**** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_PARNASSOT *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_parnassot Peste soit des auteurs ! Tout est ici sans dessus dessous. C'est la même chose. Tenez, voyez un peu les parades, les vaudevilles, les comédies sont sur la table des tragiques ! Oh ! Ces feuilles-là sont faites pour circuler partout, on en est inondé. Dépêchons, mes amis, car c'est aujourd'hui la première représentation des Auteurs modernes. Nous ne saurons à qui répondre. Oh que non, les querelles entre ces messieurs ne sont pas dangereuses, force propos, écrits bien mordants, cabale au parterre, intrigue au foyer ; et s'il y a du sang répandu, ce n'est que dans leur pièce, ou bien à la porte parmi cette foule qui a la fureur de venir s'y étouffer. Non, Monsieur, mais à-peu-près. Aussi, Monsieur, ce qui se passe ici y répond-il parfaitement. C'est l'assemblée casuelle et journalière de tous nos jeunes littérateurs, qui, après s'être bien chamaillés, vont jeter sur le papier le résultat de leurs réflexions. Détrompez-vous, Monsieur, le bénéfice est clair. Parce que je me fais payer comptant et que la gente littéraire pullulant plus que jamais, j'ai vu que moi qui me mêlais aussi de faire de l'esprit, de le louer même à l'occasion, sans en devenir plus riche, je pourrais tirer parti de la sottise des autres. En effet, mon café ne désemplit pas, vous le voyez. Dans les petits gains multipliés ; car vous sentez bien, Monsieur, que si un auteur n'a pas soupé, il faut au moins qu'il déjeune. Justement... de la petite dose de café, car c'est le restaurant, le véhicule des muses, surtout depuis que nos jeunes gens savent l'usage excessif qu'en faisait le célèbre Voltaire. À qui en avez-vous donc, Monsieur ? Mais qui ne me paiera pas ma table cassée. Parbleu, Monsieur, pour une bavaroise et un petit pain vous me faites là une belle affaire ; vous la paierez, s'il vous plaît. Elle est en deux. Si fait, Monsieur, je crains tout ; qui me remboursera, je vous prie ? Mauvaise caution, Monsieur ; il y a dix ans qu'à vous entendre vous êtes sur le répertoire, et ce n'est jamais votre tour. Cette semaine-là sera encore longtemps à venir, Monsieur. Enfin il faut bien prendre patience. La recette ? Je le souhaite, Monsieur, mais je doute que le caissier lui-même voulût vous faire quelques avances. Mais, entre nous, ce serait peut-être très prudent, car les meilleures pièces... Comment, Monsieur ! Que signifie cette mauvaise plaisanterie ? Croyez-moi, Monsieur, rendez cette perruque, ou je vais envoyer chercher la garde. Eh bien ! Monsieur, vous attendiez-vous à cela ? Voilà pourtant un échantillon de ce qui se passe ici presque tous les jours. Mais, Monsieur, ces gens-là entrent en fureur ! Eh ! Bon Dieu, où vont-ils ? Doucement donc, Messieurs, doucement donc, il n'est pas question ici d'un lutrin. Pardieu ! Monsieur, si votre baquet était ici, je vous y noierais. Voilà un café bien arrangé ! Croyez-moi, Messieurs, allez prendre un peu l'air et laissez-nous réparer ce désordre. Il est vrai que nous avons été un peu troublés ce matin ; mais tout cela tournera à mon avantage, parce que mon café, semblable à ceux où l'on s'assemble pour raisonner guerre et politique, la paix me couperait la gorge. Fort bien, Monsieur. Sauvelarime ? La Césure ? Allons, mes enfants, dépêchons-nous, ramassons toutes ces brochures, et qu'elles ne voient plus le jour. Eh ! Non, pareil tour arriverait encore ; au feu, au feu tout cela. Les tragédies mêmes ; je ne veux plus de scènes ici. À la bonne heure, je ne perdrai pas tout. Mais, Monsieur, vous voyez que tout est fini ; il n'y a plus personne. Il le faut bien... Peste soit de ce maudit adepte ! Il est vrai que cette diablesse d'affiche des Auteurs modernes est un pavillon de révolte. Celle des docteurs n'attaquait que quelques frelons qui voulaient s'introduire, et le tout s'est arrangé en faisant rire et chanter, au lieu qu'ici c'est effaroucher toute une ruche que de menacer le peuple auteur. Adieu, Monsieur, je vais fermer. **** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_SAUVELARIME *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_sauvelarime Comme