**** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURSIMON *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieursimon Ah ! Te voilà, coquine. Que fait ma femme ? Déjà sortie ! À l'heure qu'il est, elle n'est pas éveillée le plus souvent. Des affaires pressantes ! Oh, si elle ne change ses manières… Elle s'en trouve bien ; mais, je n'en suis pas content, moi. Ce qu'il y a d'extraordinaire ? Elle n'y vient que pour dormir. Comment l'entendrais-je ? Je suis quelquefois quinze jours sans la voir. Et c'est cela dont je me plains, au lieu de prendre le soin de son ménage… Assurément. Comment bon ? Mais, qu'elle demeure au moins dans sa maison, qu'elle y reçoive compagnie, qu'elle voie… Araminte, par exemple, c'est une femme raisonnable que celle-là. Je ne lui demande autre chose que de demeurer chez elle. Je n'en viendrai point à bout si je ne querelle. Depuis l'affaire du diamant… Aussi je crève, et l'on ne sait pas tout ce que je souffre. N'y manquez pas au moins. Que je t'aurais d'obligation ! Ah ! Vous voilà donc au logis, Madame ? C'est une grande merveille, oui. Hé, le moyen de vous bien porter. Vous devriez être morte, depuis le temps que vous vivez comme vous faites. Ne rougissez-vous point de… Comment, Madame, vous croyez… Il faut que j'aie une belle patience. Oui, Madame, et très long… En abrégé, Madame ? Et le moyen de renfermer en peu de paroles tous les sujets de plaintes que vous me donnez tous les jours. Oh que diantre, mon fils, mon petit mari, supprimons tous ces termes-là, s'il vous plaît, trêve de douceurs, je vous prie. Hé morbleu, je suis outré du vôtre, moi. Comment donc, mes emportements ? Je n'ai que trop de douceur de par tous les diables. Morbleu ! Vous perdez l'esprit, Madame. Ah, la méchante femme, Lisette, la méchante femme ! Mes violences ? Tu crois ce qu'elle dit ? C'est un prétexte pour avoir raison d'être toujours dehors. Oh, pour le coup, je perds patience. Oui, tu as de l'esprit, et je te permets de me condamner si j'ai tort. Ne le sais-tu pas ? Moi ? Hé bien, qu'elle fasse, pourvu qu'elle demeure chez elle. Hé bien, qu'elle me tienne parole, et je ne querellerai de ma vie. Je ne m'attendais pas à la trouver si raisonnable, je te l'avoue. Hé va, va, tu n'auras pas le temps de t'ennuyer ; il faudra faire en sorte qu'Araminte soit presque toujours avec toi, premièrement. N'est-il pas vrai ? Nous aurons son mari quelquefois, nous verrons ma nièce la Greffière qui fait des vers, ma cousine l'Avocate, son beau-frère qui est plaisant, sa sœur la Conseillère, mon oncle le Médecin, sa femme et ses enfants, nous nous divertirons à merveilles. Hé bien oui, des femmes de robe. Hé bien soit, des femmes d'épée, tout comme tu voudras. Des concerts ici dans ma maison ? Mais… Quelle chienne de régularité ! Miséricorde, un portier chez moi ! Chez un notaire, un portier, Madame ? Lisette ? Mais, Madame… Je me ferai moquer de moi ; et d'ailleurs, comment soutenir tant de dépense ? De quoi je m'effarouche, Madame ? Pour moi, je n'en saurais donner, car je n'en ai point. Je paierai bien cher cette complaisance, peut-être. Il faut en essayer, Lisette. Tu vois tout ce que je fais pour la mettre dans son tort. Hom, je ne sais comment tout cela tournera ; mais un honnête homme est bien embarrassé quand il est amoureux ; et qu'il a des mesures à prendre avec sa femme. Qu'est-ce qu'il y a ? Non, non, parle, cette salle est grande. Non vraiment. Je ne précipite rien, moi, et je ne fais point l'amour en jeune homme. Plus que je ne saurais te le dire. Comment renoncer à la voir ? Qu'y a-t-il donc ? Qu'est-il arrivé ? Mais à qui en as-tu ? Je t'en estime davantage, mais… Tu me ferais perdre patience. Ne veux-tu pas t'expliquer ? Hé bien, Araminte ? Comment, quelle situation ! Oui, oui, parle. Quoi ! Quel embarras ? Si je l'en tirerai ! Oh je t'en réponds. Mon pauvre Frontin ! À me ruiner ; qu'est-ce que cela signifie ? C'est la règle ? Ah, ah, et est-ce une nécessité de ruiner quelqu'un ? Dans un Couvent, Frontin ? Mais voilà une résolution bien précipitée. Comment tout de ce pas ? Il faut empêcher cela, Frontin. Mille écus ! De ne la jamais voir ? Je ne l'aime pas ! J'en perdrais l'esprit. Cela est chagrinant. Attends, Frontin. Attends-moi-là, te dis-je, je vais prendre dans mon cabinet un billet payable au porteur que je lui veux donner moi-même. Hé bien… Mais, connais-tu les gens à qui elle doit ? Mène-moi chez eux, je les paierai sans lui en rien dire. Cela sera assez galant, oui. Comment ? Malepeste, tu as raison, elle le saurait peut-être. Comment ferons-nous donc ? Mais, Frontin. Je ne dis pas cela, mais enfin. Que tu as l'esprit mal tourné ! Je vais chercher le billet, viens-t-en le prendre. Voici quelqu'un, veux-tu te taire, et me suivre ? Ah, ah, c'est Monsieur Josse ! Hé qui vous amène ici, mon voisin ? C'est justement le mien, Monsieur Josse. C'est justement le mien, Monsieur Josse. Qui vous l'a apporté ? Il fallait retenir ces gens-là. Hé, qui est-il, s'il vous plaît, Monsieur Josse, cet honnête garçon que vous connaissez ? Il faut le faire arrêter. Il y a ici fort à propos un Commissaire de mes amis, vous n'aurez qu'à nous envoyer avertir. Quoi ! C'est là celui qui… Où as-tu pris cela ? Tu m'en feras bon marché, pendart ? Tu me feras bon marché d'un vol que tu m'as fait, infâme ?... Oh, tu n'auras pas cette peine-là, sur mon honneur. Mon cher Monsieur Josse, vous pouvez me laisser la bague, je passerai chez vous, et je reconnaîtrai votre exactitude. Oh, ne pense pas m'échapper, nous avons d'autres comptes encore à vider ensemble. Là, rassure-toi, ne t'effraie point. Je ne ferai point d'éclat de cette affaire, je te le promets. Je ne veux point te perdre, te dis-je. Parlons doucement, comment est-elle à toi ? D'où vient-elle ? Qui te l'a donnée ? Que tu appelles ? Tu es un effronté maraud ; tu as volé ce diamant à ma femme, et c'est celui qu'elle perdit il y a six semaines. Que rumines-tu ? Cela est, je te ferai pendre si tu disputes. Venons à présent au reste. Oui, je l'ai perdu, moi, de t'avoir tantôt fortement confié un billet de mille écus. Tu es un fripon, passé maître. Je ne te connaissais pas encore. Il me fallait cette aventure pour me détromper. Araminte est là-dedans, tu as mon billet, il faut me le rendre. Il faut me le rendre tout à l'heure. Tu me le rendras. Tu me le rendras. Oh, tu me le rendras, ou je t'étranglerai, assurément. Bourreau ! Cela veut dire que votre diamant est retrouvé, ma femme. C'est ce coquin-là qui l'avait volé. Lui-même. Misérable ! Coquin ! Monsieur le Commissaire, il faut pendre ce fripon-là. Le diamant que voilà, vraiment : me prenez-vous pour un visionnaire ? Il est allé pour le vendre, j'avais fait courir des billets, comme vous savez, l'Orfèvre est venu m'avertir. Vous n'aurez pas de peine à le reconnaître. Voyez. Hé bien, ai-je tort ? Qu'en dites-vous ? Oh bien, quoique vous en disiez, je m'en croirai plutôt qu'un autre, et je ne me dessaisirai point du diamant. Quoi ! Vous me soutiendrez que ce diamant vous appartient, Madame ? À Lisette, si cents écus ? Hé bien, Madame, que me direz-vous pour excuser une conduite si blâmable, dont il faut malheureusement que nos meilleurs amis soient les témoins ? Ne rougissez point… Je suis trahi. Vous avez accepté deux cents louis de Monsieur le Commissaire, Madame ? Vos six cents écus, moi ? Madame, Madame, vous allez faire un bon conte de cette aventure ; mais… J'enrage : je crève, et je renonce à toutes les femmes. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Il n'est encore venu personne ? Ah ! Te voilà, que veux-tu, Frontin ? Voilà qui est bien. Puisqu'elle doit venir, il n'y a point de réponse, je la lui ferai moi-même. Lisette ? Mon Mari est amoureux d'Araminte. Elle me l'écrit. Intriguée ! Par quelle raison ? Cette femme est de mes amies, et tu sais que je ne suis pas jalouse. Fi, cela ne mérite pas seulement que l'on y fasse attention. Parlons d'autre chose. Sais-tu bien que je commence à me repentir de m'être laissée persuader de donner à jouer chez moi. Oh, ne me querelle donc point, je te prie, tu me mettrais de mauvaise humeur. Que veux-tu que je te dise ? Je suis dans des situations qui ne me plaisent point du tout. De quoi je me plains ? N'est-ce pas une chose horrible, que je ne sois que la femme d'un Notaire ? N'est-il pas vrai que j'étais née pour être tout au moins Marquise, Lisette ? Non vraiment, ma pauvre Lisette, je n'ose médire de personne, je ne puis risquer la moindre petite querelle avec des femmes qui me déplaisent. Je suis privée du plaisir de me moquer de mille ridicules. Enfin, Lisette ; quand on a de l'esprit, il est bien fâcheux, faute de rang et de naissance, de ne pouvoir le mettre dans tout son jour. Hé bien, n'en parlons plus, Lisette, c'en est fait, me voilà déterminée. Ne comptons point trop là-dessus, le mari d'Araminte est un homme fort extraordinaire ; et qui n'aime point à faire plaisir à sa femme. Et que je ne sais quel tour faire à mon mari pour en attraper ; l'affaire de mon diamant l'a déjà mis dans une colère épouvantable. Point du tout, il a fait courir des billets chez les Orfèvres. Je suis trop lasse des usuriers. Je n'en ai point à lui donner. Il me prend envie de lui en emprunter, Lisette : elle est fort riche cette Madame Amelin. Pourquoi non, c'est une commission que je te donne. À toi-même. Voilà ce diamant que mon mari croit perdu, tu as de l'esprit. Elle aura intérêt de me faire trouver de l'argent pour être payée. Hé, bonjour, Madame Amelin, il y a mille ans que je ne vous ai vue, et cependant je suis sur vos parties. Combien vous dois-je, Madame Amelin ? Volontiers, je n'aime point à devoir. Premièrement, pour avoir garni l'épaule gauche de Madame… Vous vous moquez, Madame Amelin, ce n'est pas là mon mémoire. Voyons. Pour l'idée d'une coiffure extraordinaire. Ah ! 