**** *creator_dancourt *book_dancourt_eauxdebourbon *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_eauxdebourbon *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURGROGNET *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurgrognet C'est une chose étrange que la manie de ce pays-ci ! Toujours des flûtes, des hautbois, des violons, de la musique ! Cela me fera renoncer à la médecine. Le grand plaisir d'avoir des malades qui ne font rien moins que leur métier, et qui ne songent qu'à se divertir ! Est-ce toi, gros coquin, qui m'amène ici ces canailles-là faire leur charivari ? Qui est le sot qui les paie ? C'est Monsieur le Baron de Saint Aubin, je pense ? Hé, à quoi songez-vous donc, Monsieur le Baron ? Puisque vous avez envie de dormir, vous seriez mieux dans votre lit que dans la rue. Vous avez de l'émotion. Entrez chez moi pour vous reposer. Vous prenez trop sur vous, Monsieur le Baron, et vous me débauchez tous mes malades ; vous n'y songez pas, au moins. Leur donner le bal ! Vous m'en ferez crever plus de la moitié. J'ai passé chez vous ce matin sur les dix heures, Madame : mais vous n'étiez pas encore éveillée. Elle dormait aussi, Madame, sans cela j'aurais eu l'honneur… Je vous l'ai déjà dit, Madame, la diète est une des choses qui contribuera le plus… Entrez au logis, Madame ; nous y parlerons de votre maladie, et nous prendrons des mesures… Qui étiez-vous donc là, mademoiselle ma fille ! Vous avez toujours quelque affaire que je ne sais pas : voilà qui est étrange. Avec Madame Guimauvin, et avec un maître fripon, que je connais pour le valet de chambre de ce petit Officier qui vous muguetait ce printemps, et que je vous ai défendu de voir. La barbe plus longue ! Oh bien, pour éviter les querelles que nous pourrions avoir là-dessus, je vous marie dès demain ? Je vous en avertis. Et de grand matin, même. Monsieur le Baron va vous donner le bal, une vingtaine de mes malades, avec qui nous ferons médianox, signeront le Contrat que je vais faire dresser, et vous serez mariée en sortant de table Ce Monsieur le Baron de Saint Aubin est un homme riche, sans enfants, qui lui assure la moitié de son bien, et qui n'a pas deux mois à vivre. N'est-il pas vrai ? Comment, insolente ? Oui, tu as de l'esprit, tâche de lui faire entendre raison, je te prie. Si tu viens à bout de la persuader, je reconnaîtrai ce service-là, je te le promets. Tu as chez toi de vieilles drogues gâtées je les ferai toutes consommer à mes malades, je t'en donne ma parole. Oui, ma fille signera tantôt, je vous en réponds, on s'est chargé de lui faire entendre raison là-dessus. Le secret est éventé, mon gendre : mais il n'importe. Hé, comment nous masquer ? Je vous l'avais bien dit, Monsieur le Baron, qu'elle serait raisonnable. Comment, son fils ? Qu'est-ce que cela signifie ? Mais, c'est à Guillaume Évariste de Saint Aubin que j'ai marié ma fille, moi. Les choses ont mieux tourné que tu ne mérites : va, je te pardonne. Vous avez pris la place de votre père, faites pour lui les honneurs de la noce. **** *creator_dancourt *book_dancourt_eauxdebourbon *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_eauxdebourbon *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEGUIMAUVIN *date_1695 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madameguimauvin Je ne me trompe point, c'est la Marquise de Fourbanville. Vous arrivez apparemment ? Que vous vous portez bien à présent ! C'est plus par habitude que par nécessité, que vous venez à Bourbon, n'est-ce pas ? Je vous entends : c'est une dupe que vous venez chasser en ce pays-ci : il s'y en rencontre quelquefois de bonnes ; et si vous étiez arrivée trois jours plutôt seulement, il y avait un vieux goutteux de quinze mille livres de rente, dont on aurait tâché de vous mettre en possession : c'est un Gentilhomme de Quimpercorentin, Seigneur Banderet de Kergrohinizouarne, qui vous aurait fort accommodée. Une partie de lansquenet qui dure huit jours ! C'est une