**** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_CANDIDE *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_candide D'une triste destinée, Quand le malheur nous poursuit, Les peines de la journée Se retracent dans la nuit. Pour le tourment de mon âme Deux grands maux sont réunis ; La présence de ma femme, Et l'absence de mon fils. Je n'avais que mon fils pour me consoler, et il m'a quitté sans que je sache ce qu'il est devenu ! Ah ! Mon cher Cacambo, je suis bien à plaindre !... Cela m'empêcherait-il d'être en bute à sa mauvaise humeur, à son caractère intraitable ? Je suis donc destiné à être sans cesse malheureux en courant après le bonheur ! J'ai voyagé, J'ai tout vu, tout jugé ; Partout les hommes sont les mêmes ; Faux et trompeurs, De mensonges, d'erreurs, Appuyant d'absurdes systèmes. Ils m'ont persécuté, Rebuté, Rejetté ; Moi, j'obligeais, suivant mon habitude ; Eh bien, on m'a trompé, Dupé, Et, sans égard, volé, Pillé ; Je n'ai rencontré qu'ingratitude. De tout mon bien, Il ne me reste rien, Que ma petite métairie : Là, sans projets, Sans désirs, sans regrets, Je croyais terminer ma vie, Espérant qu'en ces lieux Tout serait pour le mieux. De cet espoir enfin je me défie. Quel est mon embarras ! Hélas ! Quoi ! Ne trouver jamais La paix Dans la paisible Philosophie. Eh ! De quoi vous occupez-vous ! Vous avez raison. Mais, en attendant.... De mes chagrins, le nombre augmente. L'Hymen a trompé mon attente : D'un lien formé par l'amour, Le plaisir a fui sans retour. C'en est fait ; j'ai vu disparaître, Et pour jamais, le bonheur de ces lieux. Ah ! Dis-moi donc, dis-moi, mon maître, bis. Pourquoi ma femme est changée à mes yeux. Je la préviens en tout. Que voulez-vous dire ? Vous croyez ? Eh quoi, Messieurs, toujours d'opinion contraire dans les conseils que vous me donnez ! Ah ! Ah ! Je n'espère pas ça. C'est de bon augure. Quel changement inoui ! Que mon coeur est réjoui ! La bonne aventure. Ah, mon cher maître, assurément, Vous me rendez la vie. Comment, est-ce que je serais ?.... Mais qu'est-ce que cela signifie ? Est-il possible ? Eh, sais-je ce que je dois faire ! Mon sort ne peut se concevoir ; Ce Martin m'a déchiré l'âme. Ah ! C'est un cruel désespoir Que d'être trompé par sa femme, Et le savoir. Lui ? Est-il possible ? Tu sais donc où il est ? Je reverrai mon fils, et ma femme est fidele ! Ah ! Pardonne, chere épouse... Eh bien, la voilà plus furieuse que jamais. Tous ces froids discours sont superflus, Vos raisonnements ne sont que verbiages. Tous ces froids discours sont superflus ; Laissez-moi, messieurs, je ne vous croirai plus. Mon seul espoir Est d'aller voir Ce Derviche si grand, si sage. S'il est, comme on dit, docteur fameux, Il rétablira la paix dans mon ménage. S'il est, comme on dit, docteur fameux ; Il me donnera le moyen d'être heureux. S'il coule ici sa vie, S'il y fixe ses pas, Que je vous porte envie ! Comment pouvez-vous méconnaître ce grand homme ? Puissiez-vous être à jamais Autant heureuses que belles. Celle qui les présente. Vous devez avoir une grande et magnifique terre ? Votre famille est-elle nombreuse ? Que je vous porte envie ! Vous augmentez votre famille, et moi, je n'avais qu'un fils, je l'ai perdu. Voilà cette félicité parfaite, que j'ai vainement cherchée jusqu'à ce jour. D'une fausse philosophie Je ne poursuivrai plus l'erreur ; Cette sagesse simple et pure, Qui seule fait le vrai bonheur, Elle est en nous, dans notre coeur, C'est un présent de la nature. Ne pensons plus qu'à l'avenir. Ah oui, l'absence d'un fils. Je n'aurais plus rien à désirer. Ah ! mon cher fils ! Sur ton départ quand je gémis, Loin de nous aussi, As-tu le même souci ! Il est oublié, puisque je te revois. Nos deux métairies sont peu distantes l'une de l'autre ; nous ne ferons qu'une même famille. Mais surtout plus de philosophie. Je vais donc enfin être heureux ! Je vois qu'il faut