**** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_MONSIEURHARPIN *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurharpin Ah, ah, je suis bien aise De rencontrer ici ce maroufle fieffé. De mon fripon de fils je viens, D'apprendre encor d'agréables nouvelles ! Je voudrais qu'il fût mort, le débauché, l'infâme ; Le perdu. Devenir amoureux d'une femme ! Comme moi ? S'entêter pour une libertine ! Qui le ruine ! Qui le perd d'honneur ! Et son valet trop raisonneur. Tais-toi. On n'a pas pu sur l'heure M'apprendre en quel quartier la coquine demeure, Ni son nom : mais je le saurai De ta bouche, pendard, ou je te rosserai. Ah, bourreau, je t'étranglerai. Parleras-tu ? Tais-toi, tu me romps les oreilles ; Ôte-toi de mes yeux, coquin, Je démêlerai bien sans toi toute l'affaire, Et tu seras un jour chagrin De m'en avoir fait un mystère. Qu'est-ce que ce maraud veut dire ? Si je m'y mets, je saurai le réduire À rire d'une autre façon. Bon. Je sais ce qu'elle veut. Hé bien reviendra-t-elle ? Tout de bon ? Et comment faire Pour augmenter ce dépit-là ? Toi ? Moi ? De tout mon cœur. Il serait beau, vraiment, Qu'elle eût de bons desseins sans que j'y répondisse ? Mais pour l'acheminer à cet heureux moment, Qu'est-ce qu'il faudrait que je fisse ? C'est bien dit, je connais un Président Normand, Dont le nom seul est pour elle un supplice, Je vais lui commander de l'épouser. Proposons-lui ce Banquier Suisse, Elle le hait encore assez passablement. Et c'est pour cela justement ; Car je ne prétends nullement Qu'en tout ceci ma fille m'obéisse. Que faire ? Hé bien… Tout de bon ? Hé bien ? Mais si par un cas fortuit (car enfin tout peut être) Son goût allait changer ? Il est vrai, c'est bien dit. Ça fais-moi donc connaître Ce soupirant de Robe, et songe à te hâter. Bon, tant mieux, il me tarde aussi d'exécuter Certains projets qui me roulent en tête. Si cette femme vient, qu'on la fasse monter. Vous voyez, Madame Brichonne, Avec combien peu de réflexion Sans hésiter je m'abandonne Tout à votre discrétion. Il faut tâcher pour les six mille livres Que je vous ai donnés dessus vos diamants, Qu'ils me demeurent. Bon, tant mieux. Vous savez à quoi je les destine. Mais, parlons naturellement, Prévoyez-vous qu'heureusement Le dessein que j'ai se termine ? Vous avez vu tantôt Climène ? Çà, Madame Brichonne, allons, dis franchement De quel air, avec quelle mine Elle a reçu ton compliment ? La friponne ! Bon, je l'aime de cette humeur, Et ne voudrais pour rien d'une fière femelle Qui fît traîner mon amour en langueur. À propos d'honneur, tu sais bien Que je dois ménager le mien. Peut-être on gloserait de voir un assemblage De cette veuve un peu coquette et qui n'a rien, Avec un homme de mon âge. Si nous trouvions quelque moyen, Dans ces commencements, de rendre Notre intrigue secrète, et de lui faire entendre Que c'est que mon honneur veut prendre soin du sien. Écoute, il faut que j'aie Avec ma belle-sœur quelque ménagement. Depuis assez longtemps j'essaie De faire en ma faveur régler son testament : Et par hasard, si de ce mariage Quelque soupçon venait à contretemps, Son bien serait pour mes enfants, Et je me verrais, moi, frustré de l'héritage. Cela retient un peu mon amour en suspens. Ce n'est pas là ce qui me met en peine : Mais si je pouvais, moi, n'aller point chez Climène. Et qu'elle-même vint céans. Attends. Sous un nom emprunté Il faudrait qu'à ma fille elle fût présentée. Madame Dorothée. C'est cela. Je voudrais aussi que sans parure Pour quelques jours d'abord… Elle quittât un peu ces airs de vanité ; Qu'elle parût en tout une femme rangée, Et tout au moins, du monde à demi dégagée. Pas mal. De mon côté Je vais vanter l'excès de son mérite À ma fille, à ma belle-sœur, Et faire à toutes deux souhaitez sa visite. Jusqu'au revoir. Cela prend, ce me semble, un assez bon chemin Que je serais heureux le reste de ma vie, Si je pouvais au gré de mon envie, Régler moi-même mon destin ! Faire enfermer mon fils, cloîtrer ma fille, M'assurer la succession, Et m'acquérir ainsi la réputation De brave père de famille. Vraiment, Monsieur, ma fille a tort De vous traiter si mal ; et je doute très fort Qu'elle puisse jamais mieux rencontrer. Finette ? Il me paraît que ce jeune homme-là Est d'aimable tournure et de bonne défaite : Ma fille, assurément s'en accommodera. Prenons garde… Je te garantis, moi, que cela changera. Planète tant qu'il te plaira, Je ne veux m'y fier que de la bonne sorte. Je ne m'y fierai point, ou le diable m'emporte. Tu me le dis, et je le crois ; Mais tu me répondras des suites. Si ma fille vous hait autant que vous le dites, Pour l'épouser, Monsieur, je vous donne ma voix ; C'est un mauvais esprit que je prétends réduire. Je vous remets le compliment. Non, doucement. À tantôt, s'il vous plaît, remettons la partie, Il vous suffit d'avoir à présent mon aveu : Je veux sonder ma fille, et m'ajuster un peu De cet excès d'antipathie. Adieu, Dans une heure d'ici je vous attends. Je suis ravi que le hasard Tous quatre en ce lieu nous rassemble. Au bien de ma famille il semble Que vous devez, ma sœur, comme moi prendre part. Pour moi, je leur apprête Devant vous seule, et presque tête à tête, Une plus modeste leçon. Je vous fais, mes enfants, dans cette occasion, Aux yeux de votre tante, avec douleur amère, La petite confusion. Que je sui forcé de vous faire. Vous savez bien le fait dont il est question. Jusqu'à présent encor votre faute est légère : Fort à temps, Dieu merci, j'ai pour votre bonheur Congédié le Séducteur. Là, là. Reprenons-les, de grâce avec douceur. Hé, ma sœur ; C'est une faute de jeunesse Qu'elle peut réparer, et même avec honneur. Pour fuir des passions la voix enchanteresse, Il est un sûr moyen. Pour vous, Monsieur mon fils, Votre conduite en tout est très fort condamnable ; Mes remontrances, mes avis, Mon exemple enfin, rien ne vous rend raisonnable. On m'a dit que vous fréquentez Une certaine libertine. Ce n'est pas tout encore, et vous vous promettez D'épouser un jour la coquine. Oui, c'est une Héroïne. Pour elle vous vous endettez Chez les Marchands de tous côtés. Pour soutenir son faste et sa cuisine Votre Merlin chaque jour imagine De ruineuses nouveautés. L'un l'autre vous vous excitez À faire agir machine sur machine, Vous jouez, vous vendez, vous troquez, empruntez. Plus on vous contredit, plus votre cœur s‘obstine, Chez vous le vice prend racine : Et satisfait d'être dupé, Pourvu que vous trompiez un père, Ce bien que vous deviez avoir de votre mère, Avant que d'en jouir vous l'aurez dissipé. Je n'en crois rien. Ce n'est pas cela dont il est question. Ce coquin cherche à me déplaire, À me donner la mort au cœur. Je ne sais qui me tient… Vous ne connaissez pas sa malice, ma sœur. Hé, le moyen ? Écoutez sans réplique : Je prétends tout résolument Qu'à m'obéir l'un et l'autre s'applique : Songez-y sérieusement. Je vous fais à tous deux défense très expresse, À toi, d'aller chez ta maîtresse, À toi, de revoir ton Amant. Plaît-il ? Tout, je veux bien, de peur qu'il vous ennuie, Que vous voyiez parfois certaine compagnie. Dès aujourd'hui doivent ici venir Madame Dorothée, et Monsieur Boniface, Vous aurez du plaisir à les entretenir. Je vois pourquoi vous faites la grimace. Oui, vous. Le Monsieur vous déplaît, et je sais À quel point vous le haïssez. Mais quelque chagrin qu'il vous fasse, Recevez-le de bonne grâce, Ou… suffit, nous verrons. Une personne aimable ; Et c'est, puisqu'il vous faut éclaircir sur ce point, Une personne raisonnable : Comme vous n'en connaissez point : Vous les verrez souvent l'un et l'autre à ma table. De vous en faire aimer faites-vous un devoir, Chacun de vous ne peut m'être agréable, Qu'en prenant soin de les bien recevoir. Songez-y bien. Allons, ma sœur. Attendez un moment : Vous voulez bien vous-même ? Soit. Je vais, comme je vous ai dit, Dresser moi-même cet Écrit, Et nous le ferons mettre au net chez le Notaire. Adieu, ma sœur, sans compliment. Hé bien, ma chère enfant, comment va notre affaire ? Tout de bon ? Elle a topé sans peine au projet du mystère ? À ce petit déguisement ? Que je sens de ravissement. La chose est incompréhensible, N'est-il pas vrai ? Pour imposer, d'abord, il faut un certain âge. Des airs mûrs. Plus de vingt fois sous sa fenêtre, Climène a dû me remarquer. