**** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_OLIMPE *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_olimpe Lisette ? À qui parlais-tu là, Lisette. Que fait ma fille ? Et pourquoi n'es-tu point auprès d'elle ? Non, tout le monde lui déplaît, c'est le couvent qui lui a donné cet engourdissement de cœur et d'esprit, qui la rend insensible à tout. Il ne s'en donne que cinquante, Lisette. Eh, que veux-tu qu'elle devienne ? Je l'aime, et je ne cherche point à la contraindre ; mais, je n'ai point de bien à lui donner ; et cette inégalité d'âge, qui se trouve entre Monsieur Damis et elle, lui fera d'autant moins de peine, qu'elle n'a point encore assez d'esprit pour faire des réflexions. Cela ne se peut ; elle sort d'un Couvent où elle n'a jamais vu personne. Mais, qui pourrait l'empêcher de me découvrir ses pensées ? Ma fille est encore si simple et si fort innocente, que le nom même de l'Amour est un terme inconnu pour elle. Elle n'a pas d'esprit, te dis-je. Hé bien, tâche de pénétrer ses pensées, et songe à mon retour à m'en rendre compte. Tu dis, Lisette ? Tu me dis là des choses de ma fille !… Fais-la descendre, Lisette, je veux savoir ses sentiments de sa propre bouche. Qu'elle vienne, je ferai ce qu'il faudra faire. La résolution en est prise : je n'autoriserai point ma fille à manquer à ce qu'elle doit ; et si quelque jour elle n'est pas contente, elle ne m'accusera pas du moins d'avoir sacrifié son repos à mon entêtement, ou à l'avarice. Vous sortiez de chez lui quand j'y ai passé ; mais, ce que je viens d'apprendre me console de ne vous y avoir pas trouvé. Vous allez tout savoir. Vous êtes un galant homme, et vous prendrez les choses du bon côté. Approchez, Angélique, et ne me déguisez rien, vous n'avez point à vous plaindre de mes manières, et je ne vous faisais violence que parce que je ne croyais pas la faire. Vous voyez, Monsieur, que ma fille… Après cela, Monsieur, vous voyez bien qu'il n'y a pas d'apparence… Comment donc ? Quoi, ma fille ! Un homme dans votre cabinet ? Serait-il possible, ma fille, que vous vous fissiez oubliée jusqu'au point… Son père ! Que deviendra tout ceci, Monsieur ? Quelle est votre résolution, Monsieur ? Ma fille vous aime, cela me suffit : puissiez-vous être longtemps heureux ! **** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1691 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_angelique Que je suis malheureuse ! Je n'ose confier mes chagrins à personne, et je serai peut-être la victime de ma timidité. Ah, Lisette, que fais-tu là ? Ah, Ciel ! Et que veux-tu que je te dise ? Je ne pense rien. Je ne suis pas comme les autres. Si tu les devines, Lisette, pourquoi me les demandes-tu ? Et quels services me voudrais-tu rendre, Lisette ? Mais encore ? Quoi, par exemple ? Et quels moyens pourrait-on trouver ? Hé bien, que ferais-tu pour moi ? Oui, oui, tes exemples sont tout à fait justes. Oh, je le sais, ne t'en moque point. Mais, interroge-moi donc, Lisette, si tu veux que je réponde. Tu l'as deviné. C'est Éraste. Je n'en ai point assez pour m'y connaître. Ah, si j'en puis avoir, je m'en servirai bien, je t'en réponds. Oui, je l'aime ; mais je n'ai point de ses nouvelles. Il est à l'armée. Et pour n'être point la femme de Monsieur Damis… Tu ne m'interroges point sur ce que j'ai de plus pressant à te dire ? Tu devines encore ; mais je suis bien embarrassée, ma pauvre Lisette. J'ai donné ici un rendez-vous à Dorante. Il n'est de robe que les matins ; et les soirs, il porte une épée. Sa sœur était avec moi dans le couvent, et c'est elle qui m'a priée de l'aimer. Non, sans l'absence d'Éraste, je ne l'aurais jamais aimé. J'ai aussi fait dire à Lisimon qu'il pouvait venir. C'est ce qui m'inquiète, et je crains qu'ils ne viennent tous deux en même temps. Que veux-tu ? Je n'y ai pas songé ; et la crainte d'être Madame Damis me trouble si fort l'imagination, que je ne sais ce que je fais. Mais le temps et les réflexions m'empêcheront dans la suite de faire de fausses démarches. Que dis-tu ? Je ne serai pas malheureuse, si tu ne m'abandonnes pas. Voici quelqu'un, rentrons au logis. Non, ce n'est pas lui. Mais, que vois-je ? Ma chère Lisette, c'est Éraste ! Je me meurs, soutiens-moi. Hé, d'où venez-vous, Éraste ? Qui vous a mandé qu'on m'allait marier ? Lisette est ta femme ? Dorante et Lisimon vont venir, Lisette. Faites ce qu'elle vous dit, et me laissez seule disposer de certaines choses qui achèveront de me déterminer. Enferme-les dans mon cabinet, et viens me retrouver ici. En vérité, c'est pourtant une chose embarrassante, que plusieurs amants à la foi ; et si j'avais pu compter sur le retour d'Éraste, je n'aurais point donné de rendez-vous à Dorante et à Lisimon. Une fille d'esprit