**** *creator_boucher *book_boucher_champagnelecoiffeur *style_verse *genre_comedy *dist1_boucher_verse_comedy_champagnelecoiffeur *dist2_boucher_verse_comedy *id_BONIFACE *date_1662 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_boniface Ma fille, ma fille, Lisette ! Elles ont plié la toilette : Hélas ! Je suis déshonoré. Au secours, voisins, au secours !... Il n'est ni servante, ni fille ! Cherchons partout, courons la ville. Au secours, voisins, mes amis ! Quoi, tout le monde m'abandonne Maître Claude, maître Thomas, Hé quoi, ne m'entendez-vous pas ? Voisins, que Dieu puisse confondre, Vous ne daignez pas me répondre ! Les traîtres, les maudits voisins ! Qu'ils riront tantôt, les vilains, Apprenant ma déconvenue ! Hélas ! Je l'avais bien prévue, Et je devais, la prévoyant, Être beaucoup plus défiant. Ha ! Si j'attrape l'infidèle Je serai sa garde éternelle. Enfin Redoublons ici les alarmes Au secours, aux armes, aux armes ! Ce n'est point tout cela, Mais bien une partie... Ce n'est pas ce que je regrette. Non. Mais. Je me plains... Mais vous m'interrompez toujours ! Pourquoi ? Parce que l'on m'opprime. Laissez-moi donc parler. Ha ! Laissez-moi parler, vous dis-je. D'abord Je l'ai cru ; mais las j'en enrage. Moi me plaindre en vain ! L'apparence, Après une si grande offense ! Ha ! Compère, je meurs d'ennui. J'ai perdu ma fille ! Elle vient de prendre l'essor. C'est de quoi je suis en souci. Non, et c'est là ce qui m'achève ; Cependant je le veux chercher, Le prendre vif et t'écorcher. Il n'en est pas besoin. À quoi bon ?... Secours importun et funeste ! Ah ! L'insupportable boutade ! À quoi bon citer l'Iliade ? J'enrage... Hé, de grâce, maître Thomas, Souffrez... Au diable soit le conseiller ! Que le grand diable vous emporte ! Si je puis parler une fois, Je parlerai pour plus d'un mois. Au diable si j'y comprends rien ! Tâchons à prendre la parole. S'il tombe sous mes mains, je jure De lui déchirer la fressure. Si quelque diable familier Je l'enverrai voir son grand-père Par delà la fleuve Styx. Moi seul j'en pourrais battre dix. Quand la colère me transporte, Je suis vaillant de telle sorte Que devant moi les plus hardis... Les Amadis, Ces paladins si redoutables, Ceux que l'on vante dans les Fables, Les demi-dieux, les Gérions, Les Encelades, les Tiphons, Ceux de fabrique plus nouvelle, Les petits-fils de Gargamelle, Roland, Ogier le Danois, Rodomont, l'honneur des Gaulois, Fierabras, et toute leur suite, Ne sont bons qu'à prendre la fuite. Vous ignorez. Sachez qu'à la fleur de mon âge J'étais un rude personnage À la guerre des Guéridons Je battais les plus furibonds, Je donnais leçons aux soudrilles, J'étais grand enleveur de filles Parce que j'étais furieux, On m'appelait le dangereux. Mais admirez, mon cher compère : Ce que jadis j'aimais à faire, Sans pitié du malheur d'autrui, Je me le vois faire aujourd'hui. Je vous plains, pauvres familles, Qui nourrissez de belles filles ! Qu'heureuses sont les nations Fertiles en précautions ! Qu'il fait sûr en Italie ! Qu'il fait encor bon en Turquie ! Que l'on y garde bien l'honneur ! Que ne suis-je le Grand Seigneur ! J'aurais des gardes très fidèles, Qui répondraient de mes femelles. Au diable puissiez-vous aller ! Au diable soit qui m'importune ! Mais on a fermé ma maison. Aurais-je bien, dans mon effroi, Tiré cette porte après moi ? On ne l'a donc pas enlevée. Mais l'avais-je rêvé ? Ouvrez, ouvrez, ma fille, ouvrez. Dois-je la quereller, compère ? Hé bien donc, ne lui disons