**** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURBERNARD *date_1688 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurbernard Ah, bourreau ! Qu'as-tu fait ? Et tu as l'effronterie de me le venir dire toi-même ? Coquin, ne t'avais-je pas donné ordre..... Que tu m'obéisses, traître. Et c'est par cette raison-là, maroufle. Il faut pourtant que je mette ordre à tout ceci. Viens çà, parle-moi un peu, écoute. Qui sont ces gens qui viennent d'arriver ? Combien sont-ils ? Tu ne sais comme on les appelle ? Et tout cet équipage est chez moi ? Ah, le pendard ! Il n'y a pas moyen d'y résister ; et depuis que ma pendarde de femme m'a fait acheter cette maudite maison de campagne, j'y ai dépensé, en moins d'un été, mon revenu de quatre années. Eh ! Oui, oui, l'on m'aime ; mais je voudrais bien qu'on ne m'aimât point tant. Si j'avais bien su cela.... Que le diable les emporte ! J'ai bien affaire de leur visite. Eh ! Qui sont-ils encore? Fort bien. Ah, juste ciel ! Qui ? Ne me voilà pas mal. Et comment madame a-telle reçu ces gens-là ? Oui ? Comment, huit jours ? Oh ! Ventrebleu, je leur ferai si mauvaise mine, qu'ils n'y seront pas si longtemps. Ne dis-tu pas qu'ils sont dans le jardin ? Huit jours, morbleu, huit jours ! Quatre personnes, six chevaux, et un tas de valets ! Mais ventrebleu, faudra-t-il que j'aie des pensionnaires comme ceux-là ? Qu'est-ce que c'est que ce gros coquin-ci encore ? Eh bien ! Va, je lui donne le bonjour, mon enfant. Je ne dîne point demain, j'ai des affaires. Ah ! Ah ! Mon neveu sait mieux vivre que le autres, encore. Prends ce gibier, toi, et qu'on le mette fraîchement. Comment diable ! Deux ou trois capitaines ! Écoute, écoute, je t'avais bien dit d'abord que j'aurais demain des affaires : tiens, reprends ton gibier, mon ami, et dis à mon neveu... Ah ! J'enrage. Comment morbleu, il m'envoie un faisan et quatre perdreaux, et il m'amène cinq ou six bouches à nourrir ? Comment donc ! Que veux-tu dire ? Non, vraiment ; et d'où vient qu'on ne leur a point ôté leur fusil ? Pourquoi ne leur pas mettre du plomb dans la cervelle ? Mon neveu, dis-tu ? Ah ! le traître. Il m'envoie du gibier qui ne lui coûte guère. Mais, ne suis-je pas bien misérable de me voir ainsi piller de tous les côtés, et d'avoir une carogne de femme qui veut encore que je lasse bonne mine malgré que j'en aye ? Mon pauvre monsieur Griffard... Il faut que tu m'aides à remédier à tout ceci, mon enfant. Cela est horrible ; mais n'y a-t-il point quelque bon moyen pour faire finir tout cela ? Oui ; mais ma femme y serait toute seule, et ce serait bien pis encore, elle mettrait tout par écuelles. Je ne trouve point à la vendre, elle est trop décriée, et j'ai fait une grande sottise de l'acheter. Eh ! Ne l'ai-je pas déjà voulu faire ? Mais cela n'a servi de rien. Point du tout. Ma coquine les fait rester, et tout le monde couche dans ma grange comme par divertissement. J'en suis pour ma paille et mon blé ; et quand je m'en fâche, elle me dit que je suis un brutal, et que je ne sais pas vivre. Et quel est-il ? Parle. Je ne le connais point. Monsieur, je vous donne le bonjour. Oui, monsieur, à ce qu'il me semble. Ce n'est pas une conséquence, et... Eh ! Qui diable t'a prié de le faire ? C'est un bijou dont je voudrais bien retirer mon argent. Oui, monsieur ; mais j'aime fort mon petit particulier, pour moi. Oh bien, mon vin ne vaut rien du tout, et la chère que l'on fait ici ne devroit point attirer tant de gens. Qu'est-ce ? Vous vous moquez de moi, monsieur ; et pour être voisins, il n'est pas dit qu'on doive être toujours les uns chez les autres. Fort mal, je vous jure, et j'en suis déjà si las... Oui, je vois fort bien qu'ils se connaissent, mais je n'en connais pas un, moi. Monsieur ? Eh bien ! Ne voilà-t-il pas comme ils font les honneurs de chez moi ? Si cet homme-là connait toute la noblesse du pays, il me fera des amis, malgré que j'en aie, de tout le monde. Vous en avez menti, carogne, et vous savez bien le contraire. Voilà un expédient admirable. J'enrage ! Fort bien. Point du tout ; et si cela vous gêne, je vous assure que de mon côté... Morbleu, madame, vous êtes cause que je ne suis pas le maître chez moi. Le pauvre enfant ! Si j'étais bien le maître, tu n'aurais pas seulement du pain des valets. Non, morbleu, il n'y aura plus moyen de vivre avec moi, car je n'aurai bientôt plus de quoi vivre. Je voudrais déjà que cela lut, pour ne plus voir tout ceci. C'est que vous m'y plongez, dans la misère. Eh ventrebleu, madame , je suis ruiné par les vôtres, moi. Si vous vous corrigiez de toutes celles que vous faites ? Oui, morbleu, et je voudrais que les trous et les ornières fissent casser le cou à tous ceux qui viennent ici. Non, madame, et la compagnie ne me plaît pas. Eh bien ! Qu'on le raccommode. Quoi ! Vous allez... Si l'on peut s'en dispenser ! Vous êtes bien aise d'avoir cela à me dire, morbleu ! Bonjour... Courage. Comment donc ? L'air de ce pays-ci ne vaut rien. Oui ? Maugrebleu de la chienne: de parenté ! Morbleu, ceci passe la raillerie ! Ouias ! Je ne sais pas ce que cela signifie, mais il semble qu'on ait dessein de me faire pièce : de petits potages, de petits poulets, de petites perdrix. Ce grand nicodème de cousin m'a plus mis en colère que tout le reste, et cependant je n'ai jamais eu la force de le lui dire ; mais c'en est trop. Allons, morbleu ! Une bonne résolution : je m'en vais être homme à la barbe de ma femme. Il faut que je commence par faire quelque incartade aux gens qui sont déjà ici ; il en arrivera ce qu'il pourra. Qu'y a-t-il ? Comment donc ? Eh bien ? Non, vraiment; tu as bien fait, au contraire, et tu es un garçon de bon sens, pour le coup. Le ciel n'est pas tout-à-fait injuste, et cela ne pouvoit arriver plus à propos. Moi ? Ah, ciel ! Il ne me fallait plus que cela pour m'achever de peindre. Comment donc, morbleu, jusqu'aux chiens, tout sera à bouche chez moi ? Ah ! Que la vie de la campagne est une abominable vie ! Ah, double chien ! Tu m'as fait de belles affaires avec ton cerf. Quels messieurs ? Y a-t-il encore quelque chose de nouveau ? Ils ne sont donc plus dans la cuisine ? Ma pauvre Nicole, va prendre garde à ces fripons-là. Mon pauvre monsieur Griffard, je ne sais plus où j'en suis. Écoutez, il ne me faudrait point trop presser là-dessus. M'ont-ils bien fait du dégât ? Ah, ah, je suis mort ! Et voilà de quoi abîmer tout le village. Quoi, ventrebleu ! Des gens que je ne connais point ? Ils me connaissent ? Comment le sais-tu ? Et quelque chose me peut-il fâcher plus que je le suis ? Les scélérats ! Oui ? Oh parbleu c'est moi qui leur en vais faire une. Viens-t'en avec moi seulement. Cela part de là, vois-tu. Viens-t'en avec moi, te dis-je. Pour cela, l'esprit est une belle chose ! Ah ! Si je m'en étais avisé plus tôt, je me serais épargné bien des chagrins. La double masque ! Il lui sied bien de me vouloir plaisanter encore ! Mais ventrebleu, rira bien qui rira le dernier. Je m'en vais.... Je m'en vais lui servir un plat de ma façon. Tu n'as qu'à lui dire. Nous allons voir des gens bien penauds. Tu peux à présent laisser entrer tout le monde. Qu'est-ce, Dorante ? Vous voilà bien seul aujourd'hui ? Vous avez pourtant coutume de ne pas revenir sans compagnie. Pourquoi non ? Vous êtes le maître ; on vous fait honneur et à moi aussi. Vous êtes-vous bien diverti ? D'où venez-vous ? J'en suis ravi, je vous assure ; il est bon de connaître d'honnêtes gens. Voila une querelle bien ancienne, et cela est glorieux à accommoder. Assurément. Pourquoi cela ? Oh ! Je suis bien changé depuis que vous ne m'avez vu. Sont-ils beaucoup ? Ce n'est guères. Oh, çà, çà, je vais me préparer pour les recevoir. Ce sont gens de bonne chère et de plaisir, n'est-ce pas ? Tant mieux. Je suis à vous dans un moment, ne vous ennuyez pas. C'est un déshabillé pour la cuisine. Sont-ce là ces messieurs ? Çà, vitement, dépêchons-nous, une chanihre pour ces messieurs. Voulez-vous descendre dans la cuisine, pour voir ce que vous mangerez ? À table d'hôte ? Je vous entends, tant par tète. Combien êtes-vous, s'il vous plaît ? Paix, mon fils, vous êtes une bête. C'est l'Épée royale, à votre service. Il y a de bon vin, mais je le fais bien payer. Vous pouvez voir ailleurs, messieurs, on vous accommodera peut-être mieux ; mais pour moi je suis cher, je vous l'avoue. Monsieur mon fils, cela vous apprendra à vivre. Les voilà pourtant partis, et l'Epée royale fait ces merveilles. Je voudrais bien savoir ce que dira madame ma femme de tout ceci. Oui ; mais je serais ravi d'entendre ce qu'ils disent entre eux de l'invention que j'ai trouvée. Comment diable, voilà le valet d'Éraste ; est-ce qu'Éraste serait chez moi ? Que fais-tu ici, coquin ? Une chambre pour ton maître ! Éraste est avec ma fille ! Comment, coquin! Attends, attends, je m'en vais t'apprendre. Pourquoi non, madame ? Ne vaut-il pas autant vendre mon vin à la campagne que de le faire vendre à pot dans Paris, comme la plupart de mes confrères ? Je me moque de cela, et je ne veux point être ruiné. Comment donc, madame, une mauvaise affaire ! Ah, ah, monsieur ! Que venez-vous faire chez moi ? Ne vous ai-je pas fait dire... Non, monsieur, et je ne donnerai ma fille qu'à un homme qui achètera ma maison ; car je m'en veux défaire. Non, s'il vous plaît, et vous commencerez, dès aujourd'hui même, à en faire les honneurs et la dépense. Eh bien ! Je vous donne donc ma fille pour être défait de ma maison. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEBERNARD *date_1688 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamebernard Monsieur, je suis votre très humble servante. Vous ne sauriez faire plus de plaisir à monsieur et à moi. Ne deviendrez-vous jamais raisonnable ? Vous êtes de l'humeur du monde la plus agréable. Elles sont encore au jeu, et Mariane joue pour moi. Que vous êtes badin ! Vous serez toujours de la même humeur, et désormais il n'y aura plus moyen de vivre avec vous. Mais vous prêchez toujours misère. En vérité, monsieur, cela est horrible ! Et il semble que je ne sois devenue votre femme que pour être déshonorée dans le monde par vos manières. Si vous saviez toutes les impertinences que vous faites dire de vous ? Il n'y a pas jusques à vos paysans qui se plaignent que vous ne voulez pas qu'ils raccommodent les chemins du village, pour rendre votre maison plus difficile à aborder. Voilà de beaux souhaits, vraiment : mais finissons. Ne venez-vous pas joindre la compagnie ? La pauvre femme ! N'est-elle point blessée ? Je suis à demi consolée de cet accident, puisqu'il est arrivé près d'ici. Nous profiterons de sa mauvaise aventure. Peut-on se dispenser d'offrir sa maison à une femme de qualité ? Voilà ce que font vos trous et vos ornières. Ah, ah ! Bonjour, chonchon, bonjour. Tenez, voilà votre cousin que vous allez faire bien aise. Eh bon dieu, monsieur ! Qu'est-ce que tout ceci ? Ne rougissez-vous point de vouloir faire un cabaret de votre logis, et trouvez-vous que l'équipage où vous êtes convienne fort à un homme de votre caractère ? Eh fi, monsieur! Oh bien, monsieur, vous êtes plus près de l'être que vous ne vous l'imaginez : je n'entends point du tout les affaires ; mais il y a là-haut des gens en disposition de vous en faire une très mauvaise. Mais le pauvre Dorante a sur les bras une fort mauvaise affaire. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MARIANE *date_1688 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_mariane Il y a une heure que je te cherche, Lisette. Ne sais-tu qui sont ces personnes qui se promènent dans le jardin, et que ma belle-mère est allée joindre ? Je crois qu'il ne sera guère content de cette visite. Au ciel ! À quoi m'exposez-vous, Éraste ? Et que venez-vous faire ici ? Ah ! Éraste, elle m'en fait assez pour vous pardonner tous les chagrins qui m'arriveront, si mon père sait que je vous ai seulement parlé. Que vous attendiez comme moi quelque changement favorable. J'ai une belle-mère, dont je ménage l'amitié par ma complaisance ; elle me témoigne mille bontés que je n'en devais pas attendre, et je crois même qu'elle serait peut-être dans nos intérêts, si j'avais la force de lui avouer que je vous aime. Cela ne se peut, Éraste, et vous ne devriez point m'en faire la proposition. Demeurez dans le village, et qu'on ne sache point que vous y êtes. Je ne saurais vous en répondre. Si je le puis. Ne faites point d'extravagance. La tête me fend, Lisette, je ne puis plus résister a tant de fracas. En vérité, mon père a bien raison de n'aimer point la campagne ; et, outre la dépense qu'il est obligé d'y faire, on n'y vit point assez tranquille. Tu sais bien que je n'ai pu le faire depuis qu'il est sorti d'ici. Et comment fera-t-on pour lui rendre ma lettre ? Tu la lui porteras donc toi-même? Je vais l'écrire. Dépêchez-vous donc, mon cousin. Paix, mon cousin. Je ne m'en étais point aperçue. Oh ! Mon cousin chonchon est un bon enfant. Oh ! Je le crois, mon cousin. Mais ne vous a-t-il rien dit ? Eh bien, mon cousin ? Eh bien, mon cousin ? Moi ! Que j'aille parler à un homme ? Allons-y donc, Lisette : au moins, ce n'est que pour vous faire gagner la revanche de la gageure. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ERASTE *date_1688 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_eraste Ma pauvre Lisette, que je lui parle un moment, que je la voie seulement, je t'en conjure. Et pourquoi donc ne veux-tu pas nous donner cette satisfaction à l'un et à l'autre ? Et n'y serait-elle pas moins gênée que dans la maison de son père ? Mais ne suis-je pas bien malheureux ? Ce logis est ouvert à tout le monde, et je suis peut-être le seul à qui il n'est pas permis d y venir librement. Mais est-il possible, Lisette, que son frère ne soit point ici ? Il est de mes intimes, et malgré l'entêtement de son père. Vous vous ennuyez donc furieusement ici ? Ne pouvons-nous nous cacher quelque part ? J'y viens mourir, madame, puisque vous me recevez avec tant de surprise, et que ma présence vous fait si peu de plaisir. Que voulez-vous que je devienne, madame ? Eh bien ! Madame, nous n'avons donc rien à craindre de sa part, et votre frère est de mes amis. Sur cette confiance, ne pouvons-nous point hasarder que je demeure ici quelques jours ? Je me cacherai où l'on voudra. Eh ! Tais-toi. Je vous jure, belle Mariane, qu'on ne le saura point. Dans les greniers, dans la cave, il n'importe, pourvu que je sois dans la même maison où vous êtes.. Je ne sortirai point de l'endroit où l'on m'aura mis, pourvu que je vous voie un seul moment par jour. Adorable Mariane, ne me refusez point cette grâce, je vous en conjure. Quoi ! Vous voulez que je retourne à Paris ? Que voulez-vous que je fasse ? Pourrai-je vous voir quelquefois ? M'écrirez-vous ? Si je suis seulement deux heures sans apprendre de vos nouvelles... Nos, monsieur, n'appréhendez rien. Écoutez-moi, s'il vous plait, et vous ne vous plaindrez pas que je sois chez vous, assurément. La sottise qu'a faite un de vos valets de tuer un cerf qui s'était sauvé chez vous, et qu'on a trouvé caché dans votre écurie, suffirait pour renverser une fortune encore mieux établie que la vôtre ; et je ne sais même si mon oncle ne risquera pas la sienne en ne poussant pas la chose. Cependant, monsieur, si vous voulez bien que j'aie l'honneur d'être votre gendre, il n'en sera jamais parlé. Qu'à cela ne tienne, monsieur ; je vous rendrai tout ce qu'elle vous a coûté, et vous y serez toujours le maître. De tout mon coeur. Allons rejoindre la compagnie ; je voudrais bien qu'elle fût plus nombreuse. Nous accommoderons tout, madame, et ces messieurs qu'il avait amenés ne refuseront pas d'être des noces. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LAFLECHE *date_1688 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lafleche Eh bien ! Quand on nous surprendra, nous jettera-t-on par les fenêtres ? Et que veut-il donc, de par tous les diables ? Oh ! Il veut, il veut ; nous ne voulons pas, nous. Pour l'argent, passe ; mais pour la fille, si elle voulait prendre de mes almanachs, je défierais bien un régiment de pères de la garder. Tant pis ; nous ne tenons pourtant ici que pour cela, mon maître et moi ; et si vous faisiez bien l'une et l'autre, sans tant faire de façons, il enlèverait ta maîtresse, je t'enlèverais, moi : ce serait justement partie quarrée et nous vous ferions voir du pays, je t'en réponds. Oh, oh ! Tu vas faire la dragonne de vertu, comme à ton ordinaire. Fais-nous, fais-nous parler à ta maîtresse ; elle sera peut-être plus raisonnable. Maugrébleu du sot homme, qui ne veut pas qu'on épouse sa fille ! Oui ; mais aura-t-on soin de nous apporter à manger ? Cette pendarde de Lisette nous fera faire diète, je vous en avertis. Oui, te dis-je, c'est l'oncle de mon maître, qui est capitaine des chasses de tout ce pays-ci. Il aime son neveu à la folie. Oh, par ma foi, voilà monsieur Bernard ! Rien, monsieur : je demandais une chambre à cette fille pour mon maître. Oui, monsieur ; mais je voudrais bien savoir où il couchera, pour y mettre nos hardes. Savez-vous bien que vous tenez le plus beau cabaret de toute la route ? Faites-moi toujours tirer chopine, je vous prie. Mon maître n'est pas mal dans ses affaires : avec une jolie femme et une maison de bouteille, il aura plus d'amis qu'il ne voudra. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DORANTE *date_1688 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante J'ai pris un peu les devants, mon père, pour vous prier instamment de faire un accueil favorable à celle que je vous amène aujourd'hui. Le mieux du monde ; et j'ai trouvé une occasion tout-à-fait avantageuse pour nous procurer des amis dans la province. C'est un accommodement qu'on veut faire entre deux gentilshommes qui, depuis vingt-cinq ou trente ans, sont à couteaux tirés pour une dispute qu'eurent autrefois leurs grands-pères. Ces affaires-là font toujours honneur aux personnes chez qui elles se terminent. J'appréhendais, mon père, que cela ne vous fit point autant de plaisir que cela me paraît vous en faire. Je sais que vous n'aimez point la dépense. Huit ou dix de chaque côté. Les uns vont arriver, et les autres seront ici demain matin. Ah, mon père ! Que je vous ai d'obligation ! Oui, mon père ; les plus honnêtes gens du monde. Cela est admirable. Comme mon père est changé d humeur depuis trois jours ! Thibaut, ne trouves-tu pas cela tout extraordinaire ? Ne sais-tu point d'où