**** *creator_dorat *book_dorat_regulus *style_verse *genre_tragedy *dist1_dorat_verse_tragedy_regulus *dist2_dorat_verse_tragedy *id_REGULUS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_regulus Ciel ! Marcie en ces lieux ! Ô ma chère Marcie ! Mais ces premiers instants sont tous à la Patrie : Pour les perdre en discours, ils sont trop importants. N'écoute point surtout ces transports imprudents. Laisse-moi... Je dois, je l'avouerai, rendre grâce au destin, Qui m'amène aujourd'hui dans le Sénat Romain. J'y porte, sans rougir, ces marques d'esclavage ; Elles n'ont pu changer ni flétrir mon courage. Vainqueur en cent combats, Régulus fut vaincu : La fortune, Romains, commande à la vertu : Mais bientôt notre Rome, en héros si fertile, Vit tomber ses rivaux sous un bras plus utile. Métellus vient, triomphe ; il les fait tous trembler, Et le sang Africain recommence à couler. Ô Dieux ! combien de fois j'ai joui de leurs craintes ! Les airs retentissaient de leurs farouches plaintes ; Chaque jour sur leur tête entassait les revers : Le souffle de la mort infectait leurs déserts, Et les cris de Carthage, à la douleur en proie, Au fond de mon cachot venaient porter la joie. Votre ennemie enfin s'abaisse devant vous : Du bras qui la poursuit elle a senti les coups. Quand le Ciel la punit, quand le Ciel la condamne, C'est moi, le croirez-vous, qu'elle a pris pour organe ! Ne pouvant arrêter le cours de vos succès, Succombant sous la guerre, elle implore la paix ; Et, si vous rejetez sa première demande, Elle souhaite au moins que le Sénat lui rende Ces illustres captifs, dans vos murs retenus : Les vôtres, à ce prix, vous seraient tous rendus ; À ce prix, je suis libre ; et voilà son adresse. Osant me soupçonner d'une lâche faiblesse, Voilà comme elle a cru s'assurer de ma foi : Mais vous me connaissez ; mais Rome est tout pour moi ; Mais je voue à Carthage une haine immortelle ; Et je viens, parmi vous, pour vous parler contre elle. Craignez la paix qu'elle ose demander. Gardez d'y consentir : rejetez l'un et l'autre. Séparez aujourd'hui mon salut et le vôtre : Un tel échange en vain finirait mes revers ; Souvenez-vous de Rome, et non pas de mes fers. Dans l'intérêt commun mon intérêt n'est rien : L'État, sans s'appauvrir, peut perdre un citoyen. Eh ! Quoi, pour racheter la liberté d'un homme, Quel exemple odieux donneriez-vous à Rome ? L'honneur, ce feu sacré, que j'atteste aujourd'hui Cette âme des vertus, qui s'éteignent sans lui, De nos antiques moeurs la force héréditaire, La discipline enfin, ce frein si nécessaire ; Tout n'est-il pas détruit, si de lâches soldats, Qui se disent Romains, et craignent le trépas, Osent encor nourrir l'espérance chérie De revoir leurs foyers, leurs femmes, leur Patrie ? Quels secours en attendre ? Ils ont fui, ces Romains ; Ils ont tendu leurs bras aux fers des Africains ! Ils ont laissé leur Chef sans secours, sans défense, Entouré d'ennemis, qu'immolait sa vengeance ! Il leur criait en vain ; arrêtez, arrêtez : La terreur emportait leurs pas précipités. Insupportable affront ! souvenir que j'abhorre ! Ils ont connu la honte, et respirent encore ! Qu'ils meurent dans les fers ! ils ont fui, sous mes yeux : Je les ai commandés ; je dois mourir comme eux. Eh ! qui suis-je, grands Dieux ? Qui suis-je, aveugle ami ? Mon sang et mon courage Vont s'éteindre bientôt sous les glaces de l'âge. Les coups de l'infortune, encor plus que mes ans, Précipitent la fin de mes jours languissants : Traînant vers le tombeau ma vieillesse stérile, Je ne pourrais à Rome être longtemps utile : Mais combien le seraient à vos fiers ennemis. Tant de jeunes Captifs, espoir de leur pays ? Ces Soldats généreux, aigris par l'esclavage, Sont autant de Héros, dont vous privez Carthage. Romains, je les ai vus, de carnage altérés, Arracher de nos mains leurs drapeaux déchirés ; Échauffer, enflammer les coeurs les plus timides ; Dans les plus grands périls, toujours plus intrépides, Ivres de notre sang, dont ils étaient couverts, Ne succomber qu'au nombre, et rugit dans leurs fers. Devenus vos captifs, gardez-vous de les rendre. Contre eux, ce faible bras pourrait-il vous défendre ? D'ailleurs, n'avez-vous point celui de Métellus ; Et pouvez-vous encor regretter Régulus ? Je fus déjà vaincu ; je pourrais encor l'être : Votre estime, Romains, je la perdrais peut-être ; Je n'y survivrais pas, et je ne veux jamais Quand ils sont contre vous, accepter vos bienfaits. Tu trahis Rome, et moi. Terminez, Sénateurs, un combat qui m'offense ; Ou bien, comme un aveu, j'entends votre silence. Qui peut vous arrêter ? Quoi ! Manlius balance ? Hé bien ! Romains, je sors : surtout point de pitié. Faites triompher Rome, et non pas l'amitié. Enfin me voilà seul ! ô ma chère Marcie !... Est-il de mon destin d'empoisonner ta vie ? J'ai craint de te montrer l'excès de mon amour : Tu pleurais mon absence, et pleures mon retour ! Malheureuse ! Ah ! Pardonne : attendri par tes charmes, J'ai senti l'amertume et le prix de tes larmes : Mais enfin j'ai promis... Ainsi donc, pour jamais, Je consens à briser les noeuds les plus parfaits ! Parmi les pleurs, les cris, toujours calme et sévère, Je renonce aux doux noms et d'époux et de père ; À ce soin, le premier d'un coeur tel que le mien, De former dans mon fils l'âme d'un citoyen ! Hélas !... Mais quel soupir échappe à mon courage ? Suis-je donc Régulus ? Est-ce là son langage ? Rome, reçois ici tous les voeux de ce coeur, Enivré de ta gloire et plein de ta grandeur : Entouré de liens, c'est toi que je préfère : Citoyen, je ne suis époux, ami, ni père... Que dis-je ? En ce moment peut-être le Sénat, Afin de me sauver, immole tout l'État. Pour me mettre à l'abri de ce zèle barbare, En vain j'aurai caché la mort qu'on me prépare. Se pourrait-il ?... Voilà ce qui doit m'agiter ! Voilà le seul péril que j'aie à redouter. Sénateurs, songez bien que la perte d'un homme Ne doit point occuper les défenseurs de Rome. On vient... Ciel ! C'est Marcie !.... Comment ?... Qu'entends-je ? que dis-tu ? D'où naissent ces discours qui me glacent d'effroi ? De ces nouveaux projets quel est l'auteur ? Vous ! Parlez. Qu'as-tu dit ? qu'as-tu fait ? Quelle aveugle tendresse, Pour mieux me dégrader, à mon sort t'intéresse ? À tes vaines frayeurs serai-je donc soumis ? Et faut-il te compter parmi mes ennemis ; Parmi ceux de l'État ? Ma mort. La Nature, Marcie, a des droits précieux, Trop connus de ce coeur, qu'elle rendait heureux, Tu le sais : quand le Ciel eut joint nos destinées, Dans quels ravissements s'écoulaient nos années ! Satisfait de ton coeur, sans brigues, sans chagrins, Enviais-je le sort des superbes humains ? Exerçant dans mes champs une obscure industrie Par mes voeux seulement je servais la Patrie. Elle m'a réclamé : j'ai volé : je l'ai dû : J'ai regretté ce temps que je croyais perdu ; Et, pour la bien venger de ce repos stérile, Jusqu'au dernier soupir je lui veux être utile. La Patrie est un corps respectable et sacré : Qui de nous peut sans crime en être séparé ? Lui prodiguer son sang, la servir, la défendre, Va, crois-moi, ce n'est point lui donner, c'est lui rendre. Ne lui devons-nous pas, rangs, honneurs, sûreté, Le nom de citoyen, surtout la liberté, La liberté, sans qui l'homme cesse d'être homme, Ce droit cher et sacré, qui fait l'orgueil de Rome. Il faut de quelque peine acheter sa douceur ; Mais, exempt de travaux, a-t-on droit au bonheur ; L'ingrat qui le prétend, qu'il s'éloigne, qu'il fuit ; Qu'il aille, loin du Tibre, ensevelir sa vie, Et malheureux partout, chassé de l'Univers, À des monstres cruels disputer les déserts. Eh ! J'ai pu t'écouter ! Ô Ciel ! Ne poursuis pas. Ces vains raisonnements sont un frivole appas. Je veux... Sois Romaine ; à ma voix laisse échauffer ton coeur. Du noeud qui te retient j'ai connu la douceur ; Comme toi, de l'Amour j'ai senti les délices ; Mais les grandes vertus sont les grands sacrifices : Ces sublimes efforts distinguent les Romains, Et les ont séparés du reste des humains. Pour illustrer leur mort, ils consacrent leur vie : La Nature leur cède, et leur est asservie ; Elle combat en vain l'ardeur d'un si beau feu : L'écouter est d'un homme, et la vaincre est d'un Dieu. De la gloire, Marcie, ignores-tu les charmes ? J'ai dû, jusques ici, pardonner à tes larmes ; Mais enfin jure-moi, s'il fallait nous quitter, D'étouffer tes soupirs, de ne point m'arrêter ; De ne voir mon trépas que comme une victoire, Qui me rend tous mes droits, en me rendant ma gloire. Si je brave en Romain la mort et ses horreurs, Sois Romaine, du moins, en retenant tes pleurs. Hé bien, suis-je trahi ? Réponds... Que faites-vous ? Marcie, Osez-vous ? Rome l'emporte enfin ! Mon triomphe, ô Patrie ! Généreux Manlius ! Reviens à toi, Marcie : est-ce là me chérir ? J'abjure ton amour, quand il me fait rougir. Prétends-tu pénétrer, d'une vue incertaine, Les augustes secrets de la grandeur romaine ; Juger tous ces ressorts, ces douloureux combats, Ces pénibles vertus, que tu ne conçois pas ? Renferme tes soupçons : et toi, Priscus, pardonne Cette indigne faiblesse où son coeur s'abandonne. Avec transport. Va dire à Manlius, qu'il a rempli mes voeux ; Et que, plus que jamais, il est cher à mes yeux. Mais, s'il ne poursuit point, il n'a rien fait encore : Pour hâter mon départ, c'est lui seul que j'implore : Un coeur tel que le sien ne peut se démentir. S'il aime Rome enfin, qu'il m'en fasse sortir : D'un Peuple mutiné qu'il éclaire le zèle ; Qu'il brave son murmure, et qu'il me soit fidèle : Priscus, son amitié, dont je ressens l'effet, Éclatera surtout dans ce dernier bienfait. Eh ! dois-je respecter leurs caprices bizarres ? Ni le vol des oiseaux, ni le flanc des victimes, Ne peut déterminer nos vertus ou nos crimes : La sainte vérité, que rien ne peut changer, Parle sans cesse au coeur qui sait l'interroger ; Je cède, j'obéis à ses lois toujours sures. L'honneur et la vertu n'ont pas besoin d'augures. Non ; je n'attendrai rien, si mes vaisseaux sont prêts. De ta douleur, va, je suis pénétré : Mais voudrais-tu, dis-moi, d'un coeur déshonoré ? Femme de Régulus, imite sa constance : Ta faiblesse à la fois m'attendrit et m'offense. Va rejoindre ton fils, ce fils ton seul espoir, Qui