rien. Rentrez, sotte. Par quel moyen Me suis-je abusé de la sorte ? Ce soupçon n'est point mal fondé Un de mes amis m'a mandé Que j'observasse bien ma fille. Le scandale est dans ma famille, C'est ce qui me rend indigné ; Sans doute qu'elle a forligné. Non, je crois que c'est un sorcier De qui je me dois défier. Appropinque, mon galant homme. Pourquoi, si tu t'y trouvais bien, Y renonces-tu ? Cet homme est bien mon fait, compère Qu'en dites-vous? Ami, voudrais-tu me servir ? Je suis veuf, et n'ai qu'une fille Qui met le trouble en ma famille, Parce qu'elle a l'esprit coquet, Et qu'elle aime fort le caquet. Ce qui me met plus en cervelle, Plusieurs coquets sont aimés d'elle ; Ainsi je crains à tous moments De naturels événements, Et que quelque ardeur sensitive Ne porte à la copulative. Pour prévenir ces accidents, Et suivre des conseils prudents, Soit que ma fille, ou non, s'en fâche, Je veux donner à cette vache Des Argus pour la surveiller. Allons le mettre en faction. Ça, viens prendre possession De ton emploi. Compère, attends-moi, je te prie. Ha ! Compère, que tout va bien ! Mais quelle est cette étrange trogne ? Mais ils n'empalent plus le monde. Vous croyez donc qu'il est un sort Beaucoup plus rude que la mort ? Serait-ce point ? Mais j'appréhende De faire une sotte demande. Qu'est-ce qui le rend si craintif ? Ha ciel ! Quel bonheur est le nôtre Mon ami, dites franchement, Voudriez-vous présentement Prendre emploi ? He bien donc, sans autre raison Je vous offre dans ma maison Une charge, avec un asile: La charge est de garder ma fille. Devant que d'entrer au logis, Un petit mot de votre avis Comme je sais l'humeur d'Élise, De crainte qu'elle soit surprise De ces domestiques nouveaux, Trouverez-vous pas à propos Que j'ôte à son âme crédule Et le soupçon et le scrupule Qu'elle pouvait sans doute avoir D'un juste et rigoureux pouvoir ? Car les filles sont ombrageuses : La mienne aime fort les coiffeuses : La Durancey, la Jeanneton La Poulet et la Bariton, L'attirent chaque jour chez elles Au bruit des coiffures nouvelles. Or c'est un prétexte qu'elle a D'aller courir par-ci par là. Donc, pour flatter sa fantaisie, D'une façon fort adoucie, Je veux lui faire pressentir Que Champagne est pour la servir ; Que, comme en cet art il excelle, Je l'ai pris tout exprès pour elle. Ainsi, de son consentement, Il fera sa charge aisément, Sans que jamais on le soupçonne. Çà donc, je m'en vais l'avertir. Hola, hola, hola, Lisette ! Quand elle le ferait exprès, La chose ne pourrait mieux être. Ouvre la salle promptement, Et qu'Élise au même moment S'y rende, et Guillot avec elle ; Et surtout dis lui pour nouvelle Que j'ai pris pour mon serviteur Champagne, l'illustre coiffeur. Penses-tu que cela lui plaise ? J'ai mis ordre à mes affaires. Bonsoir. Ma fille, êtes-vous satisfaite De l'élection que j'ai faite ? Cet homme entend l'ajustement, Mieux que La Prime assurément. Tournez-les bien en tire-bourre. Bon, c'est ainsi que je l'entends Pour le reste prenez du temps. Cependant je m'en vais écrire Quelques dépêches pour l'Empire. Allons réparer notre honte. Hola, hola. Doucement je suis Boniface. Avecque ce maudit outil Vous m'avez blessé le nombril. Quoi, l'on abuse ainsi de moi ! Qu'en dira-t-on parmi la ville ? Hélas, que je suis malheureux Je me vois sans fille et sans gendre. Que n'acceptais-je ce Cléandre Qu'un ami m'avait proposé ! Ah ! Que je fus mal avisé ! Ha traître, il faut mourir. N'est-ce point encor m'abuser ? Je suis plein de