ne tomberait point dans ces inconvénients ; mais, il me semble, pour moi, que dans l'incertitude, il est toujours bon de ne pas manquer faute de précaution. Hé bien, Lisette ? Les as-tu enfermés ? Dorante va venir, et je suis bien aise d'être sûre qu'Éraste ne pourra rien entendre de notre conversation. Nullement. Je ne songeais à Dorante que depuis l'absence d'Éraste. Éraste est de retour, il m'aime, je n'ai plus que faire de Dorante. Fi, c'est un Gascon, un extravagant, que je ne souffrais que parce que je ne comptais pas trop sur Dorante. C'est Dorante : tâchons de nous en débarrasser avant que Lisimon survienne. Non, Lisette ; Fais la Gouvernante incommode, c'est un moyen sûr pour faire bientôt finir la conversation. Je suis exacte, comme vous voyez ; mais ne parlez pas devant cette fille, elle redit tout à ma mère. Garde-toi bien de le faire. Que vous me perdez, Dorante. Cette fille n'est point traitable, Dorante. Es-tu folle ? Adieu, je trouverai moyen de vous donner de mes nouvelles. Ah ! Lisette, je crains que voici Lisimon. Dorante et lui vont se rencontrer, et je tremble qu'ils ne se querellent. St, st, Dorante ? As-tu perdu l'esprit, Lisette, d'avoir accepté la bourse de Dorante ? Non, le voici, je ne me trompe point, c'était lui-même. Lisette, ma mère va bientôt rentrer, prends garde à ne point nous laisser surprendre. Elle a raison, je rentre ; vous avez trop tardé, je crains que ma mère ne nous surprenne ensemble. Ah ! Qu'il y a dans le monde des personnages dangereux, Lisette ! Ah, Ciel ! Ma pauvre Lisette ! À la bonne heure. Ah, Monsieur, vous voilà ! Si vous étiez venu quelque moment plutôt, vous auriez eu, comme moi, une frayeur épouvantable. Donnez-moi le temps de me remettre, je vous prie. Je viens de sauver la vie à un jeune homme qu'on a pensé tuer à mes yeux. Heureusement, j'ai eu le temps de le faire sauver dans le logis. Sans mon secours, c'était un homme mort infailliblement. Le ciel vous a conduit ici bien heureusement pour achever ce que nous avons commencé. Il faut, s'il vous plaît, Monsieur, que vous serviez d'escorte à ce pauvre garçon, et que vous ne le quittiez qu'il ne soit en lieu sûr ? Oui, Monsieur, je vous en conjure. Comment, Monsieur, qu'il y demeure ! Ah, Ciel ! Un homme caché dans le logis sans l'aveu de ma mère ! Non, Monsieur, et je vous prie bien fort qu'elle ne sache rien de tout ceci. Hé, de grâce, si vous m'aimez, ne me refusez point ce que je vous demande. J'ai mille raisons pour le souhaiter. Vous voilà devenu rêveur, qu'avez-vous ? C'est ici que j'ai besoin de tes conseils, ma chère Lisette. Tu sais… Et moi, je n'aurai jamais celle de lui faire un pareil aveu. Mais, Lisette. Avant que je réponde à toutes vos bontés, permettez-moi, Madame… Monsieur, c'est que je ne vous aime point, et Madame a la bonté de vouloir bien que je vous le dise. Que voulez-vous, Monsieur ? J'ai cru les sentiments de ma fille conformes aux miens, et je me suis trompée. Voudriez-vous la rendre malheureuse en forçant son inclination ? Oh pour cela oui, Monsieur, et je vous jure que nous ne serions contents ni l'un ni l'autre. Moi, Madame, je ferai tout ce que vous me commanderez ; mais, je ne conseille pas à Monsieur de souhaiter que vous me commandiez d'être sa femme. Je satisferais au devoir de fille, en vous obéissant, Madame ; et je remplirais les devoirs de femme, en donnant à Monsieur tous les chagrins imaginables. Pourquoi, Lisette ? Ce n'est pas par esprit, c'est par antipathie naturelle que j'ai de la répugnance pour Monsieur. Oui, Monsieur, et je vous suis fort obligée de la peine que vous avez bien voulu prendre. Ne l'auriez-vous pas aussi ramené chez lui, Monsieur, si je vous en avais prié ? Elle ne sait ce qu'elle dit, Madame. Ne me condamnez point avant que de m'entendre, Madame, deux mots suffiront pour me justifier. **** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISETTE *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Ah double chien ! C'est toi ; je te trouve à la fin, après t'avoir si longtemps cherché ? Qu'as-tu fait, infâme, depuis que tu as tout déménagé de chez moi ? Non, traître, tu ne m'échapperas pas. Comment, coquin, sans nous emporter ? Je ne sais qui me tient… Abandonner ainsi sa femme ! Me laisser sur le pave, comme une malheureuse ! Me réduire à la nécessité de me mettre en condition ! Tu fais le railleur, mais… Où je demeure ? Je sers dans ce logis, où j'ai de la peine et du chagrin tout ce qu'on en peut avoir. Dans cette maison. Monsieur de la Vigne ! Que veux-tu dire ? Il faut qu'il soit sorcier. Oh, sans emportement, je vous prie ; j'aime le sens froid aussi bien que vous. On m'appelle : tu es bienheureux que je n'aie pas le temps de te faire expliquer. C'est un de