**** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_demetrius *date_1661 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_demetrius Pourray-je voir enfin mon ingrate Princesse ? Qu'on sorte,  ; qu'on me laisse ; Et que nul n'entre icy que par un ordre exprés. Que veut-elle ? Quoy, faut-il nous voir toûjours ensemble ? Je hay la jalousie,  ; cela luy ressemble. Quoy, toûjours sur mes pas, à toute heure, en tous lieux, Les soûpirs à la bouche,  ; les larmes aux yeux, La rage  ; la douleur sur le visage peintes, Troubler tout mon repos par l'éclat⁎ de vos plaintes, Et loin de consoler un esprit abatu, Du bruit de vos douleurs accabler ma vertu ? Dites mieux, qu'il ne peut  ; sans honte  ; sans crime Retenir⁎ plus long-temps un Sceptre illegitime. Cét Empire usurpé sur le sang de Pyrrus, Cét indigne present d'un traistre qui n'est plus, Puis-je le retenir sans me rendre complice Et de ses cruautez,  ; de son injustice ? Nous avons vous  ; moi peu de part⁎ à ce rang Qu'Artaban vostre pere acquit par tant de sang, Quand trop ambitieux par un horrible crime Il renversa du Thrône un Prince legitime, Et recueillant⁎ des droits morts avec mes Ayeux, Se servit de mon nom pour regner dans ces lieux. Quand la mort de Pyrrus authorisa ce traistre A secoüer⁎ le joug d'Alexandre son maistre, Voyant qu'il destinoit ce grand Prince à la mort, Je fléchis Artaban par un fatal⁎ accord ; Je vous donnay la main,  ; je devins son gendre Pour borner à l'exil les malheurs d'Alexandre ; Mais les Dieux sçavent bien combien ce triste⁎ coeur Pour vostre pere  ; vous avoit conçeu d'horreur. Tandis qu'il a vescu, sa violence extréme M'a contraint de regner sous luy malgré moy mesme, J'ay retenu ce rang, mais apres son trespas Je serois criminel en ne le quittant pas ; D'un Empire arraché triste dépositaire, Je rends à mon amy le vol de vostre pere, Je le quitte avec vous, ; ne vous oste⁎ rien. Je veux en le rendant me laver de mon crime. Ce sont là des fureurs⁎ dignes de vostre pere. Mais enfin il est mort. S'il vivoit, cét orgueil qui menace, Quoy que tousjours injuste, auroit meilleure grace ; Mais enfin il est mort,  ; vostre unique appuy Et vostre unique espoir sont tombez avec luy. Quittez donc cét orgueil si digne de ma haine: C'est trop,  ; trop long temps faire la Souveraine, Il faut cesser de l'estre,  ; sans vous consulter, Je sçauray bien garder le Sceptre, ou le quitter. Ouy, c'est par vostre hymen qu'il le fallut defendre, J'immolay mon repos au salut d'Alexandre : Mais quel droit vostre pere eut-il sur ce grand Roy ? Faloit-il le sauver en vous donnant ma foy⁎ ? Rendez moy cette foy que vous m'avez surprise⁎. Ton interest n'est pas ce qui trouble mon ame, Et les Dieux auroient tort de condamner ma flame, Pour m'en justifier Ismenie est mon choix, Elle est aimable  ; belle,  ; du sang de nos Roys. Il m'est permis de rompre une indigne alliance Pour aimer la beauté, l'honneur  ; l'innocence, Et pour livrer mon coeur à des charmes si grands, Je le puis arracher au sang de nos Tyrans. Mais pourquoi se flater  ; déguiser son crime ? Un amour qui viole un hymen legitime, Que six mois tous entiers n'ont que trop affermy, Un amour qui trahit ma femme  ; mon amy, Qui donne de l'horreur aux yeux qui l'ont fait naistre, Qui se cache à soy-mesme,  ; qui n'ose paroistre, Est un de ces amours, qui nés de nostre erreur⁎, Vantent leur innocence,  ; ne sont que fureur. Mais quel crime d'aimer un objet tant aimable ? Quels feux sont innocens si le mien est coupable, Si je ne puis sans crime aimer ce que les Dieux Ont formé de leurs traicts pour le charme des yeux ? Ah ! bien loin d'estouffer le feu qui me devore, Je le veux augmenter, je l'ayme, je l'adore : Si l'amour est ma faute, il est mon châtiment, Et j'adore mon crime ainsi que mon tourment, Grands Dieux, qui l'avez faite  ; si fiere  ; si belle, Immortelles beautez qui vous montrez en elle, Est-ce un crime d'aymer ce qui nous vient de vous, Ce qui vous represente avec des traits si doux ? Ces yeux, de tous les yeux le plaisir  ; la peine, Cette auguste fierté si digne d'une Reyne, Tout ce brillant amas de force  ; de douceur, Charmera-t'il les yeux sans arrester le coeur ? Gardes. Helas ! Qu'on nous laisse icy seuls. Alexandre revient. Sçais-tu qu'il vient m'oster mon Sceptre  ; ma Princesse ? Milon, tu connois mal les desseins de mon ame. J'ay de trop bons garans⁎ de ta fidelité ; Sans le puissant secours que ta main m'a presté, Des Sujets soûlevez pour leur Roy legitime J'estois dans ce Palais la sanglante victime, Te puis-je soupçonner apres ce grand secours ? C'est ce que le succez te va bien tost apprendre. Qui croit que la Couronne est si pleine d'appas, En discourt en aveugle,  ; ne la connoist pas. Par tout elle a ses maux qui valent bien ses charmes ; Et celle de Dodone est si pleine d'alarmes⁎, Que pour en détester l'insupportable pois, Il ne faut que sçavoir l'histoire de nos Roys. Le peuple incessamment me demande Alexandre, Et quand mon amitié s'apreste à le luy rendre, Je rougis que le peuple une seconde fois A mon juste devoir veuille imposer des loix. Mais ce n'est pas la peur qui m'arrache du Thrône, Ny la foudre du Dieu qui preside à Dodone : Ce ne sont que les noms de traistre  ; de Tyran, Et l'horreur de jouyr du crime d'Artaban. Tandis que je retiens la grandeur souveraine, Ainsi que de son vol j'herite de sa hayne, Je deviens son complice,  ; gardant son bien-fait, Je consens par ce crime au crime qu'il a fait. Maintenant que sa mort m'en laisse la puissance, Je veux, m'en dépouillant, purger mon innocence, Me soustraire à sa hayne, aux foudres, aux horreurs Qui suivent tost ou tard de pareilles fureurs. Aux yeux bien éclairez l'innocence est si belle... J'oppose à tes raisons ces remors  ; ces craintes, Quand mon coeur affranchy de ces lâches contraintes Se rend à l'amitié, dont les nobles efforts Font plus pour mon amy que l'effet d'un remors, Ou plutost, puisqu'enfin il faut t'ouvrir mon ame, Sçache qu'au desespoir d'une amoureuse flame Je donne cet effort bien plus qu'à l'amitié ; Peut-estre ny remors, ny devoir, ny pitié, Ne sçauroient me forcer à cette complaisance, L'amour, le seul amour m'arrache ma puissance, Et je ne l'acceptay que par l'espoir un jour D'obliger mon Rival à servir mon amour. J'ay crû que sur le Thrône en luy cedant ma place, Au crime de ma flame il pourroit faire grace, Et qu'enfin Ismenie avouëroit⁎ pleinement Une ardeur dont l'effort couronne son amant. Avecque tant d'amour, adorant tant d'appas, Je me plains de ma peine,  ; je n'en rougis pas. Tâchons donc de fléchir cet objet adorable. Tu sçais quel genereux dessein Me força malgré moy de luy donner la main : Pour sauver mon Rival  ; ma chere Ismenie J'épousay malgré moy la honte  ; l'infamie, Et sans mesme employer la coustume  ; les loix, Tout mon devoir m'arrache à cet indigne choix. Laisse-nous, ta presence offenceroit sa veuë. Alexandre revient,  ; voicy ce beau jour Si cher à mes desirs, si cher à vostre amour : Il revient, ce grand Prince, étouffer tant d'alarmes ; Il revient essuyer ces precieuses larmes, Dont vos beaux yeux sans cesse honorent ses malheurs, Et c'est moy qui mets fin à toutes vos douleurs. Vous aviez tout perdu par les maux de l'absence, Vous estiez sans plaisir, sans biens, sans esperance, Vos Dieux estoient absens de ces funestes lieux, Et je vous rens vos biens, vostre espoir,  ; vos Dieux, Les pardonnerez vous à ma raison blessée, Ces ardeurs, ces transports qui vous ont offencée ? Ces soupirs tant de fois poussez à vos genoux, Apres ce grand effort les pardonnerez-vous ? Vous ne répondez rien ? Vous me soupçonnez donc de quelque violence ? Amant trop malheureux,  ; Roy sans innocence, Vous me croyez aussi dans mes transports jaloux, Sans foy pour mes amis,  ; sans respect pour vous. Vous sçavez que le Ciel dés ma plus tendre enfance Entre ce Prince ; moy sema l'intelligence⁎, Et qu'une mesme main nous élevant tous deux, D'une longue habitude en forma les beaux noeuds, Si ma forte amitié gardoit mal Alexandre, Sur ce que vous aimez oseray-je entreprendre, Et par mon mauvais sort suis-je si mal traité, Que je vous sois suspect de quelque lâcheté ? Desarmé par les yeux de ma belle Princesse, Contre un Rival heureux que pourroit ma foiblesse ? Quand des mains d'Artaban je luy sauvay le jour, Pour l'aimable Ismenie avois-je moins d'amour ? Je brûlois, je régnois,  ; toutefois, Madame, J'ai servy ce Rival du Thrône  ; de ma flame. C'est peu de cet espoir, donnez luy la Couronne : Puisque vous le voulez, mon coeur vous abandonne Un rang dont le pouvoir alarme vostre amour. Faites à mon Rival un glorieux retour ; Mettez-le promptement au dessus de l'envie ; Asseurez sur le Thrône  ; sa gloire  ; sa vie. Vous estimeriés donc cette grande victoire ; Mais pour ce grand effort d'amour  ; d'amitié, Sentez-vous pour mes maux quelque ombre de pitié ? Quel secours offrez-vous à ce Roy miserable ? Faites luy pour le moins une chûte honorable, Et qu'il sçache en tombant, qu'il s'apreste à gagner Des biens beaucoup plus doux que celuy de regner. Parlez, resolvez-vous, qu'avez-vous à me dire ? Faut-il enfin ceder, ou retenir l'Empire ? Madame, c'est à vous sans que rien vous retienne De regler promptement sa fortune  ; la mienne : Je vay, si vous voulez, le recevoir en Roy ; Mais ce grand point se doit resoudre icy sans moy : Je vous quitte, usez bien du droit que je vous donne ; Souvenez-vous quel est le prix d'une Couronne, Quel devoir, quelle ardeur m'oblige à la ceder, Et qu'en cedant un Thrône on peut tout demander. Souffrez que l'amitié vous dérobe un moment Aux tendres entretiens d'un objet si charmant. Mais j'aperçoy Milon. Viens, cher Milon, aproche ; Ne crains de ce grand Roy ny froideur ny reproche, Cet amy genereux pardonne à mes amis. Vous obstinerez-vous dans cet aveugle zele ? Je rougis d'une ardeur à vous mesme infidelle, Cette tendre amitié me comble de plaisirs, Mais enfin vous devez vous rendre à mes desirs. Quand j'acceptay le Sceptre, avant que de le prendre Ma parfaite amitié fit voeu de vous le rendre, Et puisqu'enfin les Dieux m'en laissent le pouvoir, J'acquitte avec honneur mes voeux  ; mon devoir. Il est vrai, mes Ayeux ont porté la Couronne, Mais ce droit ne va pas jusques à ma personne. Ptolomée autrefois l'acquit par trahison, Quand un de vos Ayeux pour se faire raison D'un ennemy voisin, ayant quité l'Epire, Mon Ayeul Ptolomée envahit cet Empire. Seul vous estes le sang des legitimes Roys. On cede avec honneur ce qu'on a par le crime. Je ne le tiens du Sort qu'à titre de Tyran. Tremblez à ce seul nom d'horreur  ; de colere, Voyez Arsinoé, digne sang de son pere, Ce Monstre couronné triompher dans un rang Qu'un pere ambitieux acquit par tant de sang. Quoy, vous voudriez laisser le Sceptre à sa famille ? Je vous déthrônerois pour couronner sa fille ? Me reserveriez-vous à des crimes si grands ? Tombe plûtost sur moy tout le sort des Tyrans. Cessez de resister,  ; plus juste à vous mesme, Recevez de ma main la puissance suprême, Seur que