confusion. Mais vous étiez tantôt Champagne. Hé bien donc, je consens à tout. **** *creator_boucher *book_boucher_champagnelecoiffeur *style_verse *genre_comedy *dist1_boucher_verse_comedy_champagnelecoiffeur *dist2_boucher_verse_comedy *id_ELISE *date_1662 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_elise Monsieur, je m'expose au reproche, Et peut-être à pis, pour vous voir. Je ne respire que pour vous. Que je passe de moments rudes Près d'un père capricieux ! Pour justifier votre foi, Agissez pour vous et pour moi Songez que je suis renfermée. Cette assurance me console. Je tremble en vous parlant ici. Épargnez-moi les déplaisirs Que j'aurais, si j'étais surprise. Mais mon père n'est pas bien loin ; Il m'observe avec tant de soin Que, sitôt qu'il me perd de vue, Il pense que je suis perdue : L'ombre d'un homme lui fait peur. Il est rentré par le jardin. Je n'oserais rien entreprendre. Non, non, cachons-nous à ce coin, Et vous, Monsieur, prenez la fuite. En quel état suis-je réduite ! Éloignez-vous. N'importe, Retirez-vous devant qu'il sorte. Je suis perdue, S'il me rencontre dans la rue. Lisette, rentrons au logis. Descends. On m'a tant vanté son adresse, Que déjà le désir me presse De voir mes cheveux en ses mains. Que dites-vous de mes cheveux ? Je veux Que vous défrisiez mes moustaches. Pour ce coup il n'importe pas. Ha, ne me pressez point, Cléandre, Lorsque je ne puis me défendre . Usez en généreux vainqueur De la conquête de mon coeur. Votre foi fait mon assurance, Mais faisons tout avec prudence. Oui, je consens à tout pour vous. À la charge que l'hyménée Nous unira cette journée. Sauvez-moi d'un père irrité. Comment sortir de ces alarmes ? Mon cher père, pardonnez-nous. **** *creator_boucher *book_boucher_champagnelecoiffeur *style_verse *genre_comedy *dist1_boucher_verse_comedy_champagnelecoiffeur *dist2_boucher_verse_comedy *id_LISETTE *date_1662 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lisette Mon cher Guillot, je te rencontre ! Quoi, Guillot, tu soupires ! As-tu quelque chose à me dire ? Il est ému. Toi furieux ! Depuis quel jour ? Arrête-toi, badin. Te voilà donc bien radouci ? Tais-toi, Guillot, tu deviens fou. Finissez, j'entends Boniface ; Je crains bien pis que la menace. Hélas ! Sauvons-nous au plus loin ! Il est au bas du grand degré, Il va sortir. À quoi donc aurons-nous recours ? Ma foi, l'occasion est bonne. Qui va là ? Quel est ce sot, cet impudent, Qui heurte avecque tant d'audace ? N'est-il pas bien Monsieur pour vous ? Entrez, Monsieur, Monsieur, entrez. Monsieur, je mettais la toilette ; Mademoiselle attend après. Que vous plaît-il donc, mon cher maître ? Monsieur, que je vais la faire aise ! Madame, vous parlez trop haut, C'est là toujours votre défaut Votre père a l'oreille bonne. Comme je sais qu'il vous soupçonne, Et vous observe incessamment, Il faut parler plus nettement, Pour conclure votre retraite, Qui déjà devrait être faite Mais comme il est bon de presser, Entre vous daignez y penser. Hé bien, qu'est-ce ? Tant que nous en avons besoin. Insensé,que me veux-tu dire ? Penses-tu que je veuille rire ? Tu te moques ? Que garde-t-on en cette coque ? Des pépins de coins, et de l'eau. C'est un peu d'alun. C'est du rouge commun. Ha ! Guillot, laisse-là le reste. Tu peux bien voir ce que tu touches. C'est pour arracher le sourcil. Si j'osais croire mon courage, Je déchirerais ton visage Mais je crains de faire du bruit. Oui, que t'en semble ? Tu folâtres. **** *creator_boucher *book_boucher_champagnelecoiffeur *style_verse *genre_comedy *dist1_boucher_verse_comedy_champagnelecoiffeur *dist2_boucher_verse_comedy *id_CLEANDRE *date_1662 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_cleandre Guillot, l'agréable nouvelle Que m'apportes-tu de ma belle ! Quelle adresse trouverons-nous ? Guillot, il n'en faut trouver qu'une, Et je réponds de ta fortune. Dis. Mon heur ne se peut concevoir. Vous faites mes soins les plus doux, Ainsi que mes inquiétudes. C'est ce qui me rend malheureux. Ha ! Ne soupçonnez pas ma flamme, Je n'en sens que pour vous, Madame. Songez que vous êtes aimée, Et qu'il n'est rien dont un amant Ne vienne à bout fort aisément. L'effet suivra cette parole. Ne craignez rien, ma chère Élise. Madame, vous craignez en vain, Si vous ne vouliez pas l'attendre. Vous abandonner au courroux De ce bizarre ? Il ne me connaît point. S'il extravague, j'en rirai. Je périrai, Plutôt que perdre ce que j'aime. Suis-moi je conçois un dessein Qui pourra réussir. Voici quelqu'un de ses voisins. Monsieur, restez de grâce. Daignez me parler un moment. Sortez de votre illusion : Je suis de votre nation. Quoi que mon habit me déguise, Ma naissance me déturquise. Non, monsieur. Un petit bout de mon histoire Vous en instruira pleinement. J'y trouverais trop de matière. Très volontiers ; prêtez silence. Mais je vois quelqu'un qui s'avance. La reine de Pologne S'en allant pour trouver son roi Comme elle avait besoin de moi Pour l'entretien de sa coiffure, (Car je coiffe mieux qu'en peinture) Me voulut avoir dans son train Sous espérance de grand gain, Je suivis cette grande reine Qui m'a bien payé de ma peine. Las d'être si loin engagé, Je lui demandai mon congé, Afin de retourner en France ; Je l'obtins, puis en diligence Je m'embarquai pour mon retour. Mais, hélas ! Dès le premier jour, Venant d'éviter un naufrage, Je tombai dedans l'esclavage ; Par un vieux corsaire d'Alger, De chaînes je me vis charger, Ainsi conduit droit en Turquie, Où je croyais passer ma vie Dans le serail du Grand Seigneur, Où je fus placé par bonheur, Pour y coiffer toutes les belles, Et même pour veiller sur elles. Vous l'avez deviné, monsieur : Je suis Champagne le coiffeur. Elle m'a rendu misérable ; Ha ! Que les Turcs sont inhumains ! Hélas ! À vous le dire, J'aurais trop de confusion : Ha ! La barbare nation ! Leur rage est pourtant sans seconde. Las ! Que ne m'ont-ils empalé, Écorché tout vif et brûlé ! J'aurais assouvi leur envie, Sans regret de quitter la vie. Monsieur, vous... C'est bien mon attente Si l'occasion s'en pésente. Ayant servi dans le Sérail, Je sais ce qu'il faut que j'observe, Et je suis à vous sans réserve. Quoi que chacun ait ses desseins, Je fais toujours que ma méthode Est le modèle de la mode. Sur tout je donne des leçons. Je sais natter en cent façons Je coiffe en coquette, en Diane, En impératrice, en sultane En cheveux longs en cheveux courts, Selon la taille et les atours. Je sais prendre l'air du visage, Selon les traits et selon l'âge Je sais taper, je sais friser, Je sais posticher et raser, Je tourne la boucle à merveille ; Bref, mon adresse est sans pareille. En Pologne j'ai réussi, Et dedans le sérail aussi, Si bien que je prétends encore Vous coiffer mieux que n'est l'Aurore. Ils sont beaux et déliés. Madame, on vous les tient trop laches, La papillote pend trop bas. Voyez, l'une en l'autre se fourre. Après ce que j'ose pour vous, Madame, mon sort serait doux, Si l'occasion opportune Pouvait achever ma fortune. La