4Je me reconnais à la coiffure : mais votre mémoire est furieusement long, vous croyez que je lirai tout cela, Madame Amelin, je suis trop paresseuse. Somme totale, trois cents dix livres. Lisette, allez dire à mon homme d'affaires qu'il vous donne trois cents dix livres, dépêchez, n'entendez-vous pas ? Trois cent dix livres, cela est-il si difficile à comprendre ! Hé bien, puisque vous comprenez, cela suffit, allez vite. Le commerce que vous faites vous donne bien de la peine, Madame Amelin ? La pauvre femme ! Vous faites quelquefois des pertes considérables ? La pauvre femme ! Vous avez beaucoup d'enfants, Madame Amelin ? Comment donc ? En vérité voilà un mauvais petit caractère. Elle a raison. Elle parle à merveille. Adieu Madame Amelin, une petite affaire m'oblige à vous quitter ; Lisette va vous apporter votre argent. Mais, quelle distraction, Chevalier ? Vous paraissez embarrassé, vous me répondez sans faire attention à ce que vous me dites. S'il était un peu moins vilain, et qu'Araminte eût l'esprit… Intéressée dans ses dépenses, moi ? Qu'on le ruine, Chevalier, pourvu que j'en profite, je n'y prendrai d'autre intérêt que celui de partager ses dépouilles. Cela nous mettrait en fond pour l'établissement du jeu que nous voulons faire. Que vous veut Frontin ? Que dit-il ? Allez vite leur dire que nous ouvrirons demain sans faute, Chevalier. Ne faites point façon de me laisser seule, je ne serai pas longtemps sans compagnie. Holà, Jasmin. Qu'on dise à Mariane de descendre. Lisette ne revient point de chez Madame Amelin. Cette folle d'Araminte me fait attendre. La fatigante chose que le moindre moment d'inquiétude ! Ah ! Te voilà, tu as bien tardé. M'en apportes-tu ? Prenons bien garde que mon mari ne soupçonne rien de tout ceci, Lisette. Je lui épargne ces sortes de petits chagrins autant qu'il m'est possible. Tous les hommes en sont logés-là, ce sont des animaux grondants que les maris. Je les connais : le mien me divertit quelquefois avec son humeur bourrue, et je voudrais qu'il lui prît envie de quereller aujourd'hui, pour me désennuyer. Des coiffes, Lisette, une écharpe. Je vais dépenser de l'argent, puisque j'en ai. J'ai besoin de mille choses, des tables, des cornets, des dés et des cartes. Il faut de tout cela dans une maison où l'on veut recevoir compagnie. Le mieux du monde. J'attends Araminte, je veux qu'elle m'aide à faire toutes mes emplettes. Ma chère bonne, comment te portes-tu ? Qui a donc troublé ton repos ? Tu as fait une belle conquête, et je t'en félicite. Je n'abuserai pas de ton secret. À quoi as-tu passé la nuit ? Ah ! Ces idées te font plaisir, je ne m'étonne plus de te voir un si bon visage. Voilà des inégalités impardonnables. Nous le verrons tantôt. Tu as là-bas un carrosse ? Je te le dirai, sortant ensemble. Tu n'as qu'à me dire tes projets, je te ferai confidence des miens, et nous trouverons moyen de les mettre en œuvre. Portez tout cela dans mon cabinet. Ah, te voilà, que fais-tu ici, Frontin ? Y a-t-il quelque chose de nouveau, Lisette ? Dites-nous donc vite ce que c'est. Tu plaisantes, peut-être, Lisette ? Ma chère ? Il y a de la fatalité dans cette aventure. Mais c'est une gageure, je pense. Toutes tes idées de cette nuit, ne valent pas ce que le hasard nous présente. Lisette ne nous sera pas inutile, ma bonne. Oh : Si tu épargnes sa bourse, je ne te le pardonnerai de ma vie. De quelle manière ? Et moi aussi, le plutôt vaut le mieux, assurément. Voilà un article qui m'effarouche. Vous êtes une extravagante, Lisette. Cela ne coûte pas grand-chose. Nous en serons quittes pour du papier. Oh, demeurons-en là, Frontin, je te prie. Mais vraiment, Frontin sait le monde, et il a de l'esprit, ma bonne. Vous devenez insolente, Lisette. Ne lui parle donc point de tout ceci, Frontin. Je veux avoir moi-même le plaisir de lui conter cette aventure. Il nous amènera demain bonne compagnie, des comtesses, des abbés, des marquises. Nous ne manquerons pas de Joueurs, sur ma parole, et ton mari nous sauvera les amendes. Demeurez, Mariane, où allez-vous ? Hé bien, Chevalier, la compagnie qui vous attendait est-elle avertie pour demain ? Il faudra bien qu'il en passe par où nous voudrons. Je vais le mettre à la raison. Lui aurais-tu dit que j'étais revenue ? Porte-les à Araminte, elles viennent de son mari, c'est à elle d'en disposer. Et vous, Mariane, allez lui tenir compagnie pendant que je serai obligée d'essuyer la fatigante conversation de votre père. Vous, ne sortez pas, Monsieur le Chevalier. Entrez aussi dans mon cabinet, je veux vous faire part d'une aventure que vous trouverez divertissante. Va faire un tour, et reviens, Frontin. J'entends mon mari, sors vite. Bonjour, mon cher petit mari. Lisette dit que vous êtes de mauvaise humeur, et que vous voulez gronder, est-il vrai ? J'ai un mal de tête épouvantable, au moins, je vous en avertis. Ah, mon fils, vous m'ébranlez tout le cerveau ! Adoucissez l'aigreur de votre ton, je vous prie, ou je renonce à vous écouter. Oh, querellez donc de sang-froid, je vous prie, je vous promets de vous écouter de même. Serez-vous long dans vos remontrances, mon fils ? Si vous vouliez quereller en abrégé, mon petit mari, je vous aurais bien de l'obligation. Moi, je vous donne des sujets de plaintes, mon fils ? Comment donc, Monsieur, quelles manières sont les vôtres. Plus j'ai d'honnêteté pour vous, plus vous avez d'aigreur pour moi : en vérité, je n'y comprends rien, et je suis fort scandalisée de votre procédé. Ah, que les maris sont incommodes avec leurs bizarreries perpétuelles ! Je voudrais bien savoir qui peut causer vos emportements. Ah, juste Ciel ! Toujours dans la bouche des mots à effaroucher les moins timides. Vous jurez, Monsieur, vous jurez, vous me faites trembler : Lisette, holà, quelqu'un. Lisette ? Demeurez auprès de moi, Lisette : Monsieur est dans une fureur qui ne se conçoit pas. Peut-on s'étonner que je n'aime pas à demeurer chez moi ? Ce sont vos violences et vos caprices qui m'en écartent. Oui, fort bien, un prétexte. En vérité, Monsieur, vous vous servez de termes bien offensants ; et si ma famille savait les duretés que vous avez pour moi… Hé bien, je te fais juge de nos différends, Lisette. Ignores-tu toutes mes raisons ? Hélas, de tout mon cœur, mon enfant, je ne cherche point à le chagriner. Qu'il soit toujours de bonne humeur, je serai toujours au logis. Cela me fera de la peine assurément ; mais puisque vous le voulez absolument, Monsieur, je tâcherai de trouver les moyens de me rendre ma prison supportable. Le seul plaisir que je me propose, est de jouer, et de recevoir compagnie. Ah, mon cher petit mari, que j'en serai contente : tâchons de l'engager à cela, je vous prie, c'est la plus aimable personne du monde, qu'Araminte. Oh, pour cela, non, mon fils ; je vous prie hors Araminte, qui a les manières de condition, je ne veux voir que des femmes de qualité, s‘il vous plaît. Non, Monsieur, des femmes d'épée. C'est mon faible que les femmes d'épée, je vous l'avoue. Nous donnerons de petits concerts quelquefois. Oui, mon fils ; comme vous voulez que j'y demeure toujours, il faut bien que je m'y divertisse. Mais, Monsieur, il me faut de la musique trois jours de la semaine seulement ; trois autres après dînée, on jouera quelques reprises d'hombre et de lansquenet, qui seront suivies d'un grand souper, de manière que nous n'aurons qu'un jour de reste, qui sera le jour de conversation ; nous lirons des ouvrages d'esprit ; nous débiterons des nouvelles, nous nous entretiendrons des modes, nous médirons de nos amies ; enfin, nous emploierons tous les moments de cette journée à des choses purement spirituelles. Et comme cette vie aisée, douce, agréable, pourrait attirer trop grand monde ; pour n'être point accablé de visites importunes, il faudra que nous ayons un portier, sil vous plaît. Oui, Monsieur, un portier chez un notaire, la grande merveille ! Mais, Monsieur, je veux un portier, sans cela, marché nul, je sortirai, et tout à l'heure. Hé, Monsieur, qui vous demande rien, de quoi vous effarouchez-vous ? Allez, Monsieur, ne vous mêlez de rien que de me laisser faire. Adieu, mon fils, je vais me recueillir dans mon cabinet, et songer à prendre toutes les mesures imaginables, pour vous donner la satisfaction de demeurer au logis sans m'y ennuyer. Lisette ? Si l'on recevait souvent de vos visites, on deviendrait volontiers plus sédentaire, Monsieur. Vous êtes, de tous les hommes du monde, celui qu'on voit avec le plus de plaisir, je vous assure. Je vous parle naturellement, au moins. Je vous soupçonne pourtant de m'avoir fait une petite friponnerie, dont je vous punirais si j'en étais bien persuadée. Écoutez, vous avez de l'esprit, vous donnez un tour galant et délicat à ce que vous faites ; mais, si vous voulez qu'on vous en sache gré, il faut me laisser toujours dans l'incertitude. Je ne suis que trop pénétrante, je vous l'avoue ; mais, on ferme quelquefois les yeux, pour ne pas rompre avec ses amis : une parfaite connaissance de la vérité me mettrait sérieusement en colère. N'usons pas cette conversation, de grâce. Il me fâche seulement de penser à certaines sortes de choses ; passez là-dedans, je vous prie, j'ai quelques ordres à donner à Lisette, vous n'aurez pas le temps de vous ennuyer. Quel animal ! Il ne m'a jamais paru si ridicule. Que me veux-tu ? Qu'as-tu à me dire ? Mon mari est là-dedans de trop bonne humeur pour un homme qui a donné son argent. Je meurs de peur que Frontin n'ait pas si bien réussi que toi. Le monstre ! Mille écus ne lui font point de peine à sacrifier pour une autre ; il me refuserait une pistole. Mais comment toucher cet argent. Araminte, ni toi, ni moi, nous ne pouvons l'aller recevoir, il fallait que Frontin… Il faut envoyer chez elle. Holà, Jasmin. Vous savez où Madame Amelin demeure ? Allez lui dire que je l'attends, et que j'ai affaire d'elle : qu'elle vienne au plus vite. Non, vraiment. Il était dangereux de le vouloir vendre. Mais je m'arrête ici trop longtemps, je vais les rejoindre. Quand Madame Amelin sera venue, tu lui diras bien toi-même ce qu'il faut faire. Qui te fait crier de la sorte ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Mais qui vous fait penser de lui ce que vous nous dites ? Lisette ? Je dis qu'il ne me paraît point que cela aie jamais été à moi, vous vous méprenez. Moi ? Je rougis de vos manières, Monsieur ; et j'ai honte pour vous, que l'excès de votre avarice me réduise à mettre en gage mes pierreries ; vous m'auriez épargné cette confusion, en me donnant ce billet de mille écus, dont vous avez fait présent à Madame. Oh, je savais bien que vous les rendriez à sa femme, Monsieur. Oh çà, mon fils, point de rancune, payez Madame Amelin, et je vous pardonne l'affaire des mille écus : ne suis-je pas bonne personne ? Quoi, Monsieur le Chevalier. Monsieur le Chevalier, Janot… Vous êtes le fils de Madame Amelin ? Par où méritait-elle, Monsieur Janot, que vous voulussiez la tromper ? Vingt mille écus, Madame Amelin ? Avez-vous du penchant pour lui, Mariane ? Et moi, je vous promets de trouver les moyens de faire consentir votre père à ce mariage. Je me chargerai de tout. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURGRIFFARD *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurgriffard Bonjour, ma chère enfant. Ta belle maîtresse est-elle visible, et Monsieur le Notaire est-il au logis ? Le hasard m'est bien favorable. Je suis ravi de te trouver seule, Lisette, et j'ai mille choses à te dire. Comment ton Maître et ta Maîtresse vivent-ils ensemble, dis ? Mais quel parti prends-tu dans leurs différents, toi ? J'en conviens, il y a des gens insupportables. Il est vrai. Et pour se tourmenter eux-mêmes. C'est une chose horrible. Que ne donnes-tu ces conseils à ta maîtresse, Lisette. Tu me crois donc de ces insupportables ? Si tu savais la cause de mes caprices, tu serais la première à les excuser. Non, tu n'es pas de mes amies. Tu as du pouvoir sur l'esprit de ta Maîtresse. J'entre comme elle dans tous les chagrins qu'on lui donne. Et si elle savait combien je m'y intéresse, elle serait sensible à ceux qu'elle me cause. Si tu voulais l'en instruire, Lisette, je ne serais point ingrat d'un si bon office. J'en mourrais quitte, sur ma parole. De peur d'accident, voilà ma bourse que je te prie de garder pour l'amour de moi. Me promets-tu de parler en ma faveur ? C'est une folle qui me fait enrager. N'est-elle pas la plus charmante personne du monde ? Ah ! Pour moi, je ne demande que l'estime de ta Maîtresse. Qu'elle me regarde comme le meilleur ami qu'elle puisse avoir. Qu'elle dispose absolument de mon bien, de ma vie. Je sacrifierai toujours tout pour lui plaire. Qu'elle sache tout cela, Lisette. Je suis trop ému, je ne veux point qu'il me voie ; cachez-moi dans le cabinet de ta Maîtresse. Mais… Hé bien, Lisette, ta maîtresse est-elle revenue ? Lui as-tu parlé de moi, ma chère enfant ? Comment donc ? Est-ce que… Elle s'est donc mise en colère ? Oui. Elle a quelques chagrins, Lisette ? Et de quelle nature sont ses chagrins encore ? En sais-tu la cause ? Mais enfin, que soupçonnes-tu ? Je t'entends, elle a besoin d'argent. Hé bien, n'en parlons plus ; voilà qui est fini. J'en suis persuadé. Aurait-elle fait quelque perte considérable ? Mais vraiment, cela est extraordinaire. Elles sont si rares. Il faut justement que j'en trouve une, moi. Hé, quelle ? Hé bien, dis vite. Deux cents pistoles ? Je les ai fort à son service. Comment une façon de restitution ? Si je le veux ! Mais, je serais bien aise, Lisette, qu'elle sût que c'est à moi qu'elle en aura l'obligation. Mais, scrupuleuse comme elle est, elle sera peut-être fâchée qu'on la trompe. Et par qui lui faire tenir cet argent ? N'est-ce pas deux cents pistoles que tu dis ? Je vais te les envoyer tout à l'heure. C'est fort bien dit, adieu, Lisette. Hé bien, ma chère enfant, comment a-t-on reçu la restitution ? Sait-elle que c'est moi qui… Hé bien ? Ce n'est pas une petite fortune, Madame, que celle de vous rencontrer au logis. Madame… Ah ! Madame… Vous avez bien de la bonté, Madame, si j'osais vous parler de même… Oh, pour cela, Madame, je ne prétends pas que vous m'en ayez obligation. Oh, Madame, je vous réponds de… Il est constant, Madame, que… Ne vous emportez point. Je ferai le dû de ma charge. Ouais. Comment donc, quoi ! Qu'entends-je ! Ma femme a reçu un présent de mille écus ? On se moquait de moi, j'ai ce que je mérite. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ARAMINTE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_araminte Hé bonjour, mon aimable petite. Comme une femme qui n'a pas dormi depuis vingt-quatre heures. Ne t'alarme point, ce n'est pas ton mari, je ne l'aime pas, au moins. Il ne tient qu'à moi de le ruiner, tout son bien est à mon service. Qu'il ne sache pas que vous êtes mes confidentes, je vous prie. À chercher dans ma tête tous les moyens imaginables de faire enrager mon mari. C'est un homme qui perd l'esprit, et qui me le fait perdre. Il veut et ne veut plus dans le moment même. Tantôt complaisant jusqu'à l'excès, puis aussitôt brutal à la fureur : quelquefois content d'une chose qui lui déplaît un quart d'heure après. Il querelle toujours sans sujet ; et pour vivre en repos avec lui, on ne sait jamais quel parti prendre. Il faut que vous m'aidiez à le rendre raisonnable, et à me venger de ses caprices. Pour moi, je ne saurais mieux faire enrager mon bourru, qu'en lui attrapant de l'argent. Oui vraiment, où veux-tu aller ? Que Lisette vienne donc avec nous : tout en roulant nous parlerons de nos affaires. Adieu, Lisette. Comment ? Quelles propositions ? Quoi, mon mari, Lisette ? Ma mignonne ? Cela est trop plaisant. Nous ne pouvions souhaiter une meilleure occasion pour nous venger de l'avarice de ces Messieurs-là. Frontin nous sera nécessaire dans tout ceci, ma mignonne. Pour moi, je te recommande Monsieur mon mari, je ne veux pas que tu lui laisses une pistole. Non, brusquer, brusquer, c'est le plus sûr. J'ai furieusement affaire d'argent comptant. Des faveurs, Frontin ? Cela n'est pas fort criminel. C'est un air qu'on se donne. Ils nous mettent-là dans un chemin qui mène loin quelquefois, ma mignonne. Nous ne hasardons donc rien de nous remettre à sa conduite ? Il en sera ravi, mignonne ; c'est le meilleur enfant du monde, que le Chevalier. Frontin, lui ? Ne vous mettez point en colère, Monsieur, je ne l'ai pris, je vous assure, que pour vous dédommager des deux cents louis que vous avez envoyés tantôt à Madame. Qu'est-ce que cela signifie ? Elle extravague, ma mignonne, cela ne se peut pas. Trouve donc aussi le secret de faire ma paix avec mon mari. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MARIANE *date_1692 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_mariane Que me veut ma belle-mère, Lisette ? On m'a dit qu'elle me demande. Je venais lui donner le bon jour, et je retourne dans ma chambre. Dépêche-toi donc, tu sais bien que mon père ne veut pas que je te parle, et qu'il dit que tu me gâtes. Oh, ne te fâche point, je ne le crois pas, mais ses remontrances perpétuelles me chagrinent terriblement. Je ne sais ; je ne les mérite point, je ne les écoute pas le plus souvent, et quand il a bien longtemps parlé, il me semble que je n'ai entendu que du bruit. Je ne suis pas à plaindre ! Est-il agréable à mon âge de vivre éternellement dans la solitude ? Je n'ai pour toute compagnie que des Maîtres qui ne m'apprennent que des choses inutiles, la musique, la fable, l'histoire, la géographie, cela n'est-il pas bien divertissant ? N'en ai-je pas assez ? Ma belle-mère ne sait point toutes ces choses, et elle vit heureuse. Oui, je te l'avoue ; et si elle voulait, au hasard d'être tous les jours grondée de mon père, je lui promettrais de ne la quitter de ma vie. Oh, c'est autre chose ; quand je serai mariée ne serai-je pas la maîtresse, et ne ferai-je pas comme elle tout ce que je voudrai ? Comment selon ? Oh, je veux un bon mari, ou je n'en veux point. Je ne le prendrai point s'il n'est à la mienne. Mais, Lisette, un mari de sa main me conviendrait assez, je pense. De la tienne ? Hom, je devine ce que tu me veux, Lisette. Oh que oui, cela n'est pas bien difficile. Que quelqu'un est amoureux de moi, et qu'on t'a priée de me le dire. Et c'est pour savoir ce que je pense, que tu me parles de mariage ? Oh, que je ne suis plus une petite fille ; et quoique je ne voie pas le monde, quand je suis seule, je rêve à bien des choses. Mais, dis vite, qu'as-tu à me faire savoir ? J'aurais trop à rougir, Lisette, si mes conjectures n'étaient pas justes. Hé, que pénètres-tu ? Paix, Lisette. Ne m'impatiente donc point, je t'en conjure. Sérieusement, que me veux-tu ? Un billet ? S'il n'est point de Monsieur le Chevalier, je ne le veux point voir, Lisette. Il écrit comme ses yeux parlent, ils m'avaient déjà dit tout ce qui est dans sa lettre. Mais, Lisette… Sera-t-il de la bienséance… Écrire à un homme ! J'entends quelqu'un. Le Mari d'Araminte ? Si tu ne crois pas qu'il m'aime tout de bon, ne lui donne pas mon Billet, Lisette. Qu'il te le rende après l'avoir lu. Ne parle de rien à ma belle-mère. Quand nous nous aimerons davantage, nous lui en ferons confidence. Au moins, comme c'est toi qui me fais faire tout ceci, s'il m'en arrivait quelque chagrin dans la suite, c'est à toi que je m'en prendrais. Je suis toute jeune, et tu as de l'expérience ; c'est à toi de me bien conduire. Mais, tout de bon, est-il vrai qu'il m'aime, dis, Lisette ? Je voudrais bien qu'il me le dît lui-même. Ah, que je suis lasse de tous ces maîtres-là, Lisette ! Ne me laisse donc point tromper, c'est tout ce que je te demande. Entrons ici, Monsieur le Chevalier, je ne suis point tranquille dans ma chambre, on pourrait nous y surprendre, et l'on m'en ferait un crime. Ici, l'on peut penser que le hasard nous aura fait rencontrer, et que vous ne m'aurez abordée que par civilité. Que Frontin prenne garde seulement que personne ne nous écoute. S'il ne tenait qu'à moi seule de la rendre heureuse, vous n'auriez pas lieu de vous en plaindre. Tenez, Monsieur le Chevalier, je ne sais ce que c'est que de l'amour ; je ne puis dire que je vous aime, mais je suis bien aise que vous m'aimiez. Voilà encore une chose que je ne saurais vous dire ; il me semble qu'on ne s'aime plus quand on est marié. Araminte et ma Belle-mère ne disent tous les jours autre chose : elles chagrinent leurs maris, leurs maris les haïssent. Moi, je voudrais vous aimer toujours, et il faudrait pour cela que vous m'aimassiez toute votre vie. Séparons-nous, Monsieur le Chevalier. Adieu, Monsieur le Chevalier. On m'a dit que vous m'aviez demandée, Madame ; j'ai su que vous étiez revenue, j'allais me rendre auprès de vous. Ma pauvre Lisette, je n'en puis plus, je ne saurais me soutenir, je tremble. Mon père est là-dedans avec Araminte et ma belle-mère, je ne l'ai jamais vu de si bonne humeur. On va lui parler de mon mariage avec Monsieur le Chevalier. Oh, point, point, Lisette ; je suis sortie pour les laisser dire : je voudrais déjà que cela fût fini. Ma chère enfant, je n'en ai pas la force, je ne me connais plus, et je n'ai jamais été dans l'état où je me trouve. Oh, pour cela non. Mais, si je suis si tremblante, pendant qu'on en parle, comment serai-je donc quand on me mariera tout de bon ? C'est cette crainte-là, je pense, qui me met si hors de moi-même. Est-il possible ! Mais ce moyen est-il infaillible ? Non, je t'en assure. Oh, je m'en vais donc vite les interrompre. Je vais te l'envoyer, laisse-moi faire. Mon Père ! Mon diamant ! Lisette, voici Monsieur le Chevalier. Elle lui parle bien familièrement, Lisette. Et vous n'êtes point un vrai Chevalier ? Quand il n'aurait pas les vingt mille écus, je ne l'en aimerais pas moins, je vous assure. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISETTE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Ah ! Ah ! C'est toi : bonjour, Frontin. Oui, mais c'est une grande merveille, et nous n'avons pas coutume d'être si diligentes. Cela ne fait rien. Comme nous ne nous couchons que le matin, nous ne nous levons que le soir ordinairement. Oh cela va bien changer. Monsieur le Chevalier a conseillé à Madame d'établir ici avec Araminte de petites parties de plaisir et de jeu. Nous ne sortirons plus si souvent, et dans le fond il y a quelque raison. Il vaut mieux recevoir chez soi compagnie, que de l'aller cher en Ville. Non pas encore. Mais quand cela sera, ne le verra-t-il pas bien sans qu'on lui dise ? C'est un homme qui n'est pas tout à fait le maître, comme tu sais. Le grand malheur ! Est-ce ici la seule maison de ta connaissance où les Maris ne sont que les premiers domestiques de leurs femmes ? Il n'est rien tel que de mettre les gens sur un bon pied. Venons au fait. Qu'est-ce qui t'amène ici ? Comment de la tienne ? Rien ne presse encore. Veux-tu parler à Madame ? Hé bien, viens, tu n'as qu'à me suivre. Comment donc, tu te mêles de bien des métiers, à ce qu'il me semble ? Voilà un fort joli caractère : mais dis vite, qu'as-tu à me faire savoir de la part du Chevalier ? De Mariane ? En mariage à moi ! Non. Cela est de fort bon sens. Monsieur le Chevalier a-t-il expliqué son amour ? Hé bien ? Très volontiers. C'est ce que je ne sais point ; Mariane n'est pas souvent avec sa belle-mère. Monsieur le Notaire, qui est bourgeois depuis les pieds jusqu'à la tête, ne veut pas que sa fille prenne les manières de sa femme, et nous n'avons point avec elle tout le commerce qu'elle voudrait bien avoir avec nous. Ne te mets pas en peine. Madame. Lui, Madame ! Serait-il possible ? Et vous n'êtes pas plus intriguée ? Vous avez raison, la jalousie est une passion bourgeoise, qu'on ne connaît presque plus chez les personnes de qualité. Et comment donc ! Quoi, vous ne savez jamais ce que vous voulez ? Mort de ma vie, vous êtes bien plus femme qu'une autre. Hé, comment ne vous pas quereller ? Il ne tient qu'à vous d'être parfaitement heureuse : belle, jeune, bien faite, spirituelle, vous êtes aimée de tous ceux qui vous voient, et vous avez le bonheur de n'aimer personne que votre Mari, que vous n'aimez guères ; vous êtes sans aucune passion dominante, que celle de vos plaisirs ; vous avez en moi une fille dévouée à tous vos sentiments, quelque déraisonnables qu'ils puisent être, et vous ne cherchez qu'à troubler la tranquillité de votre vie par des inégalités perpétuelles. De quoi vous plaignez-vous ? Oui, et d'un Notaire qui s'appelle Monsieur Simon encore : cela est chagrinant, je vous l'avoue, et vous n'avez ni l'air, ni les manières d'une Madame Simon. Assurément. Mais aussi, Madame, ne faites-vous pas comme si vous l'étiez. Hé, pourquoi vous contraindre ? Qui vous retient ? Abandonnez-vous toute à votre génie, commencez par donner à jouer, recevez grand monde ; il y a mille bourgeoises des plus roturières qui n'ont point d'autre titre pour faire les femmes de conséquence. Nous avons déjà dans nos intérêts un Commissaire, Madame, le Mari d'Araminte ; et ce n'est pas peu de chose à Paris, pour des joueuses de profession, que la faveur d'un Commissaire. Il n'importe, je veux vous ménager sa protection, moi, laissez-moi faire. Ce qui m'embarrasse le plus, c'est que nous ne sommes pas bien en argent comptant. Il commence pourtant à croire que vous l'avez en effet perdu, et il me semble que nous pourrions à présent risquer de le vendre. Hé bien, mettons-le en gage, Madame, c'est de l'or en barre. Vous avez pourtant l'air d'en avoir encore longtemps affaire. C'est de l'argent qu'elle vous demande. Comment faire ? Lui en emprunter ! Vous n'y songez pas. À moi, Madame ? J'ai de l'esprit ? Mais Madame Amelin… La voici. Bonjour, Madame Amelin. Ce sont pourtant là les choses qu'on devrait payer comptant, pour ne pas faire crier les Marchands. Il n'y a que trois cents livres ! En vérité, Madame, il vous en coûte bien peu pour être mieux mise que les autres. Non, Madame, je comprends fort bien trois cent dix livres. Voilà de l'argent bien comptant pour Madame Amelin. Comment donc, vous êtes seul, Monsieur le Chevalier ? C'est une espèce de marchande, qui fournit des modes à Madame. Oui, mais je n'ai point vu Mariane. Ne voulez-vous pas voir Madame ? Entrez, entre, je vous rendrai bon compte. Il vous revient assez, à ce qu'il me semble. Le bon temps est passé, Madame Amelin, les gens de qualité n'ont point aujourd'hui d'argent de reste. Voilà Madame, par exemple… Elle ne vous doit que trois cent dix livres. Hé bien, il n'y a pas de fonds pour vous les payer. C'est une malice de notre homme d'affaires, qui n'aime point à donner de l'argent. Vous êtes bienheureuse que ce ne soit pas un Intendant, vous attendriez bien davantage. Oh, quand elle gagnerait mille pistoles, elle aimerait mieux mourir que d'en acquitter la moindre dette : c'est une chose sacrée que l'argent du jeu ; diantre, ce sont des fonds pour le plaisir, où l'on ne touche point pour le nécessaire. Si vous étiez femme d'accommodement, Madame Amelin. Madame a besoin de cent louis, elle vous doit trente pistoles, faites-lui prêter six cents écus, elle vous paiera vos trois cent dix livres. Non, je ne me moque point. Voilà un diamant de trois cents pistoles qu'on vous donnerait pour nantissement ; voyez si le parti vous accommode. Dans le moment même, si cela se peut. Adieu, Madame Amelin. Nous aurons de l'argent comptant, et nous donnerons à jouer, Dieu merci. Tout se dispose à merveilles pour ma petite fortune. La passion du Chevalier, l'humeur de ma Maîtresse, qui ne songe qu'à ruiner son mari : elle achète cher, vend à bon marché, met tout en gage ; je suis son Intendante. Voilà comme les Maîtresses deviennent Soubrettes, et comme les Soubrettes deviennent quelquefois Maîtresses à leur tout. C'est l'impatience d'avoir de l'argent, qui vous a fait trouver le temps long. Madame Amelin a pris ses trois cents dix livres : voilà ce qui reste des six cent écus. Que vous êtes bonne, Madame ! Et cependant, il se plaint encore. Que vous les définissez bien ! C'est un plaisir qu'il est facile de vous faire avoir, et je me charge de cela, moi. Où allez-vous donc. Nous allons donc bien nous réjouir. Vous n'attendrez pas longtemps, la voici. Vous voilà pourtant bien éveillée. Hé, mort de ma vie, prenez toujours à bon compte ; il n'y a point de mal à ruiner un mari, quand sa femme partage les revenants-bons de l'aventure. Voilà un amusement fort agréable. Que ce soit donc en tout bien et en tout honneur : pour mettre un mari à la raison, on s'en écarte quelquefois, et ces biais-là ne valent jamais rien, quoiqu'ils soient les plus à la mode. En ce cas nous sommes de la partie. Un mari fâcheux et avare est un ennemi public, contre qui toutes les femmes ont intérêt de se déclarer : çà, voyons comment faut-il s'y prendre ? Non pas, s'il vous plaît, j'ai ici les miennes, et vous vous passerez bien de moi. Et je corrigerai le plan, moi, s'il en est besoin. Les aimables petites personnes ! Elles vont tenir entre elles un petit conseil contre leurs maris, et sans cela que feraient-elles ? Grâce à l'avarice et à la bizarrerie des hommes, c'est aujourd'hui la plus nécessaire occupation qu'aient les femmes. Mais voici Mariane fort à propos, n'ai-je pas perdu le billet du Chevalier ? Non. Sachons un peu ce qu'elle a dans l'âme avant que de lui parler de cette affaire. Elle vient de sortir, et apparemment elle ne voulait rien de fort pressé. Hé non, non, je vous veux quelque chose, moi, et Madame n'avait rien de si intéressant à vous dire. Moi, je vous gâte ! Il est bien injuste de vous donner ces mauvaises impressions. Et quelles remontrances peut-il faire ? Ah ! Puisque vous prenez si bien les choses, vous n'êtes pas si fort à plaindre. Cela vous donne de l'esprit. Sa destinée vous fait donc envie ? Quoi ! Pas même pour être mariée ? Selon le mari que vous prendrez. Mais si votre père vous en veut donner un à sa fantaisie ? Fort bien. Et votre belle-mère, si elle vous proposait… Et de la mienne, craindriez-vous d'être trompée ? Oui, parlez. Vous le devinez. Et que devinez-vous encore ? Cela est admirable. Quelle vivacité ! Hé, puisque vous êtes si habile, ne pouvez-vous pas deviner le reste ? Oh, pour le coup, je devine à mon tour, et je ne suis pas moins pénétrante que vous. Que vous êtes amoureuse. Ne craignez rien, personne ne peut nous entendre. Vous rendre un petit billet. Oui, voyez si cela vous accommode. Hé, voyez-le, il est de lui-même. L'heureuse chose que la sympathie ! Hé bien ? Comment le trouvez-vous, son style ? Mais les vôtres n'ont point fait de réponse, et c'est une réponse dont il est question. Quoi, mais ? C'est un mari de ma main, qu'avez-vous à dire ? Allez vite écrire, seulement. Comment, de la bienséance ? On vous aime, vous aimez, on vous écrit, vous faites réponse ; y a-t-il rien là qui ne soit dans les formes ? Le grand malheur ! Ah ! Que de façons pour une jeune personne qui devine si juste ! Ne vous en fiez-vous pas bien à moi ? Je sais les règles comme celui qui les a faites. C'est Monsieur le Commissaire. Lui-même. Ne perdez point de temps, allez faire réponse. Monsieur, je suis votre très humble servante. Il n'y a personne, Monsieur, depuis le matin Monsieur est en Ville, et Madame vient de sortir avec Madame votre épouse. Me voilà prête à vous écouter. Voilà un bourru bien radouci, à ce qu'il me semble. Comme un mari et une femme. Ils sont souvent fâchés, se querellent souvent, se raccommodent peu, boudent sans cesse, se plaignent fort l'un de l'autre, et peut-être ont tous deux raison. C'est tout comme chez vous, enfin. Hé n'est-ce pas tout de même ? Quel parti, moi ; je suis pour Madame : et si vous voulez que je vous parle net, je ne crois pas qu'un mari puisse avoir raison. De petits bourrus éternels, par exemple. Qui ne sont faits que pour damner le genre humain. Toujours grondants, de mauvaise humeur. Si j'avais un mari comme cela, je lui ferais voir bien du pays, sur ma parole. Et si votre femme, qui ne la quitte point, les prenait pour elle ? Hé, vous n'êtes pas le moins capricieux mortel que je connaisse. Cela se pourrait, je suis fort humaine, et je voudrais de tout mon cœur que vous eussiez raison. Où ce petit reproche nous mènera-t-il ? Je ne vous entends point. Cela est obscur. C'est de l'Hébreu, je n'y comprends rien. Vous vous rendez un peu plus intelligible. On meurt subitement quelquefois. Il n'y a rien de plus clair que ce que vous me dites. Un Commissaire qui donne sa bourse est terriblement amoureux ! Je comprends votre affaire à merveilles, vous dis-je, vous n'aimez point votre femme. Celle de votre voisin vous plaît davantage. Assurément, c'est grand dommage qu'on ne puisse troquer de femme. Qu'il y aurait de troqueurs dans le monde ! Mais comme cela n'est pas tout à fait permis, prenez garde à vous, Monsieur le Commissaire. Il n'y a rien de plus honnête. Il n'y a que de la délicatesse dans cette passion. Vous m'attendrissez trop, Monsieur. Je vais pleurer. Elle le saura, je vous en réponds. J'entends son mari. Remettez-vous un peu, vous voilà tout hors de vous-même. Dans son cabinet ! Vous y étoufferiez d'amour. Mais, descendez par ce petit escalier, et allez prendre l'air : vous en avez besoin, sur ma parole. Ma foi, l'aventure est trop drôle, et voilà de quoi bien divertir nos faiseuses d'emplettes. Le beau début ! Elle est sortie. Il faut apparemment qu'elle ait aujourd'hui des affaires plus pressantes que de coutume. Hé, pourquoi les changer, puisqu'elle s'en trouve bien ? Elle n'en fera rien, Monsieur, je vous assure. C'est que vous êtes furieusement difficile ; car enfin, qu'y a-t-il donc de si extraordinaire dans sa conduite ? Une femme qui ne fait pas le moindre embarras dans votre maison ! L'entendez-vous jamais quereller ? La grande merveille ! Vous dormez quand elle revient, vous voulez la voir quand elle dort, ou vous êtes sorti quand elle s'éveille : le moyen de vous rencontrer ! De son ménage, Monsieur ! Est-ce que vous voudriez qu'elle s'abaissât à ces sortes de bagatelles, et est-ce pour cela que l'on prend aujourd'hui des femmes ? Bon ! Hé, fi, Monsieur : vous êtes Notaire, et vous ne savez pas la Coutume de Paris. Assurément. Mais vraiment, il n'y a rien de plus raisonnable, il faudra bien qu'elle le fasse ; allons, tâchez de la persuader. Hé bien, il y a longtemps que vous n'avez querellé, à ce qu'il me semble. Depuis le diamant ! Il y a un siècle. Oh, querellez, Monsieur, querellez, cela vous soulagera : dès qu'elle sera venue, j'aurai soin de vous faire avertir. Ne vous mettez pas en peine. Je veux vous aider aussi à la quereller, moi, et je vous réponds quasi de la réduire. Allez vous préparer, Monsieur, allez. Ah ! Que les pauvres maris sont bien nés pour être dupes ! Il va quereller sa femme pour lui faire faire une chose qu'elle souhaite, et dont il aura peut-être plus à enrager que de tout ce qu'elle a jamais pu faire. Laissez-moi faire. Ne vous mettez pas en peine. Non. C'est fort bien dit. Je me charge de tout. Mort de ma vie, quelle innocente ! C'est moi qui vous le dis, et vous en doutez ? On ménagera des moments pour cela. On vous en débarrassera. Allez vite, voici quelqu'un, il ne faut pas qu'on nous voie ensemble. Hé comment, c'est Madame Amelin ! Hé, qui vous ramène ici, Madame Amelin ? Qu'y a-t-il donc ? Si je vous l'ai laissé, Madame Amelin ? La question est admirable, si je vous l'ai laissé ? Comment donc votre fils ! Vous avez des enfants qui se portent au bien comme cela, Madame Amelin ? Oh, à ce compte vous avez raison, et Monsieur Janot, aussi, Madame Amelin. Je n'avais point encore remarqué que Madame Amelin fût folle. Oui. Pourquoi demandez-vous cela, Madame Amelin ? Vous serez de la noce, vous, vous ? La bonne femme a perdu l'esprit : quel galimatias me vient-elle faire ? Notre diamant perdu, son fils Janot, une fille à marier, elle sera de la noce. Je crois, Dieu me pardonne, qu'elle veut demander Mariane à son père pour ce petit mièvre de Janot. La vieille folle ! Hé, que diantre, ne vient-il lui-même ? À remonter une Compagnie ? Il n'y a qu'un moment que Mariane et moi, nous étions ici seules, et peut-être n'aura-t-il de longtemps une si belle occasion de l'entretenir. Tu prends toujours mal ton temps pour parler d'amour, j'ai à présent bien autre chose en tête. Ce sont des affaires où je prévois que j'aurai besoin d'un associé. Avant toutes choses, dis-moi, te sens-tu de la disposition à ruiner un homme en faveur d'une femme ? Hé bien, va donc vite porter à Monsieur le Chevalier ce billet de Mariane, et reviens ici je te dirai la chose. Monsieur le Chevalier s'impatientera. Le mari d'Araminte est amoureux de ma Maîtresse. Oui, te dis-je. Qui t'a déjà dit cela ? Ces deux Messieurs sont de fort bons sujets au moins. Elles aiment la dépense, et n'ont point d'argent. Laisse-moi faire, les voici, elles ne s'attendent pas aux nouvelles que je vais leur dire. Oui, Madame, et de fort particulier même. Monsieur le Commissaire est amoureux de vous, Madame. Oui, votre mari, Madame. Il ne faut point que vous fassiez tant la fière, et si vous nous débauchez le nôtre, nous vous rendrons le change à merveilles. Non, Madame, je ne plaisante point. N'est-il pas vrai que cela est fort drôle. Vous n'avez qu'à commander. Je tâcherai de vous obéir. Mais de quelle manière traiterons-nous les choses ? J'opine du bonnet ; il faut les expédier dans la règle des vingt-quatre heures. Hé, de quoi vous embarrassez-vous, puisque vous êtes toutes deux d'accord ? N'êtes-vous pas les parties intéressées ? Hé, mort de ma vie, qu'est-ce donc qu'on vous demande de si terrible ? Quelques paroles obligeantes. Un petit billet tendre, peut-être ? Ce sont des choses qu'on ne peut empêcher. Ce serait manquer de politesse. Non assurément. Mais, n'allez pas vous piquer d'être plus reconnaissante l'une que l'autre ; dans ces sortes de traités, il fait de la bonne foi, surtout. Ma foi, Madame, je dis ce que je pense. Oh çà, quand commencerons-nous à travailler, Monsieur Frontin ? Je crois que le voici, Madame ; laissez-moi seule avec lui, je vais lui porter une botte qu'il aura de la peine à parer. Oh, par ma foi, Monsieur le Commissaire, nous vous pillerons, vous qui pillez mes autres. Oui, Monsieur, et elle est ressortie même. Ah vraiment, Monsieur, je me suis fait de belles affaires. Je ne sais pas quel gré vous m'en saurez ; mais, j'ai été furieusement querellée. Quand on dit à de jolies femmes que quelqu'un les estime, il est bien difficile de leur persuader qu'on n'a pour elles qu'une passion désintéressée. Oui vraiment, elle m'a traitée de ridicule, d'impertinente ; mais cependant, je ne la crois pas si hétéroclite, que d'être fâchée qu'on l'aime, et je crois que j'ai mal pris mon temps, je l'avoue. Oui, Monsieur : quand on a de certains chagrins, et qu'on ne sait à qui s'en prendre… Est-ce qu'elle est jamais sans cela ? D'une nature… d'une nature bien chagrinante, Monsieur. Je la soupçonne ; car avec elle, Monsieur, on ne sait jamais rien certainement, elle n'ouvre son cœur à personne. Ah ! Monsieur, que deviendrais-je, si elle savait que je vous fisse des confidences de la sorte ? Elle ne me le pardonnerait jamais. C'est une petite dissimulée, qui serait au désespoir qu'on sût les mauvaises situations où la mettent presque tous les jours ses extravagances. Je ne vous parle pas de cela, Dieu m'en garde, n'interprétez point mal ce que je vous dis, s'il vous plaît. Comme vous saisissez les choses, Monsieur ? Madame est une femme qui n'a jamais besoin de rien. Il est bien vrai que son mari est un vilain ; qui lui donne fort peu de chose, et que la fortune des joueuses est sujette à de petites révolutions quelquefois. Ne me faites pas trop parler, Monsieur, je vous prie. Je devine fort bien vos desseins, vous seriez ravi d'avoir occasion de faire le galant, et d'étaler votre humeur libérale ; mais gardez-vous en bien, je vous en avertis, vous perdriez toutes vos affaires. Qu'il est fâcheux d'avoir affaire à de petites personnes trop scrupuleuses ! Attendez, Monsieur, tâchons de l'attraper, il me vient une idée… Elle donnera là-dedans assurément, quelque fine qu'elle puisse être. Supposons qu'elle ait perdu deux cents pistoles. Oui, cela va bien là tout au moins. Il n'y a qu'un bon tour à prendre pour les lui faire accepter, c'est là le difficile. De vous les emprunter, c'est ce qu'elle ne fera pas, de les prendre à titre de présent, il n'y a pas d'apparence ; et pour moi, je ne vois qu'une façon de restitution dont on pût se servir utilement. Oui, Monsieur, les joueurs sont un peu sujets à caution, comme vous savez, et Madame n'a pas joué toujours avec les plus honnêtes personnes du monde. Voulez-vous lui faire plaisir sans effaroucher sa pudeur ? Envoyez-lui de l'argent qu'elle puisse recevoir comme d'un remords de conscience de quelque fripon converti. Il n'y a pas de manière plus sûre et plus galante que celle-là. Hé allez, allez Monsieur, elle le saura de reste dans la suite : je me charge de lui dire, moi. Hé mort de ma vie, trompez-la toujours de même : il y a des affaires où les femmes sont ravies d'être trompées. C'est encore une difficulté. De votre part, cela serait suspect, et le métier d'un Commissaire n'est pas de faire des restitutions. Adressez-moi la bourse, j'ajusterai tout cela. Mettez, mettez deux cents louis neufs, la restitution en sera plus honnête. Et vous viendrez quelques moments après, pour parler vous-même à Madame. Adieu, Monsieur. Ah ! Que les jolies femmes sont heureuses ! Il semble aux hommes qu'en les ruinant elles leur font grâce ; et de pauvres diables bien amoureux ne donnent toujours que trop aisément dans tous les panneaux qu'on veut leur tendre. Cela ne commence pas trop mal : on va nous faire une restitution de deux cents pistoles. Oui, c'est une nouvelle manière de faire des présents sans conséquence, où je trouve qu'il y a beaucoup plus de bien séance, que dans toutes les autres. Ne précipitons rien, donne-toi patience : il est allé dans son cabinet se préparer à une querelle que je lui ai conseillé de faire à Madame, pour autoriser les petites parties qu'on veut faire ici. C'est lui qui veut absolument que sa femme demeure chez elle. Non vraiment, mais il est toujours bon de lui faire valoir les choses ; et quelque chagrin qu'il en puise avoir dans la suite, il n'aura pas le mot à dire, ce sera lui qui l'aura voulu. Êtes-vous content de la réponse ? Oui, mais je crois que vous avez un rival, je vous en avertis. Oui vraiment, et des plus dangereux, même. Un petit mièvre de par le monde, qu'on appelle Janot, le fils de cette femme à qui vous avez tantôt parlé… Cela vous alarme ? Vous vous effarouchez de bien peu de chose. Je ne sais, car elle a toujours quelqu'un de ses Maîtres avec elle. Je vais voir si elle est seule, et je viendrai vous en avertir. Je vous ai fait attendre ; mais, j'ai attendu moi-même que le Maître de Géographie fût parti. Ne perdez point de temps, montez par ce petit escalier, Frontin sait les êtres, qu'il vous conduise. Tu feras le guet pour assurer leur conversation. Non vraiment, j'ai ici de l'argent à recevoir. En attendant la restitution, allons savoir de ma Maîtresse quand elle aura la commodité d'être querellée. Quoi, vous voilà ! Je vous croyais là-haut. Que faites-vous donc ici ? Votre père va venir, je vous en avertis. Cela divertira bien votre mari, Madame. Oui, Madame ; et en remontant, on m'a donné ces deux cents pistoles que vous savez. Hé, à qui diantre en avez-vous donc ? Serait-il possible ? Hé bien, modérez-vous un peu, on verra ce que cela produira. Hé, doucement, Monsieur. N'y aurait-il pas moyen de vous accommoder ? Vous êtes tous deux si raisonnables ! C'est bien de l'honneur que vous me faites, Madame. Oh, pour cela, je le ferai, je vous assure : voyons, de quoi vous plaignez-vous premièrement ? Que répondez-vous à cela ? Hé, mort de ma vie, que ne parlez-vous ? Vous voilà d'accord, Monsieur n'a qu'à vouloir. Vous-même. Tenez, Monsieur, Madame est la femme de France la plus complaisante : laissez-la vivre à sa fantaisie, vous en ferez tout ce qu'il vous plaira. Mais vraiment, cela est trop juste, Madame : Monsieur est le meilleur homme du monde, il aime à vous voir, donnez-lui cette petite satisfaction le plus souvent qu'il vous sera possible. Vous l'entendez, Monsieur, je ne lui fais pas dire. La pauvre petite femme ! Sa prison ! Vous devez être bien content, Monsieur. Oh, Monsieur, tôt ou tard, il vient de bons moments aux femmes. Il ne faut aux maris que la patience de les attendre. Comme elle se borne ! Le vieux Satyre. Voilà de quoi bien passer son temps, Madame. Madame a les inclinations tout à fait militaires. Elle a tant de complaisance pour vous, que vous ne sauriez vous défendre d'en avoir un peu pour elle. Quel ordre, Monsieur : Elle veut vivre régulièrement, comme vous voyez. Ne l'obstinez point, Monsieur, elle prendrait un Suisse. Hé, passez-lui cette bagatelle : faut-il rompre un traité pour un malheureux Portier ? Allez, Monsieur, qu'il vous suffise que Madame joue. Les joueuses ont des ressources