vient un si prompt changement ? À qui en a donc ce maroufle ? Écoute, si tu me fais prendre un bâton. Soyez les bienvenus, messieurs. Qu'on mette les chevaux de ces messieurs à l'écurie. La maison est assez agréable. Oui, la terre est fort belle. Je le crois bien. Cà, messieurs, ne parlons point aujourd'hui d'affaires, et ne songeons ce soir qu'à nous divertir. Où sont donc ces autres messieurs ? Ne voulez-vous point vous débotter ? Est-ce que vous êtes botté à cru ? Vous avez raison. Mais, mon père, quel équipage est-ce là ? Comment, mon père... Oui, mon père. Mon père, que dites-vous là ? Que faites-vous ? Quel est votre dessein ? Mon père ! Ah ! Je crève. Je suis dans le dernier désespoir. Messieurs, ne prenez point, je vous conjure, pour... Mon cher monsieur de la Garannière ! Monsieur de Trofignac, empêchez de grâce... Mon cher ami ! Ils sont en droit de me dire cent fois pis encore. Ah ! Je n'ai plus de mesures à garder ; me voilà déshonoré pour toute ma vie, et je ne dois songer qu'à mourir. Moi, votre fils ! À vos manières, je ne reconnais point mon père, et je vais publier moi-même l'indignité d'un tel procédé. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISETTE *date_1688 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Encore une fois, monsieur, si vous avez quelque considération pour elle, retournez à Paris, et qu'on ne vous voie point ici. Mais vous êtes le maître ; vous voilà dans le logis, il ne tient qu'à vous d'y demeurer. Je crois même que si Mariane vous y savait, elle aurait peut-être autant d'empressement de vous voir et de vous parler, que vous en témoignez vous-même. C'est que j'en sais les conséquences. Dès que vous serez ensemble, vous ne pourrez vous résoudre à vous quitter : quelqu'un vous surprendra, et où en serons-nous, s'il vous plaît ? Non ; mais on me mettra à la porte, et on enverra Mariane dans un couvent. Oh ! Vraiment non, elle n'y serait pas moins gênée. Vous ne savez pas ce que c'est qu'un couvent pour une grande fille qui a coutume d'être dans le monde ? C'est que vous êtes un épouseux, vous, et que Monsieur Bernard ne veut point de gens qui épousent. Ce qu'il veut ? C'est un ladre, qui veut gardersa fille et son argent pour lui. Elle n'en prendra pas, je t'en réponds. Quoi, mort de ma vie ! Vous seriez, assez hardis de vous jouer à la justice et d'enlever la fille d'un gentilhomme de robe ? Et toi, maroufle, tu as l'effronterie de me proposer... Je vous ai déjà dit qu'il y a trois joimis qu'il est à la chasse avec de ses amis : il ne fait guère d'ordures au logis, vraiment ; et ce n'est pas sa fille seule que notre vieil avaricieux fait enrager : il n'y a personne qui ne se sente de sa mauvaise humeur ; sa femme même a bien de la peine à le mettre a la raison. Il ne veut voir personne chez lui ; ce serait lui arracher l'âme que de tuer un lapin dans sa garenne, et il se désespère autant de fois qu'il voit à sa table quelque personne d'extraordinaire. Pas trop ; mais le vieux pénard se désespère souvent ; car, il a beau faire et beau dire, madame sa femme va toujours son train. Le petit homme crève de dépit, et Mariane et moi pâtissons de ses chagrins. Mais tout est perdu, j'entends quelqu'un ; c'est lui, peut-être. Fourrez-vous tous deux sous ce degré, et allez vous en dès qu'il n'y aura plus personne ici. Ah, ah, c'est vous ? Non ; mais je voudrais bien que monsieur votre père fût allé les joindre aussi. Eh ! tenez, tenez. En voici une dont il sera bien moins satisfait, en cas qu'il la sache. Dites-vous vitement deux ou trois paroles, et je vais, moi, faire le guet, de peur d'accident. Oui, s'il vous plaît, et tout au plus vite. Et vous, tirez de ce côté, voilà votre père qui vient droit ici. Que vous partiez. Détalez donc. Non. Dépêchez-vous donc. Peut-être. Ils n'auront jamais fait. Vous ne vous en irez pas ? Eh, mort de ma vie ! Voilà votre père sur nos talons. Monsieur, madame est dans le jardin avec des dames et des messieurs qui vous demandent. Il y a ce gros abbé qui est si longtemps à table, et qui boit tant sans s'enivrer, avec un autre monsieur. Et puis cette jeune marquise qui gagna l'autre jour l'argent de madame. Elle est avec cette autre dame qui est de si bonne humeur. Et là, celle qui, en riant, vous cassa l'autre jour toutes ces porcelaines de Hollande, parce qu'elle disait qu'il n'en faut avoir que de fines. Oh ! Elle paraît bien fâchée contre eux. Oui; car ils lui ont dit qu'ils ne seroient ici que huit jours. Oui, monsieur, dans la grande allée. Je vais leur dire que vous allez venir. Voilà madame la comtesae de Préfanné qui s'en allait