**** *creator_dufresny *book_dufresny_reconciliationnormande *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_reconciliationnormande *dist2_dufresny_verse_comedy *id_LECOMTE *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lecomte Je joindrais ma soeur, mais je sens dans le moment Un fiel qui fait en moi certain soulèvement... Pour me tranquilliser, il me faut bien une heure. Laquais, j'aurais voulu faire ici ma demeure ; Mais pour cause cherchons un autre hôtel garni. Pour cela seul, maraud, je logerai dans l'autre. Çà, Monsieur, tout est dit, mon avis est le vôtre. Avant tout je verrai ma soeur, mais du secret. Qu'elle ne sache point que mon unique objet, C'est de donner ma nièce au sieur de Procinville ; Je vous l'ai déjà dit, c'est un Marquis habile, Mais comme il fut toujours ennemi de ma soeur, Le choix que j'en ai fait la mettrait en fureur. Soyez discret, silence enfin sur Procinville ; En cherchant un logis je vais calmer ma bile ; Je reviens dans une heure. Oui, j'ai besoin d'un vrai Robert le Roux Pour ma nièce. Avant que de la voir, j'y vais rêver un peu. Que vois-je ? Vous voilà hors du Couvent, ma nièce ? À mes ordres rebelle, Vous voyez votre tante, et vous voilà chez elle ; Avec elle sans doute vous complotez, Quand elle est à Paris, enfin vous la hantez ? Taisez-vous. Taisez-vous, insolente. Tu dis que... Oui par pure vengeance. Tu lui rends bien justice ! En cela je t'estime. Va, je t'en aime mieux. Ma nièce, embrassez-moi : voyons ce qu'on peut faire ? Au fond j'aime Angélique, elle me fait pitié. Oui, mais c'est un mystère, Jusqu'à ce que l'on soit d'accord, il faut se taire. Pour faire ton bonheur, Je vais l'embrasser. Ah ! Quelle violence ! Embrassez-moi, ma soeur. Ah ! C'est de tout mon coeur. Que plus longtemps, encor secondant mes désirs Le Ciel comble ma soeur de biens et de plaisirs. Et l'on peut s'assurer qu'elle sera constante. Il faut me pardonner quelque petit caprice, Et vous avez aussi quelque petite humeur, Mais toujours je l'ai dit, vous avez un bon coeur. Obligeante sur tout, c'est là son caractère. Çà, ma soeur, aujourd'hui j'ose vous demander Une grâce. Tant mieux. C'est pour tous deux une égale fortune, De pouvoir sur le champ contentant son désir, Rendre grâce pour grâce, et plaisir pour plaisir. Je le suis, je m'en pique. Que puis-je faire ? C'est d'Angélique aussi que je vous parlerai. Vous m'aimez dans le fonds ? La même humanité, les mêmes sentiments Nous viennent d'émouvoir tous deux en même temps, De la fraternité, c'est l'effet sympathique. C'est à quoi je rêvais tantôt en arrivant ; Oui, faisons-lui du bien. J'ai fait réflexion... Que ce procès nourrit la discorde entre nous. Je rompis avec vous Pour cette Terre. J'allais vous en prier, d'honneur, dans le moment. Faire un don. Chacun s'est, comme l'autre, arrangé par avance. Sans nous être parlé que nous nous devinions ! Car vous voulez sans doute aussi qu'on la marie ? Il est juste qu'elle ait un établissement ; Mais je dis au plus tôt. Nous voilà de tout point d'accord sur cette affaire, Nous le serons toujours. Oui : qu'importe, pourvu que le mari qu'on prend Soit un homme de bien. La chose étant ainsi, Je vous épargnerai l'embarras, le souci, De chercher un mari pour elle. Je prendrai volontiers le soin de la pourvoir. Non, donnez-le moi, vous, je suis prudent et sage. Oh ! Je veux m'en charger. Je m'en charge, vous dis-je, et de plus je le dois. Je me suis fait nommer son tuteur par justice. Moi, j'ai promis ma nièce, et me suis engagé. Cet arrangement fait n'est que pure malice. Ah ! C'est un artifice Pour ne point consentir à l'homme que je veux. Ma soeur sera toujours maligne. En vain donc j'avais mis, pour avoir l'union, Entre nous le chemin de Paris à Lyon. Quelle femme ! Ah ! J'ai bien vu d'abord, Tantôt en arrivant, que nièce et gouvernante Avaient fait contre moi leur brigue avec la tante. Oh ! Je saurai vous punir. Oui, ventrebleu, j'en jure... Je la donne à celui qui plus vous haïra. De ce qu'elle me fuit, je n'ai point de colère, Parce qu'elle ne fait que ce que j'allais faire. Moi, par un bon motif à ton maître je donne Ma nièce et le procès pour plaider ma soeur. Pour son bien, pour la mettre un jour à la raison. Car d'ailleurs de bon coeur je me réconcilie, Pourvu qu'on la mate, et l'arbitre la lie, Car il tirera d'elle un blanc signé, je crois ; Enfin je fais la paix autant qu'il est en moi. Oui, sans fiel. Avant tout je voudrais voir la lettre pourtant ; Depuis huit jours ici cette lettre m'attend, Je ne la trouve point. Je vais chercher ma lettre, elle m'est nécessaire. Non, non, console-toi. Je cède tous les biens ; et pour ma nièce, moi, J'ai choisi pour époux en secret Procinville : N'en dit mot à ma soeur. Chut ! Quoi, morbleu l'on apporte une Lettre pour moi, Ici je la demande à tous ceux que je vois... Que tiens-tu ? Et donne-la, maraud, sans dire tout cela. « De Procinville.» Hon, hon, hon... quel verbiage ! « Votre soeur est bizarre, et maligne, et volage. » Bon cela. « Hon, hon, hon... l'esprit très dangereux. » Fort bien. « Sur le complot que nous faisons tous deux... » « Hon, hon... Soyez discret, prudent. » Mot inutile. Et morbleu