**** *creator_barbier *book_barbier_faucon *style_verse *genre_comedy *dist1_barbier_verse_comedy_faucon *dist2_barbier_verse_comedy *id_FEDERIC *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_federic Te voilà bien chagrin ? Hé, maraud, que t'importe ? Rassure-toi, le jour n'est pas encor passé. Tant mieux. Tant mieux, Pasquin, tant mieux. Hé ! Hé ! Hé ! Hé ! Qui ne rirait pas ? Ne viens-tu pas de dire, Que depuis qu'il est gras ce faucon ne vaut rien ? Prononçant son arrêt tu prononces le tien ; À te faire jeûner je mettrai mon étude ; Tu n'en vaudras que mieux. Tu pourrais me quitter ! Ce jeûne-là, Pasquin, te tient bien fort au coeur ? Le terme est un peu fort. Poursuis ; tout à loisir je te laisse jaser. Quoi ! Des comparaisons ! Moraliseur fâcheux, n'as-tu plus rien à dire ? Va, je n'aime qu'à rire. Philosophe nouveau, tu le sais bien. Pasquin, Plus l'amour autrefois m'a causé de chagrin, Plus mon coeur du repos goûte aujourd'hui les charmes ; La molle oisiveté succède à mille alarmes : Si j'ai vu tant de soins, tant d'amour négligé, Par un profond oubli n'en suis-je pas vengés ? Je l'avoue, Axiane est toujours jeune et belle, Elle mérite bien le soin qu'on prend pour elle ; Mais par sa cruauté mon espoir démenti, M'a fait résoudre enfin à prendre mon parti. Tiens, sa maison des Champs n'est pas loin de la mienne, Vers moi tranquillement j'attendrai qu'elle vienne : Moi, je l'irais chercher ! Qu'elle n'y compte pas, Dussai-je autant d'amour que je lui sais d'appas : Non, je fuis trop piqué. Moi, je ne la hais point ; mais du moins je te jure De ne la jamais voir. Toujours de la morale ? Tu dîneras demain. Mais toi-même autrefois n'aimais-tu pas Lisette ? Et la grande raison, c'est que tu n'avais rien. Mais pour Lisette encor ressens-tu de l'amour ? Imite ma sagesse, Oublions pour jamais et suivante et maîtresse ; De la seule raison il faut suivre la loi ; Pour moi je n'aime plus que ce faucon et toi. Quel bruit vient me frapper ? Cours, va voir ce que c'est. N'importe, va savoir... Quoi ! Toujours Axiane ? Pasquin, je te défends de prononcer son nom : Fais ce que je te dis, va, donne ce faucon. Cours, et viens m'informer de tout ce qui se passe. Toi qui d'un vol plus prompt que celui des Zéphirs, T'élances dans les airs au gré de mes désirs , Et qui dans les forêts à mes leçons docile, Apprens l'art de mêler l'agréable à futile ; Cher oiseau, c'en est fait, je veux n'aimer que toi ; J'ai vécu trop longtemps sous une dure loi. Cesse bruit importun, cesse de me distraire, Ne trouble plus la paix de ce bois solitaire ; Dûsses-tu m'annoncer Axiane en ces lieux, Avec tous ses appas la montrer à mes yeux ; À mon fidèle oiseau, mon coeur toujours fidèle ; Tout de feu pour lui seul, tout de glace pour elle, Ne lui laissera voir qu'une noble fierté : Ii était dans les fers, il est en liberté. Quel bonheur de pouvoir dans une paix profonde, Pour n'être qu'à soi-même, oublier tout le monde ! Hé quoi ! Ce bruit fâcheux vient toujours me frapper ? Cher oiseau de toi seul je prétends m'occuper : Non, je ne veux plus voir l'insensible, l'Ingrate, Qui peut-être en secret de mon retour se flatte. Je veux bien convenir qu'elle avait mille attraits ; Qu'il partait de ces yeux d'inévitables traits : Je veux de sa beauté conserver la mémoire ; Mais c'est pour ma vengeance, et non pas pour sa gloire : Si je l'élève ici, c'est pour l'humilier, Et je ne m'en souviens, que pour mieux l'oublier. Mais j'aperçois Pasquin. Hé bien ! Quelle nouvelle ? Qu'est-il donc arrivé ? Parle. Quel