**** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURBLANDINEAU *date_1700 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurblandineau Vous voilà en grande conférence avec notre Tabellion ? Ce n'est pas moi qui vous interromps peut-être ? Oui, je vous le donne de tout mon cœur : mais je ne vous promets pas que mon consentement détermine ma belle-sœur à vous épouser. Elle est un peu folle, comme vous savez ; et je m'étonne que tous les travers que vous lui connaissez, ne vous corrigent pas de l'envie que vous avez d'en faire votre femme. Et plus de peine à en venir à bout. C'est une chose absolument impossible. Ma femme n'est pas à beaucoup près si extravagante que sa sœur, et toutes les tentatives que j'ai faites pour régler son esprit et ses manières, n'ont jusqu'à présent servi de rien ; je serai réduit, je pense, pour éviter les altercations que nous avons tous les jours ensemble, à prendre le parti d'extravaguer avec elle, puisqu'il n'y a pas moyen qu'elle soit raisonnable avec moi. Oui, mais il t aurait un ridicule à un simple Procureur du Châtelet comme moi… Mais autrefois, Monsieur Naquart… Pourquoi non ? Je suis ennemi des superfluités, je me contente du nécessaire, et je ne sache rien au monde de si beau, que la simplicité du temps passé. Oh, pour cela non, je vous l'avoue. Ce ne sont pas nos droits que je veux simples, ce sont nos dépenses. C'est là votre sentiment, mais ce n'est pas le mien. Que je serai ravi de vous voir le mari de ma belle-sœur la Greffière ! Nous verrons si vous raisonnez aussi de sang-froid. Et qu'est-ce que c'est, que ces moyens ? Sans adieu, je ne tarderai pas à vous rendre réponse. Ah ? Vous voilà, ma sœur, j'allais monter chez vous. Celle-ci ne vous aurait pas déplu. Il s'agit de vous marier, ma sœur. Un vieux garçon fort riche : Monsieur Naquart, Procureur de la Cour. Comment donc ; hé, qui êtes-vous, s'il vous plaît ? Fille d'un Huissier qui était le père de ma femme, ma belle-sœur à moi, qui ne suis que Procureur au Châtelet, veuve d'un Greffier à la Peau, que vous avez fait mourir de chagrin. Je vous trouve admirable, Madame la Greffière. Vous êtes destinée à devenir tout à fait folle, si vous n'y prenez garde. Écoutez, Madame ma belle-sœur, il se présente une occasion de vous donner un mari fort riche et fort honnête homme : si vous ne l'épousez, vous pouvez compter que je ne vous verrai de ma vie. Comment Comtesse ! Allez, vous êtes folle. Il faudra la faire enfermer. Voilà un équipage qui la mènera aux Petites-Maisons. Elle a tout à fait perdu l'esprit, Lisette ; je vais me hâter d'une manière ou d'une autre, de la faire au plutôt déloger de chez moi, pour ne pas donner à ma femme un exemple aussi ridicule que celui-là. Elle est raisonnable ? Oh, vraiment, je sais bien qu'elle les a, de par tous les diables, et s'en sert souvent, c'est le pis que j'y trouve. De l'argent, Madame ? Vous aviez hier vingt-cinq louis d'or. Mais, ma femme. Vous remercier ! Hé, pourquoi jouer, Madame Blandineau ? Oh bien, Madame, voilà encore dix louis d'or : mais si vous les perdez… Quoi votre dessein ridicule continue, et malgré tout ce que je vous en ai dit ?... Madame Blandineau, vous me pousserez à des extrémités… Je vous défie, Madame Blandineau de faire pis que vous faites. Vous êtes pis que tout cela, Madame me femme. Quelle extravagance de rassembler huit ou dix femmes plus ridicules l'une que l'autre, qui ne sont assurément pas de vos amies, pour leur donner à souper ? Leur faire manger notre bien ? Et vous devriez vous cacher d'être si peu raisonnable… Ah, quel abandonnement ! Quel désordre ! Mais quand vous seriez la femme d'un Traitant, vous ne feriez pas plus d'impertinences. La malheureuse ! Votre queue, Madame Blandineau ! Vous, vous faire porter la queue ? Mais, ma femme… Mon Maître Clerc ? Il n'en fera rien. Mais, Madame Blandineau, songez… Oh, parbleu, j'y serai, je vous en réponds, et vous verrez… Il ne fera point cette sottise-là, j'en suis sûr. Ne trouves-tu pas que cette femme-là devient un peu folle, Lisette ? Oh, c'est moi, sans contredit : mais j'ai opinion que c'est sa sœur qui la gâte ; et je voudrais bien être débarrassé de cette folle-là, sans être obligé de quereller avec ma femme, c'est pour cela que je la voudrais marier à Monsieur Naquart. Hé bien, fais, Lisette : mais dépêche-toI. Je vais trouver Monsieur Naquart, et nous attendrons ensemble de tes nouvelles. Hé bien, ma sœur, avez-vous réfléchi sur la proposition que je vous ai tantôt faite ? Quel est le fruit de vos réflexions ? Mais, ma belle-sœur… Ce premier danger est passé, laissez courir à Monsieur Naquart les risques d'un second. Vous êtes plus fou qu'elle, Monsieur Naquart. Vous épouseriez ce jeune homme qui était amoureux d'Angélique ? Mais ce Monsieur le Comte… Son extravagance est au plus haut point, et je vous avertis que je ne souffrirai point qu'elle épouse ce jeune homme-là. C'est un homme ruiné qui n'a pas le sol. Autre extravagante. Oh, quel embarras, Monsieur Naquart ! On ne voit que des folles de quelque côté qu'on se tourne. Je n'ai garde de refuser de signer des mariages qui sont si fort selon mon goût, et il y avait longtemps que je souhaitais vous voir la femme de Monsieur Naquart, et de donner Angélique à Monsieur le Comte. Vous venez de signer le contraire. Et nous prendrons un Suisse à frais communs, Madame la Comtesse ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LECOMTE *date_1700 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lecomte Charmante Angélique, je