dut me consoler, et que je n'ose voir. C'est pour lui, c'est pour toi que Régulus t'implore, Que je revive en lui, pour te chérir encore. Je reconnais mon fils : Chère épouse !... Il sera l'honneur de son pays. Dans es grands sentiments affermis bien son âme : Il n'aura plus que toi ; c'est toi que je réclame. Puisse-t-il de Carthage être un jour le fléau, Et dans ses murs fumants pleurer sur mon tombeau ! Ah ! vous n'en doutez pas ; je vous aime tous deux : Même en les déchirant, je respecte mes noeuds. Je sens couler mes pleurs dans ce moment horrible. Va ; mon coeur, chère épouse, est loin d'être insensible ; Mais il est des devoirs augustes, révérés, Qui, pour être cruels, n'en sont pas moins sacrés. L'homme doit les remplir ; c'est là son apanage ; Il doit à ces devoirs mesurer son courage, Ou languir dans la honte et dans l'obscurité, Flétri par un bonheur qu'il n'a point mérité. Hélas ! J'ajoute encore au trouble qui t'agite. Marcie... Je t'adore et te quitte. Adieu. Laisse-moi. Ô zèle injurieux ! par la foule entraîné, Dans ce lieu, malgré moi, je me vois ramené ! Le Peuple à mes vaisseaux me ferme le passage ! L'opprobre d'un Romain, ô Rome, est ton ouvrage ! Fondateurs de l'Empire, illustres demi-Dieux, Qu'un airain immortel reproduit à mes yeux, Vous qu'enflamma toujours l'amour de la Patrie, Soyez les défenseurs de ma gloire flétrie, Sortez de vos tombeaux, et garants de ma foi, Élevez-vous soudain entre ce peuple et moi. Dans les fers de Carthage, hélas ! Je fus plus libre, Qu'au sein de ma Patrie et sur les bords du Tibre. On commande à mes voeux ; on enchaîne mes pas ; On ne craint point ma honte ; et l'on craint mon trépas ! Arrêtez. C'est donc à moi, Tribun, à qui vous insultez ! Malheureux que je suis ! ainsi, dans cet asile, J'apportais le flambeau de la guerre civile ! Non ; toi seul as tout fait : toi seul, avec éclat, Sus opposer le Peuple au décret du Sénat, As fait parler les Dieux consultés par ton zèle : Va ; garde ta pitié ; je suis au-dessus d'elle. Quand tu crois me sauver, c'est toi, Licinius, Qui plonges le poignard au sein de Régulus : Tu me ravis l'honneur, seul bien qui me console, Barbare ; et c'est ainsi que la faiblesse immole. Que je reste, grands Dieux ! non, ne l'espérez pas ; Non, laissez-moi vous fuir, me sauver de vos bras. C'est une lâcheté que des Romains demandent ! Et c'est de Régulus que des Romains l'attendent ! Eh ! Pourquoi les briser, dis-moi, s'ils me sont chers ? Moi ! je préférerais à des fers honorables La triste liberté qu'on laisse à des coupables ! Je mettrais mon honneur et le vôtre en oubli ! Est-on libre, en effet, lorsqu'on est avili ? Ces chaînes font ma gloire, et la rendent plus pure. Si vous me les ôtez, je ne suis qu'un parjure, Un traître, un fugitif, à qui, même en ces lieux, Le dernier citoyen ferait baisser les yeux. Il n'est point de liens, pour l'homme qui les brave ; Et c'est le crime seul qui peut le rendre esclave. Je dois mourir pour elle... J'ai fait ce que j'ai dû, quand je vous ai servis ; Mais il est un moyen de m'en payer le prix. Les Africains, que j'ai trop su connaître, Ont cru dans Régulus vous envoyer un traître, Qui de leur cruauté voudrait se préserver, Et viendrait vous trahir, afin de se sauver ; Ah ! c'est là pour mon coeur la plus sensible offense. Hé bien ! je vous remets le soin de ma vengeance ; C'est la vôtre. Armez-vous ; armez mille vaisseaux : Cherchez, au sein des mers, des triomphes nouveaux : Ô braves citoyens, rapportez sur ces rives Vos drapeaux avilis et vos aigles captives. Ne quittez point le fer, que vos rivaux punis N'expirent étendus sur de sanglants débris. Éternel Monument de la rage Africaine, Que ma mort dans vos coeurs soit un titre de haine. Pour vous guider encor, mes mânes en courroux, S'élevant dans vos rangs, marcheront devant vous ; Et, mon nom devenant le signal du carnage, Du fond de mon tombeau je détruirai Carthage. Cette idée ennoblit le trépas où je cours : Ne bornons point la vie au terme de nos jours. Amis, le lâche meurt, et jamais le grand homme : Brutus n'est plus, Brutus respire encor dans Rome. Je vois à mes regards un vaste champ s'ouvrir ; Revivre dans vos coeurs, est-ce donc là mourir ? Eh : qu'importe mon sang ? il est à ma Patrie : Romains, avec transport, je vous le sacrifie. Puissé-je le verser, en combattant pour vous, Entouré d'Africains expirants par mes coups ! Ne m'arrêtez donc plus, au nom d'un Peuple libre, De ces monts, de ces lieux arrosés par le Tibre. Quel prix de mon trépas, et pour moi quels honneurs, Quand je serai nommé parmi vos bienfaiteurs, Lorsque de vieux Romains, héritiers de mon zèle, À leurs enfants un jour m'offriront pour modèle ! Ah ! Vous êtes Romains ! Vous allez à l'instant m'ouvrir tous les chemins. Je sais qu'au fond du coeur, chacun de vous m'envie, Et fait des voeux secrets, pour perdre ainsi la vie. Un instant de pitié surprit votre vertu... Mais vous en rougissez ; l'honneur a reparu Vous avez surmonté ces indignes alarmes. Achevez, Citoyens ; jetez au loin ces armes : Dérobez à mes veux des regrets superflus, Et jusqu'à ses