étrange accident, Pasquin, viens-tu m'apprendre ? Pasquin ? Ô comble de bonheur ! Pasquin, un tête-à-tête ! Qu'à la bien recevoir à l'envi tout s'apprête. Adorable beauté ! Que ne puisse à tes yeux Prodiguer l'ambroisie, et le nectar des Dieux ? Que me rappelles-tu ? Ô fortune cruelle ! Ne m'as-tu pas encor assez persécuté ? Je te pardonnerais de m'avoir tout ôté, Si du moins pour premier et pour dernier office Dans ce pressant besoin je te trouvais propice. Pasquin ? N'imagines-tu rien ? Cherche, invente. Hé bien ! Dépêche. Quoi ! Toi-même au besoin tu me manques ? Ah ! Que j'aime ton zèle ! Que me proposes-tu ? Je fuirais ses beaux yeux ? De grâce, cher Pasquin, montre ici ton adresse. Ah ! Ciel ! Cependant le temps presse ; Et l'objet de mes feux sans doute n'est pas loin ; Il y va de ma gloire, il faut en prendre soin : Il faut, quoi qu'il arrive, aux yeux de ce que j'aime Dérober, s'il se peut, mon indigence extrême. Amour, inspire-moi. On vient. Écoute. Épargne-toi des conseils superflus, Emporte ce Faucon, et ne réplique plus. Quoi ! C'est vous, trop aimable inhumaine ! Auprès de Federic quel destin vous amène ? J'avais cru pour jamais être oublié de vous. Hélas ! En vous fuyant, je fuis tout ce que j'aime ; Et m'arrachant à vous, je m'arrache à moi-même : Mais je me cache en vain dans le fond des forêts ; Des yeux qui m'ont blessé, jc sens partout les traits. Se peut-il que l'Amour survive à l'espérance ? Quoi ! Je ne puis prétendre au bonheur de vous plaire ? Le mal de mes rivaux n'adoucit pas le mien : Est ce un bonheur pour moi que ce coeur n'aime rien ? Que dis-je ? Pour ma flamme il vaudrait mieux peut-être, Qu'un Rival plus heureux eût su s'en rendre maître ; Comme j'ai plus d'amour, je pourrais aspirer Au bonheur, sans égal, de me voir préférer. Et pourquoi les quitter ? Craignez-vous d'en trop dire ? Ciel ! qu'entends-je ? Achevez de rompre le silence. Me voilà de mon sort pleinement éclairci. Ah ! cruelle. Si tu dis un mot, crains d'éprouver ma rage; Bourreau, te tairas-tu ? Madame, pardonnez, pour certaines affaires ; Je donne à ce valet des ordres nécessaires. Prends garde de broncher. Pasquin, tu m'entends bien, De tout ce que j'ai dit, fais qu'il ne manque rien. Ce coquin va me deshonorer ; D'un pas si dangereux, tâchons de nous tirer. Pasquin depuis un temps est sujet au délire, Il est fou. Voyez, comme son mal empire ; Il est d'autant plus fou qu'il croit ne l'être pas. Si tu réponds, je te casse les bras. Voyez, comme il répond, et jugez s'il est sage. Pour un mot lâché, deux cents coups de bâton. Je lui dis certains mots d'un Médecin Arabe. Voyez, comme son mal lui fait rouler les yeux. Garde-toi d'une épreuve pareille, Il te l'arracherait. Il est temps de finir tes mortelles alarmes; Madame ; votre vue a pour moi mille charmes : Mais au mal de Pasquin il faut aller pourvoir, Et préparer ces lieux pour vous y recevoir. Un plat, et très léger. Bien en prend à ton dos. Va, fais-nous avertir, lorsque tout sera prêt. Lisette, qu'as-tu fait de ta belle maîtresse ? Quoi ! Seule ? Il faut l'aller trouver. Lisette, que dis-tu ? Madame, pardonnez si je vous ai quittée , D'un soin pressant mon âme était inquiétée, Et ma présence était nécessaire à Pasquin. On va bientôt servir. Ce séjour écarté ne permet pas d'en faire. Dans un désert on fait mauvaise chère : Cependant je prends soin qu'on vous offre en ces lieux Ce que j'ai de plus cher, et de plus précieux. Quoi ! vous pourriez douter, Quoique vous ordonniez, que je ne l'exécute ? La Fortune ennemie