**** *creator_dancourt *book_dancourt_prixarquebuse *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_prixarquebuse *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURMARTIN *date_1717 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurmartin Où allez-vous, ma fille ? Ne vous écartez pas, vous n'aurez pas la peine de revenir de loin. Et vous aussi, Nanette, j'ai à vous parler toutes deux : entendez-vous ? Hé bien, mes enfants, où en sommes-nous ? Tout cela se passera-t-il comme il faut ? Je le crois bien. J'ai trouvé un trésor, moi ? Et qui est-ce qui fait ces contes-là ? Comment tout le monde ? Je voudrais bien savoir qui sont les impertinents qui font courir ces mauvais bruits-là. C'est de la succession de mon frère que m'est venu le bien dont je jouis, et ce sont des coquins qui… Lui ? Point du tout, il était Secrétaire du Secrétaire d'un Intendant d'une certaine Province… Je m'en sers en honnête homme, comme vous voyez, j'en ai plus qu'il ne m'en faut, et c'est ce qui fait aussi que je suis si désintéressé. Voilà pourquoi je vous ai choisis pour mes amis, j'aime les honnêtes gens, moi. Laissons les compliments, et parlons sérieusement de notre affaire. Je veux que cela aille bien et que cela fasse honneur aux uns et aux autres. C'est moi qui ai imaginé de tirer ici ce prix de l'Arquebuse, pour signaler mon avènement à la Prévôté par quelque chose d'extraordinaire. Oui, la gloire me flatte, je vous l'avoue, mais songeons à l'utile. Le prix proposé est de dix mille francs, comme vous savez, cela est-il rempli ? La recette est-elle bonne ? Cela est bon, il y aura de quoi boire. Cela est de bon sens : cela grossira le pot de vin. Il ne faut pas tant boire, cela vous enivrerait, mes enfants. Nous emploierons le superflu de ces deniers-là à des œuvres pieuses et charitables. Oh ! Cela est trop juste, ne vous mettez pas en peine, et disposez bien toutes choses pour que le prix soit tiré dès aujourd'hui. Je suis ravi de vous voir des sentiments d'honneur comme ceux-là. Vous avez bien fait, cela est dans l'ordre. Hé bien ? Oui, mais j'ai une nièce et une fille aussi, moi. Et une sœur encore pardessus le marché, qui est très folle, et dont je voudrais bien être débarrassé. Cela n'est-il pas juste ? Au bout du compte, cela ne dépend ni du hasard, ni de nous ; ce sera le plus adroit qui emportera le prix, et qui choisira la fille. Cela est bon ; le meilleur Tireur aura le droit pour lui. Vos intérêts sont en bonne main ; laissez-moi faire, et allez achever de disposer toutes choses pour commencer la cérémonie. Ces drôles-là ont pour leurs familles les mêmes vues que j'ai pour la mienne. Pour moi dix mille francs de plus ou de moins ne sont pas une affaire ; mais ce sont dix mille francs d'argent comptant, et dix mille francs d'argent comptant au temps qui court, ne dérangent rien dans un coffre-fort. Qu'est-ce qu'il y a donc, Mademoiselle ma sœur ? Quel heureux événement vous transporte si fort ? Cet événement est déjà tout arrivé, vous ne m'apprenez rien là de nouveau, mais je ne vois pas, moi, ce qu'il y a de si fort réjouissant… Maugrebleu de la folle ! De quoi voulez-vous parler ? Quel est ce bonheur ? Votre mariage ! Vous vous mariez, ma sœur ? Oui, je serais fort content de cela, je vous l'avoue : mais avec qui faites-vous cette partie de mariage, s'il vous plaît ? C'est donc jusqu'à présent un mariage clandestin ? Trouvez bon que j'attende qu'il le soit pour m'en réjouir. Vous êtes bienheureuse, si vous êtes persuadée de cela. À la veille d'user de vos droits ! Ne seriez-vous point au lendemain, de par tous les diables ? Hé bien, cette nuit, ma sœur ? Je me donne au diable, vous rêvez encore, ma sœur : allez-vous-en achever votre songe, et puis nous en verrons la suite. Grand bien vous fasse. Que diantre, ma sœur, finissez donc. Vous dites là des sottises, et vous me feriez penser des choses… Dites-moi donc ce que c'est que ce songe ? Il faut que j'aie belle patience. Je le connais, je le connais ; nous n'avons pas grand commerce ensemble. Quel galimatias me faites-vous ? Elle a tout-à-fait perdu l'esprit. La malepeste, ma sœur, vous avez essuyé là une furieuse Escopetterie. Il faut que vous soyez invulnérable. Ô la folle ! Ô la folle ! Je le souhaite, ma sœur ; et pour ne point gâter la douceur de vos idées par l'amertume de mes réflexions, je vous donne le bon jour, et vous laisse la liberté de vous entretenir avec vos chimères. À quoi siable vous amusez-vous, et que ne faites-vous comme les autres ? Tout le monde s'assemble sous les avenues, le Peuple, les Magistrats, les Premiers de la Ville, la Noblesse des environs, la Jeunesse, les Dames, l'élite des Provinces, toutes les Brigades sont sous les armes ; c'est un beau coup d'œil, cela est beau à voir. Comme c'est moi qui ai mis tout ça en train, je vous avoue que ça me flatte. On me regarde, morbleu, comme un Général ; et dans le fonds, j'aime mieux commander là, qu'à une armée ; ça n'est guères moins glorieux, et il y a bien moins de risque. J'ai eu toutes les peines du monde à me résoudre de quitter ; mais on m'a dit qu'il y avait du monde au logis qui me demandait. Savez-vous qui c'est ? Pour cela non, ma sœur, il n'y a point d'obscurité, il n'y a que de