**** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DORIMENE *date_1687 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_dorimene Oui, Monsieur, la résolution en est prise, et c'est à vous de voir si vous me pouvez faire toucher cet argent aussitôt que je serai arrivée. À quoi rêvez-vous ? Bons dieux ! Monsieur Topase, que vous faites le difficile, comme si nous ne savions pas de quel profit vous sont les bijoux, et combien vous faites votre compte à les vendre trois fois plus qu'ils ne valent aux jeunes gens de famille, qu'on vous adresse quand ils ont affaire d'argent. Cela est vrai, Paris va devenir désert assurément, si l'on ne réforme cette défense. Mon pauvre Monsieur Topase, mon départ ne peut être trop prompt à ma fantaisie. Finissons notre affaire le plus tôt que nous pourrons. Je passerai chez vous cette après-dinée, et nous terminerons toutes choses. Eh bien, ma fille, voilà un terrible coup à quoi je ne m'attendais guère. Tout est ruiné, ma fille, voilà ta fortune perdue, ma pauvre enfant. Comment ? Le chevalier de Bellemonte allait gagner tout l'argent de Paris, et j'avais parole qu'il t'épouserait. Ce ne sont point des chimères. Il a des secrets admirables pour gagner à coup sûr au lansquenet. Oh ! Pour cela, il joue le plus honnêtement du monde. N'est-il pas vrai, Lisette ? Il ne nous reste qu'une petite ressource dans notre affliction, et je suis bien aise de vous informer du dessein où nous sommes, le chevalier et moi. Qu'avez-vous ? Je crois, ma fille, que vous serez ravie de ma résolution ; les jeunes personnes sont ordinairement bien aises de voyager. En Angleterre, ma fille. J'ai fait toutes les réflexions qu'il a fallu faire. C'est un Pérou que l'Angleterre pour un habile joueur comme le chevalier, et la plupart de ces gros milords ne savent que faire de leur argent. Quand nous aurons épuisé l'Angleterre, nous passerons en Hollande. Il y a de bonnes bourses en ce pays-là. Moi, je n'y remettrai les pieds de ma vie, que le lansquenet n'y soit rétabli. Eh ! Madame quel contre-temps de plaisanterie ! Eh bien, Madame, le collier faux qu'elle avait acheté pour remplacer le sien, n'était point tout à fait semblable. Monsieur le procureur s'en est aperçu, et il l'a querellée d'une manière épouvantable. Oh ! Pour cela, leurs manières sont bien différentes de celles des gens de qualité. Ah ! Clilandre, que je vous sais bon gré d'être sensible à cet accident. Il est vrai qu'il vaut autant mourir. Voyez ce que c'est, Lisette. Elle-même. Qu'est-ce que ceci ? Madame l'intendante qui se meurt ! Évanouie ! Un jeu de cartes ! Qu'en veux-tu faire ? Allons Madame. Quel accablement est-ce là ! Vous êtes en droit de me commander, Madame, je fais gloire de vous obéir. Parlez, Madame, que souhaitez-vous ? Mais vous n'y songez pas, Madame, et les mille écus que l'on court risque de payer ? Les affronts à quoi l'on s'expose... Mais, Madame, j'ai peut-être plus de passion pour le jeu que vous n'en témoignez vous-même ; mais vous savez de quelle conséquence... Mais, Madame, si vous continuez à perdre ? Monsieur ! Monsieur Surat ! Vous vous oubliez ; et vous devriez un peu songer qu'on ne parle point de la sorte dans une maison comme la mienne. Que voulez-vous donc dire, pour votre argent ? Monsieur ! Monsieur le caissier ! Si je fais monter quelques laquais... Vous êtes un fou, mon ami, et c'est en fou que je vais vous faire traiter. Holà quelqu'un. Mais, Madame, je ne veux point qu'il m'en coûte mille écus. Je ne suis point en état de faire des charités si considérables. Vous êtes un extravagant. Faites-vous payer comme il vous plaira, et prenez-vous de vos chagrins à ceux qui vous doivent. Vous pensez vous moquer, Éraste ; mais je vous assure qu'il y a bien des choses à dire là-dessus. Bon, Madame, ce n'est rien encore que ce qu'il dit là ; mais tous les jeunes gens de Paris, que voilà désoeuvrés à l'heure qu'il est, qui ne savent où donner de la tête. Ah vous voilà ! D'où venez-vous, Angélique ? Tout Paris l'aurait prise mal à propos ? Proposez-nous donc votre expédient. Au faubourg Saint-Antoine ? Quel bruit entends-je ? À quoi se terminera tout ceci ? Ôte-toi d'ici, misérable, et ne parais jamais où je serai ! Sors donc, maroufle, ou je te donnerai mille soufflets ! Je te reconduirai jusqu'à la porte. Eh ! De grâce, épargnez-le