des plus belles portes par où l'on y puisse entrer, Madame, à ce que j'ai ouï dire. Que vous êtes complaisante, Madame : pourquoi ne les pas expédier plus vite ? J'ai vu le temps qu'une bagatelle comme celle-là n'aurait pas tenu vingt-quatre heures. Il y a ici, depuis quelque temps aussi, un Chevalier de votre connaissance, et qui fait vraiment bonne figure. Hé, là, celui qui faisait l'Abbé l'année passée. Je m'en souviens, vous avez raison ; il faisait l'hydropique, si je ne me trompe. J'ai aussi quelque idée de l'avoir vu faire le Marchand de bœufs dans le coche d'Auxerre. On l'appelle Monsieur le Chevalier de la Bressandière : il est ici pour une jambe qu'il a eu cassée en Catalogne, par un parti de Miquelets, à ce qu'il dit, à la descente d'une montagne, mais… Le voilà, Madame. Vous venez souvent ici l'un et l'autre : mais ce ne sont pas les mêmes raisons qui vous y amènent. Au premier étage, peut-être ? Quelque troupe de laquais qui vous guettait, apparemment ? Je confonds, Monsieur, je vous demande pardon ; c'est que Madame la Marquise me contait dans le moment une aventure de la rue de l'Université, à peu près… Ce sont des choses que vous me permettez, Monsieur… Ce Chevalier-là est dangereux, croyez-moi, Madame, passez-lui sa jambe de Catalogne, et qu'il laisse en repos votre famille. Il me paraît que vous avez ici tous deux intérêt d'être bien ensemble. Laissons cela, parlons d'autre chose. Vous avez ici vos vues l'un et l'autre : au lieu de vous détruire, ne pourriez-vous point travailler ensemble à frais communs, pour… Vous voilà ben embarrassée. Je vous ai fait garder votre appartement, allez y conduire Madame, Monsieur le Chevalier ; aussi bien, voici un de mes compères qui veut me parler ; car depuis le matin l'on m'a dit qu'il me cherche Ne vous inquiétez point, et allez m'attendre. Si l'on ne faisait ses petites affaires qu'avec les personnes qui ont vraiment besoin de prendre des Eaux… Il faut bien se prêter un peu à l'humeur et au tempérament de certains malades. N'est-il pas vrai ? Hé bien, Madame la Baillive ? Madame la Baillive n'est pas sotte. Babet Grognet, la fille du Médecin ? Non, ne crains rien. De quoi s'agit-il ? Tu es un fou, tu ne sais ce que tu dis. Accablée de chagrins, vous ? À moins que ce ne soit l'amour qui vous les donne, je ne vois pas… Ne craignez point de vous expliquer, il n'y a rien que nous ne fassions pour vous rendre service. Parlez. Quel est le sujet de vos chagrins ? Et que peut-on faire pour y remédier ? Il veut vous marier, et cela vous afflige ? Il veut vous donner un magot, et vous aimez quelque joli homme, peut-être ? Qui, Valère ? Ce jeune Officier de Dragons ? C'est ce petit homme-là qui vous tient au cœur, apparemment ? Et je vous en ai vue vivement éprise, si je ne me trompe. Et la Roche ne m'a jamais parlé de cela, est-il possible ? Si Valère était ici, encore… Quinze jours ! Être si longtemps sans vous écrire ! Il en a quelque air, Monsieur cela est vrai, vous avez raison : mais il me semble pourtant que ce n'est pas lui ; l'autre a le nez plus grand et la barbe plus longue. Il n'y a rien de mieux concerté. Que Monsieur votre père prend bien ses mesures ! Quelle trouvaille ! Une demie douzaine de mari comme cela, seulement : voilà une fortune faite au bout de l'année. Assurément. Ne vous emportez pas, Monsieur, et laissez-moi lui parler en particulier, je la réduirai, je vous en réponds. Je le ferai, je vous assure ; je vous la garantis mariée, moi : vous pouvez compter là-dessus, c'est une affaire faite. Ce n'est point l'intérêt qui me fait agir, Monsieur, et… Le bonhomme est pressant, cela est incommode. L'arrivée du petit Officier nous tirera d'intrigue. On ne peut se marier en secondes noces, avant que d'être veuve, une fois ; et les maris ne sont pas comme les amants, on ne les prend que les uns après les autres. Il s'agit de faire entendre raison à Monsieur Grognet. Oh, cesse de plaisanter, la Roche ; on n'est point dans une