croyez-vous, monsieur, de Procinville, Que je ne sais pas être aussi prudent que vous ? « Il faut... hon, hon... il faut faire un acte entre nous. Il faut... hon, hon... il faut s'assurer d'Angélique, Il faut... » Toujours il faut ? Votre ton despotique Impose trop. « Hon, hon... mais je crains votre soeur, D'ailleurs, on me menace. Hon, hon, hon... J'ai bien peur... » Vous êtes un poltron. « L'on m'écrit que la nièce... » On ment. « On dit... hon, hon... » C'est pour vous faire pièce. Monsieur de Procinville, et vous êtes un sot D'ajouter foi... « hon, hon... c'est sans doute un complot... » Soupçons normands. « Je crois... je n'en crois rien, vous dis-je. Informez-vous... hon, hon... je prétends et j'exige... » Vous êtes obstiné. « Je soutiens qu'on a vu... » Oh ! Je vous soutiens, moi... « J'en suis bien convaincu... » Morbleu, cet homme-là m'échauffe les oreilles ! Car a-t-on jamais vu de disputes pareilles. Je me fâchais un peu, ton maître a du soupçon. Comment ? Ah ! Quelle hardiesse. Quoi ! Ma nièce me trompe aussi ? Heureusement morbleu je n'ai rien délivré. Ah ! C'est trop ruser, plus d'artifice. L'arbitre, la Nérine, et la soeur, et l'Amant, Envoyons tout au diable, et la Nièce au couvent. Oui, plus j'y pense, et plus ma colère s'augmente. Têtebleu ; ventrebleu, de l'amour pour Dorante ! Oh ! Vous ne l'aurez pas. Hon... têtebleu ! Oui, vous aimez Dorante ! Ici, ma nièce, ici. Nous allons voir beau jeu. Monsieur Dorante : un mot... la fuite est inutile. Ouf ! Je ne puis parler. Vous aimez donc Dorante ? Oh ! Parbleu, votre amour vous produira la rage. Songeons à la punir. Donnez-moi votre main. Monsieur Dorante. Donnez la vôtre. Quoi donc ! Vous hésitez ; je pense l'un et l'autre. Traverser son amour, ah ! Quel plaisir pour moi ! Ma soeur à cinquante ans devenir amoureuse ! Oh ! Je m'en vengerai. Je vous... marie... exprès... exprès... Pour ... la... punir... Quel plaisir j'ai d'unir Deux coeurs, dont l'union va faire à la Marquise Un chagrin éternel. Le Chevalier m'apprend cet amour de ma soeur. Le Chevalier et moi nous étions en froideur ; En public je m'étais même mis en colère, De ce qu'il devenait malgré moi mon beau-frère ; À présent je le vais aimer de tout mon coeur ; Car tout ceci le fait renoncer à ma soeur, Il m'a donné parole, elle est sûre, et j'y compte. Oui, mais j'ai dit là quelques mots, Falaise m'observait, je parlais de Dorante, S'il m'avait entendu ? J'ai la voix éclatante : Il écoute encor. Il a pu Entendre quelques mots, car j'étais en colère. Oui, je fais un serment... À ton maître je fais un serment authentique. Qu'au Chevalier jamais je ne donne Angélique. Laissons-la criailler, allez chez moi m'attendre. C'est pour nous en défaire. Je viens à vous, ma soeur, Avec sincérité vous découvrir mon coeur, Non point comme tantôt par politique feindre, Dire que je vous aime, en un mot, me contraindre ; Si je vous le disais, vous ne le croiriez pas. Nous nous gênions tantôt en nous tendant les bras. Pour éviter le blâme, enfin par bienséance. Notre premier motif, celui qui nous rassemble, Celui qui de si loin nous fait venir tous deux, C'est la famille. Enfin nous secondons ses voeux, Plus de procès. Il reste à pouvoir Angélique, Vous vouliez lui donner tantôt par politique Ce fourbe de Marquis, c'était là votre choix... Nous n'avons d'autre but à présent l'un et l'autre Que de l'exclure. Pour finir entre nous ces altercations, Nous vous donnons pouvoir de marier ma nièce. Le dernier sera donc celui-ci. Du choix qu'elle fera donnons-nous le plaisir. Nous verrons qui des deux tiendra mieux sa promesse. Il viendra, ma soeur, trop tôt pour vous. Il est bien fait, charmant, son amant ; il enchante. Pour moi, je suis tranquille, et pourvu que je voie Mes desseins réussir, j'ai même de la joie. Ne vous fâchez donc point si je ris de son choix. Je vous en sais bon gré ; Je ne vous haïssais que comme beau-frère. Vous croyez m'affliger, mais non, ma joie augmente, Car d'un seul mot je vais troubler la vôtre. Ma nièce, choisissez. Restez-là. Je viens de marier votre amant à ma nièce. Non, à votre autre amant à Dorante, ha, ha. Ah ! Voyons son dépit, il va combler ma joie. **** *creator_dufresny *book_dufresny_reconciliationnormande *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_reconciliationnormande *dist2_dufresny_verse_comedy *id_LAMARQUISE *date_1719 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lamarquise Malgré ma haine, enfin il faut que je le voie. Ce frère, il arrive. Hon ! Mais tâchons d'effacer cet objet Par un autre. Aujourd'hui je reverrai Dorante. Que Dorante est charmant ! Mais un obstacle affreux... Obstacle triste ! On va dire que je suis folle. Au chevalier enfin j'ai donné ma parole ; On le croit mon mari. Pourrai-je ?... Oui, je romprai, J'ai deux cent mille écus, je me contenterai, J'épouserai Dorante. Ah ! Te voilà, Nérine ? Tu me prends entre deux passions, Agitée. Quoi ! Tu devines. Nérine en le nommant redouble mes remords. Songeons à voir mon frère ; Ensuite je prendrai tes conseils, et j'espère Que tu me serviras dans une occasion Où la crainte, la honte, et la conclusion... Sur tes conseils je compte. Ma nièce approuve donc que je me