**** *creator_anonyme *book_anonyme_portierduparnasse *style_prose *genre_comedy *dist1_anonyme_prose_comedy_portierduparnasse *dist2_anonyme_prose_comedy *id_MELPOMENE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_melpomene Ah ! Seigneur Apollon, je vous trouve à propos, c'est vous que je cherchais. Le trouble règne sur le Parnasse. Il arrive à tout moment des foules d'auteurs aussi inconnus à mes soeurs qu'à moi. Ils se précipitent les uns sur les autres, et s'efforcent de grimper au plus haut de la montagne: les uns s'accrochent à Molière ; les autres voulant s'élever au-dessus de Corneille, tombent, et vont rouler au pied de l'Hélicon. C'est un flux et reflux perpétuel; on y est pressé comme aux Italiens, les jours qu'on donne le Déserteur. Non, aucun ne me sont connus. Tout ce que je sais, c'est que ce sont des rimailleurs, dont les vers plus durs que ceux du Décius Français, se débitent tous les jours sur les marches du Pont-Neuf. Je n'en vois qu'un ; c'est de purger l'Hélicon de tous ces visages inconnus à mes soeurs et à moi, et d'établir un portier intégre et fidèle, qui ne laissera entrer que ceux qui seront avoués de l'une de nous. Quelle est-elle ? Il faut les faire sortir de force, s'ils ne le veulent faire de bon gré... J'aperçois Thalie. Tout est calme, Seigneur, sur le Parnasse: nous avons réussi à le purger de ces insectes qui le déshonoraient ; mais ce n'est qu'après avoir employé la violence, que nous en sommes venus à bout. Il ne reste plus qu'à faire choix du portier... Quel est l'heureux mortel sur qui il a tombé ? Je ne le connais pas. Ah Seigneur Apollon ! Nous ne sommes pas plutôt sortis d'un embarras, que nous retombons dans un autre. À peine le Portier était placé, tous ces écrivains que nous avons fait sortir se sont révolté, ils se sont joints à ceux qui débarquent à chaque instant ; ils se sont avancés en bon ordre: leur attaque a été vive; deux fois ils ont enfoncé la Garde qui accompagne le portier ; deux fois la Garde les a repoussés. Pour les calmer, on leur nomme Apollon ; on leur nomme les Muses ; ils sont sourds à ces noms ; ils veulent entrer en dépit d'Apollon et des Muses. Il nous a montré des choux bien verts. Et celui qui tenait ses sabots à la main. C'est celui qui nous a donné le plus de peine : il voulait absolument rentrer ; il nous montrait un manuscrit qui faisait (disait-il) preuve de ses talents. Ma soeur le connaît. Cependant la piéce fait rire. Si elle fait pleurer, je n'en suis point la cause... Mais pourquoi voulez-vous m'attribuer cet ouvrage ? M'avez-vous jamais vue, ivre de vin, débiter des fariboles dans une prison ? J'en fais beaucoup de cas. Je les connais ; elles n'ont point encore paru dans mon temple, mais j'espère qu'elles en feront quelques jours le principal ornement... Il est dommage que la versification en soit un peu forcée. Quel parti prendrez-vous dans une pareille circonstance ? **** *creator_anonyme *book_anonyme_portierduparnasse *style_prose *genre_comedy *dist1_anonyme_prose_comedy_portierduparnasse *dist2_anonyme_prose_comedy *id_TERPSICORE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_terpsicore Je viens vous instruire d'une découverte que j'ai faite. J'étais sur les bords du Permesse à contempler l'arrivée de tous ces auteurs qui dans votre Empire, lorsque tout-à-coup les flots ont jettés à mes pieds un malheureux poète. Je me suis approchée de lui ; et comme il respirait encore, j'en ai eu pitié. Je me suis avisée de lui chanter quelques ariettes du Sorcier, aussitôt il a ouvert les yeux, et recouvré tous les sens. Je l'ai interrogé, et comme il m'a paru avoir de l'esprit, je vous l'ai amené. Sa conversation pourra vous faire plaisir. Je vais le chercher... **** *creator_anonyme *book_anonyme_portierduparnasse *style_prose *genre_comedy *dist1_anonyme_prose_comedy_portierduparnasse *dist2_anonyme_prose_comedy *id_THALIE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_thalie Vous savez le désordre