vous adore. Mais, que voulez-vous que je fasse ? Vous êtes sans bien, je n'ai ni emploi, ni revenu ; un procès que je viens de perdre, achève de me ruiner absolument, ma naissance et ma qualité me sont même à charge dans la situation où je me trouve. Me pardonnerais-je à moi-même de vous associer à mon malheur ? Je ne le serai point du bout, je vous assure : ce n'est point elle, c'est son bien que j'épouse, pour le partager avec vous. Ah ! Soyez sûr de tout mon cœur, il ne sera jamais qu'à vous ; je vous chérirai, je vous aimerai, je vous adorerai toute ma vie. Que vous êtes cruelle ! Laissez-moi céder pour un temps à notre mauvaise fortune, pour nous en assurer une meilleure ; Nous sommes jeunes l'un et l'autre, votre tante n'a que très peu de temps à vivre. Mais que ferons-nous ? Que devenir ? Comment vivre ? Charmante Angélique, adorable personne ! Elle épouserait Monsieur Naquart, mon procureur ? Vous consentiriez à cette union ? Je vous verrais entre les bras d'un autre ? Angélique, vous me mettez au désespoir. Conservez-vous toute à moi, de grâce. Hé bien, je n'épouserai point votre tante, je vous le proteste. Je l'empêcherai bien. Le voici, nous allons voir… Je suis ravi de vous rencontrer aussi, Monsieur, pour vous dire… Avant de finir cette affaire comme vous la proposez, Monsieur, il faut que vous trouviez les moyens de m'ôter la vie. Moi, Monsieur ? Chercher un asile contre la misère où je prévois que le mauvais état de mes affaires me va réduire. On vous a dit vrai, c'est mon dessein. Elle a des rentes, des maisons, vingt mille écus d'argent comptant dont je deviendrai le maître, je me mettrai dans les affaires. Pourquoi non ? Les gens d'affaires achètent nos terres, ils usurpent nos titres et nos noms même ; quel inconvénient de faire leur métier, pou être quelque jour en état de rentrer dans nos maisons et dans nos Charges ? Hélas ! Monsieur Naquart, ce sont vos conseils qui m'ont perdu : on me proposait un accommodement avantageux, vous m'avez empêcher de l'accepter, j'ai perdu mon procès. Ces réflexions sont aussi tristes qu'inutiles, il n'y a point de retour, la seule chose qui me reste à faire, est de chercher les moyens de ne pas vivre misérable. Une riche veuve me tend les bras, il faut m'y jeter sans réflexion. Hélas ! Monsieur, je mourrai de douleur peut-être, de ne pouvoir la rendre heureuse. Je m'y rendrai, Monsieur, le plutôt qu'il me sera possible. Madame. Vous ne pouvez sans me faire tort, Madame, douter de la continuation de mes sentiments ; ils dureront autant que vos charmes. Ils le seront, je vous le promets, Madame. Il ne dépend pas de moi de ne me point attacher à vous, Madame ; une nécessité indispensable m'y réduit. Lolive ? Voilà une maîtresse folle, dont je suis déjà bien fatigué. Je dis, Madame… De la ptisanne à moi, Madame ? Je vous suis bien redevable, Madame. Maugrebleu de l'extravagante, avec sa ptisanne. Comment, Madame, qu'est-ce que c'est que ceci ? Pour moi, Madame ? Cela est d'une belle âme assurément ; et pendant que vous donnerez vos soins aux préparatifs de votre Fête, permettez-moi d'aller aussi donner les miens à une petite affaire qui m'in quiète, et qui ne me laisse pas l'esprit dans une entière liberté. Non, Madame. Suis-moi, Lolive. L'excès de mon amour me fait souffrir avec chagrin le moindre retardement, je vous l'avoue. Non, Madame, je n'en serai point la dupe : mais j'en profiterai, s'il vous plaît. Très volontiers, Monsieur, vous êtes le maître. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LOLIVE *date_1700 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lolive Je suis bienheureux, Mademoiselle, de vous trouver ainsi d'abord en arrivant, avant que personne… Je n'ai point de lettres à vous donner, Mademoiselle. La plus mauvaise manœuvre du monde. C'est un traître, un chien qui ne mérite pas de vivre, un homme à pendre, Mademoiselle. Non, mais il y va venir, lui, pour le justifier. Une très haute sottise : épouser votre tante. Si fait vraiment, ce n'est pas celle qui a son mari, c'est celle qui est veuve, Madame la Greffière ; et j'ai ici une lettre pour elle que je m'en vais lui rendre au plus vite. Non, Mademoiselle, vous ne la verrez point. J'ai déjà eu cent coups de pied dans le ventre, pour cette affaire-ci ; il est bon de m'en tenir là. Qu'il ne s'aperçoive pas, je vous prie, que je vous ai avertie de rien. Il aura d'abord été chez vous en arrivant, Madame, il sera bien fâché de ne vous avoir pas rencontrée. La sympathie se sera trouvée en défaut, Madame. Oui, chaque fois que vous renouvellerez d'attraits, Monsieur renouvellera d'amour, Madame. Monsieur ? Il dit que le voyage l'a bien fatigué. Oh cela se remettra, Madame, cela se remettra. Pour moi, Madame, comme ma santé ne vous est pas si chère, il me faudra du vin, s'il vous plaît, et en quantité, pour me rafraîchir. Adieu, Comtine. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEMAGISTER *date_1700 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lemagister Ne vous boutez pas en peine, partant que les garçons ne manquiont pas de vin et les filles de tartes, et que vous nous bailliais ces vingt écus que vous m'avez dit pour les ménétriers et pour ces petites chansonnettes que je fourerons par-ci par-là, nan ragaillardira votre soirée de la belle façon, je vous en réponds. Bon, tant mieux ; je vous baillerons queuque petit par-dessus pour ça ; et comme j'ai quelque doutance que vous allez vous remarier, j'aurons soin de faire votre épitra… votre épitra… Hé, morgué, nenni, c'est tout le contraire, votre épitralame, je pense, je ne sais pas bian comme ça s'appelle : mais ce seront des vars à votre louange, toujours. Oh, tatigué, laissez-moi faire, j'en sis du moins aussi content que vous. J'ai perdu ma femme, et puis j'avons cette année bon vin, bonne récolte, je sommes tretous si aises. Allez, je chanterons à pleins gosiers, et je remuerons le jarret de la belle magnière. Oh ! Que ça fera biantôt bâtI. Il n'est pas malaisié de vous louer : vous êtes belle, vous êtes bonne, vous êtes riche. Voulez-vous que je mette itou ça ; hé bien, volontiers, tout coup vaille : mais vous baillerez queuque chose pour l'âge. Vous avez raison. Je daterons la chanson, et cela vous sarvira de baptistaire. Adieu, Madame, je sis content de vous, vous serez contente itou de la date, sur ma parole. Madame, vela les filles et les garçons du Village, avec les ménétriers qui s'assemblont sous l'Orme, et qui s'en allont faire un petit essaiement de cette petite sottise que vous m'avez dit de faire. Hé parguenne, venez-vous-en voir ça. Ici, soit. Je m'en vas vous les amener. Ça ne sera peut-être pas bian drès l'abord, mais je tâcherons de mieux faire dans la suite. Tout notre monde est là, Madame ; mais comme vela Monsieu le Tabellion qui viant avec une grosse compagnie vous apporter à signer queuque chose ; afin de n'être pas interrompus, et de pas interrompre, j'attendrons que cela soit fait, si bon vous semble. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEBLANDINEAU *date_1700 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madameblandineau À quoi vous amusez-vous donc, Mademoiselle Lisette ? Il y a une heure que je vous fais chercher. Allons vite, mes coiffes et mon écharpe. Non, celle de gaze ou celle de dentelle, Mademoiselle Lisette ; les autres sont des housses, des caparassons qu'on ne saurait porter. Ah ! Vous voilà, Monsieur Blandineau, je suis bien aise de vous trouver icI. Donnez-moi de l'argent, je n'en ai plus. Cela est vrai, Monsieur. J'ai joué, j'ai perdu, j'ai payé, je n'ai plus rien ; je vais rejouer, il m'en faut d'autre en cas que je perde. Hé fi donc, Monsieur Blandineau, que de façons. Au lieu de me remercier d'en prendre du vôtre. Oui, vraiment, c'est un bien mal acquis qui ne fait point de profit ; je perds tout ce que je joue. Pourquoi jouer, Monsieur ? Pourquoi jouer ? Je vous trouve admirable. Que voulez-vous donc qu'on fasse de mieux, et à la campagne surtout ? J'ai la complaisance de venir avec vous dans une chaumière bourgeoise avec votre ennuyeuse famille : il se trouve par hasard dans le Village des femmes d'esprit, des personnes du monde, de jeunes gens polis ; il se forme une agréable société de plaisir et de bonne chère ; c'est le jeu qui est l'âme de toutes ces parties : et je ne jouerai pas ? Non, Monsieur, ne comptez point là-dessus, et donnez-moi de l'argent, s'il vous plaît, ou j'en emprunterai : mais ce sera sur votre compte. Si je ne les perds pas je les dépenserai, ne vous mettez pas en peine. À propos, c'est aujourd'hui la fête du Village, nous sommes les plus considérables, on soupe ici ce soir, je crois que vous en êtes bien et dûment averti ?... Ce sont vos discours, Monsieur, vos remontrances, qui ont achevé de me déterminer. Monsieur Blandineau, vous me ferez faire des choses… Comment donc, Monsieur, suis-je une libertine, une coquette ? Que vous avez l'âme crasse, Monsieur Blandineau ! Que vous avez l'âme crasse, et que vous savez peu vous faire valoir ! J'aime à paraître, moi, c'est là ma folie. Vous voyez, Monsieur, comme vous vous révoltez contre le souper : oh bien, nous aurons les violons, de la musique, un petit concert, le bal, et une espèce d'Opéra même, si vous continuez à me contredire. C'est ma sœur qui fait cette dépense-là, ne vous chagrinez pas. Adieu, mon ami, appelez Cascaret qu'il vienne porter ma queue. Oui, Monsieur Blandineau, moi-même, puisque j'ai eu la complaisance de prendre une queue toute unie, je me la ferai porter, s'il vous plaît, pour ne pas figurer avec la populace. Mais, mon mari, point de dispute. Quantité de bougies dans la salle, et surtout, que le couvert soit propre, Lisette. Jasmin et Cascaret rinceront les verres, le filleul et le cousin de Monsieur verseront à boire, et le Maître Clerc mettra sur table. Il le fera, mon ami, je l'en ai prié ; il n'est pas si impoli que vous, il n'oserait me contredire. Ne vous gênez point, mon fils, si la compagnie ne vous plaît pas, nous n'avons que faire de vous, on vous dispense d'y être. Qu'est-ce que c'est, donc, ma sœur ? Il se répand un bruit dans le Village qui ma paraît des plus surprenant. Que vous allez épouser Monsieur le Comte, un homme de qualité, un petit étourdi qui n'a rien. Oh ! Je ne trouve point cela vraisemblable. Comtesse, vous ? Vous Comtesse, ma sœur ? Madame, tout court ! Ah ! Je n'en puis plus. Ma sœur Comtesse, et moi Procureuse ! Un siège, et tôt, dépêchez, Lisette. Écoutez, ma sœur, il n'y a qu'un mot qui serve. Vous voulez le porter plus beau que moi, parce que vous êtes mon aînée, ç'a toujours été votre fureur : mais je me séparerais d'avec mon mari, s'il fallait avoir ce déboire-là. Vous verrez de belles oppositions, laissez faire. Bourgillonnes, Madame l'Élue, Bourgillonnes ! Et moi, ma cousine, qui ai eu plus de treize mille francs en mariage, tant en argent comptant, qu'en nippes et bijoux. Je suis dans une colère… Madame Carmin, votre très humble servante. Vous, Présidente, Madame Carmin ? Et moi, je suffoque, je n'en puis plus. Oui, cela est fort beau