remarie ? Je ne te voyais pas ; viens vite m'embrasser. Enfin pour toi je vais m'intéresser, Un oncle t'abandonne ; embrasse-moi. Tu n'oses ? Non, non, dis franchement les choses. Mon caressant accueil t'étonne un peu, je crois ? Pas trop, pas trop, ma nièce, au moins pour l'ordinaire ; Je te vois rarement, je ne te donne guère. Sûrement ; Mais de mon frère il faut l'aveu premièrement : Convenir de nos faits, c'est la première chose. Je garde le secret, de peur qu'il ne s'oppose, Car j'ai fait seule un choix qui te plaira, je crois, Suffit... Oui... Tu seras très contente de moi. Je veux faire cesser le blâme qu'on me donne ; Je te hais sans sujet, dit-on, non je suis bonne, Je ne te haïssais que par prévention : Ressemblance de traits fit cette aversion. En te voyant j'ai cru toujours voir feu ton père ; Nous étions faits, dit-on, moi, ma soeur et mon frère, Pour nous entre-haïr. Enfin cet air de haine entre mon frère et moi Va disparaître. Mais entrez ma nièce... et toi, Entre aussi ; tu sauras tantôt ma politique, Il faut qu'avec l'arbitre encore je m'explique, Laisse-moi. Mon amour veut du secret aussi ; J'ai peur. Le chevalier vient m'épouser ici ; J'apprendrai trop tôt que j'adore Dorante. Eh bien, Monsieur Pyrante ? Il est temps qu'avec vous là-dessus je m'explique : Mais, Pyrante, à vous seul, sous le sceau du secret. L'on exige de nous Qu'à ma nièce pour dot nous cédions cette terre, Pour laquelle on plaidait ; j'y consens, plus de guerre. Cette terre pourtant vaut deux cent mille francs. Nous convenons des faits, laissons à part les mots. Je donne, mais d'un frère éludons les complots ; Vous saurez qu'il hait fort un certain Procinville, Homme très renommé, marquis, plaideur habile : Le connaissez-vous ? C'est lui que je choisis Pour ma nièce. Sur ce que je vous dis, Silence. Mais j'entends quereller, c'est mon frère. Je prendrais mal mon temps, j'essuierais sa colère. Et moi, de mon côté je sens un mouvement... J'entre chez moi, Monsieur, amusez-le un moment : Pour le bien embrasser, je me sens trop émue. Pour te faire plaisir, je le vois de bon coeur. Quel effort je me fais ! Eh ! Bonjour, mon cher frère. C'est avec grand plaisir. Qu'entre mon frère et moi, ce jour-ci renouvelle Pour soixante ans au moins, l'amitié fraternelle. Nous voilà réunis. Oui. Quand vous promettez, on peut compter sur vous, Et quelques démêlés qu'on ait vus entre nous, À votre probité je rends toujours justice. Surtout mon frère. À coup sûr je vais vous l'accorder. Mais je voudrais aussi vous en demander une. Vous êtes effectif. C'est au sujet d'Angélique. Vous devez l'avouer, et moi j'en conviendrai, Nous avons eu tous deux pour elle un peu de haine. Oui ; car je suis humaine. Attendrissons nos coeurs en faveur d'Angélique ; Ne la contraignons point de rester au couvent. Du bien, c'est ma pensée. Réflexion sensée ! Même réflexion. Objet de notre brouillerie : Faisons-en à ma nièce un don, je vous en prie. De nos prétentions... Justement. De tous nos sentiments voyez la convenance ! J'admire que de coeur... là... nous nous prévenions ! Justement ! Je le veux, même je vous en prie. Oui, sans retardement. Assurément, mon frère : Car le choix du mari vous est indifférent ? C'est cela, qu'il convienne. Non, mon frère ; Moi, qui reste à Paris, je ferai cette affaire. Donnez-moi seulement par écrit un pouvoir. Mieux que vous je saurai faire un bon mariage. Monsieur, ce sera moi. Moi, pour la marier, je me nomme tutrice. Mon projet, est aussi tout fait, tout arrangé. Je reconnais mon frère, inquiet, soupçonneux. Ce trait de mon frère est bien digne. Et pour venir la rompre après cinq ans d'absence, De Lyon vous prenez exprès la diligence. Quel homme ! Ah ! C'est une rupture à n'y plus revenir. Oui, j'en fais serment... Ma nièce aura celui qui plus vous déplaira. Pour ma nièce, sans doute il voulait quelque époux Qui fût mon ennemi. La modération me donne la migraine. Vengeons-nous. Je veux te dire... Cent choses. J'aimais le Chevalier. Je ne l'aime plus. Que je respire ! Ouf. Tu me fais appétit de haïr ; mais, Nérine, C'est sans me dégoûter d'aimer. Devine ? Mais je songe à mon frère encor. Quelle fureur ! Ah ! Ma fureur s'apaise, et se change en douceur. C'est lui. Celui qui calme, qui tempère... Mes sens étaient troublés... troublés par la colère. Et cet objet après avoir calmé les sens, Les retrouble... mais c'est d'autre façon. Il est charmant. Tiens, vois, Nérine... je l'adore. Tu ne le connais pas. Son nom, c'est... Je tremble... Monsieur... vous paraissez rêveur. Nérine, un trouble... Monsieur... ma honte... Monsieur... vous... a-t-on tant de pudeur à mon âge ? Monsieur... Il est vrai... je n'ose pas moi-même... Rougis pour moi, Nérine, et dis-lui que je l'aime. Quoi ! Monsieur, vous parliez de moi ? Que disiez-vous, monsieur ? Je vous permets d'aimer mes grands biens, car du reste Je crains... Vous trouvez donc en moi plus que de la richesse ? J'y pris garde. Reprenons la gaieté d'hier, car on hasarde ; On dit tout en riant, on s'explique bien mieux, La honte paraît trop sur un front sérieux. Disons donc que rien n'est d'un plus heureux présage Que lorsqu'en quatre jours on fait un mariage ; Cela