en vain me persécute ; Elle m'a tout ôté par une dure loi : Mais ce coeur qui me reste, est plus à vous qu'à moi. Expliquez-vous, de grâce ? Que puis-je ? Je tremble. Juste Ciel ! Ai-je bien entendu ? Quoi ! Vous voulez, Madame... Hé ! Que puis-je accorder ? Fortune impitoyable, achevé, prend ma vie ; Barbare, je croyais ta fureur assouvie ; Mais tu mets aujourd'hui le comble à mon malheur, Par le coup imprévu dont tu frappes mon coeur. Ô rigueur sans égale ! Ô tyrannique empire ! Que me demandez-vous ? Hélas ! Si vous saviez, Madame, à quel usage... Je n'ai jamais aimé ! Quel injuste langage ! Hélas ! Et dans quel temps me fait-on cet outrage ! Je viens de me réduire au plus funeste état ; Et quand j'ai tout donné, je passe pour ingrat. Non, demeurez, ou dans mon noir transport, De ce fer a vos yeux, je me donne la mort : Il faut sur mes refus que je me justifie. Heureux, si vous n'aviez demandé que ma vie ! Je vous l'aurais donnée, elle est en mon pouvoir, L'amour que j'ai pour vous m'en eût fait un devoir, Mais faut-il que le sort à tous mes voeux contraire, M'ôte le seul moyen que j'avais de vous plaire ? Avec plus de noirceur peut-il m'assassiner ? Hélas ! L'oiseau n'est plus, vous en allez diner. Le sort à tel point m'est funeste, Que je vous offre en vain le seul bien qui me reste ; Mais n'importe, en ces lieux prêt à vous recevoir ; Ai-je pu trop payer le plaisir de vous voir ? Quels mots ont frappé mon oreille ! Votre coeur est à moi ! Je doute si je veille : Ah ! Dans le doux transport qui vient de me saisir, Permettez qu'à vos pieds j'expire de plaisir. Amour, ai-je trop fait pour toi ? **** *creator_barbier *book_barbier_faucon *style_verse *genre_comedy *dist1_barbier_verse_comedy_faucon *dist2_barbier_verse_comedy *id_AXIANE *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_axiane Il faut bien vous chercher, quand vous nous fuyez tous. Vous plaindrez-vous toujours de mon indifférence ? L'Amour a des tourments quii doivent m'alarmer, Et mon coeur à ce prix ne veut pas s'enflammer. Avez-vous des rivaux que mon coeur vous préfère ? Ah ! Ne souhaitez pas qu'un autre objet m'enflamme, Si l'amour une fois s'emparait de mon âme : J'ose vous l'assurer, ce serait pour toujours ; Je me connais trop bien : mais quittons ces discours. Mon coeur s'est expliqué, cela vous doit suffire : Croyez que jusqu'ici vous l'avez mal connu, Et qu'un jour... mais ce jour n'est pas encor venu. Arrêtez, ces transports ont trop de violence : Mais je m'en prends à moi, ce que j'ai fait pour vous A donné lieu, Sans doute, à des transports si doux : Détrompez-vous pourtant ? Malgré ce tête-à-tête, Ne me regardez pas comme votre conquête ; À ma présence ici l'amour n'a point de part, Et vous ne la devez tout au plus qu'au hasard. Après avoir longtemps couru de plaine en plaine, Ma troupe chasse encor dans la forêt prochaine ; Moi, pour me reposer, je viens l'attendre ici. Au moins ne faites pas ici de la dépense ; Je ne veux qu'un seul plat. Pasquin me fait pitié. Moi ! Tu perds l'esprit toi-même. Mais enfin, Que veux-tu dire ? Mais à devenir fou qui pourrait le contraindre ? Soit, mais de tout cela suis-je coupable moi ? Que j'aime Federic, que je ne l'aime point, Qu'importe ? Moi ! Je n'élude rien. Choisis ce que tu veux : J'aime, je n'aime point. Tout est égal pour moi. Mais pourquoi me presses-tu si fort ? Va, ne le plains pas tant. Je ne dis pas cela. Que Federic Peut-être n'aime point. Pour son plaisir, Voilà comme ils sont tous. Crédules que nous sommes, Ne serons-nous jamais