**** *creator_dancourt *book_dancourt_curieux *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_curieux *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLITANDRE *date_1698 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Ah ! Mon pauvre Frontin, je suis au désespoir. Bonjour, Chevalier, comment te portes-tu ? Je suis dans la plus cruelle situation où je me sois trouvé de ma vie. Sais-tu la cause de mes chagrins ? Toi, Chevalier, tu serais amoureux ? Ah ! C'est encore un surcroît à mon malheur ; je n'ai pas un sou, mon pauvre Chevalier. Mon pauvre Frontin, que ferons-nous ? Parle. Il n'y a rien que je ne sois capable d'entreprendre pour me tirer de cette affaire. Quel est-il ? Parle. Tu perds l'esprit, Frontin. Si tu n'imagines pas autre chose, je ne vois pas… Dis-nous ce que c'est. Que dis-tu de cette imagination, Frontin ? Qui t'empêche de venir avec nous ? Madame Pinuin ? On vous le dira, marchez, Monsieur, marchez. Écoute, Chevalier, voilà ton ami, voilà le mien, j'ai les mêmes ordres que toi, l'un me répondra de l'autre. Un peu d'humanité, mon pauvre Chevalier. Vous vous moquez de nous, je pense, avec votre argent. Y consentirez-vous sans répugnance ? Et puis-je me flatter… **** *creator_dancourt *book_dancourt_curieux *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_curieux *dist2_dancourt_prose_comedy *id_FRONTIN *date_1698 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_frontin Fort au service de la vôtre, Monsieur le Chevalier. Mais vous, comment vous en va ? C'est tout comme chez nous, Monsieur ; et à l'amour près, dont mon maître a bonne provision, vos destinées sont assez pareilles. Vous êtes heureux d'avoir bon crédit. Hé, de quoi diantre vous avisez-vous de défrayer cette caravane ? Ce sont bien là les allures d'un homme de votre pays ? Cela est de bonne foi pour un Chevalier de Gascogne, et je croyais qu'il n'y avait que mon maître capable d'une si grande délicatesse de conscience. Nous sommes dans la même crise que vous, Monsieur. Monsieur Nicolas Valentin, honnête Marchand, qui fournit le Régiment, Madame Judith Valentin sa femme, Mademoiselle Angélique Valentin leur fille, avec d'autres Bourgeois et Bourgeoises des environs de la rue du Roulle, se sont avisés de venir voir le Camp : Monsieur mon maître, qui est fort libéral, quoiqu'il n'ait pas le double, les a généreusement régalés presque tous les jours. On a fait de grands repas, nous en avons fait les honneurs : mais je serais d'avis d'en laisser payer la dépense à nos Bourgeois ; qu'en dites-vous ? Ce qui nous embarrasse le plus, nous autres, c'est que mon maître est amoureux de Mademoiselle Valentin la fille ; cela nous pique d'honneur, voyez-vous ; et il faut ou crever, ou faire bien les choses. Ma foi, je ne sais, Monsieur : ce qui me paraît de plus facile, c'est que vous consoliez Monsieur le Chevalier, que Monsieur le Chevalier vous console, et que je vous exhorte tous deux à prendre patience ; car je ne vois pas que nous soyons en état de nous rendre réciproquement d'autre service. Mais, si vous vous trouvez tant de résolution, il y aurait un moyen… Il est un peu scabreux, à la vérité ; mais pour franchir un mauvais pas… Ne pourrions-nous point aller en parti sur le grand chemin de Paris ? Il y aurait là de bons coups à faire. Point du tout, Monsieur, aux environs d'un Camp, il n'y a point de mal d'aller en parti ; la curiosité a rendu la Bourgeoisie de Paris très voyageuse ; quel inconvénient trouveriez-vous de faire payer aux premiers