prouve un rapport, que je vois entre nous, Et qu'on voit rarement, monsieur, dans deux époux. Bon esprit, belle humeur, douceur et complaisance ! Pour l'âge, nous n'avons pas tant de convenance, Mais je ne vieillis point, et vous deviendrez vieux, Et pour épouse alors je vous conviendrai mieux. Ah ! La réplique est galante ; M'aimeriez-vous un peu ? Parlez ouvertement, Monsieur. Il me faut quelque temps ; mais j'ai déjà conçu Un prétexte pour rompre à peu près vraisemblable, Expliquez-vous Dorante ? Je ne le livrerai qu'à votre occasion, Expliquez-vous. Ah ! Le coeur a parlé. Ravie... oui... transportée... J'ai vu dans vos yeux, Votre bouche va donc s'exprimer mieux ; Vous n'êtes plus suspect d'intérêt, cher Dorante, J'ai vu votre embarras, votre pudeur charmante, La mienne enfin vaincue... Qu'est-ce ? Comment. Pourquoi le faire fuir. Qui donc ? Que veux-tu dire ? Ô Dieux ! Qu'il vient à contretemps ! Lui, sitôt de retour ! Nérine tous mes sens Se glacent. S'il me soupçonne, il va faire un éclat d'abord, Je voulais à loisir ménager la rupture ; J'ai des raisons. Je tremble. Ah ! La triste aventure ! Dissimulons encor. Justement ! Oui. C'est de cette peur seulement que je tremble. La prudence le veut. Oui, l'accommodement. Sept ou huit. Il faut bien quinze jours. Oh ! Vous plaisantez toujours, mais sérieusement : Vous m'avez souvent dit, et très sincèrement Que vous ne promettiez à ma vive tendresse Qu'une bonne amitié, tout le reste est faiblesse. Mais cela serait juste. Moins d'amour de ma part. L'amitié. Et j'ai gagné cela sur moi plus d'à moitié, Pour rendre plus aisé le noeud qui nous engage. En sorte, Chevalier, que notre mariage N'est quasi qu'un prétexte à se voir librement. Non, car au fonds ce n'est encor qu'une promesse. Promesse libre. Projet simple. En l'air, car supposé que l'un change... Ainsi soit vous, soit moi... Vous êtes, j'en conviens, d'un charmant caractère. Allez embrassez-moi. Il n'est pas soupçonneux ! J'aime la bonne foi ; Il n'approfondit rien, c'est un homme adorable ! Il est si bon ! Mais quoi ! Dorante est plus aimable, Cela m'excuse au fond changer n'est point trahir, Ce n'est qu'être inconstante. Eh bien, mon cher ! Elle va l'être. Je contente par là ma haine et mon amour ; Ma haine, en la masquant, en prenant le grand tour ; Car j'oblige ton maître à bien plaider mon frère : Je lui cède un procès, mais un homme d'affaire M'a dit qu'il ne peut pas durer plus de dix ans Ce procès que je cède, et c'est bien peu de temps, Pourra-t-il en former quelque autre. Ces maximes me font aimer ton maître et toi : Vous poursuivrez mon frère, et j'en rirai dans l'âme, J'en aurai le plaisir sans en avoir le blâme. En faisant cette paix, que je me vengerai ! Ce que l'on exigeait, je l'exécuterai. M'en voilà quitte, enfin je me réconcilie. L'arbitre avec mon frère au reste aura fini, Il s'est fait fort d'avoir en blanc sa signature. Je vais conclure. Avec un frère au fond il faut bien vivre en paix. Mais à condition de ne le voir jamais. Quel est donc son amant ? Je veux approfondir cet amour de ma nièce, À quinze ans amoureuse ! Ah ! Quelle hardiesse ! Ah ! C'est le chevalier. Écoutons. Je m'en étais doutée. Falaise l'avait vue avec le Chevalier. Il faut vous l'avouer, j'en aime un autre : ainsi Vous ne me voyez point jalouse, furieuse. Votre infidélité, d'ailleurs injurieuse, Paraît dans un moment favorable pour vous : Je suis bonne indulgente, et je dois filer doux, J'adore votre ami. Cet éclaircissement a fait cesser nos feintes. J'ai senti des remords jusques à ce moment. Oh ! L'heureuse rupture ! L'agréable aventure ! Non, ma vivacité m'aveugle dans l'instant, Et me fait oublier le point fixe, important, À servir ma haine : oui, ma nièce est destinée, À Procinville enfin, elle est presque donnée. Il écrit à mon frère ! Ah ! Lisons. Que vois-je, Chevalier ? C'est l'homme qu'en secret avait choisi mon frère ! Il est usurpateur, roturier et faussaire. Par bonheur je n'ai pas délivré le papier. Oui, ma nièce sera pour vous ; mais, Chevalier, Comment tromper mon frère ? Il sera difficile De le désentêter du traître Procinville. Madame, allons d'abord recacheter sa lettre, Et par quelque inconnu faisons-là lui remettre. Tantôt il la cherchait dans toute la maison, Sur ce que je l'avais, il aurait du soupçon. Ha, ha, ha, ha, fort bien, ha, ha, qu'elle est plaisante La pièce que l'on joue à mon frère. Votre sincérité m'épargne un embarras. Car je ne sais pas bien au fond comment m'y prendre Pour vous persuader une amitié bien tendre. Oui, cet expédient ne nous réussit pas. Afin qu'on puisse dire, en parlant bien de vous, Ce que l'on dit de mieux pour louer deux époux, Ils se haïssent mais ils vivent bien ensemble. À ce scélérat, oui, vous donniez votre voix. Il est mon horreur et la vôtre. Ne nous en point mêler c'est un trait de sagesse, Plus d'éclats. Notre haine sera secrète, Dieu merci. La voici. Ma nièce peut choisir. Nous nous sommes promis douceur et politesse. Amenez-nous Votre amant. Non, Nérine, sois présente, Je veux te faire voir ma modération ; Car c'est mon fort, quand j'ai ma satisfaction. Quand les miens tournent bien, je ris moi quelquefois. D'autres