vaisseaux conduisez Régulus. Dieux ! le passage est libre... Africains, je vous suis. Ah ! malheureux ! Hélas ! Que dites-vous, mon fils... va, sois sûr que je t'aime, En m'arrachant à toi, je m'arrache à moi-même : Mais, fils de Régulus, tu dois, au fond du coeur, Tu dois déjà sentir tout ce que peut l'honneur. C'est à lui, dans ce jour, qu'il faut que je m'immole : C'est pour lui que je meurs ; c'est lui qui me console. Par d'indignes regrets au lieu de m'outrager, Que ton bras, jeune encore, apprenne à me venger : Attends, pour me pleurer, qu'il ait détruit Carthage. Tous ces braves Romains guideront ton courage : Il n'en est pas un seul qui ne soit ton soutien ; Et je te laisse un père en chaque Citoyen. Va, mon fils, fans rien craindre, entre dans la carrière, Peut-être tu seras plus heureux que ton père. De la tendre Marcie apaise les douleurs ; Mais n'instruis point tes yeux à répandre des pleurs : Sans l'imiter jamais, console sa faiblesse. Que ta noble constance augmente sa tendresse : Qu'elle applaudisse, un jour, à tes exploits guerriers, Et sente encore la joie, en voyant tes lauriers ! Embrasse-moi, mon fils !... Tout est prêt... Qu'oses-tu proposer ? Quelle effrayante image ! Ah ! Marcie, est-il temps d'ébranler mon courage ? Laisse-moi vaincre enfin. Toi, me suivre ! Qui, toi ! Rome, Rome réclame et ton zèle et ta foi. Veille sur notre fils ; qu'il devienne un grand homme ! Tu te dois à ce fils, et tu le dois à Rome. Tu ne peux en sortir, fans blesser ton devoir, Sans trahir son attente, et tromper mon espoir Aux paisibles vertus forme son jeune coeur. Il faut, pour être grand, plus que de la valeur. Qu'il soit vrai, généreux, mais surtout équitable ! Qu'il soit l'appui du faible, et l'effroi du coupable ! Qu'il garde ses serments, qu'il s'exerce aux travaux ! Enfin, qu'il vive en Sage, et qu'il meure en héros ! Dans tous les temps, Marcie aux Romains sera chère : Du fils de Régulus on aimera la mère. Approche-toi, mon fils... Séparons-nous... Arrête : ô Ciel ! Qu'oses-tu dire ? Manlius ! ce Héros, que j'aime et que j'admire ! De tes emportements, oui, tu me vois confus : Si tu m'aimes encor, respecte Manlius... Romains, n'écoutez point un transport si coupable : La vertu soupçonnée en est plus respectable. Pour ne la point défendre, ou venger à demi, Je cours, aux yeux de tous, embrasser mon ami ; Il mérite ce titre, il a sauvé ma gloire : Son coeur est noble et pur ; c'est moi qu'il en faut croire. Viens expier, mon fils, un outrage odieux : Voilà ton protecteur. Et voilà l'amitié dont un Romain s'honore. Je vais mourir content... Mais qui m'arrête encore, Je fuis : c'est trop longtemps demeurer en ces lieux, Déshonorer ce jour, et souiller nos adieux. Marcie !... Ah ! Cache-moi ces indignes alarmes. Qu'on l'éloigne... Mon fils !... je te défens les larmes. Sauvez-la, Citoyens !... Ah ! Tout mon coeur frissonne. Ô mon cher Manlius ! Je puis partir enfin. Veillez, ô mes amis, Sur les jours d'une épouse, et sur ceux de mon fils. **** *creator_dorat *book_dorat_regulus *style_verse *genre_tragedy *dist1_dorat_verse_tragedy_regulus *dist2_dorat_verse_tragedy *id_MANLIUS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_manlius Madame, pardonnez si des soins importants À vos yeux, malgré moi, m'ont caché si longtemps : Tous mes instants sont dus au devoir qui m'enchaîne. Mais quel nouveau sujet en ce lieu vous amène? Calmez cette douleur ; elle a trop d'injustice. Le sort de Régulus pour Rome est un supplice : Nous le regrettons tous : si nos regrets sont vains, Accusez-en Carthage, et non pas les Romains. Hé bien ! de ce secours que pouvez-vous attendre ? Vous venez me prier de remplir mon devoir ! Ne suis-je pas Romain ? Ce titre seul, Madame, Engage à Régulus et mon bras et mon âme, Tout mon sang. J'aurais trop à rougir aujourd'hui, Si j'osais oublier un guerrier tel que lui. Mais je vous en préviens, quel que soit ce grand homme. Si son rappel blessait les intérêts de Rome, N'attendez rien de moi, rien de mon amitié : Mon coeur, dès ce moment, se ferme à la pitié. J'estime Régulus, et le vois sans envie ; Mais, dans ce coeur, tout cède au bien de la patrie : Elle seule est l'objet, le but de mes travaux. Quel bruit ! Que veut Priscus ? Madame, éloignez-vous. Ciel ! Qui vois-je paraître ? C'est lui-même... Approchons... Je me trompe peut-être. Régulus ! Justement étonnés, Je vois que tous les coeurs vers toi sont entraînés : Tout cède, s'attendrit ; et je ressens moi-même Quel est sur le Sénat ton ascendant suprême. Il faut peser, sans toi, de si grands intérêts : Alors, plus d'équité réglera nos décrets ; Et nous t'en instruirons. Il craint plutôt, il craint l'effet de ta présence. C'est un avis des Dieux que Régulus nous donne. Que le Sénat s'assemble au Temple de Bellone : Puisse-t-elle éclairer nos esprits incertains ! Mais, au défaut des Dieux, agissons en Romains. Je marche sur vos pas. Ô héros ! Ô grand homme ! Faut-il donc qu'à jamais tu sois perdu pour Rome ? J'ai conçu tes raisons ; je dois, avec éclat, À ton austère avis ramener le Sénat : Je le dois ; il le faut : Rome attend de