soi-même Cultiver son jardin. **** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_JUSTIN *date_1788 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_justin Es-tu seul, ami Cacambo ? D'une mère que j'aime Je viens embellir le séjour, Et par-là, j'espere qu'un jour Elle verra, Elle saura Qu'en tous temps son fils l'aura Là. Donne-moi promptement des nouvelles de mes chers parents : comment se portent-ils ? Mon bon père ! Pangloss et Martin se disputent toujours ? Combien est préférable La sage et simple raison Du vieillard respectable Qui m'admet dans sa maison ! Près de lui tout est tranquille ; Point de bruit, point de savant. Le bonheur n'a pour asile Que le toit des bonnes gens. Le bonheur n'a pour asile Que le toit des bonnes gens. Deux filles. L'aînée est mariée. Je le crois. Eh mais... Eh mais... Eh bien, s'il faut te l'avouer, Oui, j'adore Zélie. Je respecte fort les leçons De la grave philosophie ; Mais je préfère les chansons De la douce et tendre Zélie. Un Philosophe en sait beaucoup ; Oh ! sa science est infinie ; Il raisonne fort bien de tout ; Un Philosophe en sait beaucoup. Qui sait plus encor ?... Douce amie. J'ai lu, dans un livre nouveau, Une histoire que je révère : Un jeune homme bien fait et beau Faisait le malheur de son père ; Aucun maître ne pouvait rien Sur son ignorance infinie ; Il était gauche en son maintien ; Il ne pouvait apprendre rien. Que lui manquait-il ?... Douce amie. Dans un vieux et triste cháteau Végétait le pauvre Sargine ; Mais par bonheur dans ce cháteau, Était une aimable cousine. Il devint un homme nouveau Par les leçons de sa Sophie ; Il devint grand et généreux ; Il devint brave et valeureux. Qui sut le former ?... Douce amie. Pourquoi faut-il qu'à des maîtres sévères, Presqu'en naissant, nous soyons asservis ? Discours plus doux, préceptes moins austères, SerAient bien mieux écoutés et suivis. Les leçons que sitôt on oublie Se graveraient en traits puissants ; Sous les dehors de la folie La raison charmerait nos sens : C'est en sortant d'une bouche jolie Qu'elle a des droits sur un coeur de quinze ans. Le jour va bientôt paraître... Je crains qu'on ne m'apperçoive, et je m'enfuis. Adieu, continue à me garder le secret. De l'automne les doux présents Se joignent aux fleurs du Printemps, Et dans ces lieux Délicieux, Tout charme le coeur et les yeux. Il ne tiendrait qu'à vous, belle Zélie, de trouver un aide. Mais pourquoi, Dis-moi, T'opposes-tu sans cesse Aux soins que Justin Voudrait prendre de ton jardin ? En servant ce bon père, C'est satisfaire À tous Nos goûts. Le travail est pour nous Bien doux. Moi, je le fais connaître Ce secret de l'amitié. Le chagrin doit-il naître Au coeur de ta moitié, Sous le nom de l'amitié ? C'est à moi qu'Osmin a donné ces fleurs. Ah ! Bien au contraire. Tout à vous m'engage et me lie ; Tout dit que je suis votre fils. (bis.) Vos bontés, dont je sens le prix, Et ma tendresse pour Zélie. Vous approuvátes mon amour : Et, depuis ce moment prospère, Dans ses yeux je lis chaque jour Que vous devez être mon père. Oh ! Non, jamais. Vous me boudez, Zélie ? Pourquoi ce soupçon offensant ? À mon amour c'est faire outrage. Du secret le plus innocent, Vous ne devez point prendre ombrage : J'en fais le ferment ; Mais, pour le moment, N'en demandez pas davantage.(bis.) Ma chère Zélie.... Soyez sûre que celle qui en est l'objet... Ah oui ; mais croyez.... Ah ! sans faire couler vos pleurs, Je puis vous peindre mon ivresse ; Celle à qui j'ai donné ces fleurs A tant de droits à ma tendresse ! Dans mon coeur elle règne aussi ; Autant que vous elle m'est chère ; Et je dois m'exprimer ainsi, Puisque je parle de ma mère. Eh ! Oui. Les ayant reçues de vous, j'aurais peut-être eu peine à les donner. Il est vrai : je craignais qu'il ne refusát de me recevoir chez lui, s'il apprenait que mon père et ma mère ne sont pas loin d'ici, et que je les ai