**** *creator_beaunoir *book_beaunoir_venus *style_prose *genre_comedy *dist1_beaunoir_prose_comedy_venus *dist2_beaunoir_prose_comedy *id_VENUS *date_1779 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_venus Hélas ! Que trop véritable. Porte la besace. Ajoutez, Seigneur Momus, ridicule, et indigne de l'Amour. Quoi ! Se travestir en gueux, la besace sur le dos et le bâton blanc à la main ? Ce fait est digne de mon fils. À la bonne heure. Mais s'établir sur les Boulevards, et par-là s'exposer à la risée du peuple ! De la canaille : soit. Ne disputons point sur les mots. Je suis accoutumé à vos traits de satire. Le voici. Je viens sur la terre chercher mon fils, et le faire rougir de l'état honteux qu'il a pris. Quand une fois je l'aurai trouvé, je le corrigerai de la bonne manière. Point du tout, Seigneur Momus, ce sont les poètes qui m'ont prête cette faiblesse-là. Moi, un amant ? Je suis mariée. Qui vous l'a dit, caustique Momus ? Y étiez-vous? Laissons tout cela. Comment me trouvez vous ? Ce déguisement me sied-il bien ? Est-ce galanterie, ou bien raillerie ? À propos, ce voile ? Ah ! Ah ! Ah! Seigneur Momus, vous donnez dans la fadeur ? Laissez-là mes charmes, et occupez vous de ma peine. Instruisez-moi des coutumes de ce pays-ci. Où sommes-nous d'abord ? Quelle est cette place ? Quelles sont ces deux maisons ? Quels font ces animaux-là ? Cette vie inutile n'est point du tout ordonnée par le grand Jupiter. C'est une des faibleses humaines. Et cette autre maison ? Ils ne diffèrent peut-être que du blanc au noir. Je vous remercie, Seigneur Momus ; me voilà un peu au fait. Je vais voir si mon fils n'est point dans ces retraites. Y pensez-vous, Momus ? L'Amour est-il jamais dans ce lieu là ? Vous devinez cette fois : laissez-moi seule, et ne vous éloignez pas. Bon, le Ciel me favorise : voici un Calender qui sort de sa retraite. Je tremble... Tout coup vaille... Abordons-le. Monsieur, sans vous interrompre, pourrais-je vous demander... Soit, Monsieur, vous prier. Volontiers , Monseigneur. Oserais-je donc vous prier, Monseigneur ? Je l'ignorais, Monseigneur. Je vous crois , Monseigneur. Vous l'avez dit, Monseigneur. Hélas ! Monseigneur, je suis une pauvre femme. De plus, je fuis une m7re affligée qui a perdu son fils, et son fils unique. Oui, encore, Monseigneur : je le crois, du moins... Je vous l'ai déjà dit, Monseigneur, je cherche mon fils. L'Amour. Oui, Monseigneur, l'Amour. Je ne le savais pas, Monseigneur. Cela m'est impossible pour le présent. Comment ? Le monde vous donne ce que vous demandez ainsi ? Eh ! Par quelle puissance, par quel pouvoir ? Je ne le savais pas, Monseigneur. Il n'est pas surprenant après tout, si on considère qu'il y a plus de sots que de gens d'esprit. Je crains que ma recherche ne soit vaine ; néanmoins essayons de frapper à l'autre porte. Une pauvre femme, une mère affligée qui cherche son fils, et son fils unique. Monsieur, ou Monseigneur. Soit, Monsieur. N'est-il point entré chez vous, Monsieur, un jeune enfant ? Ce n'est pas lui, Monsieur ; mon fils est petit. Oh ! Vous obligeriez une ingrate. L'Amour. Oui, lui-même, le Dieu de Cythère. Oui, à peu près. Eh, pourquoi cela, je vous prie ? Doucement, doucement : ne vous échauffez pas sous votre casaque. Fausse ou véritable ; vous n'êtes point mon fait. Allons, rentrez à la maison, ou je porterai mes plaintes à votre Supérieur. Que je fuis malheureuse ! Ô mère infortunée ! Le Destin