un peu, je vous prie. Je suis ravie d'être désabusée, Dorante, et je vous donne ma fille, pourvu que vous appreniez à jouer, et que vous veniez avec moi en Angleterre. **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1687 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Je t'avoue, Lisette, que je voudrais de tout mon coeur que ce ne fût point uue fausse nouvelle, et que ce qu'on nous en disait hier au soir se confirmât aujourd'hui. Ce ne sont point les veilles qui me fatiguent, et le jeu même ne me déplairait pent-être point si fort, si l'on jouait ailleurs que chez ma mère mais, que cette maison soit une Académie ouverte à toutes sortes de gens ; que tout ce qu'il y a de fainéants, de ridicules et d'extravagants, pour ne rien dire de plus fâcheux, soient les bienvenus dans ce logis ; que dans mon cabinet, à ma toilette même, je sois éternellement obsédée de quelque visage désagréable, à qui je n'ose dire : vous me fatiguez, parce qu'il perd quelquefois son argent avec ma mère en vérité : c'est un supplice dont je serai bien aise d'être débarrassée. Ah ! Plût au ciel, Lisette, être la plus malheureuse demoiselle du royaume, et que ma mère ne fût jamais entrée dans ce commerce. Je ne sais ; il me semble que dans l'état où sont les choses, si la nouvelle est vraie, il devrait être ici. Le voici, Lisette. Je vous réponds de mon coeur, Dorante ; mais je ne puis vous répondre de ma mère. Je vous ai déjà dit les raisons, qui jusqu'ici, je crois, l'ont rendue contraire à votre amour. Elle m'a parlé tant de fois, et en des termes si avantageux, du chevalier de Bellemonte, que je la soupçonne de m'avoir destinée pour lui, dans l'espérance de quelque fortune considérable, qu'il lui avait promis de faire au lansquenet. Cela ne servirait de rien, tant que l'entêtement de ma mère durerait pour le chevalier. Sachez ce qu'il vous veut, Dorante, et ne négligez point cette affaire. Ah ! Mon pauvre enfant ! Tâche à faire ce qu'on te dira, et sois assuré d'une parfaite récompense. Je te donnerai... Vous rêvez, Dorante, de croire que le chevalier soit ami de votre valet. Il nous dit là des choses assez particulières. Où croyez-vous le pouvoir joindre, Dorante ? Je ne sais. Ah ! Bons dieux ! Lisette, aurait-elle fait dessein d'aller demeurer à la campagne ? Comment donc, Madame ? Je vous suis bien redevable, Madame, des vues que vous aviez pour ma fortune ; mais le chevalier... Ah, Lisette ! Voilà une ressource qui me fait trembler. Rien, Madame. Comment donc, Madame, où voulez-vous aller ? En Angleterre, Madame ! Avez-vous bien songé, Madame... Ah ! Juste ciel, que je suis malheureuse. Je suis dans un étrange accablement, Lisette. Je viens de votre chambre, où j'ai laissé Monsieur le chevalier, qui joue au piquet avec un jeune homme que je ne connais point. Dorante les regarde jouer. Vous avez raison, Madame. Qu'est-ce donc, Monsieur, quel désordre est ceci ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LACOMTESSE *date_1687 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lacomtesse Bonjour, ma chère. Qu'est-ce que c'est donc que ceci ? Où est tout notre monde aujourd'hui ? Quels paresseux ! Le chevalier n'est point encore venu ? Où est Monsieur l'abbé, ma mignonne ? Et le petit caissier, je ne le vois point. Il faut que la marquise soit malade, puisqu'elle n'est point arrivée la première. Allons donc, des tables, des cartes. Quel abandonnement ! Il n'y a encore rien de préparé. Je ne vins point hier, mais vous n'avez point de reproche à me faire, je ne sortis pas de la journée je m'étais purgée par précaution, et je ne voulais voir personne. Pardonnez-moi j'en sais quelqu'une. Notre jeune Allemand m'a conté ce matin à ma toilette quelque chose de particulier. La petite procureuse, j'en suis fâchée vraiment, c'est une bonne petite femme. Elle emprunta, il y a quelques jours, sur un collier de mille écus, six vingt pistoles, qu'elle perdit ici le lendemain. N'a-t-elle pas fait un grand crime, de perdre six vingt pistoles ? Mais ces bourgeois sont bien brutaux, ma mignonne. Ah ! Ah ! Le troupeau se rassemble à la fin. Voilà Clitandre le bel esprit. Qu'il est triste, ma bonne ! Bonjour, Clitandre. Allons ! Gai ! Gai ! Il perdit hier son argent, je gage. Comment donc ? Que voulez-vous dire ? Vous êtes, je crois, de concert pour me plaisanter