que les dupes des hommes. Quoi qu'ils fassent pour nous, toute leur passion N'est qu'orgueil, qu'amour propre, et qu'ostentation. C'est pour faire du bruit seulement que l'on aime ; Le véritable amour s'explique-t-il de même ? Ne peut-on renfermer son secret dans son coeur, Sans que d'une maîtresse on triomphe en vainqueur ? Je rends à Federic un peu plus de justice ; Et s'il faut te parler enfin sans artifice ; Mon coeur le distinguait du reste des amants ; Mais combien sont changés mes premiers sentiments, Depuis que loin de moi, méditant sa retraite, Il ne m'en a laissé, que la honte secrète. L'inconstant, à mes yeux soigneux de se cacher , Triomphe et me réduit à le venir chercher. Que dis-je ? Sans raison, vois si je le condamne ; Un oiseau qu'il chérit lui tient lieu d'Axiane, Et je vois dans son coeur succéder en ce jour, La fureur de la chasse aux transports de l'amour ; Et tu te plains encor ! C'est moi que tu dois plaindre. Moi ! l'aimer! Tais-toi : je n'aime pas sur ce point qu'on plaisante. Il n'est pas temps encore. Ah ! S'il est vrai qu'il m'aime, il n'en a que trop fait : Mais si son triste sort est mon funeste ouvrage, Quelle gloire pour moi d'en réparer l'outrage ! Voyons si Federic mérite mon amour. Par quelque piège adroit qu'il faut que je lui dresse, Je veux savoir, pour moi, jusqu'où va sa tendresse ; J'en doute encor, Lisette, et prétends l'éprouver. Toi, ne fuis point mes pas, et me laisse y rêver. Au moins point de festin. Tant mieux. Je ne regarde ici que la main qui le donne : Quel que soit un repas, le bon coeur l'assaisonne : Je compte sur le vôtre, et j'ose me flatter... Mais non, n'achevons point. Que vous me rassurez ! Federic, vous savez que la chasse Dès mes plus tendres ans fit mes foins les plus chers ; Vous avez un oiseau plus prompt que les éclairs. De plaisir je me sens éperdue, Sitôt que je le vois se perdre dans la nue : Je l'aime, et je mettrais mon coeur même à ce prix, Si... Quel trouble agite vos esprits ? Non, je ne veux plus rien ; le trouble de ton âme M'apprend trop tes refus : Que puis-je demander ? Qu'entends-je ! Avec le sort c'est donc moi qui conspire ? Je viens à votre coeur porter les derniers coups : Quoi ! Pour un seul Oiseuu... Va, tu n'as pas besoin d'en dire davantage : Je sais qu'à le garder tout doit t'interesser ; Qu'il t'est cher, précieux : mais as-tu pu penser, Que pour te le ravir je fusse assez cruelle ? Je voulais de tes feux une marque nouvelle, Triste épreuve ! Ton coeur d'un seul mot alarmé, Ne m'a que trop fait voir qu'il n'a jamais aimé. Ah ! C'en est trop enfin , ce reproche me blesse. Pour m'en sauver la honte, il faut que je vous laisse. Adieu. L'oiseau n'est plus ! Hélas ! Qu'avez-vous fait ? Et qu'ai-je fait moi-même ? Quel outrage ! Quel prix de votre amour extrême ! Et comment réparer cet excès de rigueur ? Est-ce assez de mes biens ? De ma main ? De mon coeur ? Tout est à vous. Federic, il est temps qu'une chaîne éternelle Unisse à mon destin l'amant le plus fidèle ; Mon coeur est tout à vous, ma main dépend de moi, Je vous la donne. **** *creator_barbier *book_barbier_faucon *style_verse *genre_comedy *dist1_barbier_verse_comedy_faucon *dist2_barbier_verse_comedy *id_PASQUIN *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pasquin N'en ai-je pas raison ? Vainement dans les airs vous lâchez ce faucon ; Il ne rapporte rien. Comment ! Nous ne vivons que de ce qu'il rapporte : Il nous a jusqu'ici fourni quelques repas ; Mais il ne vaut plus rien depuis qu'il est si gras; Ah ! Que j'aime