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'elle me peut connaître. Je lui faisais parfois un sourire flatteur. D'agréables minauderies, Mille petites singeries ; Elle en riait de tout son cœur : Et dans le fonds, quelquefois j'avais peur Qu'elle n'en fît des railleries : Mais je vois bien que j'étais dans l'erreur. Quand viendra-t-elle ? Un moment ! Plus je sens mon bonheur s'approcher, Plus ma flamme se renouvelle. Dépêche-toi, va, cours. Pour moi je vais dresser Certain écrit dont j'ai la tête pleine ; Afin que lorsque je verrai Climène, Rien ne puisse m'embarrasser. Madame enfin… Finette est de sa connaissance ? Faites-moi descendre Angélique. Est-ce vous que je vois, Madame ? Quel mortel est plus heureux que moi ? Ce sont mes sentiments qu'on vous a fait entendre ; Et si mes vœux sont par vous écoutés, Je puis offrir à vos beautés, Avec un cœur sincère et tendre, Un hommage des mieux rentés. Il est à moi sur mon honneur, Et je n'ai là-dessus aucune défiance. Ouf, n'en dites pas trop, mignonne, D'un excès de plaisir vous me gonflez le cœur, Je palpite, je meurs. Ah, Madame Brichonne, Des discours de cette friponne Sens-tu bien toute la douceur ? Elle me lance un regard louche. Amoureux ? C'est là ce qui touche, Ç'a de tous temps été mon faible que l'amour. Oui, quand on aime une personne aimable, Et qui ressent pour nous même ardeur à son tour : J'ai là-dessus une délicatesse, Un goût si raffiné, j'y prime, j'y suis Grec. Bon, c'est le moyen de me plaire, Et de vivre longtemps ensemble sans chagrin. Cette distinction n'est pas fort nécessaire. Oui : mais c'est un fripon. Dont je me déferai, pour peu qu'il vous chagrine. Nous nous en déferons, car je l'ai résolu. Il est heureusement depuis peu devenu Amoureux d'une libertine. Une perdue. Il en est fou. Que dites-vous, Madame ? Oh, je veux que tout le monde approuve Ce que je vais tenter pour y mettre une fin. Je prends de si bonnes mesures… Elles vont lentement : mais elles sont bien sûres. Quel est le trouble où je vous vois paraître ? Quelle bonté ! C'est ce beau fils. Venez, l'homme à bonne fortune. Approchez, et comptez que pour vous c'en est une De saluer cette personne-là. Qu'est-ce ? Hé bien, mon père ! Vous voilà Une contenance agitée. Chose étrange ! De voir contre les gens d'honneur Comme d'abord son âme est révoltée ! Allons donc, saluez Madame Dorothée. Voyez comme il résiste à tout ce que je veux ; Quel chagrin ! Quelle répugnance ! Ah, que mal aisément son dépit se déguise ! Non, c'est un insolent, je l'avais prévenu, Un mauvais cœur. Tais-toi. Entendez-vous ? Ne soyez pas si bête Que de vous mettre dans la tête Des choses qui ne seront point. Elles seront bientôt, mignonne. Ils seront vifs, quoiqu'ils soient sous la cendre. Approchez. Je suis ravi de mon côté De tant de cordialité : Allons, mes enfants, qu'on s'embrasse, Et qu'on s'apprête à recevoir Avec même agrément ce Monsieur Boniface, Qui doit aussi nous venir voir. Oui. Nous verrons. Qu'est-ce ? Qu'il entre, il le faut installer. Nous allons voir. On y souhaite aussi beaucoup votre présence. Allons, Mademoiselle, Saluez Monsieur. Quoi ? Que dit-elle ? Hem, plaît-il ? Quels airs impertinents, Devant moi rire au nez des gens ? Pardon, Monsieur. Mille excuses, ma belle ! Oui, je prétends… Hé bien, c'est ce qu'il faudra voir. J'y vais. Une pressante affaire Me fait quitter la charmante douceur D'être avec vous : mais, Madame, j'espère Recouvrer bientôt ce bonheur. Demeurez, Monsieur, sur mon honneur Nous la réduirons, laissez faire. J'aime assez ces airs de hauteur ! Que l'on songe à me satisfaire. Vous serez son époux : Point d'autre choix, ou le Couvent, ou vous. Adieu, mes enfants. Il n'était pas fort nécessaire De m'accompagner jusqu'ici. Taisez-vous, ou cessez de me parler ainsi. Oui, j'ai grand tort ! Pour cela quels soins faut-il prendre ? Je suis uniquement sensible à l'intérêt, Un chicaneur qui voulait vous surprendre, Un fourbe, un scélérat. Je n'ai garde De me servir ainsi de termes offensants. La chose est cruelle, Ma belle-sœur, en vérité, En me cherchant ainsi querelle, Vous me réduisez à la nécessité De défendre l'intégrité D'une conduite en tout tout à fait naturelle, Que le seul changement de votre volonté Vous fait paraître criminelle. C'est un vice de Clerc dont je ne suis pas cause, Et ce n'est pas de quoi vous gendarmer si fort. Vous en ai-je jamais parlé ? Je fais des vœux, ma sœur, pour n'en jouir jamais. Est-elle bien, dis-moi, résolue à cela ? Ah, ma sœur, selon son vouloir, Souffrons que le Ciel en dispose, N'y mettez point d'obstacle. Quand je devrais en être au désespoir. Est-elle encore avec Madame Dorothée ? Allez la voir, ma sœur. Oui, c'est bien dit, prend soin d'adoucir son chagrin, Elle n'est pas difficile à se rendre. Adieu, ma sœur. Mais es-tu bien déterminée, Ma fille ? N'est-ce point un transport de courroux, Un désespoir, un mouvement jaloux ? Pour le Couvent sens-tu que tu sois née ? Quoi, c'est un ferme sentiment ? À me quitter tu n'auras point de peine ? Et sans retour, sans nul espoir de changement ? Ma chère sœur que je suis malheureux ! Mes enfants n'ont pour moi pas la moindre tendresse. Ah, si j'en ai ! Je les adore. Quel désespoir quand il faudra Nous séparer ! Dès aujourd'hui, ma sœur, elle y prétend aller. Cela me fait une douleur extrême. C'est une bonne enfant que j'aime, Et quand je sens, ma sœur, approcher le moment… Je sens par tout le corps certain frissonnement, Je n'en puis plus. Ma chère fille ! Ne me fais point penser à tout cela, Merlin. À la dissuader nous travaillons en vain, Et mon trouble se renouvelle. Ne t'en étonne point, crois-moi, ma chère enfant. Ah ! Ne te démens point, je succombe. Hé, de grâce ! Je ne puis plus longtemps soutenir tout cela. Ma chère sœur, emmenez-la ; Et pour m'aider à porter ma disgrâce Venez me dire… Cruel moment ! Quoi ! Faut-il la quitter ? Ce qui pour toi me reste à souhaiter, Mon enfant, que le Ciel te donne Le courage de persister. Oui, je ne les contrains en rien. C'est un fripon. Son histoire ? Comment ce n'est pas toi Qui conduis avec lui cette intrigue ? Vous n'êtes pas tous deux d'intelligence. Pour m'en persuader il faut que tu me dises… Hé bien ? Se marier avec elle, Finette ? En es-tu sûr ? Se marier sans mon consentement ? Çà, dis-moi le logis, Le nom de cette créature. Non ! Je ne prétends point qu'il se fasse. Je sais bien qui l'empêchera. Moi-même. Pour mon intérêt ? Sans doute. Il est vrai, c'est bien dit. Le compliment sera bizarre. À Saint-Lazare. Il faut en avertir ma belle-sœur, Finette. Je vais de mon côté suivre aussi d'un peu loin, Sans affectation, le courant de l'affaire ; Et je prendrai pour guide et pour témoin, Mon gros cousin le Commissaire, Que je ferai tenir prêt, en cas de besoin. Vous êtes, grâce à votre heureux destin, Un fort honnête Commissaire, Le parrain de ma fille, et partant mon compère, Et par-dessus tout cela mon cousin : Aussi, mon cher Monsieur Vilain, Je ne crois pas me tromper quand j'espère Que vous seconderez comme il faut mon dessein. J'en attends : mais en attendant Vous pouvez informer toujours à la rencontre, Imaginer quelque incident. Quoi ? Faut-il qu'on vous montre À votre âge, ancien de quartier, Les dépendances du métier ? D'un nouveau débarqué vous avez l'innocence. Mais recevez toujours ma plainte à cela près. Pour rendre de mon fils la conduite bien noire, Par-ci, par-là de quelques traits Il faut assaisonner l'histoire, Embarrasser d'un long grimoire Ses nobles gestes, ses beaux faits : Quoi que vous écriviez, j'ai des gens qu'on peut croire, Qui les certifieront très vrais. Oui, nous verrons Selon l'occasion quel tour nous donnerons À notre affaire, et je médite… Parle bas, Serais-je mal dans l'esprit de Climène ? Ah ! Ah ! Tu connais mon cousin ? Non, mon cousin ; dans mon grand cabinet Vous pouvez aisément écrire : Il est ouvert, allez-y dresser un projet De notre affaire, en guise de prélude… Je suis fort inquiet De ce que tu me viens si tristement apprendre. Bon. En rendras-tu témoignage ? De ton zèle pour moi je veux avoir ce gage. Je le veux, te dis-je. J'en crève. Il est dans un excès qui ne peut s'augmenter. Oui, je n'y puis plus résister : Mais, dis vite. Non, cela ne se peut, et tu n'as rien à craindre. Qu'a-t-il fait ? Parle. Comment volés ? Le misérable ! Très peu capable ? Il l'est beaucoup. Je suis si mécontent de toute ma famille. Déjà le Couvent par bonheur M'a débarrassé d'une fille ; Et je mettrai le fils, sur mon honneur, En lieu plus déplaisant et plus sûr qu'une grille. À Climène ? Mais voyez l'insolence ! En soupçonne-t-il quelque chose ? Le pervers ! Bon, fort bien. Le sot ! Oui, va. Tu peux lui dire que ce soir Je risquerai d'aller chez elle pour la voir. Adieu. Tout conspire À justifier mon dessein ; Et pour me mettre en droit d'enfermer le coquin, L'article seul des bijoux peut suffire. Qu'est-ce ? Fort bien. J'irai tantôt relancer la friponne. Chez moi ? Quoi ? Hé bien, nous verrons ; qu'elle y vienne, On la recevra comme on doit. Je te suis obligé, Finette. Ah ! Ma sœur, nulle joie ici-bas n'est parfaite ; Et quand j'ai d'un côté la consolation De voir ma fille au Couvent satisfaite, La conduite d'un fils me jette Dans une grande affliction. On vous en instruira. Fort bien. Vous avez mis… Pas mal. Oui, ma sœur. Dans le dérèglement puisqu'on voit qu'il persiste, Qu'à mes conseils, aux vôtres il résiste, A la vertu par force il faut le ramener. Vous ne croiriez jamais ce que je viens d'apprendre. Qu'ailleurs qu'entre nous, il n'en soit point parlé. L'on est à demi consolé Lorsque entre amis le cœur peut se répandre. Le fait va vous surprendre : Dans un vol de bijoux on dit qu'il est mêlé. Oui, lui-même, on me l'a fait entendre. Qu'il vienne, Peut-être saura-t-il le fait dont il s'agit ; Nous allons voir. Fort bien. Mais avant toute chose, N'as-tu point ouï parler de certains diamants ? Non, parle. Vous voyez bien… mais, dis, je veux qu'on sache De mon fripon de fils tous les égarements. Il sait la chose. Au fait, au fait. À moi ? Je ne sais. Je suis trahi. Ciel ! Le fripon ! Je vais la recevoir d'une belle façon. Comment, pendard, dans ma maison Oses-tu bien venir avec cette effrontée Étaler à mes yeux tes indignes amours ? Tu reconnais par tes beaux tours L'amitié que je t'ai portée ! Et de cet espoir, moi, je vais rompre le cours. Que vois-je ? Ah ! Tout le monde est contre moi. Ouf. Dans les derniers excès on pousse ma colère : Mais vous n'aurez jamais un seul sou de mon bien. Vous êtes de concert avec eux. Nous allons voir comment tout ceci tournera. Je vais de ce pas à la grille Malgré vous en tirer ma fille, Lui donner un époux tout comme elle voudra, Et me faire une autre famille. Comment donc ? Qu'est-ce encor ? Que veut dire cela ? Le Monsieur Boniface est un fourbe fieffé. Je suis trompé partout, et tout me désespère, Contre tous tant qu'ils sont mon courroux va s'armer. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_MADAMEARGANTE *date_1699 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madameargante Comment donc, mon neveu, Apparemment ta cervelle s'évente ? Tu parles seul, es-tu fou ? Tais-toi, misérable, Je t'avertis que contre toi Il est d'un courroux effroyable. Oui, vraiment, et j'y suis aussi moi ? Car il m'a dit qu'il fallait que j'y fuse. Je ne voulais pas me fâcher : Mais il m'a si bien su prêcher, Qu'il a fallu qu'enfin je le voulusse. Çà, je viens donc te quereller. De quoi ? Tu n'es pas sage, Tu te jettes, dit-il, dans un fort mauvais train. Oui, toi. Comment, petit vilain, Aimer déjà les femmes à ton âge ! Entre nous, Je n'y vois pas moi grand dommage, Et ton père en devrait être moins étonné ; Car enfin autrefois lui-même il a donné Tout comme toi dans le libertinage ; À vingt ans le bon personnage N'était pas mieux morigéné. Taisez-vous, effronté. Il vous siérait bien, moi présente, D'oser dire de lui la moindre vérité ? C'est un homme que chacun vante, Et qui doit être fort vanté. Çà, votre sœur est-elle ici ? Voyez-y, Et qu'on me la fasse descendre, Il faut que je la gronde aussi, Je l'ai promis ; et l'on m'a fait entendre… Je suis bien irritée, et je vais… Bonjour, ma chère enfant ; viens çà que je t'embrasse : Je l'aime toujours, quoi qu'on fasse, Et mon courroux pour elle est d'abord adouci. Et moi donc ? Je ne suis parfaitement contente Que lorsque je me trouve entre vous deux ainsi. Hé bien, mes chers enfants, qu'est-ce que tout ceci ? Je viens de chapitrer ton frère, Et contre toi je suis bien en colère. C'est une chose affreuse. Non pas, l'affaire est sérieuse, Et je sais bien ce que j'en dois penser. Je m'y connais, ce sont des penchants de famille, On ne saurait résister à cela ; Et moi-même, quand j'étais fille, De temps en temps, par-ci, par-là, J'avais aussi ces penchants-là. À présent, Dieu merci, j'en suis bien corrigée, L'expérience m'a changée. Et dans le fond, il n'est ni bon, ni beau, Dès qu'on voit un godelureau, Sans consulter le choix d'un père, De s'en amouracher. Valère. Ah ! C'est donc là le nom de votre amant ? Est-il joli, ma nièce ? Tant mieux. Et ta maîtresse à toi ? Ces pauvres enfants ! Çà je veux les voir chez moi. Je le veux, que rien ne vous alarme. À vous rendre contents j'emploierai tous mes soins. Paix, dites-lui bien au moins Que j'ai fait un fort grand vacarme. Aussi fais-je, et je viens de leur laver la tête À tous les deux de belle façon. Demandez, demandez. Comment, un Séducteur, ma nièce ? Se laisser séduire ! Il parle avec justesse, Et ce qu'il vous dit là se pratique souvent ; Pour mieux faire oublier sa petite faiblesse, Il n'est rien tel que le Couvent, Il n'est rien que cela n'efface : Allez, j'en connais un où je vous mènerai. Oui, mon enfant. Oui, voilà ce que je lui dis ; C'est un petit insupportable. Vraiment vous prêchez bien, mon frère. Laissez-le dire. Voyons. C'est bien dit, faisons-lui quelque donation. Allons. Oui. Hé, de grâce, mon frère. Reprenons-les avec douceur. Chez moi, chez moi. J'adoucis la rudesse Qui me paraît dans votre compliment. Quels noms ? J'y vais, mon frère. Vous entendez sa résolution, Si vous ne cherchez à lui plaire, Je vous promets ma malédiction. Adieu, mes chers enfants, c'est pour lui faire accroire. Vous avez quelque chose à faire, Demeurez. Oui, je m'y rends incessamment. Adieu, mon frère. Non, jour de Dieu, je ne veux pas me taire. Pour vous de mon estime et de mon amitié Je rabats plus de la moitié. Cette aventure Sur quelque autre incident déssllera mes yeux ; Et je mettrai soin, je vous jure, À vous connaître encore dans la suite un peu mieux. C'est ce qui me paraît. Oui, d'accord, je ressens un peu d'émotion. Rien. C'est Madame Argante Qui me dit poliment que je suis un fripon. Mais, si je me hasarde À signer jamais rien avec certaines gens. Monsieur me voulait faire, Et tout cela, dit-il, à bonne intention, Aveuglément signer chez son Notaire, Au lieu d'un testament, une donation. Je ne veux point donner mon bien avant ma mort, Monsieur avait dans l'acte inséré cette clause. S'emparer de mon bien ! Vraiment je vous admire. Vous le faisiez sans m'en rien dire. De mon vivant c'était un fait réglé. Il n'en jouira pas encor sitôt, je pense. Ces vœux-là seront satisfaits. Ma nièce ! Que nous dis-tu là ? Ma pauvre nièce ! Oh bien moi de tout mon pouvoir, À ce dessein-là je m'oppose. Il faudra voir. Non, Monsieur, allez-y, Je saurai de ma part fort bien lui faire entendre… Chut. Adieu, Monsieur Harpin. Qui ne le serait pas ? On ne peut concevoir À quel excès je suis touchée. Il faut savoir. Je veux tout éclaircir avant que d'en parler : Mais pour toi je ne puis te rien dissimuler, Cet homme-là nous déshonore. Oui, lui. Tiens, lis, voilà, ma fille, Un billet qu'on me vient de rendre en ce moment. Lis, te dis-je. Il vient apparemment De quelque ami de la famille. Que dis-tu de cela, Finette ? Au contraire, vraiment. J'y vois beaucoup de vraisemblance, Il ne m'a jamais bien parlé de ses enfants. Pour la donation je manquerais de sens, Si je n'en sentais pas toute la conséquence. Avec cela pourtant j'étais sans défiance, Et ce billet, Finette, est venu fort à temps. Bouche close, au moins. Cet avis-là me vient de gens de probité. Tu sais bien la chose, Finette. Imprudemment ? Ce billet est fort sage. Assurément. Non, jamais. C'est un petit esprit qui tourne au moindre vent, Et je n'irais pas moi, si j'étais à sa place. J'en ai ouï parler. Fort bien, j'entends. De son dessein La crainte d'épouser ce Boniface est cause. Oh bien, je suis ferme en ce point, Dans le Couvent ma nièce n'ira point. Très volontiers, vraiment, Ce projet est fort bon, c'est le Ciel qui t'inspire. Et par même moyen, Finette, on pourrait faire Venir aussi chez moi cet autre Amant. Certain grand garçon qu'elle appelle Valère. Un peu. Je veux en tout faire enrager mon frère. Il verra… Allez, vous faites bien ma nièce. Ils ont tort ; car au fond vous en avez pour eux. Il en mourra. Oui, j'ai pour vous, ma nièce, un Couvent tout trouvé, Dont la directrice est d'un mérite éprouvé ? Je vous y mènerai moi-même. Hé bien, dès aujourd'hui ; vous n'avez qu'à parler. On tâchera de vous en consoler. Oui, vraiment. Oui, je ne tarderai pas, Et je reviendrai sur mes pas Tout aussitôt que je l'aurai conduite. Çà, ma nièce, embrassez votre père au plus vite. Enfin voilà l'affaire faite, Je viens d'exécuter votre commission. Que cette pauvre fille a de vocation ! Qu'elle se plaît dans la retraite ! Qu'est-ce, mon frère ? C'est mon neveu qu'ainsi vous désignez ? À présent je vois ce que vous faites, Et je l'ai reconnu d'abord aux épithètes ; Ce sera fort bien fait de le morigéner. C'est un dessein qu'on ne peut condamner. Quoi ? Oui, c'est bien dit. Lui, mon frère ? Avecque des voleurs mon neveu faufilé ! Ceux qui l'ont dit sont gens à pendre, Et pour les croire il faut avoir l'esprit troublé. Est-ce vol, dis ? À vous, mon frère ? Vous faites-là, Monsieur, un fort joli négoce. Qu'on les fasse entrer. Ah, ah ! Mon frère. Le grand mal ! Ils auront le mien. Rendez-nous seulement celui de feue leur mère, Et nous ne vous demandons rien. Oui, mon frère. Jusqu'au revoir, mon frère. Grâces au Ciel, mes enfants, l'injuste traitement Qu'il avait dessein de vous faire Tombe sur lui très justement. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_CLITANDRE *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Où trouverai-je ce faquin ? Ah ! Te voilà, Finette. Bonjour, ma chère enfant. N'as-tu point vu Merlin ? Ce maraud-là me met dans une peine… Il n'est point de valet, je crois, plus négligent. Je l'ai chargé de trouver de l'argent, Et de m'en apporter au jeu chez Dorimène ; J'en dois considérablement À des gens qui me persécutent… Est-ce ainsi qu'on me quitte ? Que je sache au moins où tu vas. Tu n'iras point à pied, j'ai ma chaise là-bas. Hé bien, maître faquin, d'où venez-vous ? Un autre Vous donnerait cent coups. Suis-je votre valet, Pour vous chercher ? Oh, finis, je te prie. Avons-nous de l'argent ? Et combien ? Deux cents francs ? Mais deux cents francs, Merlin ? Donne-moi l'or, et retourne porter Cet autre argent chez Dorimène, Je le dois à la bourse, et je veux m'acquitter. Pourquoi, donc ? Il n'est pas nouveau qu'on se méprenne. Comment ? Il manque six louis ? Pourquoi ? Dis donc. Maître fripon, l'affaire en était faite. Si je n'avais compté mon argent. M'en aurais-tu parlé ? Quel secret ? Hé, quelle ? Ah ! Je n'en veux rien savoir, De cette part que me peut-on apprendre Qui ne me mette au désespoir ? Tais-toi, te dis-je, et cours chez Dorimène. Que puis-je apprendre de mon père Qui ne révolte tous mes sens ? De quelle cruelle manière Il en use avec ses enfants ! Il retient le bien de ma mère Depuis près de cinq ou six ans : Son avarice insupportable Le fait en tout s'opposer à mes vœux ; Il cherche à me perdre en tous lieux : Sous le nom d'homme irréprochable, Il représente à tous les yeux Ma conduite si condamnable, Qu'à mes meilleurs amis je deviens odieux. Son humeur me rend malheureux, Et sa fausse vertu me fait trouver coupable. Encore si je pouvais… Non, ma tante, Mais vous me voyez dans l'attente De l'être devant qu'il soit peu. Mon père… Lui, ma tante ? Hé bien, ma tante, soit, vous n'avez qu'à parler. Mais de quoi, s'il vous plaît ? Moi, ma tante ? C'est donc là tout mon crime ? Hé bien, qu'y trouvez-vous De si condamnable ? C'est un étrange