l'un et l'autre. Plus je vous regarde, et moins je vous comprends tous deux. Quel malheur ? Quel accident ? De quoi parlez-vous? Il semble que vous prévoyiez la fin du monde, et qu'elle soit prête d'arriver. On a défendu le lansquenet ? Vous vous moquez, Clitandre, cela ne se peut pas, et c'est comme si l'on défendait de dormir. Mais cela ne se peut pas, vous dis-je encore une fois. Ah ! Publier ? Publier, c'est autre chose. Ces publications sont pour le peuple, pour les laquais, pour la canaille, à qui l'on fait bien de défendre certains jeux qui ne sont faits que pour les gens de qualité. Mille écus ! Mille écus ! Mais vraiment vous n'y songez pas, vous avez mal entendu, Clitandre ; et il me semble que si la défense était pour les personnes de condition, ils valent assez la peine qu'on leur signifie la chose chez eux, sans le leur publier au coin des rues. Est-ce cette intendante qui perdit tant d'argent il y a huit jours ? Mais vraiment, c'est tout de bon qu'elle est évanouie. Eh ! Tôt, tôt, de l'eau de la reine de Hongrie, du papier brûlé, du vinaigre : il faut commencer par la délacer. Voilà qui est tout à fait extraordinaire. Je suis tout à votre service ; ordonnez, me voilà prête. Madame l'intendante a raison, Madame. Allons, allons, des cartes seulement vite, dépêchons. Nous ne manquerons pas de joueuses, sur ma parole. Bon, bon, bon, voilà de belles bagatelles ! Qui est-ce qui saura que nous jouons ? Nous serons tous intéressés à ne le point dire et quand nous serions surpris une fois le mois, ce n'est pas une affaire. Il faudra payer les mille écus, comme l'on paie les cartes, il n'y a rien de plus facile. Ah ! Voilà notre petit caissier qui sait la nouvelle, car il parait bien en colère. Monsieur, faites-nous justice de cette défense-là. Voilà l'argent perdu, si l'on ne joue plus. Le pauvre petit bonhomme ! Il a raison dans le fond, cet argent-là n'est peut-être pas à lui, et je le trouve fort embarrassé. Allons, ma mignonne ; un peu de pitié pour ce pauvre petit bonhomme. Par charité, ma bonne. Il prend les choses à coeur, le petit homme. Il a raison, cela était fort commode. Eh bien, voilà vingt femmes perdues de réputation. Madame, on n'a point pensé à tout cela assurément. Oh ! Pour moi, je vous réponds que si on ne rétablit le lansquenet, j'apprendrai à jouer à la paume, assurément. Car enfin, il faut bien qu'une femme de qualité joue, et je ne comprends pas qu'il y ait d'autres jeux pour les gens de qualité, que la paume et le lansquenet. N'est-il pas vrai, ma mignonne ? Le ciel en soit loué ! Je savais bien, moi, que cette défense ne pouvait pas durer. Allons recouvrons le temps perdu, s'il vous plaît, Messieurs. Il ne fallait point tant accourir. Si je joue tant qu'il me plaira, je jouerai le jour et la nuit, assurément. J'y avais déjà songé, et je me souviens que j'y ai joué, plus de de vingt fois en ma vie, à la bassette. Assurément, et sans le jeter par les fenêtres ; même, on dira qu'allait-il faire là ? Eh ! Dites-nous donc promptement où c'est. Oh ! La masure est admirable, le marquis nous conduira. Quelqu'un y veut-il venir ? Pour moi, je suis toute prête. C'est la voix du chevalier. Vraiment, vous vous moquez, je n'y veux point regarder ! Un esquipot à Monsieur le chevalier de Bellemonte ! Je le croyais le plus honnête homme de toute la Gascogne. **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LINTENDANTE *date_1687 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lintendante Un fauteuil, ma pauvre Lisette, un fauteuil. Ah ! Je n'en puis plus. Ah ! Le moyen de vivre, après un coup comme celui-là. On ne jouera plus au lansquenet ! Eh ! Mon pauvre Clitandre, que me sert-il d'en avoir la qualité ? Ai-je plus de privilège que les autres ? Et le lansquenet... Ah ! Lisette, je me meurs ! Ah ! Juste ciel ! Je n'en reviendrai point, Madame, que vous ne ne m'ayez promis de m'accorder une grâce. Je suis bienheureuse que Madame la comtesse et Clitandre se rencontrent ici. Il viendra quelques personnes encore, que je prierai de la même chose, et je ne crois pas qu'elles me refusent. Je voudrais bien, Madame, que malgré la défense, nous jouissions encore de quelques reprises de lansquenet. Oui, Madame la comtesse le prend bien. Allons, Madame, de grâce, commençons à jouer, je vous en conjure. Eh ! Madame, nous ne