situation assez tranquille, pour… Fort bien. Si le maître et le valet sont de même caractère, vous avez beau jeu, Madame. Voilà un beau ménagement. Ne faudrait-il pas bien qu'il sache vos affaires ? Très volontiers. Allons, aussi bien y a-t-il des gens qui m'y attendent. Vivat, Monsieur, j'ai persuadé : mon éloquence est triomphante. Voilà Mademoiselle votre fille qui vient de signer le Contrat, je l'ai menée moi-même chez le Notaire. Ils vous la donneront, ne vous fâchez point. Tenez, Monsieur, ne serez-vous pas ravi d'avoir une belle-mère aussi aimable que cette charmante personne ? Ils n'étaient mariés que sous seing privé, je pense : mais le Contrat que vous venez de faire, ratifie la chose. Vous perdrez votre procès, Monsieur, ils ont six mos d'avance. Il les fera mieux que personne. **** *creator_dancourt *book_dancourt_eauxdebourbon *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_eauxdebourbon *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LAPRESIDENTE *date_1695 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lapresidente Oh, cela est bien changé, mon pauvre Monsieur le Baron, je n'en puis plus ; les eaux me sont mortelles, et l'on m'enterrera ici, je pense. Je venais de me coucher, Monsieur Grognet ; nous avons joué toute la nuit à la bassette. Rien ne fait tant de bien, Monsieur le Baron. Avez-vous vu ma sœur aînée, Monsieur Grognet, Madame la Comtesse de la Ratatinière, qui arriva hier, et qui vient prendre des eaux pour son inflammation de poitrine ? Vraiment, je le crois bien, qu'elle dormait. Cette vieille folle, malade comme elle est, qui s'enivra hier de vin de Canarie. On dit que vous donnez le bal aujourd'hui, Monsieur le Baron ? Il n'est pas mal aisé de deviner pour qui la fête se fait : vous êtes amoureux, petit badin. Oh çà, dites-moi donc, Monsieur Grognet, que faut-il que je fasse pour mes maux de tête, et pour ce rhumatisme ; car je m'en meurs, je vous en avertis. À propos de diète, nous faisons cette nuit médianox chez le Chevalier de la Bressandière ; il vous l'a fait dire, Monsieur le Baron ? C'est un joli homme, que ce Chevalier. La tête me fend, Monsieur Grognet, vos Eaux de Bourbon me rendent plus malade que je ne l'étais, quand je suis arrivée. Donnez-moi donc la main, Monsieur le Baron. Ah ! Les petits dissimulés, qui viennent ensemble de signer au Contrat de mariage, et qui ne m'en avaient rien dit. Vous êtes bien content de vous, Monsieur le Baron ? Ne seriez-vous pas d'avis que nous nous masquassions aussi, pou vous divertir ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_eauxdebourbon *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_eauxdebourbon *dist2_dancourt_prose_comedy *id_BABET *date_1695 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_babet Ah ! Que je te rencontre à propos, ma chère Madame Guimauvin ! Je suis accablée de chagrins. Ah ! Ma chère Madame Guimauvin ? Je vous bouterais pargué dans ma chemise, moi, pour vous faire plaisir. Mon père veut me marier, Madame Guimauvin. Si vous saviez le mari qu'il me destine, et les engagements où je suis… Tu connais ce vieux Baron de Saint Aubin, qui est à Bourbon depuis trois semaines, et vous vous souvenez tous deux de ce petit homme qui a été tout le printemps ici à prendre des eaux ? Il y a plus que tout cela, Madame Guimauvin : je suis sa femme. Juge de l'embarras où je suis, Madame Guimauvin. Il y devrait être, il y a quinze jours que je n'ai reçu de ses nouvelles. Je ne sais à quoi l'imputer. C'est toi, la Roche. Hé bien, mon enfant, où est ton maître ? Vient-il ? Est-il arrivé ? Quand le verrai-je ? N'as-tu rien à me dire ? Tu veux me flatter, mon pauvre la Roche : il n'a pas tant d'empressement que tu le dis. Il va trouver en arrivant des chagrins qu'il n'a pas prévus. Voici mon père, éloigne-toi, va te débotter, et reviens ici parler à Madame Guimauvin, ou à moi ; on a des choses de conséquence à te dire. Je suis avec Madame Guimauvin, mon père. Mon père… Dès demain, mon