**** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ORONTE *date_1714 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_oronte Je ne sais pas, Madame, quel gré vous me saurez de la Mascarade ; mis il faut que vous ayez bien du pouvoir sur moi, pour m'engager à venir passer la nuit au Cours dans l'équipage où me voilà. Madame… Ils me paraissent sans fondement. Il n'est pourtant pas impossible qu'avant de s'attacher à vous, il ait eu quelque liaison de société avec quelques femmes du grand monde : quelques-unes d'elles aura pris, peut-être, contre les règles et l'usage de le fine coquetterie, un véritable attachement pour lui. Elle sait qu'il en a pour vous, on veut vous brouiller : voilà d'où viennent les avis qui vous mettent si fort en mouvement, et je gagerais que la partie se trouvera fausse. C'est Marton, je pense ? Lucile et Cidalise sont ici. C'est la suivante de Cidalise. Si tu voulais t'intéresser au mien, Marton. Je n'en serais point ingrat, je t'assure. Hé bien, soit. J'ai dans ma bourse trente louis d'or, je te les promets. Je te les donne ; rends-moi service, et dispose le cœur. Je vois cela d'ici. Je ne manquerai pas de m'y rendre. Voici un drôle qui me parait avoir tout le son de la voix et toute l'encolure du valet de Clitandre. Ne serait-ce point lui ? C'est lui-même, assurément. Hé, l'Olive. Ah ! C'est donc toi, je te reconnais. Tu n'es pas l'Olive ? Je vous connais, Masque, vous avez beau faire. Je crois que vous êtes un certain fripon. Je ne me méprends point, tu es l'Olive. Que fais-tu ici ? Avec qui ton Maître y a-t-il rendez-vous ? Cidalise et Lucile, sans doute ? Oh bien ! Ton maître est un impertinent, d'avoir fait cette partie-là ; elle pourrait bien lui faire manquer le mariage de Célide. Sans adieu, l'Olive. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLITANDRE *date_1714 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Je ne puis reconnaître personne sous le masque. Est-ce toi, l'Olive ? As-tu vu ces Dames ? Il en arrivera ce qui pourra. J'ai fait la partie en enrageant ; mais je ne saurais plus m'en dédire. Plaisant amour, que celui d'une coquette ! Tu te moques, je pense. Je ne la crains point ; fais hâter le repas, tâche de trouver Monsieur Oronte, et propose-lui d'en être : cela est de conséquence. Je n'ai jamais fait de plaisir dont je me sois promis si peu de plaisir que celle-ci. Je suis vraiment amoureux de Célide, sans être fort sûr d'en être aimé. J'ai à combattre un rival riche, aimable, Damon, qu'elle estime, et qui mérite d'être heureux ; Et dans cette situation, je fais une partie de nuit au Cours, avec des coquettes de profession, qui m'aiment peu, que je n'estime guères. Pourquoi le fais-je ? Si j'en sais rien, que la peste m'étouffe. Sottise de jeune homme ; air ridicule de bonne fortune ; pure impertinence ; envie de donner matière à parler. On parlera ; je chagrinerai Célide ; j'enragerai ; il faudra des éclaircissements. L'agréable amusement que je me fais-là ! Ma foi, à commencer de compter par moi-même, la plupart des jeunes gens d'aujourd'hui sont de ridicules personnages. Je le sais bien aussi, je vous en réponds, et je me le disais tout à l'heure à moi-même. Je rendais justice à mon étourderie. Je trouvais que nous sommes de grandes dupes, de la mode et des fantaisies de certaines Dames, de venir ici nous ennuyer pendant la nuit à une promenade, qui devient cohue. Moi, Damon ? Ce peut-être là mon portrait ; mais je ne suis point Damon, je vous assure. Les détails sont longs, et je cherche ici