mes cousins, Madame, qui m'est venu dire des nouvelles de ma tante. Elle m'a dit de la laisser seule. Elle est triste ; et je crois que pour la réjouir un peu, il lui faudrait une autre compagnie que la mienne. Cela pourrait être ; mais, elle court risque d'être longtemps engourdie, et ce ne sera pas le mari que vous lui destinez, qui la tirera de son engourdissement, sur ma parole. Un homme de soixante et cinq ans épouser une fille de seize ! Et où est la symétrie, Madame ? C'est un fripon, Madame, il s'en dérobe plus d'une douzaine. Mais, quand il ne s'en volerait point, de bonne foi, est-ce à une fille comme elle qu'il faut donner un homme comme lui ? Que diantre voulez-vous qu'elle en fasse ? Oui ; mais l'esprit vient aux filles, comme vous savez : elle réfléchira dans la suite, et ces réflexions tardives mènent quelquefois à de très dangereuses conséquences. Et qui sait si elle n'a point déjà quelque secrète inclination ? Elle soupire, elle pleure, et ne dit mot ; ce sont de grands préjugés. Les jeunes filles ne sont point libres avec leurs mères, Madame ; et la crainte de paraître quelquefois un peu trop formées pour leur âge, gâte toutes leurs affaires. Et, mort de ma vie, Madame, ce n'est pas l'esprit qui donne de l'amour, c'est l'amour qui fait venir de l'esprit. Ne précipitez point les choses, Madame ; on vous attend chez le Notaire, allez-y, mais ne signez rien. La voici ; laissez-moi seule avec elle, je la ferai parler, ou elle aura perdu la parole. Dans quelle rêverie la voilà plongée ! Je suis toujours pour ce que j'en ai dit ; elle a quelque amourette en tête. Sa cervelle est plus embarrassée que la mienne. Je vous regardais en pitié ; car, je suis fort humaine, moi ; et je ne puis souffrir les personnes, que je n'aie une passion extraordinaire de les soulager. Vous allez pleurer ; je m'en vais. Et de quoi vous sert-il de gémir, de soupirer ? On ne sait point au juste ce que cela veut dire. Parlez, on vous entendra ; et je répondrais quasi, moi, de donner bon ordre à ce qui vous chagrine. Ce que vous pensez. Ce sont des contes : à votre âge, il n'y a point de filles qui ne pensent quelque chose. Ouais ; mais voici un étrange endurcissement ! Vous me soupçonnez apparemment d'être indiscrète, c'est ce qui vous empêche de me déclarer vos petits sentiments ; mais je vous avertis que je les devine, et qu'il ne tient qu'à moi… Pour en avoir l'aveu de votre propre bouche, et pour être en droit de vous offrir mes petits services. Tous ceux dont vous auriez besoin. Mais, par exemple… Si ce mariage bizarre que votre mère s'est mis en tête vous faisait peine, on trouverait des moyens pour le rompre. Mais par exemple, si vous avez quelque autre vue, et que vous m'en fissiez confidence… Voulez-vous encore un exemple ? D'accord ; mais les choses mêmes sont plus sensibles. Allons, ne craignez point de m'ouvrir votre cœur, j'aime mieux vous interroger. Vous aimez quelqu'un apparemment, et ce serait une chose honteuse que vous n'aimassiez personne à votre âge ; je me moquerais de cous la première, si vous ne saviez pas ce que c'est que l'amour. Ah, bon cela, voilà qui me plaît. J'aime les personnes de bonne foi : expliquez-moi donc bien toutes choses, et ne me cachez rien surtout. Il n'y a rien de plus juste ; c'est un grand secours pour la pudeur, au moins. Premièrement, vous aimez quelque jeune homme, je gage ? Fort bien, Éraste ! Voilà d'abord un nom qui m'intéresse : Éraste, il a de l'esprit cet Éraste ! Il vous en viendra, donnez-vous patience. Vous ne manquerez point de matière. Revenons à Éraste, vous l'aimez beaucoup ? Comment ? Hé bien ? Est-ce que pendant son absence vous avez fait quelque autre amant ? Çà, de quoi s'agit-il ? Voyons. Ah ! L'heureux petit naturel. Et qu'est-ce que Dorante ? Est-il de robe, officier, ou courtisan ? Car, il faut qu'un amant soit quelque chose. Fort bien. Quand deux filles sont bonnes amies, elles ont peine à se refuser. Les absents ont toujours tort, elle a raison. Mais enfin, que puis-je faire pour vous ? Encore un rendez-vous ? Les belles dispositions de fille ! Et pourquoi ne leur pas marquer des heures différentes ? Voilà une petite personne qui ira loin, sur ma parole. Moi ? Je dis que je vous servirai de tout mon cœur, et que je vous en donne ma parole. Vous abandonner ? Vous valez trop ; et je ne vous quitterai de ma vie. C'est peut-être Dorante ? Éraste ! Et qu'allons-nous faire des deux autres ? Est-ce que vous avez perdu la parole ? Tu es un bon traître, toi ; et tu m'aimes d'une belle manière. Que veux-tu dire ? Suivez-moi dans le logis, et reposez-vous sur mon petit savoir-faire. Allons, passez vite, nous n'avons point de temps à perdre. Bon, bon, voilà une belle bagatelle, tu es