jouerons que jusqu'à ce que j'aie regagné les mille pistoles que je perdis la semaine dernière. Après cela, je vous promets de renoncer au jeu pour toute ma vie. Mais, Madame, je gagnerai indubitablement. Je n'ai engagé mes pierreries que sur ce pied-là, et il faut que je les retire dans six semaines au plus tard, car Monsieur l'Intendant arrive. Faites-moi raison Monsieur, du procédé de Madame, qui ne veut plus que l'on joue chez elle au lansquenet, de peur qu'il ne lui en coûte mille écus. Cela se doit-il faire, Monsieur, et n'est-ce pas une chose qui crie vengeance ? Eh ! Madame. Il me fait songer a mes pierreries ; il faut que nous jouions, Madame, absolument, vous avez beau faire. N'a-t-il pas raison de se désespérer ? Je ne sais qui me tient que je n'en fasse autant ; et si trois ou quatre personnes de résolution voulaient se désespérer avec moi, cela ferait peut-être ouvrir les yeux sur les désordres que cette défense va causer. Cela est vrai, Madame, il y a mille gens intéressés dans cette affaire, et il faut représenter toutes ces choses-là. Mon pauvre marquis, que je vous embrasse pour une si bonne nouvelle ! Vous moquez-vous, Monsieur le marquis ? Eh bien Madame, puisque vous y avez joué à la bassette, nous pouvons bien y jouer au lansquenet, sans difficulté. Il fait fort beau cette après-dinée, allons. Eh bien soit ! Le grenier ou la cave, il ne m'importe, pourvu que je joue. Eh ! Sabbat tant qu'il vous plaira ; il n'y a rien que je ne fasse pour regagner mes pierreries. Un bateau ? Je ne l'avais pas encore remarqué. Nous jouerons donc quelque reprise de lansquenet en faveur du mariage ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ERASTE *date_1687 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_eraste Eh ! Bons dieux ! Mesdames, qu'avez-vous fait à ce pauvre petit caissier ? Je viens de le rencontrer, il sort d'ici dans une rage épouvantable. Oh ! Pour cela, Madame, il est sûr qu'on n'a point fait assez de réflexion sur les inconvénients qui en peuvent arriver. Moi, Madame, je ne raille point ; et il faut savoir à combien de choses et à combien de gens le lansquenet était utile. Une dame recevait-elle un bijou considérable de quelque amant, le mari n'avait rien à dire, sa femme l'avait gagné au lansquenet. Un fils de famille empruntait à grosses usures, faisait une dépense enragée, le père ne s'embarrassait pas de cela. Il admirait le bonheur de son fils et l'utilité du lansquenet. Moi, qui vous parle, moi, je suis à présent l'homme du monde le plus embarrassé. Cela est vrai mais, on croyait que je jouais du moins, et le lansquenet me servait à ménager la réputation de vingt femmes que je considère et quelque dépense que je fisse, j'en faisais honneur au lansquenet. Que venez-vous donc nous dire ? Il va vous proposer de jouer sur les tuiles, entre deux gouttières. Voilà bien de la peine et bien de l'embarras. Qu'est-ce que ceci veut dire ? Voilà des circonstances fâcheuses. Oh ! Parbleu ! L'esquipot n'est point un mensonge. Va, misérable, je t'en ferai raison à coups de canne ! Iras-tu ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLITANDRE *date_1687 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Madame, je vous donne le bonjour. Eh Madame, plût an ciel que j'eusse perdu mille pistoles, et que ce malheur-là ne fût point arrivé. Madame la comtesse ignore apparemment que le lansquenet est défendu. Eh, oui, Madame, on a défendu le lansquenet ! Pour moi, j'aimerais autant qu'on m'eût défendu le boire et le manger. Eh ! Madame la comtesse, je vous dis ce que tout Paris sait, ce que tout Paris dit, et ce que j'ai entendu publier ce matin sous mes fenêtres. Oui, Madame, vous avez raison ce sont les laquais et la canaille à qui l'on défend de jouer le lansquenet, sous peine de mille écus d'amende. Que voulez-vous que je vous dise, Madame ? Ce sont des affaires qui se font ordinairement ainsi. Oh parbleu ! Elle a de quoi perdre. Son mari a ruiné le maître dont il gouverne les affaires, mais je crois qu'il sera bientôt ruiné lui-même par les dépenses de sa femme. Vous le voyez, Madame, la publication est pour tout le monde, et vous ne pouvez pas dire qu'une intendante ne soit une personne de fort grosse qualité. Elle me ferait rire, malgré mon chagrin. Parbleu ! Il n'y a point à rire de cela, Mesdames. Elle est