compagnie. Vous vous tromper encore. Adieu, Masque. Célide, dites-vous ? Attendez, je vous prie. Célide a donné ici rendez-vous à Damon ? Un mot, de grâce. La cruelle situation ! Je suis ce que vous voulez, Masque. Je m'intéresse à Célide, j'en conviens ; je sais qu'elle est ici : mais ce n'est point pour le malheureux Damon qu'elle y vient. Elle aime Clitandre. Il se flatte de l'épouser. Y en a-t-il de plus forte ? Je suis sûr de mon malheur, je suis au désespoir. Clitandre touche au moment d'être heureux. Masque… Quelle certitude avez-vous que Clitandre ne soit point aimé de Célide ? Ah, ah ! Voici qui est plaisant. Il l'adore, je le sais ; elle l'aime, si elle l'épouse, je n'en puis douter ; je connais la vertu de Célide ; je réponds du cœur de Clitandre. Hé ! Le connaissez-vous ? Doucement, de grâce. Je suis son rival, mais je vous prie de l'épargner. Que trouvez-vous donc en lui qui l'en rende indigne ? Et Célide en est informée ? Voilà d'indignes procédés. Et cela rompra le mariage de Célide avec Clitandre ? Je ne conseillerais pas à qui que ce fût d'être de moitié de la vengeance. Hé ! Qui oserait s'exposer à la juste fureur de Clitandre ? Vous ? Ah ! C'en est trop, et je connaîtrai… Que vois-je ? C'est toi, Marton, qui me parle ainsi de Célide ? Célide est ici ? Voilà tout ce que je craignais. En as-tu quelque nouvelle preuve ? J'en sais assez pour me tirer d'affaires. Où sont-elles ? Ne me suis point, je vais tâcher de les y joindre. Je ne serai pas la dupe de l'aventure. Masque à bonnes fortunes, je trouble mal à propos votre tête à tête ; mais je suis le premier en date, et c'est à moi que cette Dame avait donné rendez-vous ici. À me méprendre ? Ah ! Je connais trop Cidalise pour prendre le change avec elle. Te tairas-tu ? Il ne fallait pas, Madame, m'engager dans cette partie, pour vous y trouver avec d'autres. Je ne sais pas de quelle utilité votre présence me peut-être, à moins que vous ne vouliez faire pour moi les honneurs du réveillon, et que Madame me permette de retourner dans le moment à Paris, où ce très puissantes raisons me pressent de me rendre. Ce n'est ni bizarrerie ni impolitesse, c'est inquiétude. Je me suis engagé dans cette partie comme un étourdi, comme un sot ; achevez-la pour moi, je vous prie : les frais en sont faits, je vous laisse le maître. Adieu, Madame, demeurons amis, et ne nous voyons plus, je vous en conjure. Amoureux et jaloux de Cidalise, moi ? Je n'aime et n'aimerai jamais véritablement que Célide. Je me flatte d'en être aimé : cette partie, toute indifférente qu'elle est, peut la chagriner ; elle la fait, peut-être, elle me soupçonne, les apparences sont contre moi, je me reproche tous les moments que je tarde à me justifier. Je suis en âge d'en faire, je vous l'avoue ; mais c'est beaucoup de les reconnaître, et de tâcher de les réparer. Que vois-je ! Quelle surprise ! C'est vous, Madame Célide ? Dans le même déguisement que j'ai vu tantôt à Cidalise ? Par quelle heureuse aventure, Madame ?… **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CYNOEDOR *date_1714 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_cynoedor Tandis que l'horreur de la Guerre Mettait en feu toute la Terre, Ce sont ces beaux lieux que la Paix Avait choisi pour son Palais. Vénus en colère A dit à l'Amour Qu'en certain mystère On craint le grand jour ; Jadis à Cythère En flagrant délit, Phébus la surprit, L'Amour pour lui plaire Prend ici la nuit. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LOLIVE *date_1714 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lolive En attendant le réveillon, Je viens de prendre mon bouillon Landerirette ; Je serais mieux au lit qu'ici, Landeriri. Morbleu, que de tumulte dans ces promenades ? Quelle affluence de badauds ? Depuis quelques jours on y rencontre que des Masques ; et de toute la soirée, je n'ai encore pu parler à aucun visage. Voilà une façon de Bourgeois déguisé, qui s'attache à m'observer ; prenons garde à n'être point reconnu. Plaît-il, Monsieur ? Pardonnez-moi, Monsieur, je ne suis pas moi, vous vous méprenez. Non, Monsieur. Je suis Masque d'honneur, un petit Maître… de nouvelle fabrique, à la vérité, mais… Hé ! Attendez un peu, s'il vous plaît. Vous me paraissez un novice de Bal, tout vieux que vos êtes. C'est Monsieur Oronte, le tuteur de mon Maître. Célide saura notre partie. Je vous connais aussi. Nous avons tous deux de mauvaises connaissances. Je pense que vous êtes un certain honnête homme. Oh ! Nous nous méprenons, comme vous voyez. Hé bien ! L'Olive, oui. Mais fripon, non, entendez-vous ? Avec des Dames de votre connaissance. Araminte, moi et Marton ; voilà la partie. Je l'en ai averti, ce sera sa faute. Le voici, je pense. Oui, Monsieur, c'est moi-même. Non, Monsieur. Je n'ai vu que Monsieur Oronte, qui sait votre partie avec Cidalise, et qui dit que cela vous brouillera avec Célide. Le mariage de Damon avec Célide n'est pas bien rompu encore, ni le vôtre bien arrêté. Cidalise est une dangereuse personne ; elle vous aime tout de bon. Monsieur, Monsieur, quand ces Dames-là, qui n'aiment pas ordinairement, se mettent en tête d'aimer quelqu'un, c'est cent fois pis que d'honnêtes femmes : celle-ci nous jouera quelque tour, prenez-y garde. Il ne se fera pas prier, je vous en réponds. Je vous retrouve à propos, Monsieur. Je vous avais bien dit que c'était une méchante masque que votre Cidalise. Oh, vraiment oui. Célide et elle sont ensemble, et elles ont troqué d'habit de masque pour vous mieux tromper. Je les ai vues sans qu'elles me vissent : on vous prépare quelque trahison, prenez-y garde. Dans quelqu'une de ces allées. Il a raison de ne me pas mener. Elles le rosseront, si elles le reconnaissent. Mais voici un Masque qui me tourne et qui paraît m'en vouloir, à moi. Sur quel ton le prendre ? C'est la voix d'une femme ; il ne faut pas manquer cette bonne fortune-là, elle se présente de trop bonne grâce. Elle se connaît en gens d'aujourd'hui, de condition ou en condition, c'est à peu près la même chose. Vous vous trompez, Masque, je n'en cherche point. J'en ai plus d'une douzaine tout assurées : mais il ne tiendra qu'à vous de me les faire manquer toutes, je vous en assure. J'aime les affaires imprévues : les coups de hasard me font plaisir, et je préférerais une simple petite Grisette, qui ne s'attendrait pas à l'honneur de me voir, à vingt Marquises des mieux apprêtées. Mille pardons, mon adorable, ne vous offensez point du terme : il y a Grisette et Grisette, et j'en sais bien faire la différence. Et moi un Grison de même, ma chère enfant. Vous verrez que nous nous convenons à merveilles. Et vous une masque de chambrière qui ne seriez pas fâchée de la trouver. Et moi ravi de connaîtrez vos allures, Madame la… Il ne faut pas dire d'injures à une femme. Il est vrai ; je t'ai reconnu pour cela. Mais vous agacez, vous, le premier Magot. Oh bien, pour moi, je suis de bonne foi. J'étais dans l'erreur, et je croyais avoir trouvé une bonne fortune. Et voilà les femmes. Va, va, pardonne-moi cette petite faiblesse ; tu auras peut-être quelque jour besoin que je t'en passe d'autres. Je cours faire mettre le couvert. Sans adieu, ma charmante. Elles ont troqué d'habit, Monsieur ; c'est là Célide ? C'est Célide, Monsieur, vous n'y songez pas. Il le prend bien. Allons, courage. On vous tendait un panneau, Monsieur ; Mais la force de la vérité a de grandes prérogatives. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CELIDE *date_1714 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_celide Vous y trouverez peut-être Lucile, et vous n'êtes pas si fort ennemi des plaisirs que vous le voulez paraître, Monsieur Oronte. Je sais vos affaires… Mais, indépendamment de ce qui vous regarde, vous devez m'aider à éclaircir les soupçons que j'ai de Clitandre. J'y vois peu d'apparence ; Clitandre n'est point chez lui, on l'en a vu sortir en carrosse ; il a passé chez la Guerbois, il a pris le chemin du Roulle, le carrosse de Cidalise, et un autre qui le suivait, ont fait la même route. La moitié de l'avis se trouve déjà vrai, il est question d'approfondir l'autre. Cela n'est pas impossible. Vous êtes dans l'erreur, et vous me connaissez mal, je vous assure. On pousse l'insulte, comme vous voyez ; la chose n'est que trop véritable, je suis outrée de chagrin. Ils sont instructifs, du moins, s'ils ne sont pas réjouissants ; et c'est savoir en tirer parti, que de régler sa conduite et ses affaires selon les incidents qu'on y découvre. Je suis si vivement piquée… Hé ! Quel ? Je n'ai point de passion, je vous assure. Non, sérieusement. Ah ! Je vous jure… Simple curiosité d'approfondir le caractère des hommes. Mais nécessaire pour assurer notre repos. Cela n'est que trop vrai. Que je vous aurais d'obligation ! Comment ! Que le diable s'en mêle ? Et Monsieur Oronte ? Est-ce vous, Marton ? Cidalise vous cherche. Votre conversation est tout à fait gracieuse, Seigneur Cynœdor, et vous êtes assurément le Génie du meilleur commerce. Vous paraissez de meilleur foi que tous les gens du monde ; et à raisonner juste sur tout ce que vous m'avez fait remarquer dans toutes ces allées, on ne doit absolument faire aucun fonds sur la fidélité des hommes. Tout le monde se trompe donc aujourd'hui ? Voilà des mœurs bien perverties ! On a bien à souffrir, quand on a le cœur trop bon. Vous établissez là d'étranges maximes. Les grands scélérats que sont les hommes ! Quelle dépravation ! Quels caractères ! C'est-à-dire que Clitandre est peut-être masqué pour moi ? Je l'ai fait ; j'ai cru ne pas l'aimer, je le feignais, du moins : la jalousie m'a démasquée ; je l'aime de bonne foi, je ne saurais plus feindre. Cela ne vous sera pas difficile, Clitandre. Vous vous reprochez d'avoir donné des soupçons à Célide ; Célide se reproche d'en avoir eu. Je ne puis vous cacher que je vous aime : redites-moi que vous m'aimez, Clitandre, et ne me trompez pas, je vous en conjure. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ARAMINTE *date_1714 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_araminte Voilà le plus heureux présage du monde, en arrivant on nous promet que l'Amour et les Dieux s'intéressent pour nous : la partie ne saurait manquer d'être heureuse. Pour moi, c'est le plaisir du bal qui m'amène : j'aime la danse à la folie, je voudrais que vous m'eussiez vue dernièrement danser le Cotillon avec Monsieur Oronte. Nous devions bien l'amener le pauvre petit bonhomme. Cela est vrai, je crois m'apercevoir qu'il me néglige ; mais patience : il en soupirera six mois davantage, et je ne dirai oui qu'à bonnes enseignes. Je pense quelquefois comme toi, ma pauvre Marton ; mais c'est un caractère si singulier que ce Monsieur Oronte ; il me rend des soins, il m'aime, je n'en saurais douter, mais il n'est pressant que quand je suis fière, quand je me radoucis, je l'embarrasse. Oh ! Ces manières-là me déconcertent, je vous l'avoue. Allons Mesdemoiselles ; Monsieur Desminutes, cherchons les endroits où il y a des violons : le bal est mon centre, et je m'en vais danser jusqu'à demain matin. Mais laissez-moi donc, Masque. Vous êtes trop pressant. À mon secours, Marton. Vous m'avez quittée bien mal à propos, vous autres. Non pas à ma personne, mais à ma pudeur. On m'attaque trop vivement, on me trouve trop de mérite, trop de charmes ; on exige que je me démasque. Oui, la vivacité augmenterait ; l'amour triompherait ; le vainqueur s'emporterait à des excès peut-être, et dans une aussi nombreuse assemblée cela donnerait matière à la médisance. Non, non. Ne m'abandonnez pas, je vous prie, voilà mon persécuteur qui me cherche, je ne veux point du tout contenter sa curiosité. Vous ne m'importunez point : mais vous me pressez trop ; cela est indiscret : demeurons-en là, demeurons-en là. Vraiment, Monsieur, vous êtes un sot masque, et un impertinent visage, de me prendre pour une autre, et de me confondre avec Cidalise : on ne se changerait pas pour elle. Allez, mon ami, l'instinct vous conduisait mieux que le discernement, vous êtes une bête. Le vilain masque avec sa méprise ! J'ai bien compté là-dessus, et je vous recommande mes intérêts. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LUCILE *date_1714 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lucile La foule paraît si grande qu'on n'y peut aborder, et si par hasard ils y étaient, nous aurions de la peine à les joindre. Il y a deux jours que nous ne l'avons vu, Madame, il me paraît que ses assiduités pour vous diminuent. Prenons garde de ne nous point séparer. Ah, que vous êtes incommode Monsieur Desminutes ! Avec vos doléances perpétuelles. Les Amants plaintifs ont toujours tort : plus ils se plaignent, plus ils deviennent à plaindre, et l'on n'en a jamais pitié. On vous en a obligation, nous ne sommes point ingrates. C'est que nous ne sommes pas convenus de prix, vous surfaites et nous rabattons. Tu viens fort à propos, Finette, pour être juge de notre différend. Monsieur Desminutes veut absolument que je l'aime : qu'en dis-tu ? C'est quelquefois ce qui le diminue, l'amour ne plaît qu'autant qu'il est jeune, et le vôtre n'est rien moins qu'enfant, Monsieur Desminutes. Qu'y a-t-il donc, Madame ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MARTON *date_1714 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_marton Hé mort de ma vie, pourquoi tant tarder à conclure votre mariage ? Ce devrait être une chose faite. À Chaillot, Mesdames ; c'est le rendez-vous le plus sûr que celui de la table ; c'est là qu'il se faut rendre : remontons en carrosse. Allons-y d'abord, nous, Madame, car ce n'est ni le bal ni la promenade qui vous attirent ici. Je l'appréhende aussi, moi, Madame. Je me trouve assez bonne connaisseuse pour être persuadée que vous l'aimez déjà. Il vous doit l'être, il aime Célide. Vous avez tort, Madame ; c'est un fort bonhomme que Monsieur Butorville. Mais vous avez gardé la boîte ? Fort bien, vous n'êtes curieuse que de bijoux, et vous n'aimez pas les tableaux. Mais êtes-vous sûre qu'il soit bien achevé ?... Là… Sur ce pied-là, voilà un homme fort inutile dans le monde ; vous auriez dû vous en défaire plutôt. On m'avait dit qu'il en donnait. Hé bien, Madame. Ah ! Le