**** *creator_cubieres-palmezeaux *book_cubieres-palmezeaux_galathee *style_verse *genre_comedy *dist1_cubieres-palmezeaux_verse_comedy_galathee *dist2_cubieres-palmezeaux_verse_comedy *id_PIGMALION *date_1777 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pigmalion Hélas ! Ma Galathée, il faut s'y préparer. Et tu comptes pour rien, peut-être, Les tourments qu'à mon tour, je suis prêt d'endurer ? Crois qu'ils seront égaux à ceux que je te donne. À Babylone. Le Souverain de ces climats Me fait dans cette lettre une vive demande. Oui, Galathée, il faut que je me rende Incessamment dans ses États. Au puissant Apollon que son Peuple y révère, Il fait bâtir un sanctuaire ; Et c'est moi qu'il choisit pour embellir ce lieu, Pour y représenter l'Histolre de ce Dieu, Et la transmettre à la Mémoire. Le besoin des cœurs généreux, La gloire. Bannis un soupçon que j'abhorre, Et dont s'indigne ma vertu. Ma chère Galathée, eh ! Qu'on donc ? Penses-tu Que la gloire en mon cœur étouffant la tendresse, En écarte jamais ma femme ? Ma maîtresse ? Ah ! Juge mieux de,mon ardeur: Je ne veux de mon nom relever ta splendeur, Que pour pouvoir un jour, comparable aux Dieux même, Paraître plus aimable aux yeux de ce que j'aime. Ah ! Si je te suis cher, Tu ne me suivras point. Tout. La Ville où je vais, du vice est le repaire ; Le vice y règne seul sous les traits du plaisir : L'art de tromper y prend le nom de l'art de plaire ; La pudeur n'y fait plus rougir. Là, pour séduire la plus belle, L'amour, coupable enfant du volage désir, Prend chaque jour une forme nouvelle : Là, des Satrapes orgueilleux, Peignant pour toi de la tendresse, Environneraient ta jeunesse De mille écueils voluptueux : Indignés de ta résistance, Ils nous sépareraient pour prix de ta constance ; En vain je me plaindrais de cet injuste sort, Ma plainte serait rejetée, On nous condamnerait à l'exil, à la mort, Et je perdrai ma Galathée. Ah ! De grâce, abandonne un dangereux dessein. Les Dieux, touchés de ma prière, Ont animé le marbre, ont fait vivre la pierre, La pierre façonnée, ouvrage de ma main ; Ces Dieux ont achevé par leur toute puissance Ce que je venais d'ébaucher, Tu leur dois la lumière, et surtout l'innocence : Conserve ce trésor et qu'il te soit plus cher, Plus précieux que l'existence. Écoute : on peut te l'adoucir, Ou du moins endormir ta peine. Tu vois là ma statue... C'est le chef-d'œuvre d'Alcamène, Sculpteur plus habile que moi. Cette nuit Vénus m'est apparue ; Elle m'a fait connaître un moyen sûr, très sûr, Pour animer cette statue. À Vénus seulement, adresser ta prière. Un hymne en son honneur, Tel que celui que mon amour sincère Composa pour fléchir la puissante Cypris, Quand je voulus faire descendre une âme Dans le marbre, objet de ma flamme, Qui devint Galathée à mes regards surpris. Non. Cet homme en effet sera ma vraie image, Sans être mal pourtant. Il aura mon visage, Mes yeux, mes mains, tous mes dehors ; Même il imitera mes amoureux transports ; En un mot, ce sera l'ombre la plus palpable... Tu ne pourrais l'aimer sans devenir coupable, Il faut t'en défier aussi bien que d'un corps. Que ton cœur te dirige, et qu'il soit seul le maître. Mais, Ciel ! Que je suis étourdi ! Tout semble contre moi conspirer aujourd'hui. Je vais à Babylone entreprendre un ouvrage, Qui me peut mériter le renom le plus beau ; Et j'oublie en homme peu sage, Et mon maillet, et mon ciseau : J'allais vraiment faire un joli voyage ! Voudrais-tu bien me les aller quérir, Tandis qu'ici je vais finir De mon départ les apprêts nécessaires ; Puis je y compter ? Oui. Tu me retrouveras ici, J'y ferai, mais tu ne le croiras guères. Combien je m'applaudis de l'avoir inventé, Ce stratagème heureux, dont ma vive tendresse Va se servir pour lire au cœur de ma maîtresse Les témoignages sûrs de fa fidélité ! Cette Statue en tous points me ressemble ; Mes traits y sont dans le plus juste ensemble. Sa draperie et tous ses vêtements, Alcamène les fit d'après ceux que je porte ; L'illusion même est si forte, Que l'on s'y trompe en de certains moments. Galathée à son tour se trompera, je pense, Remplie encor du souvenir charmant De sa merveilleuse naissance : À la pierre sans mouvement Elle croira pouvoir donner la vie, Et dans une masse engourdie, Verser les feux du sentiment. De ce frivole espoir, d'avance elle est flattée, Et son cœur, pauvre Galathée ! Rien n'est plus étendu que le pouvoir des Dieux ; Mais de ce grand pouvoir, combien ils font avares ! Les miracles deviennent rares. Ils n'en fatiguent point nos yeux : S'ils ont, pour moi, de la Nature Interverti l'ordre et les lois, C'est en faveur d'une flamme si pure... Un prodige pareil n'arrive pas deux fois. Parmenon ! Tu sais mon stratagème, Le billet que je t'ai remis, Songe à le rendre à la Beauté que j'aime, Dès qu'en ces lieux... Tu vois que sur la tête De la statue est le laurier des Arts, Qui s'entremêle à ses cheveux épars : Pour la ressemblance parfaite Il m'en faut un aussi. Arrête : Il faut en ce moment remplir un autre soin. Ce n'est pas sans beaucoup de peine Que l'on peut déplacer l'ouvrage d'Alcamène : De ton secours pour cela j'ai besoin. Aide-moi. Non, elle vient. Demeure, et surtout dissimule. D'UN assez grand danger, vraiment je suis sorti § De sa nature un marbre est impassible ; Sous les coups du maillet terrible, Pour la première fois la nature eût menti, Et Galathée eût trop senti Que je n'étais rien moins qu'une pierre insensible. C'est pour multiplier l'objet de ses amours. Qu'elle va d'un miroir emprunter le secours. Que son âme en est un, pour moi, clair et fidèle. J'y lis que rien jamais ne m'éloignera d'elle. Mais ne vais-je point abuser De cette ardeur dont je la vois éprise ? Non. Je veux seulement jouir de sa surprise : Il est permis de s'amuser. Fort. Erreur. Le tonnerre gronde à propos : Rien n'est plus fatiguant qu'un éternel repos. Je n'en puis plus. Toujours dans la même attitude ! Oh ! finissons : le supplice est trop rude. D'ailleurs à Galathée il faut tout découvrir, C'est assez s'amuser de son inquiétude. Que son trouble m'a fait plaisir ! Que j'aime sa tendre colère Contre mon prétendu rival ! Elle va me traiter fort mal : C'est le vrai moyen de me plaire. Je souhaite qu'à mon ardeur Elle ne laisse pas les moindres espérances : Son courroux fera mon bonheur, Et ses rigueurs pour moi, seront des jouissances. Je crois l'entendre revenir. Pour changer enfin de posture, Voici fort à propos un siège de verdure Oh je vais feindre de dormir. Dieux ! quel objet se présente à ma vue ? Il porte dans mon âme une joie imprévue. Vous êtes, pour mes yeux, l'objet le plus charmant, Le plus... Oui, je sens que je vous adore. Un tel discours me met en peine : Apprenez-moi ce que c'est que la haine. Je ne vous entends pas. La définition, pour moi, n'est plus obscure ;. Et de vos sentiments, j'aurais tort de douter. Exauçant vos souhaits, Me feraient devenir marbre comme j'étais. Eh bien ! Il faut vous satisfaire : Je vais... Non, arrêtez. Vous retenez mes pas ? Vous voulez mon trépas. Étrange aveuglement !... Et pourquoi me haïr Alors que je suis