inépuisables, et les femmes à qui leurs maris ne donnent point d'argent, ne sont pas toujours celles qui en dépensent le moins. Frontin vous en fera pourtant bien trouver. Quelle complaisance ! Vous êtes bienheureux d'avoir une femme si bonne et si judicieuse. Oh, point du tout, elle est bien revenue de la bagatelle. Oh pour cela, Monsieur, vous êtes le meilleur mari qu'il y ait au monde. Madame m'appelle, adieu, Monsieur, tenez-vous en joie, vous avez bien sujet d'y être. Qu'avez-vous ? Et c'est là ce qui vous rend si interdite ? On va lui en parler ? Tant pis, on se presse trop. Cela est trop précipité, vous dis-je, rentrez dans le cabinet pour rompre la conversation. C'est que vous n'avez jamais été mariée. On vous rassurera, ne vous mettez pas en peine. Mais, si vous voulez que je vous parle naturellement, je meurs de peur que votre père ne reçoive mal la proposition. Allez donc empêcher qu'on ne lui en parle. Nous avons depuis tantôt raisonné Frontin et moi, et nous avons trouvé un moyen sûr pour vous marier, quand votre père ne le voudrait pas. Oui ; mais, il faut pour cela qu'il n'ait entendu parler de rien. Je vous en réponds, cela dépendra de vous. Et vous n'y mettrez point d'obstacle, peut-être ? Dépêchez-vous, et dites tout bas à Madame que j'ai quelque chose de conséquence à lui dire. La pauvre petite personne ! Nous en ferons tout ce que nous voudrons. Hé, que ne font point de jeunes filles, pour être mariées ! Oh, pour moi, je crois, Dieu me pardonne, qu'il y a un âge où elles ne pensent qu'à cela, et il entre du mariage dans tous leurs songes. Le mieux du monde ; cela se reçoit-il autrement ? Il faudrait avoir l'esprit bien mal tourné. Je lui en ai voulu donner quelque légère idée. Hé bien, elle commençait déjà à prendre un certain ton aigre doux, qui m'a fait rengainer mon compliment. Il ne faut se déclarer que bien à propos. La voici. Voilà votre chapeau par terre, prenez garde. Vous marchez sur vos gands, Monsieur. Voilà un mortel bien payé de ses deux cents pistoles ! Il a mieux fait que vous ne croyez, et voilà un billet de mille écus, que Monsieur lui a donné pour Araminte. Nous nous vengeons assez bien de son avarice, il ne faut pas se plaindre. Que cela ne vous embarrasse point, Madame Amelin négociera la chose à merveille. Avec tout cela, Madame, ce n'est pas une connaissance inutile que celle de cette Madame Amelin. Nous aurions eu peine sans elle, à nous défaire du diamant. C'est de l'argent comptant, ou peu s'en faut. Mais que veut cet homme-là ? Demandez-vous ici quelque chose ? Est-ce pour quelque affaire un peu longue ? Quelque testament ? Quelque inventaire ? Nous en débarrasserez-vous pour longtemps ? Je vais lui dire, vous n'avez qu'à attendre. Qu'est-ce qu'il y a donc ? Frontin serait pendu ! Quel dommage ! Ce l'est, Madame, il y a là quelque chose que je ne comprends point. En voici bien d'un autre. Madame Amelin ? Moi, je n'ai rien à dire, on vous croira de reste. Ma foi, vous n'avez qu'à charrier droit, si vous ne voulez pas qu'on la sache. La pauvre enfant ! Hors les maris, tout le monde sort toujours bien d'intrigues. Par ma foi, si les hommes donnaient à leurs femmes ce qu'ils dépensent pour leurs maîtresses, ils feraient mieux leurs comptes de toutes manières. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEAMELIN *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madameamelin Oh, Madame, ce n'est pas là ce qui m'amène ici. J'ai là vos parties, Madame, si vous voulez bien prendre la peine… Je vous demande pardon, Madame : c'est celui d'une Comtesse dont je ne puis tirer d'argent. Je lui ai depuis six mois fourni trois paires de hanches, il n'y a pas moyen que j'en sois payée. Voilà votre mémoire, Madame. Voyez seulement le total, Madame, s'il vous plaît. Oui, Madame, et l'on ne gagne pas grand-chose, comme vous voyez. Il m'est dû plus de dix mille livres, dont je n'aurai jamais dix pistoles. Je n'ai qu'un grand garçon, qui me fera mourir de chagrin, je pense. Je ne sais où il prend de l'argent : mais il est toujours avec de belles Dames : il joue avec de grands Seigneurs, et il dit à tous ceux qui me connaissent, que je ne suis que sa mère nourrice. Hélas ! Madame, c'est comme tout le monde est aujourd'hui. On veut paraître ce qu'on n'est pas, et c'est ce qui perd bien de la jeunesse. À cela près, Janot est bon garçon, et je ne puis m'empêcher de l'aimer. Madame, je vous suis bien obligée. Ah que voilà une brave dame ! Ne se pas donner seulement la peine de lire des parties ! Si toutes les autres étaient comme elle, j'aurais bientôt de quoi faire rouler un bon carrosse. Miséricorde, que vois-je ! Je ne me trompe point, c'est Janot. Hé, mon cher enfant, que viens-tu faire ici ? Comme le voilà brave ! Tu as beau faire, Janot, je suis ta mère, et quoique tu sois un méchant enfant, bon sang ne peut mentir, je t'aime toujours, Janot, mon pauvre Janot ! Qu'il a bonne mine ! Mais est-il possible que j'aie fait ce garçon-là ? Comment ! Quelles affaires, Janot ? Quoi ! Qu'est-ce à dire ? N'es-tu pas mon enfant ? Ne voudrais-tu pas que je t'appelasse Monsieur ? Écoute, je sais les contes que tu fais, tu as honte de m'appeler ta mère. Quelles espérances ? Mon cher enfant ! Mais, dis-moi donc… Ah ! Qu'il y aura de gens fâchés dans le quartier, si c'est tout de bon que Janot fait fortune. Monsieur le Chevalier ! Le joli garçon ! Il est effronté comme un page. Qu'il entend bien cela ! Comme il les attrape ! Monsieur, votre très humble servante. Voilà un aimable petit Gentilhomme. J'aime les gens de qualité, c'est mon faible, ils ont toujours de petites manières qui les distinguent, et l'on fait bien son compte avec eux, n'est-il pas vrai. Hé bien ! Hé bien ? Qu'est-ce à dire, il n'y a pas de fonds pour trois cent dix livres ? La vilaine chose qu'un homme d'affaires ! Mais, Madame joue quelquefois, et quand elle gagne… Comment ferons-nous donc ? Hé bien ? L'accommodement est admirable, vous vous moquez de moi, je pense. Un diamant, ah ! C'est autre chose. Et quand lui faut-il cet argent ? Passez chez moi dans un quart d'heure, et apportez la bague, vous trouverez votre argent tout compté. Adieu, Mademoiselle Lisette. Ma pauvre Mademoiselle Lisette, je suis furieusement intriguée. Je ne sais ce que j'ai fait du diamant que vous avez tantôt apporté chez moi, me l'avez-vous laissé, ma chère enfant ? Ne faites point de bruit, ma chère, et n'en parlez point à Madame, il se retrouvera ; en tout cas, il n'y aura que moi qui perdrai. C'est mon coquin de fils qui aura mis la main dessus, sans doute. Que voulez-vous, c'est un enfant gâté que Janot, qui fait quelquefois de petites mièvretés ; et dans le fond, pourvu qu'il le mette à bien, je ne m'en soucie pas. Vous ne savez pas tout ce qu'il sait faire ; c'est un petit drôle qui en sait bien long. Dites-moi un peu seulement. Il y a ici une grande fille à marier ? Par conversation seulement, je n'y prends aucun intérêt, je vous assure ; mais elle ne sera point mariée que je ne sois de la noce, c'est moi qui vous le dis, qui ne suis que Madame Amelin. Moi, moi. Ne parlez point à Madame de son diamant, il ne sortira point de la famille. Adieu Mademoiselle Lisette. Un de vos gens vient de me dire que vous me vouliez parler, Madame, je suis accourue tout au plus vite. Qu'est-ce qu'il y a donc ? De quoi s'agit-il ? Elle est entre les mains de Monsieur ! Le Ciel en soit loué, je ne suis pas malheureuse ; et Monsieur est trop honnête homme pour vouloir la retenir. Non, Monsieur, le Ciel m'en préserve. J'ai seulement donné ce matin six cents écus dessus à Mademoiselle Lisette, Monsieur. Oui, Monsieur, la voilà qui peut vous le dire ? Madame avait affaire d'argent, j'ai été bien aise de lui faire plaisir. Voilà bien du tintamarre, à ce qu'il me semble ; mais, mes six cents écus, sera-ce aussi Monsieur qui me les rendra, Madame ? Ah, te voilà donc, bon vaurien, je t'attendais pour te régaler : tu viens m'amuser avec des contes, et tu me fais de belles affaires, vraiment. Ce que cela signifie ? Vous voyez ce petit garnement-là ; c'est mon fils, Madame, afin que vous le sachiez… C'est Janot, Madame, dont je vous ai tant parlé ce matin. Qu'est-ce à dire ? Cela ne se peut pas. Oseras-tu dire le contraire, réponds ? Vraiment oui, te perdre, voilà de beaux mystères. Tu seras peut-être cause que je perde six cents écus, toi, et tu crois que je songe à des balivernes ? Comment donc la tromper ! Tredame, Monsieur Janot, puisque Monsieur Janot y a, aura quand je le voudrai une bonne Charge de vingt mille écus que je lui mettrai sur la tête. Oui, Madame, vingt mille écus, quand je perdrais ceux que je vous ai donnés encore. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LECHEVALIER *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lechevalier Hé bien, Frontin, as-tu donné mon billet à Lisette ? Quelle nouvelle ? De quoi s'agit-il ? Et la raison ? Comment ? À la Justice ! Que veux-tu dire ? Hé bien ? Tu me dis là une bonne nouvelle : hé, qui en doute ? Tant pis pour lui. Que cela ne t'embarrasse point, je me tirerai bien d'affaire. Cela commence à me fatiguer, je te l'avoue. Si le dessein que j'ai peut réussir, je réparerai cela quelque jour. Il faut tâcher d'en profiter. La petite fille de Monsieur le Notaire chez qui nous sommes, l'aimable et jeune Mariane, est un des meilleurs partis qu'il y ait à Paris. C'est une femme de fort bon sens, qui aime les plaisirs, le jeu, la compagnie ; et depuis deux jours je me suis avisé de lui persuader de donner à jouer chez elle, pour avoir occasion d'y venir plus souvent, et pouvoir entretenir Mariane de la tendresse que j'ai pour elle. Lui ? C'est un bonhomme, qui n'a presque pas le sens commun. De la femme du Commissaire ? Ne le voilà pas mal adressé ? Araminte et sa femme sont intimes amies. Je ne sais si Lisette aura déjà donné à Mariane le billet… Ah, Ciel ! Quelle rencontre ! Il ne me pouvait arriver une aventure plus cruelle. Vous perdez toutes vos affaires. Hé, ne m'appelez point ici de ce nom, je vous en conjure. Non, je vous aime, je vous respecte ; mais si vous me faites connaître ici, vous ruinez les plus belles espérances du monde. Un mariage considérable… Nous ne sommes point en lieu de nous expliquer. Hé, de grâce… J'irai chez vous dans un moment vous informer de toutes choses. Voici quelqu'un, contraignez-vous, et ne me trahissez point, je vous prie. Hé, bonjour, ma pauvre Lisette. Ne sachant à qui m'adresser, en t'attendant j'allais faire connaissance avec Madame. Qui est cette femme, Lisette ? Frontin t'a-t-il laissé un billet ? Ah ! Juste ! Ma vie et ma fortune sont entre tes mains, ma chère Lisette. Adieu, Madame. Je songe à la passion de Monsieur votre mari pour Araminte, Madame. Pour l'esprit d'Araminte, j'ose quasi vous en répondre ; et malgré l'avarice de votre époux, si vous n'étiez point un peu trop intéressée dans les dépenses qu'il pourrait faire… En vérité, Madame, vous êtes une femme de bon esprit. Vous avez raison. As-tu