qui règne dans votre Empire ? On n'a jamais tant vu d'écrivains. Le Permesse est couvert de barques remplies de poètes. Ils font retentir le rivage de leurs cris: l'un dit « laisses passer, c'est moi qui suis l'auteur des "Ambulantes à la brune", du "Réverbere cassé", et du "Testament de la petite étoile" » ; un autre, « J'ai fais des Opéras-comiques » ; d'autres enfin, crient à haute voix, « Place, place, je suis auteur de N ». Ils débarquent tous à la fois ; c'est à qui entrera le premier. Les auteurs des Boulevards veulent l'emporter sur ceux de l'Opéra bouffon ; ceux-ci prétendent avoir le pas : on s'échauffe ; on en vient aux injures, des injures, on en vient aux mains, (c'est la coutume parmi les poètes) alors vous les verriez se précipiter dans le Permesse, et s'efforcer de se sauver à la nage ; les uns périssent au milieu du fleuve, tenant entre leurs mains des manuscrits remplis de mauvais vers, qu'ils regrettent plus que leur vie ; d'autres, pâles, défigurés, regagnent le bord après avoir longtemps lutté contre les flots. Enfin, pour achever ce récit, c'est une rumeur et une confusion, dont on n'a jamais vu d'exemple. Ils seront fort surpris, car ils ont la présomption de croire que le Pinde n'est fait que pour eux. Avez-vous remarqué, ma soeur, celui qui nous vantait les choux de son jardin ?... Et cet autre qui a fait boire aux Parisiens de l'eau d'un fleuve si bourbeux... Il agissait de précaution. Si je l'avais connu, je n'aurois pas refusé l'entrée à l'auteur. Elle fait pleurer, vous ne devez pas la méconnaître. Et moi m'avez-vous jamais vue monter l'escalier pour aller à la mort ? Et qui mérite de l'être. Le Chasseur dont on vous parle, est bien différent des autres piéces qui se jouent sur le théâtre Italien. Il intéresse ; bon père, meilleur fils ; époux digne de sa vertueuse femme, il gagne le coeur des spectateurs : c'est un honnête homme qui n'a jamais suivi d'autre lois que celles de la nature ; sa plus grande faute fut de connaître l'amour. Jugez si le public qui est Français, s'intéresse à son sort. Quoi ! Parce que cet auteur, aura mis son nom à la tête d'une comédie lyrique, vous voudriez priver votre Empire d'un sujet qui en fera le plus noble soutient ? **** *creator_anonyme *book_anonyme_portierduparnasse *style_prose *genre_comedy *dist1_anonyme_prose_comedy_portierduparnasse *dist2_anonyme_prose_comedy *id_APOLLON *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_apollon D'où venez-vous ma chère Melpomène, vous êtes toute essoufflée ? Qu'y a-t-il de nouveau ? Voici un malheur auquel il faut remédier... Et vous dites que vous ne connaissez aucun de ces poètes ? Quel parti prendre dans une pareille circonstance ? C'est fort bien à l'égard du portier ; mais au sujet de la réforme, je vois une petite difficulté. C'est qu'il n'est pas plus facile de faire sortir des poètes qui ont eu l'audace d'entrer au Parnasse, que de les empêcher de lire leurs vers, lorsqu'ils en ont une fois commencé la lecture. Melpomene vient de m'en instruire. Songeons à remédier promptement à un si grand malheur ; le temps presse. Melpomène, et vous, Thalie, transportez-vous sur le Parnasse, et chassez tous ceux que vous ne connaîtrez pas. Commencez votre réforme par ces petits auteurs qui font des Opéras-comiques. Ils se trompent pourtant bien.... Voici Terpsicore ; laissez- nous. Que venez-vous m'annoncer ? Voyons ce que c'est. Faites-le venir ; je ne serai pas fâché de le voir. C'est sans doute un de ces poètes dont Thalie vient de me parler, qui aura fait naufrage... Le voici. Il m'intéresse. Je vais l'interroger. Laissez-nous, Terpsicore : allez rejoindre vos soeurs sur le Parnasse ; elles pourront avoir besoin de votre secours... Toi, approche... Qui est-tu ? Comment te nommes-tu? Par quel sort te voit-on ici ? Tu donnais dans les piéces à ariettes ? Tu dois être riche ; il n'y a plus que ce moyen-là pour faire fortune. Je te plains. Mais, dis-moi, les piéces que tu as données