chose est en votre pouvoir, Vous n'avez donc qu'à le vouloir. Voyez à quoi je suis réduit, Et puisque la feinte est propice, Profitons de cet artifice Allons, Madame, éloignons-nous. J'accepte la condition. Donnons dedans l'occasion. Fiez-vous en ma probité. Tais-toi. Maraut, vois-tu bien ce poignard ? Je t'en perce de part en part, Si tu t'opposes à ma retraite. Tu feras bien. Je t'en remercie. Monsieur, pour vous tirer de peine, Je viens... Je saurai bien m'en garantir, Si l'on me force à me défendre. Apprenez que je suis Cléandre, Qui veut devenir votre gendre. Mon dessein me peut excuser. Champagne est mon nom de campagne. Acceptez-moi pour son époux. **** *creator_boucher *book_boucher_champagnelecoiffeur *style_verse *genre_comedy *dist1_boucher_verse_comedy_champagnelecoiffeur *dist2_boucher_verse_comedy *id_GUILLOT *date_1662 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_guillot Pour ce coup votre affaire est faite ; Monsieur, je viens de voir Lisette, Elle m'a dit et répété Qu'Élise en la captivité Où la retient son fol de père, Est dans le dessein de tout faire, Si vous la jugez à propos, Pour assurer votre repos J'en ai mille; vous moquez-vous ? Tant mieux ; mais la ferez-vous bien ? Non, celle-là ne vaut rien. Je m'en vais en trouver une autre. Où diable est donc l'adresse nôtre ? Ha ! J'en tiens une... Mais voici Votre Élise et mon cher souci ; L'une et l'autre de nous s'approche. C'est mon bon démon qui me montre. Hay, hay. Devine ! Aussi bien je ne puis Te dire l'état où je suis ; Tâte-moi le pouls, je te prie. C'est de furie. Depuis que j'enrage d'amour. Peux-tu n'enrager pas de même ? Pour peu qu'il soit vrai que tu m'aimes, Permets. Mon amour mourra donc de faim ! Ha ! Si tu voulais, ma Lisette, Ma moutonne, ma brebiette, Mon coeur, mon tendron, mon toutou. Si tu voulais, bête farouche, J'apposerais dessus ta bouche Le cachet de mes chauds désirs. C'est qu'il n'est pas de votre humeur. Ha ! Monsieur, ne répliquez pas, Retirons-nous, doublons le pas Cet homme est prompt, il extravague, Il pourra donner de sa dague. Et s'il dague ? Ha ! Votre furie est extrême De risquer votre dernier jour Pour une chimère d'amour. Bien courir est un avantage Qui me tire d'un grand naufrage Grâce au ciel me voilà sauvé. Comment ne m'ont-ils point crevé ? Comment ai-je évité le piège De cette graine de collège ? Mais, après tant de coups rués, Suis-je point au rang des tués ? M'ont-ils laissé la vie entière ? Je suis vif devant ; par derrière Ne m'auraient-ils point amorti ? Non, ou je n'en ai rien senti. Ha ! Ce mot de latin m'assomme. Je perds un bon métier : Depuis dix ans je suis portier Du collège de Crassinaille ; Mais une maudite canaille Que l'on instruit mal dans ce lieu, Soit par rancune, soit par jeu, Externes et pensionnaires, Se sont montrés mes adversaires, Et m'ont fait tant de maux divers, Que, las de les avoir soufferts, Afin de vivre d'autre sorte, Je renonce à garder la porte ! Quel moyen De rester parmi tant de diables Qui sont irréconciliables ? Je les ai trop désobligés, Ils en voudront mourir vengés Las ! Ils me poursuivent en poupe. Pourquoi suis-je homme de vertu ? Ah ! Si j'avais souffert leurs vices, Leurs impudences, leurs malices, J'aurais été portier chéri ! Mais las ! Je serais bien marri D'avoir gagné leur bienveillance Par une lâche connivence. Combien ai-je empêché le cours De leurs criminelles amours ? Combien arrêté de commères, De revendeuses, de fruitières, Et d'autres gens qui, sous tels