de voir Monsieur Carmin juger tout seul, lui qui ne sait ni latin, ni Pratique, ni lire, ni écrire, peut-être. Adieu, Madame Carmin, bon voyage. Je n'y puis plus tenir, je suis au désespoir ; Monsieur Blandineau en achètera une qui m'ennoblisse, ou je ne le veux voir de ma vie. Ma chère sœur, que je vous embrasse, je n'ai plus de chagrin, plus de rancune contre vous. Je vous félicite de devenir Comtesse, félicitez-moi d'être Baronne. Oui, ma chère Comtesse, c'est une affaire faite. Monsieur Blandineau vend sa Charge, et il donne quarante mille francs de la Baronnie de Boîtortu ; je ne suis plus Madame Blandineau, je suis la Baronne de Boîtortu à l'heure que je vous parle. Notre cousine l'Élue mourra de chagrin, Madame la Substitue s'en pendra, nous aurons ce soir à notre souper des visages bien tristes. Oh voilà qui est fini, je vous l'accorde, Madame la Comtesse. Il en sera, je vous en réponds. Il est en marché d'un marquisat, lui. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LAGREFFIERE *date_1700 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lagreffiere Je ne saurais me tranquilliser là-dessus, ma pauvre Lisette, cette journée-ci sera malheureuse pour moi, je t'assure ; j'ai éternué trois fois à jeun, j'ai le teint brouillé, l'œil nébuleux, et je n'ai jamais pu ce matin donner un bon tour à mon crochet gauche. Chez moi, mon frère ! Et à quel dessein ? Je n'aime point les visites de famille, comme vous savez. De me marier, mon frère, de me marier ? Cela est assez amusant, vraiment : mais qu'est-ce que c'est que le mari ? C'est ce qu'il faut savoir. Un vieux garçon à moi ? Un Procureur, Lisette ? Monsieur Naquart ! Je serais Madame Naquart, moi ? Le joli nom que Madame Naquart ! C'est un plaisant visage que Monsieur Naquart de songer à moi. Greffière, Monsieur ? Supprimez ce nom-là, je vous prie. Feu mon mari est mort, la charge est vendue, je n'ai plus de titre, plus de qualité, je suis une pierre d'attente, et destinée sans vanité à des distinctions qui ne vous permettront pas avec moi tant de familiarités que vous vous en donnez quelquefois. Vous devez bien aussi vous attendre, quand je serai Comtesse, et vous Procureur, que nous n'aurons pas grand commerce ensemble. Je débute par là, c'est assez pour un commencement : mais cela augmentera dans la suite ; et de mari en mari, de douaire en douaire, je ferai mon chemin, je vous en réponds et le plus brusquement qu'il me sera possible. Holà ho, laquais, petit laquais, grand laquais, moyen laquais, qu'on prenne ma queue. Avancez, Cocher, montez, Madame. Après vous, Madame : hé non, Madame, c'est mon carrosse. Donnez-moi la main, Chevalier, mettez-vous-là, Comtin, touche, Cocher. La jolie chose qu'un équipage ! La jolie chose qu'un équipage ! Que cela soit bien tourné, Monsieur le Magister ; que cela soit bien tourné. Voilà six louis d'or, Monsieur le Magister, ce sont dix francs plus que les vingt écus. Mon épitaphe ? Ne manquez pas, surtout, d'y bien marquer les agréments de la fin du siècle, il est si fortuné que moi, si fortuné, que je veux que ma reconnaissance en soit publique. Oui, mais c'est pour ce soir, Monsieur le Magister ; et ces vers à ma louange… Je suis jeune aussi, Monsieur le Magister. Gardez-vous bien de l'oublier. Adieu, Monsieur le Magister, votre très humble servante. Ah ! Que je suis ravie ! Que j'envisage un charmant avenir ! Quels heureux moments ! Quels heureux moments ! Je ne me sens pas de joie. Les mauvais présages de ce matin sont évanouis, ma pauvre Lisette, j'ai reçu les plus agréables nouvelles… Qu'on blâme les Devineresses tant qu'on voudra, je suis contente de la du Verger, pour moi. Nous y voilà parvenues, ma pauvre Lisette, nous y touchons du bout du doigt, ma chère enfant. À cet heureux temps que la du Verger m'a tant promis à la fin du siècle, et à mon bonheur. Je n'ai pas eu de grands plaisirs pendant le cours de celui-ci ; mais je vais passer l'autre agréablement, sur ma parole. Je suis déjà veuve, premièrement. Et je ne le serai pas longtemps, encore. C'est la saison des révolutions, que la fin des siècles, et tu vas voir d'assez jolis changements dans ma destinée. Je serai dès aujourd'hui femme de condition. C'est sans affectation, cela m'est naturel. Le petit Comte, ma chère Lisette, le petit Comte. Dis, qu'il feignait de l'être pour s'approcher de moi. Nous avons bien conduit cela, n'est-ce pas ? L'agrément du mystère, mon enfant, l'agrément du mystère, j'avais même dessein qu'il m'enlevât : oh ! Je crois que c'est un grand plaisir, d'être enlevée. Nous nous serions mariés en cachette, incognito, sous seing privé, pour éviter les manières Bourgeoises. Mais le plaisir de faire enrager de près mon beau-frère le Procureur, qui est un fort impertinent personnage, la joie que j'aurai d'être témoin du dépit de ma sœur et de ma nièce, et de jouir par mes propres yeux du désespoir de toutes les femmes de ma connaissances, nous a fait prendre la résolution de faire ce mariage à leurs barbes. Oh, cela est bien satisfaisant, je te l'avoue. Le petit Comte va arriver, et en poste, même ; son valet de chambre est déjà ici, cette affaire-là sera bientôt publique. En quoi, donc, ridicule ? Et qu'est-ce que c'est que ce bruit, s'il vous plaît, Mesdames ? Cela n'est pas moins vrai, ma sœur, me voilà Comtesse ; et grâces au Ciel, nous ne figurerons plus ensemble. Dites, Madame, Madame Blandineau, et Madame tout court, entendez-vous ? Ah ! Plus de cousinage, Madame l'Élue, plus de cousinage. Oh, remuez-vous, remuez-vous, je me