venus les frais que nous sont venus faire ici leurs camarades ? Mais écoutez, cela peut avoir des suites, vous avez raison, voyez. Je ne suis point jaloux de l'invention ; parlez. Où ce mais-là nous mènera-t-il ? Voyons. Cela m'ouvre l'esprit, Monsieur : notre Monsieur Valentin, à son négoce près, est un Bourgeois aussi bourgeois et aussi neuf… Voilà de bons sujets, il faudrait un peu raisonner là-dessus. Comment ? Et c'est Madame Pinuin, la maîtresse des trois Rois. Si nous la connaissons ? Elle a été femme de charge d'une fille d'Opéra, chez qui nous soupions quelquefois ; c'est une fort bonne pâte de femme ; et dans le dessein que nous avons, nous pourrions bien avoir besoin d'elle. Ah, ah ! C'est vous, Monsieur Guillaume ? Vous en aurez, je réglerai cela, moi. Quand boirons-nous ensemble ? Quoi ! C'est votre cousin que ce Monsieur Guillaume, Madame Pinuin ? Ce Gentilhomme-là ne fait point de déshonneur à la famille, au moins ; et je crois qu'avec un peu de vos lumières, il pourrait faire quelque chose dans le monde. J'ai envie de lui en donner pour voir, et de lui faire faire dès aujourd'hui son apprentissage. Mais toi, en faveur de l'ancienne connaissance, serais-tu d'humeur à rendre un bon office à mon Maître ? Je vais te l'expliquer, il est amoureux, premièrement. Oh ! Il n'est pas question ici d'un mariage d'Opéra, nous avons des vues raisonnables. Une petite personne, qui, avec son père et sa mère, est logée chez le cousin Guillaume. Le père est Monsieur Valentin, un honnête homme, Marchand de nos amis ; et la mère… la mère… est femme du père. Tu n'y en vois pas ? Je vais t'y en faire trouver, moi, donne-toi patience. Cet honnête Marchand est un Bourgeois fort riche, et mon maître est un Gentilhomme fort gueux. Autre difficulté : le bonhomme sait le mauvais état de nos affaires ; il a aidé lui-même à les déranger, en nous vendant très cher à crédit de mauvaises marchandises, qu'il nous faisait revendre comptant à très bon marché, et en nous prêtons quelquefois cent pistoles dans le besoin, dont il tirait des billets de mille écus. Un usurier ? Oh, parlez mieux, c'est bien un fripon, Madame Pinuin. Le père est un fripon, mais la fille est un bon parti : ces sortes de mariage ne sont pas sans exemple. Celui d'apprendre à la petite fille que mon maître est amoureux d'elle. Non, mon enfant, on ne s'est encore fait que des mines de part et d'autre ; et outre que nous ne savons pas bien si elle entend les nôtres, nous ne comprenons pas trop ce que les siennes signifient. Non, la mère est un diable, qui ne la quitte pas : c'est une de ces Bourgeoises de la vieille roche, une pie-grièche, un dragon surveillant, qu'il n'y a pas moyen d'endormir, et que tu auras peine à tromper toi-même, quelque talent et quelque expérience que tu aies. Quelle est cette femme ? La connais-tu ? Dis. Ah ! Je sais ce que c'est, il vient de nous le dire. On ne voit point de cela à Paris, Madame. Que de harnois ! Que de grelots ! Que de sonnettes ! Madame ! Il y a là de la marchandise à choisir ; c'est une belle Foire, n'est-ce pas, Madame ? Les voyages font bien les gens, Madame Pinuin. Oui, Madame, je suis des amis de Monsieur le Chevalier, confident ordinaire de toutes les Bourgeoises suivant l'armée. Elle vous a dit vrai, Madame, il me l'a dit aussi, à moi : c'est bien la passion la plus pétulante. Nous nous en déferons, Madame, ne vous mettez pas en peine : j'en ai bien expédié d'autres. Non, non, Madame. Nous n'en manquerons pas plus que vous, Madame, laissez-nous