quittés sans qu'ils sachent ce que je suis devenu ; mais, belle Zélie, si Caleb se détermine à nous marier ensemble, j'irai sur-le-champ me jetter aux pieds de mes parents, et les prier de consentir à notre union. Ah ! pardonne-moi, chère amie, D'avoir eu ce secret pour toi. Nous aurons bientôt fait, papa. Moi, je vais monter sur l'arbre. Mais afin de nous mettre en train, Et doubler notre zèle, Il faut chanter quelque refrain, Quelque chanson nouvelle. Quand on s'occupe tristement La main est nonchalante ; On travaille bien mieux gaîment ; Car toujours va qui chante. Pour nous, ce temps se passe À quelques jeux nouveaux ; Et ce qui nous délasse, Ce n'est pas le repos. Ô ciel ! Mon père et ma mère ! Chut. Que je suis ému ! Oui... Si j'osais... Montrons-nous. M'y voilà. Pardonnez-moi le chagrin que vous a causé mon absence. Pardon, mon cher Caleb. Vous l'avez dit. Sans peine dans nos champs, Pour m'aider à l'ouvrage, Je trouverais, je gage, Bien des gens Obligeants ; Mais je possède Un petit terrain, Et j'espère, sans aide, Cultiver mon jardin. **** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_PANGLOSS *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pangloss Le projet n'est point illusoire, Puisqu'il fera venir chez nous De l'argent avec de la gloire ; Et dans ce monde, en vérité, Il est bien doux, ne vous déplaise, Allant à l'immortalité, De passer sa vie à son aise... De passer sa vie à son aise... De pareilles métamorphoses Ne m'étonnent pas, Dieu merci ; Car, pour le bon ordre des choses, Cela doit arriver aussi. En tout absolument ? Tenez, mon cher éleve, vous êtes un bon humain, le meilleur enfant du monde : mais cela ne suffit pas toujours. La femme boude pour un rien ; On l'appaise aussi par un rien ; Mais pour faire valoir ce rien, Il est une manière. Oui, mon cher, essayez, vous pourrez plaire Avec ce moyen ; C'est un rien, Mais ce rien, Encore faut-il bien Le faire. Eh ! non, non, soyez docile, Évitez tout ce tracas ; Cédez toujours. Oui, Monsieur. Un homme prudent, confrère, Ne doit combattre jamais, Quand, pour les frais de la guerre, Il peut acheter la paix. C'est mon avis qu'il faut suivre. Allez, reposez-vous sur moi ; Je saurai bien vaincre sa résistance ; Votre femme sera, ma foi, Soumise en tout à votre loi : Croyez-en mon expérience ; Retirez-vous un instant, la voilà ; À votre gré, croyez que tout ira. Mais non, c'est lui qui vous accuse.... Mais votre mauvaise humeur.... Il est donc bien changé ? Eh bien, c'est peut-être ce qui pourrait arriver de plus heureux. Peut-être est-ce Candide lui-même, qui voulant vous surprendre... En ce cas-là... C'est quelque Turc de ce canton, Et ces amoureux-là, dit-on, Sont bien plus polis que les nôtres ; Près de l'objet de leurs amours, Chaque petit soin est toujours Accompagné de plusieurs autres. Je vous conseille de suivre cette affaire-là. Tout cela ne sera qu'en apparence et pour éveiller la jalousie de votre mari. Mais du moins avec votre époux Soyez donc plus affable : Un homme n'est jamais jaloux Que d'une femme aimable. Qu'importe ici qu'un pédant m'apostrophe : Je suis philosophe, moi, Je suis philosophe. Eh pourquoi pas, Monsieur ! Mais n'écoutez donc pas Monsieur Martin ; il rêve, selon sa coutume. Vous voyez ? Le moyen réussit. Eh ! Voici l'ami Cacambo ! As-tu bien vendu mon ouvrage ? Ô Ciel, quelle est ma surprise ! Mon ouvrage est rejetté. Qu'est-ce que cela fait ? On les prône, on en dit du bien ou du mal, on les achète, on les paye, et tout est pour le mieux. C'est ma faute aussi, j'aurais dû aller proposer mon ouvrage moi-même. S'il est grand philosophe, je pourrai raisonner avec lui des effets et des causes, du meilleur des mondes possibles, de l'harmonie prééatablie et de la raison suffifante.... Qu'en dites-vous, mon cher élève ? Écoutez donc, vous êtes-là à rêver... Allons, táchez de vous distraire. Eh bien, Monsieur le