leurs idées. Sans doute, c'est la cause commune, un cri de guerre, je crois même, Monsieur Parnassot, qu'il serait prudent de faire aposter des sentinelles. Et pourquoi ? Pour ne rien entendre, car la plupart de ce monde-là toussant, crachant, criant, bien crotté, bien soûlé, sort tumultueusement et serait bien embarrassé de rendre compte de ce qu'il a vu. Mais quelqu'un vient. Que souhaitez-vous, Monsieur ? Les pauvres diablesses ! Pour une fois c'était bien la peine ! Mais au moins, Monsieur, permettez que je vous les achète au poids. Bon, voilà ce qui s'appelle avoir une bibliothèque à bon marché. **** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_LACESURE *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_lacesure Et ces extraits devraient-ils sortir du poêle. Tiens, voilà pour la table des romanciers, ceci pour celle des critiques. Quoi ! Les romans, les comédies ! Mais pas si bon marché, cela ne laisse pas que de peser... Quelqu'un vient, répondons. **** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_LIMPERATIF *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_limperatif C'est révoltant, je n'y tiens pas. Au public, à toute la nation. Ne craignez rien, Monsieur Parnassot, ne craignez rien. Le caissier de la Comédie. À qui la faute ? Mais ne murmurons plus, les rôles sont distribués, et j'ai parole pour la première répétition à la semaine prochaine. Sans doute, et la recette, mon cher Parnassot, me récompensera bien de l'attente. Fi donc, je retirerais plutôt mon manuscrit... Eh ! Sans doute, mon ami, du bavardage, des sarcasmes, c'est l'abus de l'esprit qui triomphe aujourd'hui, et c'est décourageant. Mais assurément, Monsieur, autrement il ne faut pas se mêler d'écrire. Tenez, lisez, et jugez-en vous-même. Des acteurs, Monsieur, parce que dans le fait cette pièce n'est qu'un canevas, un remplissage, un imbroglio, en un mot, dont le vrai mérite ne consiste que dans le jeu, et voilà pourquoi on casserait vingt tables comme celle-ci en voyant un pareil scandale. Comment, Monsieur, soixante-quatorze représentations et toujours la même fureur, le même enthousiasme ! Laisser impitoyablement sécher sur pied vingt hommes de lettres qui attendent le juste tribut de leurs veilles ! Monsieur, cela ne se digère pas facilement ; je veux en avoir raison. Eh ! Non, Monsieur, mon silence serait au contraire une lâcheté ; l'amour de l'art me justifie ! Eh ! Oui, voilà le mot. Cet écrivain n'en a jamais fait d'autre, il badine, folâtre, pince, emporte la pièce si adroitement tout en chatouillant la malignité, qu'il fit toujours par mettre les rieurs de son côté, en sorte que l'homme de bon sens n'a plus l'air que d'un sot. Or, Monsieur, vous conviendrez qu'il est essentiel de s'élever contre un pareil abus ; car enfin parlons notre langage. Tout Auteur Dramatique Ne doit donc plus prétendre au plus petit succès ? Il faudra que, pour plaire, il outre le comique, Qu'il fasse un bal masqué du Théâtre Français. La scène, je le sais, doit exciter le rire, Mais le sarcasme seul corrige-t-il les moeurs ? Or donc, mon cher Monsieur, d'une gaîté trop folle, Gardons-nous d'imiter les travers dangereux ; Un ouvrage exalté, plein d'esprit, mais frivole, Corrompt les spectateurs et le goût avec eux. C'est en vain qu'ourdissant une belle préface, Dans ses filets dorés l'auteur croit n'avoir pris, Je relis, je médite et ne vois qu'une farce Qu'un fol enthousiasme a mis à trop haut prix. Aussi, sans amertume et par ses propres armes, Je veux, en combattant ses brillantes erreurs, Prouver que le motif de mes justes alarmes N'a pour but que l'amour des lettres et des moeurs. Car enfin relisons, l'intrigue et la licence Pour confondre à leur gré cet époux suborneur, Par l'attrait du plaisir égarent l'innocence... Comme il est dangereux cet étourdi de Page ! Et comment excuser dans son égarement, Cette femme d'honneur, qui, si douce et si sage, Permet que son valet lui suppose un amant ? Mais la délicatesse Devait lui commander de se respecter mieux : Oui, malgré son esprit, sa gaîté, sa finesse, Je soutiens que l'ouvrage est très pernicieux. Très volontiers, Monsieur, mais parlons franchement : vous êtes auteur, à ce