un Oiseau, qui par un seul coup d'aIle, S'en va me tenir lieu de pourvoyeur fidèle ! Je voudrais que son vol fut plus prompt qu'un éclair : J'appelle tels oiseaux les pirates de l'air. Un Vaisseau trop chargé, Monsieur, n'avance guère, Et le meilleur voilier, est le meilleur corsaire. Ah ! Le petit ingrat, je l'ai trop engraissé ; Et pour ma récompense il veut que je maigrisse : Tenez, voyez plutôt, j'ai déjà la jaunisse, Me voilà saffrané jusques au blanc des yeux. Que dites-vous ? Dites plutôt, tant pis. Pourquoi rire ? L'épreuve est un peu rude ; Et s'il y faut venir, je ne vous réponds pas, De m'attacher ici plus longtemps sur vos pas. J'irai trouver Lisette ; Pour me mettre à l'abri d'une affreuse disette : Dans ce triste séjour, on ne fait que jeûner ; L'Oiseau n'a-t-il rien pris ? Il ne faut point dîner ? Voilà ce qu'ont produit vos feux pour Axiane : J'en enrage ; à jeûner, c'est ce qui me condamne. Oui, c'est-là le sujet de ma triste langueur. Il est de votre style ; Doux, tendre, pathétique, et pourtant inutile. Nous voici dans un lieu propre à moraliser. Cà, raisonnons un peu : pour plaire à votre ingrate, Dont malgré ses rigueurs le souvenir vous flatte, Vous n'avez épargné ni bijoux, ni cadeaux : Pour elle tous les jours c'étaient plaisirs nouveaux, Comédie, Opéra, bombance sur bombance : Cependant, de vos soins, quelle est la recompense ? L'Amour qui vous a fait consumer votre bien, Est ce faucon lâché, qui ne rapporte rien. Ce sont sages paroles ; Mais vous les écoutez comme des fariboles, Que d'un air dédaigneux il faut mettre à l'écart ; Et d'ailleurs mes leçons viennent un peu tard. Quoi ! Vous ne pleurez pas ! Monsieur, je me défie D'un dépit si contraire à la Philosophie ; Votre coeur me paraît un peu trop agité : Ne sauriez-vous haïr avec tranquillité ? Je crains peu le parjure : On ne peut qu'à grands frais se montrer son amant, Et votre pauvreté me répond du serment : Ah ! Qu'il eût mieux valu... Ce font noires vapeurs que l'abstinence exhale ; Mais quand dînerons-nous ? Peste soit de l'Amour qui fait mourir de faim. Mais, comme sa Maîtresse, était-elle coquette ? Du moins dans mes amours je n'ai rien mis du mien. Qu'importe, à vos dépens je me donnais carrière : Ô Lisette ! Avec toi je faisais chère entière : Que de charmants repas ! Mais regrets superflus ! Hélas ! J'en ai tant fait, que je n'en ferai plus : Tous mes plaisirs passés ne sont qu'une ombre vaine ; Vous avez fait la faute, et j'en porte la peine. Je puis de sa cuisine avoir besoin un jour, Et ce jour n'est pas loin. Passe pour le faucon, grâce à votre tendresse, Autant que je maigris, tous les jours il engraisse. À la chasse d'autrui, prenons-nous intérêt ? Si c'est votre Diane ? Elle aime les forêts. Tenez : je fuis ravi que l'on m'en débarasse. Ah ! Monsieur, il n'en fut jamais de plus cruelle : Ouf ! Je ne puis parler tant je suis confondu. Tout est perdu. Tremblez, votre Axiane en ces lieux va se rendre. Ce n'est pas tout : pour nous assassiner, C'est peu que d'y venir, elle y prétend dîner. Que parlez-vous ici de nectar, d'ambroisie ? L'Amour vous a-t-il fait tomber en frénésie ? Ne vous souvient-il plus de cet ordre inhumain, Qui tantôt pour dîner m'a remis à demain ? Cet oiseau si fidèle Vous sert mal au besoin. Hé bien ! Pasquin ? Monsieur... Hé bien ! J'enrage. De rien on ne fait rien ; et le diable, je gage, S'il était comme moi dans un si mauvais pas, Tout inventif qu'il est, ne s'en tirerait pas. Je ne sais qu'un moyen. C'est de vous éclipser aux yeux de votre