bienheureux que j'aie eu la patience de l'attendre. Ils sont dans votre cabinet. Ils ne peuvent sortir sans mon congé. Mais, pourquoi les tenir sous la clef, je vous prie ? Craignez-vous qu'ils vous échappent une seconde fois ? Quoi ! Vous prétendez les ménager… Avec tout cela, il y a une espèce de fidélité dans cette manière d'inconstance. Et Lisimon, que deviendra-t-il ? Voici quelqu'un. Hé, dites-lui naturellement les choses : faut-il tant de ménagement pour un soupirant du Palais ? Ma foi, vive Paris : l'esprit ne vient point si vite aux filles de Province. Monsieur, si c'est Madame Olimpe que vous demandez, c'est à moi qu'il faut parler, s'il vous plaît ; si c'est Mademoiselle, c'est encore à moi. Ah ! Fort bien, j'entends votre affaire : il n'est pas besoin de me dire à qui des deux vous en voulez. Mademoiselle, prendrai-je la bourse ? Elle paraît fort bien garnie. Le Ciel me préserve de l'être, j'aimerais mieux mourir ; c'est à mes soins qu'on vous a confiée, et je ne prétends pas qu'il soit dit dans le monde… Il m'en prie de si bonne grâce… Fi, Monsieur, cela n'est ni beau ni honnête à un homme de robe, de vouloir séduire de jeunes personnes. Pour les gens d'épée, encore passe. Mais, vous autres ! Des défenseurs de la vertu, des protecteurs de l'innocence, sont les premiers à la corrompre ! Allez, encore une fois cela n'est pas bien, et le Justice est injuste de n'en pas faire quelque punition exemplaire. Comment folle ! Je suis un dragon de vertu, entendez-vous ? Oh, finissons donc. Adieu. Adieu, Monsieur, adressez-vous mieux une autre fois, et souvenez-vous que Lisette est une petite personne incorruptible. Il faut faire entrer Dorante au logis, jusqu'à ce que vous ayez congédié Lisimon. Hé la, la, revenez. Je ne suis pas si mauvaise que je pensais l'être. Ce n'est pas en faveur de la bourse, au moins. Je ne la prends pas ; mais, je vous la garde. Entrez vite dans le logis, et montez tout en haut de l'escalier, on ira bientôt vous en faire des cendre. Ce sont de bonnes gens que ces Messieurs de la Justice, les femmes en font tout ce qu'elles veulent. Je ne sais comment cela s'est fait. Mais, votre Lisimon ne vient point ; apparemment, c'est la crainte de le voir qui vous a fait croire l'avoir vu. Mort de ma vie ! Celui-ci n'a pas la physionomie si traitable que l'autre. Oh, Monsieur… Il n'a pas mauvaise opinion de sa petite personne. Ma foi, Mademoiselle, je ne réponds de rien. Le plus sûr serait de vous séparer, et de prendre le temps d'une plus longue absence, pour vous entretenir avec plus de loisir. Oh ; il y a des mères et des mères, Monsieur ; et la seule vue d'un plumet, ou d'un justaucorps rouge, ferait prendre à celle-ci des résolutions terribles contre sa fille. Il n'y a rien de plus honnête, et vous jugez bien qu'après une assurance de la sorte, on ne vous ferait pas mystère de la chose. Ce n'est que l'expérience qui apprend à les connaître. Voilà Monsieur Damis. Il a entendu toute la fin de la conversation. Ce que c'est ? Demandez, demandez-lui à elle-même, elle vous contera mieux la chose que je ne pourrais faire. Où ceci nous mènera-t-il ? La petite rusée ! Il était impossible qu'il en réchappât. La fourberie est bien naturelle aux filles. Elle est sur toutes ces bagatelles, d'un scrupule qui surpasse l'imagination. Allons, Monsieur, un peu de complaisance pour elle ; les jeunes filles des choses les plus innocentes. Je vais le faire sortir. Tais-toi, sur les yeux de ta tête. Il est arrivé ; mais sois sage. Au moins, en chemin faisant, n'allez pas oublier qu'elle vous a sauvé la vie, et que vous êtes avec un Oncle qui n'entend point de raison sur le chapitre de sa nièce. Laissez-moi faire. Encore ? Hé, trêve de cérémonie. Emmenez-les, Monsieur de la Vigne, ils se complimenteront en chemin. Enfin, nous voilà débarrassées de tous nos importuns. Mais, Madame votre mère ne tardera pas à revenir, que ferons-nous de nos prisonniers ? Il faut se déterminer à quelque chose. Oui, je sais bien les conseils qu‘il vous faut. Madame votre mère est bonne personne, déclarez-lui la tendresse que vous sentez pour Éraste, pleurez, priez, embrassez ses genoux, elle n'aura jamais la force de résister à vos larmes. Hé bien, je parlerai : avouez-moi de ce que je lui dirai seulement. Elle vient : voilà la clef de votre cabinet, allez entretenir votre amant, et me laissez le soin de vos affaires. Vivat, Madame ! J'ai pénétré les secrets de Mademoiselle votre fille, je sais la cause de ses chagrins ; et si vous êtes toujours dans les sentiments de ne la point contraindre, vous en ferez la plus heureuse personne du monde. Qu'elle hait Monsieur Damis en perfection, et que si jamais elle est sa femme, elle a, Dieu merci, tout l'esprit pour le