l'offre du Thrône est beaucoup au dessous De ce que l'amitié voudroit faire pour vous. Helas ! si je vous aime ? Dois-je enfin m'expliquer,  ; me trahir moy-mesme ? Je tremble, je fremis,  ; mon coeur interdit... Il vous dit, Que cet amy si cher dont vous vantez le zele, Est un amy sans coeur, un lâche, un infidelle, Qui sous un faux éclat couvrant ses lâchetez... J'aime ; ma passion a trop de violence Pour pouvoir plus long-temps se contraindre au silence : Ouy, j'aime ; à ce seul mot vostre amour alarmé Ne vous apprend que trop l'objet qui m'a charmé. Je ne vous diray pas Combien pour n'aimer plus j'ay rendu de combats. J'aurois par mes efforts brisé la tyrannie De toute autre beauté que celle d'Ismenie, Et j'aurois veu ce coeur libre  ; victorieux, Si l'on pouvoit guerir du mal que font ses yeux ; Mais tout ce que j'ai fait croissant sa violence, Mes feux ont consumé toute ma resistance. Je ne veux point icy toucher vostre pitié ; Mon amour est un crime envers nostre amitié : Je devois étouffer tous les voeux⁎ de mon ame ; Je devois arracher ou mon coeur ou ma flame. Cependant (disons tout,  ; par ce souvenir Commence, ingrat amy, commence à te punir) Cependant loin d'en faire une juste vangeance, J'ay poussé jusqu'au bout mon ingrate constance. Par vostre éloignement, par le rang que je tiens, Par mes voeux qu'un divorce alloit rendre tous siens, J'ay crû pouvoir fléchir l'adorable Ismenie, Et prest d'abandonner tout l'espoir de ma vie, Je me sers de vous mesme  ; de vostre retour Pour un dernier secours que j'offre à mon amour ; Je tâche à vous tenter par l'offre d'un Empire, Et contre vostre amour tout mon amour conspire. Voila ce digne amy, cet amy si parfait ; Mais n'en soûpirez plus, vous serez satisfait, Je quitte tout pour vous,  ; voilà la vangeance Que tire l'amitié d'une amour qui l'offence. Si c'est assez pour elle,  ; si c'est vous cherir Que vous quitter le Sceptre, Ismenie,  ; mourir, Pour le prix du bonheur que je vous abandonne Daignez sans plus tarder accepter la Couronne, Et faisant qu'Ismenie excuse mon transport, Avec elle donnez quelques pleurs à ma mort. Adieu. Que Seleucus le garde,  ; m'en réponde. M'ayant fait voir tous deux de si beaux sentimens, Ce procedé confond tous mes raisonnemens. Quelle fuite jamais fut si précipitée ? Mais je la luy quitois⁎, pourquoy me l'arracher ? Que de divers transports mon ame est possedée ! Quoy ? l'enlever aprés que je l'avois cedée ? L'enlever,  ; m'oster par cet injuste effort Le fruit de mes douleurs,  ; le prix de ma mort ? Je luy rendois le Sçeptre,  ; dans mon zéle extréme Ne pouvant sans mourir luy quiter ce que j'aime, J'allois mourir pour luy, sans que mon amitié Par ces preuves de foy si dignes de pitié, Pour toutes mes douleurs,  ; pour toutes mes pertes Pretendist que l'honneur de les avoir souffertes, Et luy, que je comblois de gloire  ; de bon-heur, Le perfide, l'ingrat, me ravit cet honneur ? Pour remettre en ses mains la supréme puissance, J'entre dans les horreurs d'une indigne alliance, Je suis pour le sauver le gendre d'Artaban ; Et pour tant de bien-faits il me traite en Tyran ? Il m'enleve Ismenie, il s'enfuit avec elle ? Je te connoissois mal, amy trop infidelle. Craindray-je pour le Sçeptre ? il a pû l'accepter. Sans chercher ces raisons pour le charger d'un crime Dont je ne puis avoir de soupçon legitime, Cette fuite infidelle,  ; cet enlevement Sont les dignes sujets de mon ressentiment. L'ingrat !  ; je voulois luy quiter la Couronne ? Lâcheté trop infame où l'amour m'abandonne, D'un faux éclat d'honneur fantôme revestu, Ne prens plus dans mon coeur le tiltre de vertu. Qu'estes-vous devenus dans ce desordre extréme, Beaux desirs de regner, amour du Diadéme ? Vous qui devez remplir toute l'ame d'un Roy, Ay-je pû vous ceder pour un amy sans foy ? Reprenez pour toûjours l'empire de mon ame. Et vous, cheres ardeurs d'une immortelle flame, Que l'aveugle amitié trahissoit lâchement, Rallumez vous au feu de mon ressentiment. Ah ! Milon, que ne puis-je esperer d'Ismenie Quelque adoucissement à ma peine infinie ! Ah, que de cet ingrat je prendrois à mon tour Une douce vangeance  ; chere à mon amour ! Mais que puis-je esperer dans mon malheur extréme ? Dois-je armer contre luy ce qu'il quite pour moy ? Ce soupçon est injuste,  ; ta rage ennemie... Je hay la calomnie. Dy plûtost des Tyrans. Si l'on ne peut regner ou sans crainte ou sans crime, Je renonce à ce Trône injuste ou legitime. Il sçaura mieux que moy te punir de tes crimes. Pour moy, lâche ! fuy, Monstre,  ; ne reviens jamais. Qu'avec juste raison je bannis cet infame ! Le dangereux poison, qu'il verse dans mon ame M'a si fort déguisé⁎, que d'un esprit confus Je me cherche moy-mesme,  ; ne me trouve plus. Où sont tes sentimens autresfois si sublimes, Où l'amour des vertus, où la hayne des crimes ? Par quel bizarre effet, par quel déreglement Ce qui te fit horreur te paroist-il charmant ? L'amour ne sçauroit-il entrer dedans une ame Sans y jetter le trouble aussi-tost que sa flame ? Sera-t'il toûjours mal avecque la raison, Et ne peut-il regner sans quelque trahison ? Escoute enfin la voix du remors qui t'accuse, Tyran,  ; romps enfin le charme qui t'abuse. Mais quel charme⁎ plûtost qui t'empesche de voir Que Milon sert ma gloire,  ; soûtient mon devoir ? Il me veut conserver mon Sçeptre  ; ma Maistresse, L'autre me les ravit ; ah ! c'est trop de foiblesse. Gardes, suivez Milon ; je suis prest à l'oüir, Qu'il vienne, mon couroux vient de s'évanoüir. Je veux tout accorder au secours de ma flame, S'il faut perdre un amy, détrôner une femme, Je ne refuse rien pour en venir à bout, Et ce coeur amoureux est capable de tout. C'en est fait ; je suivray ton envie ; Perisse Arsinoé ; vive  ; regne Ismenie ; Meure Alexandre. J'y consens sans regret : Reviens. Dieux ! osez-vous entrer dans mon secret ? Ce lâche procedé marque vostre naissance : Mais vostre jalousie a pris trop de licence, Et de quelque dessein dont je vous sois suspect, M'éclairer⁎ de si prés c'est manquer de respect. Et bien, vous n'avez plus aucun doute dans l'ame, Vous estes éclaircie⁎, ; connoissez ma flame ; Vous avez découvert avec vos soins jaloux, Que j'aime une beauté plus aimable que vous ; Pour vous éclaircir mieux je veux bien le redire, Ismenie est l'objet pour qui mon coeur soûpire, M'entendez-vous, Madame ? instruite de mon choix, Songez à faire place au sang de tant de Rois, Allez luy raconter, mais sans reserve aucune, Que mon amour luy fait raison de sa fortune Qui n'a pas daigné mettre un Sçeptre dans ses mains, Dignes de gouverner l'Empire des humains. Ayant receu le mien, rendez-luy vostre hommage, Si vostre fier orgueil, vostre jalouse rage Ne peuvent s'abaisser à cette juste loy, Songez pour obeïr que je suis vostre Roy. Adieu, suivez mon ordre. Evitons leur presence. Quel advis ? Quoy ! vous me menacez ? Mais plûtost, ô bonté qui sans cesse m'accable ! Je menace sa vie,  ; loin de se vanger, Mon Rival m'advertit quand je suis en danger. Ah ! trop sensible amy d'un lâche  ; d'un perfide, Que ne te lasses-tu d'aimer ton homicide ! Que n'es-tu plus barbare, ou moy plus genereux ! Que n'es-tu moins sensible, ou moy moins amoureux ! Source de trahisons, de desordre,  ; de flame, Amour, rends-moy, Tyran, l'empire de mon ame. Voy quels troubles, quels maux vont produire mes feux ; Voy l'advis que m'en donne un Rival genereux. Est-ce vous qu'il faut que je soupçonne ? L'innocente ! osez-vous démentir Le crime dont le Prince a voulu m'advertir ? Dans ce soupçon mon ame est toute confirmée : La frayeur dont tantost vous estiez alarmée, Et qu'en vain vostre front tâche à dissimuler, Dit assez que c'est vous dont il vouloit parler. Cet orgueil me parloit avec tant d'asseurance, S'est-il évanoüy ? parlez, rasseurez-vous. Ah ! j'interprete mieux d'où vous naist cette crainte. Mais parmy tant de maux dont mon ame est atteinte, J'abandonne ma vie à tout vostre couroux, Je me livre à vos traits, je m'expose à vos coups. Soyez pour moy sans foy, sans pitié, sans tendresse ; J'ay trahy mon amy, j'ay trahy ma Maistresse ; Vangez-les, vangez-vous sur un Roy malheureux ; Soyez enfin pour moy ce que je suis pour eux : Accablé, desolé, par mon desordre extrême J'immole à vos fureurs ce reste de moy-mesme. Par l'exemple d'un pere instruite aux cruautez, Signalez⁎ jusqu'au bout le sang dont vous sortez, Et delivrez un Roy, par grace, ou par vangeance, Des horreurs de son crime  ; de vostre alliance. Viens achever mon dernier desespoir. Que dis-tu, Telamon ? A ce nom, quel espoir, quelle prompte allegresse Sur mes noires douleurs répand un si beau jour, Et remplit mon esprit de lumière  ; d'amour ? Ton conseil, cher Milon, me sera favorable : Mais pour mieux soûtenir un espoir adorable, De grace, sois toûjours mon unique secours ; Tu vois de tous costez qu'on menace mes jours ; J'aime encore des jours qui sont pour Ismenie, Je mets entre tes mains ma cruelle ennemie. Vous, cruelle, tremblez,  ; craignez mon pouvoir. **** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_arsinoe *date_1661 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_arsinoe Reduite à tout souffrir,  ; reduite à tout craindre, Ne puis-je devant vous que pleurer,  ; me plaindre, Et me permettre au moins au fort de mes malheurs L'usage infortuné des soûpirs  ; des pleurs ? Vous le sçavez, cruel,  ; j'en fremis dans l'ame ; Du glorieux bonheur  ; de Reyne  ; de femme Le vain titre, le nom seulement m'est resté, Et vous avez conclû⁎ qu'il me seroit osté. Alexandre revient,  ; votre aveugle zéle Comme à moy, comme au Thrône, à vous mesme infidelle, Rappelle cét amy, qui fier du nom de Roy Vangera son exil sur vous mesme  ; sur moy. Viens vanger, Artaban, l'honneur de ta famille, Viens destourner l'affront qu'on prepare à ta fille, Sors du tombeau, cher pere, avec ce grand pouvoir Qui sçavoit contenir chacun dans son devoir : Viens, viens pour reprocher au Roy qui m'abandonne, Qu'il a receu de toy son Sceptre  ; sa Couronne, Et que sans une indigne  ; noire trahison, Il ne peut maintenant l'oster à ta maison⁎. Renoncez à vos droits sans disposer du mien, Oubliez lâchement, ennemy de vous mesme, Qu'autrefois vos Ayeux ont eu le Diadéme. Il me souvient combien pour acquerir ce rang Aux amis de mon pere il a cousté de sang : Comme il est sa conqueste, il est mon heritage ; J'en garde sans remords le superbe avantage⁎, Si vostre coeur en souffre un lasche repentir, Le Thrône est tout à moy, vous en pouvez sortir. Si le Ciel veut du sang, je seray sa victime, Tombe, tombe sur moy tout le courroux des Cieux : Je m'offre sur le Thrône à la foudre des Dieux. Si j'avois son pouvoir ainsi que sa colere... Tant de sanglants⁎ mespris Me l'ont depuis trois mois cruellement apris : S'il vivoit... C'est peu, c'est peu, perfide ; avec mesme injustice Brise un hymen qui fait ma honte  ; ton suplice, Acheve de me perdre,  ; dans ce triste jour Comble le desespoir de ma fidelle amour. Songe au moins de quels fruits ma flame fut suivie : De l'amy que tu sers j'ay racheté