faire. Voilà une belle folle, au moins, et je ne sais si c'est rendre un bon office au Chevalier. À vos affaires, Monsieur. Hé allez, Monsieur, quand ils partiraient demain, nous leur donnerons ce soir un petit bal d'armée pour leur faire nos adieux : songez seulement à vous rendre au plutôt dans la tente de mon maître. Nous ne te demandons pas autre chose. Hé parbleu, je crois que les voilà, le hasard nous les amène ici le plus à propos du monde, cela est d'un heureux présage pour notre entreprise. Dans notre tente : tu sais bien où campe le Régiment. Oh ! Point du tout, Monsieur, je vous assure. Oh ! Il y a Bourgeois et Bourgeois, Madame ; et Monsieur Valentin est un homme aussi respecté parmi les troupes… Vous vous moquez, Monsieur, je suis seulement fâché de vous avoir voulu faire passer imprudemment par cet endroit que gardaient ces deux sentinelles. Cela est vrai, mais en prenant le plus long, cela vous aurait épargné les bourrades que ces brutaux-là vous ont données. Vous avez bien fait de ne le pas vouloir. Oui, oui, Madame ; et tout cela se serait fort bien passé, Monsieur, sans ce brutal d'Aide-Major ; qui vous a fort vilainement appliqué une vingtaine de coups de canne en passant-là. Monsieur votre mari a l'esprit bien fait, Madame Valentin, vous devez être bienheureuse avec cet honnête homme-là. Hé quoi, Monsieur ? Écoutez, ce cheval-là pourrait bien l'avoir fait exprès, lui ; car il vous a vu au visage. Comment donc, qu'est-il arrivé, Monsieur Guillaume ? La recherche des Curieux qui n'ont que faire ici ? Et pourquoi cela, Monsieur Guillaume ? Il ne sait ce qu'il dit, Monsieur, il n'y a jamais eu de cheval de bois dans un Camp. On fera entendre raison à ces Officiers-là, Monsieur, ne vous mettez pas en peine. Au pis aller, Monsieur, si on vous faisait ce chagrin-là, il ne durerait pas du moins ; mon maître a des amis, et vous ne seriez pas là plus de trois ou quatre heures. Non, non, Monsieur, laissez-moi faire : Voilà un Bourgeois bien en sûreté ! Paix, je connais cet Officier-là, laissez-moi faire ; Monsieur, je vous donne le bonjour. C'est pourtant un fort honnête homme, un des intimes amis de mon maître Cela est bien chagrinant, je vous l'avoue ; tâchez de ne point monter à cheval sitôt, je m'en vais le chercher. Ah, Monsieur ! Il y a une heure que je vous cherche, où diable êtes-vous donc ? Voilà le pauvre Monsieur Valentin que l'on prend pour un espion. Si vous montez celui-ci, nous monterons celui-là par représailles. D'exploits guerriers on voit ici l'image ; Et si d'assaut on prenait quelque ouvrage, Les Bourgeoises du Voisinage, Verraient l'action de près. **** *creator_dancourt *book_dancourt_curieux *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_curieux *dist2_dancourt_prose_comedy *id_GUILLAUME *date_1698 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_guillaume Sarviteur à la couseine Pinuin, comment se porte-t-alle ? Est-ce qu'alle est devenue folle ? Il m'est avis qu'alle parle toute seule. Parguenne, vous les faites bian, vos petites affaires, et vous êtes une futée commère pour une Compiègnoise. Dame, acoutez, quand je sommes une fois déniaisés, nous autres Picards, je ne nous changerions pas contre certains badauds qui n'avont rien vu ; tatigué, la plaisante engeance. Oh, pour stila non ; je me suis avisé de tenir cabaret dans notre farme, c'est un bon métier, couseine, n'an gagne ce qu'on veut ; j'avons morgué eu du monde jusques dans nos étables, et si ils y couchiont tretous sur de la litière