l'impudence. Je ne connais point ces Messieurs : je veux croire qu'ils vous font honneur de vous rechercher ; mais vous êtes tous trop bien d'accord ensemble, pour l'être avec moi. Vous, ma sœur, vous êtes folle, et je vous ferai mettre aux Petites-Maisons incessamment. Vous, ma nièce et ma fille, deux impertinentes que je renfermerai dans un Couvent, pas plus tard que demain. Et vous, Messieurs les inconnus, tant présents, qu'absents, vous êtes des suborneurs de filles, et comme tels, je suis en droit de vous faire arrêter comme Prévôt, moi. Je ne vous réponds pas de n'en point venir-là. Vous vous y êtes mal pris, Messieurs, cela me révolte. Des trois mariages qui sont sur le Bureau, aucun n'aura mon aveu : si vous vous en passez, je passerai outre ; voilà ma décision. Vous ferez bien de vous y conformer, de peur d'inconvénients ; c'est un avis que je vous donne par forme d'ordre. Cela est-il net ? Oui ou non, ma sœur ; il n'y a point d'ambiguïté là-dedans, à ce qu‘il me paraît. Adieu, Messieurs, je vous baise les mains. Rentrez, vous, et que je ne vous voie pas davantage ensemble, hom, hom, hom, hom. Ce jeu de l'Arquebuse ne laisse pas au bout du compte d'attirer ici un tas de godelureaux, de fainéants, de chercheurs de bonnes fortunes, hom, hom, hom, hom. Moi, Madame ? Que la peste m'étouffe, si je sais ce que vous voulez dire, je ne vous connais point, je ne vous ai jamais vue. Mais ces violences-là ne se pratiquent point, je ne sais qui vous êtes, ni vous, ni cette Madame votre sœur. Hé bien oui, je suis Monsieur Martin, j'en conviens. De Châtillon-sur-Marne soit : quels droits cela vous donne-t-il sur ma personne ? Ce sont des lettres de change que je ne payerai point. Vous n'avez qu'à me faire assigner. Ah ! Je suis mort, au secours, miséricorde. Hé, prenez mon parti, Monsieur. Laisserez-vous ainsi périr un Prévôt, contre tous les droits de la Justice ? Oh ! Je le suis, je vous assure, et très innocent de ce qu'on m'impute. À votre jugement ? Le Juge me paraît pour le moins, aussi fripon que ma partie ; mais il n'importe, il faut filer doux, pour me tirer d'ici ; je suis presque seul au milieu de la ville, et tout le monde est rassemblé dans les avenues où se tire le Prix, ne nous piquons point ici de faire le brave mal-à-propos, quand je serai tantôt à la tête de ma Maréchaussée, je leur ferai bien voir que je ne les crains guère. Rien, Monsieur, je m'examine, et je prends conseil de moi-même. Je n'en suivrai que de bons, ne vous mettez pas en peine, et je veux bien prendre ce Monsieur-là pour être l'arbitre de nos différends. Quelle diable de Juridiction ? Si je suis mort et enterré, que diable me demandez-vous donc ? Ce n'est pas moi, c'était mon frère, c'est le défunt à qui il faut vous en prendre. Tenez, Monsieur, que la peste m'étouffe, s'il y a un seul mot de vrai dans tout ce qu'elle dit, que la succession que j'ai été quérir, et que mon frère et moi nous nous ressemblions un peu, je vous l'avoue. Je fournirai les preuves du contraire, c'est le défunt qui vous a promis, il faut que le défunt vous épouse. Je suis bien fâché de vous quitter ; mais… Une fonction de ma charge que je ne saurais remettre. Il faut que chacun se rende à son devoir, comme vous savez. Je ne sais pas, Monsieur, comment vous prétendez ?... Je ne m'oppose à rien, si vous êtes riche ; car je ne sache rien de si bon dans le monde. Ma fille est à vous, cela est trop honnête. Ne demande-t-il point de dot, ma sœur ? Vous êtes trop modeste, je vous la donne. À la bonne heure, je serai défait de tout ce qui m'embarrasse, et j'épouse aussi votre sœur, Monsieur de Bracassak, pour me refaire une nouvelle famille, et pour me conformer à l'exemple. **** *creator_dancourt *book_dancourt_prixarquebuse *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_prixarquebuse *dist2_dancourt_prose_comedy *id_SOPHIE *date_1717 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_sophie Je ne me soucie point de toutes ces choses-là, ma cousine. Ce n'est point cela. Non. Quel conte me fais-tu là ? Que tu es extravagante ! Il n'est point venu, ma chère cousine. Ah ! Je ne sais ce que je dis, je rêve. Il ne manquera pas de venir ? Qui te le fait croire ! Je ne lui ai point donné de rendez-vous vraiment, je ne fais rien contre la bienséance, c'est lui qui m'a écrit, tout au contraire. Les plus jolies choses du monde, ma chère enfant, et il me mande qu'il en a encore cent mille plus jolies à me dire. Oh ! La conversation vaudra mieux que la lettre. Oui, je te l'avoue. Je ne saurais te le dire ; mais je crois qu'il est de partout. Il connaît tout, il parle de tout, il n'y a rien qu'il ne sache. Chez Madame Benoît à L'Ours. Il y mangeait des œufs frais en passant en poste ; il avait des affaires, et il y demeura jusqu'à la nuit, exprès pour causer avec moi. Oh ! Il me trouva bien autre chose de plus étonnant, à ce qu'il me dit. De la vertu, ma cousine. Il dit que quelque part om il eût été, il n'avait jamais vu de fille qui en eût autant que moi. Et c'est cela qui fait qu'il me veut épouser. C'est sur ce ton-là qu'il m'écrit, au moins. Oh ! Je te la veux montrer, tu me diras ce que tu en penses. Ne te presse point, remettons la partie ; voilà ton père. Nulle part, mon père, je