homme, ma tante, Et si je vous disais… Vous prenez son parti, c'est à moi de me rendre. Je ne sais pas, ma tante. La voici. Je l'adore ma tante, et vous donne ma foi Qu'elle est charmante, autant qu'elle m'est chère. Voici mon père. Avec cette douce manière, Quels chagrins nous prépare-t-on ? Mon père, de grâce, arrêtez : Votre discours m'outrage, m'assassine. Ah, Monsieur, supprimez. Avec respect, Monsieur, j'ai dû vous écouter ; Je l'ai fait, j'ai paru peut-être me confondre : Mais si vous permettez que je puisse répondre, Je suis prêt à le faire, et sans vous irriter. Premièrement, Monsieur, je ne désire Rien tant que de pouvoir un jour vous imiter : J'y trouverai pour moi beaucoup à profiter ; Et vous n'avez qu'à me prescrire Un revenu pour subsister, Quelque petit qu'il soit, je saurai m'y réduire. Pour éviter la dissipation Que je fais, dites-vous, du bien de feue ma mère, Donnez-nous-en la jouissance entière, Je saurai m'en servir avec discrétion. Mais, Monsieur, s'il vous plaît, Ne nous direz-vous point qu'elle est Madame Dorothée ? Hé bien, ma sœur, quelle est cette nouvelle histoire ? Notre père a-t-il perdu l'esprit Avec son Boniface, avec sa Dorothée ? L'autre quelque vieille édentée. De leurs noms seuls mon âme est irritée, Je frémis d'y penser. Il faudrait pourtant Voir quel biais on pourrait prendre… Votre Finette heureusement… Est d'humeur à tout entreprendre. Elle doit être ici dans un moment : Dans votre appartement, ma sœur, allons l'attendre. Non, cela ne peut être, Merlin. Quoi, mon père… Que vois-je ? Ô Ciel ! Mon père ! Madame Dorothée ! À quel dessein… Paix, tais-toi, misérable. Sans savoir à qui dans ces lieux On doit votre aimable présence, Madame, d'en jouir on se tient fort heureux. Madame ! Voilà, ma sœur, Madame Dorothée, Dont mon père tantôt nous a dit tant de bien. Hé, ma sœur ? Ma sœur, voilà l'objet charmant Qui m'inspire une ardeur si pure et si sincère. Comment donc, quel est ce mystère ? Pourquoi ce faux emportement ? Ma chère sœur, tu n'es pas maladroite ? J'exécuterai ta promesse Avec plaisir, et je prétends… Madame, quel étonnement ! Quel bonheur ! De vos bontés pour moi je connais la portée, Et je m'en souviendrai toujours, Modérez les transports de votre âme irritée. Vous changerez, Monsieur, d'idée et de discours, Quand vous verrez Madame Dorothée Elle-même à vos yeux me prêter son secours, Pour vous faire souscrire au bonheur de mes jours. De cet espoir mon ardeur s'est flattée. J'adore Madame, elle m'aime. Pour notre hymen donnez-nous votre voix, Vous ne pouvez pour moi désapprouver un choix Que vous aviez fait pour vous-même. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_ANGELIQUE *date_1699 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Ma chère Finette, je suis Dans le plus cruel des ennuis : Je sens une douleur mortelle. À tes conseils, il m'a fallu souscrire Avec précipitation, Malgré moi tu m'as fait mal à propos écrire. Ah, Finette ! Que je te hais, De me parler comme tu fais, Et que ta morale est ennuyeuse et sévère ! Il ne m'a point du tout paru Que mon père m'ait défendu Expressément de voir Valère ; Fort mal à propos tu l'as cru, Il ne l'a point nommé, je l'aurais entendu. Hé, souffre un peu que je me flatte, C'est un simple conseil, crois-moi, qu'il m'a donné. Il ne m'a point témoigné de colère, Aucun chagrin, aucun emportement, Et nous avons pris cette affaire Un peu trop sérieusement. J'ai fort mal fait d'écrire assurément. Ne crains rien, parle, je me propose De faire aveuglément tout ce que tu voudras : Dis vite. À quoi que je m'expose, Mon amant en sera la cause, Et je n'en murmurerai pas. Quoi ! Je le reverrais ? Ne te moques-tu point, Finette ? Et mon père… Tout de bon ? Mais je ne comprends pas comment : Nous le tromperons donc, Finette, apparemment ? Moi ? Point du tout, au contraire vraiment : Mais trompons-le si finement, Employons-y tant d'artifice, Que désormais sans trouble je jouisse Du plaisir de voir mon amant, Et que jamais ce plaisir ne finisse. Peut-on s'en ennuyer jamais ? Tu sais, Finette, que souvent… Et s'il va prendre cette feinte Pour un consentement, pour une vérité ? Qu'il m'y mette… Voici, je crois, Merlin, le valet de mon frère. Mais, Finette, dépêche-toi. Tout mon bonheur est en ta main. Que je sens de plaisir quand je vous vois, ma tante ! Quoi, ma tante ? Contre moi ! Ce discours me trouble et m'interdit. Et pourquoi donc ? Pourquoi ? Ton père me l'a dit. Vous vous mêlez d'être amoureuse, Petite folle ? Moi ? Vous cherchez à m'embarrasser, Ou vous raillez. Mais ce n'est point vraiment Un Godelureau que Valère. Assurément, Ma tante, il a tout ce qu'il faut pour plaire. Ma tante ? Quelle confusion, mon père ? J'entends, mais rien ne presse. Quand le Ciel versera ce dessein dans mon cœur, Mon père… Je compte fort, quand je vous en prierai, Que vous me ferez cette grâce. Moi ? Je ne sais. Monsieur Boniface est quelque vieux décrépit. Qu'il veut nous faire épouser par dépit. Je vous en offre autant. Mais, que faire ? Sans doute. Nul mérite, je crois, n'est comparable au sien, Mon père ne l'a point flattée. Lui, mon père ? C'est sans doute, un joli personnage. Ah, Ciel ! Comme le voilà fait ! Qu'il est laid Dans cet habit, Finette ! Rien, mon père. Hé bien, d'un espoir décevant Puisque votre ardeur s'est flattée, Soyez sûr que pour vous ma haine est augmentée. Je vous méprise plus cent fois qu'auparavant : Contre vous je suis irritée À tel excès, que ne pouvant Suivre en tout la fureur dont je suis agitée, Je ferai bien connaître qu'assez souvent Une fille persécutée… Laissez-moi, mon frère, Je suis dans un tel désespoir… J'ai tort de m'emporter devant vous. Mais, mon père… Il n'est rien que je ne préfère Au cruel sort… Mon frère voilà cet Amant Qu'on me défend de voir, Valère. Je suis les conseils de Finette. Oh çà, Finette, avant Que de témoigner à mon père Ce dessein d'aller au Couvent, Instruis-moi bien de tout ce qu'il faut faire. Je suis si timide à parler, Surtout quand il faut que je mente, Si novice à dissimuler. Dis-moi comment ? Tu crois, Finette… Oui, mon père. Vous m'avez fait espérer, ma tante… À vos douleurs, mon père, imposez le silence, Elles ébranlent ma constance. Mon cœur avec regret contre elles se défend. Mon retour ne doit point vous causer de surprises, Vous revoyez une fille soumise À suivre aveuglément vos lois. Entre Monsieur et le Couvent, mon père, Vous m'avez commandé tantôt de faire un choix, Et c'est Monsieur que je préfère. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_VALERE *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_valere Moi, Finette, ce que je demande ? Quoi ? Qu'est-ce qu'il faut que j'appréhende ? Je le reçois dans ce moment ; Et plein de ma douleur extrême Je viens savoir d'Angélique elle-même, Par où j'ai mérité ce cruel traitement. A-t-elle bien pu se résoudre À me défendre ainsi de paraître à ses yeux ? Est-ce quelque rival qui me rend odieux ? Pour mon amour quel coup de foudre ? Hé de quel ton, dis-moi, veux-tu que je le prenne ? Si je l'ai lu ? Ah ! Tu me redonnes la vie ! Mais, dis, Finette, je te prie, Par où Monsieur Harpin peut-il avoir appris… Hélas, que je suis malheureux ! Quand je me promets tout des bontés d'Angélique, Son père met un obstacle à mes vœux, Il ne me connaît point, et me devient contraire. Mais, de sa fille enfin, qu'est-ce qu'il prétend faire ? Il ne craint point son désespoir ? Ce que tu me dis là me paraît incroyable. Quoi, cet homme si vénérable, Qu'à ses manières, à son air, Tout Paris croit si raisonnable ? Ah Finette ! Je le crois. Quoi ? Serait-il possible, Finette ? Ah ! Qu'à cela ne tienne. Comment, un air évaporé ? Finette ? Mais, pourquoi ce déguisement ? Je m'abandonne À ta conduite ; et le flatteur espoir Que ta vivacité me donne De revenir ici, de voir, De posséder un jour la charmante personne Qui fait toute ma passion, M'engage sans réflexion Dans tout ce que ton zèle en ma faveur ordonne. Ah, Monsieur, que je suis heureux Si vous approuvez mon audace ! Votre charmante fille a rebuté mes vœux. Pour me rendre aimable à ses yeux, Il n'est rien dès longtemps que mon amour ne fasse. Je suis partout ses pas, je la cherche en tous lieux, Et ma présence en tous lieux l'embarrasse : Plus je fais éclater mes feux, Plus son cœur est pour moi de glace. Finette, Monsieur, m'a flatté Que vous aviez pour moi quelque bonté ; Qu'un peu sensible au feu qui me dévore, Vous m'unirez à l'objet que j'adore. En ma faveur déterminez son choix, Par un ordre absolu forcez sa résistance. Quel transport ! Quelle joie ! Hé, que puis-je vous dire ? Finette. Il me paraît que ce monsieur Harpin Est homme soupçonneux et fin ; Et si de ses discours je suis bon interprète, Assurément notre dessein N'aura pas une bonne fin. Pour m'en convaincre, au moins, fais-moi voir Angélique. Un moment d'entretien. Est-elle instruite du moyen Dont nous nous servons ? Quoi, sans l'avoir entretenue, Sans même avoir joui du plaisir de sa vue, Deux fois ici je serai donc venu, Et je n'aurai pas obtenu ? Tu me fais un chagrin extrême. Mais, permettez-moi… À vos ordres, Monsieur, je me rends en ces lieux, Et j'attendais avec impatience L'heureux moment d'y paraître à vos yeux. De cet accueil, Monsieur, je ne suis point surpris, Et je connais qu'en vain je m'efforce de plaire ; Mademoiselle croit pouvoir par ses mépris Me rebuter mieux que par sa colère : Mais l'ardeur dont je suis épris, N'est point une flamme vulgaire. On se lasse d'être soumis Lorsque l'on a l'aveu d'un père, Et vous m'avez tantôt promis Que de mes feux j'obtiendrais le salaire. Pour moi, Monsieur, j'ai le sort si contraire Que je vais… Tu peux, Finette, à ma reconnaissance Prescrire telle récompense… De sa haine, Monsieur, enfin, j'ai triomphé. Non, Monsieur, mais je suis Valère. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_CLIMENE *date_1699 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_climene Je ne mérite pas un pareil compliment : Mais, Finette est galante et bonne. Vous me faites ici jouer un personnage Qui ne me convient nullement : Mais le plaisir de voir tranquillement, Et sans qu'un père en ait ombrage, Même en sa présence, un amant Que je chéris, qui m'aime tendrement, À ce que vous voulez m'engage. J'en sortirai pourtant, je crois, mal aisément ? On ne fait pas bien la prude à mon âge. Il est vrai, j'en conviens. J'ai cru, Monsieur, ne pouvoir mieux me rendre Digne de toutes vos bontés, Qu'en venant en ces lieux moi-même les apprendre, Comme on m'a dit que vous le souhaitez. Un pareil compliment me rend toute interdite ; Croyez, Monsieur, que ce n'est pas le bien Qui rend sensible un cœur comme le mien, Je le donne tout au mérite. Je regarde votre alliance Comme le plus parfait bonheur… C'est un faible bien excusable. J'envisage Monsieur Harpin, Moins comme époux que comme père. Madame m'a fait espérer L'honneur de saluer votre charmante fille, Je souffre à le voir différer. Monsieur aurait un fils ? Lui ; Monsieur ? Au contraire. Hélas ! Sans l'avoir vu, Déjà pour lui mon cœur se détermine. Madame ? Ah, juste Ciel ! La fureur me domine. Clitandre en aime une autre. C'est moi ? Je tremble. Quel père ! Il perdra ce pauvre garçon. Monsieur, je ne suis point surprise Du trouble qui vous a si longtemps retenu, Il n'est rien qui ne l'autorise : Trouver dans ce logis un visage inconnu… La crainte est mal fondée, Monsieur, ce n'est pas mon dessein De rien faire qui pût vous donner du chagrin, De tout autre désir mon âme est possédée ; Et dans mes vœux, si je suis secondée, Vous pouvez être sûr du plus heureux destin. C'est un point Déjà réglé : mais on m'a fait entendre Qu'il fallait quelque temps tenir nos feux cachés. Je dois un si doux compliment À notre première entrevue : Je crains, quand vous m'aurez connue, Que vous ne jugiez pas si favorablement ; Et je vais m'attacher, Madame, uniquement À mériter qu'un pareil sentiment, Tant que je vivrai, continue. Cent louis ? Non, Monsieur, je m'en suis trop hautement vantée, Et je n'y ferai pas un inutile effort. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_FINETTE *date_1699 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_finette Que de chagrins pour nos jeunes Amants ! Que les enfants sont misérables, Dont les pères déraisonnables Regardent tout à contresens, Et trouvent toujours condamnables Les plus simples amusements ! Madame Brichonne, bonjour. D'amour ? Non, j'y suis peu sujette, Et c'est là mon moindre souci. Mais comment vous en va ? Qui vous amène ici ? Y ménageriez-vous quelque affaire secrète ? Mystère ! À moi ? Vous savez bien Dans ses secrets quelle part il me donne ; Mais, faites, Madame Brichonne, Comme si je n'en savais rien. Si fait : mais je soupçonne Qu'il ne s'en est pas bien expliqué tout à fait ; Il m'a tu quelque circonstance, Je voudrais bien savoir pour quel sujet ; Et si la chose est en effet Comme il m'en a fait confidence. Oui, qu'il prétend… Il vous l'a dit de même, Apparemment ? Vous y voilà. Comment, vous ? Ah, le petit dissimulé ! C'est de cela qu'il ne m'a point parlé. Belle demande ! Il fait un fort bon choix ; Et pourvu qu'à ses vœux cette fille réponde… Ah, oui, d'accord je la connais : Mais fille ou veuve, quelquefois C'est même chose dans le monde ; On s'y trompe aisément. Cette veuve a du bien. Ah, ah, Climène ! Elle n'a rien, Mais pour cacher qu'il fait une mauvaise affaire, Monsieur Harpin, à moi, m'a dit tout le contraire. Non ! Mais vous pouvez, si vous voulez l'attendre… Des diamants ? Ah ! Comme cela brille ! Quel éclat ! À crédit ? C'est donner. Mais, Madame Brichonne, Ce marché-là s'est fait aussi sous votre nom ? Car vous avez l'âme bonne ; Vous le prêtez volontiers. On le voit bien. Le public vous doit trop, Madame. C'est avoir l'âme et charitable et tendre, Que d'obliger les jeunes gens ainsi. Pour s'emparer du bien d'autrui La bonne Dame fait une admirable route ; En la suivant, Monsieur Harpin sans doute, Malgré l'exemple d'aujourd'hui, Aurait tort si jamais il faisait banqueroute. Que demandez-vous, Monsieur ? C'est vous ? Que ma surprise est grande ! Vous n'appréhendez pas de paraître ici ? Le courroux de Monsieur Harpin, Moins pour vous, il est vrai, que pour votre maîtresse, Vous avez dû recevoir ce matin Certain billet, où de ma blanche main J'ai, de peur d'accident, moi-même mis l'adresse. Ouais, vous le prenez-là d'un ton bien sérieux ! Je vais vous l'expliquer. Avez-vous pris la peine De lire le billet de l'un à l'autre bout ? Cela ne paraît point du tout : Car enfin en phrase très claire, Angélique vous fait savoir. Que c'est un ordre de son père Qui l'oblige à ne vous plus voir. Écrire ainsi, n'est-ce pas faire Entendre à son heureux Amant, Quand il a de l'entendement, Qu'on souffre autant que lui d'un ordre si sévère ? N'est-ce pas dire, attendons quelques jours, Prenons pour quelque temps le parti du mystère, Et puis sur nouveaux frais nous nous verrons toujours ? Avec juste raison vous en êtes surpris, Et comme vous j'en ai l'esprit malade : Car enfin, vous n'êtes venu Qu'en son absence ici ; nous ne vous avons vu Que les soirs à la promenade ; Il faut que votre nom lui soit même inconnu : Il l'est du moindre domestique, Et cependant… Savez-vous le nœud de l'affaire ? Le père sait que vous plaisez, Et c'est là de quoi lui déplaire. Oh dame, la fille et le père Ont des goûts fort opposés. Je ne sais, son dessein n'est pas de la pourvoir : Il feint pourtant de le vouloir ; Et pour y réussir, c'est sa grande manière Que d'écarter, autant qu'il est en son pouvoir, Les partis les plus convenables, Et de prendre grand soin de ne lui faire voir Que des maris désagréables. Tout au contraire, il le souhaite. Heureux, s'il peut ainsi lui faire concevoir Un certain goût pour la retraite, Qu'il voudrait qu'elle pût avoir. Paris voit trouble, et je vois clair. Depuis longtemps je l'étudie ; Je vous le peindrais trait pour trait, Et je n'ai trouvé dans son fait Que grimace et que perfidie. Monsieur, c'est le plus faux mortel : Aussi, par un excès de fausse complaisance, J'ai su gagner sa confiance. J'ai le plus heureux naturel Pour fourber qui me fourbe ; il n'est ma foi rien tel. Et lorsque nous voulons nous en mêler, nous sommes, Nous autres femmes, grâce au Ciel, Plus fausses que les plus faux hommes. À propos d'être fausse, attendez, Ne pourrions-nous pas ? Oui da, c'est une idée, Qui, pour peu que d'ailleurs elle fût secondée, Vous ferait obtenir ce que vous prétendez. Si vous voulez, c'est une affaire faite. Seriez-vous d'humeur à quitter Votre air de Cour ? Vous sentez-vous capable d'affecter Un air bourgeois, un air à la Parisienne ? Non, un air sage et modéré, Là, qui vous fasse méconnaître. Sans courroux : il faut vous habiller, Non pas comme un faux petit-maître, Mais en notable marguiller, Échevin postulant, apprentif Conseiller ; Et surtout tâcher de paraître, Non, comme ils sont, mais comme ils devraient être. Vous le saurez ; allez le prendre, Et venez ici seulement, Ou me demander, ou m'attendre. Si vous me demandez, que ce soit, s'il vous plaît, De la part de quelqu'un de ces fameux Notaires, Distingués parmi leurs Confrères Pour prêter à gros intérêt. J'ai mes raisons. Jusqu'au revoir. Je vais m'embarrasser Dans une affaire un peu scabreuse : Mais le seul plaisir de penser Qu'on peut mener à bien une intrigue amoureuse, Engage une âme généreuse ; Et quoique toute jeune, et novice en ceci, Je me tirerais, Dieu merci, D'entreprise plus épineuse. Je le crois bien vraiment, et l'épreuve est cruelle, De congédier un Amant Que l'on aime si tendrement. J'ai pris trop de précaution, Il est vrai ; vous pouviez fort aisément remettre À la première occasion, Tout le discours que vous avez pu mettre Dans ce billet ; la conversation Fait plus de plaisir qu'une lettre. Mais avec tout cela, je vous suis caution Que dans la situation Où maintenant est votre affaire, Vous ne sauriez assurément mieux faire, Malgré l'excès de votre passion, Que d'affecter beaucoup d'attention À marquer en toute manière Une prompte soumission Aux volontés de votre père. Oui, j'ai tort, c'est une chimère ; Et comme il ne sait pas le nom de votre amant, Votre père n'a pu parler expressément. La pensée est fort délicate ! Mort de ma vie, il l'a si juste désigné, Qu'à son nom près, je crois qu'il a tout deviné. Je sais, si vous voulez, un remède à la chose : Mais… La pauvre enfant ! En la voyant si tendre, Je sens mon cœur prêt à se fendre. Allez, vous le reverrez. Oui, je prends cela sur moi. Il l'approuvera. Tout de bon, même il vous en priera. Votre félicité pour lors sera parfaite. Oui, c'est ainsi que je le pense. Voyez, y sentez-vous la moindre répugnance ? Laissez faire, malgré l'amour Qui vous tient aujourd'hui si fortement liée, Vous le verrez tant quelque jour Que vous en serez ennuyée. On le dit, je n'en sais rien. Mais Pour réussir ici, ce que je vous demande, Et c'est cela que j'exige sur tout, Quoi que ce soit que vous commande Monsieur Harpin, approuvez tout : La complaisance n'est pas grande. Oui, c'est sa fureur dominante De vous mettre dans un Couvent ; Il faut en