remuerai aussi, moi, je vous en réponds. Mais, vraiment, je les trouve admirables, elles m'empêcheront de m'élever, de faire fortune : ces Bourgillonnes-là sont si ridicules… Oh, je deviendrai furieuse, moi, je vous en avertis, prenez-y garde. Ah ! Ne partez que demain, je vous prie, vous ne me refuserez pas d'être témoin… Et moi, Comtesse, Madame Carmin. Oui, Madame la Présidente. Il sera bon d'être de vos amies. Et moi, comme une Comtesse. Nous nous retrouverons, Madame la Présidente. Adieu, ma chère Présidente. C'est mon beau-frère à qui j'en veux le plus. Il m'a tantôt traité de folle, quand je lui parlais de devenir Comtesse, je veux qu'il devienne fou, lui de voir que je lui ai dit vrai. Ah, tu vas voir comme je le recevrai. Que c'est un animal bien persécutant qu'un beau-frère, Monsieur Blandineau ! Bonjour, Monsieur Naquart, bonjour. Vous m'aimez, on me l'a dit, je le crois. Je ne vous aime point, je vous le dis, vous pouvez m'en croire. Mais, mon beau-frère, ne m'en parlez pas davantage. C'est une affaire jugée en dernier ressort dans mon imagination ; il n'y a point d'appel à cela. Quand j'ai pris une fois mon parti, je n'en reviens jamais, demandez à Lisette. Vous êtes un malcréant, Monsieur Naquart. Les temps sont changés, Monsieur Naquart, j'étais une sotte, une enfant, une imbécile : il est vrai, je m'en souviens, j'avais pour vous une heureuse faiblesse ; et si j'en avais été crue, je serais veuve de vous à l'heure qu'il est. Oui, vraiment, il était de mon étoile d'être veuve dans le temps que je le suis devenue, et je ne crois pas qu'en votre faveur mon étoile en eût eu le démenti. Oh, pour cela non, qu'il ne s'y joue pas, je ne lui conseille pas d'insister là-dessus, mon étoile est terrible pour les maris ; et selon le calcul que j'en ai fait faire, elle en doit exterminer trois ou quatre, et en très peu de temps, et de qualité même : voyez combien durerait un pauvre diable de Procureur. Oui, pour la combattre, ma pauvre Lisette. C'est un jeune homme qui lui résistera davantage. Qu'il est embarrassant d'avoir trop de mérite ! Mais si vous avez tant d'envie de m'appartenir, Monsieur Naquart, épousez ma nièce Angélique, c'est une autre moi-même, je vous la donne. Oui, sans doute, et vous me ferez plaisir même. La pauvre enfant ! Il faut bien faire quelque chose pour elle. Je lui enlève Monsieur le Comte, qui était son amant ; je l'épouse ce soir, plus par vanité, que par amour, moins pour son mérite, que pour sa qualité, car je ne veux qu'un nom, moi, je ne veux qu'un nom, c'est ma grande folie. Oui, vous dis-je, je lui vole son amant : Monsieur Naquart est le mien, je le renvoie à elle, ce ne sera qu'une espèce de troc : et tu lui feras entendrez, Lisette, que je lui donne plus que je ne lui dérobe. À vous donner ma nièce, Monsieur Naquart. Me dédire, moi, Monsieur Naquart, moi me dédire, une Comtesse manquer de parole ! Ah ! Ne craignez pas cela. Vous avez l'usage des affaires, faites au plutôt dresser votre contrat et le mien, nous les signerons dans le moment que nous aurons ici Monsieur le Comte. Écoutez, ne vous avisez pas de me manquer de respect devant lui, Monsieur Blandineau. Adieu, Messieurs les Procureurs, Madame la Comtesse est votre très humble servante. Mais quel chemin aura-t-il pris ? Je l'attendait du côté de la petite ruelle : outre que c'est le plus court et le plus commode, la sympathie l'y devait attirer, mon pauvre Lolive. Hé ! Le voilà. C'est donc vous que je vois, mon cher Comtin ? Vous me cherchiez, je vous cherchais, nous nous cherchions tous deux ; l'amour nous conduit l'un vers l'autre, l'hymen va nous unir : quelle félicité ! La sentez-vous bien, mon cher petit Comte, et m'aimerez-vous toujours autant que vous m'avez fait l'honneur de me l'écrire ? Autant que mes charmes ? Ah ! Comtin, qu'ils soient éternels, je vous prie. Mais veillai-je ? N'est-ce point un songe ? Suis-je bien moi-même ? Est-il possible que j'aie soumis un petit cœur fier comme celui-là ? Mon cher Comtin ! Oh il y a de l'étoile dans mon fait, et la du Verger me l'a toujours dit. Que dites-vous, aimable Comtin ? Cela est vrai, le voilà tout je ne sais comment, il a l'air abattu. Oh que oui. Je m'en vais lui faire prendre de bons consommés, de bons potages, et j'ai déjà dit qu'on lui fît de la ptisanne ; de la ptisanne, Comtin. Oui, Comtin, pour vous rafraîchir. Laissez-moi gouverner votre santé, vous savez combien je m'y intéresse. Tu ne manqueras de rien, ne te mets pas en peine. Non, qu'ils viennent ici, Monsieur le Magister. Qu'on nous apporte ici des sièges. Allons, mon cher Comtin, prenez place. C'est une petite Fête galante dont je veux régaler votre arrivée, un Divertissement de Village que je vous ai fait préparer Pour vous, pour moi, pour tous tant que nous sommes icI. La fin du siècle m'est heureuse, je me fais un plaisir de la célébrer. Allez donc, Comtin : mais ne tardez pas à revenir, je vous prie. Adieu, Comtin. Le joli petit homme ! Il est fait pour moi, je suis faite pour lui : c'est l'amour assurément qui nous a tous deux faits l'un pour l'autre. Vous êtes Baronne, ma chère sœur ? Mais cela est fort joli, cela est fort gracieux, ma sœur. Ma sœur la Baronne, votre sœur la Comtesse en est ravie, et voilà notre famille fort illustrée au moins. Il faut tenir son rang, s'il vous plaît, Madame la Baronne. Aujourd'hui fait, plus de familiarité avec cette bourgeoisie-là, je vous le demande en grâce. Monsieur Naquart épouse Angélique, si nous pouvions aussi le faire quitter : c'est un fort bon