sur le théâtre de l'Opéra bouffon, ont-elles fait du bruit. Et les paroles étaient-elles bonnes ? Donne-t-on souvent des piéces nouvelles sur ce théâtre ? Je crois en avoir ouï parler. Cela n'empêche pas qu'elle chante des ariettes, et elle doit peut-être à sa voix la plus grande partie de ses conquêtes. Tu défends ta propre cause en prenant l'intérêt des piéces lyriques. Une fille sage, sur un théâtre à Paris ! Cela ue s'est jamais vu. Où l'aurait-on prise? À la bonne heure. Si elles l'avaient été dans le printemps, elles auraient été plus fraîches et plus vermeilles ; on ne couronne pas la vertu tous les jours ; on devait prendre des précautions pour bien faire les choses. Qu'est-ce que Thalie m'a rapporté au sujet de son Ecole des Femmes ? Elle dit qu'on y donne des leçons de musique. Allais-tu souvent aux Français? Melpomène est donc bien abandonnée? Ceci m'étonne, vive, enjouée, elle amuse et intéresse : sur son visage règne toujours un souris enchanteur qui la devrait faire aimer. Il est vrai qu'elle dit son sentiment, et qu'elle reprend de leurs défauts le grand comme le petit. À ce que je vois, le bon goût est exilé de Paris. Les Comédiens Français devraient donner quelques pièces nouvelles pour leur attirer du monde. J'ai pourtant oui parler d'un joueur anglais. Qu'y vendait-on? Il y avait-là de quoi ruiner le marchand. Je croyais que Thalie s'était trouvée à cette foire. Thalie peut battre la retraire, il n'y a plus rien à faire pour elle. Il aurait deux femmes ! Quelle est cette seconde qu'il a épousé ? Comment se nomme-t-elle? Que pense Mademoiselle Ariette de ce mariage? A-t-il eu des enfants de cette seconde femme ? Elle lui a sans doute fait un mauvais présent. J'aime ta conversation. A t'entendre, on ne te prendrait jamais pour un auteur de l'Opéra comique, car tu raisonnes avec esprit... Il me vient une idée... J'ai besoin d'un portier pour garder le Parnasse, tu feras mon affaire. Je te fais Portier du Parnasse, mais aIes grand soin de ne laisser entrer que ceux qui te présenteront des ouvrages signés des Muses. C'est par eux qu'a commencé la réforme. Tu voudrais qu'on unit les sabots au cothurne ? Que la Cendrillon allât s'asseoir auprès de Zaïre ? Que le Maréchal but avec Cinna ? Et que les Fous sortissent de leur île pour combattre les américains ?... Tu n'y pense pas... Melpomène revient. Il est tout fait. Vous le voyez devant vos yeux. Vous aurez tout le temps, de faire connaissance : il a de l'esprit, raisonne juste, et me paraît très propre à l'emploi auquel il est destiné... Allez le conduire promptement à son poste. Enfin, grâce à mes soins, mon Empire va reprendre une face nouvelle; le trouble ne règnera plus sur l'Hélicon ; les Muses viennent d'en chasser ces auteurs à la mode : il était temps de faire cette réforme. On voit bien que tout dégénere ; les comédies à ariettes ont fait tourner la téte aux Français ; ils aiment toujours à rire, mais ils n'aiment plus à s'instruire en riant ; j'ai bien fait d'y mettre ordre. Quelqu'un s'avance ; c'est Melpomène et Thalie: elles sont bientôt de retour. Il faut redoubler la Garde... Quel est ce manuscrit ? Je sais ce que vous voulez dire : il ne sera pas difficile de vous mettre d'accord. Vous avez raison de la refuser toutes deux, elle n'est ni à vous, ni à vous. Votre soeur Terpsicore aurait plus de droit d'y prétendre... Mais toutes vos disputes ne remédient point au danger présent. Vous savez que le temps presse: les poètes peuvent d'un moment à l'autre se rendre maîtres du Pinde : s'ils y remettaient les pieds, il ne serait plus si facile de les faire sortir. Que veut notre Portier ? T'ont-ils montré leurs ouvrages ? Lis. Elles ont l'approbation de Melpomène. Laisse entrer. Elles sont d'un auteur bien estimé des Français. Tu laisseras entrer. Celles-ci sont d'un auteur que je connais. Fais entrer. Je t'ai dit que je ne voulais pas d'auteurs de pièces à ariettes. La Pièce chantante et Denis seraient frères ?Ne te