doit-il t'être toujours contraire. L'Amour ! Qui parle là de mon fils ? Vous souhaitez, la belle enfant, connaître l'Amour ? L'aimable enfant ; elle m'intéresse. Répondez : quel est l'Amour ? Voyez-vous ? La petite masque ! Mais s'il allait vous donner le fouet ? Elle n'est pas mal instruite pour son âge... L'avez-vous vu ? Comment ? Il est donc venu ici ? Je suis bien malheureuse de n'être point arrivée plutôt. Parce que je l'aurais trouvé. Sans doute, ma belle enfant. Or sus, ma chère enfant, daignez me conduire dans votre maison. Et enseignez moi l'appartement de votre Maîtresse. Vous avez bien l'air d'un petit-maître, d'un officier français. N'avez-vous pas envie d'enlever la Sultane favorite ? Voilà une galanterie à la Turque. Je le connais peut-être aussi bien que vous Monsieur l'officier français. Recevez-en tous mes remerçiements par cette révérence. Comment ! Un officier, et un officier français faire des allégories ; parler par métaphores ! Je ne suis point si étrangère que vous le vous imaginez bien. C'est grand dommage, en vérité. Avez-vous bientôt fini votre période ? Elle m'ennuie, au moins. Tout cela, Monsieur le Petit-Maître, ne sont que des mots superflus, de vaines paroles. Néanmoins vous conviendrez que la philosophie est bonne. Oui, les faux Philosophes, les Philosophes tels que vous. Qu'entendez-vous, Monsieur le Galantin par cette confidence mystérieuse, par ce mot des miennes. On voit bien que vous êtes à Constantinople, vous parlez comme le Grand Seigneur. Oh ! Je vous entends, mon cher Colonel ; mais vous aurez de la peine à me convaincre. Oui, le temps vient à bout de tout. Touchez là, beau Chevalier, défenseur des Belles... Je ne suis pas pour vous. Cet officier français ne dément point le caractère de sa nation. Hélas ! Non. J'ai rencontré plusieurs originaux. On prétend que leur Répertoire abonde en pièces nouvelles, et que l'on attend un second théâtre, un théatre intermédiaire, sous la dénomination, d'École Dramatique. Rendez la paix et la consolation à une mère affligée. Transportons-nous-y, et faisons des heureux. J'aperçois les Grâces! Ah ! Mon fils, il y a longtemps que je vous cherche. **** *creator_beaunoir *book_beaunoir_venus *style_prose *genre_comedy *dist1_beaunoir_prose_comedy_venus *dist2_beaunoir_prose_comedy *id_MOMUS *date_1779 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_momus Belle Vénus, la chose est donc bien véritable ? Dans ce bas univers votre fils porte la besace ? L'idée est singulière, et l'accoutrement peu noble. Pas tout-à-fait. Sans doute. Le Destin l'a fait naître pour jouer différents rôles, riche ou pauvre, berger et Roi. Vous pouviez bien dire de la canaille. Non ; car nous aurions trop à faire : n'est-ce pas ? D'accord. Mais raisonnons. Quel est votre dessein en quittant l'Olympe ? C'est fort bien fait à vous, charmante Vénus. À merveille : mais vous, ô rigide Déesse, n'avez-vous pas descendu sur la terre pour converser, soit le jour et la nuit, la nuit ou le jour, et peut-être toutes deux ensemble, pour converser, dis-je, avec le charmant et bel Adonis ? Et c'est justement pour cela : votre cher époux, le Seigneur Vulcain, n'est pas trop beau, quoique, Dieu : ainsi le mortel a eu la préférence. Oh ! Non assurément. Mais encore, sans parler de vos amours avec le Dieu des Guerriers... Je le veux bien. Oui, changeons de discours. Moi, à merveille ! On ne peut mieux. Vous êtes radieuse, quoique