paraître contente, Feignez d'y consentir avec tranquillité. De ce côté N'ayez, de grâce, aucune crainte, Tout ira bien. Il vient à propos, laissez-moi. Tout ira bien, vous dis-je, allez et laissez faire. Que de discours ! Adieu. Bonjour, Monsieur Merlin. Comment gouvernez-vous le vin ? Votre maître ? On ne le voit guères : Qui l'occupe ? Certes, ton maître a le cœur grand, Et c'est un fort joli jeune homme. Depuis un temps on vous y voit si peu, Qu'on doit juger qu'apparemment la bourse… Là, là : pourquoi ? Contre Monsieur Harpin ? Touche, cela vaut fait ; Et pour te mieux marquer mon zèle Pour le parti, je vais t'apprendre une nouvelle. Mais, sais-tu garder un secret ? Sans doute. Fort bien. Non. C'est fort bien fait. Fort bien : mais si tu continues, Merlin, de ta discrétion, Tu t'en vas me donner mauvaise opinion. On le voit. Le voici. De Monsieur Harpin Connais-tu bien à fond le parfait caractère ? Tu le connais. Et de ton maître Parle-moi franchement, que m'en diras-tu ? Nous te démasquerons, vainement tu te caches, Vieux ladre. Voilà donc, Merlin, ce que tu sais ? Oh bien, ce n'en est pas assez. Voici ce qu'il faut que tu saches. Monsieur Harpin est amoureux. Il l'est à la sourdine. Oui, lui. Devine Quelle heureuse mortelle est l'objet de ses vœux ? Voyons un peu. Qui ? Moi ? Oui da. Non c'est Climène. Son père aussi. À ton maître elle a craint de faire de la peine ; Il faut qu'apparemment cette peur la retienne, Ou que dans ses ardeurs, le vieillard modéré, Ne se soit pas encor tout à fait déclaré. Quoi qu'il en soit, Climène a bien fait de s'en taire, Et je trouve à propos que cet amour du père, Soit par le fils encor quelque temps ignoré. C'est un petit évaporé, Qui dans sa fureur pourrait faire Quelque coup de désespéré. Motus, au moins. Pour moi, j'aurai soin de conduire Ses affaires à bien, ou je ne le pourrai. Toi, prends garde de ne rien dire, Que lorsque je t'en avertirai. Tant pis. Dans le fonds, c'est un bon garçon : Mais quelquefois il aime à rire. Votre Dame Brichonne est venue ici. Dans une heure, je crois, Monsieur. Mademoiselle Votre fille est fort chagrine d'avoir Ordre de vous, de ne plus voir Ce jeune adolescent que nous croyons qu'elle aime ; Et si l'on pouvait plus avant Faire aller son dépit, quoiqu'il paraisse extrême, Je gagerais que d'elle-même Elle prendrait bientôt le parti du Couvent. À coup sûr, Monsieur. Laissez-moi rêver à cela. Je me charge de cette affaire. Moi-même, et vraiment… attendez… m'y voilà. Je vous la garantis dès aujourd'hui Novice : Mais y donnerez-vous votre consentement ? Vous. Le voici. Son chagrin vient naturellement De ce qu'il faut qu'elle bannisse Ce jeune Cavalier qu'elle aime éperdument ? Et je voudrais qu'en ce moment, Pour irriter son amoureux caprice, Vous parussiez vouloir lui faire absolument Épouser… là… quelque autre Amant, Mais quelque Amant qu'elle haïsse. Comment ? Il paraîtrait trop d'injustice À la vouloir ainsi pourvoir bizarrement ; Il a quatre-vingt ans, Monsieur. Plus finement Cachons de vos desseins l'innocent artifice. Ce Banquier Suisse est laid terriblement, Ce serait exiger un trop grand sacrifice. C'est prétendre très sagement : Mais il faut ménager la chose adroitement, Si l'on veut qu'elle réussisse. Voulez-vous vous en fier à moi ? Vous le pouvez en assurance. Proposez-lui quelque homme de finance, Ou de Palais, je vous donne ma foi, Quelque joli qu'il soit, qu'il n'en est point en France Qu'elle acceptât, fût-il riche comme le Roi ; C'est une aversion qui n'est pas concevable. J'en sais un dont j'ai parfois pitié, Il est de Robe, il a pour elle une amitié… Elle le hait, cela n'est pas croyable, C'est là ce qu'il faudrait, Monsieur, lui proposer, Le parti paraîtrait sortable ; Et comme pour le refuser Elle n'aurait point de raison valable, Vous auriez droit de la tyranniser ; Et du Couvent le retraite honorable, Lui paraîtrait à coup sûr préférable Au désespoir de l'épouser. Beau sujet d'embarras ? Il ne changera point, Monsieur ; mais en tout cas Du dénouement n'êtes-vous pas le maître ? C'est une affaire toute prête. Voici, Monsieur, cet Amant langoureux, Qui devant vous a trouvé grâce. Venez, Monsieur le Boniface. Monsieur ? Hé, fi donc, ne dites pas cela Il faut voir comme elle le traite. Hé non, Monsieur, c'est sa planète… Vous allez voir comment elle le recevra. Le Couvent à coup sûr aura la préférence. Si vous voulez je vais conduire Monsieur à son appartement, Et je prendrai soin de l'instruire De vos desseins. Monsieur ? Vous êtes un mauvais Prophète ; Quelque chose que je projette, Jamais je ne travaille en vain. La peste ! Gardons-nous-en bien, Ce serait justement un secret spécifique Pour tout gâter. Non, Monsieur, il n'en sera rien, Vous perdez votre rhétorique. Non. La belle politique ! Monsieur Harpin lui parlera de vous Sous le beau nom de Monsieur Boniface, Et je prétends que ce nom l'embarrasse Assez pour la mettre en courroux : Qu'attentif à sa contenance Comme un Lieutenant Criminel, Monsieur Harpin ne prenne aucune défiance D'un mouvement qui, comme je le pense, Lui semblera fort naturel. Vous obtiendrez à la troisième Tout ce que vous souhaiterez. Je le crois bien : mais vous vous en irez. Néant. Allons, tirez, tirez. Cela tournera bien ; et je suis, je vous jure, Pour bien conduire un projet amoureux, Une admirable créature. Ce n'est pas tout encor, je veux À la fois en conduire deux, Tromper Monsieur Harpin dans plus d'une aventure, Et malgré qu'il en ait, rendre son fils heureux. Intéressons-la, Madame Brichonne, J'ai sur elle assez de crédit. Voyons Climène, et mettons à profit Les talents que le Ciel nous donne. Allons… Mais voici justement L'heureux mortel pour qui je m'intéresse. Pour quelque temps encor cachons-lui prudemment Que son père aime sa maîtresse. Il est rêveur. Pardonnez-moi, Monsieur : mais il a fait retraite, Pour n'essuyer pas le chagrin D'avoir du bruit avec Monsieur Harpin. Les ordres d'en trouver se donnent aisément, Mal aisément ils s'exécutent. Mais je l'entends, c'est lui, ne vous chagrinez pas. Adieu, Monsieur. Rendre une petite visite, Et je reviendrai sur mes pas. Ah ! Je crains trop la médisance. Jusqu'au revoir, Monsieur. Au moins, Merlin, silence. Oui, Madame Brichonne, et vous pouvez jugez Qu'outre le plaisir d'obliger De jeunes gens pleins de reconnaissance, Et celui de faire enrager Un vieux fou qui vient déranger Leur amoureuse intelligence, Ce qui m'a fait à ceci m'engager, C'est l'espoir d'une récompense, Qu'avecque vous en conscience Je vous jure de partager. Vous aurez lieu d'être contente, Et c'est moi qui vous le promets. Cela se voit, la chose est claire. Je vous réponds de cent louis. Et cela seulement pour vous taire : Vous n'aurez qu'à me laisser faire. Les bonnes personnes Que sont ces Madames Brichonnes ! Premièrement, vous devez aujourd'hui Faire venir Climène au logis. Monsieur Harpin croira qu'elle y viendra pour lui. C'est lui qui veut qu'elle s'habille, Comme j'ai vu, très modestement. Vous jugez bien que c'est ce qui l'engage À jouer sans scrupule un pareil personnage. C'est un hasard dont vous profiterez. Et vous pouvez le faire à notre vieux Satyre. Valoir tout ce que vous voudrez. Il est ici, marchez, courez Avec empressement lui dire… Le voilà. Dès que vous aurez fait, hâtez-vous d'aller prendre Climène, et l'amener. Moi, je vais vous attendre. Hé bien, Merlin, notre secret ? Tu brûles de l'aller répandre. N'en as-tu point déjà parlé ? Fort bien. Il est là-haut avec sa sœur, Je te permets d'aller lui dire, Et je t'ai réservé ce plaisir. Ah ! C'est vous, Madame Brichonne. Voilà ce qui s'appelle une belle personne ! Dans un si simple ajustement, Sans les secours que la parure donne, Briller avec tant d'agrément ! À vous aimer un cœur qui s'abandonne Se fait par qui vous voit excuser aisément. Envoyez-nous d'abord le jeune. Dans cet habit vous avez l'air charmant. Il n'est personne, assurément, Qui soit faite comme vous l'êtes. Vingt prudes comme vous, à Paris, seulement, Ruineraient bien des coquettes. Vous moquez-vous ? Nous vivons dans un temps Où la mode en devient fréquente. Dans les saisons parmi les gens Tout se dérègle et se transplante. On voit des prudes de vingt ans, Et des coquettes de soixante. Voici votre amoureux. J'y vais, Monsieur. Voici Mademoiselle Angélique. Fort bien. Vous voyez qu'elle enrage. C'est notre homme. Tenez, Monsieur, son petit cœur projette En secret de se rebeller. Au moins, suivez sans vous troubler, La leçon que je vous ai faite. Préparez-vous. Vous n'y songez donc pas ? Hé, paix. Bon, la voilà qui prend le parti du Couvent. Le bon père ! Est-il parti ? Vous saurez le nœud de l'affaire : Mais travaillons au dénouement. Il faut les suivre jusqu'au bout, Et moyennant cela, je vous réponds de tout. Approchez, Madame Brichonne. Premièrement, Monsieur, je vous ordonne À cette femme-là, d'assurer cent louis. Je les ai promis. C'est par notre commune adresse Que vous voyez ici votre Maîtresse ; Et par nos soins réitérés Aujourd'hui vous l'épouserez. Allons, ne perdons point de temps. J'agis désintéressement. Faites trêve à toutes vos surprises. Allons ensemble au jardin faire un tour ; Et là, vous vous direz les plus tendres sottises Que pourra vous fournir l'amour. A-t-on rendu notre billet À la tante chez le Notaire. Mais l'a-t-on donné de manière… Le moyen ? Outre l'écriture Difficile à connaître, il est sans signature. Mais trouves-tu que je promette… Hem ! Nos projets sont réglés. Adieu. Que chez sa tante Ton maître avec Valère ait soin de se trouver ; Je veux qu'à