qu'il me paraît ? En ce cas, Monsieur, nous bornerons donc notre intimité à la simple connaissance, comme vous disiez très bien. Parce que je suis auteur aussi moi, et que certainement nous ne sommes pas plus privilégiés que les autres pour faire une exception à la règle. Vous le croyez, Monsieur... laissez échapper un seul petit mot qui donne prise à la critique ; avisez-vous, même sans malice, de contredire le plus petit de ces chers amis, et vous verrez ce qui en arrivera. Non, pour tout ce qui ne tient pas à cette qualité. Ils sont souvent bons pères, bons parents, bons amis d'ailleurs. Mais comme les dons de l'esprit sont volontiers enfants de l'amour-propre, les littérateurs entr'eux, semblables aux faux dévots, ne se pardonnent rien. C'est vrai. D'accord, mais je n'en réponds pas. Oh ! Entre nous ce mot-là est sans conséquence ; cela n'empêche pas qu'on ne se déchire à belles dents, lorsque l'occasion s'en présente : le public lui-même, tout en trouvant ridicules nos querelles, serait très fâché qu'il régnât une paix éternelle dans la république des Lettres : il paie même d'avance pour cela et retirerait souvent sa souscription, s'il ne jouissait de temps en temps du spectacle de nos débats. Justement, j'allais vous en entretenir, et si vous voulez... j'en ai déjà jeté ici quelques mots. Hors des gonds ! Faux-fuyant que cela : notre auteur sent si bien qu'il est toujours temps de défendre un ouvrage dans lequel on a mis sa gloire, que non seulement il s'efforce à prouver qu'il n'est pas blâmable, mais encore qu'il est bon, mais très bon dans tous ses points. Oh ! Très originale, mais cela prouve-t-il que les règles adoptées par cet écrivain soient bonnes ? Donc le nouveau sentier qu'il s'est frayé n'est point une découverte ; car enfin Messieurs Plaute, Térence, Molière et Regnard l'emporteront, je crois, toujours sur Aristophane et notre ami Scarron ? Parce que le trait qui nous poursuit, « le mot qui importune reste enseveli dans le coeur, pendant que la bouche se venge en blâmant presque tout le reste ». Oui, mais cela fait du tapage et c'est ce qu'il faut ; au reste, Messieurs, s'il est vrai qu'il y a très loin du mal que l'on dit d'un ouvrage à celui qu'on en pense, c'est essentiellement dans une cause personnelle, mais non à l'égard d'une comédie, parce que devant être une leçon utile à la société, c'est le sentiment général qui décide ; alors ce prétendu point établi au théâtre, que ce qui affecte le plus est ce dont on parle le moins, ne devient plus qu'une épigramme, et non un passeport à la postérité. Voyez, Messieurs, comme on entend ici à dorer la pilule, tout en nous traitant de bégueules, tout en nous accablant d'injures, le ton ironique que l'on prend a l'air d'un raffinement, pour mieux nous faire goûter des vérités, lorsque dans le fait ce n'est qu'un persiflage très piquant. Oui, mais vous ignorez donc que c'est en souffletant cette classe là qu'on s'en fait admirer ? Le vaudeville même de la pièce le dit. Aussi n'est-ce point ces fausses interprétations, ce respect aveugle pour les grands mots de décence et de bonnes moeurs qui égarent le jugement de ce que j'appelle le public national, ni qui empêchent les auteurs de faire de bonnes comédies. Croyez-vous aussi, Messieurs, qu'il y aurait aujourd'hui plus de difficulté à mettre au théâtre les Plaideurs et Turcaret que dans leur origine ? Ainsi, Messieurs, vous ne regardez donc point comme des corps respectables, ces petites coteries, ces sectes partielles qu'une infinité de nos confrères ont intérêt de mettre en jeu ? D'accord, et je suis d'avis que ces puissances-là ont raison de se faire respecter ; mais si quelques mécontents particuliers pouvaient encore cabaler contre l'oeuvre sublime du Tartuffe, les Plaideurs et Turcaret, ces pièces-là étant des ouvrages de génie où le sel de la plaisanterie assaisonne une sage philosophie, je suis persuadé qu'elles seraient admises avec moins de difficulté que La Folle Journée qui n'est qu'un tissu brillant de sarcasmes, un ouvrage extravagant aussi contraire aux principes de la moralité dramatique qu'aux règles immuables de l'art. Aussi dit-on ici qu'on a réfléchi que si quelqu'homme courageux