mauvais rêve ; il vous arrivera quelque malheur. Ni moi, Masque, je vous assure. Voilà une des belles directions qu'il y ait dans les affaires du monde. Il faut que vous soyez bien au Bureau pour avoir cet emploi-là. Hé, pourquoi donc ? Hé, comment cela ? Voilà de grands inconvénients ! Le Génie n'a pas tort, Madame, vous avez envie de vous marier ; vous songez les nuits de mariage : cela vise furieusement à la folie. Ah, ah ! Voici qui est plaisant. Qui est ma marraine. Hé, vraiment oui. Je n'ai jamais connu ni père ni mère. Je vous suis bien obligé vraiment, de m'apprendre ainsi des nouvelles de ma famille, et voilà une belle généalogie. Il n'y a personne qui ne s'en doute. L'Amour est de vos amis ? Les Diables se mêler de faire des mariages ! Je croyais que leur intérêt était de les empêcher ou de les brouiller du moins quand ils étaient faits. Et avec qui, s'il vous plaît ? Ce sera avec Clitandre, Madame. Il faudrait avoir la vue bonne. Ne serait-ce point Célide, Madame ? À moi, Madame ? Mais de quelle manière ?… Miséricorde ! L'esprit du Diable ! Mais, je ne la connais point ; comment m'y prendre ? Que ferai-je ? Il ne tiendra pas à moi. Commençons d'abord à connaître la situation du cœur de Célide, pour prendre des mesures plus justes. Bonjour, beau Masque, vous me voyez à visage découvert, et vous ne me connaissez pas ? Vous êtes masquée, et je vous connais, moi. Hé ! Voilà aussi notre bon ami, Monsieur Oronte. Qu'il est bien déguisé ! Un âne en Docteur. Il n'y a pas de mascarade plus parfaite. Pour vous, Madame, vous êtes une façon de Junon, une déesse jalouse, qui venez chercher ici votre Jupiter, que vous croyez qu'une Nymphe de ma connaissance vous enlève. Ces fêtes du Cours sont des plaisirs mêlés d'amertume, tout le monde ne s'y réjouit pas également. On est souvent la dupe de ce qu'on y croit voir : prenez-y garde. C'est le moyen d'être trompée. Voulez-vous faire un petit marché avec moi ? Je vous guérirai de votre passion, ou je vous détromperai de l'erreur où vous êtes, de croire Clitandre infidèle. Plus que vous ne voulez qu'on vous en croie. Plus même que vous ne vous en croyez. Vous tachez de vous la cacher à vous-même, mais elle est trop vive, et sans cela vous ne seriez pas ici… Curiosité dangereuse. Et qui le trouble souvent, au contraire. Tranquillisez-vous, la vôtre ne vous causera point de chagrin, et je suis chargée de vous faire connaître que Clitandre n'aime que vous véritablement. Cela ne me sera pas bien difficile, j'ai pour le reste de la nuit seulement une façon de toute-puissance dans ces promenades, dont je prétends me servir utilement pour le bonheur de bien des Amants. Pourquoi non ? Je le crois ; mais avec des soupirants de votre âge, il faut que la reconnaissance précède le bienfait, je vous en avertis. Le terme de promettre n'engage point, il n'y a que celui de donner qui détermine. Le cœur de Lucile. Elle est ici. Je sais ce qu'il vous faut ; laissez-moi faire. Mais comme l'Amour ne s'intéressera guères à vos affaires, il faudra tâcher que le diable s'en mêle ? Oui, Madame, lui ou moi, c'est à peu près la même chose. Je suis un diable en fait d'intrigues, et il n'y en a point que je ne fasse réussir ; laissez-vous conduire, et venez avec moi seulement. Qu'il demeure ici ; qu'il tâche de rencontrer l'Olive ou Clitandre, et qu'il vienne m'en donner avis ici près, à Chaillot, dans ce grand pavillon couvert d'ardoise. Voilà Clitandre comme on me l'a dépeint, et je ne saurais m'y méprendre. Bonjour, Masque. Je sais qui vous êtes. Comment