent qu’un côté ; ce qui est le manière la plus ordinaire de se tromper. Ils avaient raison assurément d’être scandalisés, en ne considérant que ce côté qui les révoltait. Un peu plus d’attention les auraient aisément ramenés. Mais, dans la première chaleur de leur zèle, ils dirent que la pièce était un ouvrage très dangereux, fait pour former des Ravaillacs et es Jacques Cléments.
On est bien surpris d’un tel jugement, et ces messieurs l’on désavoué sans doute. Ce serait dire qu’Hermione enseigne à assassiner un roi, qu’Électre apprend à tuer sa mère, que Cléopâtre et Médée montrent à tuer leurs enfants ; ce serait dire qu’Harpagon forme des avares, le Joueur des joueurs, Tartufe des hypocrites. L’injustice même contre Mahomet serait bien plus grande que contre toutes les pièces ; car le crime du faux prophète y est mis dans un jour beaucoup plus odieux, que ne l’est aucun des vices et des dérèglements que toutes ces pièces représentent. C’est précisément contre les Ravaillacs, et les Jacques Cléments que le pièce est composée ; ce qui a fait dire à un homme de beaucoup d’esprit, que si Mahomet avait été écrit d’Henri III et de Henri IV, cet ouvrage leur aurait sauvé la vie. Est-il possible qu’on ait pu faire un tel reproche à l’auteur de la Henriade ? Lui Qui a élevé sa voix si souvent dans ce poème et ailleurs, je ne dis pas seulement contre de tels attentats, mis contre toutes les maximes qui peuvent y coNduire.
J’avouE que plus j’ai lu les ouvrages de cet écrivain, plus je les ai trouvés caractérisés par l’amour du bine public ; il inspire partout l’horreur contre les emportements de la rébellion, de la persécution et du fanatisme. Y a-t-il un bon citoyen qui n’adopte toutes les maximes de la Henriade ? Ce poème ne fait-il pas aimer la véritable vertu ?
Mahomet me paraît écrit dans le même esprit, et je suis persuadé que ses plus grands ennemis en conviendront.
Il vit bientôt qu’il se formait contre lui un cabale dangereuse ; les plus ardents avaient parlé à des hommes en place, qui ne pouvant voir la représentation de la pièce devaient les en croire. l’illustre Molière, la gloire de le rance, s’est trouvé autrefois à peu près dans le même cas, lorsqu’on joua Tartufe ; il eut recours directement à Louis Le Grand, dont il était connu et aimé. L’autorité de ce monarque dissipa bientôt les interprétations sinistres qu’on donnait au Tartufe. Mais les temps sont différents ; la protection qu’on accorde à des arts tout nouveaux, ne peut pas être toujours la même, après que ces arts ont été longtemps cultivés. D’ailleurs tel Ariste n’est pas à porter d’obtenir ce qu’un autre à eu aisément. Il eût fallu des mouvements, des discussions, un nouvel examen. L’Auteur jugea plus à propos de retirer sa pièce lui-même, après la troisième représentation, attendant que le temps adoucit quelques esprits prévenus ; ce qui ne peut manquer d’arriver dans une nation aussi spirituelle et aussi éclairée que la française. On mit dans les nouvelles publiques que la tragédie de Mahomet avait été défendue par le gouvernement. Je puis assurer qu’il n’y a rien de plus faux. Non seulement il n’y a pas eu le moindre ordre donné à ce sujet ; mais il s’en faut beaucoup que les premières têtes de l’État, qui virent la représentation, aient varié un moment sur la sagesse qui règne dans cet ouvrage.