folle, Madame. Il faut songer sérieusement à cet évanouissement-là. Puis-je vous être utile à quelque chose, Madame ? Ah ! Ah ! Voici un homme d'un assez plaisant caractère. Le pauvre diable ! Il me fait pitié. Assurément, c'est un bon garçon qui ne cherchait qu'à faire plaisir. Moi, parbleu, je ne vous dois payer qu'à carte laissée. Faites-moi jouer si vous voulez que je m'acquitte. Cette affaire-ci est plus fâcheuse pour lui que pour un autre, et je vous assure qu'il perd beaucoup. Cela passe l'imagination. Comment donc ? Que vous importe à vous que le lansquenet soit défendu ? Vous ne jouiez quasi-point, non plus que Dorante. Mais, cela me passe en effet. Attaquer directement ce pauvre lansquenet, et souffrir tous les autres jeux. Serait-il possible, marquis, que ce n'eût été qu'une fausse alarme ? Si quelqu'un vient pour nous surprendre, il sera fort aise de le faire sauter dans la rue. On découvrira ce manège, à la fin. Oui, oui, reconduisez celui-là, nous aurons soin de celui-ci. **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LECAISSIER *date_1687 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lecaissier Comment donc, Madame ! Est-ce que l'on ne joue pas aujourd'hui ? Je ne vois point de carosses à votre porte, personne dans le logis. Qu'est-ce que cela veut dire ? Il n'y aurait plus ici de lansquenet ! Oh ! Parbleu ! Je prétends bien qu'on y joue, moi, et nous verrons si j'en aurai le démenti. Oh ! Ventrebleu Madame, on y jouera comme de coutume, ou je ferai beau bruit pour mon argent, je vous en réponds. Oui, Madame, pour mon argent ; morbleu je suis ruiné si l'on ne joue ; mais, ventrebleu ! Vous jouerez les uns et les autres jusqu'à ce que je sois payé de ce qui m'est dû. Je suis au désespoir, voyez-vous, et j'ai déjà voulu me pendre trois fois depuis ce matin. Monsieur, Monsieur Clitandre, vous, Madame la comtesse, et vous, Madame, je vous en fais les juges, s'il vous plaît. Vous êtes des personnes raisonnables, et vous savez avec quelle bonne foi j'ai prêté mon argent au tiers et au quart depuis près de deux ans. À l'un cinquante pistoles, à l'autre deux cents mille écus à celui-ci, quatre cents écus à celui-là. Il m'est du plus de vingt-cinq mille francs l'heure qu'il est, Monsieur ; et je n'ai point d'autres sûretés que de vieilles cartes à poste. Oh Madame, on jouera, s'il vous plaît ; têtebleu ! Je n'en serai pas la dupe. Où diantre pourrais-je rattraper tous ceux qui me doivent ? Pour deux ou trois personnes qui voudront bien payer, il y en aurait cinquante dont je ne tirerais jamais un sou. Voilà Monsieur Clitandre qui me doit cent cinquante pistoles, par exemple, je sais bien pour lui qu'il ne se fera pas tirer l'oreille mais... Eh bien Madame, que me feront les fripons, si les honnêtes gens agissent de cette manière ? Oh ! Têtebleu ! Je vous ferai jouer, je vous en réponds. Allons, Madame, des cartes, je vous en prie, ou je vais tout tuer. Ventrebleu Madame, qu'on donne des cartes, ou je tuerai quelqu'un, vous dis-je encore une fois. Oui, Madame, je suis fou, et je suis en droit de l'être pour les vingt-cinq mille francs qu'il m'en coûte. C'est justement cela, Madame. Il faut que je rende mes comptes au premier jour, et il y aura plus de vingt-cinq mille francs à dire. Eh, morbleu Madame, je vous en conjure. Têtebleu ! Madame, cela n'est pas bien. Vous me mettez au désespoir, je me pendrai absolument ; mais je tuerai quelqu'un avant que de me pendre. Non, morbleu c'est à vous : c'est vous qui avez profité de mon argent. Vous ne m'engagiez à le prêter aux joueurs, qu'afin de le leur gagner dans la suite ; mais, par la morbleu ! Je passerai cet article-là dans mes comptes, et vous aurez affaire à forte partie. **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DORANTE *date_1687 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Hé bien ! Madame, puis-je espérer que le changement dont on parle aujourd'hui dans tout Paris, fera changer les sentiments de Madame votre mère, et croyez-vous qu'elle me pardonne maintenant de n'être pas joueur de profession ? Le chevalier est un aventurier tombé des nues, qu'on ne connaît que par le jeu, et qui ne subsistait que par là, comme mille autres de son caractère. Le chevalier de Bellemonte ! Si cela est, je suis bien vengé de Madame votre mère, par l'indignité du