votre ouvrage ? L'image d'un époux n'a donc rien qui vous charme ? Je vois à cet aveu si rempli de candeur, Que c'est Pigmalion qui seul a votre cour ; Que vainement j'ose y prétendre. Le croyez-vous payé d'un sincère retour, Et que sa flamme égale mon amour ? Le Ciel vous prodigua les charmes C'est peut-être à leur vain éclat Que Pigmalion rend les armes. Que mon amour est bien plus délicat ! Que mon feu, né de la reconnaissance, M'enchaîne à vous par un plus pur lien ! Pigmalion ne vous doit rien ; C'est de vous que je tiens ma nouvelle existence. Peut-être il n'aime en vous que la beauté, Et son feu passager, qu'elle seule a fait naître, Avec elle bientôt s'envolera peut-être. Tout me fait un devoir de la fidélité. Pourquoi donc cherchez-vous à redoubler mes peines ! J'ignore encor si les ingrats Sont punis par les lois humaines ; Mais je crois que le Ciel ne leur pardonne pas. Eh bien ! Vous me forcez a l'être, Quand vous m'ordonnez d'étouffer Un feu dont je ne suis pas maître, Et dont même les Dieux ne pourraient triompher. En vous obéissant, cruelle, je les blesse, Ces Dieux dont la justice approuve ma tendresse : Voulez-vous voir sur mol s'appesantir leurs bras ? C'est le sort qui m'attend. Voulez-vous voir la foudre Réduire votre ouvrage en poudre, Et peut-être sur vous retomber en éclats ? Être, à qui je doit tout ! Être vraiment céleste ? Être, par qui le jour est venu m'éclairer, Ah ! Permets-moi de t'adorer, Ou reprends ton présent funeste. Mon triomphe est complet : ô fortunés moments ! C'est moi-même, Si j'en crois le rapport, que m'a fait en ces lieux Cette Beauté qui me hait et que j'aime. Ciel d'où peut me venir ce bienfait glorieux ? Eh bien ! L'éclat du rang suprême Pour vous n'a-t-il rien de flatteur ? Et me préférez-vous toujours un vil Sculpteur ? Arrête, Galathée ! Vois à tes pieds Pigmalion. Il est présent, te dis-je ; C'est ton amant, c'est ton époux, Qui dans ce moment même embrasse tes genoux : Pardonne-lui son stratagème ; Poussé d'un désir curieux, Pour éprouver celle que j'aime J'ai feint d'abandonner ces lieux. Ce n'était point une imposture > Pardonne ! Alors la créature S'est en effet moquée un peu du créateur. Sûr ces gazons nos mains l'ont abattue. , Non, je ne le suis pas, Et ne regrette point le trône. Cette palme des arts qui me sert de couronne, Plus que celle des Rois a pour moi des appas. L'unique bonheur où j'aspire, Est d'être au rang de tes sujets, De t'obéir toujours, et de n'avoir jamais Que mon atelier pour empire. Que m'importe le vain éclat Que procurent les diadèmes ? Qu'ai-je besoin d'un peuple, d'un État ? Je suis plus que Roi quand tu m'aimes. C'est lui-même, il a pris Cet habit par mon ordre, il faut lui faire grace En faveur de mes feux. Ton oil surpris La cherche vainement. Il parlait à des arbres. Ton Art s'étend plus loin, tu fais vivre des marbres. **** *creator_cubieres-palmezeaux *book_cubieres-palmezeaux_galathee *style_verse *genre_comedy *dist1_cubieres-palmezeaux_verse_comedy_galathee *dist2_cubieres-palmezeaux_verse_comedy *id_GALATHEE *date_1777 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_galathee Eh ! Quoi ? Sitôt nous séparer ! Que servait de me fait me naître ? Je vais souffrir sans cesse, et nuit et jour pleurer : Il vaudrait bien mieux ne pas être. Vas-tu bien loin ? Comment donc ! Est-ce qu'il te mande ? Et quel motif t'engage à te rendre à ses vœux ? Hélas ! Toujours la gloire, La devrait-on préférer à l'amour ? Que sert de vivre plus d'un jour, Alors que ce n'est point pour l'objet qu'on adore ? Eh