quelque chose à me dire ? Je ne sais, Madame. Veux-tu parler haut ? Hé bien, Monsieur. L'impertinent. Quelqu'un m'attend au logis ? N'est-ce pas ? Ce maraud-là fait toujours mystère de rien. Ce sont des gens qui me persécutent, pour savoir quand on commencera à jouer chez vous. Mais, Madame… Que j'ai de grâces à te rendre, ma chère Lisette ! Il n'y a rien qu'elle ne me donne lieu d'espérer ; je suis le plus heureux des hommes. Un rival, Lisette ? Et quel est donc ce rival, dis ? Puis-je parler à Mariane ? Ma bonne femme de mère aura dit quelque chose mal à propos, Frontin. Si j'en juge par le billet, mes affaires iront le mieux du monde. Assurément ? Hé, que fais-tu, Frontin, veux-tu me perdre ? Hé, quel temps choisis-tu ? Voilà un pernicieux maroufle ! Ah ! Je te jure qu'aussitôt l'affaire terminée… Dépêche-toi seulement. Je te donne les soixante pistoles, voici qui est fini. Ah, Frontin ! J'enrage ! Hé bien, le diamant te demeurera, seras-tu content ? J'aurai soin de tout cela, je te le promets. Je ferai pour toi toutes choses. Et si l'affaire ne réussit point ? Tais-toi, Frontin, voici Lisette. Tu ne viens donc pas avec nous, toi, Lisette. Hé bien, charmante Mariane, quelle sera ma destinée ? Hé, ne pouvez-vous pas faire tout mon petit bonheur ? Je vous adore : si vous étiez un peu sensible à ma tendresse ? Et consentiriez-vous, sans répugnance, que je devienne votre époux. On ne s'aime plus ! Qui vous a dit cela ? Et vous croyez que le mariage pourrait faire finir ma tendresse, ah ! Je vous jure… Je venais vous en rendre compte, Madame ; et tout Paris viendra chez vous sitôt qu'on saura qu'on y joue. Je ferai tout ce qu'il vous plaira, Madame. Ah ! Mon pauvre Frontin, je suis dans le plus grand embarras du monde. Cette folle de Lisette s'est avisée de parler à sa Maîtresse, et à Araminte, de la passion que j'ai pour Mariane. Et dans la vue de me faire plaisir, elles veulent, malgré que j'en aie, proposer la chose à son père. Ah ! Ne plaisante point, je te prie. J'avais toujours compté sur les soins de Lisette, sur la tendresse de Mariane ; et je me proposais de terminer la chose par un enlèvement, pour faire consentir le père au mariage. Non vraiment ; mais, quel parti prendre ? Mais, il faut pour cela de l'argent comptant, je n'en ai point assez. Mais il faut persuader Mariane. Mais… Madame, je viens vous dire que… Madame. Que voulez-vous que je vous réponde ? Vous avez voulu me perdre, et vous réussissez à merveille. Je suis au désespoir. Ah, Madame ! **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_FRONTIN *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_frontin J'arrive comme vous, je n'ai encore vu personne ; mais, j'ai appris en Ville une très fâcheuse nouvelle. Il faut quitter ce pays-ci. Il s'y forme un orage épouvantable. On a fait de mauvais rapports à la Justice. Ce jeune homme à qui vous gagnâtes l'autre jour ces deux mille écus qu'il venait de toucher pour faire cette Compagnie de Cavalerie… Il est fâché de les avoir perdus. Ce n'est pas tout, il a eu l'indiscrétion de s'en plaindre. Tant pis pour vous ; car on informe. Écoutez, vous menez une vie diablement libertine, franchement. Nous sommes furieusement décriés dans Paris. Il n'y a presque plus que cette maison où vous ne soyez pas tout à fait connu. C'est bien dit ; attrapons encore ces gens-ci, et faisons grâce au reste de la nature. Et sa belle-mère, Madame la Notaire, une des plus grandes dépensières qu'il y ait au monde : il ne lui manque que de l'argent. Cela est fort bien imaginé. Mais, Monsieur le Notaire, que dira-t-il de cela ? Cependant il n'a pas le goût mauvais ; il est amoureux d'Araminte, comme vous savez. Justement. C'est moi qui suis le confident de cette affaire. Cela ne gâtera rien ; au contraire, si elles ont de l'esprit elles profiteront de l'aventure. Et pour vous, si vous en usez bien avec moi, car enfin nous nous connaissons, comme vous savez, il faut être bon Prince, nous tâcherons de vous faire épouser Mariane. Voici déjà votre billet que je vais donner à Lisette. Allez cependant songer à faire taire le petit homme aux deux mille écus. Dans l'affaire où vous allez vous embarquer, une aventure d'éclat ne vaudrait pas le diable. L'heureuse chose que d'être né avec de l'esprit ! Oh pour cela, Monsieur le Chevalier est un des premiers hommes qu'il y ait au monde. Le jeu, les femmes, tout ce qui sert à ruiner les autres, est ce qui lui fait faire figure, et tout son revenu n'est qu'en fond d'esprit. Patience, je ne dis mot, mais ma foi, s'il ne fait ma fortune avec la sienne, je gâterai bien ses affaires. Bonjour Lisette. Ta maîtresse est-elle habillée ? Et sais-tu bien qu'il est près de midi ? Et vous vous promenez toute la nuit. Et le mari sait-il quelque chose de ce dessein ? Bon ! Pour faire la femme de qualité, on dit que ta Maîtresse le fait quelquefois passer pour son homme d'affaires. Il y a mille Bourgeoises dans ce goût-là. Oh diable, pour bien dresser un mari, tu es la première fille du monde. Bien des choses. J'y viens de la part d'Araminte, de celle de Monsieur le Chevalier, et de la mienne. Oui, mon enfant, j'ai une impatience terrible de devenir ton premier domestique. Oui, vraiment, comme Laquais d'Araminte, j'ai un billet à lui rendre. Et attends, attends. Comme valet de chambre de Monsieur le Chevalier, j'ai des affaires sérieuses à te communiquer. Il est vrai, je suis le garçon de France le plus employé. Valet de chambre de l'un, laquais de l'autre, grison de celle-ci, espion de celle-là. Je fais tout avec une discrétion admirable. Dans la plupart des aventures dont je me mêle, je suis presque toujours pour et contre ; je conduis quelquefois les affaires de la femme et celles du mari tout ensemble. Je sais toujours tout, et ne dis jamais rien, et je ne cherche qu'à faire plaisir à tout le monde. Qu'il est amoureux de Mariane. Oui, d'elle-même ; et il m'a chargé de te l'a demandé en mariage. Est-ce que tu ne sais pas que pour épouser des filles de bourgeois, ce n'est point aux Pères que de jeunes gens de condition s'adressent à présent. Non vraiment, cela était bon autrefois ; mais aujourd'hui les manières sont bien différentes : on prend seulement l'aveu de la petite fille, on tâche d'avoir l'agrément de la fille de Chambre, et quand on ne peut plus cacher la chose, on en informe la famille. Ses yeux ont tâché de se faire entendre. Ceux de Mariane n'ont rien compris : mais pour rendre la chose plus intelligible, voilà un petit billet que tu es priée de lui faire lire. Nous en aurons bientôt réponse ? Voici ta Maîtresse. Vous rendre un billet d'Araminte, Madame. Songe à celui de Monsieur le Chevalier. L'affaire des deux mille écus va mal, Monsieur, on décrète. Monsieur… Je vous dis, Monsieur, que… Oui, Monsieur, justement, deux marquises, une comtesse, un partisan, trois abbés, autant de fainéants, ce commis de la douane, et ce petit épicier, sont au logis qui vous attendent. Hé bien où en sommes-nous ? Mariane a-t-elle fait réponse ? Monsieur le Chevalier est dans une impatience épouvantable. Il est avec de jeunes gens de ses amis, qui veulent l'obliger, malgré qu'il en ait, à remonter une Compagnie de Cavalerie. Oui, mon enfant, une Compagnie que les trois dés et le lansquenet ont démontée. Ces Messieurs prétendent que ce soit Monsieur le Chevalier qui la remonte, il est diablement affairé. Tant pis pour lui de l'avoir manquée, ce sont ses affaires, parlons des nôtres. Je t'aime furieusement au moins, et si tu voulais… Ah, ah, hé quelles affaires importantes te sont survenues depuis que je t'ai quittée ? Parbleu, je suis ton fait, de quoi s'agit-il ? Je ne te demande que la préférence. Ce sont les premiers amusements de ma jeunesse, mon enfant ; et à l'heure que je te parle, j'ai deux ou trois affaires en main de cette nature-là. Non pas, s'il te plaît, je veux la savoir avant que de te quitter. J'aime mieux qu'il s'impatiente que moi, dis vite. Le mari d'Araminte, Monsieur le Commissaire ? Oh bien, mon enfant, à bon chat, bon rat. Le mari de ta Maîtresse est amoureux d'Araminte. C'est une négociation dont je suis chargé ; ne t'ai-je pas dit que je travaillais pour tout le monde ? Il y a dix ans que je fais les affaires de Monsieur le Notaire. Assurément, et pour peu que les femmes soient d'intelligence… Je n'y suis venu qu'en passant, Madame ; et quelques petites propositions que m'a faites Mademoiselle Lisette m'ont arrêté pour vous offrir mes petits services. Elle vous dira tout, donnez-vous patience. Voilà les propositions qu'elle m'a faites, et c'est là-dessus que j'attends vos ordres. Cela deviendra bien plus divertissant dans la suite. Elle ne vaudra rien pour les parieurs, si l'on m'en veut croire. Il est tout à votre service, Madame. Si vous me donnez les mêmes ordres pour Monsieur le Notaire, je les exécuterai fort exactement, je vous assure. Vous n'aurez rien à me reprocher. Oui, Madame, brusquerons-nous la bourse de ces Messieurs, ou si nous la viderons tout doucement ? C'est mon avis ; et le tien, Lisette ? Pour vous, Mesdames, il faudra vous mettre en dépenses de quelques petites faveurs, s'il vous plaît. Oui, Madame, mais sans conséquence. Un regard favorable seulement. Un doux sourire fait à propos. Se laisser prendre les mains. N'en pas témoigner de colère. Souffrir par aventure… Comment donc, vous n'y songez pas : les plus sages coquettes ne refusent point aujourd'hui ces bagatelles à leurs soupirants ; et tout le secret ne consiste qu'à les faire payer si cher, qu'il ne reste jamais de quoi finir l'intrigue. Les choses n'iront que jusqu'où vous voudrez, et vous en viendrez aux éclaircissements quand il vous plaira. Le plutôt que nous pourrons. Il n'y a pas un moment à perdre. Je vais dire un mot à Monsieur le Chevalier, et je reviens dans le moment même. Non, non, Madame. J'attendais qu'il fût sorti. Comment vont les affaires ? As-tu déjà travaillé pour la bourse commune ? Tu nommes cela une restitution ? Tu as raison, celle qui reçoit ne s'engage à rien, et le donateur est pris pour dupe. Où est Monsieur le Notaire, il faut que je décharge aussi sa conscience de quelque petite restitution. Comment donc ? Il n'aura pas de peine à la persuader. Tu as raison. Voici Monsieur le Chevalier. Bon, si nous n'avons point d'autre rival à craindre, nous sommes bien, sur ma parole. Il n'y a rien de gâté encore ; mais il faut se hâter de conclure le mariage ; le billet s'explique-t-il en bons termes. Assurément ! Puisqu'il est ainsi, sans façon, Monsieur le Chevalier... Commençons par bannir la cérémonie. Non, ce n'est pas mon intention ; mais vous voilà en train d'attraper un bon mariage. Comment prétendez-vous que cela se passe entre vous et moi ? Parlons net, ou je vous trahirai. On a déjà ouï parler de Monsieur Janot, comme vous voyez. Ne vous fâchez point, et soyez bon Prince. Je suis votre serviteur, votre valet même quelquefois, dont j'enrage. Car enfin, nous avons été camarades d'école, nous étions Clercs