la vie ; Sans cét hymen, mon pere alloit trancher ses jours, Et tu dois Alexandre à ce tendre secours. Toy, rends-moy mon amour, mon Throsne, ma franchise⁎. Tu ne peux les quitter, ny les garder sans moy ; Adieu, sois si tu veux mon Espoux  ; mon Roy ; Je n'y renonce point malgré ta perfidie ; J'en veux tousjours garder l'esperance  ; l'envie : Mais n'espere jamais d'un parjure odieux Estre quitte envers moy, ny quitte envers les Dieux. Qu'entens-je ! O Dieux ! Est-ce un charme, est-ce un songe, Qui dans une erreur folle,  ; m'entraîne,  ; me plonge ? Le traistre a déjà fait un choix à son amour : Celle que sa beauté fait regner dans ma Cour, Que je hay d'autant plus qu'elle est plus adorée, Pour comble de malheurs me sera préférée. Le perfide a-t'il crû qu'il s'adressoit à moy ? Est-ce à moy qu'il parloit, à moy, qui l'ay fait Roy ? Ah, Tyran, fuis aux traits de ma juste colere, Si le Trône est mal seur contre ceux de mon pere, Crains en moy la fureur de mes fameux parens, D'une race fatale à l'orgueil des Tyrans. Souviens-toy par quel sang  ; par quelle victime Artaban te vendit un Trône illegitime. Tyran, je suis son sang, j'ay sa rage en mon sein, Son orgueil dans mon coeur,  ; sa foudre en ma main. Mais que fais-je ? quelqu'un pourroit icy m'entendre. C'est toy, Milon, reviens ; je te veux tout apprendre. Arreste ; il faut enfin que tu sois éclaircy. Telamon, ayez soin qu'aucun ne nous surprenne. Milon, tu viens de voir un éclat de ma haine, Tu sçais que mon amour est l'unique secours A qui Demetrius doit sa gloire  ; ses jours ; Mesme encore pour luy je sens quelques tendresses ; Mais il est temps enfin d'étouffer ces foiblesses, Tu vois mes déplaisirs, tu vois si j'ay raison D'armer la trahison contre la trahison, Qui s'apreste à trahir consent qu'on le trahisse. Enfin si ce dessein avoit moins de justice, Il ne se seroit pas étably dans mon coeur, Avec tant de repos, de calme,  ; de douceur. Depuis que mon esprit le contemple  ; l'embrasse, Nul penser pour le Roy ne m'a demandé grace ; Tous demandent sa mort ; maintenant c'est à toy D'en advertir le traistre, ou de te joindre à moy. Pour t'engager à suivre ma querelle⁎, Ne t'imagine pas qu'en ce lieu je rapelle Tant de bien-faits receus d'Artaban  ; de moy ; Aux vrais hommes de Cour, aux hommes comme toy, C'est un foible motif que la reconnoissance ; Oublier les bien-faits c'est leur haute prudence ; Il faut, à qui s'en sert,  ; les veut retenir, Le charme du present, l'espoir de l'advenir. Laisse à part mes faveurs  ; celles de mon pere, Et songe seulement à ce que je puis faire. Tu te vois Favory, mais d'un Maistre inconstant, Difficile à garder, inquiet, mécontent. Veux-tu toûjours marcher entre ces précipices ? Voicy pour en sortir des momens fort propices. Ose, prens coeur, suy-moy d'un pas ferme  ; constant ; Le Tyran mort, Milon, la Couronne t'attend. Pour perdre qui trahit tout semble legitime. Toy, parler de remors ? ô Dieux, quelle impudence ! Milon m'ose parler d'honneur  ; d'innocence ? Avec quel front, cruel, à mes yeux oses-tu Me faire des leçons d'honneur  ; de vertu ? Toy, l'amy d'Artaban... Je reconnois Milon à ces beaux mouvemens. Ces seuretez pour moy sont fort à dédaigner ; Je songe à me vanger,  ; non pas à régner, Et ce coeur amoureux cherche à punir un traistre, Plus pour mourir vangé, que pour vivre sans Maistre. Leur étroite amitié nous deffend ce secours. Mais comment l'engager dans nostre confidence ? Adieu, je ne la veux que pour te faire Roy. Avec ton Prisonnier je seray peu de temps ; Laisse-moy ; tu nuirois à nostre confidence. Me fuyez-vous, Seigneur ? La femme de ton Roy. Quoy ? Seigneur, est-ce ainsi qu'on traite mon époux ? Avez-vous oublié ce qu'il a fait pour vous ? Ne vous souvient-il plus avec quelle tendresse Pour défendre vos jours, pour sauver la Princesse, Contre les interests de sa propre grandeur, Contre ses amis mesme animant sa valeur, Sans épargner le sang de qui prit sa querelle, Au grand art de regner il parut infidelle ? C'est à ses grands efforts que vous devez le jour ; C'est luy seul qui sauva l'objet de vostre amour. Ah ! ce ressentiment est si digne de vous, Que mon coeur prés de luy s'allume de couroux. Quelque noeud qui m'attache au sort de ce parjure, Je vous offre ma main pour vanger vostre injure, Contre la tyrannie,  ; l'injuste fureur Tout me semble permis, tout crime est sans horreur. Refusez-vous l'offre d'une ennemie ? Ta foiblesse merite un destin plus contraire. Est-ce agir en homme genereux ? O succez malheureux ! Il va tout dire au Roy. Ah ! Prince genereux ! Quoy ! Seigneur ? Moy, grands Dieux ? Je me trouble ; il est vray, mais c'est pour mon époux. De mes tendres frayeurs ignorez-vous la cause ? Voyant à quels perils vostre amour vous expose, Par le funeste advis qu'on vient de vous donner, Sur ce trouble amoureux m'osez-vous soupçonner ? Nous sommes seuls, parlons, agissons sans contrainte, Tu vois pour t'avoir crû le peril que je cours, Pour avoir d'Alexandre imploré le secours. Prevenons promptement sa haine, ou sa foiblesse ; Le Prince en a trop dit,  ; je crains la Princesse : Elle va voir le Roy, peut-estre avec dessein De calmer sa fureur en luy donnant la main. Perdons sans differer ma superbe Rivale ; Sa vie à l'un ; l'autre est funeste ; fatale⁎ ; Allons, allons sur elle essayer nos fureurs. D'où viennent ces frayeurs ? Quoy ! faut-il d'un tel sang faire nostre victime ? Pardonne ce remors, L'amour en expirant fait ses derniers efforts⁎ ; Mais malgré cet amour je te livre une vie Qui doit estre le prix de celle d'Ismenie : Perisse cet ingrat qui me manque de foy, Par ce sanglant traité, Milon, je suis à toy. Je te répons de luy. Quoy ! tu m'oses attendre,  ; mon époux est mort ? Qu'as-tu fait de mon Roy ? rens-le moy, parricide. Cruel, mon repentir a prévenu⁎ ma main, Et si ma jalousie en forma le dessein, Barbare, as-tu bien crû qu'un amour en colere Aux dépens de mon coeur se voulust satisfaire ? L'amour dont pour mon Roy je brûlois dans mon coeur N'estoit pas moins amour quoy qu'il fust en fureur. Quand je cours immoler une si chere vie, Et qu'un soudain transport m'en fait perdre l'envie, Veux-tu de mon amour un témoin plus certain, Que ce tendre remors qui fait trembler ma main ? Tu feins de me vanger pour ton seul avantage, Acheve pour regner les effets de ta rage, Je suis toûjours, je suis pour ta confusion Un obstacle eternel à ton ambition : Romps ce fatal obstacle, ose tout entreprendre ; Mesle mon sang au sang que tu viens de répandre. Acheve enfin. Tout ce que ma douleur me laissera de vie, Je ne veux l'employer qu'à trahir ton envie. Penses-tu me flater aprés la mort du Roy De l'execrable espoir de regner avec toy ? Lorsque je te promets ma main  ; la couronne, Lors qu'à ces lâchetez ma douleur m'abandonne, As-tu crû profiter de mon aveuglement ? Ma fureur promit tout sans mon consentement : Maintenant que la mort d'un époux adorable Semble te faire au Trône un chemin favorable, Pour regner malgré moy, traistre, n'épargne rien ; Aprés le sang du Roy, perfide, prens le mien. Grand Roy, qu'ont aveuglé les conseils d'un infame, Cher époux qu'a trahy ta malheureuse flame, Accepte mon remors,  ; dans mon desespoir Voy que je songe au moins à faire mon devoir. Toy qui veux m'épargner, pour t'en oster l'envie, Je sçauray te forcer à m'arracher la vie. **** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_alexandre *date_1661 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_alexandre Ces respects de Sujet sont deus à vostre Maistre, Je vous pardonne en Prince,  ; ce n'est pas à moy A recevoir de vous ce qui n'est dû qu'au Roy. Moy, que j'oste le Sceptre à qui je doy la vie, A vous, à qui je dois le salut d'Ismenie ? C'est peu de vous ceder l'Empire de ces lieux, Cher Prince, c'est un bien qui fut à vos Ayeux ; Je fais en vous laissant la supréme Puissance Un acte d'équité, non de reconnoissance, Et ma juste amitié doit rechercher ailleurs D'autres occasions à montrer ses chaleurs. Vous ne pouvez sans honte abandonner vos droits. La Fortune vous rend un Thrône legitime. Le Ciel se sert pour vous du crime d'Artaban. Ce qu'elle fait pour moy va jusques à l'offence ; Me presser d'accepter la suprême puissance, C'est m'appeller ingrat, lâche,  ; me reprocher Que je ne suis venu que pour vous l'arracher. Ah ! pour me dérober à ce reproche infame, Bien plus que de ceder le Sceptre à vostre femme Je verrois sans murmure  ; sans ressentiment Artaban à mes yeux regner impunément. Mon coeur ne conçoit point de suplice si rude Que de vivre un moment suspect d'ingratitude, Et ce Monstre adoré des coeurs ambitieux, D'une invincible horreur frape toûjours mes yeux. Doncques si vous m'aimez... Que me dit cette peur, ce desordre ? Que vous reprochez-vous aprés tant de bontez ? Ah, Prince... c'est donc là ce malheur, ma Princesse, Dont vous avez tantost menacé ma tendresse. Ah ! Destins ennemis ! Suy ton Maistre,  ; me laisse. Amy, cruel autant qu'on peut l'imaginer, Ne m'as-tu rappellé que pour m'assassiner ? Où me reduisez-vous, desordre de mon ame, Pensers précipitez de devoir  ; de flame, Sentimens d'amitié, de confiance,  ; de foy, Tendresse, honneur, pitié, que voulez-vous de moy ? Sans foule expliquez-moy quel dessein est levostre ; Laissez-vous discerner ; parlez l'un apres l'autre ; Appaisez un tumulte, un trouble où je ne puis Ny sçavoir, ny souffrir, ny vaincre mes ennuis⁎. Mourra-t'il ce grand Prince à qui je doy la vie ? Mais m'ose-t'il parler de ceder Ismenie ? Car enfin je voy bien où s'attache son choix. Qu'il garde ma Grandeur, je luy cede mes droits ; Je donne à ses desirs tout, horsmis ma Princesse. Ciel, par l'amour du Thrône affoiblis sa tendresse. Puissans Maistres des coeurs, rendez-le, justes Dieux, Un peu moins amoureux  ; plus ambitieux, Cher  ; cruel amy, regne,  ; souffre que j'aime. Dieux ! qu'est-ce que je voy ? ma Princesse, elle mesme. Rendez-vous cet honneur au rang que je n'ay plus ? Ces excés de bonté me rendent tout confus. Sçavez-vous le succez⁎ d'un funeste retour ? Ouy, ce cruel amy m'en a fait confidence, Et j'apprens des malheurs pires que mon absence : Mais, ma chere Princesse, estre amis  ; Rivaux, Helas ! ce n'est pas là le plus grand de mes maux. Que je serois heureux s'il prenoit cette voye ! Ma constance verroit sa menace avec joye, Et ce coeur genereux pourroit mieux s'attacher Aux biens que sa fureur me voudroit arracher. Mais il me rend le Thrône,  ; me cede Ismenie, Et quand il veut quitter Thrône, Maistresse,  ; vie, Vous pouvez bien juger par ce grand desespoir, Qu'il me demande tout,  ; qu'il veut tout avoir ; Il m'arrache en mourant à tout ce qu'il me donne, Et met par là si haut les biens qu'il m'abandonne, Que pour m'en rendre digne il faut y renoncer, Et que ma seule mort le peut recompenser. Que dites-vous, Princesse ? Ismenie, elle mesme Me condamneroit-elle à perdre ce que j'aime ? Elle mesme à ma flame imposer cette loy ? Helas ! à quelle gloire aspire vostre coeur ! Puis-je regner sans vous,  ; vivre avec honneur ? Si vous avez dessein de sauver l'un  ; l'autre, Et de justifier son amour  ; le vostre, Montez dessus le Thrône,  ; par ce doux espoir Consolez mon amour,  ; servez mon devoir. Regnez sans éclaircir ma triste destinée. Regneray-je sans vous,  ; vivrez-vous sans moy ? Non, non, connoissez mieux toute ma destinée ; D'un costé regardez l'amour infortunée ; Et puis jettez les yeux sur la triste amitié. Où peut-on voir un sort si digne de pitié ? Ce cher Demetrius qui m'a sauvé la vie, Luy qui seul m'a sauvé mon aimable Ismenie, Perdra-t'il tout son bien, vous, l'Empire,  ; le jour ? Quel que soit son motif, n'ostons rien à sa gloire : Quand je pourrois douter de ce que j'en dois croire, Puis-je sans estre indigne  ; de vous  ; du jour, Perdre un amy si cher,  ; trahir son amour ? Dans l'estat malheureux où ma flame est reduite, Mon honneur ne se peut sauver que par la fuite ; Je ne puis vous ceder, ny regner qu'avec vous : Tout party m'est fatal⁎ ou peu digne de nous ; Et de peur de choisir je fuis vostre presence. Seule reglez mon sort ;  ; sur cette asseurance Je prens congé de vous,  ; vay dans ce moment Revoir les tristes lieux de mon bannissement : De là, si de deux biens que pour luy j'abandonne, Mon Rival veut choisir,  ; garder la Couronne, Vostre Amant viendra passer à vos genoux Des jours, que par vostre ordre il gardera pour vous. Peu sçachant ma venuë, Ma fuite cette nuit en sera moins connuë : Un prompt depart faisant douter de mon retour, Peut épargner un peu de honte à mon amour. Quoy, vous pleurez, Princesse ? Adieu, je fuis des pleurs qui tentent ma tendresse, Et vay dans mon exil attendre un sort plus doux, Et du temps,  ; des Dieux,  ; plus encor de vous. Ces cruels traitemens ont droit de me surprendre. Quoy ? me faire arrester, refuser de m'entendre, M'arracher Ismenie,  ; m'oster la douceur De pouvoir auprés d'elle alleger ma douleur ! Quand je quite pour luy Trône, vie,  ; Maistresse, Il ose soupçonner ma fuite  ; ma tendresse. Quel charme m'a ravy mon cher Demetrius ? Est-il si fort changé ? ne me connoist-il plus ? Et je la pourray voir mon aimable Ismenie ? Tu rends à mon amour une joye infinie ; Ces bontez d'un Rival, ces retours de pitié Me font voir dans son coeur un reste d'amitié. Me viens-tu conseiller par les avis d'un traistre ? Viens-tu sonder mon coeur en condamnant ton Maistre ? Garde à Demetrius ton zéle  ; tes respects ; Puisque le Sort, les Dieux,  ; ma reconnoissance Ont mis dedans ses mains la supréme puissance, Lâche, revere en luy le sacré nom de Roy, Et prens de ton devoir, prens l'exemple sur moy. Qu'il soüille ce grand Nom par celuy d'infidelle, Je ne veux écouter, ny corrompre ton zéle. Il regne, j'y consens,  ; fais ce que je dois : Apprens par mes respects ce que l'on doit aux Rois. Si tu veux m'obliger sans honte ; sans foiblesse, Hâte ce doux moment qui me rend ma Princesse ; Je crains... Seleucus, je la voy. Vous puis-je encor revoir ? qu'en l'estat où je suis J'ay souffert loin de vous de peines  ; d'ennuis⁎ ! Mais quoy ? vous paroissez étonnée⁎, interdite. Je tremble, je fremis, Madame, à vous entendre, Princesse, si vos loix m'ordonnent de perir, Il faut que mon Rival partage ma fortune ; Que nous tombions tous deux d'une chûte commune, Ou que vostre pitié songe à me secourir. DEMETRIUS. Je te plains, pauvre Prince,  ; ne te puis haïr. Des conseils de l'amour voyez la tyrannie, Ou plûtost admirez le pouvoir d'Ismenie, Dont les traits par un sort trop digne de pitié Blessent d'un coup mortel une illustre amitié. Je sçay sur tous les coeurs ce que peut ma Princesse ; Tous ces déreglemens qu'enfantent ses beaux yeux, Sont la gloire du Monde,  ; la faute des Dieux : Le Roy n'a pû forcer⁎ les transports de sa flame, Vous voyez son dessein ; mais le vostre, Madame ? Mourray-je ? ou mon Rival a-t'il lieu d'esperer ? Un Roy comme un amy n'est pas à redouter : Contre un amy ceder c'est gagner la victoire, Contre un Roy resister c'est se couvrir de gloire : Qui cede à son amy, s'il en eust eu le choix, N'auroit pas consulté pour combatre cent Rois. Et ne resister pas, C'est me donner cent morts pires que le trépas. Me reserveriez-vous à ce malheur extrême De voir à mon Rival posseder ce que j'aime, Et me faire vous mesme un si funeste sort, Pensez-vous que ce soit m'arracher de la mort ? C'est joindre l'infamie à ma triste avanture, C'est oster tout leur prix aux peines que j'endure, Et par des cruautez qui font fremir mon coeur, C'est m'attacher mourant au char de mon Vainqueur. Me feriez-vous, Princesse, un destin si contraire⁎ ? Percez ce coeur de mille coups ; Adjoûtez ce reproche au mal qui me devore : Ouy, je l'aimois, Princesse,  ; ce coeur l'aime encore ; Quand j'ay veu les effets de sa triste amitié, Je ne le cele⁎ point, ses maux m'ont fait pitié ; J'ay senty comme luy leur violence extrême, Je l'ay plaint ; j'ay voulu, trop contraire à moy-mesme, Malgré les sentimens de ce coeur amoureux, Me perdre, vous quiter,  ; le laisser heureux. Pardonnez-moy des voeux qui vous ont outragée ; Mon amitié par eux pleinement dégagée, Si j'ay cedé tantost à son feint desespoir, Souffre que mon amour s'oppose à son pouvoir. Madame, c'en est fait : sa violence extrême Me rend à mon amour, ou plûtost à moy-mesme : Tout mon coeur maintenant agit en liberté. Si j'ay contre un amy foiblement resisté, Maintenant qu'un Tyran me declare la guerre, Seul je vous défendray contre toute la terre ; Sans que quelque fureur dont je sente les coups Mesme dans mon trépas me separe de vous. Te dois-je pas, Rival, une grace infinie, Non à ton amitié, mais à ta tyrannie, Puisque ta tyrannie enfin m'a redonné Ce qu'à ton amitié j'avois abandonné ? La gloire de mourir pour vous avoir servie ; Et si vous consentez à mon dernier orgueil, La gloire d'estre aimé mesme dans le cercueil. Alors que je cedois à l'amitié fidelle, Je fuyois, je mourois, je quitois tout pour elle ; Mais m'en voyant trahy, par un destin bien doux Je rends tout à l'amour,  ; je meurs tout pour vous : Esclave seulement de la belle Ismenie, Je vay par mon amour braver la tyrannie ; Victime d'amitié, j'allois perdre le jour, Et je mourray pour vous en Victime d'amour. Quel dessein est le vostre ? Puis-je vivre,  ; vous voir entre les bras d'un autre ? Est-ce là le secours qu'on offre à mes douleurs ? Le Tyran veut enfin⁎, ma mort, ou ma Princesse. Qu'avez-vous resolu ? quelle est cette entreprise ? Est-il quelque secret qui le soit entre nous ? Accablé de douleurs, sans vous, sans esperance... Quoy ? Madame... Que ton dessein me jette en un desordre extrême ! Qu'a-t'elle resolu ? mais n'ay-je pas sa foy ? J'ay son coeur ; c'est assez, Ismenie est à moy : Je n'ay plus rien à craindre avec cet avantage. Ciel, Enfer, Dieux, Mortels, que toute vostre rage Fasse tomber ses traits sur des voeux si contens⁎... Que voy-je ? Arsinoé ? Dieux, fuyons sa presence. S'adresse-t'elle à moy, La fille d'Artaban ? Ennemy des Tyrans, du Trône,  ; de ma flame, J'abhorre également  ; sa fille  ; sa femme. Achevez ce reproche,  ; dites tout, Madame ; Dites qu'il m'a sauvé par un Hymen infame, Qu'il sauva ma Princesse en vous donnant la main, Et qu'enfin c'est pour nous qu'il s'est fait Souverain ; Mais s'il sauva mes jours  ; ceux de ma Princesse, De ce qu'il m'a donné voyez ce qu'il me laisse : Il demande Ismenie,  ; menace mes jours : Dois-je pas détester ce funeste secours ? Qu'a fait son amitié que n'ait détruit sa rage ? Que ne me laissoit-il dans ce sanglant naufrage, Où mon Trône tombant je serois mort en Roy ? Le Tyran me creusoit l'abysme où je me voy : Connoissant le pouvoir qu'il avait sur mon ame, L'ingrat ne me sauva que pour servir sa flame, Pour me desesperer par un faux desespoir, Faire perir ma flame,  ; trahir mon devoir ; Voilà ce que je dois à cet amy fidelle. Vous, qui me reprochez la grandeur de son zéle, Qui femme d'un amy qui devient mon tyran, Ne m'offensez pas moins que fille d'Artaban, Venez-vous m'insulter, ou braver ma colere ? Si la mort à ma haine a ravy vostre pere, J'ay de quoy me vanger ; vostre époux vit encor, Et puisqu'il veut m'oster mon unique tresor, Qu'il n'attende plus rien d'une amitié blessée, D'un devoir violé, d'une amour offensée. O Dieux ! Va porter loin de moy ta lâche perfidie ; Laisse à mon innocence à guerir mes douleurs : Tes conseils me feroient meriter mes malheurs. Digne d'un tel époux,  ; digne d'un tel pere, Dans le ressentiment où ta fureur m'a mis, Tu me fais plus d'horreur que tous mes ennemis. Oses-tu me choisir pour l'effroyable crime Qui doit faire perir ton époux legitime ? Si mon ressentiment demandoit son trépas, J'irois faire la guerre,  ; non des attentats. Je dois, Demetrius, excuser ta furie, De cette infame Cour l'horreur te justifie ; En vain dedans ces lieux ta gloire a combatu, Si tout ce qui t'approche a soüillé ta vertu. Barbare, qui t'inspire une action si noire ? D'un si sensible affront je vangeray ma gloire ; Le Roy vient. Je sçay ce que je dois. Demetrius, écoute un advis d'importance : Arreste. Malgré les traitemens que j'ay receus de toy, Quand les avis d'un traistre aveuglant ta conduite, Te font craindre ma haine,  ; soupçonner ma fuite, Cet amy malheureux te voyant en danger Par zéle  ; par pitié t'advertit d'y songer ; Mais apprens que du Ciel la puissance suprême Aprés ce grand secours t'abandonne à toy mesme, Et peut-estre le trait que retenoient ses soins Va partir de la main dont tu l'attens le moins. Aprés ta violence, Ce n'est plus ton respect qui m'impose silence, Et si d'autres motifs ne retenoient mon bras, Alexandre trahy ne menaceroit pas. M'as-tu crû hors du Trône avec tant de foiblesse, Pour te précipiter du rang où je te laisse ? M'as-tu crû sans amis, sans force,  ; sans pouvoir ? Rentre enfin en toy-mesme  ; songe à ton devoir. Surtout n'offense pas l'adorable Ismenie ; Espuise sur moy seul ta lâche tyrannie. Songe que si je veux croire la trahison, Je puis braver ta haine  ; rompre ma prison. C'est peu de ce secours qu'on offre à ma vangeance : Peut-estre encor le peuple arme pour ma défence. Ose, si tu le peux, te défier de moy : Moy seul que tu trahis, moy seul je suis pour toy. Mon malheur m'a forcé de te devoir la vie : Je veux te la devoir malgré ta perfidie, Mais en t'advertissant qu'on menace tes jours, Je te rends ton bienfait par un si grand secours. Adieu, joüis, ingrat, de ma reconnoissance : Un reste d'amitié s'oppose à ma vangeance, Et si tous ont pour toy mesme fidelité, Tu vivras plus heureux que tu n'as merité. Je vous revois aprés tant de malheurs. Qu'un court éloignement m'a coûté de douleurs ! Mon ame à vos perils fortement attachée, De la mort d'un amy n'est qu'à demy touchée, Que dans un autre temps, quoy qu'il m'ait fait souffrir, A peine j'aurois pû suporter sans mourir. Telamon en mourant m'a tout appris, Madame. Helas ! je tremble encor des perils de ma flame : Mais calmons ces frayeurs, Arsinoé n'est plus, Seleucus l'a suivie,  ; Milon tout confus, Suivy, pressé des miens nous va faire justice. Vangeons Demetrius par