mise bien simplement. Ni l'un ni l'autre, je vous assure. Sous ce voile Vénus n'en est que plus belle. Moi, Déesse, point du tout : je rends justice à vos charmes. Vous êtes à Constantinople, capitale de la Turquie. Celle-ci, qui est à droite, est une maison de Calender de la Secte d'Omar. Ces animaux-là, pour me servir de votre expression, belle Vénus, sont des hommes fainéants mais pieux, qui ne travaillent point, et qui néanmoins gagnent beaucoup. Non ; les Dieux ne l'approuvent point : mais les mortels souvent font penser la Divinité à leur manière. Ce sont encore des Calenders d'une autre espèce, d'une autre conduite, d'un autre uniforme, mais toujours du même ordre. Vous l'avez deviné : ces derniers font de la Secte d'Hali. Quelle idée ! Pourquoi ne point vous transporter dans le Sérail du Grand Seigneur ? Vous avez raison, vous le trouverez plutôt chez le Grand Muphti. Je vais faire ma ronde chez les auteurs, et peut-être irai-je aux spectacles. À juger par vos propos, Monsieur, vous me paraissez un peu sensuel. Beaucoup, soit ; mais vous ne devriez pas vous en vanter. Vous traitez cela de sentiments romanesques. Vous n'avez pas tort tout-à-fait. À merveille. Encore mieux. C'est fort bien penser. Eh quoi ! Monsieur, vous faites un mérite de suivre le culte de la volupté ? On doit vous savoir gré, en effet, des efforts que vous coûte un tel hommage : prétendez-vous aussi être recommandable par les plaisirs que vous vous procurez tous les jours ? C'est-à-dire qu'on doit vous respecter à raison des fruits délicieux que vous savourez, du bon vin que vous buvez, de la chère délicate que vous mangez. Un Gascon, voluptueux ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Qu'au petit nombre : croyez-vous ça ? Cette Divinité vous inspire sans doute les principes sur lesquels vous fondez toute votre conduite ; elle vous donne la boussole des bonnes mœurs : nourrit en vous cette vertu qui honore l'humanité. Sans doute, elle élève, elle perfectionne votre âme ; elle lui découvre d'importantes et sublimes vérités. Les mortels ne doivent point se plaindre des maux qui les affligent : ils se procurent eux-mêmes les douleurs qui les tourmentent. De vous et de vos Drames, volontiers. D'où vient n'avoir point donné la préférence à la Capitale ?... Quel est ce genre nouveau, ce genre sublime ? Il n'est point du goût de tout le monde. Bon ! Ils font au rabais. En prose ? Une Tragédie en prose ? Il est vrai, Monsieur, vous avez quelque raison en ce point. Tout beau, Monsieur, tout beau : l'usage où nous sommes : le précepte et la manière des Anciens. L'exemplaire est frais ; les feuilles font encore humides. À la bonne heure. La prose convient également à la Comédie ; mais dans la Tragédie il y faut des vers : mais vous n'aimez pas les vers. À vous permis, Monsieur de Prousas. Prousas ! Le beau nom de famille !... Dans quel cas Monsieur de Prousas, admettez-vous les vers ? En ce cas, Monsieur de Prousas, tous les Poètes de Constantinople sont vos amis, car leurs vers ne diffèrent aucunement de la prose. J'entends : comme ceux de Racinios, par exemple, et de nos jours ceux de Volterios. Je ne conviendrai pas de ce point, Monsieur de Prousas. Eh quoi ! Monsieur de Prousas, malgré votre nom si je vous faisais voir clair comme le jour ! En matière de l'art tragique, vous êtes un hérésiarque. C'est un sophisme, et des plus forts ; car il faudrait, d'après votre raisonnement, parler