leurs désirs elle-même consente, Et qu'elle contribue à nous faire achever Tout ce qu'en leur faveur je tente. En peu de temps l'amour rend bien savante. C'est pour vous divertir : Être fille amoureuse, et demander à d'autres Des instructions pour mentir ! Hé, fi donc, j'en prendrais des vôtres. Allez dans votre appartement Un seul moment rêver à cette affaire, Et cela vous viendra tout naturellement. Laissez-moi, voici justement Votre tante avec votre père. Bon ! Serait-ce déjà que le billet opère ? Ce début n'est pas mal. Bon. Qu'avez-vous, Madame ? Il paraît entre vous quelque altercation, Qui de tous deux agite l'âme. Que serait-ce, Monsieur ? Un fripon ! Madame est assez pénétrante Pour… Je vous demande pardon, Se pourrait-il, Madame… Vous auriez tort. Comment ? Ah, Monsieur ! S'il est ainsi vous avez tort ; Pourquoi ne vouloir pas toujours la même chose ? La bonté de Monsieur ne vous est pas connue, Toues les fois qu'il m'a de vous entretenue, Il n'a jamais parlé que de succession ; En conscience, il n'a point d'autre vue. C'est son unique passion. Nous vous en donnerons fort volontiers quittance. Monsieur a-t-il besoin de tant de bien ? Voilà Mademoiselle Angélique déjà Qui prétend renoncer au monde. Je vous dis le dessein qu'elle a, Sur l'espoir du Couvent tout son bonheur se fonde. À ses projets pour peu que la suite réponde, Nous ne la verrons plus désormais qu'au Parloir. C'est moi, Monsieur, qui vais être la cause Des déplaisirs que vous allez avoir, J'en ai l'âme si tourmentée… Non pas, Monsieur, tout le monde est sorti : Et contre ce Monsieur Boniface animée, Du Couvent tout d'abord elle a pris le parti, Puis seule dans sa chambre elle s'est enfermée. Laissez-là, je vais par mes raisons Diminuer les faux soupçons, Qui contre vous elle a pu prendre. Mais sérieusement, vous me semblez fâchée. Quoi donc, Madame ? Soupçonnez-vous quelque autre chose encore ? Lui, Madame ? Vous me faites trembler, Et comment donc ? Un billet ? Avec Monsieur votre beau-frère, Madame, gardez-vous de vous trop engager, Vous le devez envisager Comme un ennemi de la famille entière. Son but est d'enfermer son fils, De mettre incessamment sa fille dans un Cloître, De s'emparer, à quelque prix Qu'il en coûte, du bien qu'il pourra vous connaître. Je ne sais point s'il n'a pas épousé Une fort aimable personne, Qui va chez lui sous un nom supposé. Profitez des avis que mon zèle vous donne. Vous saurez qui je suis, Madame, en temps et lieu. Je vous baise les mains de tout mon cœur. Adieu Dans le monde Il est ma foi de bien méchantes gens. Que la malice abonde, Et que je trouve moi, de noirceur là-dedans ! Quel bonheur ! Je me sais taire. Oui, dans le fond c'est un bon caractère : Mais avant tout cela j'ai bien meilleur esprit, En cent ans moi, je n'en aurais rien dit. Oui. Ce billet contient un fidèle récit, Tout est fort vrai : mais je regrette Que l'on vous l'ait imprudemment écrit. D'accord : mais mettre ainsi de la division ? Voilà dans votre esprit, je gage, Monsieur Harpin perdu de réputation. Pauvre homme ! Il le mérite bien. À compter d'aujourd'hui, Vous ne prendrez jamais de confiance en lui ? Vous avez raison, et voilà comme Si j'étais vous j'en userais, Mais avec cela je voudrais Approfondir encor l'affaire davantage : Par exemple, voilà votre nièce ; elle enrage, Entre nous, d'aller au Couvent. Voulez-vous qu'elle épouse un Monsieur Boniface ? Un vilain, Dont le mauvais Monsieur Harpin, À chaque moment la menace ? Voilà le fait. Si vous vouliez nous ferions une chose ; Elle feindrait toujours qu'elle y voudrait aller, Vous, vous vous chargeriez du soin de la conduire ; Monsieur Harpin, sans reculer Ne manquera pas de souscrire, Et vous la conduirez chez vous dans ce moment, Où pendant quelques jours… Je ne perds pas le jugement. Qui ? Vous le savez ? Hé bien, oui, justement. Paix, le voici, taisons-nous. Elle a pris tout le monde en haine. Ah ! Madame, Monsieur ne sent pas bien encore Tous les chagrins que cela lui fera. Vous verrez. J'ai proposé la chose, et vous serez contente. Le bon naturel ! Vous ne l'auriez pas cru, Madame ? Ni moi, cela me perce l'âme. Ah, mon pauvre garçon ! L'amour de la retraite Va causer bien du trouble ici. Courage, Monsieur, que le cœur se débonde. Ne le vois-tu pas ? Dans le monde Mademoiselle se déplaît, Au Couvent pour toujours elle veut s'aller mettre. Oui, tout de bon. La réflexion est fort belle. Allons, suspendez-en tout au moins le dessein. Ne faites donc pas voir, Monsieur, tant de chagrin. Leur constance m'étonne. Ce garçon-là, Monsieur, a le cœur tendre. Oh, Monsieur est trop bon. Ses enfants font toujours ce qu'ils veulent faire. Pour cela, non Vous êtes bien le meilleur père… À toi, Merlin ? On ne peut trop se récrier. C'est pour votre intérêt, une nécessité. Oui, ne voulez-vous pas mettre La raison de votre côté ? Elle se fait assez paraître, Et je crois, moi, qu'on peut en toute sûreté Confier cette affaire à sa fidélité. Oui, Monsieur, je l'avertirai Que bientôt, Dieu merci, nous ferons maison nette. Par cette fausse confidence Que prétends-tu ? Ne va pas nous jeter dans quelque impertinence. Merlin, Monsieur, vient de m'envoyer dire Qu'il savait à peu près l'endroit Où cette galante personne, Qu'aime Monsieur votre fils, demeurait. Il m'a fait avertir de vous instruire aussi Qu'elle-même aujourd'hui viendrait peut-être ici. Pour vous sauver la peine D'aller chez elle, elle voudrait, Et sous tel nom qu'il vous plairait, Venir chez vous comme Climène. C'est votre maîtresse, à ce que chacun croit ; Et Monsieur votre fils prétend qu'il est en droit De faire à la maison venir aussi la sienne. S'il faut prendre parti, Monsieur, je suis du vôtre ; Et lorsque je m'en veux mêler, Sans trop de vanité, je vaux autant qu'un autre, Comptez sur moi, vous n'avez qu'à parler. Voici Merlin qu'en hâte ici je vous amène Pour vous dire, Monsieur… Écrivez, monsieur Vilain. D'accord. Écrivez, Monsieur Vilain. Vous n'irez pas bien loin, Monsieur, car la voilà. De cet exemple-ci faites un bon usage, Profitez de sa honte, et de son châtiment. Quiconque veut prêcher aux autres d'être sage, Doit commencer par vivre sagement. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_MERLIN *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_merlin Serviteur, charmante Finette. Fort négligemment, je fais diète, Et je n'ai déjeuné que deux fois ce matin. L'Amour, le jeu, la bonne chère, Nos exercices d'ordinaire. Tous les jours assez tard il s'éveille en jurant, D'avoir, dit-il, le sort à ses vœux fort contraire. Il sort du lit, s'habille en murmurant Le plus souvent contre Monsieur son père ; Puis par le petit escalier, Fort discrètement il détale, Pour éviter maint créancier, Que j'amuse, moi, dans la salle. Il arrive fort échauffé Vers le Palais Royal, il prend une chaise Sans besoin, pour courir Paris plus à son aise. Nous nous rejoignons au Café ; Et le reste de la journée, C'est-à-dire, l'après-midi, Qui quelquefois pour lui n'est pas l'après-dînée, Toujours avec la chaise il court en étourdi, Tantôt au lansquenet, tantôt chez sa maîtresse, Qu'en tout honneur pourtant il aime avec tendresse. Parfois nous visitons de fort honnêtes gens, Des Usuriers, de gros Marchands Des Sous-fermiers, ou d'obligeants Notaires, Qui dans les pressantes affaires, Ont un merveilleux entregent, Pour faire trouver de l'argent Aux jeunes gens qui n'en ont guères ; Nous partageons avec eux comme frères, Moitié par moitié, oui, c'est là le prix courant, Cela se fait sans bruit ; et comme Mon maître est fort généreux, il se rend Par bon contrat toujours garant, De payer seul toute la somme. N'est-il pas vrai ? C'est le train du jour. Pour l'emploi Du soir, c'est le jeu qui décide, Et nous soupons, comme le sort nous guide, Fort bien au cabaret, quand nous avons de quoi, Fort mal à la maison, quand notre bourse est vide. Cela va bien aller, nous avons fait ressource Chez l'Usurier ; et sans le jeu, Nous serions bien plus à notre aise. Mais toi, dis-moi, par parenthèse, Es-tu bien, es-tu mal, avec Monsieur Harpin ? Pour un certain dessein, Dont la suite pourrait ne pas être mauvaise. Mon maître m'a chargé de tâcher aujourd'hui, Par quelque adroite tentative, À t'engager à faire avec nous, contre lui, Ligue offensive et défensive. Moi ? C'est en cela que j'excelle, Je suis l'homme le plus discret. De mille grands secrets je suis dépositaire, Et j'ai presque toujours été Chez des femmes de qualité ; Dans ces postes, tu sais, qu'il faut se savoir taire. Cette main tous les jours apprêtait Le blanc que met Madame l'Intendante, Et je n'ai jamais dit pourtant qu'elle en mettait. Et de Madame Argante J'ai gouverné tout à la fois Pendant près de dix-huit mois, Hanche, épaule, et gorge postiche. Hé bien, je me ferais plutôt hacher cent fois Que d'en parler : eh, faut-il qu'on affiche Les défauts des gens qu'on sert ? Voilà Madame Bouvillon, Que tout Paris croit des plus sages ; Quand je la servais elle avait Deux ou trois amants à ses gages, Je n'en parle à qui que ce soit ; Il faut avoir certaines retenues… Au contraire, vraiment, je veux te faire entendre, Qu'on peut en sûreté se confier à moi. Je ne dis jamais mot. Çà de quoi S'agit-il ? Que veux-tu m'apprendre ? Pour cela oui, c'est le plus mauvais père, Le plus ladre, le plus vilain Que l'on ait encore vu paraître. Rien. Pour celui-là, j'ai fait vœu de m'en taire, Je suis discret. Je n'en sais point de bien. C'est ce qui fait que je n'en parle guère. C'est le garçon le plus déterminé, Qui peut-être soit jamais né, Pur bien