trompes-tu point? Je ne lui pardonnerai jamais d'avoir fait des Opéra-comiques. Pourquoi faut-il qu'il y ait des ariettes ? Je l'estime trop pour lui faire une telle injustice. Si, comme vous dites, il a mis son nom à la tête d'une comédie lyrique, il n'en a pas moins fait des ouvrages qui seront à jamais inscrits au temple de mémoire. Ces ouvrages sauveront assez sa gloire, fit-il encore quatre Opéra comiques... Allez, faites entrer. Vous, retournez au Parnasse ; prenez autant de monde qu'il vous en faudra pour résister à l'attaque de ces écrivains qui se sont révoltés. Ne perdez point de temps, et m'envoyez les plus mutins ; je saurai les mettre à la raison. Qui es-tu, pour faire tant de bruit ? T'acquites-tu bien de ton emploi. Mais ce n'est pas trop bien agir. Tu joues gros jeu : je m'étonne que tu n'aies pas déjà essuyé quelque orage fâcheux. Consultes le bon goût, et tu verras si je dois faire ce que tu me demandes. Je traiterai tes poètes comme tu fais ceux des boulevards ; avec cette différence que tu rejettes leurs pièces sans sujet, et que je refuse tes auteurs avec raison. Mon choix est tout fait. Toi. D'un malheur nous serions tombés dans un pire : le Parnasse serait devenu désert : ta figure rébarbarative en aurait éloigné tous les poètes qui auraient eu droit d'y prétendre. Retournes lire tes farces. Ne répliques pas. Voici un homme bien brusque. Je n'ai jamais vu de figure pareille... Que veut cet autre ? Il a la mine d'une poupée, celui-ci. À qui en as-tu ? À qui donc en as-tu ? Parle. Voici un impudent personnage. C'est ce que je n'aurois pas cru. Sans étaler ici le prix de ta personne, pourrais-tu dire ce que tu demandes ? Quels Ouvrages as-tu composés ? C'est un mauvais passeport pour entrer au Parnasse. Achevons. Ce livre se vendra dans le siécle où nous sommes. Celui-ci se vendra encore. Tu composes pour ces théâtres. Il faut qu'il ne t'en soit pas resté beaucoup, pour aspirer au rang de mes sujets. Profites plutôt d'un petit avis que je vais te donner : retournes à Paris avec tes Duchesses et tes Marquises, nous n'aimons pas au Parnasse les petits-collets ; et nos poètes ne sont pas accoutumés à l'ambre. Ils commencent à m'ennuyer... Messieurs aurez-vous bientôt fini votre conversation ? Prenez-vous ce Palais pour des foyers de théâtre ? Demandez-vous quelque chose ? J'ai peine à croire qu'elle ait commis une injustice comme tu le prétends. Voyons les Ouvrages que tu as composés. Toujours des ariettes ? Cet Ouvrage s'est-il vendu ? Dépêchons. Tu composes aussi pour ces baladins ?... Tu tiendras compagnie à ton ami Monsieur l'Abbé. Vous partirez ensemble. Qui croirait que ces vils insectes osent aussi prétendre au titre d'auteur ? Je ne m'étonne plus de la presse qu'il y avait sur l'Hélicon.... Que veut ce Savetier ?... Il cherche sans doute de la pratique. Voilà un drole de style. Qui es-tu ? Quel est le sujet qui t'amene ? Quelles sont les pièces qui t'ont fait le plus de plaisir ? C'est une bonne pièce. Le revenant est l'esprit. Revenons au sujet qui t'amène. Mêlées d'ariettes sans doute ? Je ne t'aurais pas pris pour un auteur. Ton habit ne l'aura pas prévenue en ta faveur... Quelles pièces as-tu composées ? Voyons ce que c'est, il peut avoir raison... Ce n'est pas sur l'apparence que nous devons juger les hommes. Qu'apportes-tu là ? Quelle famille ! Où as-tu fais paraître tous ces enfants ? Encore un auteur de farces ! Le Parnasse n'était rempli que de ces animaux-là, et d'auteurs de comédies chantantes. En voici bien d'une autre. Elle n'est pas si désagréable. Les fleurs qui viennent de Paris me sont suspectes ; je n'aime pas leur odeur. Cette fraîcheur n'est qu'un faux éclat qui ne doit point tenter ; elle n'en cache pas moins l'épine sous cette feuille qui paraît vermeille. Elle est familière... Quel est le sujet qui vous amène ici, ma chère enfant ? Vous ne feriez pas fortune, ma chère enfant, nous n'avons pas d'ab bés. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'a-t-il donc fait ? Achevez donc. Ah, ah, Monsieur le Savetier. Ils croyent être encore ici dans leur cabaret... Allons sortez promptement, et allez vous quereller plus loin. M'en voici délivré, quelles gens... En voici un autre avec sa bosse. Que cherches-tu, mon ami ? Comment te nommes-tu ? De quels Comédiens ? Ah, ah, c'est toi qui es le Directeur des Comédiens de bois ? Thalie protège tes auteurs ; elle m'a parlé de tes pièces. Que demande-tu de moi ? Quelles sortes de piéces joues-tu ? En as-tu quelqu'une ? Ne m'en dis pas davantage, je vois ce que c'est ; je ne m'étonne pas si tu t'es fais des ennemis. Tu te mêles de critiquer ? Ne sais-tu pas qu'une satire coûte bien souvent des larmes à l'auteur. Consulte Boileau, il te dira qu'on se fait autant d'ennemis de ceux que l'on fait rire. Je veux bien t'accorder ma protection, mais tâche de donner des piéces sans critique. Comment faire ? Je me sens bien porté à te rendre service... Mais que je te permettes de donner des piéces satyriques, tu abuseras quelques jours de cette permission, et tes satyres blesseront indubitablement. Elle est bonne ; il faut la suivre, et j'aurai l'oeil sur toi... D'où vient ce bruit ?... Il redouble.... C'est notre portier... Les Muses l'accompagnent. Qu'est-il donc arrivé ? Qu'entends-je ? Il est tout pris. J'abandonne le soin de mon Empire à qui voudra s'en charger ; puisque tout le monde veut être auteur, je ne me mêle plus de rien. Je ne mettrai point le pied sur le Parnasse tant que les comédies mêlées d'ariettes seront à la mode. Vous aurez le soin d'en faire autant jusqu'à ce que le bon goût ait fait tomber ces piéces chantantes. C'est un malheur auquel on ne s'attendait pas... Mais pour te consoler de l'emploi que tu viens perdre, enrôle-toi dans la troupe de Polichinelle, tu joueras avec ses Comédiens de bois. Il a raison. Tu n'auras pas lieu d'être mécontent. Allez, et lorsque vous serez de retour à Paris, vous publierez partout que depuis qu'on voit tant d'auteurs de comédies mêlées d'ariettes, Apollon et les Muses n'habitent plus le Parnasse. **** *creator_anonyme *book_anonyme_portierduparnasse *style_prose *genre_comedy *dist1_anonyme_prose_comedy_portierduparnasse *dist2_anonyme_prose_comedy *id_TOMVERD *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_tomverd Je suis un poète assez connu dans Paris par mes ouvrages ; j'ai toujours fait l'amusement des cercles où je me suis trouvé. Je m'appelle Tomverd. Voici mon histoire. J'ai travaillé longtemps à Paris pour les différents théâtres qu'il renferme. Je les ai servis tour-à-tour: mais celui sur lequel je me suis le plus distingué, c'est l'Opéra-bouffon; j'y ai donné plusieurs piéces à ariettes. Le Boulevard nous fait grand tort. La Bourbonnoise nous a enlevé bien des pratiques... Pour revenir à mon histoire : enflé d'orgeuil d'avoir fait des piéces lyriques, j'ai cru que je pouvais entreprendre le voyage du Parnasse, et venir me placer impunément entre Destouches et Regnard. Je me suis embarqué en conséquence avec plusieurs de mes confrères, aussi présomptueux que moi. La témérité était le nom de la barque sur laquelle nous voguions. La folie nous servait de gouvernail, et la vanité de pilote. Arrivés, nous avons voulu débarquer, mais plusieurs auteurs des Boulevards nous ont disputé le passage. Ils prétendaient avoir le pas et entrer avant nous. Nous leur avons résisté, et nous en sommes venus aux mains; j'ai tombé sous celles d'un poète, savetier, ferme et robuste, qui m'a assommé de coups de tire-pieds, et m'a précipité dans le fleuve : les flots m'ont jetté presque sans vie sur le sable où Terpsicore m'a trouvé. Beaucoup : la musique était bruyante. On ne regarde point à si peu chose : la musique seule décide de ces sortes d'ouvrages. Sans cela, combien de piéces seroient mortes dès leur enfance ! Le Déserteur, par exemple, n'aurait jamais eu sa grace. Quoique la bonté de notre Prince soit extrême, les larmes de la petite