père ! Quelle extrémité ! Je suis contente de la mienne, je n'en veux point d'autre, et je me donnerai plutôt la mort que de consentir à ce mariage. Que devenir ? Comment faire, Madame Guimauvin ? Conçois-tu rien de plus embarrassant que l'état où je suis ? Il ne sait rien de cette alliance : mais il veut m'en faire prendre une autre. Tu traites cela de bagatelle ? Je meurs de peur que mon père revienne, et qu'il ne le voie encore avec nous. Qu'il les sache du moins le plus tard qu'il sera possible. Allons chez moi, Madame Guimauvin. Demeure ici, la Roche, pour attendre ton maître ; et sitôt qu'il sera venu, dis-lui qu'il nous vienne trouver, je te prie. Oui, je me soumets à vos volontés, mon père, et je n'ai qu'à vous remercier du choix que vous avez bien voulu faire C'est avec la dernière confusion, mon père… **** *creator_dancourt *book_dancourt_eauxdebourbon *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_eauxdebourbon *dist2_dancourt_prose_comedy *id_BLAISE *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_blaise Palsanguenne, il faut avouer que je sis un grand fou de me mêler des affaires d'un homme aussi fou que ce vieux Monsieur le Baron de Saint Aubin qui loge cheux nous. Il viant ici prendre des yaux pour se rétablir le foie, et il y deviant estropié par la cervelle ; les Médecins le guarissont d'une façon, et les femmes le rendont malade d'une autre. Je crois, Dieu me pardonne, qu'il est amoureux de tretoutes, mais il n'y en aura pas une qui devienne amoureuse de ly. Le vela qui viant ici. Queu peste de figure ! Oui, Monsieu : mais, ne vous en déplaise, vous n'y songez pas, vous. Courir les rues dans l'équipage où vous vela ? Oui da, il y a bonne compagnie, n'est-il pas vrai ? C'est une gaillarde, oui. Oui da, il aime itou bian ce pays-ci, stilà ; il viant aux yaux deux fois l'année, et l'an ne sait pour queu maladie. Morgué, s'il a la goutte, ce n'est pas au bout des doigts, je vous en avartis. Alle n'en aura point de ce voyage-ci, c'est moi qui vous le dis. Bon, tatigué, est-ce que je n'avons pas l'expérience. Tenez, Monsieur, quand des maris amenont ici leurs femmes pour ça, les yaux n'y font rian : quand les femmes venont toutes seules, les yaux opéront que c'est des marveilles. C'est ce que je disais tout seul tout à l'heure, vous devenez aussi fou qu'un jeune homme. Vous voulez plaire à une jeune fille, Monsieu ? Quoi, c'est pour ça que vous faites tant de sottises ? Dame, accoutez, je vous demande pardon, je sommes francs en ce pays-ci. Mais qui est cette jeune file, s'il vous plaît ? Je connaissons tout le monde, et je vous dirai bian si elle sera assez ridicule. Oui, Monsieu. Ils attendont votre commodité tout ici proche. Tatigué que vela des manières bien jeunes. Tenez, Monsieu, vela une chaise pour vos jambes, et de la Musique pour vos oreilles. Je fais tout ce que vous me dites, comme vous voyez. Un bal aux yaux ! Morgué que je varrons danser de fluxions et de rhumatismes ! Que giova Tra l'aqua Cercar la sanità Quando il cuore Del fuoco d'amore S'estrugge è s'avvampa ? O Beltà, cara Beltà, Deh per pietà Sanate me. Un Ciglio vivace Mi tolse La pace ; Et con srali severi Ardenti Pungenti, Il cuor mi ferì. O Beltà, cara Beltà, Deh per pietà Sanate me. Le Médecin Grognet n'aime pas la joie. C'est Monsieu que vela, qui viant dormir en musique, pour plaire à une jeune fille : ne serait-ce pas la vôtre ? Oui : mais la règle n'est pas qu'on y dorme. C'est à Babet Grognet qu'il en veut, je gage. Tatigué, que vela de biaux régimes de vie, pour de vieilles malades ! Morgué, la vieille Présidente crèvera de débauche, et les yaux de Bourbon en auront le blâme. Pargué, le bal de tantôt sera drôle. Vela déjà deux bons Mascarades. Qui est celle-ci, encore ? Hé pargué, c'est encore une buveuse d'yau de notre connaissance. Votre valet, Madame la Marquise ; hé ; comment vous en va ? J'avons le bonheur de vous y voir tous les ans ; c'est une rente : mais ce n'est pas les