rival qu'elle me préférait. Tu sais de quel air mon oncle fut refusé ? Il ne peut pas vivre longtemps encore. Je viens d'envoyer chez lui, et l'on m'en viendra dire ici des nouvelles. Eh bien ! Crois-tu que je puisse hasarder une seconde demande ? Je ne sais. Je n'en ai point. J'ai depuis quelques jours un maître fripon avec moi, que je crois reconnaître, et qui ne s'est point fait mon valet sans quelque dessein. Il pourrait bien nous être utile dans cette affaire. Eh bien en quel état est-il ? Comment va sa maladie ? Voyons donc auparavant, de grâce... Mais, belle Angélique, nous n'avons point examiné de quelle manière nous pourrions détromper Madame votre mère du chevalier de Bellemonte. Oh, ça ! Merlin, il faut me rendre un service, mon ami. Bon, Madame, c'est bien l'argent qui le gouverne. Vous ne le connaissez pas, Madame, il ne tient qu'à lui d'en avoir autant qu'homme de France. Demandez-lui si je me trompe. Eh ! Allons, allons, partons franchement, mon ami. Je suis bon prince, comme tu vois, je me connais en gens, et toute ta science ne se borne point à bien faire un message, et à peigner une perruque. Plaît-il ? Qu'en penses-tu, Lisette ? Regarde-le un peu. Hem ! Qu'en dis-tu ? Nous nous sommes vus quelque part, et tu ne te nommais pas Merlin en ce temps-là. Tu es un adroit, mon ami. Là, ne te trouble point. Mon dessein n'est pas de te nuire, au contraire mais puisque tu m'as fait l'honneur de me choisir pour ton maître, il est juste que je profite de tes petits talents. Non, non, garde les trente pistoles, je ne te les ai pas données pour jouer de moitié. C'est déjà quelque chose que de s'être mêlé autrefois de la bagatelle, et il n'est pas que tu n'en saches assez pour ce qu'il nous faut. Ce sont les petits différends que tu as eus avec elle qui t'ont fait mettre en condition, n'est-ce pas ? Tu peux t'assurer de tout cela avec moi, si tu me sers sans me trahir. Ne connaîtrais-tu point un certain chevalier de Bellemonte, par hasard ? Les habiles gens se connaissent ordinairement. Il est peut-être de tes amis. Non, non, Madame, cette pensée n'est pas sans fondement, et je vous réponds qu'il n y a pas quatre ans que Merlin était chevalier d'aussi grande conséquence que celui à qui nons avons affaire. Que vous disais-je, Madame ? Eh bien, crois-tu connaître celui que je t'ai nommé ? Il en fait beaucoup, Madame, je vous assure. Comment ferons-nous ? Me réponds-tu de cela ? Viens, suis-moi ; et pendant que j'irai chez mon oncle, va prendre un de mes habits. Je te mettrai aux prises avec notre homme. Que Lisette se trouve dans votre chambre, je veux que la scène se passe dans votre cabinet. Adieu, voilà Madame votre mère. Je suis ici dans quelques moments. Je vous demande pardon, Monsieur le chevalier ; mais je vous crois aussi honnêtes gens l'un que l'autre. Ne vous fâchez pas, Monsieur le chevalier ! Faites grâce à mon valet, je vous en conjure. Il est plus honnête homme que l'autre ; c'est moi qui lui ai fait jouer ce personnage pour détromper Madame, et lui faire voir quel homme c'était que le chevalier. Je vous suivrai partout, Madame. Nous ferons tout ce qu'il vous plaira, Madame. **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MERLIN *date_1687 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_merlin Je viens de chez Monsieur votre oncle, Monsieur, comme vous me l'aviez ordonné. Le mieux du monde, il ne passera pas la journée. Il vous demande pour une affaire de conséquence, et on est venu trois on quatre fois vous chercher. Madame a raison, Monsieur. Les oncles ne sont point des gens à négliger, et surtout dans les occasions comme celle-ci. Vous savez, Monsieur, que depuis le peu de temps que j'ai l'honneur d'être à vous, je me suis toujours volontiers acquitté des commissions que vous m'avez données. Je vous ai pris en affection, et je suis content de vous, je vous assure. Expliquez-moi votre affaire, que je voie si elle n'est point trop difficile, et si je me ferai prier, ou non. Comment diantre ! M'aurait-il reconnu ? Monsieur. Monsieur. Ma physionomie est assez heureuse. J'enrage, me voilà découvert. Tout est perdu. Monsieur, je ne me remets pas. Monsieur... Eh bien ! Monsieur, puisqu'il faut dire comme vont les choses, il est vrai qne je me suis autrefois mêlé de quelques petites bagatelles, mais je vous assure