ne secouait pas la poussière dans laquelle croupissent nos auteurs, l'ennui des pièces françaises achèverait de pervertir toute la nation. Oh ! Ici c'est un mot polémique, aussi vous voyez comme il prête à une définition captieuse. Le souvenir de bien bonnes méchancetés, de quelques quolibets d'une gaieté folle, que la tourbe menue des spectateurs n'a pas manqué de saisir avec la même avidité que les sottises des tréteaux de la foire. D'accord, Molière fut tourmenté, et son ami Boileau est très louable d'avoir eu le courage de le défendre ; mais ce n'était pas seulement des bons mots, des épigrammes que notre Juvénal défendait, c'était la réputation d'un philosophe enjoué et profond, qui par ses travaux immortels méritait d'être honoré de son siècle. Aussi Louis XIV n'a-t-il pas attendu la réclamation de Boileau, pour protéger ce grand homme, il l'aurait également fait sans le placet en question, mais il fallait d'abord laisser crier la cohorte ; or toutes les grosses sottises qu'on a imprimées avec approbation, loin d'affaiblir l'effet de ses leçons sublimes, ajoute au contraire à sa gloire. Au contraire nous convenons de ses talents, de son esprit, mais je crois qu'il est permis de dire qu'il n'a pas senti que sa pièce pouvait être dangereuse ; que s'il possède le secret d'amuser et de faire sourire la malignité, il n'arrache pas ce rire de l'âme, cette expansion de joie subite que la force de la vérité et du naturel ne manque jamais d'exciter, et cela parce qu'on aperçoit plutôt l'auteur en scène, que ses personnages. Aussi, Messieurs, je soutiens que la plupart des pièces de notre auteur ne peuvent fournir le fond d'une question approfondie sur leur validité, elles passeront avec l'enthousiasme qu'elles ont fait naître, et ce ne sera pas long. Volontiers, et si cette pièce n'a pas eu l'honneur de faire tourner tant de têtes qu'il le fait entendre, elle n'en restera pas moins pour sa gloire. Ses Deux Amis peuvent être aussi cités avec quelqu'avantage ; à l'égard du Barbier de Séville, ces cris, ces frayeurs n'étaient encore que le résultat des circonstances. Et il sera d'autant plus à craindre, que, comme il le dit fort bien, le «théâtre est un géant qui blesse à mort ce qu'il frappe». Eh ! Ne voyez-vous pas que c'est un badinage ? Oui, un badinage ; car il n'est pas possible que l'auteur dise sérieusement que ce prince a été content de La Folle Journée, parce qu'il était d'un grand caractère, un esprit noble et fier ; ce serait faire entendre qu'il faut réunir toutes ces qualités pour juger du mérite profond et de la sublimité de cette pièce. Or cette petite dose d'amour paternel serait assez honnête. Et, selon toute apparence, essentiellement celui de l'auteur. Voyez comme il s'extasie à chaque instant sur ses finesses, cependant je ne vois pas qu'il ait tendu un piège si adroit à la critique, en déguisant le véritable titre de sa pièce. Il se serait défendu de lui-même, et les honnêtes gens y auraient également couru en foule. Car si l'influence de l'affiche est nécessaire à un auteur qui s'est déjà fait redouter, elle n'a qu'un bien faible ascendant pour favoriser un ouvrage que l'on sait partir d'une plume qui ne s'exerce que pour tracer les devoirs des hommes, sans qu'on ait à craindre de ressentiments particuliers. Eh, non, Messieurs, le titre de L'Époux suborneur ne pouvait convenir à cette pièce ; la forme, pour me servir du langage de Brid-oison, l'emporte trop sur le fond. Oui, encore un an de plus, cela faisait justement les dix années qu'il a fallu pour consommer le Siège de Troie. Et tout un comité de censeurs, comme vous voyez. Le dessous de carte est que si l'auteur eut voulu émousser quelques traits, détourner de certaines allusions, cela aurait été plus rondement. Il est vrai que la tendresse paternelle en aurait souffert un peu, car une guirlande en artifice fait un superbe effet, et l'on aime non seulement à brûler les manchettes, mais aussi un peu les doigts de certains curieux. Et nous le méritons, car enfin il veut corrigé les moeurs, en nous exposant la faiblesse d'une grande Dame qui ne cesse de mentir pour cacher sa honte, qui, sans respect pour son époux et pour elle-même, s'avilit