**** *creator_carmontelle *book_carmontelle_boudoir *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_boudoir *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_MONSIEURDEBOURVAL *date_1768 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurdebourval Entrez et fermez la porte à regardez un peu ceci. Que dites-vous de ce boudoir ? Je n'ai pas voulu qu'il y manquât la moindre chose. Vous en devinez bien l'Auteur ? Il n'y a que lui. Et les Peintures ? Il faut voir cela en détail. Bien loin d'être une folie, quand vous saurez mon projet, vous ne manquerez sûrement pas de m'approuver. Ce n'est pas cela ; écoutez-moi. Vous savez que le père de Mademoiselle de Saint-Edme en mourant, mes chargea de marier sa fille, quand elle serait en âge. Il y a trois mois que je l'ai retirée du Couvent dans ce dessein, et qu'elle demeure-ici ? Elle a peu de bien ? Hé bien, oui, j'ai envie de l'épouser. Je le sais ; mais ce n'est pas là ce qui me retient. Je crains qu'elle ne soit insensible ; à son âge on n'est pas aussi formée qu'elle l'est, sans avoir plus de vivacité ; enfin je veux la tirer de l'espèce d'indifférence où je la vois. Je veux émouvoir son coeur, y faire éclore l'amour, et profiter de ses premiers mouvements, pour la déterminer en ma faveur. Si j'étais plus jeune, je n'aurais pas recours à ces moyens ; mais, puisque tout ce que vous voyez ici, vous a charmé, il me semble qu'elle doit y perdre son insensibilité, et que dans ce trouble, voyant ce que j'ai fait pour elle, sa reconnaissance favorisera le désir que j'ai de l'épouser. Je n'en disconviens pas ; mais ... Ce n'est pas un crime en aimant D'employer un peu d'art pour plaire. Il me semble que je dois l'espérer, par cet essai de bonheur que je lui prépare ; cette preuve des soins que saurai de prévenir tout ce qui pourra lui plaire. Je n'aime point cette mauvaise plaisanterie-là, je vous en avertis. Elle en connaît peu du moins ; et jusqu'à présent n'ayant rien senti pour eux, elle ne les a vu qu'avec indifférence, comme ses compagnes du couvent. Votre neveu est un polisson. Nous verrons. À l'instant. Sophie est prévenue et doit amener ici Mademoiselle de Saint-Edme, pendant que j'irai finir une affaire chez mon notaire, et faire préparer le contrat. Je l'espère. Vous me ferez grand plaisir. Oui, oui, à tantôt. Ah, ça, ma chère Sophie, tu te souviendras de tout ce que je t'ai dit ? Lorsque Mademoiselle de Saint-Edme entrera ici, observe l'impression qu'elle recevra, si c'est de la joie ou de la langueur ; si elle sera touchée de mon attention, si... Il est vrai que je te l'ai répété un peu ; mais c'est le désir de la voir sortir de cet engourdissement où elle paraît être, qui fait... Je serais bien présent à cette épreuve ; mais il faut qu'elle sente librement , qu'elle réfléchisse seule à ce qu'elle éprouvera, pour lors, je me présenterai, et s'il arrive qu'elle... Tu me vois transporté de cette idée !... Je sens !... Allons, je ne finirais pas, et c'est d'autant reculer mon bonheur. Je vais terminer une affaire en attendant ; adieu, je reviendrai dès que je le pourrai ; mais je veux lui donner tout le temps de sentir, de penser, d'examiner... Tu as raison ; c'est que... Adieu. Ne faites pas de bruit, elles sont encore ici. Ah, Ciel, que vois-je ? Que faites-vous là , Mademoiselle ? Comment ?... Sophie ?... Mais vous savez... Paix donc. J'en conviens à présent. Allons, soyez heureux, et j'en serai charmé. Oui , oui ; mais mon ami est un grand fripon. **** *creator_carmontelle *book_carmontelle_boudoir *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_boudoir *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_MADEMOISELLEDESAINTEDME *date_1768 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_mademoiselledesaintedme Sophie ? Sophie ? Je te cherche depuis... Ah !... Mais, Sophie ; c'est que... c'est... charmant ! Fort joli ? De l'or ? Ce n'est pas l'or qui me plaît ; ce font les fleurs, les odeurs, les peintures, les glaces ! Combien on se voit de fois ! J'y passerais ma vie. Toute seule ?... Mais je crois que oui. J'y penserais, et beaucoup. J'y dessinerais, j'y lirais, j'y chanterais, j'y écrirais. Je ne sais pas ; mais peut-être que je le saurais. Non. Tout y est ravissant. Ces tableaux, par exemple ; la nature y est embellie, on voudrait toujours qu'elle fût comme cela, toujours aussi brillante. Ne trouves-tu pas que les figures ont quelque chose de divin ? C'est Vénus qui trouve Adonis endormi, et qui en devient amoureuse. Oui, amoureuse. Pourquoi ris-tu ? Oui. C'est vrai ; c'est que je trouve... Je n'oserai jamais te le dire. Je trouve qu'il ressemble.... Au Chevalier de Gorville. Je ne sais pourquoi ; mais je suis fâché qu'il dorme, si les yeux étaient ouverts... Mais... Ah ! Ah, Sophie, je ne croyais pas ce boudoir si dangereux ! Chevalier, vous m'avez surpris. À