Quelques personnes ayant transcrit à la hâte plusieurs scènes aux représentations, et ayant eu un ou deux rôles des acteurs, en ont fabriqué les éditions qu’on été faites clandestinement. Il est aisé de voir à quel point elle diffèrent du véritable ouvrage, que je tiens de la main d’un homme irréprochable, ainsi que les autres pièces que je donne dans l’édition présente. La plus curieuse, à mon gré, est la lettre que l’auteur écrivit à sa Majesté la Roi de Prusse, lorsqu’il repassa par la Hollande, après être allé rendre ses respects à ce monarque. C’est dans de telles lettres, qui ne sont pas d’abord destinées à être publiques, qu’on voit les sentiments des hommes. Celle que j’ai eue encore d’un ami de feu Mr. de Sgravesande est de ce genre. J’espère qu’elle fera aux véritables philosophes le même plaisir qu’elle m’a fait.
À Amsterdam le 18 novembre 1742.
P.D.L.M.
SIRE, §
Je ressemble à présent aux pèlerins de la Mecque, qui tournent leurs yeux vers cette ville, après l’avoir quittée : je tourne les miens vers votre Cour. Mon coeur pénétré des bontés de VOTRE MAJESTÉ, ne connaît que la douleur de ne pouvoir vivre auprès d’Elle. Je prends la liberté de lui envoyer une nouvelle copie de cette tragédie de Mahomet de Mahomet, dont Elle a bien voulu, il y a déjà longtemps, voir les premières esquisses. C’est un tribut que je paye à l’Amateur des Arts, au Juge éclairé, surtout au philosophe, beaucoup plus au souverain.
VOTRE MAJESTÉ sait quel esprit m’animait en composant cet ouvrage. L’Amour du genre humain et l’horreur du fanatisme, deux vertus qui sont faites pour être toujours auprès de votre trône, ont conduits ma plume. J’ai toujours pensé que la tragédie ne doit pas être un simple spectacle, qui touche le coeur sans le corriger. Qu’importe au genre humain les passions et les malheurs d’une héros de l’Antiquité, s’ils ne servent pas à nous instruire ? On avoue que la comédie du Tartufe, ce chef-d’oeuvre qu’aucune nation n’a égalé, a fait beaucoup de bien aux hommes en montrant l’hypocrisie dans toute sa laideur. Ne peut-on pas essayer d’attaquer dans une tragédie cette espèce d’imposture qui met en oeuvre à la fois l’hypocrisie des uns et la fureur des autres ? Ne peut-on remonter jusqu’à ces anciens scélérats, fondateurs illustres de la superstition et du fanatisme, qui les premiers ont pris le couteau sur l’Autel, pour faire des victimes de ceux qui se refusaient d’être leurs disciples.
Ceux qui diront que les temps de ces crimes sont passés, qu’on ne verra plus de Barcochebas, de Mahomets, de Jeans de Leyde etc que les flammes des guerres de Religion sont éteintes, font, ce me semble, trop d’honneur à la nature humaine. Le même poison subsiste encore, quoique moins développé : cette peste, qui semble étouffée, reproduit de temps en temps des germes capables d’infecter le Terre. N’a-t-on pas vu de nos jours les prophètes de Cévennes tuer au nom de Dieu ceux de leur secte qui n’étaient pas soumis ?
L’action que j’ai peinte est atroce, et je ne sais si l’horreur a été plus loin sur aucun théâtre. C’est un jeune homme né avec de la vertu, qui, séduit pas son fanatisme, assassine un vieillard qui l’aime, et qui dans l’idée de servir Dieu, se rend coupable, sans le savoir, d’un parricide ; c’est un imposteur qui ordonne ce meurtre, et qui promet à l’assassin un inceste qui récompense.
J’avoue que c’est mettre l’horreur sur le théâtre ; et VOTRE MAJESTÉ est bien persuadée, qu’il ne faut pas que la tragédie consiste uniquement dans une déclaration d’amour, une jalousie et un mariage.
Nos historiens même nous apprennent des actions plus atroces que celle que j’ai inventée. Séïde ne sait pas du moins que celui qu’il assassine est son père ; et quand il a porté le coup, il éprouve un repentir aussi grand que son crime. Mais Mézeray rapporte, qu’à Melun un père tua son fils de sa main pour sa religion, et n’en eut aucun repentir.