ce grand sacrifice. Ne crains rien. Va, monstre furieux, ta derniere injustice Est d'avoir en mourant évité ton suplice. Allons de tant d'horreurs purger ces tristes lieux, Et d'un si grand succez rendre graces aux Dieux ; Et demain nous pourrons avec plus d'allegresse Par un illustre Hymen couronner ma Princesse. **** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_ismenie *date_1661 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_autres *role_ismenie Que pourray-je vous dire ? Le Prince d'un malheur va tomber dans un pire ; Je pleurois son exil,  ; ce triste retour Plus que son exil mesme afflige mon amour, Ce grand Prince en Sujet osera-t'il paroistre ? Viendra-t'il dans ces lieux y voir un autre Maistre, Et l'exposerez-vous à ce nouveau malheur, De mourir à vos pieds de honte  ; de douleur ? Je veux que par l'effort de sa reconnoissance Il vous laisse jouyr de toute sa puissance, Et que pour prix des jours qu'il tient de vostre main, Il cede sans rougir le pouvoir souverain ; Puis-je voir sans trembler une si belle vie Exposée aux perils d'une Cour ennemie ? Voir ce beau sang en proye à deux monstres jaloux, A la Reyne, à Milon,  ; (le diray-je) à vous ? Ouy, vous mesme, Seigneur, voyant sous vostre Empire Le vainqueur d'Ismenie,  ; le maistre d'Epire, Si vous craignez un jour sa flame  ; son pouvoir, Vous sentez-vous plus fort que vostre desespoir ? Je ne connois que trop l'excés de cet amour, Il sauva mon Amant, il m'a sauvé le jour. Vostre vertu, Seigneur, qui n'a point de seconde, Vous acquerroient les voeux de tous les coeurs du monde, Si vostre injuste amour n'en ternissoit l'appas ; Et je vous aimerois, si vous ne m'aimiez pas. Immolez un amour fatal à vostre gloire, Au bon-heur d'un amy cher à vostre memoire ; Quoy que fassent pour luy l'amour  ; l'amitié, Alexandre est toûjours un objet de pitié, Et dans ce triste état sans cesse il vous impute Le peu d'espoir qu'il a de relever sa chûte. Laissez ce malheureux, loin de vous, loin de moy, Avec l'espoir un jour de revenir en Roy. Ah ! si vostre amitié pouvoit en sa faveur Jusqu'à ce grand effort élever vostre coeur, Qu'elle auroit à mes yeux de merite  ; de gloire ! Laodice, est-il vray ce que je viens d'entendre ? Je puis par son adveu⁎ couronner Alexandre, Et relever le sort d'un Monarque abatu, Prés d'un si beau succez, mon amour, trembles-tu ? Ouy, je sens, Laodice,  ; qu'il tremble  ; qu'il doute : Voy ce qu'on me demande,  ; le prix qu'il me coûte. Pour rendre à mon Amant la qualité de Roy, Il faut que j'aime ailleurs,  ; qu'il regne sans moy. Cruel Demetrius, qu'est-ce que tu m'ordonnes ? En m'ôtant mon Amant voy ce que tu luy donnes ; Pour perdre nostre amour tu luy rens sa Grandeur ; Et pour prix d'un devoir tu demandes mon coeur. Tu te sers, inhumain,  ; non pas Alexandre ; Tu luy vens des honneurs que tu devois luy rendre. Si pour tant de perils je craignois son retour Je n'avois pas préveu celuy de mon amour. Mais helas ! mon amour, tu te trahis toy-mesme, Quand on aime il suffit de servir ce qu'on aime, Luy conserver un Sceptre,  ; peut-estre le jour ; Que pretend davantage un veritable amour ? Cache-moy des malheurs dont je fremis dans l'ame. Je ne crains que l'effort qui m'arrache à mes feux : Soûtiens avecque moy cet amour malheureux. Il a besoin de force,  ; je sens sa foiblesse ; J'écoute son devoir, mais je crains sa tendresse. Allons voir mon Amant qui revient dans ces lieux, Travaillons pour sa gloire,  ; mourons à ses yeux. Aprés les longs ennuis d'une cruelle absence, J'oublie une legere  ; foible bien-seance. Helas ! Demetrius vous a dit son amour. Par quels autres malheurs la Fortune ennemie Peut-elle encor troubler une si belle vie ? Le Tyran préferant sa flame à son devoir, Menace,  ; veut sans doute user de son pouvoir ? Ah ! Seigneur, moderez l'excés de ce grand zele, Imitez les ardeurs de cet amy fidelle : Mais voyez jusqu'où va sa generosité ; Il a choisi, cher Prince,  ; n'a pas tout quitté. Il m'a plûtost qu'à vous ouvert toute son ame, Et bornant son espoir aux douceurs de sa flame, Il choisit de deux biens ce qui plaist à ses yeux, Et vous rend le plus grand,  ; le plus glorieux. Prince, vous ne pouvez disposer que de moy. Vous croyez-vous permis de ceder la Couronne ? Vous devez la reprendre,  ; l'honneur vous l'ordonne, Tout l'Empire aujourd'huy vous presse par ma voix De luy rendre le sang des legitimes Roys. Voyez quels sentimens vostre devoir m'inspire ; Malgré tout mon amour je vous cede à l'Empire. Par cet effort mortel que je fais sur mon coeur, Pour payer vostre amy sans trahir vostre honneur ; Par ces larmes qu'arrache un si grand sacrifice ; Par cet amy si cher  ; si plein d'injustice, Escoutés un devoir de vostre rang jaloux : Cedez vostre Ismenie, elle dépend de vous. J'immole tout mon coeur aux soins de vostre gloire ; Ne me dérobez pas cette grande victoire, Et qu'on dise par tout aprés un si beau choix, Ismenie a sauvé le plus grand de nos Roys, Et pour le couronner cedant tout ce qu'elle aime, Son amour s'est fait voir plus grand que l'amour mesme. Vous vivriez donc sans moy, si j'étois couronnée ? Pour la remplir, Seigneur, vous devez estre Roy. Prince, connoissez mieux le but de son amour. Il ne me cede pas en cedant la Couronne, Et si vous méprisez ce qu'il vous abandonne, Voyez que cet amy par un faux desespoir Ainsi que vostre amour trompe vostre devoir. Quoy, me quitter si tost ? Ah ! devoir trop cruel ! Il fuit,  ; cette fuite est d'un si grand merite, Que si son coeur eust pû se rendre à d'autres soins, Peut-estre mon amour l'en estimeroit moins. Peut-il vivre en ces lieux sans honte  ; sans foiblesse ? Trahira-t'il l'espoir de son liberateur ? Regnera-t'il sans moy ? vivra-t'il sans honneur ? Tu sçais mal les devoirs d'une ame delicate : Pour fuir le nom d'injuste,  ; le titre d'ingrate, Elle peut negliger ce qu'elle aime le mieux ; Et dans l'ordre des biens qui luy sont precieux, Quelque amere douleur qu'en souffre sa tendresse, L'honneur est un degré plus haut que la Maistresse. Il ne se dément point, tu sçais avec quel coeur Il souffrit sa disgrace en quittant sa Grandeur : Le Roy toûjours fidelle à sa reconnoissance, Semble avoir oublié son Thrône  ; sa vangeance, Et de ses Alliez negligeant le secours, Sa vertu fait partout la gloire de ses jours. Cependant qu'il est dur de voir fuir ce qu'on aime ! Je ne sçay quoy m'entraine,  ; m'arrache à moy mesme. Allons suivre le Prince,  ; dans les mesmes lieux Attendre un meilleur sort  ; du temps  ; des Dieux. Excuse ma foiblesse, Voy les biens que je suis,  ; les maux que je laisse. Un Roy m'aime en ces lieux, un Roy peut tout oser, Et cette seule crainte a de quoy m'excuser ; Mais je crains plus encor de mon amour extrême ; Puis-je aimer, puis-je vivre,  ; perdre ce que j'aime ? Ou la fuite, ou la mort. Laissez ce moment libre à nostre confidence. Prince, à quoy pensez-vous devoir cette visite ? Ce n'est point aux faveurs d'un amy genereux ; C'est à la cruauté d'un Tyran amoureux : De ce fatal écrit vous le pourrez apprendre. Voilà cet amy magnanime Qu'on ne pouvoit quiter ny refuser sans crime, Et pour qui vostre amour m'ose presque trahir. Excusez-vous encor sa rage  ; sa foiblesse ? Est-ce moy qu'on choisit pour en deliberer ? Nos malheurs sont trop grands pour la foible Ismenie, Et cet injuste choix a trop de tyrannie. C'estoit tantost à vous, maintenant c'est à moy, Tantost contre un amy, maintenant contre un Roy ; Nous avons, vous  ; moy, de grands combats à rendre, Vous avez succombé, quel succez⁎ puis-je attendre ? Où vous avez cedé, pourray-je resister ? J'aurois pour ce combat de legeres alarmes Si vostre amy n'avoit toûjours les mesmes armes ; Mais usant envers vous de force ou de douceur, C'est par vous seulement qu'il attaque mon coeur. Dans quelle extrémité me reduit sa menace ? Resister est sur vous attirer sa disgrace, C'est perdre ce que j'aime. Vous aimez le Tyran, moy je crains sa colere : Parce qu'il vous est cher,  ; que je crains pour vous, Ne dois-je pas... Que vous redonne-t'il s'il vous oste la vie ? Ah ! vous ne mourrez point. Je ne seray qu'à vous malgré tous nos malheurs. Laissez agir pour vous ma gloire  ; ma tendresse : Je conçois un dessein grand, noble, genereux, Un dessein plein de gloire,  ; digne de tous deux. Je vous aime, Seigneur, que cela vous suffise : Mon amour fait luy seul ce que je fais pour vous. Adieu, le Roy m'attend avec impatience. Telamon vient à nous ; avant la fin du jour Tu sçauras ce que peut un veritable amour. Obeïs, laisse-moy, vis,  ; m'aime. Quel injuste pouvoir, Quelle estrange licence aujourd'hui t'authorise A te rendre en ces lieux maistre de ma franchise⁎ ? Par ma main, imposteur ! Ose-t'on m'imputer les effets de ta rage ? D'un poignard arraché pers-tu le souvenir ? Dieux ! me condamniez-vous à ce sanglant outrage ! Quoy ! le perfide autheur de tous nos déplaisirs, Jusqu'à moy, jusqu'au Trône esleve ses desirs ! Traistre, quelle fureur t'a donné la licence De disposer du Trône  ; de mon innocence ? Tantost tu m'as surprise un poignard à la main, Et tu l'as fait servir à ton cruel dessein : Mais si de ton Monarque immolé par ta rage Ce coup ne m'eust osté l'illustre témoignage, Tu sçaurois que du fer que j'avois prés du Roy Je voulois prévenir un Tyran comme toy ; Tu sçaurois que pour fuir sa lâche tyrannie, Je voulois de ma main sacrifier ma vie, Et braver par ma mort un injuste pouvoir ; Et qu'enfin j'avois sçeu par ce beau desespoir Fléchir nostre Tyran,  ; le couvrir de honte. Mais est ce à son bourreau que j'en dois rendre compte ? Mon Amant, grace aux Dieux, n'est plus en ton pouvoir. Menace,  ; fay le Roy ; Voilà le traitement que j'attendois de toy ; Ce sont là tes douceurs ; l'injure  ; la menace Dans la bouche d'un traistre ont bien meilleure grace : Montre toy tout entier, ne te déguise point. Qu'entens-je ? juste Ciel ! pour comble d'infamie C'est peu de m'accuser, Milon aime Ismenie ! Sers ton Maistre,  ; de luy tu pourras tout attendre. Desarmé sur la foy d'un perfide, Qu'il vienne dans ces lieux sanglants d'un parricide ? Songe, songe, Milon, à te déguiser mieux ; Ma haine est éclairée, elle a de trop bons yeux. Reduit à ce Palais, hors de toute esperance, Tu voudrois bien tenir ton Maistre en ta puissance. C'est assez, je connois ton dessein, Ne te déguise plus. Frape, acheve, cruel,  ; ne m'épargne pas ; Vange ton desespoir sur ces tristes appas, S'ils ont mis de l'amour dans le coeur d'un infame, Punis-les hardiment du crime de ta flame. Dieux ! vous obstinez-vous à trahir l'innocence ? M'as-tu fait de Milon l'azile  ; la défence ? Ciel,  ; pour me sauver, Alexandre vainqueur, Perdra-t'il sa victoire  ; toute sa grandeur ? Justes Dieux, estes-vous si lents à vous resoudre ? Pouvez-vous sur Milon suspendre vostre foudre ? Ou sans craindre pour moy son cruel desespoir Faites que mon amant fasse enfin son devoir, Ou ma mort ostera cet obstacle à sa gloire ; Mais quel tumulte affreux... Quel favorable Dieu... Comment ? Je n'ay pas moins souffert de cruelles