le même langage de la populace. La scène du monde et celle du Théâtre sont bien différentes : d'ailleurs le Parterre est très instruit, et les meilleurs juges quelquefois y résident.... Serviteur. Vous me faites pitié par vos blasphèmes dramatiques. Arlequin, songez à bien recevoir les personnes qui se présenteront ici. À la fin, tendre mère des Amours, je vous rejoins. Avez-vous trouvé votre fils ? Et moi aussi. Je sors des spectacles, où l'on se plaint de l'éternelle reprise des anciennes pièces, de la négligence, de la paresse des acteurs à jouer les nouveautés. Il est vrai, c'est le vœu de Constantinople entier. À propos, je peux vous donner des nouvelles do votre petit déserteur. Dans le moment même on vient de me dire que l'Amour n'habitait plus qu'au village. Sans doute que l'Amour n'est pas loin. Tenez, voici là-bas notre petit libertin. **** *creator_beaunoir *book_beaunoir_venus *style_prose *genre_comedy *dist1_beaunoir_prose_comedy_venus *dist2_beaunoir_prose_comedy *id_LAMOUR *date_1779 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lamour Ah ! Ma mère, que je suis heureux d'habiter au village ! **** *creator_beaunoir *book_beaunoir_venus *style_prose *genre_comedy *dist1_beaunoir_prose_comedy_venus *dist2_beaunoir_prose_comedy *id_ARLEQUIN *date_1779 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_arlequin Oui, Monsieur. Mais ! Je représente donc mon Maître ? Je joue ici le rôle du Seigneur Momus... Donnons6nous un air d importance... Quel est ce nouveau personnage-là ? Je l'ignore. En vérité, une massue à la main. Ouf ! Il s'avance, Sangodemini, je tremble. Sans doute c'est un chasseur ; en tout cas il est bien crasseux. Quel bonheur ! Manger de l'herbe comme des lapins, et boire de l'eau comme des grenouilles, sans macaronis encore ! Ah ! C'est un sauvage ; écoutons et formons-nous. Il me semble cependant que mon habit me sert bien à couvrir ma nudité, et que lorsqu'il fait froid un bon manteau sur les épaules et un bonnet fourré sur la tête, me font choses nécessaires. Et moi j'ose dire, Monsieur Sauvaget, qu'il fit très bien ; car, où se mettre à l'abri quand il pleut ? Sous des arbres ! Hai, hai , hai. Un moment, Monsieur Sabot, si je marchais sans souliers, je me piquerais la plante des pieds avec une épine ou un morceau de verre. Et à la femme. Toujours et jamais, jamais et toujours, c'est clair , c'est clair. Après. Monsieur le décrépit de l'espèce, dans tous ses discours je n'y vois pas de macaronis. Mes inclinations naturelles à moi, c'est de boire et de manger. Oui, je le dis, parce que c'est vrai. Il m'arrive quelquefois de dormir après. Médites ! Je ne connais point cet animal-là. Je n'en fais point faire, Monsieur Sauvage ; mon ch'père ne m'a point appris ce métier-là. Ahi ! Ahi ! Ahi ! vous m'allez étouffer. Nenni, nenni, j'ai peur des loups. Animal, animal toi-même. Je ne suis point animal, ni Annibal ; je suis Arlequin. Ah ! Ah ! Ah ! Vous avez bon air, bon air vous avez tout-à-fait. Monsieur Sauvaget, vous raisonnez comme un ange... Cornu... Sans doute ; comme dit la Chanson, pour une fois, ce n'est pas la peine, pour une fois, c'est trop bourgeois. Ma foi je n'en fais rien, et je ne les ai point pris ; fouillez-moi plutôt. Adieu, Monsieur Cataquoi. Si nous étions à Paris, je croirais que Monsieur Sauvaget est un échappé des Petites-Maisons ; mais retirons-nous pour faire place aux Calenders qui reviennent de la mosquée.