chez le même Procureur. On vous mit dehors pour la Maîtresse, on me chassa, moi, pour la servante ; et j'en conviens, vous avez eu de tout temps les inclinations plus nobles que les miennes ; mais cependant il me déplairait fort de vous voir Monsieur pour toujours, et d'être toujours Frontin, moi. Quand une affaire est terminée, elle est finie pour tout le monde ; il n'est rien tel que de faire marché : composons d'avance ; assurez-moi ma petite fortune, et je vous permets d'achever la vôtre. Vous m'avez donné ce matin un billet de soixante pistoles, pour les aller recevoir de ce Commis de la Douane. Point, Monsieur, il y a encore ce diamant que vous avez tantôt pris chez votre mère, et que vous m'avez dit de troquer contre de l'argent. Ah ! Monsieur, point de contestations, s'il vous plaît, je n'aime point qu'on me contredise, moi. Il me faudra du linge, et quelque justaucorps un peu propre, pour me mettre en équipage seulement. Vous me donnerez avec cela quelques bonnes habitudes, et tout ira bien. J'ai de l'esprit, vous serez pourvu, je vous demande vos vieilles pratiques. Sur ce pied-là, reprenons la cérémonie, j'oublie l'égalité de nos naissances, et je vous regarde comme le Gentilhomme de France le moins roturier. En ce cas j'ai la conscience bonne, je vous rends tout ; il faut que chacun vive. Hé, qu'ai-je affaire là, moi, s'il te plaît ? Causez en repos, je suis en sentinelle. Changez de conversation, Monsieur, j'entends quelqu'un. Non, rapprochez-vous, c'est Lisette. Et moi, Madame, que deviendrai-je ? Quand vous aurez fait de Monsieur le Notaire, vous me le livrerez, s'il vous plaît. Dépêchez-vous donc, Madame : je suis honteux que Lisette soit plus expéditive que moi ; mais, je réparerai cela par la somme. Voilà un pauvre diable en bonne main. Ah ! Monsieur, que je vous trouve à propos. Ne peut-on point nous écouter ? Vous n'avez point vu Araminte depuis le dernier billet que je lui ai rendu de votre part ? Mais, sérieusement, Monsieur, en êtes-vous bien amoureux ? Et s'il fallait renoncer à la voir ? Cela vous ferait-il bien de la peine ? Ah ! Que vous aimez cette femme-là, Monsieur. Je ne puis m'empêcher de vous plaindre. Vous ne sauriez croire combien je suis dans vos intérêts. J'aimerais autant que le diable vous eût emporté, que de vous voir amoureux de cette force-là. Araminte, Monsieur. Elle est dans une situation la plus fâcheuse du monde. Elle m'a bien défendu de vous rien dire, et je ne sais si je fais bien de vous en parler. Je meurs de peur que vous ne soyez assez amoureux pour la vouloir tirer de l'embarras où elle se trouve. Ne voilà-t-il pas ! Oh bien, Monsieur, puisqu'il est ainsi, vous ne saurez rien. Non, Monsieur, il ne sera pas dit, que parce qu'une femme vous estimera plus qu'un autre, j'aurai contribué à vous ruiner pour l'amour d'elle. Cela signifie que la plupart des jolies femmes ruinent tous ceux qu'elles estiment, Monsieur. C'est la règle. Hé, vraiment oui, voudriez-vous qu'elles ruinassent ceux qu'elles n'estiment point ? Cela serait bien malhonnête. Oui vraiment, cela ne se peut pas autrement même. C'est une chose inconcevable que les dépenses prodigieuses qu'Araminte fait tous les jours, sans réflexion, sans conduite. Elle s'endette de tous côtés, les Marchands crient pour être payés ; si cela vient aux oreilles du mari, c'est une femme perdue, et pour se mettre à couvert de ses emportements, elle est dans la résolution de s'aller jeter dans un Couvent, et de n'en sortir de sa vie. Dans un Couvent. Quand une jolie femme est embarrassée, et qu'elle ne sait comment sortir d'affaires, elle a toujours recours au Couvent ; c'est encore une règle. Je vous en réponds ; elle m'a même dit de lui mener un carrosse, pour y aller tout de ce pas ; elle ne veut dire adieu à personne. Oh, Monsieur, cela est bien difficile ; elle doit plus de mille écus, afin que vous le sachiez. Oui vraiment, mille écus, valant trois mille deux cent cinquante livres. Hé croyez-moi, laissez-la faire, ne mettez point là votre argent, prenez une bonne résolution de ne la jamais voir. Oui, vous ne l'aimez peut-être pas tant que vous vous l'imaginez. Quelle fatalité ! Perdre l'esprit, ou donner trois mille deux cent cinquante livres ! Écoutez, l'esprit est une belle chose. Adieu, Monsieur, je vais chercher un carrosse. Ah ! Que je connais de gens à Paris qui voudraient avoir une occasion comme celle-ci ! Mais je ne vous en parlerai point. Je suis trop de vos amis, pour ne vous pas laisser la préférence… Je vais lui chercher un carrosse. Comment, vous-même ? Ah ! Fi, Monsieur, où est la politesse, de ne savoir pas épargner à une femme la confusion de vous avoir obligation en face ? Vous la feriez mourir de chagrin. Si je les connais ! Cela est fort bien imaginé. Assurément, il n'y a qu'un petit inconvénient qui s'y rencontre. Ce sont des gens à qui Madame votre femme doit aussi de l'argent, il ne serait pas dans la bienséance qu'on vous vît acquitter les dettes des autres, quand vous ne payez pas les siennes. Je suis prudent, comme vous voyez. Mais il me semble que vous, me donnant le billet, et moi, promettant de vous en faire tenir compte… Qu'est-ce à dire, mais ? Ne craignez-vous point que je vous friponne votre billet ? Parbleu, Monsieur, je n'y entends point de finesse ; puisque vous faites tant de façons, je vous baise les mains, je suis votre serviteur… Je m'en vais chercher un carrosse. Oh ! Diable, vous faites-là un grand effort ! Monsieur est amoureux à perdre l'esprit, on veut le conserver dans son bon sens, il en est quitte pour mille écus… Tout à l'heure, je vais vous joindre. Qu'est-ce qu'il y a ? Hé bien ? Cela ne vaut pas le diable, vos voilà gâté ; on ira aux enquêtes, et la réputation de Monsieur Janot fera tort à Monsieur le Chevalier, assurément. Je ne plaisante point, cela ne vaut pas le diable. Voilà comme j'ai toujours conçu la chose, et il n'y a pas d'autre biais que celui-là même. Celui de précipiter une chose que nous aurions pu faire à loisir. Oh, je vous en prêterai, moi, qu'à cela ne tienne. Il y a à Paris quelques orfèvres de ma connaissance ; et avec le diamant dont je suis nanti, je ne m'embarrasse pas de trouver deux cents pistoles en un quart d'heure. Laisse-moi parler à Lisette, et allez m'attendre à l'Auberge. Mais, allez m'attendre, vous dis-je. Pour être héritier de vos vieilles pratiques, il n'y a rien que je ne sois capable de faire. Ah ! Vous voilà, je viens de repasser chez vous. Que faites-vous donc ici, Monsieur Josse. Oui ! Vous vous mettez dans le goût de la pierrerie. Ah ! Je vous en félicite, je vois bien ce que cela signifie. Que cela ne vous embarrasse point, je vous en ferai bon marché, ne vous mettez pas en peine. Comment donc, pendart ? Est-ce vous, ou moi, qu'on apostrophe, Monsieur Josse ? Moi, par ma foi, je ne sais qu'en dire. Qu'est-ce à dire, un vol ? Ho… que… écoutez… Hé fi, Monsieur, je n'aime point ces plaisanteries-là, je vous en avertis. Que diable, si le diamant ne vous accommode pas, il n'y a qu'à me le rendre, je ne suis pas embarrassé de m'en défaire. Monsieur, Monsieur Josse, oh diable, je n'entends point de raillerie, c'est à vous que… Monsieur, commençons par vider celui-là, rendez-moi la bague, ou la peste m'étouffe, je ferai beau bruit, et… Si… Cela me ferait damner. Vous n'en ferez point ! Mais j'en ferai, moi. Et moi, je ne veux point perdre ma bague, de par tous les diables. Un gentilhomme de mes amis. Monsieur Janot, connaissez-vous cela ? Du diable ! Monsieur Janot aurait-il fait ce tour-là ? Que cela ne se peut pas. J'étais tantôt avec lui… chez sa mère… cela ne se peut pas, encore une fois. Je n'y comprends rien. Monsieur, encore un petit mot sans nous emporter ; ou j'ai perdu l'esprit, moi qui vous parle, ou vous l'avez perdu vous-même. Je ne l'ai pas perdu, moi, assurément. Ergo… Oh, pour cela, Monsieur, je me suis fort loyalement acquitté de la commission. Monsieur… N'embrouillons point l'affaire de la bague. Revenons à la bague, je vous prie. Ne confondons rien, s'il vous plaît. Je n'ai point le billet, et vous avez la bague. Vous me la rendrez. Vous me la rendrez. Au secours, miséricorde. Monsieur votre mari, Madame, qui a la fièvre chaude. Et une fièvre chaude, intéressée même. Il me dérobe une bague. Moi ? Moi ? Vous voyez bien le transport au cerveau ? Il n'y a rien de plus clair. La, la, la, la. Si on ne prend garde à lui, il fera quelque sottise. Laisse-moi en repos, toi, avec ton pendu. J'enrage. Il y a de l'apparence à tout ce qu'il dit, et je sais le contraire. Ah ! Vivat, j'ai gagné ma cause : allons, Monsieur le Commissaire, faites le dû de votre Charge, faites rendre à Frontin ce qui lui appartient ; vous êtes fort pour les restitutions, vous. Et puisqu'il en est ainsi, moi, je vais faire venir la personne à qui il appartient ; s'il est écrit qu'il sera perdu pour moi, j'aime mieux qu'il retourne à son vrai maître. Oh parbleu, il y a de la fatalité dans tout ceci, et vous venez tout à propos pour défendre vos droits, Madame Amelin. On vous a pris tantôt une bague, elle est entre les mains de Monsieur, faites-vous la rendre. Oh, pour celui-là, je ne m'y attendais pas, je ne suis qu'une bête. Voilà une maudite bague qui causera quelque révolution. Je l'ai donné fidèlement, comme vous voyez. La belle chose que la prévoyance. Monsieur Janot aura aussi son fait. La maudite bague ! Comment, diable ? Ma foi, nous sommes plus heureux que sages. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURJOSSE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurjosse Je voudrais bien parler à Monsieur Simon, on m'a dit là-bas, qu'il y était. C'est pour une chose que je ne puis dire qu'à lui-même. Qu'on l'avertisse, je vous prie. Voilà une soubrette qui me parait bien alerte, et elle pourrait bien, si je ne me trompe, avoir quelque part à la visite que je viens rendre à Monsieur le Notaire. Monsieur, voilà un diamant qu'on vient d'apporter chez moi pour le vendre. Il me parait tout à fait semblable à celui que vous avez fait recommander. Voyez. C'est un garçon que je connais, qui me connaît aussi ; et je n'ai même gardé la bague, que sous prétexte de la faire voir, avant que de l'achever, à quelqu'un de mes confrères, que j'ai dit qui se connaissait en pierreries mieux que moi. Il ne faut effaroucher personne. Ne vous mettez point en peine, nous avons la bague, il reviendra. Je faisais voir à Monsieur ce diamant que vous venez d'apporter chez moi. À votre avis, que vous en semble ? Je vous baise les mains, Monsieur. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bourgeoisesalamode *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_bourgeoisesalamode *dist2_dancourt_prose_comedy *id_JASMIN *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jasmin Madame Amelin, votre Marchande de modes… Que vous plaît-il, Madame ? Son Maître de Clavecin est avec elle. Votre Maître de Géographie vous attend, Mademoiselle. Celle qui est venue tantôt ici ? Oui, Madame.