mon zèle Que je sois inflexible, et que je sois fidèle : Rome parle à mon coeur, comme elle parle au tien ; Et, par toi-même instruit, je serai citoyen. Que tu vas m'applaudir ! Mais que dira Marcie ? Elle va m'accuser ou de haine ou d'envie : Dans les emportements de sa juste douleur, Mon devoir, à ses yeux, sera mon déshonneur... Que me font après tout, et ses cris et ses larmes ? Dois-je être, plus que toi, sensible à ses alarmes ? Je crains peu les soupçons : il est, il est des Dieux ; ⁎⁎⁎⁎ Et leur regard suffit à l'homme vertueux. Qu'importe à l'innocence un passager murmure ? Rien ne peut éclipser le jour qui la rassure. Quand je sers la Patrie, et songe à son bonheur, J'ai le Ciel pour témoin ; mon juge est dans mon coeur. Le Sénat lui veut sauver l'honneur. Citoyens, que l'on ouvre un chemin au rivage. Que fais-tu ? Licteurs ! J'en atteste les Dieux. Jusqu'au dernier soupir je lui tiens lieu de père ; Je le jure, en tes mains, aux yeux de Rome entière. Je pardonne à Marcie un excès de douleur. Je n'en ai point rougi ; j'étais sûr de mon coeur : Je connaissais le tien. Un jour, un jour peut-être, Elle sera plus juste, et pourra me connaître. Je sais, ô Régulus, te plaindre et t'admirer ; Mais je ne te fais point l'affront de te pleurer. **** *creator_dorat *book_dorat_regulus *style_verse *genre_tragedy *dist1_dorat_verse_tragedy_regulus *dist2_dorat_verse_tragedy *id_MARCIE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_marcie Les Députés d'Afrique ici doivent se rendre ; Le Sénat, hors de Rome, ici doit les entendre; Moi, devançant leurs pas, j'attendrai Manlius ; Je viens, en ce moment, parler pour Régulus, Presser, gémir, prier ... Ah ! Barsine, il n'importe. Tout convient à mon sort. Ils ne sont plus ces temps, Dont la gloire et l'amour marquaient tous les instants ; Quand Régulus, heureux par l'hymen de Marcie, Illustrait à la fois sa femme et sa patrie. Que ces jours de bonheur se sont vite écoulés ! Aux plaisirs des humains que de maux sont mêlés ! Loin de nos murs alors, tu ne vis point, Barsine, De mes profonds ennuis la funeste origine. À peine de l'hymen j'avais serré les noeuds ; La haine dans Carthage alluma tous ses feux : Il fallut, assurant la fortune publique, Opposer un héros aux héros de l'Afrique. Sans briguer cet honneur; modeste et renfermé, Parmi tous les Romains, Régulus fut nommé. Le croirais-tu ? ce choix, source de tant de larmes, Ce choix, en m'accablant, avait pour moi des charmes. Il vint me l'annoncer; quel instant pour mon coeur ! Cette image est toujours présente à ma douleur. Sa mâle fermeté, sa sévère tendresse Imposaient, malgré moi, silence à ma faiblesse. Barsine, il souriait, en volant aux combats, À son fils effrayé qui pleurait dans mes bras. Il partit; mais bientôt sa prompte renommée Apporta quelque joie à mon âme alarmée. Peut-être un peu d'orgueil alors me fut permis. Rome tournait vers moi ses regards attendris ; De mon illustre époux la valeur fortunée Au bonheur de l'État liait ma destinée. Quel changement, ô Ciel ! dans son sort et le mien! Régulus est esclave, et je ne suis plus rien. Régulus est esclave ! Ah ! Ma chère Barsine, Ma gloire est aujourd'hui d'empêcher sa ruine. Plus de titres, de rang, lorsqu'il est dans les fers. Partager, loin de lui, l'horreur de ses revers, Par mon abaissement imiter sa fortune, Fatiguer les Romains de ma plainte importune, Assiéger le Consul, pleurer avec mon fils, Ce sont là mes devoirs; je les ai tous remplis. Chère Barsine, écoute. L'austère Manlius est vertueux sans doute : Rome l'estime au moins, et je n'ose penser Qu'au projet de me nuire il ait pu s'abaisser : Mais d'un sentiment tendre il méconnaît les charmes ; Et ses stoïques yeux ne versent point de larmes. Qu'il seconde mes voeux, qu'il serve Régulus ; Je tombe à ses genoux, et crois à ses vertus. Ami de Régulus, chargé de sa défense, Le Tribun plus sensible est ma seule espérance. Tu sais que mon époux fut toujours son appui : Dans le Sénat, Barsine, il doit parler pour lui. Ah ! Puisse Manlius ne m'être point contraire ! Dieux ! que je trouve accès dans cette âme sévère ! Heureuse mille fois, si je puis, par mes pleurs, Pour un héros que j'aime attendrir tous les coeurs ! On vient ; c'est le Consul... Seigneur, daignez m'entendre ; À cette grâce au moins j'ai le droit de prétendre. Et vous le demandez ! Feignez-vous d'ignorer Le dessein qui m'occupe et peut seul m'attirer ? Songez à Régulus, perdu pour la Patrie, Traînant dans un cachot une odieuse vie ; Et sous des fers honteux pour vous, pour les Romains, À peine soulevant ses généreuses mains. Peut-être, en ce moment, il succombe, il expire, Et fait, en expirant, des voeux pour cet Empire, Pour un Sénat jaloux qui l'a sacrifié, Pour son ingrat pays, dont il est oublié. Qui peut lui mériter un oubli si barbare ? Est-ce donc la valeur, la vertu la plus rare ? Comment excuser Rome ? Et peut-on, Manlius, Sur les rives du Tibre, oublier Régulus ? Quel lieu n'atteste point son héroïque zèle, Son austère équité, sa sagesse immortelle ? Les Tribunaux ! Du faible il y fut le vengeur : Le Sénat !... Vous