yaux que vous venez prendre cette fois ici, peut-être ? Tant mieux pour vous. Cet abcès que vous aviais à la hanche, est donc refarmé pour le coup ? À marveilles ! Bon, j'en sis bien aise, et je comprends ce qui vous amène ; c'est queuque mari ou queuque galant que vous venez charcher à Bourbon ? Acoutez, je n'avons quasi que des malingres cette année, et j'ai bian peur que vous ne trouviais pas votre affaire. Oui. Vous avez la meine d'une connaisseuse, il vous faut de bonne marchandise, je gage : mais votre hôtesse, Madame Guimauvin, vous aidera à charcher : c'est une habile femme. Oh, morguenne, oui ; pour ce qui est d'en fait d'en cas de ça, c'est la parle du pays : aussi, alle a fait ses études à Paris, et dans le faubourg saint Germain, encore. Tatigué, que n'an dit que c'est une bonne école ! Vous pensez bian, c'est elle-même. Jusqu'au revoir, morgué dépêchez-vous, je vous en prie, j'ai itou queuque chose à lui dire. Ah, ah, ce Monsieur le Chevalier qui en sait si long, est itou de votre connaissance, ma commère l'Apoticaresse ? Oh, morgué, vos meilleures pratiques ne sont pas celles qui avont affaires des drogues de la boutique, sur ma parole. Je ne gagnerions pas de quoi boire de l'yau nous-mêmes. Et aux nécessités de ceux qui se portont bian, n'est-ce pas ? Morgué, que les filles et les femmes qui venont de ce Paris avont d'esprit, et qu'elles sont futées ! Accoutez, il m'est avis que celles de ce pays-ci commençont à faire de même ; alles se dégourdissont. Il y a notte Madame la Baillive, par exemple. Alle loge depuis quelque temps cheux alle de certains drôles de malades qui avons plus de santé que Monsieur le Bailly, sur ma parole ; il ne leur faut morgué point d'iaux à ceux-là, et la femme le sait bian, da : mais stanpandant ils ne laissons pas d'en boire pour attraper l'homme. Hé voirement non, c'est le Bailly qui l'est, je savons bian ça. Vela encore la fille de Monsieur Grognet qui n'est qu'une morveuse, celle-là. Oui, c'est pour elle que je vous charche : mais motus, au moins. Morgué, il y a du dégourdissement dans son affaire ; si alle n'était pas d'ici encore, n'an la mènerait aux Iaux : mais comme alle est des Iaux, ça est chagrinant ; où diable la mèneront-je ? La vela elle-même. J'ons tous deux de l'esprit ; voulez-vous que je l'y tirions les vars du nez ? Ah, morguenne, oui, c'est le mal d'amour qui la tiant, sur ma parole. Si je nous en souvenons, il logeait cheux nous, et Monsieur de la Roche son valet de chambre était l'amoureux de la commère. Comment, sa femme ? Ce ne sont morgué pas là des jeux d'enfants, au moins. Mais pargué votre père a tort de vous vouloir marier, ly, puisque vous vous mariez si bian toute seule. À quoi ? À ce que vous êtes sa femme. Si vous n'étiais que sa maîtresse… Oh palsangué, vela des nouvelles, c'est Monsieu de la Roche en parsonne. Tenez, Monsieur, alle était ici tout à l'heure, et vela encore Monsieur de la Roche qui vous dira… Je le crois bien. Alle perdrait au change, vous valez mieux au bout de votre petit doigt, que sti que n'an ly veut bailler ne vaut en tout son corps. Vous le varrez tantôt, il loge itou cheux nous, c'est Monsieu le Baron de saint Aubin qu'on l'appelle. Vous le connaissez peut-être ? Quoi, ce vieux Baron, c'est Monsieur votre père. Palsangué, votre père est un vilain marle. Oh parguenne non ; on ne baille point de dispense pour ça, il aura biau faire. Je m'en vais vous y mener, c'est ma commère. Hé vite, hé tôt, dépêchez-vous, on a affaire de vous cheux la commère Guimauvin, Monsieur de la Roche… Ils ne s'attendont pas à la pièce pue n'an leur va faire. Si n'an la sait ? Tous les petits enfants du pays se préparont à faire charivari à votre noce. Queu tintamarre ! Hé, pargué ; vous n'avez qu'à dire, je m'en vas charcher le violoneux, et avartir tout le monde : ne vous boutez pas en peine. Tatigué, que j'allons nous divartir, vela toute l'infirmerie de Bourbon que je vous amène : des poumoniques qui jouons de la