punir terriblement de l'avoir épousée par force. Oh, Madame, c'est en tout bien et en tout honneur, qu'elle a de l'esprit. Qu'on lui donne un mari qu'elle aime, je suis caution de sa vertu ; mais, avec Monsieur Damis, je ne répondrais, ma foi, pas de la mienne. Mais, Madame, malgré tout son esprit, elle aura peine à s'expliquer, si vous ne l'enhardissez un peu. Les choses sont en bon chemin. Vous n'avez qu'à parler, vous dis-je. Elle a de l'esprit, au moins, cette petite personne ; et si vous l'épousez, je vous garantis qu'il lui en viendra cent fois davantage. Oui ; mais, gare la reconnaissance. Les filles de Paris la poussent loin quelquefois. Vous vouliez une femme sans esprit, celle-ci n'est point votre affaire. Croyez-moi, Monsieur, ne nous réduisez point à la nécessité de vous tromper. Vous croiriez n'être que le mari de Mademoiselle, et vous seriez le plus souvent son Maître de cérémonies. Par exemple, ce jeune Monsieur que vous venez de conduire si bonnement… C'est un de vos rivaux, l'auriez-vous cru ? Ne vous effarouchez point, il n'en est rien. Oh, ne vous fâchez point, Monsieur, vous n'y êtes pas encore. Ce justaucorps rouge qui vous a paru si brutal. Autre soupirant de Mademoiselle. Belle demande ! C'est le meilleur homme du monde que Monsieur Damis. Il nous reste encore dans le cabinet de Mademoiselle un jeune homme avec son valet de chambre. Vous verrez un jeune homme, vous dis-je, nouvellement arrivé de l'armée, qui n'a point encore de logis arrêté, à qui Monsieur aura la bonté de donner un appartement chez lui, s'il lui plaît. Oui, Monsieur, puisque vous reconduisez les autres, vous ne pouvez moins faire pour celui-ci. C'est le véritable, au moins, je vais vous l'amener. Oh, il ne sait pas si bien vivre que vous, et il ne reconduira personne. Voilà le certificat qui m'est venu, il n'y a rien à faire. **** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DAMIS *date_1691 *sexe_masculin *age_veteran *statut_exterieur *fonction_autres *role_damis Hem, hem, hem. Quand cette toux me tient une fois, j'ai toutes les peines du monde à m'en défaire. Oui, je suis jeune : mais je suis presque toujours enrhumé. Hem, hem. Au contraire, il augmente encore quand je me trouve auprès d'elle ; et comme elle est simple, ingénue, innocente enfin, chaque fois que je tousse, elle me fait de grandes révérences, comme si j'éternuais ; j'ai beau lui dire, elle n'en démord point, et cela me fait enrager. Elle n'a pas d'esprit, et c'est ce qui me la fait épouser plutôt qu'une autre ; car enfin, il faut que je me marie. Hem, hem ; et je sens bien que je suis né pour la société. Mon fils est à l'armée malgré moi, c'est un libertin, un évaporé, qui n'en reviendra pas ; et cela m'oblige en conscience de me marier, pour faire souche, et pour ne pas laisser périr la famille. Va-t-en donner le bonjour de ma part à cette belle enfant. Non, je vais achever de tousser chez mon Notaire. Dis à Madame Olimpe que je l'y attends, pour signer le contrat, ainsi que nous en sommes convenus. Hem, hem : va vite. Hem, hem. Un jeune homme avec Angélique ! Que vous est-il donc arrivé ? Parlez. Comment ? Qu'est-ce que cette aventure, Lisette ? Hé bien ? Comment diantre ? Vous avez fort bien fait. Comment ? En lieu de sûreté ? Lieu de sûreté ? Mais, puisqu'il est chez vous, qu'il y demeure : à quoi bon s'exposer mal à propos ? La pauvre enfant, sa simplicité me charme ! Allez, allez, mignonne, il n'y a point de mal à cela, et je rendrai compte à votre mère de l'innocence de votre procédé. Allons donc, puisqu'il faut que j'en passe par là. Moi ? Je n'ai rien. Mais, je songe que vous me faites faire une corvée bien inutile, et un personnage qui ne convient guères à mon âge. Moi ! Servir d'escorte à un jeune homme ! La Vigne ? Ne me quitte pas, au moins. Ne t'éloigne pas. Tais-toi, voici Madame Olimpe. Je vous ai longtemps attendu chez mon notaire, Madame ; mais, l'impatience… Et qu'avez-vous appris, Madame ? Qu'est-ce que cette cérémonie, Madame ? Je regarde, j'écoute, et je n'y comprends rien. Quoi, Madame, vous autorisez un discours de la sorte dans les termes où nous sommes ? Le serait-elle en m'épousant ? Hé bien, à la bonne heure, elle m'en aura obligation. La Vigne ? Quoi, Madame ?... Hé bien, ce jeune homme que je viens de conduire ? Quoi, ce jeune homme est amoureux de vous ? Ah, je suis enragé, quelle hardiesse ! Hé bien ? Oh, parbleu, je vous ferai bien voir le contraire dans la suite. Il faut approfondir cette affaire, Madame, et voir un peu… Qu'est-ce à dire, un appartement chez moi ? La peste, quelle innocente ! Où diantre m'étais-je fourré ? Hé vraiment oui, Madame, c'est mon fils. Ce que cala deviendra ? Ma résolution, Madame, est qu'on les marie, et tout au