On connaît l’aventure des deux frères Diaz, dont l"un était à Rome, et l’autre en Allemagne, dans les commencements des troubles excités par Luther. Barthélémi Diaz, apprenant à Rome que son frère donnait dans les opinions de Luther à Francfort, part de Rome dans le dessein de l’assassiner, arrive et l’assassine. J’ai lu dans Herrera, auteur espagnol, que ce Barthélémi Diaz risquait beaucoup par cette action ; mais que rien n’ébranle un homme d’honneur quand le probité le conduit.
Herrera, dans une religion toute sainte et toute ennemie de la cruauté, dans une religion qui enseigne à souffrir et non à se venger, était donc persuadé que la probité peut conduire à l’assassinat et au parricide ? Et on ne l’élèvera pas de tous côtés contre ces maximes infernales ?
Ce sont ces maximes qui mirent le poignard à la main de ce monstre qui priva la France de Henri le Grand : voilà ce qui plaça le portait de Jacques Clément sur l’Autel, et son nom parmi les Bienheureux ; c’est ce qui coûta la vie à Guillaume Prince d’Orange, fondateur de la liberté et de la grandeur des Hollandais. D’abord Salcède le blessa au front d’un coup de pistolet ; et Strada raconte que Salcède (ce sont ses propres mots) n’osa entreprendre cette action, qu’après avoir purifié son âme par la confession aux pieds d’un Dominicain, et l’avoir fortifiée par le Pain Céleste. Herrera dit quelque chose de plus insensé et de plus atroce.
Estando firme con el exemplo de nuestro Salvador Jesu Christo y de su Sanctos.
Barthalzar Girard, qui ôta enfin la vie à ce grand homme, en usa de même qu’avec Salcède.
Je remarque que tous ceux qui ont commis de bonne foi de pareils crimes, étaient des jeunes gens comme Séide. Balthazar Girard avait environ vingt années. Quatre espagnols, qui avaient fait avec lui serment de tuer le Prince, étaient de même âge. Le Monstre de Henri III, n’avait que vingt trois ans. Poltrot, qui assassina le Duc de Guise, en avait vingt-cinq ; c’est le temps de la séduction et de la fureur.
J’ai été presque témoin en Angleterre de ce que peut sur une imagination jeune et faible la force du fanatisme. Un enfant de seize ans, nommé Shepherd, se chargea d’assassisner le roi George I, votre aïeul maternel. Quelle était le cause qui le portait à cette frénésie ? C’était uniquement que Shepard n’était pas de la même religion que le Roi. On eut pitié de sa jeunesse, on lui offrit la grâce, on le sollicita longtemps au repentir ; il persista toujours à dire, qu’il valait mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ; et que s’il était libre, le premier usage qu’il ferait de la liberté, serait de tuer son Prince. Ainsi on fut obligé de l’envoyer au supplice, comme un monstre qu’on désespérait d’apprivoiser.
J’ose dire, que quiconque a un peu vécu avec les hommes, a pu voir quelque fois combine aisément on est prêt à sacrifier la Nature à la Superstition. Que de pères ont détesté et déshérité leurs enfants ! Que de Frères ont poursuivi leurs frères par ce funeste principe ! J’en ai vu des exemples dans plus d’une famille.