atteintes ; Mais vos perils, Seigneur, faisoient toutes mes craintes ; Et ce coeur tout à vous a pû voir sans effroy La mort que loin de vous j'ay veu si prés de moy. Qu'as-tu ? **** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_milon *date_1661 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_milon La Reyne... Elle me suit de prés, La voicy. Seigneur... Quoy ! ce grand coeur soupire ? Gardes, qu'on se retire. Vous puis-je demander quel trouble, quel soucy... Il est fort prés d'icy. Craignez vous un Rival avec tant de foiblesse ? Il revient par vostre ordre,  ; ce retour fatal⁎ Va mettre entre vos mains ce dangereux Rival. Mais je sçay ce qu'exige un Thrône  ; vostre flame, Puis-je enfin m'expliquer sans manquer de respect ? L'amitié d'Artaban me peut rendre suspect, Quoy qu'à vous seul sa mort attache tout mon zéle, On peut craindre l'amy de ce fameux Rebelle. Je me servois moy-mesme en conservant vos jours ; Mais sans ces seuretez, Seigneur, un zele extreme Ne prend pour vous servir conseil que de soy-mesme. J'ose donc avancer, qu'alors qu'il faut regner C'est generosité de ne rien espargner : On blâme vostre amy de peu d'experience ; Chacun croit qu'il se perd par trop de confiance, Et nomme les honneurs que vous luy preparez, Des poisons déguisez,  ; des pieges dorez. L'aveugle ! il connoit mal l'orgueil du Diadême. Parce que vous l'aimez,  ; parce qu'il vous ayme, Ose-t'il imputer ce soudain changement A la compassion de son bannissement ? Vient-il pour remonter sur le Throsne d'Epire ? Vous sçavez trop, Seigneur, l'interest d'un Empire ; Il n'est point d'amitié qui fasse dédaigner Sur un Thrône affermy la douceur de regner, C'est ce que jusqu'icy pas un n'a pû comprendre. Quoy, Seigneur ? d'un remords le conseil infidelle... L'innocence par tout fuit les maistres des loix, Et le seul repentir est le crime des Roys. Un Roy se connoist mal s'il se repent de l'estre ; Le Thrône absout si tost qu'on en devient le maistre, Et comme pour regner tout crime est glorieux, Les Roys sont sans remors aussi bien que les Dieux. Ah plûtost, sauvez-vous de cet indigne outrage, Que vostre aveugle amour fait à vostre courage. Mais vostre heureux Rival luy paroist seul aymable. Mais la Reine... Amis pour la Couronne, ; non pour la Princesse, De ses maux Alexandre ignore la moitié. J'admire cependant ce que peut l'amitié, Ce grand zele m'étonne, ; leur intelligence⁎ Blesse d'un coup mortel toute mon esperance. Tout ce qu'a l'amitié de pressant  ; de fort A paru pour nous perdre à ce premier abord ; En les voyant tous deux se donner tous en proye A ces ardens transports de tendresse  ; de joye, D'un froid  ; triste amas de crainte  ; de douleur Ce spectacle odieux a transi tout mon coeur. Plus je suis prés du Thrône,  ; plus je crains ma chûte. Seleucus, ce malheur m'est commun avec toy ; Mais j'en ay de plus grands qui ne sont que pour moy. Je perdrois sans regret ma fortune  ; ma vie, Mais mon amour ne peut luy quiter Ismenie. Ouy, je l'aime,  ; je sens que mon coeur Par trop de retenüe a conceu plus d'ardeur. Comme un brazier caché, ma passion secrete Est d'autant plus pressante, importune, inquiete, Que pour m'en soulager je n'ay que des soûpirs Contre l'embrazement qu'allument mes desirs : Au point que je le sens, je n'en suis plus le maistre ; Auprés d'un grand Rival il commença de naistre, Il brûle prés d'un autre encor plus dangereux, Et redouble sa force à triompher de deux. Dans ma fureur extrême Je feray tout perir,  ; la Princesse mesme. Ton coeur s'étonne⁎,  ; tremble à ce discours. Mais sçais-tu l'ascendant des jalouses amours ? J'adore un autre Dieu, que ce Dieu de tendresse Qui remplit tous les coeurs de crainte  ; de foiblesse, Qui forcé de laisser son bien aux mains d'autruy, Le quitte, ou l'aime encor quand il n'est plus à luy, Et n'a d'autre secours dans toutes ses alarmes Que des soûpirs perdus  ; de honteuses larmes. Je brûle d'une amour qui porte dans mon sein Contre un objet ingrat des foudres à la main. Il vaut mieux, quand un coeur a refusé le nostre, Le voir perir pour tous, que vivre pour un autre, Et suivant les fureurs d'un jaloux desespoir, Il faut aneantir ce qu'on ne peut avoir ; Mais je suis encor loin de ce malheur extrême, J'ay du pouvoir assez pour avoir ce que j'aime. Malgré leur amitié, l'amour de deux Rivaux. Quelques beaux sentimens qu'ils nous ayent fait paroistre, Ils aiment, c'est assez,  ; l'Amour est leur maistre, Et si l'ambition y mesle un peu ses feux, Je les crois assez forts pour les perdre tous deux. C'est à quoy mon amour éleve ma pensée : D'un revers ma Grandeur peut estre renversée, Si je veux l'affermir, je sçay trop que je doy La placer sur le Thrône,  ; m'y couronner Roy. Juge si mes desseins sont sans quelque apparence⁎, Tu vois nos deux Rivaux negliger leur puissance, Tous deux la negligeant comme un bien sans apas Attachent tous leurs voeux à celuy qu'ils n'ont pas, Chacun pour Ismenie également soûpire ; Si pour la meriter il leur faut un Empire, Tous deux peuvent pretendre au pouvoir Souverain, Alexandre est aimé, l'autre a le Sceptre en main, Le Thrône soûtient l'un,  ; l'autre peut l'abatre, Et tous deux ont ma flâme  ; ma haine à combatre. Voy d'un autre costé nostre Reyne en fureur : Entre elle  ; son époux j'ay semé tant d'aigreur⁎, Qu'imprimant dans son coeur toute l'horreur d'un traistre, J'ay mis enfin sa haine au point qu'elle doit estre. Artaban qui craignoit un gendre trop ingrat A laissé dans nos mains le pouvoir de l'Estat, Fort de ces passions, d'ambition, de haine, D'amour, de desespoir, ma victoire est certaine. Semons divisions, troubles, soupçons, fureurs, Tout mon espoir ne luit que parmy ces horreurs ; Toy, va-t'en voir la Reyne,  ; pressant sa furie... Qu'ay-je à craindre en perdant Ismenie ? De grace, laisse moy mon conseil⁎ : aujourd'huy Mon trouble est trop puissant pour en prendre d'autruy. Mais voicy nos Rivaux. Triste  ; jalouse flâme, Cache ton desespoir dans le fons de mon ame. Il n'a point de Sujet qui luy soit plus soûmis : C'est ce qu'avec le temps je luy feray connoistre. Peut-on regner avec tant de foiblesse ? Seigneur, souffrirez-vous... Ah, que je suis heureux d'empescher cette fuite ! Il m'estoit trop suspect pour le laisser sans garde : Comme à le laisser fuir tout mon bien se hazarde, Sans me fier qu'à moy j'ay suivy ton advis ; Au sortir de Dodone enfin je l'ay surpris, Au moment qu'il entroit dans ce lieu Prophetique, Dans la forest fameuse où l'Oracle s'explique. En ramenant le Prince,  ; rentrant dans ces lieux, La Princesse paroist comme un Astre à mes yeux : A chercher son Amant cette Belle empressée, Ayant l'esprit troublé, plein de cette pensée, Elle me prend pour luy, m'arreste par le bras, La Lune foiblement éclairoit ses appas. O Dieux ! qu'en cet estat elle me parut belle ! Cet amas de clartez qu'on voit briller en elle, De l'Astre de la nuit prenant un foible jour, Inspiroit moins de crainte,  ; donnoit plus d'amour. Pouvez-vous fuir sans moy, Prince ? s'escria-t'elle, Mais voyant son erreur, c'est toy, Monstre infidelle ; Elle fuit,  ; le Prince, en luy tendant la main, Vous me suiviez, dit-il,  ; je fuyois en vain. Tu vois quelles horreurs a pour moy la Princesse, Ma fureur redoubloit en voyant leur tendresse ; La mutuelle ardeur de leurs brûlans soûpirs Allumoit ma colere,  ; glaçoit mes desirs. Voyant mon Rival seul, de nuit, sous ma puissance, Mon amour me tentoit d'achever ma vangeance, Et surpris par l'appas de cette occasion Il laissoit échapper son indignation. De cet heureux Amant j'allois trancher la vie ; Mais ma fureur a craint le couroux d'Ismenie ; Je perdois mon Rival si j'avois moins aimé, L'amour armoit mon bras, l'amour l'a desarmé. Ah, je ne crains de luy que son éloignement. Voy si ma Politique⁎ agit sans fondement : Mon rival ne se peut sauver que par l'absence, Loin de nous il pourroit armer pour sa puissance. D'ailleurs le Tyran seul est bien plus dangereux, J'affoiblis l'un par l'autre estant icy tous deux : Si l'un fuit, l'autre icy regneroit sans contrainte, Et pour perdre du Peuple  ; la haine  ; la crainte, Il pourroit publier⁎ qu'il vouloit tout quiter, Mais qu'Alexandre a fuy pour ne rien accepter. J'oste à nostre Tyran un si grand avantage ; La fuite d'un Rival luy donne de l'ombrage, Elle luy rend suspect cet amy genereux, Et d'un accord fatal va rompre tous les noeuds. Il l'a fait arrester,  ; cet éclat de haine Brise le premier noeud d'une si forte chaîne, Et si nostre Tyran attente sur le Roy, Il tombe sans ressource,  ; tout dépend de moy. Il vient. Cette fuite, Seigneur, étonne tout le monde. Avant que de venir ils l'avoient concertée. Vos offres n'ont servy qu'à les effaroucher, Alexandre a trop crû sa lâche défiance. Mon Rival, disoit-il, quite tout ; l'apparence ! Quelque piege est tendu sous de si beaux appas, Fuyons, fuyons, Princesse,  ; ne l'attendons pas. Tandis que la Princesse estoit sous vostre Empire, Il n'osoit attenter sur le Thrône d'Epire ; Mais de ces deux tresors l'un estant enlevé : Il eust demandé l'autre aprés s'estre sauvé. Vous le connoissez mal encor en ce moment Lors que vous l'accusez de ce rapt seulement ; Athenes, où j'ay sçeu que s'adressoit sa fuite, L'aime,  ; vous hait assez pour en craindre la suite. Il croit plus glorieux de venir vous l'oster ; Un Empire conquis a pour luy plus de charmes : Il veut au droit du sang joindre celuy des armes, Vanger l'honneur du Trône,  ; dedans vostre sang Se laver de l'affront d'avoir perdu son rang. Contre vostre malheur n'employez que vous mesme ; Pour gagner Ismenie offrez-luy vostre main ; Offrez-luy la Couronne en Amant souverain, Et pour ne trouver plus d'obstacle à vostre flame, Et du Trône,  ; du lit, bannissez vostre femme. Separez des desirs qui s'accordent si mal, Les soins de vostre amour,  ; l'amour d'un Rival. Perdez l'un ; gardez l'autre avec plus de courage, Vous aimez, vous regnez ; en faut-il davantage ? Pour servir vostre amour commencez d'estre Roy. De vostre offre du Trône il a sçeu se deffendre⁎ Pour vous précipiter d'où vous vouliez descendre ; C'est du sang de Pyrrus l'ambitieux espoir, D'arracher un honneur qu'il ne veut pas devoir. Prenez-vous son party ? Seigneur, la défiance est la vertu des Rois. Vous en avez le choix ; Roy, Tyran, quelque nom que prenne un nouveau Maistre, Il doit craindre toûjours quiconque a droit de l'estre ; Pour bien regner, il faut craindre plus d'une fois ; Et toujours les soupçons sont du conseil des Rois. Pensez-vous qu'il vous soit facile d'en sortir, Qu'il soit seur d'en descendre,  ; de vous démentir ? On ne fait point divorce avec le rang supréme : Il faut le retenir en dépit de soy-mesme. Prince ou Tyran, qui cede est prest à succomber, Et l'on ne descend point du Trône sans tomber. Pour garder seurement  ; le Trône  ; la vie, Perdez vostre Rival, regnez sans jalousie ; Ou si vous resolvez encor de l'espargner, Seigneur, sortez du Trône,  ; le laissez regner. Il sçaura mieux que vous user de mes maximes. Quels crimes ? c'est pour vous