savez s'il en était l'honneur. Montez au Capitole, où sa gloire respire ; Et dites, quelle main, utile à cet empire, Y plaça ces drapeaux à Carthage enlevés, Gages de sa valeur, que Rome a conservés. Que dis-je ? Ces Licteurs, cette garde orgueilleuse, De tout cet appareil la pompe fastueuse, Et cette pourpre enfin, dont vous êtes orné, Régulus, comme vous, en fut environné. Il régnait au Sénat, il périt dans les chaînes ! Moi seule je lui reste, et mes larmes sont vaines ! Insensible Patrie, ô Rome, ô Régulus ! Est-ce donc là le prix que l'on garde aux vertus ? Carthage enchaîne un bras toujours armé contre elle ; Rome oublie un Romain, un défenseur fidèle. Carthage, en l'accablant, se venge d'un vainqueur : Rome, en l'abandonnant, punit un bienfaiteur. Prononcez, Manlius : du sort de ce grand homme Oui doit-on accuser de Carthage ou de Rome ? Mais ce jour est propice, et peut tout réparer : Sur vos vrais sentiments ce jour va m'éclairer. Les Députés d'Afrique ici doivent se rendre. Tout. Vous pouvez, Seigneur, finir enfin nos maux, Offrir aux Africains la rançon d'un héros ; Prier ou commander, parler avec courage ; Arracher Régulus aux fureurs de Carthage. N'allez point, Manlius, détruire mon espoir. Eh ! n'est-ce pas l'aimer que lui rendre un héros ? Protégez Régulus, rendez-moi mon époux. Exaucez-moi, grands Dieux ! Que dit-il ? Régulus !... Soutiens-moi. Cher époux, est-ce toi ? Je ne sais où je suis, et je m'en crois à peine... Dieux ! qui me consolez, n'est-ce qu'une ombre vaine ? Non, je suis dans tes bras... Je puis presser ces mains, Ces mains, qui, tant de fois, ont sauvé les Romains ! Elles portent des fers ! justes Dieux ! Quel outrage ! Rome va les briser, et peut braver Carthage. Ah ! Pour Rome et pour moi jour auguste et sacré ! Tous mes maux sont finis... Combien je t'ai pleuré ! Ton fils... Eh bien ! ton fils... il va revoir son père... Fais-le jouir bientôt d'une vue aussi chère... Quel bonheur ! quels transports !... Pardonnez, Sénateurs, Vous fûtes les témoins de mes longues douleurs : Soyez-le de ma joie ... Je frémis... parle ; que veux-tu dire ? Après tant de tourments, souffre que je respire. Faut-il toujours trembler ?... Non ; je m'alarme en vain. Que craindrait Régulus dans le Sénat Romain ? Parmi tant de héros, témoins de son courage, Rivaux de ses vertus, ennemis de Carthage ? Vous avez tous juré de finir son malheur ; Manlius !... Vous, Tribun, soyez son défenseur : C'est un dépôt sacré qu'aujourd'hui je vous laisse. Vous allez servir Rome, en servant ma tendresse. Ah ! que m'a-t-on appris ? De mon amour, Dieux ! quel horrible prix ! Ainsi ton généreux et cruel artifice De ta perte aujourd'hui rendait Rome complice ! Elle ignorait, hélas ! que souscrite à tes voeux, C'était te dévouer à des tourments affreux : Mais enfin, tout est su. Le Sénat qui t'admire, Tremble, et frémit du piège où tu l'allais conduire : Tout sera réparé. Oui ; nous te défendrons de ta propre vertu. Pour te rendre à ton fils, à sa mère qui t'aime, Barbare, il faudra bien t'arracher à toi-même. Qui ? moi ! Moi.. Ma tendresse incertaine A su tout découvrir par la Garde Africaine. J'ai couru, j'ai volé, l'oeil inondé de pleurs ; Le Temple de Bellone, ouvert à mes douleurs, A retenti soudain de mes trop justes plaintes : Les Sénateurs troublés ont ressenti mes craintes. Un Dieu, sans doute, un Dieu s'expliquait par ma voix : D'un Héros qu'on opprime il soutenait les droits. J'ai fait, n'en doute pas, tout ce que j'ai du faire : Prodiguant, tour-à-tour, l'éloge et la prière, Si j'ai bravé du rang la vaine dignité ; La Nature à mes pleurs prêtait sa majesté. J'ai de tes longs malheurs retracé l'origine ; J'ai peint dans son horreur la mort qu'on te destine. À ce tableau touchant tous les fronts ont pâli ; De tendresse et d'effroi les coeurs ont tressailli : De chacun, fans rougir, j'ai brigué le suffrage. Ce noble abaissement déplaît à ton courage : Mais, quels que soient ici tes superbes discours Quel sera mon orgueil, si j'ai sauvé tes jours ? De l'État ? À quel titre ? Je prends Rome aujourd'hui, l'Univers pour arbitre, Eh ! que n'as-tu point fait pour tes concitoyens ? Tu renonças, pour eux, aux plus tendres liens. Arraché par leur choix de ton champêtre asile, Délaissé, quand ton bras ne put leur être utile : Lorsque le Ciel enfin te remet dans le port, Après un long oubli, que leur dois-tu ? Ta mort ! qu'oses-tu dire ? Et ton fils et ta femme N'ont-ils pas, Régulus, quelques droits sur ton âme ? Verras-tu d'un oeil sec, et ses pleurs et les miens ? Quand tu peux les serrer, rompras-tu nos liens ? Si tu veux nous ravir notre unique espérance, Si rien ne peut fléchir ta farouche constance, Peins-toi mon désespoir, et vois, dès aujourd'hui, Ton épouse expirante et ton fils sans appui. Tu m'aimas !... Ah ! ton coeur infidèle et parjure Doit-il donc tout à Rome, et rien à la Nature ? Ah, Dieux ! combien ton zèle et t'aveugle et t'égare ! Peut-on être la fois et sensible et barbare ? Mais quelle est donc enfin, quelle est ta liberté ; Ce don si précieux, et par toi si vanté ? Des maux qu'elle t'a faits revois