même en riront. Et vous l'allez haïr comme neveu, j'espère ; Mais par degrés je veux vous resserrer le coeur. Apprenez donc d'abord, monsieur, que votre soeur Moi, mon frère, moi, moi, j'épouserai Dorante. Ah ! J'entends. C'est mon frère, Que vous avez fâché d'avoir trompé, je crois. Il pardonne à l'amour que vous avez pour moi. Comment ! Je n'entends pas cela. Au Chevalier d'accord, croyant me jouer pièce. Quoi ! Tous ! Le Chevalier... Ma nièce ! Dorante. Mon seul soulagement dans tout ce que je vois. C'est de tourner en fiel cet amour qui me gêne ; Oui, je vais me livrer toute entière à la haine. **** *creator_dufresny *book_dufresny_reconciliationnormande *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_reconciliationnormande *dist2_dufresny_verse_comedy *id_ANGELIQUE *date_1719 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique On m'a dit que ma tante est là. Suis-moi, Nérine. Je ne puis pas attendre, tout va bien. Dorante est arrivé. Je n'en dirai rien. Mais ma tante... Il faut que je la voie. D'accord. Comment ? Tout à craindre, dis-tu. ? Tout à craindre, dis-tu ? Je rêve, j'examine. Sur ce que nous voyons, que crains-tu donc, Nérine ? Tout me réussit mieux qu'on eût pu désirer, Du couvent tout exprès on vient de me tirer, À m'établir mon oncle écrit qu'il se dispose, Et ma tante, dit-on, a promis même chose. Elle vient de Rouen, mon oncle de Lyon, C'est pour se réunir, et leur désunion À mon bonheur, Nérine, était le seul obstacle, Tu me l'as dit toi-même. Nérine, ton défaut est de toujours douter. Nous verrons ; mais enfin pour ma dot ils me cèdent Leur terre près du Mans pour laquelle ils se plaident, Qui fit naître leur haine. Tout cela va finir, j'attends un bon succès, Pyrante est leur arbitre, il les réconcilie. Comment peut-on haïr ? Hélas ! Quelle folie De se remplir le coeur de fiel et de venin ! Il n'est pas naturel de haïr. Car enfin, On se fait plus de mal que l'on en fait aux autres. Des parents se haïr ! Pour revenir aux nôtres, Ils ne se sont point vus depuis quatre ou cinq ans, Leur haine est éteinte. Ah ! Nérine, vois-tu là-bas dans ce passage... Avant qu'il m'ait parlé, conseille-moi, Nérine ; Comme il n'est pas bien sûr que l'on me le destine, Je devrais lui cacher encor mes sentiments ! Qui l'en aurait instruit ? Mon Dieu... l'essentiel, c'est que leur haine cesse. Mais ce qui presse, c'est de savoir si ma tante... Mais Dorante... Mais non... Elle plaisante... mais au fond elle a raison. Car comment voulez-vous qu'on dise qu'on vous aime, Pendant que rien n'est sûr ? Je le désire encor plus que je ne l'espère. Je crois la voir là-bas dans cette galerie... C'est elle-même. Elle est dans une rêverie... Çà, Dorante, il faut donc, pour agir prudemment, Ne point paraître encor de concert. Éloignez-vous, Dorante, elle vient. Tu vois bien Que tu dois sans raison que je ne pense à rien ? J'ai pensé la première à faire fuir Dorante. Par prudence il faudra louer ce Chevalier, À qui ma tante est prête à se remarier, Paraître bien contente. Ah ! Ne l'abordons pas, éloignons-nous, Nérine. Attendons. Ce nuage en effet Est bien noir. Il paraît que ma tante Devient un peu plus gaie. Ma tante... C'est le respect. Ma tante vous avez trop de bonté pour moi. On brouille, nous dit-il, mon oncle avec ma Tante ? Mais il dit qu'un certain Falaise nous nuira ? De cette paix, Monsieur, tout mon bonheur dépend ; Ils me rendent mes biens en se réunissant. J'adoucirai mon oncle. L'on m'a dit vos bontés, monsieur le Chevalier. Dorante, vous avez le plus adorable ami... Cet homme a là-dedans vu ma tante en secret, Il voit mon oncle après ! Serait-ce ce Normand ? Pardon. Ah ! Je ne veux de vous rien que votre amitié. Mais ma tante, je crois, vient au-devant de vous. Ah ! Quel bonheur pour nous ! Cette entrevue aura parfaite réussite. Ah ! Ma tante, à la paix mon oncle vous invite. Ma tante vient à vous. Bon. Ils vont s'aimer, je pense. Réunion charmante ! Ah ! Vous êtes si bons tous deux ! Il me doit convenir, de quelque part qu'il vienne, Ou de vous, ou de vous. Eh ! Ne vous brouillez pas. Eh ! Ma tante ! Eh ! Mon oncle ! Vous voulez même chose, et vous êtes d'accord. Non, mon oncle, non. Mais faut-il sur un rien... Mais pourquoi cette rupture ? À les raccommoder j'ai bien pris de la peine. Pour la dernière fois, hélas, je viens vous voir ; Nérine, elle sait tout, je suis au désespoir. Elle était bien tranquille, et j'étais avec elle, On lui parle tout bas, d'abord elle t'appelle, Et te rechasse après, et me prends par le bras, Et voit en moi la peur, le trouble et l'embarras. Vous aimez, je le sais, et vous êtes aimée, Me dit-elle d'abord de fureur animée ; Elle l'a soutenu, moi le niant toujours, Mais elle vous voyait, dans mon air, mes discours, Peut-être dans mes yeux, car nous sortions d'ensemble : N'y pouvant plus tenir, car encore j'en tremble, Je me suis dérobée à ses emportements, En fuyant à travers de ces appartements. Je mourrai de douleur. Eh ! Que pourrait-on faire ? Non, Dorante, toujours elle vous aimera. Quoi nul expédient ? Je fuis. Non. J'entends. Hélas ! Monsieur, je crois Avoir imprudemment laissé voir ma tendresse ; Je l'ai presque avouée. Par