Si la superstition ne se signale pas toujours par ces excès qui sont comptés dans l’histoire des crimes, elle fait dans la société tous les petits maux innombrables et journaliers qu’elle peut faire. Elle désunit les amis ; elle divise les parents ; elle persécute le sage qui n’est qu’homme de bien par la main du fou qui est enthousiaste. Elle ne donne pas toujours de la ciguë à Socrate, mais elle bannit Descartes d’un ville qui devait être l’asile de la liberté ; elle donne à Julie un qui faisait le prophète, assez de crédit pour réduire à la pauvreté les savants et le philosophe Bayle. Elle bannit, elle arrache à une florissante jeunesse qui court à ses leçons le successeur du grand Leibniz, et il faut pour le rétablir que le Ciel fasse naître un roi-philosophe ; vrai miracle qu’il fait bien rarement. en vain la raison humaine se perfectionne par la philosophie, qui fait tant de progrès en Europe ; en vain, vous surtout, Grand-Prince, vous efforcez-cous de pratiquer et d’inspirer cette philosophie si humaine ; on voit dans ce même siècle où la raison élève de son trône d’un côté, le plus absurde fanatisme dresser contre ses autels de l’autre.
On pourra me reprocher, que, donnant trop dans mon zèle, je fais commettre dans cette pièce un crime à Mahomet, dont en effet il ne fut point coupable.
Monsieur le Comte de Boulainvilliers écrivit, il y a quelques années, la vie de ce prophète. Il essaya de le faire passer pour un grand homme, que la providence avait choisi pour punir les chrétiens, et pour changer la face d’une partie du monde.
Monsieur Sale, qui nous a donné une excellente version de l’Alcorant en anglais,, veut faire regarder Mahomet comme un numa et comme un Thésée. J’avoue qu’il faudrait le respecter, si né prince légitime, ou appelé au gouvernement par le suffrage des siens, il avaient donné des lois paisibles comme Numa, ou défendu des compatriotes, comme on le dit de Thésée. Mais qu’un marchand de chameaux excite un sédition dans sa bourgade ; qu’associé à quelques malheureux Coracites, il leur persuade qu’il s’entretient avec l’ange Gabriel ; qu’il se vente d’avoir été ravi au ciel, et d’y avoir reçu une partie de ce livre intelligible, qui fait frémir le sens commun à chaque page ; que pour faire respecter ce livre il porte dans sa patrie le fer et la flamme ; qu’il égorge les pères, qu’il ravisse les filles ; qu’il donne aux vaincus le choix de sa religion ou de la mort ; c’est assurément ce que nul homme ne peut excuser, à moins qu’il ne soit né Turc, et que la superstition n’étouffe en lui toute lumière naturelle.
Je sais que Mahomet n’a pas tramé précisément l’espèce de trahison qui fait le sujet de cette tragédie. L’Histoire dit seulement qu’il enleva la femme de Séide, l’un de ses disciples, et qu’il persécuta Abusofian, que je nomme Zopire ; mais quiconque fait la guerre à son pays, et ose la faire au nom de Dieu, n’est-il pas capable de tout? Je n’ai pas prétendu mettre seulement une action vraie sur la scène, mais des moeurs vraies, faire penser les hommes comme ils pensent dans les circonstances où ils se trouvent , et représenter enfin ce que la fourberie peut inventer de plus atroce, et ce que le Fanatisme peut exécuter de plus horrible. Mahomet n’est ici autre chose que Tartufe les armes à la main.
Je me croirai bien récompensé de mon travail, si quelqu’une de ces âmes faibles, toujours prêtes à recevoir les impressions ’une fureur étrangère qui n’est pas au fond de leur coeur, peut s’affermir contre ces funestes séductions par la lecture de cet ouvrage ; si après avoir eu en horreur le malheureuse obéissance de Séide, elle sit dit à elle-même, pourquoi obéirais-je à des aveugles qui me drient : Haïssez, persécutez, perdez celui qui est assez téméraire pour n’être pas de notre avis sur des choses mêmes indifférentes que nous n’entendons pas ?
ue ne puis-je servir à déraciner de tels sentiments chez es hommes ! L’esprit d’indulgence ferait des frères, celui d’intolérance peut former des monstres.