reviendrai tout à l'heure. Ma chère Tante, j'ai besoin de vos bons offices auprès de mon père. J'ai peur que vous ne me refusiez, ma tante, et que trop de scrupule… Qui est ce Monsieur-là, ma tante ? Vous avez un Chevalier, ma tante ? Ah ! Que je suis ravie, ma tante ! J'en ai aussi un que vous voulez bien que je vous présente à mon tour, et pour qui je me persuade que vous voudrez bien vous intéresser. Approchez Dorante, approchez, ma tante ne me refusera pas d'être dans nos intérêts, elle a un amant, et elle n'oserait pas condamner en moi ce qu'elle fait elle-même. Oh çà ma tante, point de trahison, vous avez de la confiance en moi, j'en ai en vous. Voilà une belle occasion, une fête tumultueuse, il ne faut pas qu'elle finisse sans que nous nous mations l'une et l'autre. Qu'il soit comme il voudra, ma tante ; ce sont ses affaires. Je veux être comme ma mère, moi, ce sont les miennes, et les filles doivent tenir des mères, n'est-il pas vrai ? Pour achever ton mariage ? Le voilà, ma tante, notre petite assemblée de famille sera troublée. Parlez-lui la première, ma cousine. Vous avez plus d'expérience, vous serez plus sage. Oh ! Pour ça non, ma tante : mais Monsieur de Tours ne pourrait-il pas… comme vous êtes l'aînée, et que c'est votre Chevalier, à vous. Le fruit le plus mûr est celui qu'il faut cueillir le premier, ma tante ; et c'est l'exemple que vous nous donnerez, qui doit nous déterminer. Non, mon oncle : comme voilà des personnes qui vous demandent aussi, ayez la bonté d'expédier leurs affaires avant que d'aller ailleurs. Ma tante vous dira… Ne vous en allez pas, Dorante, nous ferons changer les sentiments de mon père : ce ne sont que les discours de ma tante qui l'ont mis de mauvaise humeur. Et je veux voir Poitiers, moi, ma tante. De vous aimer. Votre bonheur et le mien. Toutes celles que la bienséance pourra permettre. Mon amour n'est point faible, et le vôtre n'est point timide ; ils s'enhardiront par les conjonctures. Si elles continuent de l'être, elles achèveront de nous déterminer. À tout ce qui pourra contribuer à nous rendre heureux. Je ne serai jamais à d'autres. Adieu, je vais rejoindre mon père, pour ne pas l'aigrir davantage ; et s'il nous impose des lois trop dures, nous n'en prendrons que de nous-mêmes. Hé ! De grâce, un peu moins d'emportement, Madame ! Empêchez, Dorante… Pour peu que vous ayez de curiosité pour ces sortes de spectacles, Madame l'on aura l'honneur de vous y accompagner. Me voilà prête à vous entendre, Madame, et ce Monsieur-là ne doit point vous être suspect. Mais vous n'êtes point amoureuse de mon père, Madame, quoique vous vouliez l'épouser ? Mais ce n'est point mon père qui vous a écrit, et qui vous a fait une promesse de mariage. Celui-ci vous est sûr en l'état où vous êtes. Ce serait là le Chevalier de ma cousine ? Qu'est-ce qu'il y a ? Et mon père ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_prixarquebuse *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_prixarquebuse *dist2_dancourt_prose_comedy *id_NANETTE *date_1717 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_nanette Hé ! Qu'as-tu donc, ma chère ? Qu'as-tu donc, ma chère ? Je ne te connais plus ; toi qui es la fille du pays la plus enjouée, la plus gaillarde, la plus mièvre : te voilà tout je ne sais comment. Et depuis que ton père est devenu riche, et qu'il s'est fait Prévôt de la Ville, de simple Sergent qu'il était, depuis qu'il regorge de richesses, et que l'on dit qu'il a trouvé un trésor, il semble que cela te chagrine, et ta chance ne te tourne point à profit. Es-tu devenue folle ? N'est-ce point que tu aurais quelque amoureux, dont tu serais amoureuse de ton côté, à qui tu crois que ton père ne voudra pas te donner depuis qu'il a fait fortune, lui ? Serait-ce point que ton père par aventure te voudrait de son côté donner quelque amoureux, dont tu ne serais pas amoureuse, toi ? Non. Ah ! M'y voilà. Ne serait-ce point que tu aurais quelque amoureux, mais bien amoureux, dont tu n'aurais été d'abord guères amoureuse, et puis après un peu davantage, et puis ensuite autant qu'il fallait, et puis un peu trop sur la fin ? Hé ! Je te fais un conte qui se trouve quelquefois une vérité : ces amours-là, vois-tu, sont dangereux quand ils augmentent. Ce n'est pas tout à fait comme la fortune de ton père. Il se trouve parfois de petits trésors cachés, dont on est plus embarrassé qu'il ne sera du sien. Et que tu es malheureuse, toi, d'avoir des chagrins, et d'en faire mystère à une personne qui est plus capable que qui que ce soit de te donner du soulagement ! Je ne manque, ni de talent, ni de bonne volonté. Mets-moi à l'épreuve, parle, apprends-moi le sujet de tes peines ; c'est un amant sans doute ; et je sais par expérience que la plupart des filles de notre âge n'ont guère d'autres inquiétudes. Il n'est point venu, qui ? Oh ! Pour le coup tu ne dissimules point. Je le vois bien, il est vrai, tu rêves à quelqu'un que tu attends, et qui ne manquera pas de venir je t'en réponds. Ta jeunesse, ta beauté, ton mérite, et l'amour que je vois bien que tu sens même. Il faudrait qu'il n'eût ni goût, ni discernement, ni esprit, ni reconnaissance, s'il manquait au rendez-vous que tu lui as donné. Ah ! Tu as raison ; il n'y a