donc ? Et à quel propos ? Je vous reconnais encore mieux à vos réflexions. Oui, justement, vous êtes Damon. Oui, vous-même. Je ne me méprends point, Monsieur l'Irrésolu. Voilà mon homme qui va partout en enrageant ; qui arrangerait de n'y pas aller ; qui ne sait jamais ni ce qu'il voudrait faire, ni ce que les autres veulent ; que le plaisir entraîne sans le contenter ; que la raison gourmande, et qu'elle n'assujettit point ; esclave de ses passions, sans croire en avoir ; heureux en apparence, et malheureux par tempérament. Est-ce vous, Damon ? Vous connaît-on, Masque ? Vous êtes fort sur la négative : il faut vous approfondir, et vous détailler pour vous réduire. Vous la trouverez, elle y est ; je sais qui c'est. Je ne me trompe point. Je viens de la quitter ; c'est Célide. Ah, ah ! Ce nom vous émeut. Vous n'êtes pas Damon ; j'étais dans l'erreur ; l'amour vous trahit. Adieu, Masque. Je n'en veux pas savoir davantage. Vous n'êtes pas Damon ; je n'ai rien à vous dire. Non, je croyais parler à Damon. Je parle à un inconnu, qui ne prend aucune part à Célide : à quoi bon l'entretenir ? Fi donc. Belle marque d'amour ! En savez-vous de moindre ? Vous êtes facile à désespérer. Il touche au moment d'être dupe. Damon… Elle l'épouse ; que faut-il davantage ? Il ne l'aime pas trop lui-même, puisqu'il veut bien devenir son mari. Il est dangereux d'être sa caution. Qui ne le connaît pas ? C'est le plus grand fou, le plus impertinent personnage… Hé ! Mérite-t-il qu'on le fasse ; un extravagant qui a vingt fois manqué sa fortune, faute de conduite ; et qui peut-^être serait véritablement aimé de Célide, s'il savait mériter de l'être ? Sa conduite, ses inégalités, sa perfidie. Dans le moment qu'il jure qu'il l'adore, il vient ici avec d'autres Dames, qu'il y régale. Ce sont elles qui l'en ont fait avertir. Oui de part et d'autre, n'est-il pas vrai ? Tout au contraire, elle l'épousera pour s'en mieux venger. Une jolie femme ne manque pas de vengeurs en ce pays-ci. Qui ? Moi. Oui, moi-même. Je connais Clitandre ; je sais que je lui parle, et je me moque de lui. Vous connaîtrez un Masque qui est bien fâché de ne pouvoir être votre rival. Et par ordre de Cidalise. Célide et elle sont ensemble. Avec Monsieur Oronte ; fort fâchée de votre partie, et du mystère qu'on lui en fait. Ne vous inquiétez point, on l'apaisera. Que voilà un jeune homme bien fait et de bonne mine. C'est un homme de condition, sans doute. Il cherche ici quelque aventure. Ah, le bon traître ! Cela est bien obligeant vraiment. Ah, que vous êtes bien dans le vrai, mais cependant, Monsieur, si l'entretien des Grisettes est tout ce qui vous charme, nous n'aurons pas longue conversation ensemble, et je ne suis pas votre affaire. Je suis une Grisette de condition, moi, afin que vous le sachiez. Non, croyez-moi, nous ne nous convenons point, Monsieur de l'Olive, vous êtes un maroufle de valet qui cherchez fortune. Je suis bien aise de savoir de quoi vous êtes capable, Monsieur le faquin. Vous en contez à la première guenon. J'en conviens ; je t'ai attaquée de conversation, mais pour t'éprouver ; je savais bien qui tu étais, et je t'ai vu parler à ton maître. Et voilà les hommes. Ce n'est qu'à cette condition-là que je te pardonne, au moins. Mais j'ai à chercher ici Monsieur Butorville, et voici des gens de notre compagnie qui se rapprochent : va-t'en hâter le réveillon, dépêche. C'est moi, Madame ? Gardez-vous bien de le faire, Madame, cela est trop de conséquence. Un peu de ménagement pour les Dames, de la complaisance et