en partageant l'audace de ses valets qui jouent leur Maître. Il veut corriger les moeurs, en déroutant les projets suborneurs d'un grand Seigneur libertin, par l'intrigue et l'impudence de ces mêmes valets. Il veut corriger les moeurs, en offrant aux yeux de l'innocence, le tableau licencieux d'un jeune Page dont les premières impulsions de la nature annoncent qu'il deviendra lui-même un dangereux suborneur. Il veut corriger les moeurs, en mettant impunément aux prises un ramas de fourbes et de libertins, pour mieux livrer à la dérision publique un juge imbécile et donner ce qu'on appelle le coup de fouet. Il veut enfin, satisfait du présent, veiller pour l'avenir dans la critique du passé ; et nous, petits marmots, enfants volages et ingrats, têtes sans cervelle et incapables de juger de rien, nous prenons sottement l'alarme, et crions à la corruption. Aveugles que nous sommes, est-ce ainsi que nous encourageons les grands hommes, ces puissants génies, la lumière du monde ? Oui, lorsque par des contrastes heureusement combinés, il résulte de leurs débats une instruction salutaire ; mais, encore une fois, une satire mordante et faite surtout par des personnages absolument tous vicieux, ne sert qu'à amuser la malice. L'auteur sent si bien la faiblesse de sa défense en faveur de cet enfant chéri, que pour détourner la réflexion il termine par une ironie. Ce qui prouve encore avec nous, Messieurs, que la pièce n'est nullement susceptible de moralité, c'est le retranchement que les comédiens ont fait de la scène de Marcelline. Ces messieurs ont senti qu'elle serait disparate dans un ouvrage qui n'appartient qu'à la folie. Mais que fait donc notre ami Pinceserré ? Je crois, Dieu me pardonne, qu'il jette sur le papier notre entretien. Mais oui, il en va faire l'article critique, qu'il fournit assez volontiers dans les journaux. Pinceserré. Comme les autres. Pourquoi donc ? Nous n'avons rien dit d'injurieux contre cet écrivain, dont nous estimons d'ailleurs les vrais talents. S'il a pu faire paraître son ouvrage, celui-ci doit à plus forte raison avoir le même avantage, puisqu'il convient lui-même que la critique est utile. En effet, ne serait-il pas fâcheux que les raisons spécieuses qu'il déduit en faveur de sa pièce, devinrent des autorités pour nos jeunes auteurs dramatiques ? Vous voyez donc bien, Monsieur, que la critique ici devient nécessaire. Mais voilà à-peu-près ce que nous avions à dire en ce qui regarde La Folle Journée, le reste nous jetterait dans une discussion moins épineuse que délicate. Nous ? Pas plus que Monsieur. Eh non ! Ne crains rien, c'est à nous autres qu'on s'adresse. De quelle fabrique est la pièce ? Monsieur magnétise donc ? Ah ! Je me sens soulagé. J'avais besoin d'être frappé de ce recueil de lettres pour me rafraîchir. J'ai même un peu trop froid. **** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_PINCESERRE *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pinceserre C'est vrai, Messieurs : continuez, et voilà ma besogne toute faite. Pour l'impression, c'est différent, n'est-il pas vrai ? Eh bien ! Messieurs, où en sommes-nous ? Voyons... Je vous attends. En ce cas, je vais faire usage de ceci, en attendant que vous me mettiez vous-même à portée d'exercer mes petits talents sur vos propres ouvrages. Adieu, Messieurs. Vous avez vos amis, j'ai les miens, et voici notre signal. Moi, Monsieur ? Je ne vous entends pas seulement. Nous les gardons pour l'Opéra. Vous aurez donc des ballets ? À la bonne heure, les yeux alors tiennent lieu d'oreilles, et l'on en a au moins pour son argent. Ô rage, ô désespoir, ô perruque ma mie ! N'as-tu donc tant vécu que pour cette infamie ? Sans doute, c'est ici la cause commune ; Et ces messieurs ne souffriront pas... Parbleu, Messieurs, que je vous embrasse, vous me vendez le plus grand service. Ma fortune est faite. Quoi ! Vous ne voyez pas combien cette scène peut être comique, et tout le parti que je vais en tirer ? Ah ! Vous m'avez déshabillé ; mes petits messieurs, comme je vais vous draper à mon tour ! Comme on rira à vos dépens ! Eh ! Vite de l'encre et du papier, que j'expose tous ces gens-là sur les tréteaux de la foire, à la risée