Louise n'auraient point eu d'effet, si elle n'eut pleuré en cadence. L'une n'attend pas l'autre. On nous a fait venir un sauvage pour nous apprendre qu'en son pays chacun parle à son tour. On nous a montré un amant qui sous son déguisement se fait assez connaître pour ce qu'il est. On nous a fait voir aussi une petite Lucille... Celle-ci est fort intéressante. Je n'en serais point surpris. Elle réunit en elle toutes sortes de bonnes qualités ; elle a des sentiments, de l'esprit ; elle est tendre, sensible... Lucile est parée d'ariettes, il est vrai, mais elle ressemble à ces belles femmes, qui se dépouillant de leurs diamants pour se mettre en négligé, n'en sont que plus touchantes. Je suis vrai. Je ne parlerai pas ainsi d'une fille sage et vertueuse qu'on a couronné de roses... Cela n'est pas moins véritable. On l'a fait venir de Salenci. Les roses dont on l'a couronnée étaient un peu flétries, et elles avaient été cueillies en hiver. Voilà le mal. Il serait impossible de tout prévoir. Il est vrai. La musique est un sel que l'on met dans tous les ragoûts : c'est une maladie épidémique qui se répand partout ; il est même à craindre qu'elle n'aille jusqu'au séjour qu'habite Melpomène, et que dans les Horaces, Camille ne fasse son imprécation en vaudeville. Pas trop. Quoique poète, je n'aime pas la solitude ; je ressemble à ces petits sots de Paris, qui ne vont aux spectacles que pour le monde. Thalie est plus à plaindre qu'elle, elle ne se fait pas rechercher. Oui, mais elle veut donner des conseils. C'est ce qu'on n'aime pas : chacun croit avoir la sagesse en partage. On ne veut plus recevoir d'avis depuis qu'on se croit capable d'en donner. Le sot veut vendre de l'esprit, le fou de la sagesse, l'Abbé de la modestie, et les femmes de la pudeur. Il n'y a pas mis les pieds depuis l'invention des Opéras-bouffons. Ils ne réussissent pas dans la nouveauté : ils ont donné le « Bon père », à qui on devrait ôter l'épithète, afin que le titre convint mieux à la pièce : ils ont joué « Laurette », tirée d'un conte qu'on a mis en pièce : ils ont fait paraître deux amis qui se sont fait des ennemis. « Amélise » et « Les deux Soeurs » ont si bien été reçues à leur arrivée dans Paris qu'elles n'ont osé y remettre les pieds davantage. « Hylas et les Etrennes » ont eu un sort différent, mais il y a des ariettes et des danses ; pour le pauvre Hamlet, il ferait bien de s'en retourner en Angleterre ; il court risque ici de se faire mettre aux Petites Maisons. Il a fait beaucoup de bruit, et il mérite sa renommée : il faut convenir que Madame son épouse est une brave femme, un peu trop bonne à la vérité, mais ce n'est point un défaut. On a aussi tenu sur ce théâtre une foire, où il s'est débité d'assez mauvaise marchandise. Des femmes et des Abbés. Il aurait fait banqueroute : elles sont à la mode. Elle était donc masquée ? Quand bien même on l'eut reconnue, la vente n'eut pas été plus considérable, l'Opéra-bouffon eut enlevé tous les chalands. À dire le vrai, elle est bien à plaindre, et elle l'est encore davantage depuis que cet homme grossier et ridicule a épousé une seconde femme. Vous l'avez dit. C'est une vieille radoteuse qui a toujours fait rire les sots sans sujet : elle ne se sert que de mots bas et trivials, connu sur les quais et dans les cabarets ; elle fait sa principale résidence sur les boulevards. La Parade. Elle n'en est point jalouse ; elles s'accordent assez bien ensemble : ce sont deux soeeurs plutôt que deux rivales. Il en a eu un, mais on doute s'il est légitime : on tient que sa femme l'a apporté de chez son premier mari, et que c'est la seule dot qu'elle a donné au second. Point si mauvais. Par les peines que s'est donnée Mademoiselle Ariette, elle est parvenue à le dénaturaliser ; c'est un petit drÖle fort éveillé, qui ne laisse pas d'avoir des amis. Trop d'honneur. Vous pouvez compter sur mon intégrité... Laisserai-je entrer mes chers confreres... ? Il vient d'arriver plusieurs auteurs