C’est ainsi que pense VOTRE MAJESTÉ. Ce serait pour moi la plus grande des consolations de vivre auprès de ce Roi-Philosophe. Mon attachement est égal à mes regrets ; et si d’autres devoirs m’entraînent, ils n’effaceront jamais de mon coeur les sentiments que je dois à ce prince, qui pense et qui parle ne homme qui fuit cette fausse gravité sous laquelle se cachent la petitesse et l’ignorance, que se communique avec liberté, parce qu’il ne craint point d’être pénétré ; qui veut toujours s’instruire, et qui peut instruire les plus éclairés.
Je serai toute ma vie avec le plus profond respect et le plus vive reconnaissance, SIRE, de VOTRE MAJESTÉ, le très humble et très obéissant serviteur.
À Rotterdam, ce 20 de janvier 1742.
LETTRE de l’AUTEUR à Mr. DE S*** §
Je vous remercie, Monsieur, de la figure que vous avez bien voulu m’envoyer de la Machine donc vous vous servez pour fixer l’image du Soleil. J’en ferai faire une sur votre dessein, et je serai délivré d’un grand embarras ; car moi qui suis fort maladroit, j’ai toutes les peines du monde dans ma chambre obscure avec mes miroirs. À mesure que le soleil avance, les couleurs s’en vont, et ressemblent aux affaires de ce monde, qui ne ne sont pas un moment de suite dans la même situation. J’appelle votre machine STA SOL. Depuis Josué, personne avant vous n’avait arrêté le soleil.
J’ai reçu dans le même paquet l’ouvrage que je vous avait demandé, dans lequel mon adversaire, et celui de tous les philosophes, emploie environ trois cents pages au sujet de quelques Pensées de Pascal que j’avais examinées dans moins d’une feuille.
Je suis toujours pour ce que j’ai dit. Le défaut de la plupart des livres est d’être trop longs. Si on avait la raison pour foi, on ferait court ; mais peu de raison et beaucoup d’injures ont fait les trois cents pages.
J’ai toujours su que Pascal n’avait jeté ses idée sur le papier, que pour les revoir et en rejeter une partie. Le critique n’en veut rien croire. Il soutient que Pascal aimait toutes ses idées, et qu’il n’en fut retranché aucune ; mais s’il savait que les éditeurs eux-mêmes en supprimèrent le moitié, il serait bine surpris.
Il n’a qu’à voir celles que le père de Mollets a recouvrées depuis quelques années, écrites de la main de Pascal même ; il en sera plus surpris encore. Elles sont imprimées dans Recueil sur la littérature. En voici quelques unes.
"Selon les lumières naturelles, s’il y a un Dieu, il n’a ni parties ni bornes, il n’a aucun rapport à nous. Nous sommes donc incapables de connaître, ni ce qu’il est, ni s’il est." Croyez-vous en bonne foi, Monsieur, que Pascal eût conservé ce "s’il est" ? Apparemment que le père Hardouin avait eu cette pensée, quand il mit Pascal dans sa ridicule liste des athées modernes.
"Je ne me sentirais pas assez de force pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées."
Mais CLarck, Locke, Wolf, et tant d’autres ont eu cette force, et assurément Pascal l’aurait due.
"Toutes les fois qu’une proposition est inconcevable, il ne faut pas la nier, mais examiner le contraire ; et s’il est manifestement faux, on peut affirmer le contraire, tout incompréhensible qu’il est."
Pascal avait oublié le Géométrie, quand il faisait cet étrange raisonnement. Deux carrés font un cubes, deux cubes font un carrés : voilà deux propositions contraires, toutes deux également absurdes, etc.
Voilà qui est bien anti-mathématique. Il y a autant de fautes que de mots. Assurément de telles idées n’étaient pas faites pour être employées. Mon critique changement un peu d’avis, s’il va à votre école. Il verra qu’il s’en faut bine qu’on doive croire aveuglément tout ce que Pascal a dit.