point de manque de bienséance à recevoir des lettres. Et qu'est-ce c'est qu'il t'écrit, dis-moi ? C'est ce qui fait que tu l'attends avec tant d'impatience. Et qui est-il donc cet amoureux-là ? Et où as-tu fait cette jolie connaissance-là ? Il te trouva de l'esprit, apparemment. Hé ! Quoi encore ? Voilà un heureux voyageur ! Il a bien raison. Je ne m'étonne pas que tu trouves sa lettre si jolie. Les vilaines gens qu'il a avec lui. Sa fortune ne le décanaille point. Ma chère tante ma chère cousine, que je vous rencontre à propos ensemble ! Bonjour, mon petit cousin, car vous le serez bientôt, si vous ne l'êtes déjà, et ma cousine m'a fait confidence… Oui, ma tante. Ah ! Quel bonheur, quel heureux présage ! Cela se rencontre le plus heureusement du monde, un oncle de plus, un cousin de même : nous pouvons faire entre nous autres une petite assemblée de parents, et nous n'avons que faire de mon oncle le Prévôt pour achever mon mariage ? Comme vous, ma tante, il n'est encore qu'ébauché fort imparfaitement ? Mais avec votre secours, avec votre exemple et votre aveu, nous le mènerons bientôt à sa perfection. Un Gentilhomme de Picardie, un Chevalier d'Amiens, ma tante. Ma tante expliquera mieux la chose que moi ; laissons-la faire. Je ne m'épouvante pas de ce qu'il dit, faites comme moi, ma tante. On n'est jamais Prophète en son pays, j'irai à Amiens, moi, et je vais retrouver mon Chevalier Picard, afin d'arranger toutes choses pour le voyage. Si vous vouliez, mon oncle, voilà un Monsieur d'Amiens, qui m'épouserait aussi aux mêmes conditions. **** *creator_dancourt *book_dancourt_prixarquebuse *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_prixarquebuse *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADEMOISELLEGIRAUT *date_1717 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_mademoisellegiraut Allégresse, Monsieur le Prévôt, allégresse, épanouissement de cœur, dilatation de rate, parfait abandonnement à la joie ; nous sommes les plus heureuses personnes du monde. L'événement n'est point encore arrivé, mais il arrivera incessamment, tout le pronostique, tout le dénote. Je ne me sens pas d'aise, je ne me sens pas d'aise, et il ne tient qu'à moi de devenir folle. Esprit borné, petit génie, vous ne méritez pas le bonheur qui vous arrive, puisque vous n'avez pas assez de lumières pour le prévoir. Mon mariage, mon frère. Oui, c'est une chose résolue, une chose réglée, une chose conclue, une chose faite. Un peu, mon frère. Je serai débarrassée de vous, vous serez débarrassé de moi, nous serons débarrassés l'un de l'autre. Quel excès de plaisir ! Quel ravissement ! Cela se déclarera. Il deviendra public, et très public, et il ne le sera que trop, peut-être. Je crois que mes avantages ne vous touchent guères. Vous avez eu par testament la succession de feu notre frère : cela vous donne un sot orgueil. Je n'ai eu moi, que ma part de notre patrimoine, qui n'est rien, mais la nature m'en dédommage par tant d'endroits, la figure, la beauté, les grâces, l'esprit, l'enjouement, la vivacité, la politesse, le savoir-vivre, talents très peu d'accord ensemble, et d'un consentement très unanime, réunis tous en ma personne. Persuadée, mon frère ! J'en suis convaincue. Je n'envie point votre fortune ; laissez-moi la mienne, je suis à la veille d'en jouir, et d'user de mes droits. Je m'en servirai, je m'en servirai, laissez-moi faire. Oh, pour cela non, je vous en assure, il n'y a rien encore sur mon compte, et je ne suis heureuse qu'en idée. Mais cette nuit, mon frère… J'ai fait le plus joli rêve, j'ai vu les choses les plus gracieuses… Oh ! Le songe est fini, et la suite est certaine. Ah ! Mon frère, je voudrais veiller toute ma vie, comme j'ai dormi cette nuit. Il n'y a point là de sottises, mon frère, rien de plus sérieux ; et je veux bien que vous sachiez que je ne fais que des songes fort modestes. Laissez-moi reprendre mes esprits. Le voici, mon frère. Vous connaissez l'Amour, ce petit archerot ? C'est le plus habile tireur, et sans contredit, le meilleur arquebusier qu'il y ait au monde. C'est lui qui emportera le prix ; et je l'aurai, moi, il m'est destiné, je vous en assure. Je l'ai vu cette nuit, ce charmant petit Dieu ; il planait dans les airs, il volait à la tête de toutes les Brigades des Chevaliers de l'Arquebuse, et les conduisait dans un petit bois écarté, où je rêvais à l'ombre. Il a tiré de son carquois une flèche dorée, qu'il m'a lancée tout droit au cœur ; et comme si ç'eût été le signal, ou plutôt un avis aux Chevaliers de l'objet où leurs traits devaient s'adresser ; je les ai tous vus me coucher en joue, le feu prendre, leurs coups partir, et je m'en suis trouvée toute criblée. Cela ne m'a point fait le moindre mal, le croiriez-vous ? Les seuls traits d'amour m'ont percée : Mais entre nous Ses coups sont doux, Ses tourments Charmants ; On n'en est jamais offensée, Et je voudrais avoir à tous moments Le plaisir d'en être blessée. Pas tant, mon frère, Vous traitez mon songe de songe, Il deviendra réalité ; Songe d'amour n'est point mensonge, Le mien sera bientôt parfaite vérité. Il me regarde comme une visionnaire, qui me repais d'idées chimériques, et je le regarde moi, comme un fou malin, qui est jaloux de mon