à vingt sous par tête tant qu'ils en vouliont : oh morgué, j'ai bien vendu mes denrées. Parguenne, ils seriaint encore trop heureux quand il leur en coûterait encore dix fois davantage ; ils avont vu une armée une fois, comme alle campe, comme alle file, comme alle marche, comme alle décampe, comme alle… que sais-je moi ? Tatigué, quand ils seront retournés chez eux, comme ils débagouleront tout ça dans leur voisinage ! Ça se pourra fort bian : pour les hommes encore passe, n'an leur pardonne ; mais ces Bourgeoises, que venont-elles faire ici ? Hé fi, morgué, c'est se moquer, la curiosité est parmise à de certaines femmes : mais à des Marchandes, à des Cabaretières, à des Procureuses : est-ce que c'est leur besogne de quitter leur ménage et de s'en venir à l'armée ? Il y a morgué de ces masques-là qui avons fait garder la maison aux Procureux pendant qu'alles s'en venont ici courir la prétantaine avec des maîtres Clercs. Je voudrais, parguenne, pour la rareté du fait, qu'on en fît tant seulement passer queuque demi douzaine par les baguettes, ça leur apprendrait à demeurer chez elles. Tatiguenne oui, je n'aime point les sottes gens, et je ne sis jamais plus ravi que quand on les barne. Tenez couseine, j'étais ces jours-ci dans la joie de mon cœur. Deux nigauds qui logiont chez nous, un avocat et un Apothicaire. Ils aviont, morgué, de biaux justaucorps tout chamarrés d'or, et ils étions montés comme des Saints-Georges ; ils fesions les olibrius dans les commencements : mais ils avont le caquet bien rabattu, à l'heure qu'il est. Des aigrefins de ce Camp les avont fait jouer, et ils leur avont tout gagné l'argent, les justaucorps et les montures ; les badauds s'en retourneront en veste à Paris par des chemins de traverses, et si ils ne feront pas grand'chère sur la route. Morgué, que c'est bian fait ! Bian entendu, voirement, je profite de leurs sottises, mais je m'en gobarge. Ainsi va le monde, ça est-il défendu ? Il y a encore cheux nous des originaux, à qui j'ai opignon qu'on jouera queuque pièce. Je ne sais, morgué, pas bian : mais ils sont de la connaissance d'un certain Officier que je vians chercher ici, et ce certain Officier a un certain valet. Hé, pargué, le vela, tenez couseine : ce n'est morgué pas un sot que ce drôle-là. Oui : mais quand vous en aurez fait, vous me le livrerais ; j'ai aussi queuque affaire avec ly, moi, couseine. Votre maître m'a dit que je vous trouvisse ici, qu'il avait queuque chose à me dire ; et comme ces parsonnes qu'il a logées cheux nous s'en allont demain, je crois qu'ils ne demandont point à compter : je voudrais bian savoir, ou d'eux, ou de ly, qui me baillera de l'argent ; car je suis homme d'accommodement, il ne m'importe pas qui m'en baille, pourvu que j'en aie. Pargué, tout à l'heure, le plutôt vaut le mieux : finissez avec la couseine, je m'en vais cheux elle faire tirer du meilleur ; si vous tardez trop, je boirai tout seul en vous attendant, et vous me trouverais peut-être ivre. Sans adieu, Monsieur Frontin ; votre valet, couseine. Ah ! Palsangué, Monsieur Frontin, je nous allons bian rire. Parguenne, il y a une douzaine d'Officiers à qui l'on a baillé ordre de faire la recharche de tous les Curieux qui se trouveront ici, et qui n'y avont que faire. Margué, n'an les mettra tretous sur le cheval de bois, n'an dit que ce sont des espions. Tatigué, vous en avez pourtant bian la meine. Dame, accoutez, songez à votre conscience, autant de grimpé, il n'y a pas là de façons. On en a fait faire tout