Il croyait toujours pendant la dernière année de sa vie vois un abîme à côté de sa chaise. Faudrait-il pour cela que nous en imaginassions autant ? Pour moi, je vois aussi un abîme, mais c’est dans les choses qu’il a cru expliquer.
Vous trouvez que les Mélanges de Leibnitz, que la mélancolie égara sur le fin la raison de Pascal ; il le dit même un peu durement. Il n’est pas étonnant, après tout, qu’un homme d’un tempérament délicat, d’une imagination triste, comme Pascal, soit, à force de mauvais régime, parvenu à déranger les organes de son cerveau. Cette maladie n’est ni plus surprenante, ni plus humiliante, que la fièvre ou la migraine. Si le grand Pascal a été attaqué, c’est Samson qui perd sa force.
Je ne sais de quelle maladie est affligée la docteur qui argumente su amèrement contre moi ; mais il perd le change en tout, et principalement sur l’état de la question.
La fond de mes petites remarques surs les "Pensées de Pascal", c’est qu’il faut croire sans doue au péché originel, puisque la Foi l’ordonne ; et qu’il faut croire d’autant plus, que la Raison est absolument impuissante à nous montrer que la Nature Humaine est déchue. La Révélation saule peut nous l’apprendre. Platon s’y était jadis cassé le nez. Comment pouvait-il savoir que les hommes avaient été autrefois plus beaux, plus grands, plus forts, plus heureux : qu’ils avaient eu de belles ailes, et qu’ils avaient fait des enfants sans femmes ?
Tous ceux qui se sont servie de la Physique pour prouver la décadence du de petit globe de notre Monde, n’ont pas eu meilleure fortune que Platon. Voyez-vous ces vilaines montagnes, disaient-ils , les mers qui entrent dans les terres, ces lacs sans issue ? Ce sont les débris qu’un globe maudit. Mais quand on y regarde de plus près, on a vu que les montagnes étaient nécessaires pour nous donner des rivières et des mines, et que ce sont les perfections d’un monde béni.
De même mon censeur assure que notre vie est fort raccourci en comparaison de celle des corbeaux et des cerfs ; il a entendu dire à sa nourrice que les cerfs vient trois cent ans, et les corbeaux nef cents. La nourrice d’Hésiode lui avait fait aussi apparemment le même conte. Mais mon docteur n’a qu’à interroger quelque chasseur, il saura que les cerfs ne vont jamais à vingt ans. Il a beau faire, l’homme est de tous les animaux celui à qui Dieu accorde plus longue vie ; et quand mon critique me montrera un corbeau qui aura cent deux ans, comme Mr. de St. Aulaire et Madame de Chanclos, il me fera plaisir.
C’est une étrange rage que celle de quelques messieurs, qui veulent absolument que nous soyons misérables. Je n’aime point un charlatan qui veut me faire accroire que je suis malade, pour me vendre des pilules. Garde ta drogue, mon ami, et laisse-moi ma santé. Mais pourquoi me dis-tu des injures ? Parce que je me porte bien, et que je ne veux pas de ton orviétan.
Cet homme m’en dit de très grossières, selon la louable coutume des gens pour qui les rieurs ne sont pas. Il a été déterrer dans je ne sais quel journal, je ne sais quelles lettres sur la nature de l’âme, que je n’ai jamais écrites,, et qu’un libraire a toujours mises sous mon nom à bon compte, aussi bien que beaucoup d’autres choses que je ne lis point.
Mais puisque cet homme les lit, il devait voir qu’il est évident que ces lettres sur la nature de l’âme ne sont point de moi et qu’il y a des pages entières copiées mot à mot de ce que j’ai écrit autrefois sur Locke. Il est clair qu’elles sont de quelqu’un qui m’a volé ; mais je ne vole point ainsi, quelque pauvre que je puisse être.
Mon docteur se tue à prouver que l’âme est spirituelle. Je veux croire que la sienne l’est, mais en vérité ses raisonnements ne [le] sont fort peu.