faire enrager son père : Encor s'il savait ménager Avec art Madame sa tante ! Elle a deux mille écus de rente, Qu'elle pourrait fort bien avec nous partager : Mais le Monsieur Harpin, attentif à la proie, Qui se les veut approprier. Dans son esprit, comme fausse monnaie, Prend grand soin de nous décrier. Oui, mon enfant. Quel conte ! Amoureux, lui ? C'est toi, peut-être ? Toi-même ; pourquoi non ? Tu me parais encore assez jeune pour être La maîtresse d'un vieux barbon. Confesse ingénument la dette ; Serait-ce toi ? Tout de bon ? Tu te moques de moi, Finette. Climène ? Tu sais bien que mon maître en est fou. Le vieux Hibou ? Mais cela ne se peut absolument. Climène Nous en eût fait quelque petit narré. Oui, va, je me tairai. Voici Monsieur Harpin. Et moi, Monsieur, je me crois né coiffé, Que ma présence ainsi vous plaise. Et s'il vous plaît, Monsieur, quelles sont-elles ? Ne vous a-t-on pas dit qu'il se porte fort bien ? Amoureux ! Lui ? Fy donc, vous vous moquez de nous. Monsieur votre fils est amoureux comme vous. Cela n'est pas, Monsieur. Point du tout. Il n'en n'est rien, vous dis-je, ou je me donne au diable, Et mon maître est trop raisonnable. Très volontiers. Par vos ordres, Monsieur, j'ai trop de déférence : Vous m'avez imposé silence, Je me tais, et je me tairai. Ce sont de mauvais bruits qu'on sème, Mon maître n'aime rien, et quand il aimerait, Je vais gager que pour vous-même Vous feriez le choix qu'il ferait. Je vous connais l'un et l'autre à merveilles Et vous qui nous sermonnez tant, Vous ne haïssez pas le beau sexe pourtant. Sans rancune, Monsieur, de près comme de loin, Tout à vous ; et dans le besoin, Si par hasard je vous suis nécessaire, N'épargnez pas mon petit ministère. Vous voyez que je me sais taire, Et je travaille avec grand soin. Va, ne crains rien, je suis discret. Et moi, Monsieur, qui suis le vôtre, Dois-je courir en vain tout le jour après vous ? Monsieur me donne un rendez-vous Chez Dorimène. Il y vient plus d'une heure Avant le temps qu'il m'a marqué, Je ne m'y trouve point, et le voilà piqué. Un seul instant à peine il y demeure, Il peste, il jure, il court fort irrité ; Je cours après de mon côté, Je le rejoins à la malheure ? Et je suis un faquin, dit-il, j'ai mérité D'avoir mille coup d'étrivières. Oh bien, Monsieur, en vérité, Si vous ne réformez ces mauvaises manières… Oui, je suis le meilleur agent… La récolte est bonne. Je vous apporte ici deux mille écus tournois, À deux cents francs près, toutefois. Oui, que Madame Brichonne A retenus par ses mains pour ses droits. C'est la première fois Que nous négocions de la sorte avec elle. Faut-il pour une bagatelle Manquer d'établir son crédit ? Tenez, voilà comme je vous ai dit, Trois cents louis en deux cents pièces, Et le reste en d'autres espèces. S'il est ainsi, ce n'était pas la peine… Ah ! Le vilain qui s'amuse à compter ! Oui da, oui da. Je crois qu'il manque six louis ; Je ne suis pas fripon, je vous en avertis. Comptez toujours, et qu'il vous en souvienne. C'est pour mes droits à moi. Oui, ma foi. Non, Monsieur ; car Finette M'a commandé d'être discret. Si vous voulez pourtant savoir certain secret. C'est une nouvelle Qu'elle m'a fort prié de ne pas dire. Monsieur votre père… Monsieur, si vous vouliez l'entendre, D'un grand fardeau, je serais soulagé ; Je suis de ce secret terriblement chargé. La résistance sera vaine, Je ne saurais garder un secret tout un jour, Vous le saurez à mon retour. Comme un secret me pèse, et me fait peine ! J'en ai l'esprit tout sens dessus dessous. Quoi ! Madame Brichonne ici ? Qui vous amène ? C'est le logis du père de mon maître. Ne viendriez-vous pas ici nous déceler ? Les femmes d'ordinaire aiment à babiller. Écoutez, donc, cela serait bien traître. C'est mon maître, vous dis-je. Que faisait-elle ici ? Que diantre pourrait-ce être ? Foin. Je ne devais pas la laisser en aller, Il fallait la faire parler, Et tâcher finement d'apprendre… Bonjour, Finette. Je le garde. Oh ! Je suis discret. Non, par ma foi, Et mon maître est encor bien plus discret que moi, Il n'a jamais voulu l'entendre. J'en ai souffert, mais pourtant sans douleur, Une certaine pesanteur Que je ressentais là… Ma foi, c'est un martyre ; Et quand on aime un maître… Il ne faut point tant rire. Grand merci. Il est temps à présent qu'il en soit éclairci. Vous en serez aisément éclairci. Paix le voici. Climène ici ? Il se moque, Monsieur, C'est Climène, vous dis-je, ou je me donne au diable. Ce l'est. Oui, c'est cela. Oui, fort heureusement. Oui, mon enfant, bientôt nous en verrons l'effet. Je vois le souci qui te tient ; Tranquillise-toi. Je t'assure Qu'on ne peut deviner de quelle part il vient. Je suis persuadé de ta précaution : Pour ton âge déjà tu n'es pas maladroite. Oui, beaucoup de malice. Sans prévention. Ils s'y rendront. Adieu. Ah, ah ! Qu'est-ce que tout ceci ? Voilà Monsieur Harpin bien affligé, Finette ! Ouais ! Que je sache donc ce que c'est. Tout de bon ! Diablezot, Je n'en crois rien, je ne suis pas si sot. Quoi ! Monsieur pourrait le permettre ? Et vous pourriez, Mademoiselle, À votre père ainsi mettre la mort au sein ? Je pleure, au moins. Je ne sais comme il faut l'entendre : Mais enfin je vous jure moi, Que je pleure de bonne foi. La laisser partir sans… Moi-même, je ne puis m'en taire, Et mon maître ? Il est vrai, vous avez raison. J'avais tantôt peine à vous croire, Je prenais son parti : mais il m'a fait faux bond. À moi : fi, c'est un vagabond, Un débauché, l'on doit m'apprendre son histoire. Oui, Monsieur. Qui ? Moi ? Oh, non, Monsieur en conscience. Vous me faites tort, par ma foi. À de pareilles entreprises Je n'ai jamais donné mes soins, ni mon aveu, Et s'il me consultait un peu, Il ferait bien moins de sottises. Laissez-moi faire, allez, nous allons voir beau jeu. Premièrement… Avec cette coquette Votre fils va se marier. L'affaire est presque faite. Et sans le mien, Monsieur ; c'est un dérèglement, Une perversité qui comble la mesure. Menace, remontrance, avis, Rien ne peut réformer sa perverse nature ; C'est un garçon perdu. Ce que j'en sais encor n'est que par conjecture. Mais heureusement à leurs trousses j'ai mis Trois ou quatre de mes amis Dont ils ne prendront point d'ombrage. C'est par ces Messieurs-là que j'ai su le projet De ce bizarre mariage. Ils nous avertiront sitôt qu'il sera fait. Oh, vous prétendez mal, Monsieur, il se fera. Qui ? Vous ? Non, il faut que cela passe. Pour cela, pouvez-vous vous promettre Rien de mieux qu'un hymen en secret contracté ? Monsieur, sans vanité, Je suis un garçon qui peut-être Ai le plus de sincérité. Je m'instruirai du jour et du lieu de la noce, Et sans qu'on nous ait priés Nous irons ensemble en carrosse Complimenter les nouveaux mariés. Où les mèneront-nous d'abord ? Oui, mon maître ? Que j'en rirai ! Je te le dirai. Viens. Non, tu rendras bientôt justice à ma prudence, Et mon projet n'est qu'un moyen Pour hâter le succès du tien. J'accours, comme je vous ai dit, Et sans m'être en chemin permis la moindre pause, Vous avertir… Fi donc, Monsieur. Bouche close. Il faut avoir certains ménagements… C'est un vilain endroit, souffrez que je le cache. À vous les déguiser vous savez si je tâche : Mais je crains que ceci vous fâche. Oui, je la sais très fort. Un vol ? On le dirait à tort, Et très mal à propos vous seriez alarmée : Mais comme enfin le feu ne va point sans fumée… J'y vais. Mais sur ces diamants J'obéis à regret à vos commandements. De son Usurier ordinaire Mon maître les a pris pour six fois mille écus, Et le bourreau ne les a revendus Que deux mille à Monsieur son père. Nous le nierions en vain, Vous en avez la preuve en main. Vous avez la mémoire trop bonne, Et tantôt Madame Brichonne… Si vous voulez, Monsieur, nous irons à la noce. Tout se dispose pour cela, Et mon maître s'apprête incessamment… Au bout du compte, il a quelque raison. Avant la noce, au moins, vous devez voir sa femme. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_MONSIEURVILAIN *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurvilain Vous faites en très brave père, De ranger un fils libertin ; De ses vie et mœurs il faut faire, D'abord quelque information, Et c'est une précaution, Qu'en pareil cas nous prenons d'ordinaire ; Pourrions-nous là-dessus avoir quelque lumière… Comment, je n'entends pas… N'attendez rien de moi contre ma conscience. Ce n'est pas tout, il faut les prouver dans la suite. Prenez bien garde. Bonjour, Madame. Vous avez quelque affaire, adieu, je me retire. Je serai là-haut en effet Aussi bien que dans mon Étude. Soit, sans adieu. Tenez, voyons, Monsieur Harpin, de grâce, Si ce projet vous conviendra. C'est tout ce que l'honneur peut souffrir que je fasse. Que c'est un ébauché. À la tendresse paternelle Un esprit tout à fait rebelle, Que d'amitié cent fois vous avez recherché : Un insulteur du guet, un coureur de tavernes, Toujours à quelque gueuse en secret attaché, Batteur de Fiacre, et briseur de lanternes. Ce sont les faits desquels vous vous plaignez ? Non, non. Monsieur Harpin ! Mon cousin ? Monsieur Harpin, c'est vous qu'il faut faire enfermer. À Dieu. **** *creator_dancourt *book_dancourt_enfantsdeparis *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_enfantsdeparis *dist2_dancourt_verse_comedy *id_UNLAQUAIS *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_unlaquais Votre Notaire est là qui vous demande. Un grand Monsieur noir qui demande à parler À Mademoiselle Finette. Madame votre belle-sœur Vous attend chez votre Notaire. Voilà Avec Monsieur votre fils, une Dame.