plus vite, ils seront fort bien ensemble, il n'y aura du moins qu'un ménage de gâté. Ne vous pressez point de me remercier, Monsieur mon fils. Tais-toi, insolente. On te mettra dehors, toi, et je veux que ce soit le premier article du Contrat. **** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ERASTE *date_1691 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_eraste Quelle fatalité ! Ah que les enfants sont malheureux, dont les pères sont déraisonnables ! Quelle extravagance de m'être éloigné de Paris, pour m'en aller à l'armée ! Je suis né sous une planète bien malheureuse ! Fils d'un père puissamment riche… Oh ! Je lui passe son avarice. Mais pour le désespoir où il a réduit mon amour, je ne puis le lui pardonner. En visitant une parente dans un couvent, j'y trouve une jeune personne toute charmante, toute adorable. Pouvais-je ne le pas devenir ? Je lui rends des respects, et des soins. Elle est sensible à ma tendresse, et j'obtiens d'elle la permission de la demander en mariage. Je propose la chose à mon père. Il refuse d'y consentir. Désespéré de ses refus, je me jette aux pieds d'Angélique ; je la conjure de sortir du Couvent, et de m'épouser en secret. Enfin, outré de rage et de désespoir, je vais en Italie, attendre le moment favorable de pouvoir disposer de moi sans le consentement de mon père. Qu'est-elle devenue, mon pauvre l'Olive. ? Je ne serai point assez heureux pour l'y rencontrer. Demeure ici, promène-toi aux environs de ce quartier, et tâche d'apprendre des nouvelles, par le moyen de quelques personnes du voisinage. Pour moi, je retourne au couvent m'informer de quelques particularités que mon trouble et mon chagrin m'ont fait oublier de demander. Si tu découvres quelque chose, viens au plus vite me le dire. Hé, qu'il se marie mille fois ; que m'importe, pourvu que je retrouve ce que j'ai perdu ? Mon pauvre l'Olive, c'est Angélique ! Donne-moi le temps de respirer. On va vous marier, Madame ! Ah, juste Ciel ! Quelle aventure met le comble à mon désespoir. Mon père ! Ma chère enfant, ne nous abandonne pas ! Mais enfin, que résolvez-vous ? Mais, que je sache… Mon père, ce n'est qu'en tremblant que j'ose paraître. Ah, mon père, que je suis redevable ! Puis-je me flatter, Madame… **** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LOLIVE *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lolive Le voilà bien fâché ? Que les valets sont misérables, dont les maîtres sont amoureux ! Quelle sagesse, d'avoir quitté l'armée pour revenir à Paris ! L'affaire est touchante, je l'avoue. Il nous réduit par sa vilenie à vivre d'emprunt et de savoir faire. Quelle bonté ! C'est une chose impardonnable, vous avez raison. Vous en devenez passionnément amoureux. Bon, le moyen de s'en empêcher : j'en serais devenu fou, moi. Y a-t-il rien de plus naturel ? Tout allait fort bien jusques-là. Ici, cela commence à mal aller. Il y a de la malice dans son fait : car de raison il n'y en a point. Sans la crainte de sa mère, c'était une affaire faite : mais ce sont d'incommodes personnes que ces mères, et surtout quand les filles sont timides. Ce moment favorable est venu, vous voilà majeur ; et c'est grand dommage que vous ne trouviez plus votre maîtresse. Ne vous l'a-t-on pas dit ? Sa mère l'a fait sortir du couvent, sans lui donner le temps de dire adieu à personne. On l'a vue depuis dans ce quartier, et peut-être y demeure-t-elle. Pourquoi non ? Il est bon de n'avoir rien à se reprocher. Çà voyons, par où commencerons-nous ? Laissez-moi faire. Vous attendrai-je ici ? Il est à plaindre, et je conçois que c'est une triste occupation que celle de courir après sa maîtresse. Il n'en est pas de même d'une femme ; et plût au Ciel que pendant notre voyage d'Italie, la mienne, qui ne sait ce que je suis devenu, se fut mis en tête de quitter Paris ! Je ne la chercherais pas où je croirais la pouvoir trouver. Mais qu'est-ce ci ? Voilà, je crois, le valet du père de mon Maître. D'où sort-il, et que cherche-t-il dans un quartier si éloigné ? Il m'a vu, tenons bonne contenance. Paix, ne fais pas semblant de me voir, je suis ici incognito. Ah, mon pauvre garçon, que la jeunesse est extravagante ! Assurément ; et le bonhomme, surtout, est un étrange personnage. Il ne lui manquait plus, quand nous partîmes, que de devenir amoureux, pour être un petit modèle de perfection. Est-il possible ! Fi, est-ce ce que je lui dis jamais ce que je ne veux pas qu'il sache ? Ne crains rien. Ah le débauché, qui contracte un mariage clandestin ! Et quelle malheureuse veut être la femme d'un homme de soixante et quatre ans, infirme, goutteux, avare, et de mauvaise humeur, comme lui ? Ah ! Quel meurtre ! Et tu souffres cela, toi ? Tu n'as pas de conscience. Ma