publique !... Bon, plaçons-nous là. Eh ! Non, ce sont vos portraits à vous connaître d'une lieue. « Monsieur Toupet ». Mais, certainement. Vous êtes mariés, Messieurs ?... Vous avez des filles ?... Bon, laissez-moi faire. Oh ! Laissez-moi... ne me faites pas perdre mes idées. Non, emportez vos effets, vous voilà payé, je me rhabille ici, moi. Et moi aussi, je badine ; rira bien qui rira le dernier. J'y suis justement. Une quittance, dites-vous ? À la bonne heure, mais vous comprenez bien que je ne perds pas ainsi mes idées : c'est mon commerce, à moi. Peu de paroles et fort de choses : voilà l'art. D'ailleurs, l'esprit chez nous est comme une pièce de drap avec vous autres, il prête à volonté. Oui, beaux masques, vous êtes déjà en scène. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de balance aussi juste pour l'esprit que pour le galon, Monsieur Frippart. Et qu'on ne fait pas d'un canevas tout ce qu'on veut comme vous, Monsieur Toupet, qui savez si bien étendre les vôtres. Mais, cela dépend du titre que je lui donnerais ; car vous savez, avec l'auteur de La Folle Journée, que l'influence de l'affiche fait beaucoup. Oh ! Pour de la malice, j'en ferais défi ; pour de l'esprit, on a toujours assez de celui-là, le reste dépend du jeu des acteurs. D'ailleurs, Messieurs, c'est à vous à vous mettre à prix... Voyons, combien estimez-vous votre réputation ? Mais que poursuivrait-on au théâtre ? Les vices, les ridicules seulement ? Cela vaut bien la peine d'écrire. Tenez, Messieurs, terminons, je fais imprimer un drame à grands points... Un roman bien tendre, bien larmoyant... Arrangez-vous pour les frais avec Monsieur, Et nous partagerons le bénéfice ; à l'égard du comptant que je pourrais exiger, j'irai régulièrement manger chez vous à tour de rôle. Soit, serez-vous chez vous dans une heure ? Voyons, Monsieur Frippart, aidez-moi un peu, et vous, Monsieur Toupet. Bon... Ainsi, Messieurs, voilà qui est arrêté. Que diable aussi, il n'y a que manière de s'entendre, vous êtes les meilleures gens du monde. Pourquoi donc ? Il faut bien que quelqu'un nous défraie ; aussi un de nous a-t-il dit fort plaisamment : Le superflu des sots est notre patrimoine. Pardon, Messieurs, mais voici un de mes amis qui entre. Eh ! Qu'as tu donc, mon cher Limedouce ? Comme te voilà fait ? De chez les Docteurs modernes ? Oui, allons nous répandre dans les cafés. **** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_DURIMET *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_durimet Messieurs, il y a longtemps que je vous écoute, et je crois que l'approbation d'un prince, tel que feu Monseigneur le Prince de Conti, est un témoignage qui milite bien en faveur de La Folle Journée. Eh, eh, Messieurs... c'est notre faible au moins. Cependant, Messieurs, vous conviendrez que La Folle Journée a éprouvé bien des contrariétés, bien du retard. Oui, mais nous aurons notre tour ; et moi, Messieurs, je redoute de certains ennemis. Aussi lorsque je fais jouer une pièce au théâtre, je m'arrange en conséquence, et, grâce à mes amis, j'ai au moins toujours une apparence de succès. Oh ! C'est l'affaire de mon libraire, la mienne est faite à moi. Qu'appellez-vous raté ? Oui, mais Messieurs les rédacteurs ne savent pas ce qui se passe dans le cabinet, et combien il faut faire de sacrifices avec vous autres Messieurs les musiciens. Sauvons-nous, j'aperçois mon tailleur. Qu'as-tu à craindre, toi qui ne traduit que du grec ? Mais, en effet, de certains vertiges... Eh ! Vite endormons-le, frottons-le de ce drame. Et arrangeons-nous de façon à faire tomber la pièce de ces messieurs. **** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_LIMEDOUCE *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_limedouce Ah ! C'est toi, mon ami, je te cherchais. Eh vite, Messieurs ! Le tocsin, le tocsin, nous allons être joués à notre tour... On annonce une pièce sous le titre des Auteurs modernes. Oui, mais on connaît mes Mélanges. Mais, selon toute apparence, de celle que vous vous êtes avisés de mettre en scène. Justement, et voici même un de leurs adeptes, qui veut bien être de mes amis, que je vous amène tout exprès. **** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_GUILLEMET *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_guillemet Oui, Monsieur, pardonnez-nous ce mouvement de gaieté ; mais le pacte que vous venez de faire avec notre ami est trop plaisant, pour ne point en rire. En effet, il est très déplacé d'assimiler toute une nation, qui, malgré qu'on en dise, aime et connaît la franche et vraie gaieté, à cette multitude dont le faux goût ne se plaît que dans les extravagances ; c'est même une ingratitude que d'insulter cette classe lorsqu'elle seule soutient la réputation de notre ouvrage. On connaît depuis longtemps ce petit manège, et moi-même qui vous parle, je m'en suis quelquefois très bien trouvé. Oui, je vois qu'on pérore avec beaucoup d'aisance, et que sans rien prouver, ce ton décisif doit laisser dans l'esprit d'une infinité de lecteurs une persuasion qu'ils ont compris tout ce qu'on a dit et voulu dire. Et c'est vrai ; car, encore une fois, un cadre original où tous les personnages font assaut d'épigrammes et n'offrent que des vices ou des ridicules sans correctifs, peut-il être regardé comme une comédie propre à réformer les moeurs ? Quelle impression cette pièce a-t-elle faite ? Qu'en reste-t-il, en un mot, à ceux qui l'ont suivie dans toutes ses représentations ? Sans doute, c'est un subterfuge que la discussion a fait naître; et dans tous les cas, le titre de L'Époux suborneur en est un très excellent, s'il eut été traité selon les lois de la décence théâtrale. Vous aurez beau dire, Messieurs, l'auteur en revient toujours à Molière, et prétend, à quelque prix que ce soit, justifier ses principes par ceux de ce grand homme. Mais enfin, Monsieur, nous sentons bien une certaine chaleur... certains chatouillements... de grâce, finissez ces gestes-là, et éloignez-vous un peu. **** *creator_carriere-doisin *book_carriere-doisin_cafelitteraire *style_prose *genre_comedy *dist1_carriere-doisin_prose_comedy_cafelitteraire *dist2_carriere-doisin_prose_comedy *id_SONGECREUX *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_songecreux Néanmoins, Messieurs, distinguons la critique d'une satire odieuse et personnelle ; car, comme dit très bien l'auteur de La Folle Journée, « une critique générale est un des plus nobles buts de l'art : elle corrige sans blesser et porte du fruit. La satire au contraire, aussi stérile que funeste, blesse toujours et ne produit jamais ». Prenez-y garde, car dès le premier mot l'auteur vous met hors des gonds. Eh oui : ne dit-il pas que ce serait une recherche oiseuse que d'examiner s'il a mis au théâtre une pièce bonne ou mauvaise, parce qu'il n'est plus temps ? Ce n'est donc qu'un mot vague ou bien présomptueux, que celui qui fait entendre qu'il juge sa pièce absolument bonne par son succès : car enfin, Messieurs, vous savez mieux que personne, que l'enthousiasme n'est souvent que le résultat des circonstances. Un auteur connu pour exceller dans l'art de la plaisanterie et qui se trouve dans une certaine position, excite la curiosité. Alors la malice s'éveille et ne manque pas d'annoncer, six mois d'avance, plus de méchancetés qu'il n'a eu dessein d'en mettre dans son ouvrage. De là chacun dit son mot, fait des allusions, les têtes se montent, on veut voir ; et voilà comme, avec de la roideur et de la patience, on parvient aussi à glisser assez de hardiesses, pour faire porter une comédie aux nues, avant même que qui que ce soit l'ait comprise, et c'est ce qui est arrivé. Assurément. Non, certainement. Ce paragraphe tout piquant qu'il soit dans la préface, n'est qu'une astuce littéraire, pour prouver combien il est difficile de faire admettre de certains sarcasmes ; car il y a bien moins aujourd'hui de fermentation et de partis dominants qu'il y en avait alors. La sagesse du gouvernement a si bien réglé les devoirs respectifs de chacun des membres qui composent la société, qu'ils seraient les premiers à applaudir au vrai philosophe qui instruirait en amusant, mais non à un écrivain lançant seulement des épigrammes, sans qu'il en puisse résulter le moindre avantage pour l'instruction publique. Eh non, ce sont des géants de leur façon pour faire croire à la multitude qu'ils ont une légion d'ennemis très