la triste image ; Depuis douze ans, ta vie est un long esclavage : De périls en périls à toute heure entraîné ; Par ta brillante erreur sans cesse dominé, Dépendant, inquiet, et dans le rang suprême, Toujours tyrannisé par ta liberté même ; Cher et cruel époux, depuis ce temps, dis-moi, Un jour, un seul moment, as-tu joui de toi ? De l'amitié paisible as-tu goûté les charmes ? Voudrais-tu d'un bonheur qui fait couler mes larmes ? Je ne puis commander au trouble de mes sens. Enfin ouvre tes yeux, éblouis trop longtemps ; Reviens à la Nature. Être époux, être père, Sceller de tout son sang ce double caractère, À ces doux sentiments abandonner son coeur ; Voilà les droits de l'homme, et voilà son bonheur. Va, qui n'ose en jouir, qui peut les méconnaître, Est esclave en effet, en croyant ne pas l'être. À ces transports, à ta noble colère Je répondrai deux mots ; je suis épouse et mère. Je ne la connais point, cette vertu cruelle, Tout mon coeur la dément, et n'est point fait pour elle. Qui, moi ! je te verrais t'arracher de mes bras, Pour chercher, loin de moi, le plus affreux trépas ! Et je n'emploierais point les plus puissantes armes ! Et tu me défendrais le désespoir, les larmes ! Va, de ta fermeté tu peux t'enorgueillir : Ma gloire est de t'aimer jusqu'au dernier soupir ; D'aller, de me jeter mourante à ton passage. Va : je ne veux jamais imiter ton courage ; Et de faiblesse encor tu peux me soupçonner, Si, pour te ressembler, il faut t'assassiner. Mais, grâce aux Dieux vengeurs et protecteurs du Tibre, Mes craintes vont finir, bientôt tu seras libre : On vient me l'annoncer. Une lettre... donnez.... J'ose tout, quand je crains pour ta vie. Tes conseils au Sénat ont prévalu par moi ; Je les ai soutenus en ami d'un grand homme : Je n'ai vu que ta gloire et l'intérêt de Rome : Moi-même, ô Régulus, j'ai parlé contre toi, Je reste anéantie. Tiens, voilà ton arrêt. C'en est trop : à ce nom, Mon coeur n'écoute plus ni conseil, ni leçon : Je ne saurais souffrir qu'on me vante un barbare, Qui te donne la mort, nous perd et nous sépare ; Qui, pour toute vertu, n'a que l'art séducteur De fasciner les yeux, de nous voiler son coeur ? Et dont l'austérité, nous prenant pour victimes, De l'ombre du devoir embellit tous ses crimes. Oui ; lui seul fut toujours l'artisan de tes maux : Il n'est point assez grand pour défendre un héros : Il nourrit dans son coeur une secrète envie ; Et te hait, Régulus, sans aimer la Patrie. Je ne sais où je suis... On vient ; quelqu'un s'avance. Je vois Licinius... Ah ! J'ai quelque espérance. De grâce, cher époux, attendons leurs décrets. Quoi ! Toujours inflexible, et fier de ton courage, Tu peux me préférer les bourreaux de Carthage ? Tu peux ! Ah ! Tu portes la mort dans mes sens effrayés : C'est au nom de ce fils que je tombe à tes pieds... De ce fils tant aimé... Que lui dira sa mère ? Sans cesse à ma douleur il demande son père. Si tu le suis, barbare, oui, tu vas l'immoler : Si tu veux le conduire, il peut te ressembler. Au-dessus de son âge, il en a tous les charmes Déjà sa faible main a soulevé les armes : Tout fier d'être ton fils, Il se fait mille fois ; Toujours plus attentif, raconter tes exploits. Au récit de tes maux, dans un morne silence, Il semble, encore enfant, méditer ta vengeance. À ce courroux muet succèdent les éclats ; Il vient, avec des cris, se jeter dans mes bras ; Et je l'ai vu souvent pour toi quel doux présage ! S'indigner et frémir au seul nom de Carthage. Tu sembles t'attendrir. Quoi ! je n'obtiendrai rien ! quoi l'amour le plus tendre À ton coeur généreux ne peut se faire entendre ! Ah ! joignez-vous à moi, mon cher Licinius : Désarmez votre ami, qui ne me connaît plus. Hé bien ? cruel !... Cher Régulus ! Je te suis. Ah ! Pour le retenir, tout doit m'être permis. Et, puisque de l'amour il brave le murmure, Faisons parler encor la voix de la Nature. Avant que de partir, embrasse au moins ton fils. Toi, vole dans ses bras. Ah ! Barbare ! Sont-ce là les adieux que ton coeur nous prépare ? Ainsi, de mes tourments tu te fais un devoir ! Les prières d'un fils, mes cris, mon désespoir, N'ont pu trouver accès dans ton âme sévère ! L'Époux est inflexible aussi-bien que le père !... Hé bien ! puisque mes pleurs ne peuvent rien sur toi, Puisque Rome triomphe et l'emporte sur moi, Permets du moins, permets, qu'imitant ton courage, Ton épouse et ton Fils te suivent à Carthage. J'irai, j'attendrirai ces monstres furieux Sur le sort d'un Héros, plus insensible qu'eux : Tu connaîtras enfin, témoin de leurs alarmes, Les droits de la Nature, et la force des larmes : Ou, si par ces cruels je me vois repousser, Altérés de ton sang, s'ils veulent le verser ; Ils pourront, à leur gré, multiplier leurs crimes ; Ils pourront, au lieu d'une, égorger trois victimes. Sous le même couteau, leurs bras, que tu conduis, Réuniront le père, et la mère, et le fils. Ah ! Dieux ! Pourrez-vous le souffrir ce départ odieux ! Vous qui semiez tantôt des fleurs sur son passage, L'abandonnerez-vous aux fureurs de Carthage ? Répondez : êtes-vous assemblés sur ce bord, Pour sceller son malheur, et