bonheur, et qui voudrait ensevelir mes charmes dans l'obscurité du célibat ? Il n'en sera rien, j'y mettrai bon ordre ; et puisqu'il ne songe point à me marier, je me marierai fort bien toute seule. Ah ! Que voilà un jeune Chevalier bien fait, et de bonne mine. Mais que vois-je ? C'est un de ceux qui m'ont tirée cette nuit, je le reconnais, je l'ai remarqué plus que les autres. Le prix est pour lui ; c'est lui qui m'aura, mon cœur me le dit, l'amour m'en assure, et je regarde cela comme une chose déjà faite. Il me regarde avec attention. Il semble qu'il hésite à m'aborder. L'Amour est un enfant timide. Il faut enhardir celui-ci. Monsieur, je suis votre très humble servante. Je ne puis pas bien dire qui vous êtes ; mais cependant votre visage ne m‘est pas tout-à-fait nouveau. Cela ne paraît point, Monsieur, ni à votre esprit, ni à vos manières, et vous êtes aussi parfaitement façonné, aussi gracieusement formé pour votre âge… C'est un avantage que nous avons aussi dans la nôtre ; nous paraissons toujours plus formés que nous ne sommes. Je ne suis qu'un enfant, par exemple ; et il n'y a presque personne qui ne s'imagine… Vous êtes trop obligeant, Monsieur, en vérité. Qu'il s'explique agréablement ! Qu'il dit de jolies choses ! Peut-on vous demander, Monsieur, comment vous vous appelez ? D'où vous êtes ? Vous êtes Monsieur Pruneau, de Tours, Monsieur ? Voilà mon songe. La déclaration est tout-à-fait galante, Monsieur, et vous me paraissez un Cavalier trop adroit pour ne pas tirer droit aux cœurs dont vous vous proposez la conquête. De quoi est-il question ? Vous n'avez qu'à parler, ma nièce. C'est mon Chevalier, ma nièce ; Monsieur Pruneau ne veut tirer le prix que pour viser à moi. Je suis son objet, dit-il, le blanc où il tire. J'en ai à choisir, ma nièce, mille de rebut, mais voilà le véritable que je vous présente. Vous pouvez tout, Monsieur, fait comme vous êtes. Le joli petit homme, quel air ! Quelle figure ! Cela vaut mille fois mieux que Grégoire Pruneau. Que ma nièce est heureuse ! C'est bien dit, ma nièce, et malgré votre père qui est un libertin, qui voudrait que tout le monde fût comme lui, et qu'on ne se mariât point dans sa famille. Cela ne reçoit pas de difficulté. Qu'est-ce qu'il y a, ma chère enfant ? Que pouvons-nous pour votre service ? Vous regardez Monsieur comme votre cousin ? Hé bien, regardez Monsieur comme votre oncle : queuci, queumi, les choses sont aussi avancées de part et d'autre. Est-ce que vous l'avez déjà commencé, ma nièce ? Hé, quel neveu me prétendez-vous donner, ma nièce ? Quel cousin pour votre cousine ? Encore faut-il savoir avec qui on s'allie. Mais cela est heureux, le choix est bon, nos mariages ne peuvent manquer de réussir. Monsieur le Prévôt les approuvera, s'il veut ils n'en seront pas moins bons, je vous assure. Ne cherchez point à voir mon frère le Prévôt, Monsieur ; ces bons sentiments-là vous passeraient bien vite. Vous serez plus hardies, vous êtes plus jeunes. Je le suis trop pour proposer des choses raisonnables à un fou comme lui. Si Monsieur le Chevalier de Paris voulait… eux qui ont la langue si bien pendue… Hé bien soit, je vous le donnerai, cela est fini. Nous allions tous de concert vous chercher, mon frère, et vous nous prévenez agréablement en venant ici. Je vous dirai, Monsieur mon frère, que nous sommes tous d'accord, et que nous n'avons besoin de vous que par manière d'acquit. Monsieur aime ma nièce, et ma nièce aime Monsieur. Je suis adorée de Monsieur, moi, et je ne suis ni ingrate, ni insensible. Mon autre nièce que voici présente, a de son côté aussi un soupirant qui est absent, mais elle en a procuration, elle occupe pour lui, je parle pour eux. Voilà trois mariages sur le Bureau, comme vous voyez : si vous y donnez votre aveu, à la bonne heure ; si vous le refusez, on s'en passera, tout coup vaille, et l'on ne laissera pas de passer outre : voilà de quoi il est question. Prononcer, ordonnez, donnez-nous votre décision par forme d'avis, on s'y conformera en cas de convenance. Cela est-il clair ? Oui ou non ; il n'y a point d'obscurité là-dedans, à ce qu'il me semble. Ne vous effarouchez point, et demeurez ici, Monsieur Pruneau. Les mesures ne sont pas difficiles. Il en aura le démenti, je vous en réponds. Soyez-moi fidèle, Monsieur Pruneau, nous voyagerons ; je veux aller à Tours. Ce sera pour moi, le joli petit homme ! Le joli petit homme ! Voilà Monsieur Pruneau qui est fort riche aussi, mon frère. **** *creator_dancourt *book_dancourt_prixarquebuse *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_prixarquebuse *dist2_dancourt_prose_comedy *id_NICOLAS *date_1717 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_nicolas Hé, parguenne oui, je sommes barsés avec ça ; et tous petits que j'étions, j'avons toujours eu ly et moi de la sympathie pour les armes. J'ai été anspeçade de la milice, moi, tel que vous me voyez. Morgué de quoi te plains-tu ? Ne l'es-tu pas ? Chacun dans notre état je poussons tant que je pouvons les petits talents que la nature nous baille. Je serais bian fâché que dans tout le Pays, il y eût un si brave homme que moi. Je n'avons que ça dans le monde, de la vartu, de la probité. Point de vergogne, il n'est rien de tel que le mérite parsonnel. Oh ! Pour ce qui est d'an cas de ça, je ne le cède à parsonne, hors à M. le Prévôt da, qui a acheté sa Charge, et qui est bian riche. Dame, acoutez, Monsieu le Prévôt, quand on a de l'argent, an a toutes sortes de bonnes qualités, parsonne ne vous dispute : vous êtes bianheureux d'avoir trouvé ce trésor-là. Pargué tout le monde. Morgué, ne vous fâchez point, à ça près, et queuques autres petites bagatelles, n'an sait bian que vous êtes honnête homme, parsonne ne vous le dispute. Oh ! Tatigué la bonne boutique, je ne m'ébahis pas qu'an si anrichisse, ce sont d'habiles gens que ces Messieurs-là, ils gouvernont tout. Les petites gens, la Robe, la Finance ; et quand ils avont bon esprit, ils sont morgué, queuquefois les gouvarneurs des gouverneurs même. Allez, Monsieu le Prévôt, si votre bian viant de là, il est bien acquis, ne craignez rian. Je sis tout comme ça, le bian de mon prochain ne me tente point ; et n'an ne me reprochera jamais d'avoir une obole à qui que ce soit. Je vous avons bian de l'obligation, et je tâcherons de nous rendre daignes d'être capables… C'est bian la raison. L'imagination est pargué bonne. Le Bourg est plein de monde, an ne sait où les loger, il y a morgué plus de deux cents Tireux, qui ont presque tous amené chacun leur Tireuse ; et ces Tireuses-là avont après elle d'autres Tireux qui les suivont par bandes, et qui avont amené avec eux des Ménestriers, des Violons, des Hautbois, des Flûtes. Depuis la cave jusqu'au grenier, tout est rempli dans les cabarets, an si divarti bian, an fait bonne chère, et an ne manquera pas sitôt de provision, ni pour la pause, ni pour la danse. Et bian glorieux pour Monsieu le Prévôt. Vous êtes bian aise, dites, n'est-il pas vrai ? Et autant qu'il s'en présentera encore je les recevrons, je ne refusons parsonne. Oui, l'ivrognerie est un grand vice. Ça est bian dit. Ça accommodera queuques familles, pourvu que ce soit des nôtres, s'entend. J'avons tout arrangé pour ça, tatigué, il y aura une belle ordonnance. Oh ! Tatigué, oui, M. le Prévôt, honni soit qui mal y pense : je vous en fais ma déclaration. J'ai une fille, moi ? Si je pouvions adroitement faire tomber ça sus quelqu'une d'elles. Je comprends bian, vous voulez avoir trois parts là-dedans, Monsieu le Prévôt. Ma fille a des amoureux qui sont bian adroits. Hé oui, mais je sommes les Juges pour juger de tout ça, nous autres ; bon droit comme vous savez, a besoin d'aide. Ne pourrions-nous point un tantinet aider le bon droit de qui je voudrons ? C'est le droit des Juges, sti-là. Vous n'avez qu'à ordonner, tout sera prêt. Oh ! Tatigué, Mesdames, vla bian du grabuge, le Diable est bian aux vaches. De plus de deux cents, et ne sais combian de Tireux qu'il y a, il n'y en a que dix-neuf qui avons tiré encore. Ils ne tireront morgué pas. Une partie des brigades avons mis bas les armes par admiration, les autres se donnent au Diable qu'il faut que ce soit le Diable en parsonne, qui a tiré ce coup-là, il a morgué si bien mis dans le milieu, qu'il ne s'en faut pas tout autour l'épaisseur d'un cheveu, que ça ne l'ait emporté tout brandi : Hé, où tireront les autres, ils ne sauriont plus mettre qu'à côté, quand ils viserions aussi bian que stilà, l'saurions bien mettre dans le milieu, le trou est tout fait, il n'y paraîtrait morgué pas : ah ! Que c'est un bon Viseux que ce drôle-là. Un nouviau venu, un homme de bian loin, car parsonne ne le connaît, c'est ce qui fait qu'ils le croyons le Diable, voyez-vous Gros-Jean l'a mis dans la Brigade d'ici, parce qu'il n'avait point de pays, n'an croit qu'ils sont sorciers tous deux, et Gros-Jean n'a qu'à se bian tenir, n'an l'y revaudra, c'est ly qui a prêté s'narme. Tout justement, vla comme on l'appelle, et ce nom-là fait peur à tretous, il n'y en a morgué point qui ne tremblions pour queuqu'un de leurs membres. Pourquoi, morguenne, ly a eu queuques mutins qui voulions ly disputer, qui avions dit qu'il fallait faire un Blanc nouviau, qu'ils serions peut-être aussi adroits, ou aussi heureux que ly ? Il leur a pargué bian dit qu'ils n'aviont qu'à faire ; mais que ceux qui ne feriont pas si bian qu'il a fait, il les tirerait, morgué, tous les uns après les autres. Que vlez-vous que n'an dise à ça ? Parsonne ne veut avoir affaire à un tireux commùe ly, c'est queuque échappé du Sabat sur ma parole, avec votre parmission da, Madame. Je ne sais pas trop, mais ça doit l'être. Monsieur le Prévôt ? Il est tout ébahi, qui ne sait que dire comme tous les autres. Il fait sa cour au bon Tireux. Jarnigué ce drôle-là an sait bian long : si on ne l'aime point, on l'appréhende ; il est déjà craint dans le pays presque autant qu'un Receveux des Tailles. Oh, palsangué ? Tout est d'accord. Il n'y a point eu de noise, c'est le victorieux que n'an ramène dans la Ville en çarimonie. Ils m'avont suivi de près ; vla un détachement de la bande : Chaque Tireux mène sa Tireuse par la main. Tatigué la belle ordonnance ! **** *creator_dancourt *book_dancourt_prixarquebuse *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_prixarquebuse *dist2_dancourt_prose_comedy *id_GROSJEAN *date_1717 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_grosjean Oh ! Tatigué, ne vous boutez pas en peine, tout ira bian, c'est moi