Il veut donner des soufflets à Locke sur ma jour, parce que Locke a dit que Dieu était assez puissant pour faire penser un élément de la matière. Plus je relis ce Locke, et plus je voudrais que ces messieurs l’étudiassent. Il me semble qu’il a fait comme Auguste, qui donna un édit de coërcendo intra fines imeprio. Locke a référé l’empire de la science pour l’affermir. Qu’est-ce que l’âme ? Je n’en sais rien. Voilà Joseph Leibniz, qui a découvert que la matière est un assemblage de monades. Soit. Je ne le comprends pas lui non plus. Eh bien, mon âme sera une monade ; ne me voilà-t-il pas bine instruit ? Je vais vous prouver que vous êtes immortel, me dit mon docteur. Mais vraiment il me fera plaisir ; j’ai tout aussi grande envie que lui d’être immortel, je n’ai fait la Henriade que pour cela. Mais mon homme se croit bine plus sûr de l’immortalité par ses arguments, que moi par ma Henriade :
Vanitas vanitatum, et metaphysica vanitas !
Nous sommes faits pour compter, mesurer, peser, voilà ce qu’a fait Newton, voilà ce que vous faites avec Monsieur Muschembroeck. Mais pou les premiers nous n’en savons pas plus qu’Epistémon et maître d’Editue.
Les philosophes qui font des systèmes sur la secrète construction de l’univers, font comme nos voyageurs qui vont à Constantinople, et qui parlent du sérail ; ils n’en n’ont vu que les dehors, et ils prétendent savoir ce que fait le sultan et ses favorites. Adieu, Monsieur, si quelqu’un voit un peu, c’est vous ; mais que je tiens mon censeur aveugle. J’ai l’honneur de l’être aussi ; mais je suis un quinze-vingt de Paris, et lui un aveugle de province. Je ne suis pas assez aveugle pourtant pour ne pas voir tout votre mérite, et vous savez combien mon coeur est sensible à votre amitié. Je suis etc.
À Ciray, le 1er juin 1741.
PERSONNAGES §
- MAHOMET.
- ZOPIRE, Scheich ou Scherif de la Mecque.
- OMAR, Lieutenant de Mahomet.
- SÉIDE, esclave de Mahomet.
- PALMIRE, esclave de Mahomet.
- PHANOR, Sénateur de La Mecque.
- TROUPE DE MÉCQUOIS.
- TROUPE DE MUSULMANS.
ACTE I §
SCÈNE I. Zopire, Phanor. §
ZOPIRE.
PHANOR.
ZOPIRE.
PHANOR.
ZOPIRE.
PHANOR.
ZOPIRE.
PHANOR.
ZOPIRE.
SCÈNE II. Zopire, Palmire. §
ZOPIRE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
SCÈNE III. Zopire, Palmire, Phanor. §
ZOPIRE.
PHANOR.
ZOPIRE.
PHANOR.
PALMIRE.
PHANOR.
ZOPIRE.
SCÈNE IV. Zopire, Omar, Phanor, suite. §
ZOPIRE.
OMAR.
ZOPIRE.
OMAR.
ZOPIRE.
OMAR.
ZOPIRE.
OMAR.
ZOPIRE.
OMAR.
ZOPIRE.
OMAR.
ZOPIRE.
OMAR.
ZOPIRE.
OMAR.
ZOPIRE.
ACTE II §
SCÈNE I. Séide, Palmire. §
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SCÈNE II. Palmire, Séide, Omar. §
OMAR.
SÉIDE.
PALMIRE.
OMAR.
SCÈNE III. Mahomet, Omar, Ali, Hercide, Séide, Palmire, suite. §
MAHOMET.
SÉIDE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
SCÈNE IV. Mahomet, Omar. §
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
SCÈNE V. Zopire, Mahomet. §
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET.
ZOPIRE.
MAHOMET, seul.