visionnaire.... Mon ami, ce n'est rien que cela ; Tout ce grand courroux n'est qu'un léger nuage. Mon ami, ce n'est rien que cela, Et j'appaiserai cette bourrasque là. Eh bien, allons, Nous le verrons, Et tous nous le consulterons. S'il est, comme on dit, docteur fameux, Il approuvera fans doute mon ouvrage. S'il est, comme on dit, docteur fameux. Moi, je vais paraître un grand homme à ses yeux. Oui, j'aperçois une chaumière isolée, qui m'a tout l'air de la demeure d'un derviche. Mais, vous n'avez pas répondu à ma question sur l'aventure arrivée à ce Muphti. Vous ne connaissez donc pas votre voisin, ce Derviche atrabilaire, qui vient de nous recevoir si mal ? N'écoutez pas Monsieur Martin, c'est un radoteur. Moi, je veux vous prouver que tout est au mieux, dans le meilleur des mondes. J'espère que vous n'avez pas oublié mes principes de philosophie ? À la bonne heure, moi, je travaillerai. Mais certainement, je vous l'ai toujours dit. Tout est bien. D'un fils qui vous adore Le retour... . **** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_MARTIN *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_martin Mon cher, votre erreur est extrême, Il faut l'avouer entre nous : La Baronne est toujours la même Mais vous, vous êtes son époux. Eh oui, conseillez-lui la douceur, il en fera de belles. Quand une femme a dans son esprit Quelque dessein que l'on contredit, Quoi qu'on puisse représenter, Elle veut l'emporter, Et fait, en disputant, Tant, Qu'on la craint à jamais ; Mais, Pour lui donner d'abord Tort, Il faut crier plus fort. Ne cédez pas. Quoi donc, époux imbécille, Pour se rendre honteusement, Faut-il se vaincre à tout moment ? Quelle chimère ! C'est le mien. Ah ! Ah ! Je voudrais bien voir ça. Écoutons un peu comment Maître Pangloff s'y prend pour faire entendre raison à Madame. Le valet est le confident ; c'est dans l'ordre. Fort bien. À merveille, Maître Pangloss. Allons chercher Candide. Venez, venez, vous allez apprendre du nouveau. Son cher mari ! Docteur fameux et d'une adresse extrême, Honneur à votre emploi. Quelques-uns nomment autrement Cette philosophie. Bravo ! Remerciez-le bien : De vaincre Madame il connaît le moyen, Et vous verrez, si ses avis Sont suivis, Que Monsieur n'est pas à demi Votre ami. Apparemment, et vous auriez dû deviner à l'air dont Madame vous a reçu tout à l'heure.... Que Madame vous caresse aujourd'hui, parce qu'elle vous trompe ; qu'elle a un amant ; que cet amant lui fait des cadeaux.... M'entendez-vous ? Oh que non ; cela ne s'est jamais vu. Déjà de retour ! M'apportes-tu beaucoup d'or ? Dans ce siècle de sottise Tout n'est que frivolité. Pour qui ne veut rien d'utile, Un livre a bien peu d'attraits. Que les temps sont changés ! Soit. Si ce Derviche est vraiment un Sage, il pensera comme moi. Il y a quelqu'un ici qui peut encore mieux vous instruire. Le prudent Cacambo est dans la confidence. Tu fais l'ignorant.... et ce galant qui fournit à Madame de si belles fleurs.... là.... dans le petit bosquet du jardin ? Sur la simple apparence ! Il est bon-là. Cela ne se peut pas. C'est fort bien dit, employez son message, Monsieur Pangloff est un homme inventif ; Morbleu, jamais n'aurez-vous de courage Pour commander à cet esprit rétif ! Ah ! Que vous avez bien raison ! Les hommes sont méchants, les femmes sont perfides, et je vais vous prouver... Je crois qu'il ne se souvient plus guère des miens. Il le faut bien. Ne vous inquiétez pas, nous trouverons encore de temps en temps des occasions de nous disputer. Tout est mal : Je le soutiens encore. Est fatal. **** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_CACAMBO *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_cacambo Nos Philosophes sommeillent, Exempts de maux et de soins ; Moi, les chants des coqs m'éveillent Pour songer à leurs besoins. De même que la science Doit instruire l'ignorant; De même c'est