de la politesse, Masque. C'est le benêt que je cherche, Monsieur de Butorville. Tout de bon ? Vous vous méprenez, ce n'est point elle. Ce n'est point elle, vous dit-on, c'est Araminte : démasquez-vous, Madame, pour contenir ce furieux-là. Il n'y aurait pas moyen sans cela d'en venir à bout. J'ai quelque affaire pour mon compte avec ce masque là, regagnez le carrosse et le lieu du réveillon, et laissez-nous quelque temps ensemble. Hé que diantre ! Monsieur de Butorville, est-il possible que vous vous mépreniez si grossièrement ? Vous l'avez pourtant furieusement été. Ce n'est pas là la plus grande perte que vous eussiez pu faire. Je me souviens toujours du temps que vous arrivâtes d'Amiens en deuil de la mort de votre père. Cela est vrai ; vous arrivâtes en bonne compagnie. Et d'une manière bien gracieuse. Oui, je m'en souviens, j'étais de tout cela. Oh ! Voilà de quoi je n'ai point été, et c'est peut-être une des fautes que vous avez faites. Vous parlâtes à la fin ? Hé bien. Voilà une femme bien difficile à persuader ! Assurément, et je ne sais qui est le plus obstiné de vous deux. Vous avez déjà vu celle de votre argent, et Madame vous a donné votre congé ; en voilà assez à ce qu'il me semble. Mais de cette manière-là cela me paraît fini. Vous vous voulez donc renouer avec elle ? Vous êtes bien conseillé. Oh ! Vous vous raccommoderez, je prévois cela. Voulez-vous que dès cette nuit je vous fasse faire réveillon avec elle ? Vous lui reparlerez sur le champ de votre amour ; entre deux vins vous serez plus hardi, on viendra dire à table que vous êtes orphelin, il n'y a pas de meilleur moment pour avoir réponse. Ne perdons point de temps, allons la joindre. Comme chacun sait qui vous êtes, et le droit que vous avez de présider ici, on vous laisse le maître des arrangements. Il y a d'heureux moments dans la vie, comme vous voyez. Tout le monde s'en flatte ; mais voici une bande de violons et quelques Masques qui s'approchent. **** *creator_dancourt *book_dancourt_fetesnocturnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_fetesnocturnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_FINETTE *date_1714 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_finette Il n'y a personne d'arrivé à Chaillot que le Fiacre, deux Cuisiniers, et la provision ; mais Clitandre ni l'Olive n'y sont point encore. Elles en déconcerteraient bien d'autres, vous avez raison. Quel marché faites-vous-là ? Vous ne me paraissez pas bien d'accord. Je dis que Monsieur Desminutes a bien raison, et que vous êtes assez aimable pour lui inspirer une forte envie d'être aimé. Assurément, j'approuve fort la passion que vous avez pour Mademoiselle. Mais j'approuve bien plus encore Mademoiselle de n'y pas répondre. Je ne m'en dédis point, je le répète encore : vous êtes fait pour en prendre, et point du tout pour en donner. Hé ! De quoi diantre s'est-il avisé, d'aller naître là ? Tenez, Monsieur, un amour qui se place si mal en naissant, est un petit monstre qu'il faut étouffer dès le berceau, ou le faire du moins crever de chagrin quand on l'a trop laissé vivre. Je ne masque que mon visage, et point du tout mes sentiments, comme vous voyez. Je vous ai rendu ce que je vous dois, j'ai racheté mes droits de sincérité, je ne flatte plus. Si vous craignez ces inconvénients-là, démasquez-vous, Madame. Vos traits triompheront de ceux de l'Amour, et vous ferez taire la médisance. Cela est fort judicieux. Vous avez bien choisi votre emplacement. Votre cœur est en défaut aussi bien que votre esprit quelquefois.