puissants à redouter. Ils prennent bien leur modèle dans la société, mais ils n'en font que de faibles caricatures, de froides miniatures joliment encadrées. Ah ! C'est-à-dire qu'en ramassant toute cette poussière et nous la jetant dans les yeux, on nous rend la lumière, que les bonnes moeurs, la décence, le goût pour les chef-d'oeuvres de nos grands maîtres vont enfin reprendre leur empire ; en vérité une cure aussi brillante est très glorieuse, mais je doute qu'elle puisse s'émaner de La Folle Journée. Courage, Messieurs, et jouons serré. N'est-il pas vrai que si La Folle Journée était un ouvrage vraiment moral, tout ce que l'auteur avance, et surtout aidé de sa petite ménagerie, serait victorieux ? Mais malheureusement il ne développe que les bons principes, et sa comédie y est diamétralement opposée. Aussi Jeannot et Figaro seront-ils époque dans les annales des folies du siècle. Ici c'est bien différent, il ne s'agit pas d'athéisme, ni d'impiété, on attaque l'ouvrage sans déshonorer l'auteur. Leste, dites-vous ? Vous êtes bien indulgent, Monsieur : pour moi, je le trouve injurieux, et c'est sans doute encore une finesse de l'art ; car dans le fait je suis persuadé que l'auteur n'est pas aussi fâché qu'il veut le faire croire, et ce bon public n'est ni pour lui, ni pour ceux qui sont dans son secret, ce juge incorruptible, dont les arrêts ont déjà condamné son ouvrage. Toutes les fois qu'un gladiateur aussi redoutable se présentera dans des conjonctures semblables, il excitera des clameurs. Oui, du côté de la gaieté ; mais ne croyez pas que ce prince ait regardé cette pièce comme faite pour réveiller dans le coeur du Français le vieux mot Patrie. Non, assurément : trop satisfait du nom célèbre de Figaro, il se serait bien gardé de ne pas le conserver pour un ouvrage destiné à faire suite de cet enfant gâté. Oui, mais comme notre auteur veut s'assimiler à Molière et Regnard, il n'est pas maladroit de tâcher de prouver qu'il a été plus fin qu'eux, en donnant le change à la meute qui l'aurait harcelé bien autrement s'il n'eut pas redouté la piste. D'ailleurs, s'il est quelquefois prudent d'éluder de certaines tracasseries, c'est l'affaire du moment, et avec un peu de souplesse on vient à bout de tout. Mais en vérité, Messieurs, cet écrivain nous traite effectivement comme des enfants qui braillent quand on les éberne. ⁎⁎⁎⁎ À sa place, je jetterais mon théâtre au feu, nous n'en sommes pas dignes. N'est-il pas vrai aussi, Messieurs, que tout accessoire que soit le petit Page, il est fait pour scandaliser, et que, dans une comédie surtout, le danger n'en est pas moins effectif pour n'être pas dans le sujet principal ? Et voilà pour quoi le coeur est si souvent la dupe de l'esprit : c'est même le reproche qu'on est en droit de faire à de très beaux romans, à plus forte raison à une comédie dont les personnages réellement existants, mettent en action ce qui est déjà très pernicieux dans un simple récit. Oui, Messieurs, je trouve cette pièce tellement dangereuse, que, pour me servir du langage de l'auteur, je dirais volontiers publiquement et à haute voix : «Ô vous, jeunes personnes modestes et timides, qui vous plaisez à La Folle Journée, écoutez les conseils d'un véritable ami, et défiez-vous d'un enchanteur qui vous flatte et vous implore avec tant de douceur. Lorsque vous verrez dans le monde un de ces hommes qui ne respirent que l'amour des plaisirs, qui ne s'agitent que pour jouir des vanités du siècle, examinez bien cet homme-là, sachez son rang, son état, son caractère, et vous connaîtrez sur-le-champ si son langage séducteur doit être préféré aux sages préceptes d'une saine morale». Sans doute, mais rien n'est plus faux. Le Misanthrope est un ouvrage grave et philosophique, dont tout l'ensemble forme le tableau le plus instructif sur les travers et les vices de la société. C'est un tribunal sévère, où là folie ne fait pas perdre le fruit des arrêts qui s'y prononcent. La Folle Journée, au contraire, est un ouvrage de marqueterie, un arsenal où l'on n'entend que des coups de mousqueterie, qui font bien briller l'adresse de l'auteur, mais qui ne peuvent corriger ceux qui en sont frappés. Et nous notre imprimeur.