seulement que j'en fais. Par ordre exprés du Roy, je revenois icy. O Dieux ! Pensez-vous bien, Madame, à l'horreur de ce crime ? Mais ne sentez-vous point ces remors, ces terreurs, Que l'image du crime imprime aux plus grands coeurs ? Agreable colere ! A ces marques en vous je connois vostre pere. Digne sang d'Artaban, pardonnez une horreur Que j'ay feinte à dessein de sonder vostre coeur. Grace aux Dieux, je vous voy courir à la vangeance En fille du Heros dont vous pristes naissance, Qui dans ses plus hardis  ; plus sanglants efforts A veu toûjours son ame au dessus du remors. Je me joins avec vous,  ; vay mettre en usage Le bel Art dont sous luy je fis apprentissage. Instruit par les leçons de vos dignes parens, Je cours ensanglanter le Thrône des Tyrans, Et du grand Artaban surpassant les maximes, Par un crime plus grand couronner tous ses crimes. Connoissez jusqu'au bout quels sont mes sentimens : L'ardeur de vous servir où mon coeur s'abandonne, Redouble par l'horreur que le Tyran me donne. Le lâche a pû former le dessein de quitter Ce que de tout son sang il devroit acheter ; Il condamne Artaban,  ; maintenant n'aspire Qu'à vous oster, l'ingrat, les marques de l'Empire : Jugez du traitement⁎ que j'en puis recevoir. Ces inégalitez m'ont mis au desespoir ; J'ay voulu vous trahir pour tâcher de luy plaire, Broüiller tout pour me rendre encor plus necessaire, Le Tyran maintenant m'a mis de son secret, Je le sers contre vous,  ; le sers à regret ; Mais il verra bien-tost, si le Ciel m'est propice, Quels fruits vos ennemis tirent de mon service ; Seule vous regnerez ; pour ce coup seulement Prestez-moy tout entier vostre ressentiment : Vostre pere Artaban, dont nous suivons les traces, Me laissant de l'Estat toutes les fortes Places... Si vous perdre avec luy suffit pour vous vanger, Toutes mes seuretez sont fort à negliger : Mais joüissez long-temps du fruit de la vangeance ; J'en connois un moyen digne de ma prudence. Son Rival doit pretendre au pouvoir Souverain, Faisons que pour ce coup il nous preste la main ; J'en fais semer le bruit pour servir nostre haine, Et sur luy nous sçaurons en rejetter la peine. Leur étroite amitié n'a plus le mesme cours ; Le Prince descendoit jusqu'à cette foiblesse, De fuir,  ; de ceder le Thrône,  ; la Princesse ; Mais j'ay sçeu déguiser sa fuite avec tant d'art, Que le Tyran l'a fait arrester de sa part. Pour servir son amour encore il me rappelle, Et je vay luy donner un conseil si fidelle Qu'il faut que son Rival, ou perisse aujourd'huy, Ou force sa douleur à s'armer contre luy. Se commettre⁎ au hazard est quelquefois prudence. On seduit aisément des esprits mécontens. Mais en ce lieu suspect nous sommes trop longtemps, On peut nous soupçonner ; que rien ne vous étonne⁎, Seule sans plus tarder vous aurez la Couronne. Ce n'est pas mon dessein de regner avec toy : Une autre par ma main sur le Thrône élevée Doit rendre pleinement ma fortune achevée. Quel torrent de bon-heur d'un cours precipité M'entraîne dans ce port si long-temps souhaité ? Thrône, Maistresse... Enfin nous tenons Alexandre. Il n'est pas en estat de l'obtenir de moy. Et la Princesse ? Que ce Prince est heureux d'estre plaint tendrement, Et pleuré de ces yeux où brillent tant de charmes ! Que n'ay-je part, Princesse, à de si belles larmes, Et de ceux qu'à souffrir vos yeux ont condamnez, Que ne connoissez-vous les plus infortunez ! Les maux que vous pleurez sont moindres que les nostres : Les pleurs de mon Rival sont vangez par les vostres ; Mais ceux de mon amour  ; de mon desespoir, Loin d'estre regretez n'osent se faire voir. Mais où m'emportez-vous, ridicules foiblesses ? Seleucus, est-ce à moy d'écouter ces tendresses ? Ces soûpirs ne sont pas d'un coeur comme le mien, Et la plainte est honteuse à qui n'espere rien. Je dois d'autres transports aux ardeurs de mon ame. Rappellé par le Roy pour conduire sa flame, J'appreste à mes Rivaux un trait mortel  ; noir Qui ne peut inspirer que haine  ; desespoir : Sans leur division ma ruine est certaine ; Il faut que mon amour triomphe par leur haine. Si tost qu'entre nos mains la Fortune se livre, Qui la sçait gourmander, la force de le suivre. A qui peut tout oser  ; braver le trépas, La Fortune se donne,  ; ne se prête pas. Prens soin du Prisonnier ; cache son innocence. Et des yeux du Tyran éloigne sa presence. Va, dy-luy que le Roy luy deffend de le voir. Au retour tu sçauras jusqu'où va mon espoir. Tu sçauras que le Ciel par une illustre voye Précipite déjà le moment de ma joye, Qu'il ne m'offre pas moins que le tiltre de Roy, Et qu'il n'est presque rien entre le Thrône  ; moy. C'est le Prince  ; la Reyne. Orgueil insuportable ! Vous laissez-vous corrompre à l'advis qu'il vous donne ? Dans quels nouveaux perils me met sa défiance ? Ne craignez rien, Seigneur, je feray mon devoir. Nous voila delivrez d'une mortelle crainte. Mes soins ne sçauroient rompre une amitié fidelle ; Puisque tant de soupçons ne peuvent rien sur elle, Et ne sçauroient broüiller deux Rivaux genereux ; Confondons leurs destins en les perdant tous deux. J'avois contre le Prince armé la tyrannie ; J'attendois un grand coup de l'amitié trahie : Mais puisqu'enfin de nous il s'ose défier, Le Tyran doit mourir,  ; mourir le premier. Sur Ismenie ! ô Dieux ! Il faut auparavant se deffaire d'un traistre, Affranchir nostre haine,  ; n'avoir plus de maistre ; Aprés, si la Princesse est digne du trépas, Ce coup quand nous voudrons ne nous manquera pas. Vous, perdez le Tyran,  ; punissez son crime. Quel soudain repentir... Allons tout préparer contre un couple infidelle. Moy, je vous répons d'elle. C'en est fait, Demetrius est mort. Mais sçais-tu bien l'autheur de ce sanglant effort⁎ ? Une fille à nos soins a dérobé sa vie. Le croiras-tu ? l'adorable Ismenie Est l'instrument fatal d'un crime plein d'horreur, D'un coup pour qui l'Enfer eust manqué de fureur. On la tient ; mais c'est peu de se vanger sur elle : Un grand coupable est joint à cette criminelle. Toy qui gardes ce traistre, enfin fais-le venir ; C'est luy seul, Seleucus, c'est luy qu'il faut punir. Immolons cette grande victime. Que me dis-tu ? grands Dieux ! Va reparer ta faute,  ; suivre ce coupable ; Tout est perdu pour nous s'il est en liberté ; Va l'arracher des bras d'un Peuple revolté, Prens nos meilleurs Soldats,  ; d'une ardeur si prompte... Va, de quelques malheurs que le Ciel nous menace, Ma peur s'évanoüit par cette noble audace. Ah ! si le Sort vouloit s'entendre avecque moy, Je me verrois bien-tost heureux Amant  ; Roy. Nos mutins dissipez je n'ay plus rien à craindre : Mais pour nous mieux entendre, il faut cesser de feindre, Pour me connoistre entier, Telamon, sçache enfin, Si le Tyran est mort, que j'en suis l'assassin, Et le complice seul de cette perfidie, Sçache que c'est l'amour du Trône,  ; d'Ismenie. A Seleucus je cache ma fureur Pour faire agir son zéle avec plus de chaleur, En croyant qu'Alexandre a part à ce grand crime. Ne crains rien : mon dessein rend ce coup legitime. Au point de tout oser, voyant toûjours le Roy Reprendre ses soupçons, se défier de moy ; Voyant qu'il aimoit trop le Prince,  ; la Princesse ; Soupçonnant son amour, sa haine, ou sa foiblesse, Nous avons par sa mort prévenu son dessein. La Reyne pour ce coup m'a dû prester sa main ; Mais sur le point d'agir, sa haine trop timide A forcé ma fureur à ce grand parricide. Ayant sçeu qu'Ismenie estoit avec le Roy, Dedans un cabinet toûjours ouvert pour moy, J'y cours, j'entre au moment qu'en sortoit la Princesse, Un fer brille en sa main, dans ses yeux l'allegresse : Ce poignard me surprend,  ; flate mon dessein ; Je la suis,  ; je cours l'arracher de sa main ; Je rentre ; le Roy seul, l'occasion m'engage : En l'approchant, mon crime étonne⁎ mon courage ; Mais plus par ce remors je me sens attaquer, Plus je presse le coup, de peur de le manquer : Je frappe ; il tombe ; il meurt ; voyant qu'il est sans vie, Je sors, en m'écriant, qu'on saisisse Ismenie, Qu'on l'arreste, elle vient d'assassiner le Roy. Pour convaincre quiconque eust soupçonné ma foy, Ce fer estoit gravé des Armes d'Alexandre. La gloire de regner,  ; la douceur d'aimer. Mon crime est inconnû ; cesse de m'alarmer : Tu vois pour mon bon-heur qu'un hazard favorable D'un crime tout à moy fait un autre coupable ; Cette heureuse imposture a de quoy me couvrir. J'aime trop Ismenie,  ; pour disposer d'elle, Mon amour malgré moy la traite en criminelle, Et pour vaincre l'horreur, qu'elle eut toûjours pour moy, Je deviens son témoin,  ; son Juge,  ; son Roy. Je voy tous les perils qui menacent ma teste ; Avant que m'exposer à ce fatal instant, Je les avois tous veus d'un oeil ferme  ; constant. Crois-tu que d'un Roy mort la vaine  ; foible image, Ou qu'un lâche remors estonne mon courage ? Sçache, quand un grand coup est party d'un grand coeur, Qu'il redouble sa force,  ; le ferme à la peur ; L'ame en devient plus forte,  ; le bras redoutable ; Tel seroit moins hardy s'il estoit moins coupable, Et loin qu'un grand forfait rende un coeur abatu, Le crime a ses Heros ainsi que la vertu. Ne crains rien d'un si foible transport. Quoy ! vous repentez-vous de la mort d'un perfide ? C'est trop par d'ingrates douleurs Me reprocher un coup qui finit vos malheurs. J'ay bien d'autres soucis au milieu des alarmes, Sans ceux de condamner, ou combatre vos larmes ; Ces momens precieux qu'il nous faut épargner, Ne doivent s'employer qu'à vaincre  ; qu'à regner. Je ris de ta menace,  ; je suis sans effroy, Je me possede⁎ encor,  ; je suis tout à moy. Allons par ma présence... Ah ! je voy ma Princesse ; Pour servir mon amour employons nostre adresse : Toy, va de Seleucus apprendre nostre espoir ; Je te suivray bien-tost. Demetrius est mort,  ; mort par vostre main. Vous le niez en vain ; Pour vos seuls interests jaloux de vostre gloire, J'ay sauvé vostre main d'une action si noire, Et pour vostre innocence obstiné contre tous, J'impute cette mort à tout autre qu'à vous. Quoy qu'il en soit, Madame, on le croit vostre ouvrage. Ce poignard vous accuse,  ; je vous dois punir. Cessez de vous troubler ; je regne par ce crime, Et Roy, je vous fait part d'un Sceptre legitime ; Mettez-vous sur le Trône à l'abry de ces coups Qu'Arsinoé s'appreste à lancer contre vous, Et prenant de ma main ce superbe avantage... Ignorez-vous le rang que je tiens dans ces lieux ? En faisant mon devoir je vous l'apprendray mieux. Demetrius mourant m'a laissé sa puissance : Milon, m'a-t'il dit, regne,  ; songe à ma vangeance. Rappellant dans mon coeur cette mourante voix J'abandonne vos jours à la foudre des loix : Mais pour mieux commencer un si juste supplice, Je vay de ton Amant me faire un sacrifice. Seleucus va bien-tost confondre⁎ ton espoir. Cependant nous verrons cette insolente audace Prés des tourmens trembler,  ; me demander grace : Il ne sera plus temps. Ah ! que ne puis-je icy vous accorder ce point ! Vous verriez que ce Roy, qui tonne  ; qui menace, Se condamne soy-mesme,  ; vous demande grace ; Vous verriez sur le Trône au milieu