foi, je lui en sais bon gré. Il faut que ce soit une fille d'honneur que cette fille-là. C'est ta maîtresse à toi, apparemment ? Elle est éprise de ton mérite ? Cela est de fort bon sens. Et est-ce là le logis ? Non, je craindrais qu'il me vît, et nous ne voulons pas mon Maître et moi qu'il nous sache ici. Ne va pas nous trahir, au moins. N'ayez point d'inquiétude. Courons apprendre à mon Maître l'extravagance de son père. On ne peut éviter son malheur : c'est ma femme. Hé bien ! Qu'est-ce mon enfant ? De quoi s'agit-il ? Si tu prétends crier, je m'en vais. Parlons donc sans nous emporter, je vous prie. Oui, j'aime le sens froid, moi. Oh, oh, oh, si nous ne parlons doucement, la conversation finira mal, je vous en avertis. Me voilà retrouvé ; de quoi te plains-tu ? Hé bien, ai-je une meilleure fortune ? Qu'as-tu à dire ? Le grand malheur ! Est-ce que je ne sers pas aussi ? Où demeures-tu ? Çà, voyons, il faut faire une fin, et je suis las du libertinage. Non, je te parle de bonne foi. Où demeures-tu, te dis-je ? Es-tu dans tes meubles ? Où dis-tu ? Oui ? Ah, ah ! Par ma foi, j'en suis fort aise. Et Monsieur de la Vigne, comment le gouvernez-vous, je vous prie ? Vraiment, ma petite femme, ma mie, vous êtes une jolie personne. Et le certificat, ma Princesse, quand deviez-vous l'avoir ? Je vous en dois de reste, vraiment, et c'était à bonne intention que vous cherchiez de mes nouvelles. Hé, va, va, nous aurons du temps de reste, il suffit que je sache où te trouver. Oui, votre père va se marier, ce n'est point un conte. Hé, parbleu oui, c'est elle-même. Qu'avez-vous donc ? Êtes-vous muet ? Morbleu, voilà des gens qui s'aiment. Je t'aimais autrefois ; mais le certificat m'a corrigé. Attendez, attendez, Monsieur, ne nous pressons point de nous désespérer, l'aventure n'est point si terrible. Premièrement, c'est Monsieur votre père qui est votre rival. Lui-même. La Vigne m'a tout conté ; il allait épouser ma femme, lui. Oui, Madame. Et si elle peut faire en sorte que vous deveniez celle de mon Maître, je lui pardonnerai d'avoir eu dessein de n'être plus la mienne. Vous voyez ce que je fais pour votre service. Songe à m'apaiser ; car, selon toutes les règles, je dois être fort en colère. Songe à expier l'affaire du certificat, au moins. Et nous, Lisette ; à quand la noce ? Comment ? Quoi ? C'est ta femme ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LAVIGNE *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lavigne Voilà une mauvaise espèce de rhume. Cependant vous êtes jeune, et la force du tempérament…, Cela n'est rien, Monsieur, et le mariage vous tirera d'affaire ; il faut qu'il emporte le rhume, ou que le rhume vous emporte, il n'y a pas de milieu. Entrez chez votre jeune maîtresse, puisque vous y voici ; sa présence seulement, peut-être, adoucira l'aigreur de votre rhume. C'est une fille qui sait vivre. Vous avez raison. À votre âge, le moyen de demeurer veuf ! Vos intentions sont bonnes, il en sera ce qui pourra. Venez le lui donner vous-même. Le pauvre bonhomme, avec son envie de faire souche ! Il est bien pressé de faire le voyage de l'autre monde. Tant pis pour lui, c'est son affaire, et la mienne est de pousser ma pointe auprès de la servante ; elle est jeune et jolie, et le mariage ne sera mortel ni pour elle ni pour moi. J'entends quelqu'un : entrons, et voyons d'abord ma maîtresse ; j'aurai du temps de reste pour parler à celle de mon maître. Pense que c'est l'Olive ! Hé bonjour, Monsieur de l'Olive. Et depuis quand de retour ? Je te croyais dans le fond de l'Italie ! Que diantre veux-tu dire, avec ton incognito ? La vieillesse ne l'est pas mal aussi. C'est le plus beau fou qu'on ait jamais vu. Il est donc parfait, rien ne lui manque. Que ton Maître n'apprenne rien de ceci, au moins. Son père a pris le temps de son absence pour se marier. C'est une petite personne, qui n'a pas encore apparemment l'esprit de réfléchir sur ce qu'on lui fait faire, et qui dépend d'une mère qui la force à ce mariage. La chose n'est pas encore conclue. Il y a dans le logis une certaine fille de chambre, qui n'est pas contente d'un assortiment si bizarre, et qui prendra soin des intérêts de la petite fille en dépit d'elle-même. Belle demande ! Cela peut-il être autrement ? Je t'en réponds. Nous attendons, pour nous épouser, le certificat de la mort d'un mari qu'elle avait. S'il vient, à la bonne heure ; s'il ne vient pas, on s'en passera. Justement. Demeure ici quelque temps, tu pourras y voir entrer notre vieil Adonis. C'est-à-dire qu'il y a quelques amourettes en campagne. Je n'ai garde. Ne parle pas de ce que je t'ai dit. Allons avertir le bonhomme que son fils est à Paris. Ne toussez pas, vous les effaroucheriez. Rassurez-vous, ce ne sont point