qui demandent à entrer au Parnasse : ils se distinguent de la foule, et se disent de la connaissance de Melpomène. Voici ce qu'ils m'ont présenté. Ces deux piéces sont du même auteur, Warvick et Mélanie. En voici deux autres, Bayard, et Gabrielle de Vergy. En voici encore. Aristomène, Denis le Tyran. Le Chasseur, comédie mélée d'ariettes. Ces enfants sont du même père. Le nom de l'auteur est à la tête. Ô ! Malheur imprévu. Les rimailleurs sont maîtres du Parnasse. Furieux d'avoir été répoussés, ils se sont ralliés de nouveau, et ont tombés sur nous avec impétuosité. Nous avons soutenue leur premier effort avec assez de vigueur ; nous les aurions même repoussés, s'il n'était venu tout à coup un renfort d'auteurs des boulevards, d'écrivains de feuilles, qui ne vivent qu'aux dépens de la réputation du public... de poètes connus sur les quais, et dont les ouvrages se débitent chez l'épicier. Ces Auteurs se sont avisés de nous lire leurs ouvrages ; alors, vous auriez vu vos gardes immobiles, se frotter les yeux, bailler, dormir, et tomber les uns sur les autres en ronflant comme des juges à l'audience. Nos Rimailleurs saisissent ce moment ; ils passent sur le corps à nos Gardes, et grimpent au haut du Pinde : vos favoris veulent en vain s'opposer à leur passage; ils subissent le même sort des Gardes : la lecture de trois pages du Déserteur, les plonge dans un sommeil léthargique: les poètes crient alors victoire ; ils montent tous à la fois ; c'est à qui se placera le plus près du sommet de l'Hélicon. Voilà, Seigneur, ce qui se passe dans votre Empire. Je suis vite accouru vous faire part d'un si grand malheur. Ne me voilà pas mal à présent avec ma charge de portier. De portier du Parnasse, jouer avec des Comédiens de bois ? Allons, il faut faire une fin. Puisqu'il est ainsi, je m'enrôle dans votre petite troupe. **** *creator_anonyme *book_anonyme_portierduparnasse *style_prose *genre_comedy *dist1_anonyme_prose_comedy_portierduparnasse *dist2_anonyme_prose_comedy *id_BARBARO *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_barbaro Je viens me plaindre à vous, Seigneur Apollon, de l'injustice la plus criante... Thalie a eu l'audace de faire sortir du Pinde tous nos Auteurs. Je m'appelle Barbaro. J'étais autrefois membre de l'Opéra-comique : je puis me vanter d'avoir été un grand bouffon, et maintenant, mes confrères m'ont choisi pour être Censeur des différentes piéces qui se jouent sur les boulevards. À merveille. Je garde toutes les piéces qui peuvent nous convenir ; et je n'approuve que celles dont nous ne pourrions rien faire. Il faut bien que chacun se tire d'affaire : ces petits barbouilleurs de papier seraient trop heureux si on ne leur donnait pas sur les doigts de temps en temps. Mon plus grand plaisir est de les désesperer : je leur fais récrire plusieurs fois leurs pièces, sous prétexte qu'elles ne sont pas lisibles ; et quand ils ont bien pris de la peine, je refuse net mon approbation. Ils ont intérêt de me ménager... Mais daignez accorder l'entrée de l'Hélicon aux Auteurs qui travaillent pour notre théâtre. Puisque je ne puis rien gagner pour les autres : parlons pour moi. Vous voulez, m'a-t'on dit, faire choix d'un portier pour garder le Parnasse ? Tant pis. J'aurais été votre affaire. Mais, Seigneur Apollon. Partons. **** *creator_anonyme *book_anonyme_portierduparnasse *style_prose *genre_comedy *dist1_anonyme_prose_comedy_portierduparnasse *dist2_anonyme_prose_comedy *id_TRANCHET *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_tranchet Ô ! Postérité de mes ancêtres. » » Seigneur Apollon, daignez coudre un moment l'empeigne de votre attention à la semelle de mon discours ; trop heureux si le tranchet de mon éloquence peut affiler l'alêne de votre attention ». Justice, Seigneur ! On m'a chassé du Parnasse, moi qui ai usé toutes mes culottes pour y monter. Je suis cet auteur connu par ses voyages, qui lui ont acquis le titre d'ambulant. J'ai appris à Paris que quand