belle. Voyez, imaginez, quelque chose de mieux. Elle est à bout. Ma foi, jusqu'à ce jour Rien de bon ne vous fut inspiré par l'amour. Ciel ! Je pourrais m'y résoudre ! Ah ! Que je sois plutôt écrasé de la foudre, Monsieur.... Je suis mort. Monsieur, je n'ai pas le courage De... Dûssai-je être cent fois et mille fois battu ; J'en aurai le coeur net. Non, je ne saurais plus me faire violence ; Ce serait vous trahir que garder le silence. Madame. Moi ! Quoi donc ? Je serais trop heureux, si j'en perdais l'usage. C'est bien en vous voyant en ces lieux l'une et l'autre ; Qu'y venez - vous chercher ì Quel malheur est le nôtre! Mais toi-même es-tu folle ? De croire que l'amour... Trêve d'amour, Lisette, et de sorcellerie ; Veux-tu savoir d'où vient toute la diablerie. C'est... Ouf ! C'est le prendre là sur un diable de ton. Je n'ai garde d'en perdre une seule syllabe : Ce sont mots d'un grand poids, ils opèrent des mieux. Que je dise à Lisette un seul mot à l'oreille; Écoute. Allez, vous nous ruinez ; c'est une conscience. Quelque léger qu'il soit, il nous coûtera cher. Hélas ! Hélas ! Il ne vit plus ! Ô comble de malheurs ! Je viens de voir son sang couler avec mes pleurs. Qui te parle de lui ? C'est... gare le bâton. C'est... C'est le meilleur oison ; Par qui l'on puisse voir des basse-cours peuplées, Qu'allez-vous devenir, ô veuves désolées ? Dans mon malheur, Lisette m'abandonne : Fortune, c'en est trop. Demeure. Quoi ? Ton pauvre Pasquin t'inspire de l'effroi ! Mon Maître est moins sage que moi. Peste soit de l'amour qu'il a pour Axiane ! Puisqu'à mourir de faim tous deux il nous condamne... Hé bien. Je vais mourir, Lisette. Vraiment, il s'y prend bien, d'un coup il nous accable. Le mal est incurable, Nous n'avons plus d'espoir. Ô le maudit repas ! Tous les oisons ne se ressemblent pas ; Et le nôtre était tel, que tout notre ménage... Federic me défend d'en dire davantage. Mais ce jour malheureux, le dernier de nos jours, À ta feule pitié me fait avoir recours : Jette sur ton Pasquin un regard favorable ; M'abandonneras tu dans mon sort déplorable : Souviens-toi de ces temps que nous trouvions si doux ; Tous les jours se levaient clairs et sereins pour nous ; Nous les passions ensemble à bien manger et boire : J'irai t'en rafraîchir quelquefois la mémoire ; Et promenant mes yeux sur quelque plat charmant, Dans l'Office avec toi soupirer goulûment. Là, mes boyaux plaintifs, de mes langueurs secrètes, Au défaut des échos seront les interprêtes : Là, le tendre Pasquin, t'assurant de sa foi, Lisette, dira-t-il, puis-je vivre sans toi ? Hé ! Par quelle aventure ? Je suis trop malheureux. Que viens-tu m'annoncer ? Et peut-il en donner une preuve plus grande, Que... ? Je n'ose achever. Il ne peut désormais donner, ni refuser; Il n'a plus rien. Pour promettre, il le peut : pour donner c'est le diable : Il est sec. J'en pleure tous les jours. Au moins s'il se pouvait que ta riche maîtresse, Jusqu'à nous épouser fît aller sa tendresse ; Je braverais la faim, muni d'un tel appui, Et me consolerais du repas d'aujourd'hui. Mais les moments sont chers ; et pour peu qu'on diffère... Ah ! Quel est mon bonheur ! Allons, plus de soucis, plus de mauvaise humeur ; Rions, chantons, dansons. Ô ! Ma chère Lisette ! Je ne me connais plus ; ma joie est si parfaite, Qu'il ne tient plus qu'à moi de te sauter au cou. On les croit à moins : Oui, ma belle Princesse, On devient fou de joie, ainsi que de tristesse : D'un excès de plaisir les traits sont si puissants, Que quand il surprend l'âme, il fait