l'ignorance Qui doit nourrir le savant. Ce que c'est pourtant que la destinée, et comme le hasard se plaît à disposer de nous ! Qui croirait que sur les bords de la Propontide, à quelques milles de Constantinople, cette petite métairie renferme le Seigneur Candide, élevé jadis en Westphalie, dans le chäteau de Monsieur le Baron de Tundertentronck ; la fille de ce même Baron, devenue femme de ce même Candide ; le docteur Pangloss, leur ancien précepteur ; le savant Martin, qui travailla jadis pour les libraires d'Amsterdam ; et enfin, moi, Cacambo, né en Espagne, qui, après avoir fait tous les métiers dans tous les pays, suis aujourd'hui réduit à servir ces gens-là ? Ah ! Que voilà un beau sujet de réflexion, et comme on voit que... les effets et les causes... sont produits par un certain rapport... qui fait que... les événements de la vie... Eh bien, ne voilà-t-il pas que je raisonne, et que par conséquent je ne sais ce que je dis ! Je suis si accoutumé à entendre nos philosophes, que leur manie me gagne. Songeons bien plutôt à porter vendre à la ville le produit de notre petit jardin... Allons, Cacambo, du courage, mon garçon, de la gaieté. Toujours dispos, toujours joyeux, Bravons le sort, s'il est contraire ; Aimons la paix, fuyons la guerre, Sans projets, sans former de voeux. Un homme sage doit connaître, Qu'en ce monde, pour être heureux, Il ne faut pas chercher à l'être. Il ne faut pas chercher à l'être. Le travail est notre soutien ; Heureux l'homme qui sans reláche, Sait tous les jours remplir sa táche, Sans jamais murmurer de rien : Il trouve au bout de la semaine Qu'il est moins de mal que de bien, Et plus de plaisir que de peine. Et plus de plaisir que de peine. Si la fortune aveuglément Place les biens qu'elle dispense, Jouissons-en avec prudence, Comme du bonheur d'un moment. Bien sot est celui qui s'y fie. Manquant de tout, souffrir gaiement, C'est la bonne philosophie. C'est la bonne philosophie. Voilà, je pense, tout ce qu'il me faut. Eh ! J'oubliais bien l'essentiel, ma foi ; les manuscrits des docteurs Pangloss et Martin, que je dois vendre à Constantinople. Le produit de ces chef-d'oeuvres suffira, disent-ils, pour faire notre fortune à tous : je le souhaite, mais j'en doute. J'entends du bruit dans le jardin... C'est sans doute l'aimable Justin, mon jeune maître, que les ennuyeuses leçons de ses deux précepteurs ont fait déserter la maison paternelle, et qui vient tous les matins, avant le jour, placer en secret des fleurs dans le bosquet chéri de sa mère. Oui : vraiment, c'est lui-même. Nous apportez-vous du nouveau ? Le bon coeur ! Ah ! Monsieur, les fleurs que vous donnez à Madame votre mère lui font grand plaisir ; elle est bien éloignée de deviner qui les lui apporte. À merveille. Madame votre mère grondant, selon sa coutume, du matin au soir ; Monsieur votre père l'endurant avec peine, et vous regrette tant sans cesse. Comme vous dites. Dans ce logis toujours tout est de même : Chaque savant S'enva souvent Rêvant, Ou bien désapprouvant De l'autre le systême. Candide, comme avant, Près d'eux tourne à tout vent, Et n'oserait penser d'après lui-même. Eh, dites-moi, Monsieur, je vous prie, ce vieillard respectable a-t-il des enfants ? Je m'en doutais... Grandes ? Et la cadette, en âge de l'être ? Fort bien. Tenez, Monsieur, je devine Que l'Amour, ce Dieu malin, Vous conduit à la sourdine ; Convenez-en..... Hein ? Quoi ? mais, c'est oui ? Mon doute est évanoui. Monsieur, je ne saurais louer Une telle folie ; Outre qu'il est à craindre ici Plus d'une catastrophe, Croyez-vous qu'on devienne ainsi Un docte Philosophe ? Eh, voilà donc le précepteur que vous choisissez ? De tous les jeunes gens du monde, Ainsi la conduite se fonde Sur des principes condamnés. Ils quittent, dans leur folle ivresse, Les maîtres qu'on leur a donnés, Pour se donner une maîtresse. Soyez tranquille, allez... Mais, j'entends