flûte, des enrhumés qui chantont, et des boiteux qui faisont la capriole. Morgué, c'est vrai. Vous qui épousez une jeune parsonne, par exemple… Mais n'an vous corrigera Vous n'y êtes pas encore. Hé, morgué, ne vous fâchez pas, vela de la joie. Vous ne saviez pas stila ; il y a plus de six mois que l'affaire est faite. Morgué, ly a du malentendu là-dedans : vous prétendez seigner comme mari, et ils prétendons que vous avez seigné comme père. Jusqu'au revoir. Allez vous coucher, Monsieur le Baron, vous avez un petit somme à faire. Allons, Messieux des Yaux de Bourbon, vive la joie : ce que n'an se baille de plaisir dans la vie fait morgué plus de bian que toutes les yaux du monde. **** *creator_dancourt *book_dancourt_eauxdebourbon *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_eauxdebourbon *dist2_dancourt_prose_comedy *id_VALERE *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_valere Que viens-je d'apprendre en arrivant, mon pauvre la Roche ? Mon père est ici ! L'as-tu vu ? Oui, vraiment, et nous nous sommes parlé même. Que t'a-t-il dit ? Il est donc instruit, apparemment ? Que je suis malheureux ! Et la charmante Babet, l'as-tu vue ? T'a-t-elle expliqué le dessein de son père ? Sais-tu… Le Baron de saint Aubin ! La Roche, mon pauvre la Roche. Mon père, se vouloir marier à son âge ! Lui-même. Quelles mesures prendre, mon pauvre la Roche. Mais pour empêcher son mariage, il faudra déclarer le mien. Je ne sais où demeure Madame Guimauvin. Je ne puis assez vous témoignez, mon père, la joie que me donne le nouvel établissement que vous voulez faire en ce pays-ci, et je vous assure que bien loin de m'opposer… Ma belle-mère, elle ? Tu rêves ! Madame Guimauvin : cela ne se peut pas, c'est ma femme. Et moi, Monsieur, puis-je espérer aussi… **** *creator_dancourt *book_dancourt_eauxdebourbon *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_eauxdebourbon *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LAROCHE *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_laroche Ohé, ohé, ohé. Ah la maudite voiture que la Poste, cela n'est bon que pour les lettres, ouf. Votre serviteur, Monsieur Blaise. Sa chaise de poste vient de rompre à demi lieue d'ici, Madame, il est au désespoir ; il m'a dit de prendre les devants pour… Il n'a pas tant d'empressement ! Je me donne au diable, si sur toute la route nous n'avons pas crevé trois chevaux, et près de deux Postillons. La peste, en revenant de l'armée, nous autres amoureux, nous sommes bien plus pressés que quand nous y allons. Comment, des chagrins ! Qu'est-ce à dire ? Monsieur le Médecin saurait-il quelque chose ? Le mariage n'a pas eu l'indiscrétion de se déclarer de lui-même, peut-être ? Et vous voilà encore d'assez belle taille, à ce qu'il me semble. Je ne tarderai pas à vous rejoindre. Me voilà débotté, Madame, et en disposition de recevoir vos ordres. Çà, de quoi s'agit-il ? Voyons. Cela sera difficile : et à propos de quoi, s'il vous plaît, fait-il le ridicule ? Et trouve-t-il mauvais que nous ayons pris une alliance secrète dans sa famille ? Quoi ! Ce n'est que cela ? Voilà une belle bagatelle ! Oui, Madame, la polygamie est un cas pendable, à la vérité : mais à cela près, elle a son mérite ? Et moi, qui vous parle, moi, dans toutes nos villes de quartier d'hiver, je ne manque jamais de faire quelque alliance : c'est ma folie. Je me donne au diable si je plaisante, cela est comme je vous le dis. Je suis un garçon fort réglé, moi, j'aime à tenir ménage partout où je me trouve. Oh, diablezot, c'est un petit poli, que mon maître, un fidèle, un pasteur… Sans la fureur qu'il a pour le vin, le jeu, et les femmes, ce serait bien le garçon le mieux morigéné… Je n'aurai pas la peine de lui dire deux fois, je vous assure. Voici pourtant une affaire assez délicate ; et si Monsieur mon maître, par aventure, était las de son mariage, comme ce n'est qu'un mariage à la dragonne, nous pourrions bien… Voilà Monsieur le Baron, je pense ? Qu'est-ce que