bien ! Puisque la gloire a fasciné ton cœur, Vas chercher, vas saisir ce fantôme trompeur ; Tu le peux, j'y consens, et n'en suis point jalouse ; Mais souffre au moins que ton épouse Accompagne tes pas... Qui peut m'en empêcher ? le ne pourrai jamais supporter ton absence : Tu veux en vain m'y faire consentir. Eh bien ! Oui, je la vois. Ah ! fort bien ! Peut-être tu crois Que l'aspect d'une image vaine, Va me dédommager de ce plaisir si pur, Qu'avec toi... Pigmalion ! Ô Ciel ! Se peut-il ? Quel bonheur ! Pour cela que faudra-t-il faire ? Quelle prière ? Oh ! Rien n'est plus aisé : mais cet homme de pierre, Sera-ce une ombre, une chimère, Ou bien une réalité ? Pourrai-je au moins l'aimer en sûreté ? Pourrai-je voir en lui l'objet de mes tendresses, Et lui prodiguer mes caresses Sans crainte d'infidélité ? Qu'un autre donc le fasse naître ; Je n'aurai point cette indiscrétion ; Je rougirais de donner l'être Au rival de Pigmalion. J'y cours, tu m'attends ? Pigmalion !... Pigmalion !... Où donc est-il ? Vainement je l'appelle ; Rien n'égale mon trouble et mon affliction. Pigmalion, hélas ! Serait-il infidèle ? Ô Mortel trop aimable, à qui je dois le jour, Est-ce pour aller voir une amante nouvelle, Qu'aussi prompt que l'éclair, tu quittes ce séjour ? Non, c'est à tort que je t'accuse ; Tu n'as fans doute abandonné ces lieux, Qu'afin de m'épargner la douleur des adieux, Et dans ton amour même, oui, je vois ton excuse. Il est donc parti ! En courant après lui, ne pourrions-nous pas... Comment cela ? Donne donc, malheureux, donne donc cette lettre ! Tu me la rends bien tard ! p Je prends, pour te quitter, l'instant de ton absence: « Pardonne, tout le veut ; il m'eut été bien doux De t'embrasser encor, de jouir en silence De ta douleur mêlée au plus tendre courroux. Mais la gloire m'appelle, elle a pour moi des charmes ; Que dis-je ! Elle partage avec toi tout mon coeur : Je n'aurais jamais pu résister à tes larmes, Et l'amour ne dois point l'emporter sur l'honneur. » Laisse-moi seule à ma douleur, Parmenon, laisse-moi m'y livrer toute entière : Peut-être en y rêvant je pourrai la calmer. La voilà donc cette insensible pierre, Qu'en faisant certaine prière, En homme je puis transformer ! Je veux... Non, étouffons un désir téméraire, Autant qu'à mon amour, à ma gloire contraire. Nul, hors Pigmalion, n'a droit de me charmer : À lui seul je veux plaire. Au lieu de l'animer, Détruisons-la, cette statue : Que ma main à la déformer, À la défigurer hardiment s'évertue ! Oui, mon devoir l'exige : allons, ferme ! Mon bras ! Frappons, sans que rien me retienne Ce beau chef-d'œuvre d'Alcamène § Ébréchons ces contours si fins, si délicats !... Quoi ! De Pigmalion je vais briser l'image ! Cette image sacrée, objet de mon hommage, Dont l'aspect seul adoucit mon tourment Dont l'aspect seul me dédommage De l'absence de mon amant ! Ah ! Plutôt que de la détruire, Je voudrais la multiplier. Il me vient une idée, et le Ciel me l'inspire : Que je dois l'en remercier ! Un Prêtre de Minerve, un vieillard vénérable. Que les secrets de son art redoutable Ont rendu le rival de la Divinité, M'a fait présent, pour prix de l'hospitalité, D'un cristal merveilleux, magique, inconcevable, Où chaque objet est si bien répété, Que par un charme inexprimable , On confond le mensonge avec la vérité, On prend l'illusion pour la réalité. Je vais quérir soudain ce cristal admirable : Il ne me rendra point mon cher Pigmalion ; Mais il me doublera son image adorable, Et mon cour a besoin de cette illusion, Pour adoucir le chagrin