quelqu'un. Oh ! Oh ! Déjà le Seigneur Candide ! Il est grand jour. Ce n'est pas tout de se désoler, il faut encore aller à la ville et rapporter de quoi dîner. N'est-il pas vrai, Monsieur ? Vous aimez à vous chagriner aussi... Par exemple, à l'égard de votre femme, vous êtes, je crois, trop regardant... Tenez, mon cher maître... Moi, je tiens, pour règle première, Qu'un bon mari, peu curieux, Doit, pour dormir la nuit entière, Pendant le jour fermer les yeux. Ah ! Monsieur, il y a des moyens de remédier à tout cela. Si j'avais malheureusement Une méchante femme ; Au lieu d'être complaisamment Aux ordres de Madame ; Savez-vous ce que je ferais Dans cette circonstance ? Avec fermeté je prendrais... Je prendrais... patience. Messieurs, tout doux ; Préparez-vous À ce que je vais dire. J'ai vendu les fleurs et les fruits, Mais quant à vos deux manuscrits, On a voulu, On n'a pas pu Achever de les lire. Et les voici. Eh pourtant il s'en vend mille Qui ne se lisent jamais. Écoutez, Messieurs, tout n'est pas encore désespéré. On m'a assuré que si vous pouviez avoir l'approbation d'un fameux Derviche, qui passe pour le meilleur philosophe de la Turquie, vos manuscrits se vendraient aisément : informez-vous du lieu de sa demeure, qui n'est pas loin d'ici, et allez le trouver. Quoi ! Quelle confidence ? Quoi ! L'on ose accuser ainsi L'innocence elle-même ! Apprenez donc, Monsieur, qu'ici Votre erreur est extrême. Pauvres femmes ! Voilà comment, Dans maintes circonstances, On vous condamne injustement Sur la simple apparence. Sachez, Monsieur, que ce prétendu galant, qui vous cause tant d'ombrage, n'est autre que votre fils. C'est cet aimable enfant, qui vient tous les matins apporter à sa mère les fleurs qu'il fait qu'elle aime, et qu'il prend plaisir à cultiver pour elle. Non pas précisément, mais je sais que vous ne tarderez pas à le voir. Enseignez-nous, de grâce, Un Derviche savant, Qui dans le pays passe Pour un homme étonnant. On nous a cependant bien indiqué... Vous n'êtes donc pas Philosophe ? Vous n'êtes pas Philosophe ! À votre áge ! Vous ne raisonnez pas ! Vous ne disputez pas sans cesse sur les moyens de vivre en bonne intelligence ? Oui. Chacun le désigne ainsi. Bon. Avant que j'en approche... Ma belle enfant, pardon. Monsieur Pangloss, écoutez donc. Montez sur cette roche, Vers ce côteau qui fuit, Voyez-vous son réduit ? C'est sûrement cela. Adieu donc, mesdemoiselles. Vous trouvez des avantages À rester en paix chez vous ; Mais nous, pour devenir sages, Nous courons comme des fous. Eh mais... Je ne me trompe pas... Non, vraiment, c'est Justin ! Et voilà sans doute la charmante Zélie. Et vous, papa ? Oh que oui, aux heures de récréations. Travaillant lentement, Soupirant sans relâche, Bien des gens de leur tâche Se plaignent constamment ; Moi, je m'empresse, Content du destin, Et je chante sans cesse, Cultivant mon jardin. **** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_CALEB *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_caleb Je le sais, mes enfants, je le sais. Mais je voudrais, de ce côté, Augmenter s'il se peut, l'ombrage ; Il faut, des chaleurs de l'été, Garantir l'hiver de mon âge. Eh bien, soit, allez donc, mes amis, Suppléez tous deux à ma faiblesse. Ainsi l'homme, malgré les ans, Malgré sa démarche peu sûre, Grace à la loi de la nature, Est jeune encor dans ses enfants. Grace à la loi de la nature, Est jeune encor dans ses enfants. Je ne le connais pas. Non, Monsieur. Moi ? Point du tout. N'est-il pas maître de disposer à son gré de ce que son ami lui donne. Je le crois trop raisonnable pour en faire un mauvais usage. Mais, s'il veut garder le silence sur l'emploi de ces fleurs, ai-je le droit de le faire parler ? Je ne suis pas son père. J'en aurai toujours les sentiments, et j'espère que tu n'en seras jamais indigne. Osmin, viens avec moi parcourir le verger et voir quels