que j'ai tout oublié. Je ne vous conseille pas de jouer de moitié avec moi, je vous ferais perdre infailliblement. Mais au moins, Monsieur, je vous prie de ne me point engager dans quelque mauvaise affaire. Je ne suis pas encore trop bien raccommodé avec la justice, et nous boudons ensemble depuis quelque temps. Mais, Monsieur, puisque vous devinez si bien les choses, je ne vous nierai point que quelques unes de ces petites bagatelles, quelques décrets mal purgés, m'ont fait résoudre à me mettre auprès de quelque honnête personne qui eût soin de moi, et qui m'honorât de sa protection en cas de besoin. Le chevalier de Bellemonte ? Ah ! C'est à Lyon que vous m'avez vu, sans doute ! Je n'ai jamais été chevalier que dans cette ville-là. Ce nom de Bellemonte a assez l'air de quelques unes de nos seigneuries, mais il me semble que je n'en ai pas encore ouï parler. Je pourrais bien le voir sans le connaître, car on change de personnages dans le monde. Tantôt on est marquis, tantôt chevalier, puis marchand, quelquefois abbé, financier souvent. Que sais-je, moi ? Dans la dernière affaire qui m'est arrivée, je faisais le commissaire. Si vous pouvez me faire jouer avec votre homme, pour peu que nous travaillions ensemble tête-à-tête je vous dirai bientôt ce qu'il fait, de quelle école il est sorti, et quelque chose de plus peut-être. Oui, Monsieur, je vous en réponds. Nous nous connaissons en joueurs, nous autres, comme les peintres se connaissent en tableaux. Un coquin, qui file la carte. Cela n'est pas bien, Madame, de souffrir des fripons dans votre maison ! Moi, Monsieur, je ne voudrais pas changer ma conscience contre la sienne. Et toi, le marchand de boeufs ; je m'en souviens. Et toi, des coups de bâton qu'on te donna à Auxerre, pour avoir filouté mille écus au fils de ce marchand de marée. Je ne me le suis pas remis d'abord, mais je le reconnais à sa ringrave. Voyez-vous cette grande culotte ? Vous ne lui en avez jamais vu d'autre, je gage ? Voyez, voyez, sous sa ringrave, Madame ! Regardez, regardez, Messieurs. Tout son bonheur est là-dessous, dans un esquipot. Voyez, voyez, il s'en servait tout à l'heure avec moi, et il n a pas eu le temps de l'ôter. Lui, Madame ? Il est bas Normand, je vous en réponds ! Parce qu'il parle gascon, vous le croyez de Gascogne ? Mais c'est le fils d'un barbier de Falaise, ou le diable m'emporte ! Eh, Messieurs ! Messieurs, ne nous mettez point dehors en même temps, il m'assommerait dans la rue. Et si l'on veut, je fournirai les cartes. **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISETTE *date_1687 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Quand Madame votre mère en devrait enrager cent fois davantage, je ne saurais m'empêcher d'en être ravie, et je gage que vous en êtes pour le moins aussi contente que moi. Cela est tout confirmé, il n'est encore venu ni joueur ni joueuse d'aujourd'hui. Voilà déjà la cohue écartée, Dieu merci ! Et je sais bien pour moi, que si j'avais gouverné la police, il y a longtemps que l'affaire serait faite, et qu'on ne parlerait plus de ces maudits jeux, qui causent tant de désordre, et qui m'ont fait passer tant de nuits sans me coucher. À propos de cet argent qu'on perd quelquefois contre Madame votre mère je n'y faisais pas réflexion d'abord, et je ne sais si vous avez tout à fait raison d'être bien aise de ce nouveau règlement. Le lansquenet défendu va rogner ses rentes et son équipage, et vous n'en serez peut-être pas mieux. Je commence à n'être plus si réjouie. Voilà des sentiments fort nobles, assurément, et je ne doute point que Dorante n'ait beaucoup contribué à vous les inspirer. Franchement, Madame, c'est un fort honnête homme, et il faut qu'il vous aime bien tendrement, pour ne s'être point rebuté des manières de Madame votre mère et du refus qu'elle fit à la personne qui vous demanda pour lui il y a quelques mois. Vous avez raison, Dorante devrait être ici. Je l'ai fait avertir dès le matin, comme vous me l'avez commandé et il viendra bientôt, assurément. Je vous disais-je pas bien qu'il ne tarderait guère ? Je le crois, pour moi, et il me semble qu'il n'y a pas lieu d'en douter, puisque voilà vos sentiments justifiés par arrêt. Oh ! Bien, bien ! Votre mère n'a eu que cette visée, vos affaires vont le mieux du monde, et voilà les espérances et la fortune