qui l'accable. D'une manière avantageuse, D'abord tâchons de te placer, Tiendras-tu là ? Voyons. Oui : la place est heureuse ; Mais ne vas pas au moins tomber et te casser. Le prestige opère d'avance. Voilà Pigmalion ! Oui : voilà mon Amant ! Je suis à ses côtés ! Ciel ! Quel tableau charmant ! C'est celui de l'amour, celui de l'innocence. Mais, que vois-je ? Ô prodige ! Ô miracle imprévu ! La statue !... On dirait... Que faut-il que j'en pense ? On dirait... Ô Ciel ! Qu'ai-je vu !... Que vois-je encor ! S'un aimable sourire Sa bouche est embellie : un léger mouvement A paru dans ses yeux où nait le sentiment. La Statue à coup sûr respire. Non, J'étais le jouet d'un charme séducteur : La Statue est toujours dans la même posture ; Le calme est sur ses traits, le trouble dans mon cour, Le voilà, je crois, l'enchanteur D'où provient toute l'imposture ! Puisqu'il trompe ainsi mon désir, Qu'il fasse ailleurs briller son prestige infidèle ! Je n'en veux plus : une peine réelle M'afflige moins qu'un faux plaisir. Me voilà condamnée à vivre avec un marbre, Et cela durera peut-être un ou deux ans. L'heureux destin ! Le joli passe-temps ! Autant vaudrait-il être un arbre. Ah ! Loin de m'exposer à ce cruel tourment, Animons la statue : est-ce un crime si grand ? Je ne prétends donner la vie À ce nouveau Pigmalion, Que pour faire avec lui la conversation, Qu'afin de vivre en compagnie. Mais ce Pigmalion, si ressemblant au mien ; N'étant plus une pierre, aura des sens, une âme, Les Dieux le formeront, sans qu'il lui manque rien : Ils en feront un homme, et je fuis une femme. S'il avait quelque envie en effet de m'aimer, Comme cela me ferait rire ! Combien je me plairais à causer son martyre ! L'aspect des malheureux ne saurait me charmer ; Mais pour le coup, la raison, la justice, Autoriseraient ma rigueur. Au vrai Pigmalion, seul maître de mon cour, Je dois offrir le faux en sacrifice, Je dois immoler tout à ma fidélité ; Rien ne m'arrête plus, puisse la Déité, Que je vais implorer sous cet heureux auspice, Prêter à mes accents une oreille propice ! Il faut changer les lois du sort : Il faut donner la vie à ce marbre insensible.' À Vénus rien n'est impossible, Voudra-t-elle pour moi faire cet effort ? « Ta puissance que je réclame D'un marbre inanimé fit éclore une femme : Ô Vénus ! À mon tour j'implore ta faveur ; Rends Pigmalion à nu flamme Tu feras naître dans mon âme Plus de plaisir que de terreur. » Qu'entends-je ? Quelle voix a frappé mon oreille ? Est-ce Vénus qui me répond ? Non. Cette voix est trop pareille À celle du Mortel... Hélas ! Tout me confond. S'il n'était pas absent, je croirais... Qu'elle est tendre Cette voix ! Puisse-t-elle encor se faire entendre ! Ô Vénus ! À mon tour j'implore ta saveur : Rends Pigmalion à ma flamme, Tu feras naître dans mon âme Plus de plaisir que de terreur, Erreur. Malheureuse !... Le Dieu dont je porte les chaînes M'environne d'illusions, Et pour des vérités, m'offre des fictions. C'est l'écho des roches lointaines Qui vient de répondre à ma voix, Et je n'entends, et je ne vois Que Pigmalion seul : en dépit de l'absence Pigmalion en tout lieu me poursuit ; Pendant le jour, c'est à lui que je pense, J'y rêverai pendant la nuit. Mais voyons un peu la statue. J'ai beau la regarder, rien encor ne remue : Que dis-je ! Un voile épais vient d'obscurcir les airs ! À travers ces palmiers, brillent de longs éclairs, Le tonnerre a grondé dans la voûte éternelle : Ah ! J'ai commis un crime, en voulant animer Ce marbre détestable ; et contre une infidèle, C'est