on voyait l'arc-en-ciel, on ne voyait pas l'arc-en-terre ; et c'est-là où j'ai fait briller mes talents. Tel que vous me voyez, je suis amateur des spectacles ; j'ai fréquenté les boulevards, et l'on m'a vu briller aux premières places, à l'Opéra-comique. Celles où il y avait le plus de décorations. Le Turban, le Prince de Salerne, et surtout l'Arbre enchanté. Oh ! Excellente : il y a des ballets à la Suisse, des décorations à la grecque, et des ariettes françaises ; c'est plus que suffisant pour faire un chef-d'oeuvre... J'ai vu aussi une petite meunière que j'ai bien trouvé de mon goût: dans la pièce où elle paraît, une basse qui danse en l'air, des sacs qui s'envolent, la chandelle qui monte au grenier... Oh ! Rien n'est plus plaisant... On dirait aussi que j'y verrais un esprit... mais je n'ai vu qu'un revenant. Il est bien bête cet esprit-là, de sortir avec son sac pour se faire reconnaître. Hé bien, vous saurez donc que je ne me contente pas d'être amateur de spectacles, je suis auteur, moi, et je fais des comédies. Je porte mon ambition plus haut ; je laisse les ariettes à ces petits écri vains qui commencent à naître. L'habit ne fait pas le Docteur, je n'en suis pas moins un poète célèbre, et je viens me plaindre à vous de ce que Thalie m'a fait l'affront de me méconnaître, et de me chasser à coups de pied-au-cul. Je vais vous chercher mon petit recueil. Ce sont les enfants que ma plume mis au jour. Ne vous récriez pas, elle n'est pas estropiée. Sur les boulevards. À qui en veut-elle ? Que veut-elle donc dire ? « Je puis bien vous jurer sur mon Tranchet, que c'est une impudente, une effrontée et que je n'ai jamais connu cette carogne-là ». « Je me ressouviens aurant de Giroflée comme de Giroflon. » Au secours, à la force, on m'assomme... On me violente ! « Moi, qui suis aussi innocent qu'un petit enfant qui vient de naître ?... C'est elle qui cause tout mon malheur.... Il faut que je l'échigne. » Tout m'en veut, tout m'abandonne... « Puisque c'est ainsi, je renonce au monde, et dès demain, je cours me faire misanthrophe. » **** *creator_anonyme *book_anonyme_portierduparnasse *style_prose *genre_comedy *dist1_anonyme_prose_comedy_portierduparnasse *dist2_anonyme_prose_comedy *id_POLICHINELLE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_polichinelle Je viens vous demander une grâce. Je me nomme Polichinelle, et je suis Directeur d'une troupe de comédiens. De Comédiens de bois. Il est vrai que n'étant pas mêlées d'ariettes, elle ne les désavoue pas. Le voici. Mes Comédiens de bois ont attiré sur eux l'envie des autres Comédiens leurs confrères : ces cruels, jaloux de leur bonheur, nous ont cherché des chicanes de diable ; et pour les mettre à couvert de leur haine, je viens vous prier de m'accorder votre protection, et me permettre de bâtir une salle au pied du Parnasse, afin d'y donner mon spectacle. De petites comédies sans intrigue, des piéces à tiroir. Voici la première qui s'est donnée sur mon théâtre : c'est une petite scène entre Marcel et moi. Il arrive d'un air chagrin ; je lui en demande la raison. Pourquoi parais-tu si triste ?... Te le dirai-je, mon ami, je viens d'être réformé... Tu aurais quitté les cordons bleus de notre ordre ? Et par quelle raison ?... Que veux-tu ? Honores mutant mores... Que vas tu devenir à présent ?... Je viens m'enrôler dans ta petit troupe, si tu veux me recevoir... Tu voudrais jouer avec des Comédiens de bois ?... Tu sais bien que ce ne serait pas la première fois, bûches pour bûches, j'aime autant jouer avec les tiennes qu'avec d'autres. Ce serait servir des perdrix sans oranges : mon, spectacle tomberait entiérement, si dans les ragoûts que je sers au public, il n'y avait quelques grains de sel pour en relever le goût. Voici ma maxime : ludere non laedere. C'est bien dit, vous ferez les amoureux. Ne faites pas tant le difficile, j'estime autant la moindre de mes bûches, même celle qui souffle les autres, qu'un petit auteur comme vous.