de sa Cour Vostre juge tremblant de respect  ; d'amour. Je vous aime, il est vray, le mot en est lâché ; Ce feu que mes respects ont si long-temps caché, Laisse aller aujourd'hui toute sa violence : De deux Rivaux, l'un mort,  ; l'autre sans puissance, Laissent à mon amour la douceur d'éclater. En vain vostre fierté s'appreste à resister A ces vieilles ardeurs qui devorent mon ame ; Rien ne peut arrester le torrent de ma flame ; Je m'abandonne tout au charme de vos yeux ; Vous estes tout mon bien, ma fortune,  ; mes Dieux. C'est pour vous seulement... O Dieux ! Moy, fuïr, moy Fuïr du Trône,  ; quitter ma Princesse ? Mon adresse  ; mon coeur peuvent tout surmonter ; Il me reste auprés d'elle un moyen à tenter, S'il manque, mon courage ose tout entreprendre. On vient de m'advertir du bonheur d'Alexandre : Craignant tout de sa haine  ; de vostre couroux Je dois en cet estat contre luy, contre vous, Prendre mes seuretez dans ce peril extrême ; Desesperé, perdant un Trône  ; ce que j'aime, Je puis faire perir Alexandre avec moy : Mais pour l'amour de vous je l'accepte pour Roy. Pour le moins puisqu'il faut luy ceder la victoire, Faites que mon Rival me laisse cette gloire, Et confesse en montant au bonheur souverain, Que tout vainqueur qu'il est, il le tient de ma main. Vous verrez quels devoirs je m'appreste à luy rendre : Je vay dans un moment desarmer ce Palais, Desarmer Seleucus : Si vous aimez la paix, Faites que vostre Amant sans desordre  ; sans armes Vienne dessus le Trône étouffer tant d'alarmes. Venir pour l'emporter les armes à la main, C'est agir en Tyran plustost qu'en souverain ; Qu'il monte sans combat à la grandeur suprême, Il n'a plus maintenant d'ennemis que soy-mesme ; C'est luy seul qui se ferme en attaquant ces lieux Le passage du Trône,  ; celuy de vos yeux. Qu'il vienne... Quand je veux couronner mon vainqueur de ma main, Quand pour vous... Et bien, cessons de feindre, Puisque tu me connois, commence de me craindre, Crains, orgueilleuse, crains mon desespoir jaloux, J'aime, je hay, je regne. Fuyons, amy, fuyons, mais signalons⁎ ma fuite, Et faisons par un coup digne de ma fureur Déplorer à jamais la victoire au vainqueur. Il est temps, il est temps de te faire connoistre Quel amour dans mon coeur tes yeux avoient fait naistre, Tu ne seras qu'à moy dans ce moment fatal, Je t'aime encor autant que je hay mon Rival. Ouy, je t'aime, cruelle,  ; perdant tant de charmes Ma flame  ; ma douleur m'en font verser des larmes, Je t'aime,  ; si je suis infâme, ambitieux, Assassin de mon Roy, ne t'en prens qu'à tes yeux. Je t'ay sacrifié ma fortune  ; ma vie, Et je veux t'immoler à ma flame trahie. Qu'est-ce enfin ? que me dit ce transport ? Ose encore braver ma flame  ; ma puissance. Mais dy moy, Seleucus, d'où naist ce prompt espoir. Seleucus, c'est assez ; je connois sa foiblesse. Ouy, superbe, par toy je triomphe de luy ; Tu seras malgré toy ma force  ; mon appuy : Tu fais mon desespoir, mes soûpirs,  ; mes larmes, Tu seras aujourd'huy, ma puissance,  ; mes armes. Rougissez de mon sort, Dieux ingrats, Dieux jaloux, J'ay de quoi vaincre encor malgré vous  ; sans vous. Par elle mon Rival releve de ma grace ; Je vay luy confirmer ton affreuse menace. Toy, cependant choisis ou la mort ou ma main. Va-t'en prés de la Reyne observer son dessein, Et de tous nos soldats relever l'esperance. Ingrate, il faut mourir. Mais Dieux ! quelle foiblesse ! Ma rage vit encor,  ; la force me laisse. Quoy ! mon Rival aussi rit de mon vain effort⁎ ? Mes fureurs, ostez-luy le plaisir de ma mort : Mais je meurs, Dieux cruels ! faut-il que j'abandonne A cet heureux Rival  ; Maistresse  ; Couronne, Demetrius par moy n'est-il mort que pour luy ? Tout ce que je croyois ma force  ; mon appuy, La Reyne, mon amour,  ; ma propre furie Me font perdre aujourd'huy, Maistresse, Trône  ; vie ; Mais pour comble de maux, de honte  ; de malheur, Rival, je te les laisse, et j'en meurs de douleur. **** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_seleucus *date_1661 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_seleucus Alexandre s'aproche,  ; chacun va sortir, Pour l'aller recevoir il est temps de partir. Ou peut-on voir jamais avecque tant de zele Deux Princes signaler⁎ leur amitié fidelle ? Depuis six mois du Thrône Alexandre exilé Semble le negliger quand il est rapelé, Et de ses Alliez refusant l'assistance, Il prend de son Rival toute son esperance. Voyez comme il revient ; il n'entre que la nuit, Craignant que son retour dans la pompe  ; le bruit Fust à Demetrius ou suspect ou funeste, Il vient comme un amy genereux  ; modeste ; Il se dérobe au peuple,  ; sans aucun secours Il fie à son amy sa fortune  ; ses jours. Voir des amis Rivaux en Grandeur, en Maistresse ! Il n'en faut plus douter ; trahy par sa tendresse, Voulant toucher par là le coeur de la Princesse, Demetrius rendra le Sceptre à son Rival, Et nous sommes perdus par cet accord fatal. Il me l'a dit cent fois, qu'il n'estoit Roy d'Epire Que pour servir sa flâme en cedant un Empire ; Si son Rival charmé d'un zele si parfait Oubliant son amour se rend à ce bien-fait, Partisans d'Artaban, nous restons seuls en bute. L'aimez-vous ? Vous, l'apuy d'Artaban  ; de sa tirannie, Vous osez aspirer à l'amour d'Ismenie ? D'elle, qui vous regarde avec tout le courroux Que tant de maux soufferts luy font naistre pour vous ? Quel est donc vostre espoir ? O Dieux ! Milon, n'en croyez pas un desespoir jaloux ; Servez le vray Monarque,  ; travaillez pour vous. Pour faire nostre paix relevons sa puissance, N'accablez pas de soins⁎ toute vostre prudence. Quel remede avez-vous contre de si grands maux ? Ah ! craignez... Confus,  ; dans son sort ne pouvant rien comprendre, Il demande à parler,  ; l'apprendre du Roy. Helas ! triste  ; desesperée, Du Prince pour jamais se voyant separée, Elle donne des pleurs au sort de son Amant. Craignez que ces fureurs ne retombent sur vous, Je n'attends rien de bon d'un aveugle couroux, Qui pour des biens douteux porte tout à l'extréme. La Fortune, Milon, n'est pas toûjours la mesme, Et si jusqu'à ce jour elle a suivy vos pas, La Fortune se prête,  ; ne se donne pas. Il vous fait arrester quand il craint vostre fuite, Mais vous estes icy libre sous ma conduite ; Quoy que sur luy l'amour ait pris trop de pouvoir ; Il vous rend Ismenie,  ; vous la pourrez voir. Seigneur, vous puis-je enfin parler en confidence ? N'attendez rien du Roy, craignez sa violence, Et puisque sa fureur ose tout contre vous, Songez... Mais vous pourriez vous défier de nous. Quoy ! mes conseils, Seigneur, vous seroient-ils suspects ? Vous l'allez voir. Ah ! Seigneur ! O Dieux ! Mais, Seigneur... Sa fuite le dérobe aux peines de son crime. L'assassinat du Roy, La revolte du Peuple, un Palais plein d'effroy, Ont fait à cette fuite un succez favorable. Il ne peut échaper,  ; j'en rendray bon compte : C'est un foible secours qu'un Peuple mutiné ; Au premier choc qu'il souffre on le voit étonné⁎. Vous, icy sur le Trône, à l'abry de l'orage, Au dedans du Palais, gardez vostre avantage : Le Sort l'a commencé, poussez-le jusqu'au bout : J'auray soin du dehors,  ; vous répons de tout. Ah ! Seigneur. Vous triomphez malgré la malice du Sort. Il suffit qu'Ismenie est en vostre pouvoir. Apprenez, apprenez ma derniere conduite. Trahy des miens, au peuple échapé par la fuite, Voyant que ce Palais pour comble de malheur Alloit estre forcé par l'effort du vainqueur ; D'un Balcon élevé, qui domine la place, Je l'appelle, il paroist, il triomphe, il menace. Prince, luy dis-je alors, pers un dessein fatal. Regarde ta Princesse aux mains de ton Rival ; Elle mourra. Frapé comme d'un coup de foudre, Stupide,  ; tout d'un coup ne sçachant que resoudre⁎, Je l'entens s'écrier, je mets les armes bas ; Je vay sans differer desarmer nos soldats, Et je consens à tout pour sauver ma Princesse. **** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_telamon *date_1661 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_telamon Vous la verrez bien-tost. La Princesse, Seigneur, par vostre ordre est venuë. Par vostre ordre, Seigneur, j'observois sa conduite : Mais qui l'eust jamais crû, que dans un mesme jour Sa fuite de si prés eust suivy son retour ? Mais pourquoy dans ces lieux retenir Alexandre ? C'est un Rival de plus dont il vous faut défendre. Madame, vous sçavez quel est l'ordre du Roy ; J'attens vostre réponse avec impatience. Seigneur. La Princesse, Seigneur, se dispose à vous voir. Je dis que la Princesse... O Dieux ! Seigneur, aprés ce coup que pouvez-vous attendre ? Mais ce que vous aimez, le ferez-vous perir ? Vous attirez sur vous une horrible tempeste. Mais, Seigneur, vous sçavez les remors de la Reyne, Vous devez craindre tout des fureurs de sa haine. Elle vient. Ah ! Seigneur, Alexandre A pour luy tout le monde, il est temps de se rendre. Seleucus poursuivy d'un Peuple furieux, S'est à peine en fuyant retiré dans ces lieux. Fuyez, fuyez ; le Peuple  ; la Noblesse... Ah ! Seigneur, sauvez-vous, Fuyez, vostre fortune à ce point est reduite. **** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_laodice *date_1661 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_laodice Mais pourrez-vous quitter l'objet de vostre flâme ? Quoy, le Prince s'enfuit,  ; cet ingrat vous quitte ? Est-il rien à ce Roy si cher que sa Maistresse ? Vous le suivre ? vous fuir ? Madame, oubliez-vous ce que vous vous devez ? Fuyez donc,  ; vivez. Le Prince a la victoire, Et Milon en sortant a trouvé sur ses pas Nos gens victorieux qui pressent ses soldats : Il combat ; mais en vain, sa défaite est certaine. Le croiriez-vous ? la Reyne, Ouy, Madame, elle-mesme, ou plutost sa fureur Vient d'ouvrir une porte aux armes du vainqueur. Contre Milon le coeur plein de vangeance, Sçachant que son amour endormoit sa prudence, Elle a gagné la Garde à force de bienfaits, Et son ressentiment a livré le Palais. Alexandre estonné pressoit la populace D'éloigner le Palais, d'abandonner la place, Quand une porte s'ouvre, où la Reyne soudain Se presente en fureur un poignard à la main. Peuple, s'écrie-t'elle, acheve la vangeance De ton Roy sur Milon, ce poignard la commence ; Sans attendre ce coup ny des Dieux ny de vous, J'ay sceu perdre un ingrat,  ; je vange un espoux. Là plongeant dans son sein cette lame mortelle, Elle meurt : aussi-tost une troupe rebelle Du quartier de Milon accourt à ce grandbruit : Cependant le Prince entre,  ; sa troupe le suit : On attaque, on combat, on deffend le passage, Mais enfin Alexandre a tousjours l'avantage. Il vient. **** *creator_boyer *book_boyer_mortdemetrius *style_verse *genre_tragedy *dist1_boyer_verse_tragedy_mortdemetrius *dist2_boyer_verse_tragedy *id_diocles *date_1661 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_diocles Ah ! Madame. Milon percé de coups, Furieux vous demande,  ; ne cherche que vous. Avec tant de succez sa fureur le seconde, Qu'échapant comme aux mains, aux yeux de tout le monde, Par un secret détour il vient se rendre icy. Ah ! Seigneur, prévenez... Le voicy.