exprès. On palsanguenne, oui raison ; ils n'écoutont raison que le lendemain, et ils fesont toujours monter à cheval la veille. Oh, ces gens-là abrégeont bian la procédure. Ah ! Tatigué, vela un de ces persécuteurs de Curieux, je gage, vous n'avez morgué qu'à vous bian tenir. Ils le mettront morgué en croupe darrière vous, ne vous chagreignez point. Hé, jarnigué, laissez-les à pied tous deux, pis qu'ils s'y trouvont bian, ils aimeront peut-être mieux porter la tarre à cette fortification que n'an va faire. La bonne femme que vela ! Hé bian, palsanguienne, épousez sa femme ; il y a une Madame ici qui ne l'est pas encore ; mais que n'an dit qui allait bientôt l'être, faut-il tant de façons ? Qu'alle devienne la vôtre. Oh tâtiguenne, il est bien question de Bal, couseine, vela Monsieur Mouflard que n'an va mettre sur le cheval de bois, à moins que Madame n'épouse Monsieur le Chevalier. Oh palsangué, vous y resterais, vous êtes un incivil, Monsieur Mouflard, ces Messieurs vous auriont fait l'honneur de vous voir à cheval, il faut bian que vous leur fassiez sti de les voir marier. Oh parguenne oui, je vous en réponds. Si tous les Curieux qui n'avont que faire au Camp y sont régalés comme ceux-ci, les Officiers ne seront morgué pas ruinés de ces visites-là, sur ma parole. Je fons ici, d'une façon courtoise, De très grand cœur accueil à la Bourgeoise ; Mais D'une manière grivoise, Je régalons le Bourgeois. Mais D'une manière grivoise, Je régalons le Bourgeois. Vous aviais là une noble monture, Un grand dada de fort belle encolure ; Ouais La selle eût été bien dure, Pour des darrières bourgeois. **** *creator_dancourt *book_dancourt_curieux *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_curieux *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEROBIN *date_1698 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamerobin Ah, la charmante chose la magnifique chose, qu'une armée ! Le délicieux séjour que celui d'un Camp ! On ne doit plus se soucier de mourir quand on a vu cela. Pour moi je ne me sens pas, je suis ravie, je me meurs de plaisir, je me meurs de plaisir, je me meurs de plaisir. Ah ! Ma chère Madame Pinuin, il fait dans mon cœur et dans mon esprit des révolutions à quoi je ne m'étais pas attendue : je suis dans des ravissements ! Quel charmant spectacle ! Madame Pinuin, quel charmant spectacle ! Oh, vraiment non, il y a bien de la différence. Nous vîmes avant-hier passer tous les équipages de l'armée ; il n'y a point d'Ambassadeur qui en ait un si beau. Cela est vrai, au moins. Que de chevaux ! Que de chariots ! Que de mulets ! Cela est vrai, au moins. Que de chevaux ! Que de chariots ! Que de mulets ! Oui, quel agréable tintamarre ! La satisfaisante chose ! Quel ordre ! Quelle magnificence ! Cela plaît, cela charme, cela ravit ; que cela est beau, que cela est grand, que cela est excellent, que cela est superbe ! Non, je t'assure ; y a-t-il rien de plus gracieux que tout ce que j'ai vu ? Ce mélange de bataillons confus, ces escadrons épars, ces Officiers, ces Valets, ces Vivandiers, ces gens de condition. Je ne m'étonne pas s'il y vient tant de monde. Ah ! Je t'ai fait confidence de ma faiblesse, la Bourgeoisie me pue horriblement à l'heure qu'il est, et je m'aimerais mieux simple Cavalière, que la plus honorable Bourgeoise de Paris. N'as-tu point vu ce petit badin de Chevalier ? Paix, parle bas. Tu n'as pas mal d'occupation. Hé bien, mon enfant ? Le petit fripon ! Je n'en fais jamais d'autre, et je me suis toujours bien doutée