homme, et qui mérite assez de devenir de qualité. D'un Marquisat, ma sœur ! D'un Marquisat ? Monsieur Naquart Marquis ! Monsieur le Marquis Naquart, cela serait fort plaisant : mais ce nom-là, ma sœur, n'est point fait pour avoir un titre. Cela ne tardera pas à l'être, dépêchons. Cela est-il comme il faut, Monsieur Naquart ? Ce cher mouton ! Oh, il ne sera pas dit que je sois moins vive que vous, mon cher Comtin, je vous réponds. Donnez, donnez, Monsieur le Tabellion. Allons' à vous, Comtin. Signez, Monsieur Naquart. Vous risquez beaucoup, vraiment. Dépêchez ma nièce. Vous prenez le bon partI. Çà, ne signez-vous pas aussi, Monsieur le Baron de Boîtortu ? Oh bien, Monsieur, puisqu'il est ainsi, ne signez donc pas, je vous en avertis ; car cela est tout autrement que vous ne souhaitez. C'est Angélique qui est Madame Naquart, et c'est moi qui suis Madame la Comtesse. Comment, cela n'est pas comme cela ? Vous êtes un sot, Monsieur le Tabellion, cela est comme je vous le dis. Ouais, voici qui est admirable ! Lisette ? Monsieur Naquart ? Difficile tant qu'il vous plaira, Monsieur le Comte, ni moi, nous ne serons pont les dupes d'un quiproquo, sur ma parole : n'est-ce pas, Comtin ? Comment vous en profiterez, petit perfide ? Est-ce en profiter que de me perdre ? Oh, vous ne me posséderez point, Monsieur Naquart ; Vous avez beau faire, vous ne me posséderez point, je vous en réponds. Madame Naquart ! On m'appellerait Madame Naquart ? J'aimerais mieux être morte. C'est un accommodement qui change la chose, et pourvu que j'aie un équipage, et que vous ne soyez plus Procureur… Je veux trois grands laquais des mieux faits de Paris. Nous logerons ensemble, Madame la Baronne. Oh, pour cela oui, très volontiers. Je le savais bien que je serais de qualité, et que je ferais figure. Vous me regretterez, petit vilain, vous me regretterez : mais je serai bientôt veuve. Allons, Monsieur le Magister, voyons votre petite bagatelle, en attendant le souper ; et quand on aura servi, que le Maître d'hôtel de ma sœur la Baronne nous avertisse en cérémonie. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LELUE *date_1700 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lelue Et à moi des plus ridicule. Vous seriez Comtesse, vous, ma cousine la Greffière ? Un fauteuil aussi ; tôt, du secours ; à moi Lisette. Je m'affaiblis, je suffoque, j'agonise, et je m'en vais mourir de mort subite. Il ne faut pas que la famille demeure les bras croisés, dans cette affaire-ci, il faut agir, il faut se remuer, ma cousine. Ah, Ciel ! Bourguillonne, moi qui suis, par la grâce de Dieu, fille, sœur et nièce de Notaire, et femme d'un Élu, ma cousine. Et moi dans une rage. Hé, quelle affaire, Madame Carmin ; sont-ce des laines d'Hollande, d'Angleterre, qui vous arrivent ? Madame Carmin Présidente ! Il y a pour en mourir, je n'en reviendrai point. Hé, quelles prérogatives, Madame ? Mais ce n'est pas assez de savoir signer, il faut juger auparavant. Vous m'avez vendu des laines éventées, que je vous renverrai, Madame la Présidente. Monsieur l'Élu cessera de l'être, ou je trouverai moyen de n'être plus sa femme. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMECARMIN *date_1700 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamecarmin Bonjour, ma chère Madame Blandineau. Je ne puis pas être de votre souper, je m'en retourne à Paris, je viens prendre congé de vous, mes chers enfants. Je ne puis différer mon départ. Je viens de recevoir des nouvelles d'une affaire dont j'attendais la conclusion avec impatience ; elle est finie, il faut que je parte. Ah ! Fi donc : rien moins que cela, Mesdames. Je quitte le négoce, je m'y suis enrichie, cela est au-dessous de moi à l'heure qu'il est ; j'achète une Charge à mon mari, je me fais Présidente. Moi-même. Oui, Madame. Vous, Comtesse, Madame ? J'en suis ravie, Madame la Comtesse. Oh, ce ne sera pas moi qui exercerai, ce sera mon mari : mais je lui recommanderai certaines affaires. Ce n'est qu'une Charge de campagne, à la vérité, et dans une Élection d'une très petite Ville du côté d'Estampes : mais il y a de grands agréments, de grandes prérogatives. On est maître absolu dans le pays, premièrement : il n'y a, je crois, dans toute la Juridiction, ni Procureurs, ni Avocats, ni Conseillers même, et Monsieur le Président peut se vanter qu'il est lui seul toute la Justice ; cela est fort beau, Mesdames. Oh, je vous demande pardon, Madame Blandineau, il signera son nom fort librement, et avec un paraphe, encore, à cause de sa Charge. Belle bagatelle ! Il y a dans la Ville un Tabellion qui règle tout, moyennant trente ou quarante francs par année ; et puis quand on a bons sens, bon esprit, on n'a qu'à juger à la rencontre, c'en est assez pour des gens de Province. Au bout du compte, ce n'est pas mon affaire. Je ne veux qu'un rang, moi, cela m'en donne un qui me distingue. Monsieur Carmin est un bon homme qui aime la retraite, la campagne : il jugera comme il pourra. Il vivra content dans sa petite Ville, et moi à Paris, comme une Présidente. Adieu, ma chère Madame Blandineau ; à mon retour nous ferons ensemble quelque partie de plaisir. Votre très humble servante, Madame. On vous les changera, Madame l'Élue. Adieu, mon agréable Comtesse. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1700 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Quoi, te voilà seule, Lisette, et tu ne viens pas me trouver ? Que tu es cruelle de m'abandonner à mes chagrins, et de ne pas être avec moi le plus souvent qu'il t'est possible ! Que mes tantes sont folles, Lisette, et que je suis malheureuse de me trouver sans bien, sans autres parents qu'elles seules, avec autant de faiblesse pour un amant aussi perfide. Il est pis que cela, Lisette, il est inconstant. Quelques jours avant notre départ, il te souvient que nous le vîmes dans ta chambre ; il s'y rendit une heure plus tard que de coutume, il y demeura beaucoup moins, il était chagrin, inquiet, interdit, embarrassé : il commençait à ne me plus aimer, Lisette, et l'absence l'a fait m'oublier tout à fait. Que je les hais, Lisette ! Oui, cela est vrai, ma tante la Greffière, n'est-ce pas ? Je crois qu'elle était amoureuse de lui. Quelle injustice ! Et que je l'aime bien plus qu'il ne m'aimait ! Plus on me défendait de le voir et de lui parler, plus sa présence et sa conversation me causaient de joie et de ravissement, ma pauvre Lisette. Non, je t'assure. Ah ! Ma chère Lisette, voici Lolive. Son maître n'est point inconstant. Que je suis heureuse ! Donne-moi tes lettres, dépêche. Tu n'as point de lettres à me donner ? Qui t'amène donc ici ? Que fait ton maître ? Que veux-tu donc dire ? Il va venir ici ? Quoi faire ? Épouser ma tante, Lisette ! Une lettre pour elle ! Je la verrai, donne. Ma tante est-elle devenue folle, de vouloir épouser Monsieur le Comte ? Cela ne sera point, Lisette, c'est un prétexte qu'il, prend pour s'approcher de moI. Il trompe ma tante ; ma tante aime à se flatter, cela tournera tout autrement que tu te l'imagines. Il n'importe, ne me détrompe point, ma chère Lisette ; je vais attendre Monsieur le Comte à l'entrée du Village, je veux lui parler la première, je saurai ses sentiments par lui-même, et je ne le quitterai point qu'il ne m'ait promis de n'épouser que moi. Assurément. Viens avec moi, ma pauvre Lisette. Monsieur le Comte, vous me désespérez. Et vous croyez me le persuader en devenant le mari de ma tante ? Oui, j'aime mieux être malheureuse avec vous, que de vous voir heureux avec ma tante. Je n'en veux point, Monsieur, je n'ai que faire de bien, je ne veux que vous. Et vous ne m'épouserez point ? Je ne veux point de cela. Et vous croyez que pour vous avoir j'aurai la patience d'attendre qu'elle meure ? Non pas, s'il vous plaît, je veux que vous m'épousiez la première ; ma tante a déjà été mariée, c'est à elle d'attendre. Nous nous aimerons, Monsieur le Comte, et je serai contente : cela ne nous suffira-t-il pas comme à moi ? Ne me dites point tant de douceurs, et aimez-moi davantage, Monsieur le Comte. Ah te voilà, ma chère Lisette ! Viens m'aider à le rendre raisonnable : il s'obstine à vouloir épouser ma tante, pour faire fortune. Oui ? Oh bien, bien, Monsieur, épousez ma tante, vous n'avez qu'à le faire, Monsieur Naquart m'en vengera. Ne faut-il pas céder à la mauvaise fortune ? Nous sommes jeunes l'un et l'autre, et je serai veuve aussitôt que vous, pour le moins. Nous nous retrouverons, Monsieur, je vous donne rendez-vous quand nous serons tous deux devenus riches. C'est vous, Monsieur, qui avez commencé à m'y mettre. Conservez-vous à moi vous-même. Mais voyez un peu pour quoi je n'aurais pas le même privilège que lui ! Cela est admirable. Et si vous ne vous hâtez de m'épouser, moi j'épouserai Monsieur Naquart, je vous le promets. Ah, qu'il est vilain, ma pauvre Lisette ! Je suis aussi mêlée dans cette affaire, à ce qu'on dit, moi, Monsieur ? Oh bien, Monsieur, ce ne sera pas de mon aveu qu'elle se fera ; et à moins que Monsieur le Comte n'ait l'impertinence d'épouser ma tante, je ne ferai pas la sottise de vous épouser, moi, vous pouvez comptez là-dessus. Oh, pour cela, je suivrai son exemple, qu'il prenne bien garde à ce qu'il fera. Ils ne me conviendront point, Monsieur, je vous en réponds. Plus je les ouvrirai, Monsieur, et moins je voudrai de vous, j'en suis sûre. Je n'y veux point aller sans Monsieur le Comte. Au moins, Monsieur le Comte, ne vous laissez pas persuader d'épouser ma tante, j'épouserais Monsieur par dépit, moi, je vous en avertis. Je n'examine point, ma tante. Il suffit que ce soit me conformer à vos volontés. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISETTE *date_1700 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Hé fi, Madame, il faut faire châtier cet insolent-là. Vous n'avez rien à craindre, Monsieur ; Madame votre femme est raisonnable, elle ne tient point du tout de la famille. Assurément, et vous devez lui en savoir bon gré ; car il ne tient qu'à elle d'être aussi folle que pas une autre : elle a tous les talents qu'il faut pour cela, je vous en réponds. Paix, taisez-vous, la voilà, Monsieur, ne la chagrinez point. Laquelle, Madame ? Celle à réseau ou celle à frange ? Voilà votre écharpe, Madame. Oui, Madame. Voilà une maîtresse femme, Monsieur, et qui met votre maison sur un bon pied. Faire une espèce de Maître d'hôtel d'un Maître Clerc ? Cela est délicatement imaginé, au moins. Il la fera, Monsieur, Madame et lui sont fort bons amis, il fait tout ce qu'elle veut. Non, Monsieur, je la trouve de fort bon esprit, au contraire ; elle prend ses commodités et ses plaisirs, et vous avez la peine et les chagrins de tout. Qui est le plus fou de vous deux ? Que vous importe à qui, pourvu qu'elle soit mariée ? Tenez, Monsieur, je la soupçonne de quelque dessein, dont elle aura peine à ne me pas faire confidence. Laissez-moi sonder un peu ses sentiments, j'aurai soin de vous en rendre compte. Allez, Monsieur, vous ne tarderez pas à en avoir, laissez-moi faire. Ce Monsieur Blandineau, il est à plaindre. Mais, voici une petite