sont les fruits qu'on peut cueillir aujourd'hui. Oh ça, mes enfants, vous allez vous mettre à cueillir les fruits ; et moi, pendant ce temps-là, je vais ici près visiter nos champs. Cédez à ma prière, Reposez-vous dans ce séjour ; Et près de ma chaumière, Bravez les feux du jour. Çà, mes enfants, Venez céans Présenter à ces étrangers Les plus beaux fruits de nos vergers. Cédez à ma prière, Reposez-vous dans ce séjour ; Et près de ma chaumière, Bravez les feux du jour. Je n'ai jamais su le nom d'aucun Muphti, ni d'aucun Vizir. J'ignore absolument l'aventure dont vous me parlez ; je ne m'informe point de ce que l'on fait à Constantinople ; je me contente d'y envoyer vendre les fruits du jardin que je cultive. Non : je vis tranquillement ici avec ma famille, et je ne vois personne. Non, je vous remercie : si c'est une vérité, elle est bien affligeante. Monsieur, cela se peut bien. Quelle espèce de gens ! Je n'ai que vingt arpents ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux, l'ennui, le vice et le besoin. Le Ciel ne m'a donné que deux filles ; l'aînée a épousé cet honnête garçon que vous voyez près d'elle. Je compte bientôt unir la cadette à un jeune orphelin que j'ai adopté. J'ignore si l'on peut l'être davantage, mais je n'ai jamais desiré de changer mon sort contre celui d'un autre homme. Vous m'avez donc trompé en vous donnant pour orphelin ? Aux discours de ces Messieurs, je conçois facilement le motif de ton départ, et je te pardonne ton petit mensonge. Puisque je l'avais choisi pour gendre, le croyant orphelin, je ne retirerai point ma promesse au moment où il retrouve ses parents ; si vous y consentez, rien ne sera changé. Pourquoi donc ? Ces Messieurs se portent bien, ils sont forts, ils travailleront : les cultivateurs ne sont jamais à charge. Des intérêts des grands L'homme obscur s'inquiette ; Il détruit, il projette Cent rêves différents : Quelqu'aventure L'éveille à la fin, Quand faute de culture, A péri son jardin. **** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_ZULMIS *date_1788 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_zulmis Si l'apparence De l'abondance Brille sur ces riants côteaux, C'est l'assistance, C'est l'influence Du Ciel qui bénit nos travaux. Que ces fleurs sont belles ! Qu'elles sont fraîches ! Ah ! C'est que leur culture est l'ouvrage de mon époux. Ici, chaque matin, Je viens parer mon sein : Le bouton que je laisse, S'ouvrira demain. Ainsi, de mon Osmin, L'amour sera sans fin Tel il est ce matin. Tel il sera demain. Te voir tranquille est notre envie, Ne sais-tu pas que les travaux Sont les plaisirs de notre vie, S'ils te procurent le repos ? Sont les plaisirs de notre vie, S'ils te procurent le repos ? De ces fleurs que ta main rassemble Afin d'embellir mon jardin, Depuis quelque temps, il me semble Qu'il en manque chaque matin. Cher Osmin ! (bis.) Cette inquiétude Me tourmente, et c'est malgré moi ; Mais je fais mon unique étude De garder ce qui vient de toi. Un secret pour ta femme ! Ô ! Mon ami, ce sentiment était trop pénible. Le secret le plus innocent, La moindre bagatelle Nous peut, hélas ! causer souvent Une peine cruelle : Nous formons de fâcheux soupçons ; Injustement nous offensons Le coeur le plus fidèle. Le coeur le plus fidèle. Eh bien, d'un soupçon importun, Mon coeur veut se défaire ; Mais, pour notre bonheur commun, Ami, plus de mystère. Au titre de fidéle époux, Joins encore un titre bien doux, Celui d'époux sincère. Celui d'époux sincère. J'y vais. Allons, allons à l'ouvrage. Dès que le jour éclaire Nos paisibles côteaux, Nous embrassons mon père, Et courons aux travaux ; Chacun a son ouvrage, Dont il presse la fin, Pour avoir l'avantage D'aider à son voisin. **** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_ZELIE *date_1788 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_zelie Sa bienfaisance, Sur l'innocence, Avec