perdre le sens : Je sens que ma raison... mais Federic approche ; Je sens que c'est à moi d'aller tourner la broche. Je t'invite au convoi de défunt notre oison. Vous le voyez, Monsieur, je n'en dis pas le nom. Ah ! nous savons peut-être Le respect qu'un valet doit porter à son maître, Et nous n'avons à coeur que son propre intérêt. De chasseurs, une troupe s'avance : Quoi ! Viendrait-on encor me rogner ma pitance. Que m'apprends-tu, Lisette ? Ah ! Tu me rends la vie ! Que je vais m'en donner ! Ô sort digne d'envie ! Qu'un repas succulent commence un sort si doux ? Mais croyez-moi, Madame, allons dîner chez vous. **** *creator_barbier *book_barbier_faucon *style_verse *genre_comedy *dist1_barbier_verse_comedy_faucon *dist2_barbier_verse_comedy *id_LISETTE *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lisette Ah ! mon pauvre Pasquin : éloignement máudir ! En cessant de me voir, il a perdu l'esprit. Madame, il est trop vrai ; n'en doutons nullement ; De ses yeux enfoncés, voyez l'égarement, L'amour l'a rendu fou. Cette seule parole Ne me fait que trop voir que son timbre est fêlé, ll peut nier qu'il m'aime ! il est ensorcelé. Ah ! ah ! N'approche pas. Je vais m'évanouir si tu fais un seul pas. Je suis inconsolable. Encor si de son mal j'étais seule coupable ; Si pour me trop aimer il perdait la raison, D'où le mal est venu viendrait la guérison ; Je sens que ma fierté rendrait bientôt les armes, Et d'ailleurs sa folie honorerait mes charmes ; Mais, Madame ; c'est vous que j'en dois accuser. Je vous parle ici sans vous rien déguiser, Je vous garantis sous le valet et le maître ; L'un l'est déjà, pour l'autre il n'est pas loin de l'être. Oh que non. Hélas ! Si vous plaignez Pasquin, Federic plus que lui sera bientôt à plaindre. La faim. Quand malgré soi l'on jeûne trop souvent, L'estomac au cerveau ne porte que du vent. Du corps et de l'esprit la sympathie est telle, Que l'un s'affaiblissant, l'autre baisse et chancelle ; Et voilà ce qui fait que le pauvre Pasquin, Des petites-maisons enfilant le chemin, Vient par tous ses discours de vous faire connaître, Qu'il y va préparer la loge de son maître. Qui donc ? Morbleu ! Qui donc ? Parlez de bonne foi : Avez-vous pu souffrir en bonne conscience, Que pour vous Federic épuisât fa finance, Que pour vous nuit et jour il fît tant de fracas ? Car enfin vous l'aimiez, ou vous ne l'aimiez pas ; Parlez : si vous l'aimiez, c'est un trait d'étourdie ; Si vous ne l'aimiez pas, c'est une perfidie : C'à que répondez-vous sur l'un et l'autre point ? La réponse est tant soit peu normande, Et c'est ce qu'on appelle éluder la demande. Lequel choisir des deux ? Me voilà bien instruite : Quoi ? Dans tous vos discours trouver fuite sur fuites ! Je m'y perds. C'est que de Federic je déplore le sort. Quoi ! Serait-il possible, Qu'enfin à son amour votre coeur fut sensible ? Quoi donc ? Ha ! Ha ! Voilà le hic. Nous n'osons pas aimer, ou nous n'osons le dire, Que sur de bons garants que pour nous on soupire ; Mais quel garant plus sûr voulez-vous de l'amour, Dont Federic pour vous brûla jusqu'à ce jour ? Ces Fêtes, ces cadeaux, cette énorme dépense, Dont il n'obtint jamais la moindre récompense, Et dont il fait ici pénitence à loisir , Tout cela s'est donc fait, pourquoi ? Que j'aime à voir enfin que vous cessiez de feindre ! Je me doutais déjà que vous l'aimiez un peu. Est-il temps d'en rétracter l'aveu ? Mais, quand de Federic votre coeur se défie, Permettez un moment que je le justifie. S'il vous fuit, c'est qu'il craint de vous