noms, Venaient friponner les fripons? Monsieur, je suis prêt d'obéir. Je n'aime point à sommeiller, Ou je dors la paupière haute ; Ainsi je ne puis faire faute. Oui, monsieur. C'est bien fait de m'en avertir. Après cela, laissez-moi faire : Je suis grec eu pareille affaire. J'en meurs d'envie. Mignonne, dis-moi, la toilette... Est-elle complète ? En la mettant, as-tu pris soin D'y ranger toutes les denrées Par qui beautés sont réparées ? As-tu mis sous ce taffetas Le magasin des faux appas? Je te prie, aimable animal, Ne prends pas les choses si mal. Avec mon humeur ingénue, Je n'ai pas toujours la berlue, Et je sais de fort bonne part Qu'il est peu de beautés sans art, J'entends, qui ne se débarbouille Ou bien plutôt qui ne s'enrouille, Quoi qu'il en soit, qui pourrait bien Paraître sans employer rien Mais, pour être plus regardées, Toutes veulent être fardées. Vois-tu, je le sais mieux que toi, Et tu dois croire, sur ma foi, Quoi que ta maîtresse soit belle, Que sa fraîcheur soit naturelle, Que son teint soit blanc et rosé, Qu'elle n'ait point le cuir bronzé, Que sa bouche soit bien meublée, Qu'elle ait la taille bien taillée, Je crois que dessous ce satin Elle a mille drogues et son train. Ça, visitons cette toilette. Que tu fais la sotte, Lisette ! Laisse-moi voir à mon loisir. Bon, voici du noir à noircir ; C'est pour les sourcils. Pour gommer, le secret est beau, Parce que la gomme arabique Est trop forte en cette pratique. Qu'est ceci ? Et là ? Le vermillon et la céruse Seront là, si je ne m'abuse Ouvrons ces papiers : j'ai bien dit. Ne crèves-tu point de dépit? Crie, ou prie, ou menace, ou peste, Je veux me satisfaire enfin. Qu'est-ce que je sens sous ma main ? Un ratelier de dents, sans doute ; Il faut le voir, quoi qu'il en coûte. Non, c'est un bracelet de prix ; Pour ce coup je me suis mépris. Est-ce ici que l'on prend la mouche? Tu prends plaisir à bégayer. Elles sont de la Mestayer : Je les connais bien à la taille ; Les autres ne sont rien qui vaille. Lisette, approche ton menton, Que je t'y mette ce gros ton. Sans doute en cette boîte noire, Sont yeux d'émail, et dents d'ivoire Ha ! J'ai tort, ce sont des cheveux. En voici pour plaire à tous yeux. Quoi qu'en brun j'estime ta mine, Approche que je te blondine. À quoi sert ce petit outil ? Voyons tout le reste à la hâte De l'opiate, de la pâte, Tant pour les mains que pour les dents. Que renferme-t-on là dedans ? De la brique pulvérisée ! Ma vue est ce coup abusée C'est plutôt du sang de dragon, Ou du coral en poudre ; bon ! Ha ! Voici la fine pommade Dont on guérit le teint malade ; La boîte aux peignes, la voilà. Je crois qu'il s'en faut tenir là. Hé bien, Lisette, dis encore Que tant de beautés qu'on adore Sont sans emprunt et sans défaut, Et je te croirai, s'il le faut. La porte est ouverte, la belle, Enfilez vite la venelle. Ha ! Monsieur, que faut-il qu'on fasse ? Voici l'ami de Boniface. Hé quoi, coquin, tu nous regardes ! As-tu point peur qu'on te poignarde ? Vois-tu, si... Dites que vous êtes son gendre; Aussi bien il s'en faut très peu. Pour rendre t'excuse parfaite, J'offre aussi d'épouser Lisette. Mon maître est homme de mérite ; D'ailleurs je vous en sollicite. Lisette, nous sommes au bout De nos travaux. Que nous serons bientôt ensemble, Et que devant trois fois trois mois Tu chanteras à pleine voix Des petits pâtés. Tu te feras tenir à quatre, Quand viendront ces petits marmots. Que nous en aurons de Guillots La race de ta Guillotière Sera comme une pépinière.