quoi me servirait de vous aimer ? Je ne comprends pas pourquoi je vous vois aujourd'hui si différemment de ce que je vous avais vu jusqu'à présent. Levez-vous, Chevalier, je vous en prie. Hé bien, je ne m'y oppose pas. J'essaye votre boudoir, Monsieur, il est délicieux, et je vous ai la plus grande obligation. Oui, sans lui, je n'aurais peut-être jamais su que Monsieur le Chevalier m'aimait ; peut-être même n'y aurais-je pas été aussi sensible ; c'est à vous que je devrai tout mon bonheur. **** *creator_carmontelle *book_carmontelle_boudoir *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_boudoir *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_SOPHIE *date_1768 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_sophie Oui, Monsieur. Hé, Monsieur, vous m'avez déjà dit cela cent fois. Je saiS vos raisons, et je devine vos projets. Hé, Monsieur, allez-vous-en. Le voilà parti. Quels moyens les hommes emploient pour nous séduire !... J'entends quelqu'un ; c'est Monsieur le Chevalier ! Sortons d'ici, je vous prie. Oui, mais je n'y veux pas rester avec vous. Hé bien, dépêchez-vous donc. Vous l'aimez ? Je ne sais pas de quoi ces Messieurs se sont entretenus ; mais je ne crois pas que le projet de Monsieur de Bourval soit conforme à vos désirs. Et Mademoiselle de Saint-Edme vous aime-t-elle ? Vous ne lui avez donc jamais parlé de votre amour ? J'entends du bruit. Oui, vraiment. Je ne veux pas que vous soyez ici ensemble. Mademoiselle. Hé bien, entrez dans cette garde-robe, vous la verrez au travers des fleurs qui sont peintes sur la glace de la porte, et vous ne remuerez pas. Mademoiselle, par ici. Qu'avez-vous donc ? Oui, c'est fort joli. Oui, c'est beau, si vous voulez ; il y a bien de l'or. Ce n'est pas là ce qui vous y paraît le moins joli, dites la vérité. Toute seule ? Et qu'y feriez-vous? Mais après avoir pensé ? Vous y écririez, et à qui ? Vous ne vous ennuieriez jamais ! Mais je ne vois rien de gai dans tout cela que le premier coup d'oeil. Mais quoi ? Examinez. Quel est le sujet de ce tableau-ci ? Amoureuse ? Moi ? Je ris.... Ah, Mademoiselle ! Regardez Vénus, elle vous ressemble comme si c'était votre portrait ; ne trouvez-vous pas ? Mais vous ne la regardez pas. Hé bien, répondez donc ? Vous regardez Adonis ? Bon ! Allons, parlez, parlez. À qui ? Oui ; c'est vrai. Vous croyez qu'il vous regarderait ? Vous le voudriez, achevez ? Ce n'est pas pour vous qu'il l'est le plus. Monsieur, elle est sensible, elle en convient ; n'est-ce pas ce que vous en vouliez savoir ? **** *creator_carmontelle *book_carmontelle_boudoir *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_boudoir *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_MONSIEURDORSANT *date_1768 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurdorsant Je le trouve délicieux , je n'ai rien vu comme cela. Il y a une proportion, une élégance ! Un charme ! Et en même temps, malgré la richesse des ornements, ils sont si bien distribués, avec tant de goût, que l'oeil est aussi content qu'il est enchanté. C'est notre ami ? Ah, parbleu, cela n'est pas difficile ; on reconnaît toujours le père des grâces et des amours. Tout est charmant ! Sans doute. Mais quelle folie pour un homme de votre âge, de faire faire un boudoir aussi voluptueux ! Vous êtes riche, et vous avez raison de vous satisfaire, ainsi je puis avoir tort. Je le veux bien. Oui. Je crois vous deviner. Elle est bien jeune pour vous. Quoi donc ? Et comment ? Mon ami, ce projet est plus adroit que délicat et sent l'homme, qui a un peu vécu. Je vous comprends bien ; mais qui vous répondra que vous deviendrez l'objet de ses pensées, de ses désirs ? Il fallait donc ne faire peindre ici que les amours de Jupiter au lieu de ceux d'Apollon, Adonis, d'Endimion, de Mars, cela aurait mieux dirigé ses pensées sur vous. Mais ne connaît-elle que vous d'hommes ? Vous croyez que mon neveu le Chevalier, par exemple... Enfin, je ne sais ce qui vous arrivera ; mais si rien ne réussit de tout ce dont vous vous flattez, n'en soyez pas surpris. Je souhaite de tout mon coeur de me tromper, quand ferez-vous cette épreuve ? Ce soir je pourrai donc vous féliciter ? Allons, je viendrai vous revoir. Tenez , voilà Sophie, donnez-lui vos derniers ordres ; mais souvenez-vous... Mon ami, ce polisson-là est plus dangereux que vous ne le croyiez. Je t'entends, et tu n'as pas besoin de t'expliquer. Allons, mon ami, imitez-moi, je donne tout mon bien à mon neveu ; accordez-lui Mademoiselle de Saint-Edme, vous remplirez entièrement les volontés de son père. C'était des désirs et non pas de l'amour que vous aviez, et vous retrouverez aisément avec une autre, ce que vous perdez avec elle. Cette épreuve était folle, je vous l'avais prédit. Consentez de bonne grâce. Nous faisons des heureux , mon ami, nous le devenons nous-mêmes, n'est-ce pas ?