faiblesse, Par franchise. Ah ! Je suis au désespoir. retirant sa main que le Chevalier lui baise. Mais... Ah ! Je cours me cacher, Je ne puis supporter les regards de ma tante. Si nous n'avons une réponse prompte, Tout est perdu. Ah ! C'est ce qui me trouble. Oui. Tout se découvrirait. Mais, Nérine, il faudrait Pour finir promptement, prendre d'autres mesures. Je suis bien malheureuse ? Hélas ! J'entends... C'est mon oncle, je pense. Il sait donc notre amour ? En nous voyons ensemble, Il s'irrite encore plus. Je tremble. Ah ! Mon oncle pardon. Que de bonté ! Je ne vois plus d'obstacle à cet accord heureux. Ah ! Quel bonheur pour moi ! Je sors, je n'aurais pas assez de retenue, Ma joie irriterait ma tante. Je n'ose. Je choisis donc. **** *creator_dufresny *book_dufresny_reconciliationnormande *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_reconciliationnormande *dist2_dufresny_verse_comedy *id_DORANTE *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Que vois-je ! Quel bonheur ! L'agréable surprise ! Belle Angélique, quoi, vous voir chez la Marquise ! Vous voir hors du Couvent, malgré sa dureté, Le jour du rendez-vous pour l'accord arrêté ! Votre oncle et votre tante apparemment conviennent De vous rendre aujourd'hui tous vos biens qu'ils retiennent ? Depuis quatre jours, moi, m'étant ici logé, J'ai si bien, sans m'ouvrir, prévenu, ménagé L'esprit e votre tante, en faisant connaissance, Qu'elle doit aujourd'hui me faire confidence D'un grand secret ; dit-elle, et je me suis flatté, Que ce que je désire, elle l'a projeté. Elle me fit hier cent offres gracieuses Qui, par rapport à vous, me furent précieuses. Je ne lui parlai point de mon amour, hélas ! Peut-être votre coeur n'y répondra-t-il pas ; Puis-je enfin obtenir un aveu de tendresse ? Ah ! L'essentiel, c'est le coeur, les sentiments ; Il est temps de répondre à mes empressements. Ah ! Ce qui presse, c'est de savoir... Pourquoi dans ces moments, où j'ose me flatter, Vous plaisez-vous encore à me laisser douter ? Car je n'ose expliquer pour moi votre silence. Vous m'enchantez. Trop heureux ! D'accord, bizarres ; mais pourtant L'arbitre réunis cette soeur et ce frère. Et moi, je me fais fort d'avoir l'aveu des deux. Le Comte me connaît et connaît ma famille. Non vraiment. Le chevalier arrive, il fera la demande : Pour ne rien hasarder, il faut que je l'attende. Ne vous alarmez point, le Chevalier plaisante. En tout cas cet ami nous en garantira, Quoique enjoué, badin, il est prudent et sage. Tout en riant, mon cher, tu m'avais attristé ; Tu nous dis qu'un Falaise arrive exprès du Maine Pour rompre cette paix que nous croyons certaine ? Mon ami prend sur lui tout ce qui nous regarde, Je devais leur parler, il veut que je retarde, Et que d'abord on songe à les bien réunir. Et qui ne sert jamais ses amis à demi : Comme de la Marquise il n'est rien qu'il n'obtienne, Il parlera pour nous. Sur toi je compte. Oui, Madame. Je vois votre frère en fureur ; Plus de réunion, a-t-il dit à Pyrante. Cette rupture à tous va paraître étonnante, C'est à quoi je rêvais ; car j'y prends part pour vous. Vous voulûtes hier, Madame, qu'entre nous Commençât l'union d'une amitié sincère, Ce sont vos propres mots. Un conseil salutaire Que je vous donne, c'est... Qu'entends-je ? Où suis-je ? Que devient Angélique ? Je perds l'espérance. Le coup est bien cruel ! Ce mortel contretemps... Juste ciel ! Elle ! Elle m'aime ? Quoi ! Moi ! Moi, moi ! Il faut... Voyons... Mais sachons... Allons... Je suis au désespoir. Je vais vous y trouver, Mais je veux voir l'arbitre. Ah quel malheur, Nérine. Ah ! Dans quel embarras me jettes-tu ? J'essuie Le plus cruel assaut... Que je la fuie, Elle me suit. Tu lui dis que je veux l'épouser, rêves-tu ? Es-tu folle ? Je suis... Je ne puis consentir À feindre. Je vous l'ai dit, madame, je proteste, Je jure que les biens qu'aujourd'hui vous m'offrez Je les méprise au point... Quand on a comme vous l'humeur vive et brillante, On ne vieillit point. Oui, scrupules, j'en ai. Je blâme De pareils procédés. Oui, je voudrais bien voir la famille contente. S'il faut une explication, Livrez-le, et vous ferez le bonheur de ma vie. Tout est perdu pour moi, mon amour découvert M'ôte toute ressource, et pour jamais me perd. La Marquise sait tout. Ayant quelque soupçon, et voulant me détruire, Au couvent d'Angélique il est allé s'instruire. Consolez-vous. J'espère... La Marquise... voyons... Espérons tout du temps. Son amour passera. Le Chevalier se moque, il nous fait trop attendre ; Il nous quitte incertain du parti qu'il doit prendre, Il court chercher le Comte, il nous dit que chez lui, Il fulmine, et ne veut rien finir aujourd'hui. Mais s'il ne peut calmer la colère du Comte ? Je crains tout. Finissons. Falaise à la Marquise a donné des soupçons. Au fond je vois que le péril redouble, L'amour de la Marquise... Vous comprenez bien ? Il faut sans doute en prendre de plus sûres. La Marquise amoureuse ! Ah ! Ciel ! J'y périrai. Quoi donc ! Il crie, il jure, il menace, quel bruit ! Pas plutôt un succès, qu'un malheur le détruit. Ah ! Nous voilà perdus. Tâchons de l'apaiser. Où veut-il en venir ? Voyons jusqu'à la fin. Et bien, monsieur. Que