du chevalier bien aventurées. Voilà bien des chevaliers à l'hôpital. Que de banqueroutes ! Oh ! ça, ça, laissons là la bagatelle, s'il vous plaît, et venons au fait. Comment nous y prendrons-nous ? Qui ferons-nous parler à Madame ? D'accord ; mais Monsieur votre oncle se portait à merveille quand on le refusa, et il est fort mal à présent. Voilà des conjectures merveilleuses, au moins. Le lansquenet défendu, et un oncle presque à l'agonie ! Vos affaires ne sont point désespérées, vous dis-je. Oui ; mais par qui la ferons-nous faire, cette demande ? Si vous aviez quelque riche grand'mère sur le bord de sa fosse, cela serait d'un fort grand poids. Faites parler par le médecin de votre oncle, et qu'il lui promette de le dépêcher incessamment. Eh ! Comment faudrait-il faire pour la désentêter? Le voici tout à propos, comme si vous l'aviez mandé. Dépêchez-vous donc de l'examiner et de conclure. Je lui trouve quelque chose de grand, quelque chose d'illustre dans la physionomie. Eh ! Mort de ma vie ! Tu fais bien des façons pour avouer la chose. Est-ce un si grand crime, et n'y a-t-il pas aujourd'hui mille honnêtes gens qui s'en mêlent ? Rêve un peu, tâche de rappeler ta mémoire. Il faut lui faire voir le chevalier, il le connaîtra peut-être. Le joli garçon ! Cela est admirable. Oh parbleu ! Monsieur le chevalier, nous saurons ce que vous savez faire. Quel pèlerinage va-t-elle faire ? J'en meurs de peur, aussi bien que vous. Et cela, sans qu'il y ait la moindre petite ombre de friponnerie. Il est adroit comme un singe, au moins. Oui, Madame. Je le veux croire, Madame, pour lui faire honneur, et pour vous faire plaisir ; mais en vérité... En voici bien une autre. Passer la mer comme des hirondelles ! Assurément ; et si vous ruinez la Hollande, je vous conseille de ne pas aller plus loin, Madame, et de regagner Paris au plus vite. Voilà Madame la comtesse qui fera le voyage avec vous, si vous voulez. Diantre soit de l'extravagante ! Ah ! Ah ! Vous ne savez donc pas encore les nouvelles ? Le ridicule ! Allez vous reposer dans votre cabinet. Je vous avertirai quand Dorante sera venu. Allons, allons, Madame, contre fortune bon coeur ; vous jouerez à quelqu'autre jeu, où vous gagnerez davantage. Madame a raison ; quoiqu'elle soit femme de qualité, le lansquenet n'est-il pas aussi bien défendu pour elle que pour sa belle-soeur, qui n'est que la femme d'un apothicaire ? Eh ! Allons, allons, Madame ? Revenez à vous. S'il vous plaît. Bon, bon, laissez-moi faire seulement, j'ai dans ma poche un remède bien meilleur que tous ceux-là. C'est un jeu de lansquenet, et il n'y a point de joueuse que cela ne ressuscite en moins de rien. Vous allez voir. Eh bien que vous ai-je dit ? C'est une belle chose que la sympathie. N'est-il pas vrai ? Pour moi je tremble des occupations qu'ils se vont faire. Ma foi, je ne les ai regardés qu'un moment, et la tête m'en fait mal. Il n'y a rien de plus triste que ce piquet ; et c'est ce jeu là qu'il fallait défendre, et non pas le lansquenet, qui est le plus beau jeu du monde, le plus universel, et celui où l'on peut faire le moins de friponneries. Oui, pourquoi ne pas défendre ces vilains jeux d'exercice, oui l'on gagne le plus souvent de bonnes pleurésies, et où l'on court risque à tous moments d'être assommé de quelques coups de balle ? Par ma foi, l'expédient des tuiles est bel et bon ; mais vous seriez plus fraîchement dans la cave, à ce qu'il me semble, et on ne s'aviserait jamais d'aller vous chercher parmi des tonneaux. Cette assemblée aura assez l'air d'un petit Sabbat, à ce qu'il me semble ? Cela est bien louable ; mais, si je vous proposais un expédient cent fois meilleur que tous les vôtres ? Un bateau serait bien meilleur. Oui, Madame, un bateau. On prend un bateau au Pont-Rouge, et l'on va, jouant, jusqu'à Saint-Cloud, et si vous n'avez pas regagné votre argent, et que le coeur vous en dise, vous pourrez descendre jusqu'à Rouen, et Madame sera, par ce moyen, à demi-chemin de l'Angleterre. **** *creator_dancourt *book_dancourt_desolationdesjoueuses *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_desolationdesjoueuses *dist2_dancourt_prose_comedy *id_UNLAQUAIS *date_1687 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_unlaquais Voilà Madame l'intendante dans votre antichambre, qui se trouve mal, je crois.