le Ciel qui vient de s'armer. Mon coupable désir excite la tempête, À sa fureur tâchons de dérober ma tête. Il faut avoir bien de l'audace Pour revenir ici braver les Dieux ! C'est un charme secret qui m'attire en ces lieux, C'est la statue... Ô Ciel ! Elle a changé de place, Elle a quitté le piédestal, Ah ! C'en est fait. Vénus, exauçant ma prière, En homme aura changé la pierre. Je ne me trompe point... Ô prodige fatal !... Le voila !... Plus je l'envisage, Plus je crois voir celui qu'idolâtre mon cour ; C'est là sa taille, son visage, Il est charmant... Il est... Il est à faire peur ! Je ne sais... Il me prend des accès de fureur... Si j'avais à présent mes flèches... Insensée. Un tel projet doit-il entrer dans ma pensée ? Dois-je ainsi me mettre en courroux Contre un objet que je méprise ? Il est indigne de mes coups ; À cette ressemblance, une autre serait prise. Une autre... Il faut que je lui dise Que d'une vaine illusion, Je sais défendre un cour tout à Pigmalion ; Approchons, je crois qu'il sommeille, Comment lui dire ?... Il faut que je réveille Oui ; sans attendre plus longtemps, Il faut lui dévoiler mes moindres sentiments, Seigneur... Je vois à votre joie, à votre étonnement, Que vous me trouvez fort jolie. Eh bien ! J'en suis encore, Et vous m'aimez probablement. Eh bien ! J'en fuis ravie encore, Moi, je vous hais mortellement. C'est le contraire de l'amour. C'est clair comme le jour. Écoutez-moi : tenez, avant que d'être un homme, Vous étiez ce qu'ici l'on nomme Une statue, et sur ce piédestal . Vous figuriez tant bien que mal ; Enfin, vous n'étiez qu'une pierre. C'est moi, qui par une prière, Qu'a suivie un prompt repentir, Vous ai fait transformer en homme. À l'instant même, Je voudrais que le Ciel, propice à mon désir, Vous fît pierre redevenir : J'en aurais une joie extrême ; Voilà ce que c'est que haïr. Si fur le piédestal vous vouliez remonter, J'imagine, je conjecture, Que peut-être les Dieux... Je le désire autant que je l'espère. Oui ; j'ai pitié de vous. Vous avez été pierre Assez longtemps, Non. Je vous laisse la lumière, Pourvu que de vos feux vous ne me parliez pas ; Votre amour offense ma gloire ; Je le répète : je vous hais ; Et si vous persistez à m'aimer, désormais Je vous haïrai plus : vous pouvez bien le croire. C'est que du seul mortel que je doive chérir Vous êtes la parfaite image ; Que vous avez ses traits, le même son de voix ; Que je pense le voir, alors que je vous vois, Et que plus je suis exposée À vous confondre avec Pigmalion, Plus je dois me conduire en personne avisée, Pour éviter toute distraction. Je goûte, en la voyant, le plaisir le plus doux : Mais un portrait qui parle et qui marche, entre nous, Est fait pour causer quelque alarme. Oui : mon amour pour lui ne saurait se comprendre. Tout à Pigmalion, tout m'enchaîne de même ; Tout me fait une loi d'aimer celui que j'aime. Ainsi que vous, je fus un bloc longtemps : Je le serais peut-être encore, Si de Pigmalion l'amour et les talents D'un bloc ne m'eussent fait éclore. C'est lui qui m'a créé des sens, C'est de lui que je tiens une âme ; C'est à lui que je veux consacrer ses présents. Le marbre enfin, qui fit naître sa flamme, Doit l'en récompenser à présent qu'il est femme. Je m'embarrasse peu qu'il se laisse charmer Par quelque nouvelle bergère ; Mon bonheur est de lui plaire, Mon devoir est de l'aimer. Levez-vous : de vos maux j'ai pitié, je le sens ; Je voudrais les guérir, et ne puis que les plaindre ! J'aime Pigmalion, j'ignore l'art de feindre, Et je ne changerai jamais de