d'obligation ! Arrête. Tais-toi. Je voulais différer d'un moment vos chagrins, Madame, et vous marquez au moins que je vous plains, J'eusse voulu pouvoir être un peu plus sincère : Pardonnez à l'amour... Venez, monsieur, venez : de grâce laissons-la. C'est ce qu'il ne faut pas qu'un galant homme voie. **** *creator_dufresny *book_dufresny_reconciliationnormande *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_reconciliationnormande *dist2_dufresny_verse_comedy *id_LECHEVALIER *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lechevalier Je veux l'appartement que j'eus l'autre voyage. Préparez-le-moi vite, il me convient. Eh bien ! Tristes déjà tous deux pour un mot, sur un rien, Sur ce que je vous dis qu'un certain Procinville Veut tout brouiller ? Non, non, sa brigue est inutile : Dans cette affaire-ci j'agirai puissamment ; Mais faites comme moi, traitons ceci gaiement. J'ai toujours l'âme en joie, heureux don de nature ! J'y joins même quelque art, car dans une aventure Je n'observe jamais que le côté plaisant, J'élude l'ennuyeux, je saisis l'amusant, Et cela par raison, étant né sans fortune. Sans bien, pour secouer cette idée importune, Je trouve un patrimoine, au moins dans ma gaîté. Exhortez-le à finir. En attendant, sachez que voulant qu'on finisse, Je contrains la Marquise à vous rendre justice. Mon procédé du moins est assez singulier ! Car je n'épouse point en fraude votre tante, La famille sous main en est très consentante : La Marquise aurait pris quelque dissipateur ; Ils me regardent, moi, comme un mari tuteur. Ils savent l'ascendant que j'ai sur la Marquise, Sa passion pour moi la rend bonne et soumise, Sensée, indifférente. Amitié de sang-froid Domine sur l'amour, sur elle j'ai ce droit, Et je m'en servirai, car épousant la tante. Oncle par conséquent de la nièce charmante, Je te fais mon neveu, respecte un oncle en moi ; Pour ma nièce je sais tout ce que je lui dois ; Épouser une tante est une hardiesse, Qu'on ne peut expier qu'en mariant la nièce. Oh ! Qu'à cela ne tienne. À la nièce d'abord je fais rendre les biens, Et la tante par moi conservera les siens. À se remarier elle était résolue, À d'autres elle offrait la main que j'ai reçue ; Elle veut un mari jeune, qui n'ayant rien, Frustre ses héritiers en mangeant tout son bien ; Je ferai son affaire, et si je puis, la vôtre, En vous déshéritant plus sobrement qu'un autre : Économe des biens, dont pourtant je vivrai, Pour vos enfants, à vous je les conserverai. Il est avec cet homme, et je veux l'observer. À ton amour, mon cher, chez moi va t'en rêver, Et Nérine, et ma nièce adouciront le Comte ; Je ferai la demande après. L'apparence en est grande. Le bel accord, mon cher, que l'entrevue opère ! Ils ne se verront plus, l'arbitre en désespère ; Il faudra les gagner chacun séparément, Vous autres gagnerez l'oncle facilement. Pour moi morbleu, pour moi, je n'épouse la tante Qu'en exigeant... Quoi ! Plaisantes-tu ? Parbleu ! La nouvelle m'étonne, Mais ne m'afflige point ; c'est-à-dire pour moi, Car je me repentais d'avoir donné ma foi Presque publiquement à la folle Marquise ; Ainsi son changement à changer m'autorise. Trop constant par honneur, je n'eusse pas osé Accepter un parti que l'on m'a proposé, Femme moitié moins riche, aussi moitié plus sage, Amour moins pétulant, mais aussi moins volage. J'attends de la Marquise un refus éclatant, Qui me donne aujourd'hui le droit d'être inconstant. Mais savez-vous quel est ce rival redoutable ? Tel qu'il soit la Marquise y perd. J'observe exactement un traité conjugal. Dorante ? Palsambleu l'incident me fait rire ! J'en suis fâché pour toi. Ha, ha ! Tu vas me dire Qu'il n'est pas trop sensé de rire en pareil cas ; Mais si je m'affligeais, je ne trouverais pas De prompts expédients que ma gaieté m'inspire : Elle m'ouvre l'esprit. Par exemple... qu'on tire De la tante les biens de la nièce... on le peut, L'arbitre le prétend, la famille le veut ; Alors en gagnant l'oncle, on mariera la nièce Malgré la tante. Nous allons y rêver, Entrons chez moi tous trois. Je sens que malgré moi pour lui je me chagrine. Trouvons vite un remède à ses malheurs pressants, Car je ne pourrais pas être chagrin longtemps. J'y rêve. Mais il faut que Dorante paraisse Vouloir bien épouser la Marquise. Oui, ce tour Serait assez plaisant ! Se servir de l'amour, Qu'elle a pour lui, qui fait obstacle, qui désole ; Se servir de l'amour qua pour lui cette folle, Pour lui faire livrer les biens qu'elle retient : Du Comte on tirera parti. Elle l'aura surpris. J'entends. Çà, pendant qu'à Dorante elle pense, J'aurai de l'épouser facilement dispense ; Profitons du moment ; mettons-là dans son tort. J'arrive dans l'instant, Madame. L'autre jour je vous dis en partant Que je ne reviendrais pas sitôt ; mais je pense Que vous me saurez gré de mon impatience. Mais... Je vois dans votre air un certain embarras, Même un trouble... aujourd'hui je ne vous trouve pas La gaieté que toujours mon abord vous inspire ; Je ne vous prierai point cependant de me dire Ce qui se passe en vous. Nous nous sommes promis D'être en nous mariant moins mariés, qu'amis. J'aime ma liberté, vous, vous aimez la vôtre, Ainsi ne