SCÈNE VI. Mahomet, Omar. §
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
ACTE III §
SCÈNE I. Séide, Palmire. §
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
SCÈNE II. §
PALMIRE.
SCÈNE III. Mahomet, Palmire. §
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
SCÈNE IV. §
MAHOMET.
SCÈNE V. Mahomet, Omar. §
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
SCÈNE VI. Mahomet, Omar, Séide. §
MAHOMET.
SÉIDE.
MAHOMET.
SÉIDE.
MAHOMET.
SÉIDE.
MAHOMET.
SÉIDE.
MAHOMET.
SÉIDE.
MAHOMET.
SCÈNE VII. §
SÉIDE.
SCÈNE VIII. Zopire, Séide. §
ZOPIRE.
SÉIDE.
ZOPIRE.
SÉIDE.
ZOPIRE.
SÉIDE.
ZOPIRE, à part.
SÉIDE.
ZOPIRE.
SÉIDE.
ZOPIRE.
SÉIDE.
ZOPIRE.
SÉIDE.
ZOPIRE.
SCÈNE IX. Zopire, Séide, Omar, suite. §
OMAR, entrant avec précipitation.
SÉIDE.
OMAR.
SÉIDE.
SCÈNE X. §
ZOPIRE.
SCÈNE XI. Zopire, Phanor. §
PHANOR.
ZOPIRE.
ACTE IV §
SCÈNE I. Mahomet, Omar. §
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
SCÈNE II. Mahomet, Omar, sur le devant, mais retirés de côté ; Séide, dans le fond. §
SÉIDE.
MAHOMET.
SÉIDE, seul.
SCÈNE III. Séide, Palmire. §
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SCÈNE IV. Zopire ; Séide, Palmire, sur le devant. §
ZOPIRE, près de l’autel.
SÉIDE, à Palmire.
ZOPIRE.
PALMIRE, à Séide.
ZOPIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE, revient d’un air égaré.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE, se relevant.
PALMIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE, en pleurant.
PALMIRE.
SÉIDE.
SÉIDE.
SÉIDE.
PALMIRE.
SCÈNE V. Zopire, Séide, Palmire, Phanor. §
PHANOR.
ZOPIRE.
PHANOR.
SÉIDE.
PALMIRE.
SÉIDE.
ZOPIRE.
PHANOR.
SÉIDE.
PALMIRE.
ZOPIRE.
SÉIDE, se jetant à genoux.
SÉIDE.
ZOPIRE, en les embrassant.
SÉIDE.
SCÈNE VI. Zopire, Séide, Palmire, Phanor, Omar, suite. §
OMAR.
ZOPIRE.
SÉIDE.
PALMIRE.
OMAR.
SÉIDE.
OMAR.
PALMIRE.
OMAR.
PALMIRE.
ZOPIRRE, à Phanor.
PHANOR.
ZOPIRE.
PHANOR.
ZOPIRE.
ACTE V §
SCÈNE I. Mahomet, Omar ; suite, dans le fond. §
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
OMAR.
MAHOMET.
SCÈNE II. Mahomet, Palmire ; suite de Palmire et de Mahomet. §
PALMIRE.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.
SCÈNE III. Mahomet, Palmire, Omar, Ali, suite. §
OMAR.
PALMIRE.
MAHOMET, à Omar.
OMAR.
MAHOMET.
SCÈNE IV. Mahomet, Omar, sa suite, d’un côté ; Séide et le peuple, de l’autre ; Palmire, au milieu. §
SÉIDE, un poignard à la main, mais déjà affaibli par le poison.
MAHOMET.
SÉIDE.
MAHOMET.
PALMIRE, courant à lui.
SÉIDE.
MAHOMET.
PALMIRE.
SÉIDE, entre les bras des siens.
PALMIRE.
MAHOMET, en l’interrompant, et s’adressant au peuple.
PALMIRE, revenant à elle.
MAHOMET.
PALMIRE.
MAHOMET.