qui m'en mêle : je sais le trantran, le çarimonial de l'Arquebuse à marveille. Et moi, Sergent dans celle de la Ferté-sous-Jouarre. Je nous assemblimes à Yvetot en Normandie : tatigué que je m'y divartis bian. Tout chacun m'aimait, c'était à qui m'aurait, les filles me couriont ; tout le monde m'estimait ; je crois, morgoi, si j'y fus demeuré, qu'à la parfin je serais devenu le Général des Troupes de ce petit Royaume-là. Pour peu qu'an soit brave, et un tantinet aimé des femmes, son fait queuquefois son chemin bian vite au temps qui court. Morgoi, m'est avis que je sis né pour être un grand homme. Il n'est bruit que de ça dans tout le pays, on ne parle d'autre chose, an dit que vous avez attrapé le diable. Vous vous êtes baillé à ly, il vous a baillé un trésor, et que le marché est bon pour vous. Oh ! Tatigué, vous êtes plus futé que ly, il est pris pour dupe. Point d'emportement, n'an vous croit, ça se peut bian, c'est ce frère-là qui avait fait le marché du diable, peut-être. Je n'en ai pas tant que vous, mais l'intérêt ne me gouvarne pas, j'aimerais mieux être pendu que d'avoir un denier à parsonne. Je sis bian votre sarviteur, Monsieu le Prévôt. Ça est tout-à-fait divartissant. Il y a plus de deux cents Tireux, vous dit-on, à soixante francs pièce, je n'en recevons pas à moins. Je n'en recevons pas à moins. Ça fait douze mille livres. Et plus le pot de vin sera gros, plus je boirons. Hé bian, soit, je baillerons les mains à tout ce que vous voudrez, Monsieu le Prévôt, pourvu que j'ayons notre paragouane. Comme c'est une façon de loterie que staffaire-ci, faut que ça se tire de même, avec de la conscience et de la règle, ça est respectable, voyez-vous, il ne faut point de friponnerie là-dedans, je n'y trampe en rian, je m'en lave les mains. Comme sti qui aura le prix doit épouser une fille du lieu, je n'avons enrôlé que des garçons et des hommes veufs, voyez-vous ? Et moi une nièce, Monsieur le Prévôt. Cela est vrai. Chacun pour soi, n'y a pas le mot à dire. Il y a un drôle qui recharche ma nièce, qui vise morgué, bian juste. Il ne faut pas que la Justice parde ses droits, Monsieu lez Prévôt. Hé morgué, relâchez seulement un peu des vôtres : vous êtes riche, votre sœur, votre nièce et votre fille n'ont pas besoin de ça. Je nous recommandons à vous. Hé qu'est-ce que c'est donc, Monsieur le Prévôt ? Est-ce que vous vous gobargez de nous ? Vous faites assembler je ne sais combien de monde, toute la Ville est hors la Ville, tous les environs sont à l'entour ; on n'attend plus que vous, on ne veut point commencer que vous n'y soyez. On m'envoie vous charcher. Voulez-vous venir, avec votre parmission da, Messieux ? Nanain, Monsieu, nanain, c'est queuque chose de bian plus honnête. Je tirons le Prix de l'Arquebuse. Oh ! Tatiguenne, un Prix de conséquence. Sti qui visera le mieux gagnera mille pistoles, et une fille à choisir dans le Bourg, telle qu'il lui plaira, pour en faire sa femme. C'est fort bian fait, tirez donc de l'argent, soixante francs. Pour avoir dix mille francs et une fille, c'est bailler les choses pour rian. C'est à moi, Monsieur, je suis un des Receveux, à votre sarvice. Vous me baillez un louis d'or de plus ; mais je ne regarde pas après vous : je ne sis pas défiant. Vela un Monsieur qui fait bian les choses ; c'est dommage qu'il ne tire pas, il est bian adroit. Ô çà, Monsieu, dans queule brigade voulez-vous être, car tous les tireux se mettront par brigades, comme vous savez. De Pézenas ? Je n'en avons, morgué, point de ce pays-là. Comment est-ce que je ferons ? C'est fort bian dit ; il vous faut une arme. En avez-vous une bonne ? Pargué vous n'êtes pas mal avisé, vous n'échayez pas mal, c'est une des meilleures, afin que vous le sachiais. Voyez-moi ça, il y a dix mille francs au bout de ce fusil-là, regardez-moi dedans. **** *creator_dancourt *book_dancourt_prixarquebuse *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_prixarquebuse *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DORANTE *date_1717 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Je puis donc avec confiance lui déclarer les sentiments que j'ai pour vous, et lui demander en grâce… Vous avez une tante toute spirituelle, une cousine toute charmante ; et c'est un avantage bien flatteur de pouvoir entrer dans une famille où l'esprit et la beauté paraissent être héréditaires. Je ne mérite pas Monsieur… Le voilà rentré heureusement. Quez ne demeurez-vous ici vous-même ? Et pourquoi ne pas songer ensemble à prendre des mesures ? Votre père me paraît terriblement opposé à mon bonheur ; s'il persiste dans ses sentiments, quelles résolutions sont les vôtres ? Que produira cet amour ? Quelle assurance m'en donnerez-vous ? La bienséance est bien gênante, lorsque l'amour en prend la loi. Y en a-t-il de plus pressantes que celles où nous sommes ? À quoi encore ? Vous me promettez d'être à moi ? Que cette assurance me comble de joie ! Et que… Et je vais, moi, disposer toutes choses, pour nous mettre, de manière ou d'autre, hors de la portée de ses caprices. Me trompai-je ! Serait-ce bien vous, Monsieur le Chevalier ? La mort d'un oncle a fort heureusement réparé les premiers égarements de ma jeunesse. L'expérience m'a corrigé. Ne parlons plus de