en Bourgogne, elle vient de verser à cent pas d'ici. Non, madame, mais son carrosse est bien rompu. On dit qu'il faudra deux ou trois jours pour le mettre en état de marcher. Monsieur, madame vous prie bien fort de venir, et elle ne peut pas fournir toute seule à la conversation de tant de monde. Allez-vous venir, monsieur ? Par ma foi, il n'a pas trop de tort d'être fâché, et je lui trouve assez belle patience. Quoi ! Vous quittez ainsi votre belle-mère ? C'est à quoi je revois tout-à-l'heure. Mais songez-vous à écrire un mot à Éraste ? Songez donc à le faire à présent. C'est un petit étourdi, qui fera quelque coup de sa tête, s'il n'a point de vos nouvelles; vous savez qu'il vous l'a promis, il est homme à vous tenir parole, et, dans le chagrin où est votre père, il ne ferait pas bon de l'irriter encore par cet endroit-là. Voyez ! Le village est-il si grand, et aurai-je tant de peine à le trouver ? Oui, je la lui porterai. Laissez-la aller, elle n'a pas le temps. Mort de ma vie ! Ne parlez pas de cela. Eh bien ! Vous a-t-il reconnu, ce monsieur ? Assurément. Cela est bien honnête. Et comment, sa revanche ? Et que diantre personne ne vous verra là ; et puis voulez-vous faire perdre dix pistoles à votre cousin chonchon ? Quel autre incident est-ce encore ici ? À qui en as-tu ? Au cabaret ! Que veux-tu dite ? En voici bien d'une autre. Courons avertir Mariane de l'extravagance de son père. Quoi ! Ce grand monsieur qui nous a trouvées dans le jardin ? Oui, monsieur : Éraste est là-haut avec madame et mademoiselle votre fille. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEMARQUIS *date_1688 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lemarquis Mon cher monsieur, votre très humble serviteur. Vous me méconnaissez, à ce que je puis voir ? Il y a pourtant longtemps que j'ai dessein de boire avec vous. J'ai laissé les dames avec ce gros coquin d'abbé ; elles vont jouer au lansquenet en attendant le repas. Pour moi, qui ne suis point joueur, je me range auprès du maître du logis ; et je vous jure que, sans l'envie que j'avais de le connaître, je n'aurois pas fait ce petit voyage. Savez-vous que c'est un bijou que votre petite maison, hem ? Plaît-il ? Hem ? N'est-ce pas un charme dans la vie qu'un petit endroit comme celui-ci, pour recevoir ses amis ? Vous ne manquez point de bonne compagnie, sans doute ? Il faut de bon vin, surtout ; et sans le bon vin et la bonne chère, par ma foi, je dis fi de la campagne. Eh ! Allons, allons, vous êtes un compère qui avez l'air de vous bien traiter, et nous savons que votre épouse est d'un goût délicat sur tout. Le baron de Messy ? Eh ! Vraiment, justement, c'est le baron, c'est lui-même ! Sandis, mon cher, voilà une des plus heureuses rencontres que j'aie eues de ma vie. Monsieur, je vous le livre un des plus honnêtes hommes de la province. Je te félicite, baron, d'avoir un voisin comme monsieur. Cadédis, vous serez amis, et je veux former les noeuds de cette amitié, moi. Mordi, je te l'accorde et sans remise. Nous sommes ici bonne compagnie ; renvoie ton équipage et passe quelques jours avec nous. Hem ? Je ne barguigne point, comme vous voyez, et je suis sûr que vous me saurez gré de me saisir ainsi de l'occasion ; la dame du logis ne me querellera pas non plus, je crois. Baron, te faudra-t-il beaucoup prier pour te faire demeurer à la cour de cette princesse ? Madame, voilà un gentilhomme que je vous présente. Ce baron n'est point fat, au moins : je le débauche, madame, et je le fais rester ici. Bon ! Tu te moques. Il a chez lui des dames , et nous avons des dames ici : joignons toutes nos dames ensemble. Çà, baron, sans façon, envoyons chercher les tiennes. Plus on est de fous, plus on rit. Dépêche, au moins ; je ne me puis passer de toi. Il est bon homme, le baron. Un peu trop façonnier d'abord, cela n'est point du goût du siècle. Vivent, vivent morbleu les gens de chez nous, pour être francs et généreux ! Depuis que je suis à Paris, j'ai réformé moi seul la moitié de la cour. Toujours un pied en l'air : et donc, ces belles, qu'en avez-vous fait ? Vous avez quelques affaires ensemble madame. Au moins, point de dépense superflue, nous avons plus d'un jour à vivre ensemble. Non, sans façon. La pièce de boucherie, cela suffit. Vous avez la basse-cour, le gibier ne vous manque pas ; il ne vous faut point d'autre extraordinaire. Adieu. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEBARON *date_1688 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lebaron Je vous demande pardon, monsieur, et j'ai à me reprocher que ce soit une occasion comme celle-ci qui me fait vous rendre âmes premiers devoirs. Comment vous trouvez-vous du séjour de la campagne ? Et c'est vous, mon pauvre marquis ! Nous ne nous sommes point vus depuis l'académie, je crois. C'est pour moi un avantage dont je prétends bien profiter. C'est une grâce que je te demande. Je suis bien heureux , madame, d'être voisin d'une si belle personne, et le peu de bien que j'ai dans ce pays-ci me sera désormais plus précieux que les plus belles terres du monde. J'ai bien du regret, madame, de ne pouvoir pas profiter de l'honneur que vous me faites ; mais j'ai chez moi quelques dames de mes parentes, que je ne puis pas quitter honnêtement. Il faut donc que je les aille prendre moi-même. Vous le voulez absolument, au moins. Je ne vous dis point adieu, et nous ne vous ferons point attendre. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_THIBAUT *date_1688 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_thibaut Eh bien ! D'accord; vous m'avez, baillé ordre que je ne laississe entrer personne dans la maison, et votre femme m'a baillé ordre que je laisse entrer tout le monde : comment diable voulez-vous que je fasse? Eh morguoi ! De quoi vous boutez-vous en peine ? Ce n'est pas vous qu'ils demandons, c'est elle. Tenez, monsieur, j'aime mieux vous chagriner que votre femme; et quoique vous soyais bien diable, alle est morgue, sans comparaison, plus diable que vous quand aile s'y met. Mais ne nous boutons donc point en colère ; vous êtes toujours de mauvaise himeur. Oh ! Ventregué, après ceux-là, il faut tirer l'échelle, et ce sont les plus belles philosomies de parsounes que j'aie jamais vues. Quatre : deux gros monsieux, qui m'ont la mêne d'aimer bien la joie, avec deux belles dames, qui ne la haïssont pas, je crois. Non; mais ils sont venus dans un biau carrosse tout doré, avec six gros chevaux,et je ne sais combien de laquais derrière. Non ; le cocher est allé bouter le carrosse sous queuque hangar, dans le village ; car tous les vôtres sont pleins de jarbes ; mais il ramènera les chevaux, et j'ai dit que vous aviais une belle étable, où il en tiendrait plus de vingt-quatre. Vous serez morgué ravi d'envisager ces chevaux-là ; je n'en ai jamais vu de si gros en ma vie. Ils m'ont tout l'air d'être bien nourris. Morguoi, vous vous divartissez bien aussi : toujours grand'chère et biau feu ; la maison ne désemplit point, et n'an vous viant voir de partout ; jarnigué, c'est qu'an vous aime. Il faut que ce soit un sort, voyez-vous ; et sty qui vous a vendu la maison était parguenne aussi embarrassé que vous : on l'aimait tout de même, et il ne voulait pas n'an plus qu'an l'aimît. Je vous le disais bian, qu'il avait l'air d'un bon vivant. Cela était bouffon. Monsieur ? C'est monsieur le baron de Messy, qui a perdu son oisel avec des grelots. Il dit qu'il est parché sur un des arbres du jardin : ne voulez-vous pas qu'on li rende? Je m'en vas avec vos garçons raveindre votre oisel ; ne vous boutez pas en peine. Monsieur, votre oisel est retrouvé, et nan lui a reboutc sa calotte. Oh, palsanguoi ! Monsieur, vous ne querellerez plus tant ; il viant de vous venir, morgue, une bonne aubaine ; v'là ce que c'est de ne pas toujours tenir la porte farmée. Je veux dire que si vous avez ici bien du monde, vous avez morguenne aussi de quoi les nourrir. Un cerf qui est, morguoi, gros comme un âne, viant d'arriver dans votre cour tout essoufflé ; quoique vous m'ayais défendu de laisser entrer parsonne, je n'ai pargué pas été si sot que deli farmer la porte au nez. Je l'ai bravement laissé passer, je li ai bravement ôté mon chapiau, et j'ai dit à part moi : bon, v'ià de la provision pour dieux nous, et notre maître ne sera plus si enragé. Hé bian, hé bian, le drôle s'est allé fourrer tout au fond de l'étable, darrière un tas de foin. Il croyait être bian caché là ; mais, morgue, il n'avait pas affaire à un gniais. Je ne sis ni fou ni étourdi, voyez-vous, et crainte qu'il ne s'en retournît comme il était venu, avec un bon fusil, que j'ai été chercher dans la cuisine, je lui ai sanglé un bon chinfreguiau par la face, et depis il n'a pas grouillé. Hé bian, morgue, jurerez-vous contre moi d'avoir laissé entier sti-là ? Ne vous boutez pas en peine : il n'est pas tout seul, il y a je ne sais combien de chiens qui japons dans le village après d'autres, je gage ; je m'en vas au bout de la petite ruelle, et tout autant qu'il en viendra, je les détornerai envars ici, et ils seront pris comme des sots. Jarnigué, que de pâtés j'allons avoir ! Oh, palsanguoi, en voilà bien d'une autre ; ils voulont ravoir leur cerf à toute force, mais ils ne