des douceurs qu'il lui dit. Tu nous en donnes furieusement à garder. Je suis bon Prince. Et le certificat ? Il serait plus naturel qu'il vous en servît ; mais, à la pareille. La première fois qu'on voudra vous tuer… Monsieur. Je n'ai garde. J'escorte l'escorte, moi. Elle a raison ; puisque c'est une chose qu'il faut faire, dépêchons d'en être quittes. Que Monsieur marche le premier, vous le suivrez ; et moi, je ferai l'arrière-garde. Ne vous mettez pas en peine. Voilà un bel ordre de bataille. Hé bien, Monsieur, nous en voilà revenus, et nous avons fait une bonne action à peu de frais, comme vous voyez. Voilà un discours qui veut dire quelque chose, et qui ne veut rien dire de bon. Ma foi, Monsieur, si j'étais en votre place, je ne m'y fierais que de la bonne manière. Monsieur, vous auriez beau tousser, elle ne vous ferait plus de révérences. De toutes les bonnes qualités, il ne lui est demeuré que de l'ingénuité. Cette pièce de cabinet sera quelque chose de fort curieux à voir apparemment. Je vous l'avais bien dit, qu'il était revenu. Monsieur, vous ne vouliez vous remarier que pour faire souche, et Monsieur votre fils fera mieux souche que vous. Oui, mon cher Monsieur de l'Olive, je vous certifie, que grâces au Ciel, je me porte bien ; et que pour mes péchés, c'est là ma femme. Oui, mon enfant, et je voudrais bien qu'il me fût permis de m'en défaire en ta faveur, je ferais volontiers les frais de la noce ; je crois ma foi que j'y gagnerais encore. **** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISIMON *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lisimon Diantre soit fait des importuns ! Deux petits collets, maltraités du Lansquenet, Madame, qui depuis un quart d'heure m'arrêtent à cent pas d'ici, et pour quoi. Pour de l'argent, que je suis fat de leur prêter ; mais, il n'importe. Vous y perdez autant que moi, la belle. Ils vous ont volée ; et sans savoir vous trouver ici, je vous avais destiné ma bourse. Je dis vrai, la peste m'étouffe. Hé bien, Madame, me voilà, que devenons-nous ? J'ai du bien, je suis d'une noblesse distinguée, et d'une profession à mériter quelque jour des emplois très considérables, apprentif Maréchal de France. Je vous adore ; vous m'aimez ! Eh, croyez-moi, déclarons-nous. Il faudrait que votre maman eût perdu l'esprit pour ne pas consentir à ce mariage. Hé ; fi ; les mères d'aujourd'hui ne sont pas si à craindre que vous le dites. La pauvre Dame : elle n'est donc pas de ce monde ? Juger des gens par les habits ! Hé, cadédis, les plus modestes ne sont pas les moins dangereux. Mais, parlons net ; car, je suis homme de réflexion ; cette mère que l'on craint tant, on ne la craint pas sans sujet. Dites, ai-je quelque rival qui se serve du pouvoir maternel, pour se faire épouser par force ? N'hésitez point à me le dire, il n'en mourra pas, je vous en réponds. Je suis prudent, et je n'aime pas les affaires : ses deux oreilles me suffiront. Vous hésitez à me répondre, et vous allez aux opinions. Le vent du bureau n'est pas bon pour moi ; mais je n'ai qu'une bagatelle à représenter. Je suis endiablé d'amour pour vous, et je ne suis pas seul, sans doute. Dans quelque moment de dépit contre un plus fortuné que moi, vous avez tantôt reçu mon message, et vous avez dit, oui, qu'il vienne. Ce dépit est passé, vous enragez d'avoir topé. Je comprends la chose à merveille ; mais, je le connaîtrai, ce fortuné : et il me sera garant de tout, sur mon honneur. Quoi ? Qu'est-ce ? Qu'avez-vous ? Mon ressentiment vous émeut, c'est quelque chose. Adieu, Madame, je vous abandonne à vos réflexions. Je porte une épée, et le pistolet quelquefois. Tombe sur moi, le Firmament, si le drôle ne meurt de ma main. **** *creator_dancourt *book_dancourt_parisienne *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_parisienne *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DORANTE *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Enfin, Madame, je m'arrache aux affaires les plus importantes, pour ne pas perdre le moment favorable de vous exprimer. Quelle contrainte ! Toujours obsédée d'une mère ou de ses surveillants. On ne peut donc manquer en s'adressant à vous ? Et je suis ravi d'avoir occasion… Que dites-vous ? Ma chère enfant ! Soyez discrète, je ne vous demande pas autre chose. Plaît-il ? Hé, ne faites point de bruit, je vous en conjure, et gardez cela pour l'amour de moi. Mais vraiment, c'est une espèce de folle que votre gouvernante. Vous me le promettez. L'incommode chose qu'une fille de chambre honnête fille ! On est bien heureux qu'elles soient rares. En vérité, vous êtes bien méchante. Elle est à vous. Mais, quand puis-je espérer… Je ne sais, Madame, comment reconnaître l'important service… Adieu, Madame.