personne qui l'est encore plus que lui, quoique son malheur soit d'une autre nature. Je ne puis pas suffire à toute la famille, c'est à qui m'aura. Madame Blandineau, pour pester contre son mari, le mari pour se plaindre de sa femme : Madame la Greffière, pour m'entretenir de son ajustement et de sas charmes : et vous, pour parler de votre amant. Voilà bien de l'occupation dans un même ménage. Oh, pour moi, je ne comprends pas comment depuis huit jours que nous sommes ici, vous n'avez point eu de ses nouvelles : il faut qu'il soit mort ou malade. Si cela est, ce sont vos tantes qui en sont cause. L'une avait assez de penchant pour lui, à la vérité : mais elle ne voulait pas qu'il en eût pour vous. Justement, et c'en est assez pour faire déserter un joli homme ; outre que Madame Blandineau, de son côté, qui ne veut point vous voir plus grande Dame qu'elle, a fait aussi ce qu'elle a pu, pour l'éloigner à force de brusqueries : c'est ce qui l'a rebuté sur ma parole. Il y a là-dedans plus d'opiniâtreté que de constance. Oh, si fait, si fait ; vous êtes fille, et le plaisir de contredire, fait quelquefois plus de la moitié de nos passions, à nous autres. Le Ciel en soit loué, j'en suis ravie. Voilà un bel éloge ! T'envoie-t-il ici pour nous dire cela ? Épouser votre tante ! Cela ne se peut pas. Non, c'est Monsieur le Comte qui est devenu fou de vouloir épouser votre tante. Vous aimez à vous flatter vous-même. Vous ferez fort bien de vous emparer de luI. On reprend son bien où on le trouve, une fois. Non, prenez quelque petite fille du village, et me laissez parler à votre tante. J'en tirerai quelque confidence, qui ne vous sera pas inutile. Comment donc, Madame, on dit que vous mettez en joie tout le Village ? Est-ce à cause de la Fête, ou si vous avez quelque sujet particulier de vous réjouir ? Il y aurait de l'indiscrétion, peut-être, de vous demander ce que c'est, Madame ? Comment donc, Madame ? Hé, à quoi, Madame ? Hé, qu'a de commun la fin du siècle avec votre bonheur, Madame ? Voilà de beaux projets ! Cela promet, vous avez raison. Comment donc, Madame ? Hé, quels changements, encore ? Femme de condition ! Cela ne me surprend point, vous êtes taillée pour cela, et vous en avez toutes les manières. Hé ! Quel heureux petit Seigneur aura le bonheur de vous faire femme de condition ? Qui, le petit Comte ? Celui qui était amoureux de votre nièce ? Ah, le petit fourbe ! Hé, qu'était-il besoin de conduire là-dedans, vous ne dépendez que de vous. Oui, cela a son mérite, assurément. Cela était noblement pensé. Il n'y a rien de plus gracieux, vous avez raison. Ne le serait-elle point déjà, Madame ? Voilà votre sœur et votre cousine qui me paraissent bien échauffées. Madame, Madame ; holà donc, Madame. Oh, par ma foi, donnez-vous patience. Mort de ma vie, que de mouvement ! Voilà une famille bien sémillante ! Hé, là, là, Mesdames, un peu de modération, voulez-vous donner à rire à tout le Village ? Voilà cette grosse Marchande de laine de la rue des Lombards, qui, comme vous savez, n'est pas une bonne langue. Voilà de belles fortunes. Hé, Madame Carmin remplira bien cette place là. Assurément, et les Juges les plus habiles ne sont pas toujours les plus équitables. Quelle politesse il y a parmi les femmes de qualité ! Au bout du compte, voilà de belles fortunes ! Une femme placée, une femme en Charge. Courage, Madame, voilà le champ de bataille qui vous demeure, et il faut qu'il crève une douzaine de Bourgeoise de cette affaire-ci. Le voilà qui vous amène Monsieur Naquart. Oh, pour cela non, c'est une des plus grandes perfections de Madame. Quoi, Madame, vous aimez Monsieur le Comte, et vous avez la dureté de l'exposer à la malignité influence ? Vous avez raison, il n'y a pas le mot à dire. Voilà un bon homme qui vous aime à la rage. Ah, ah ! En voici bien d'un autre. Vous devriez demander du retour. Je vais la chercher au plus vite pour lui apprendre cette bonne nouvelle : que je vais la réjouir ! Hé bien, mort de ma vie, laissez le faire, et épousez quelqu'un qui fasse la vôtre. Monsieur Naquart est plus riche que votre tante, il ne tiendra qu'à vous de devenir sa femme. Pourquoi non ? Ce Procureur-là s'est emparé d'une partie de votre bien, il peut bien s'emparer aussi de votre maîtresse. La tante et lui sont déjà d'accord, cela ne dépend plus que de Mademoiselle. Oh pour cela oui, j'en réponds. Il faut que cela soit égal de part et d'autre, il n'y a rien de plus juste. Voilà une déclaration fort obligeante. Hé, pourquoi non ? Allons, venez, on ne vous fera pas signer par force. Hé, fi donc, lire, voilà du temps bien employé vraiment ! Que vous avez peu d'impatience, Madame ! Vous serez Comtesse une heure plus tard. Vous avez tort de disputer, Madame, il le sait mieux que vous ; c'est lui qui a fait les Contrats, une fois. Est-ce que vous voudriez que Monsieur le Tabellion eût l'embarras de réécrire tout cela, Madame. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetedevillage *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetedevillage *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLAUDINE *date_1700 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_claudine Hé, venez vite, Monsieur, parler à Madame. La voilà qui étouffe, et qui va mourir, parce que Madame la Greffière va être Comtesse. Madame l'élue est avec elle qui fait tout comme elle ; elles s'asseyent, elles se lèvent, elles se tourmentent, elles se lamentent ; elles m'ont donné chacune deux soufflets, parce que je ne pouvais m'empêcher de rire.