importuner, Quiconque, comme lui n'a plus rien à donner Auprès d'une Maîtresse est bientôt incommode ; N'aimer que pour aimer ! Ce n'en est plus la mode ; Et l'on risque de perdre, et ses soins et son temps, Quand on ne fait l'amour qu'à beaux soupirs comptants. Pour la chasse, entre nous, fait-il mal quand il l'aime ? Il veut vous imiter, être un autre vous-même. Pour le faucon, malgré votre mauvaise humeur, Je ne puis m'empêcher d'en rire au fond du coeur : Et d'un oiseau chéri vous voyant inquiète, Je vous dirais tout franc, si vous étiez coquette, Qu'avec vous Federic le fait aller de pair, Et qu'il n'a jamais eu que des amours en l'air. Ah ! Vous le prenez là sur un ton qui m'enchante. Poursuivez : redoublez ce charmant ........ Vous ne fûtes jamais plus aimable à mes yeux. Continuez, Madame, aimez qui vous adore : Que Federic apprenne... Qu'attendez-vous ? Qu'il perde ou l'esprit, ou le jour ? Voyez où l'a réduit l'excès de son amour ! Avec le seul Pasquin dans un séjour sauvage, Il cache le débris d'un éclatant naufrage : Lui, qu'on vit autrefois entouré de laquais, Remplir pompeusement un superbe palais : Les mets les plus exquis inondaient ses cuisines : Il ne vit que de fruits, peut-être de racines ; Et s'il mange parfois un morceau de gibier, Il le tient d'un oiseau, son père nourricier. Cependant... j'en ressens une douleur amère : Hélas ! S'il s'est ruiné ce n'est que pour vous plaire ; Voilà de son amour le déplorable effet. Ah ! J'attendais de vous ce généreux retour. Quel est donc son dessein ? D'un Amant si fidèle, Elle veut faire encore une épreuve nouvelle ! Mais quoi ? Que pourrait-elle enfin se proposer ? Federic l'aime trop pour lui rien refuser. Je vois Pasquin. Ô Ciel ! Quelle mélancolie ? Je sens venir quelque accès de folie. Quoi ! Federic est mort ? Parle ; que veux-tu dire ? Grâce au Ciel ! Je respire ; Et qui donc pleures-tu ? Achève... Hé ! Bien. Ah ! Ciel ! Peut-on plus loin porter l'égarement ? Sans doute son délire augmente en ce moment, Fuyons. Je frissonne. Je crains les fous. Je l'ai bien dit ; la faim lui trouble la raison. Mais par bonheur pour lui, j'ai le contre-poison ; Il en faut sur le champ employer la recette. Pasquin ? Un mot. Bon, tu ne mourras pas pour un oison de moins ; Et l'Amour va bientôt pourvoir à tes besoins. C'est un grand médecin. Ha ! Ha ! Va, Pasquin, tu vivras, c'est moi qui t'en assure ; Ton destin va changer. Laisse-là tes regrets ; Tu jouiras bientôt d'un sort rempli d'attraits. La plus grande nouvelle... Axiane à la fin cesse d'être cruelle, Et ton Maître pourrait s'en ressentir un jour : Mais, Pasquin, elle doute encor de son amour. Quoi qu'elle lui demande , À lui complaire en tout il faut le disposer. N'importe, il faut la mettre à même ; Offrir tout, donner tout, pour lui prouver qu'il l'aime. Elle veut de son coeur s'assurer aujourd'hui. Tiens, s'il ne promet tout, tout est perdu pour lui. Quoi ! Son sort est si déplorable ? Va, cesse de pleurer ; L'Amour a fait le mal, il peut le réparer. Va, dans un jeune coeur, l'Amour ne s'endort guère ; Il fait bien du chemin. Modère ce transport ; tu deviens encor fou ! Dans le bosquet prochain certain souci la presse ; Elle y rêve. Non, vous ne perdrez rien à la laisser rêver. Quoi qu'elle vous demande... Je crains qu'elle ne vienne, et qu'elle ne m'entende : Justement ; la voici. Monsieur , songez-y bien ; Quoi qu'elle exige enfin, ne lui refusez rien. Accordez tout, Monsieur. Rassure-toi, Pasquin, tout répond à tes voeux ; Axiane est sensible, et ton maître est heureux.