consacrer sa mort ? La mort de Régulus ! La mort la plus cruelle D'un héros, d'un ami, d'un Citoyen fidèle ! Non : entourez-le tous ; opposez à sa voix, La voix d'un Peuple entier, qu'il sauva tant de fois. Dans tes bras maternels, ô Rome que j'implore, Demeure, chère épouse : en attendant que l'âge Ait affermi son bras, et mûri son courage : Enchaîne malgré lui ce guerrier qui t'adore ; Anéantis sa soi, son barbare serment, Que son honneur respecte, et que le tien dément. Lui, mourir ! lui périr dans d'horribles supplices ! Tremblez... De ses bourreaux vous seriez tous complices. Les supplices sont dus à son persécuteur, De ses maux et des miens lâche et perfide auteur ; À Manlius... Il court à ses vaisseaux !.. Il y monte... Grands Dieux ! Arrête, époux barbare, ou je meurs à tes yeux. La force m'abandonne. **** *creator_dorat *book_dorat_regulus *style_verse *genre_tragedy *dist1_dorat_verse_tragedy_regulus *dist2_dorat_verse_tragedy *id_BARSINE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_barsine Quoi ! seule, et sans escorte, Une Dame Romaine !... Mais le Consul enfin... **** *creator_dorat *book_dorat_regulus *style_verse *genre_tragedy *dist1_dorat_verse_tragedy_regulus *dist2_dorat_verse_tragedy *id_LICINIUS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_licinius Ah, Dieux ! Si l'échange vous sauve, il le faut accorder. Ce conseil généreux, pensez-vous qu'on le suive, Et d'un si noble appui que le Sénat se prive ? Mourir ! vous, Régulus, un autre espoir m'anime : Il faut un autre prix à ce zèle sublime : Et si l'échange enfin peut être dangereux, N'êtes-vous rien pour nous ? Ainsi vous exigez que Rome soit ingrate ! Que sa honte paroisse où votre honneur éclate ! Qu'ici, dans le Sénat, un arrêt solennel Vous condamne aux horreurs d'un exil éternel ! Vous, de qui le retour aujourd'hui nous console ! Vous, que nous devrions conduire au Capitole ! Pour lui faire un tel fort, eût-il fallu, Romains, Le chercher dans le champ que labouraient ses mains ? Interrompre le cours de ses travaux rustiques, Et l'arracher du sein de ses Dieux domestiques ? On dirait donc un jour, parlant de Régulus ! Rome eut un citoyen, fameux par ses vertus. Renonçant au repos, prodigue de sa vie, Il s'immolait entier au bien de la Patrie. Guerrier, par ses exploits il défendait l'État : Citoyen, ses conseils éclairaient le Sénat. Dans les déserts d'Afrique il s'ouvrit un passage ; Il affranchit le Tibre, il abaissa Carthage : Et ce même Romain, à l'exil condamné, Mourut dans un cachot, par Rome abandonné. Va, je leur suis fidèle : Tout le Peuple, en ce jour, applaudit à mon zèle : Je suis son interprète, et je suis son appui : C'est en parlant pour toi, que je parle pour lui. Le Peuple vers ces lieux accourt de toute part ; Et tous de Régulus condamnent le départ. On doute que la foi soit due à des Barbares : Pour décider ce doute et ce point important, Les Augures mandés s'assemblent à l'instant. Qu'espérez-vous de moi, quand il brave vos larmes ! Puis-je fléchir un coeur qui résiste à vos charmes ? Le Peuple ne veut point que Régulus le quitte ; Je remplis, en son nom, la loi qui m'est prescrite. Il veut sauver la vie à qui fut son vengeur. Le Sénat... Amis de Régulus, défendez le passage. Mon devoir. Peuple ! Que dis-tu ? j'obéis, au Peuple, à l'équité. Je sers Rome et les Dieux ; je sers l'humanité. Quand ta noble fureur me condamne et m'accuse, Que tous ces grands motifs soient au moins mon excuse. Plutôt que tes lauriers fussent flétris par moi, Cette main verserait tout mon sang devant toi ; Mais, quand tu cours remplir des devoirs trop funestes, Tout veut qu'on te retienne, et tout veut que tu restes ! As-tu donc mérité de mourir dans les fers ? Regarde, autour de toi ; contemple nos douleurs : Rome entière, à tes pieds, les arrose de pleurs. Ainsi d'affreux supplices Paieront tant de vertus, d'exploits et de services ? Comment ? Est-ce un Dieu qui nous parle ? Ils obéissent tous : je demeure immobile ! Contre sa fermeté mon zèle est inutile. **** *creator_dorat *book_dorat_regulus *style_verse *genre_tragedy *dist1_dorat_verse_tragedy_regulus *dist2_dorat_verse_tragedy *id_ATTILIUS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_attilius Mon père ! Quoi ! vous abandonnez votre fils et sa mère ! Vous voulez nous quitter, pour courir au trépas ! Et quand je vous revois, c'est pour vous perdre. Ah ! Demeurez ; soyez l'appui de ma jeunesse : Que je puisse vous voir, vous contempler fans cesse ! Laissez dans votre coeur, faible une seule fois, Pénétrer les accents de ma timide voix. Au nom de mon amour, de mes pleurs, de mon âge ! Mon Père, demeurez, n'allez point à Carthage... Je tombe à vos genoux... vous ne m'écoutez pas, Mon père, vous m'avez repoussé de vos bras ! **** *creator_dorat *book_dorat_regulus *style_verse *genre_tragedy *dist1_dorat_verse_tragedy_regulus *dist2_dorat_verse_tragedy *id_PRISCUS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_priscus L'Ambassadeur arrive : Tout le Peuple à grands flots a couru vers la rive : On approche, et bientôt.... Par ce billet vous serez éclairci.