qu'il m'en voulait. Depuis huit jours que nous sommes ici, il n'a jamais manqué l'occasion de me dire les plus jolies choses ? Oh ! Nous avons beaucoup de sympathie ; il est bouffon, si bouffon dans la conversation ; moi, je suis si folle, si folle dans mes manières. De la garnison ? De la garnison ? Quoi, Monsieur le Chevalier me mènera en garnison ? La commandante d'un Bataillon ? Je commanderais un Bataillon, moi, sur la frontière ? Mais, ma chère Madame Pinuin. Il n'y a pas de comparaison, vraiment. Ah ! Je ne sais pas ce que je ne donnerais point pour être défaite de ce vilain Monsieur Mouflard. Mais je ne voudrais pas qu'on le tuât ; Il est bon d'avoir un peu de conduite dans la vie. Faites donc, mes enfants, faites : mais réussissez. Je vais retrouver ma tante et ma sœur, pour leur faire part de ma bonne fortune, et tâcher, en me promenant, de rencontrer ce petit étourdi de Chevalier. Ma chère Madame Pinuin ? Je serai Commandante d'un Bataillon en garnison, moi, sur la frontière. Que je vais faire des miennes ! Que je vais faire des miennes ! Que je vais faire des miennes ! On ferait un tel affront à Monsieur Mouflard, lui que j'aime plus que ma vie ? Que j'aime un Camp près de Paris, Là le plaisir vous accompagne, Et l'on y trouve des maris Choisis, polis, De tous pays. Pour moi je prétends, si je vis, Tous les mois faire une campagne. Monsieur Valentin vous avez la figure, D'aller bien loin pour peu que le Camp dure, Point, Notre bête est d'une allure, Qui n'avance pas chemin. **** *creator_dancourt *book_dancourt_curieux *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_curieux *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1698 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Frontin était avec cette Dame-là, et elle me fait des signes, cela veut dire quelque chose : ne serait-elle point des amies de son maître ? Rien, ma mère. Oh, vraiment non ! Madame, je n'ai encore que seize ans, et ma mère n'a été mariée qu'à trente-neuf. Et fort chagrinant pour moi, Madame, qu'on n'ait pas assez bonne opinion de ma conduite… Il faudrait être bien fin, à moins que de se faire entendre avec des mines… C'est vous qui m'avez montré à les entendre, ma mère. Oui, vraiment, ne faites-vous pas presque toujours la grimace à mon père ? Hé bien, ma mère, cela veut dire que vous êtes fâchée, n'est-ce pas ? Et par conséquent un visage gracieux doit signifier que l'on est contente. Je n'en aurai jamais davantage, Madame, je vous assure. Oui, Madame, je l'instruirais de mes sentiments, et en présence de ma mère même. Quoi, vous trouveriez mauvais, ma mère, que j'avouasse naturellement que je ne suis pas insensible à une passion respectueuse ? Si quelqu'un en avait, ma mère, des desseins honnêtes et des vues raisonnables lui feraient aisément trouver le chemin de mon cœur. Mais sans l'aveu de ma famille, Madame, il ne devrait jamais rien prétendre. Non, Madame, je vous assure. Je n'ai rien à craindre de ce côté-là, Madame. Hé, Madame, l'amour ne doit-il pas pardonner tout ce que l'amour fait entreprendre ? Ah ! Je voudrais de tout mon cœur que vous en connaissiez quelqu'un, Madame ; je vous permettrais tout de ce pas de lui aller dire. Elle me paraît si bonne personne et de si bon conseil ; je crois, pour moi, ma mère, qu'il y aurait beaucoup à profiter avec elle. Hé, ma mère, voilà Monsieur Mouflard, notre voisin ! Il est déguisé en Gentilhomme, aussi bien que mon père : nous ne sommes pas seuls qui ayons fait le voyage du camp, comme vous