le bonhomme vient faire ici ? Lui aurait-on donné quelque avis de notre mariage ? Comment c'est vous, Monsieur ? Quelle surprise ! À Bourbon, vous ! Qui diantre vous y amène ? Nous faire enrager à force de santé ! Hélas, Monsieur, vous n'en sauriez tant avoir qu'on vous en souhaite ; et vous en crèveriez, que nous en serions ravis, je vous assure. À présent, Monsieur, il est dans sa chaise de poste. Oui, Monsieur ; et si vous en voulez savoir davantage, sa chaise de poste est dans une ornière : mais j'espère qu'elle en sortira, et qu'ils arriveront bientôt ici tous deux ce compagnie. Oui, Monsieur. Cela ne l'empêchera pas d'y venir, Monsieur. Au contraire, il n'a point d'argent, et nous vous trouvons le plus à propos du monde. Il ne manquera pas, sitôt qu'il sera arrivé, Monsieur… Vous le verrez, je vous l'amènerai moi-même. Adieu donc, Monsieur, sur ce pied-là je me tiens dispensé de la visite. Ouais, que veut dire ceci ? Je n'y comprends rien. Comme on nous traite ! Vous ne savez que la moitié des nouvelles, Monsieur. On veut marier votre femme, cela n'est rien ; votre père est ici, c'est le diable. Que vous êtes un coquin, que je suis un pendart ; qu'il vous déshériterait, et qu'il me ferait donner les étrivières. Non, Monsieur, c'est par abondance de cœur ce qu'il en dit, un petit fond d'estime et d'amitié qu'il vous conserve. Il veut la marier, c'est tout ce que j'en sais, elle est au désespoir. Oh, par ma foi en voici bien d'une autre ; je ne m'étonne plus qu'il soit fâché de nous savoir ici, il ne veut pas que nous soyons de la noce. Aucunes. Monsieur votre père ne saurait épouser votre femme, premièrement. Sans doute ; et comme la grande affaire est de le déclarer bien à propos, j'en fais la mienne. Mademoiselle Babet vous attend chez Madame Guimauvin, qui est une femme de conseil et d'expédition : allez prendre langue avec elle, et me laissez ici attendre le bonhomme de pied ferme. Le vieux penard qui vient Eaux de Bourbon épouser sa bru : il n'y aurait ma foi, qu'à le laisser faire, nous verrions de belles choses. Voici deux personnes de ma connaissance ; quel marché font-ils ensemble ? Ton valet, Lépine. Bonjour, ma cousine la Marquise. Non, non, je suis bon Prince, je sais vivre, ma cousine. Ne te mets point en peine. Je n'ignore pas aussi le respect que je te dois devant le monde, pourvu que tu le paies. Cela va donc comme il faut ? Y a-t-il ici bien des dupes d'amour et de jeu cette année ? Voilà un heureux mortel, il faut qu'il ait bien du mérite, ce gentilhomme-là, pour s'attirer ainsi une préférence si avantageuse. Hé ! Qui est-il, par parenthèse ? Ne pourrai-je point aussi de mon côté… Quand nous serions trois à travailler sur le même sujet, les choses n'en iraient pas plus mal, à ce qu'il me semble. Monsieur de Saint Aubin ! Vous en revenez-là : vous avez donc rompu avec le grand page ? Votre dessein a réussi, il va se marier : mais à la vérité, ce n'est pas vous que cela regarde. C'est un petit conseil que nous allons tenir contre le mariage de Monsieur de Saint Aubin, apparemment ; vous y pouvez venir si vous voulez, vous ne serez point suspecte. Oh diable ! Fines gens s'en sont mêlés aussi ; Et voilà Monsieur votre fils qui a bien voulu lui-même se donner la peine… Oui, Monsieur, les visites sérieuses : mais comme tout le monde est bienvenu au bal, nous avons pris l'occasion de vous venir rendre nos devoirs en masque. J'ai pourtant ouï dire que si, moi, Monsieur ; et je ne crois pas que sans notre permission… Oui, Monsieur, ils l'ont signé aussi, c'est une chose réglée. Hé bien, justement, voilà l'affaire, le père et le fils portent le même nom, et nous profitons de la ressemblance. **** *creator_dancourt *book_dancourt_eauxdebourbon *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_eauxdebourbon *dist2_dancourt_prose_comedy *id_JASMIN *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jasmin N'est-ce pas là-bas, en tournant du côté gauche ? Je lui dirai, Madame.