cela, je te prie. Je suis à la poursuite d'une jeune personne que j'aime, et que je veux épouser. Je veux faire un établissement. Tu fais là un beau panégyrique de la bonne Ville. Je m'en rapporte bien à toi. Tu ne manques pas d'occupation. Tu as donc tout-à-fait quitté le Régiment ? On t'a cassé ? Tu me donnes-là de ta conduite des idées… Voilà le vrai moyen de réussir. Et tu songes à donner ta sœur, une demoiselle de la maison des Bracassaks ? À un homme de fortune, à un Prévôt de petite ville ? Quelle mésalliance ! Pour nous autres Parisiens, encore passe, mais un Gentilhomme de la Garonne… Que je suis charmé de te revoir ici, et de retrouver en toi un véritable ami ! C'est la fille du Prévôt dont je suis amoureux. C'est elle-même. Et comment, mon cher Chevalier ? Mais celui de ta sœur avec le Prévôt est-il bien sûr ? Il est homme de caprice et d'entêtement. Je crains… Quand le devoir et l'humanité ne m'engageraient pas à prendre le parti du plus faible… L'intérêt que je prends à Mademoiselle votre fille, ne me permettrait pas de souffrir qu'on vous fît insulte, vous n'avez rien à craindre où je suis. Mais il faut examiner vos raisons de part et d'autre, que Monsieur et Mademoiselle justifient de leurs prétentions, que vous exposiez les raisons que vous avez pour vous en défendre, et si vous vous en remettez à mon jugement, soyez sûr que vous n'aurez pas lieu de vous en plaindre. Voilà une conduite bien criminelle, un procédé bien condamnable. Cela me paraît un peu violent. Et si Monsieur le Prévôt justifie qu'effectivement il avait un frère… Je suis trop mauvais tireur, tu le sais bien. Plus prodigue et plus libéral que jamais, je t'assure. Fort volontiers, qu'à cela ne tienne. À qui faut-il donner de l'argent ? Est-ce là ce qu'il vous faut ? C'est le droit du Receveur, gardez-le. Mets-moi dans celle de Pézenas, mon ami, je ne veux point changer ma patrie. Il faut éviter le procès, charmante Sophie, une belle-mère comme Madame, ne saurait que vous faire honneur ; je connais les Bracassaks, c'est une des meilleurs familles de la Garonne. Vous le prenez-là sur un ton, Monsieur le Chevalier de l'Arquebuse… Il est sur le champ de l'assemblée, où l'on tire le prix à l'heure qu'il est. Parlez-en avec considération, monsieur, Voilà Mademoiselle sa fille. Un Prévôt pourrait bien vous apprendre à mourir, prenez-y garde. Puisque le respect pour les Dames ne vous retient pas, il est bon de vous dire que je me regarde comme le gendre de Monsieur le Prévôt. Oui, vraiment, et il ne vous convient pas… Les fils de Maires ne sont pas des bêtes. Qu'est-il arrivé ? Les autres tireront, le grand malheur ! Et qui est-il ce drôle-là ? Et pourquoi donc cela ? Mais enfin donc tout est fini ? Quel bruit est-ce que j'entends ? Des violons, des hautbois, des flûtes ? Je fais gloire de l'adorer. Elle est pour moi d'un prix inestimable ; et si Monsieur ne s'oppose point à mon bonheur…. Je jouis de vingt mille livres de rente, et je ne vous demande point de dot. **** *creator_dancourt *book_dancourt_prixarquebuse *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_prixarquebuse *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURPRUNEAU *date_1717 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurpruneau Qu'il y a de jolies filles en ce pays-ci ! Si je pouvais donner dans la vue de quelqu'une, cela vaudrait morbleu mieux que le prix de l'Arquebuse ; et ma mère et mon oncle le Chanoine me l'ont bien dit, que c'était là qu'il fallait viser. En voici une qui n'est pas trop sotte. Elle se requinque en me lorgnant. Il faut chercher à faire connaissance. Bonjour, Mademoiselle, comment vous portez-vous ? Vous ne me connaissez pas, je gage, car vous ne m'avez jamais vu. N'est-il pas vrai ? Mon visage n'est pas nouveau ; il n'y a pourtant pas longtemps qu'il est fait, je suis tout jeune. Fort à votre service, Mademoiselle, nous sommes faits de bonne heure dans notre famille. Malepeste ! Vous êtes un enfant bien dru, Mademoiselle ; les filles de chez nous ne sont ni si jolies, ni si précoces ; et si nous pouvions avoir de votre race en notre pays… Je vous dis vrai, la peste m'étouffe. Il y aurait moyen de greffer de beaux fruits sur un sauvageon comme vous, Mademoiselle. Je suis de Tours, Mademoiselle : je m'appelle Grégoire Pruneau. Oui, Mademoiselle. Je viens ici pour tâcher de gagner le prix ; et si j'étais assez heureux pour y gagner un cœur comme le vôtre, ce serait un prix pour moi plus précieux que tous les prix de l'Arquebuse. Je ne viser qu'au vôtre, Mademoiselle ; et si je suis assez fortuné pour… Cette jeune fille est encore plus jolie que l'autre, c'est à celle-là qu'il faut viser : je suis toujours, moi pour les plus jolies. Oh ! Parbleu nenni, je veux devenir le cousin, moi, je ne veux plus être l'oncle. Les filles du pays sont jolies, mais elles se marient bien facilement. Parbleu, Monsieur le Prévôt, si vous croyez qu'on soit si affamé de votre sœur… Et moi, en attendant l'événement, je vais rejoindre ma Brigade ; et si je remporte le prix ; je sais bien à qui je le destine, Mesdames. Moi, monsieur ? Je ne demande rien, pas même Mademoiselle. Et vous trop généreux. Je l'accepte : il faut bien retourner au pays avec quelque chose de nouveau.