l'auront morgue pas. Ils ne l'auront morgue pas, vous dis-je ; ils me tueriont plutôt. Oh, ventregué, ne vous boutez pas en peine ; je leur tiandrai bian tête moi tout seul. Oh, par ma foi, le tour est drôle ; ils ne s'attendent morguenne pas à ça. Jarni, qu'il est bon là ! Je ne sommes pu cheux nous, mon enfant, je sommes au cabaret. Oui, morgué, au cabaret. Tiens, notre maître et monsieur Griffard venont de plaquer une vieille épée toute rouillée au-dessus de la porte, avec un bouchon de lierre, et ils ont griffonné au-dessous, avec lin gros charbon : à l'Epée royale. Dame, c'est ici l'Épée royale, bon logis, à pied et à cheval. La maison est morgué bien achalandée, toujours. Vous varrez qu'il n'y viandra pu tant de monde. Le diable m'emporte, si vous n'avez plus d'esprit que li ! Moi ! J'appellerai les passants, si vous voulez, et je gage qUe vous allez couper la gorge à tous les autres cabaretiers : ils ne gagneront pas de l'eau. Vlà monsieur votre fils, qui ne se doute pas de la manigance. Il va leur jouer quelque tour de maître Gonin. Tudieu, via un futé manoeuvre. Il ne faut faire semblant de rien. Oui, morgue, cela est tout-à-fait bouffon. C'est que... Monsieur, c'est que... morgue, c'est un drôle de corps que votre père ! Ne vous fâchez donc point, vlà vos Houberiaux qui arrivent. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURGRIFFARD *date_1688 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurgriffard Monsieur, je ne sais pas ce que cela veut dire ; mais, si vous n'y mettez ordre, on viendra au premier jour tuer vos poules jusque dans votre basse-cour. On a chassé toute la journée dans votre petit bois, et ils sont venus tirer jusque dans votre clos. Est-ce que vous n'avez pas entendu ? Bon, bon. Ils sont trois on quatre grands escogriffes de ce camp, et monsieur votre neveu «st avec eux. Oui, monsieur. Vraiment, il a bon moyen de vous en envoyer ; et leurs valets en sont si chargés, qu'ils ne sauraient marcher. Monsieur ? Volontiers, monsieur, et le coeur me saigne de voir manger votre bien par mille gens qui croient encore vous faire trop d'honneur. Je ne viendrais jamais ici, si j'étais en votre place. C'est bien dit ; que ne vous défaites-vous de cette chienne de maison aussi ? D'accord. Attendez. Faites-moi ôter tous les meubles, et n'en laissez dans le logis que ce qu'il faut pour vous nécessairement. On ne resterait point à coucher chez vous, et les gens qui viendraient vous voir, n'y viendraient qu'en passant, du moins. Oh bien, monsieur, je n'y sais donc qu'un remède. Je mettrAis le feu à la maison, je crois que vous gagneriez encore. Mais, qui est ce monsieur-là ? Ces deux messieurs sont fort bons amis. Monsieur, ces messieurs vous demandent. Non, monsieur, ce sont ces chasseurs. Les voila qui montent à la chambre de madame. Il n'y a plus que leurs gens. Il faut mettre le feu à la maison. Il faut le faire, vous dis-je. Bon, bon, vous ne savez pas tout : chiens, chevaux, maîtres et valets, tout restera ici jusqu'à demain matin, pour être au bois de meilleure heure. Je leur ai ouï faire le complot. Ils vous connoissent bien, eux. Cela vous fâchera, si je vous le dis. Ils disent que c'est pain béni de venir ronger un homme de robe à la campagne, et qu'à Paris c'est vous qui rongez les autres. Et je suis le plus trompé du monde, s'ils n'ont dessein de vous faire quelque pièce. J'ai entendu par-ci par-là de certaines choses. Comment ? Qu'est-ce que c'est ? Cette invention est admirable. En voilà déjà un de parti. Il n'y avait point d'autre remède pour vous défaire de tous ces gens-là. Oh ! Vous le saurez, elle vous le dira à vous-même ; elle ne se contraint pas avec vous. Cela n'est pas bien difficile. Mais voici quelqu'un. **** *creator_dancourt *book_dancourt_maisondecampagne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_maisondecampagne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_NICOLE *date_1688 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_nicole Et qu'est-ce donc, monsieur ? Que voulez-vous faire de tous ces chiens-là ? Est-ce vous qui avez dit qu'on les amenât dans votre jardin ? Ils sont, je crois, plus de quarante, qui accommodont bian votre parterre et vos choux. Comme ils labouront ! Il ne leur faut point de pioche. Il en est entré trois ou quatre dans ma cuisine, qui ont emporté la moitié de votre soupe, que j'allais mettre à la broche. Voirement, ce ne sont pas les chiens qui font le plus de désordre ; ils sont trois ou quatre grands escogriffes, et autant de valets, qui ne demandons qu'où est-ce ? Ce ne sont pas des hommes, ce sont des diables.