sentiments. Oui ! J'ai prié les Dieux, Les Dieux m'ont entendue, Dans le marbre à ma voix la vie est descendue, J'ai dit, et le marbre a parlé. Emmenez-le bien loin d'ici, Mon unique désir est que l'on m'en délivre. Garde, garde ton diadème, Penses-tu que pour lui je veuille abandonner L'unique objet de mon amour extrême ; Témoin de cet amour, peux-tu le soupçonner ? Pigmalion m'est cher cent fois plus que le trône :• Adieu, je vais le joindre à Babylone ; Ce n'est que sur son cour que je prétends régner. Ô surprise ! Ô prodige ! Comment peut-il savoir mon nom ? Il est si loin ! Si loin ! J'aurais dû m'en douter, lorsque sur ta figure J'ai cru tantôt voir un souris menteur. Mais d'Alcamène où donc est la statue ? Tu n'es donc pas un Roi ? Cet homme-là pourtant, offre à mes yeux, Tous les dehors sacrés d'un ministre des Dieux. Ô Ciel ! C'est Parmenon ! Mais cette populace Qui le suivait... **** *creator_cubieres-palmezeaux *book_cubieres-palmezeaux_galathee *style_verse *genre_comedy *dist1_cubieres-palmezeaux_verse_comedy_galathee *dist2_cubieres-palmezeaux_verse_comedy *id_PARMENON *date_1777 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_parmenon Me voilà. Je l'ai promis, Et n'y manquerai pas. Votre couronne est prête ; Et je vais de ce pas... Volontiers. Je ne suis pas Hercule, Et la voilà par terre cependant. Puis-je me retirer en grave confident ? Ah ! Vous le connaissez ou mieux, Madame : il m'a chargé lui-même de vous dire Ce que vous dites là... Son départ vous déchire, Il le fait ; il a craint, en partant, à vos yeux De redoubler encor votre tendre martyre. Sans retard, Et vous pouvez en juger par mes larmes : Car aussi bien qu'à vous, Madame, son départ Me cause de vives alarmes. Rien ne serait plus inutile, Nous perdrions notre peine et nos pas : Peut-être il a déjà fait trois ou quatre mille. Le char qui le conduit, Par six chevaux traîné, roule moins qu'il ne vole ; Un éclair au sein de la nuit Brille moins promptement de l'un à l'autre pôle. Ce qui me cause un mortel déplaisir, C'est la défense qu'il m'a faite De sortir de cette retraite. Depuis longtemps j'ai le plus vif désir De voir ces beaux jardins qu'une fameuse Reine Dans l'air, dit-on, a fait bâtir Pigmalion comble ma peine En me défendant de partir. Je suis esclave, il est maître, il ordonne, Il faut que je demeure ici ; Et les jardins de Babylone Doivent être pourtant plus beaux que celui-ci, Mais parcourez le billet que voici, Qu'il m'a chargé de vous remettre, Hélas ! Que voulez-vous ? L'affliction me fait extravaguer, je pense. Peuple, attendez-moi là. Dans ces lieux redoutables, Que les Dieux immortels viennent de consacrer Par des prodiges mémorables, Un Prêtre de Vénus a seul le droit d'entrer. Eh quoi ! Vous y voulez malgré moi pénétrer ? Demeurez, malheureux ! Ou craignez d'attirer Le courroux de Vénus sur vos têtes coupables. N'êtes-vous pas, Seigneur, ce marbre que les Dieux Viennent d'animer ? Ce mystère par vous lui fut donc révélé ? Eh bien, Seigneur, soyez prêt à me suivre. Vous pourriez bien toujours ne pas parler ainsi. De Tyr recevez la couronne ; Elle est à vous, l'oracle vous la donne, Et rien ne peut changer ses décrets absolus ! Par ma bouche, le Ciel aujourd'hui vous ordonne, De remplacer notre Roi qui n'est plus. Le Trône vous attend, aux regards de son maître Tout votre peuple est là, qui brûle de paraître. Un jour vous le saurez peut être ; En attendant, suivez l'ordre des Cieux. Regardez moi de près, et vous pourrez connaître, Que la barbe et l'habit ne font pas seuls le prêtre.