bonté s'étend toujours ; Nos coeurs sensibles, Doux et paisibles, Ont droit à ses tendres secours. Je me flatte, ma soeur, que mon jardin est tout aussi beau que le vôtre, malgré que je sois seule à le cultiver. En refusant à ta tendresse De partager ici mon loisir, De ces fleurs je suis la maîtresse ; À t'en offrir J'ai plus de plaisir. Voilà mon père. Celui que l'on cherche ici, N'est-ce pas un vieillard ? Dont la figure est austère, Qui parle d'un ton sévère ? Souvent, dans la campagne, Quand nous nous promenons, Nous le voyons, Mais nous fuyons. Par-delà la montagne, On dit qu'en ce vallon Demeure le barbon. Grand merci de vos souhaits. À vous !... Mais mon père veut savoir ce que vous en avez fait. Non, Monsieur, mais j'admire votre discrétion. À bien garder un tel secret, Moi-même aussi je vous engage : Monsieur, j'y prends peu d'intérêt ; Oui, j'entends fort bien ce langage, Et sens qu'en effet, Mon coeur satisfait N'en demande pas davantage.(bis.) Et vous me faites un mystère.... Celle qui en est l'objet ! C'est une femme ? Comme vous en parlez avec feu ! De votre mère ! Ah ! Je respire. Pourquoi le taire si longtemps ? Mon ami, que pouvais-tu craindre ? Du plus tendre des sentiments, Aurais-je donc voulu me plaindre Combien pour ta mère en ce jour, J'estime ton amitié pure ! Ah ! Ce n'est pas voler l'amour, Que rendre hommage à la nature. (bis.) Puisque ces fleurs étaient pour votre mère, il fallait donc les prendre dans mon jardin. Mais, vous avez dit à mon père que vous étiez orphelin. Eh ! Pourquoi ne m'avoir pas dit cela d'abord ? Va, de tout mon coeur je l'oublie, Puisque tu m'as gardé ta foi. Si soupçonner ce que l'on aime Est le plus grand tourment du coeur, Mon ami, le bonheur suprême N'est-il pas de sortir d'erreur ? Pendant l'ardeur brûlante Des rayons du soleil, Chacun, l'âme contente, Donne une heure au sommeil. Est-il possible ! Nous les avons cueillis exprès D'une main diligente ; Trouveriez-vous rien de plus frais ? Paix donc. Voudrez-vous bien de moi pour votre fille ? **** *creator_barreradet *book_barreradet_candide *style_verse *genre_vaudeville *dist1_barreradet_verse_vaudeville_candide *dist2_barreradet_verse_vaudeville *id_OSMIN *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_osmin Des riches dons de la nature Comme ce verger s'embellit ! À nos soins, à notre culture Tout répond et sourit. Ô ! Ma Zulmis ; cet espace de terrain est destiné à ton amusement ; travailler à l'embellir est le plus grand, le plus cher de mes plaisirs. Ici, chaque matin, Tu viens parer ton sein ; Le bouton qu'on y laisse S'ouvrira demain. Ainsi, de ton Osmin, L'amour sera sans fin Tel il est ce matin. Tel il sera demain. Et puis, dans cette affaire, Ici Nous gagnerons aussi ; Car d'un feuillage Épais, L'ombrage Frais, En modérant les feux du jour, Double ceux de l'amour. Que regardes-tu donc là ? Commençons ici. Il a raison. Place-toi là, Zélie ; toi, là, ma femme, et moi ici. C'est bien. Oui, ce n'est que dans nos asiles, Nos bois et nos champs, Qu'on a des jours purs et tranquilles, Et des biens constants. Voyez les riches et les grands ; Voyez les habitants des villes : Ils ont quelques plaisirs aussi ; Mais le bonheur n'est qu'ici. À midi, nous quittons la plaine Pour un bois épais, Où Zéphir, de sa douce haleine, Vient souffler Sur un gazon bien vert, bien frais Le repas s'apprête sans peine ; Fruits et laitage sont les mets Dont l'appétit fait les frais. On s'éveille, on reprend bien vite Le travail gaiement ; Et, sans être las, on le quitte Au soleil couchant. Nous revenons chantant, Dansant ; L'amour, qui nous attend au gîte, Tout bas sourit, Se réjouit À l'approche de la nuit. Chez nous sans effort on s'aime, On s'aime de bonne foi ; De s'aimer toujours de même On se fait la douce loi : D'une constance pareille Chacun a l'espoir certain, Et plus encor que la veille, On s'aime le lendemain.