voyez. Vous paraissez bien houspillé : vous est-il arrivé quelque chose de fâcheux, Monsieur Mouflard ? Vous venez de voir la revue ? Avaient-ils aussi bonne mine que vous, Monsieur Mouflard ? Est-il possible ? Vous en paraissez bien mécontent ; seriez-vous blessé ? On les a mis en chemise ? Cela vous devait faire respecter. Nous nous retrouverons à Paris, Monsieur Mouflard ? Voilà mon père. Comment, mon père ? Sur le cheval de bois, mon père ? C'est mon père, Monsieur. Et moi, ma mère, je suis d'un bien meilleur naturel ; pour tirer mon père d'un mauvais pas ; il n'y a rien que je ne sois capable de faire. **** *creator_dancourt *book_dancourt_curieux *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_curieux *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURVALENTIN *date_1698 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurvalentin Mon cher Monsieur Frontin, que je vous ai d'obligation. Ah ! C'est toi, ma petite femme, ma mie, je te croyais avec mon neveu. Pourquoi nous as-tu quittés ? Tu as bien perdu, va. Ah, ah ! Cela est vrai, on a crié cela, et tout auprès de moi : mais ce n'était pas à moi que cela s'adressait, au moins. J'ai rencontré Monsieur Frontin, le plus heureusement du monde ; et sous ses auspices, j'ai vu assez commodément tout ce qui se pouvait voir. C'était notre plus court. Oh ! J'ai fort bien soutenu cela, je ne me suis point déferré, je les aurais forcés si j'avais voulu. Je vous dis que je m'en suis fort bien tiré, encore une fois. C'est une méprise, il l'a fait par mégarde, cet Aide-Major-là est un de mes amis, et qui me doit de l'argent même ; il ne me voyait que par le dos quand il frappait, dès que j'ai retourné le visage, et qu'il m'a reconnu, il s'est mis à rire comme un fou ; il n'était point du tout fâché contre moi. Savez-vous bien ce qui me chagrine le plus de tout cela, Monsieur Frontin ? C'est le coup de pied que ce cheval m'a donné dans l'estomac. Enfin, tout compté, tout rabattu, je suis fort content de mon petit voyage ; et après tout ce que j'ai vu, je commanderais une armée en cas de besoin, il n'y a rien de plus facile. Fi donc, vous êtes folle, cela ne me regarde point, je ne suis point un espion. Mais voyez cet animal, avec son grimpé. Tout exprès, Monsieur Frontin ! Vous me feriez enrager, Madame Valentin. On me connaît une fois, quand je dirai qui je suis… Ne vous éloignez pas, ma femme ; tenez-vous auprès de moi, ma fille ; ne nous quittez pas, Monsieur Frontin. Monsieur Frontin, ce n'est point une raillerie, vraiment. Taisez-vous, ma femme, ne vous faites point d'affaires. Hé, Monsieur, faites-moi la grâce de m'écouter. Hé, Monsieur, ayez pitié de moi, je suis un honnête Bourgeois, qui fournit je ne sais combien de Régiments. Mais, Monsieur… Miséricorde ! Hé mon pauvre Monsieur Frontin, où est votre maître ? C'est lui qui m'a fait venir ici, cela crie vengeance. Ah le maudit voyage ! Qu'on se va moquer de moi, le maudit voyage ! Ouais, tout ceci est trop bien concerté pour être naturel, c'est un tour qu'on me joue, assurément. Vous tairez-vous ? Monsieur, ceci n'est qu'une plaisanterie que vous voulez me faire, je le vois bien ; mais tout en riant vous allez me déshonorer, et le ridicule m'en demeurera. Oui, Monsieur, vous savez ce qui en est, tenez, ils me veulent faire grimper là-dessus. Me laisserez-vous recevoir cet affront-là, Monsieur Clitandre ? Et j'en ai cent trente, moi, Monsieur. Tout mon bien n'y suffirait pas. Qu'il épouse ma fille ! Madame Valentin ? Ma chère enfant !