nous rendons nul compte l'un à l'autre Ni de nos sentiments, ni de nos actions. Mais je vois le sujet de vos distractions, Vous savez que je suis haï de votre frère, Ma présence pourrait ranimer sa colère, Vous voulez l'adoucir ; je ne me trompe pas, Sans doute cela seul fait tout votre embarras ? Vous craignez qu'il ne nous voie ensemble. Oh ! Rassurez-vous donc, ailleurs je logerai. Je ne vous reverrai Que quand vous aurez fait l'affaire essentielle. Quand j'en aurai nouvelle, Je viendrai. Nous n'avons rien qui presse entre nous ; Pour signer ce contrat nous avions rendez-vous, À notre aise. Ce point ne se peut trop rabattre, Nous devons dans deux jours signer, prenons en quatre. Huit ou dix. Il nous faut même plus, et d'ailleurs nos amours... N'ont ni tant d'ardeur, ni tant de violence, Qu'un mois même nous fit maigrir d'impatience. Oui, votre coeur pourrait, s'étant fortifié, Avoir réduit l'amour à la simple amitié. Oh ! Je suis équitable. Rendra plus convenable, Plus égale entre nous l'union. Et qui ne nous oblige à rien précisément. Promesse non signée, et même d'une espèce... Libre, espèce de projet. Oui, très simple, et de ceux que l'on fait Presque en l'air. L'autre n'est point en droit de le trouver étrange. Toute permission. Çà, je vous laisse, il faut de la discrétion. Et commode. Allez donc terminer votre affaire, De moi vous voilà libre. À tout autre malheur on eût trouvé remède, À celui-ci, mon cher, mon habileté cède. J'y rêve, j'en attends. Soyez d'abord par moi tant soit peu querellée Quoi ! N'avoir pas l'esprit d'être dissimulée ! Devant la tante avoir tremblé, pâli, rougi ; Crainte, sincérité, pudeur à quinze ans ! Fi. De ces vices je crois que le remords vous ronge ? Auriez-vous la vertu de bien faire un mensonge. J'entends quelqu'un, sors, toi cours amuser La Marquise. Restez. Il faut ruser. Elle sait votre amour, elle est bien pénétrante. Mais a-t-elle fixé ses soupçons sur Dorante ? L'avez-vous nommé ? Il faut tout hasarder, profitons des instants, Feignons de ne point voir qu'elle nous voit. Hélas ! Fut-il jamais un amant plus à plaindre ? Pour mieux feindre Essayez de m'aimer presque réellement ; Prenez-moi pour Dorante, il faut du sentiment. De pouvoir être à vous je n'ai plus d'espérance, J'épousais votre tante, et je crains sa vengeance. Vous savez que votre oncle est mon grand ennemi, Cet odieux mortel ne hait point à demi. Ainsi vous comprenez qu'à la soeur comme au frère De votre amour il faut encor faire mystère. Cachez-le bien au moins. Tout haut répondez-moi Qu'on vous a soupçonnée. Ah ! Tant pis. Fort bien. Mais il faut dire mieux. Ah ! Charmante Angélique. Attendrissez ces yeux. Votre tendre douleur augmente encor vos charmes. On va nous séparer. Il faut ici des larmes. Feignez de pleurer. Je vois couler vos pleurs. Tirez donc le mouchoir, Faudra-t-il tout vous dire. Ah ! Je perds Angélique, Il lui prend la main pour la baiser. Du moins... La main en est, il faut du pathétique. La tante nous voit, il ne faut point tricher ; Oh ! Fuyez à présent. Il faut bien l'avouer ; je soupirais pour elle, Pris en flagrant délit, m'avouant infidèle, Me voilà bien honteux. Que vous me haïrez ! Mais, ma foi, quand la honte et le vin sont tirés, Il faut les boire. J'avouerai ma surprise, Elle est très grande, mais ainsi que vous, Marquise, Je ne suis que surpris, et non pas furieux, Car je vois que l'amour a tout fait pour le mieux. Nous nous gênions tantôt ; je ne m'étonne pas Si voulant du contrat différer l'embarras Vous disiez dans trois jours, dans quatre, dans huitaine, Renchérissant sur vous je voulais la quinzaine ; Nous nous donnions beau jeu pour notre changement. J'avais quelque scrupule. Je respire à présent. Çà, madame, à présent j'aurai votre suffrage ? Deux trahisons feront un double mariage. Quoi ! Madame, un tel homme... Et c'est cet ennemi des accommodements, Qui vous jurant, madame, une amitié sincère, Vous trahissait sous main en servant votre frère. Vous alliez Avec un franc fripon ! À médire de vous sa plume est éloquente ! On veut bien lui passer sa roture ; Mais chacun sait que c'est un homme sans honneur, Tourmentant ses voisins, injuste, usurpateur... C'est à quoi nous allons rêver. Faisons si bien Que de notre complot il ne soupçonne rien. Toutes deux allez donc réparer la fracture, Et vous triompherez de lui, je vous le jure. Rentrez, je vous rejoins. Je me suis aperçu Qu'avec la nièce ici ce Falaise m'a vu, Ce maraud ne peut-il point nuire à mon idée ? Notre affaire n'est pas encore décidée. Je crains que ce coquin ici ne nous dérange. Voyons si tout à l'heure il a bien pris le change, S'il me croit bien l'amant d'Angélique. Viens çà. Tu me fuis ? Reste là, Ou morbleu... Comment, traître, Travailler à m'ôter ma maîtresse ? Il est dans l'erreur, bon. Pour ton maître on verra, Mais à toi, jusqu'au Mans tu plaides à merveilles, Je pourrais bien ici te couper les oreilles. Charmante. Car vous croyant toujours pour moi le même amour, Il croit, m'ôtant à vous, vous jouer un bon tour. Pour vous désespérer il me donne Angélique, À l'arbitre en secret là-dessus il s'explique. Je vous ai dit le reste, et vous verrez son jeu. J'avouerai que tromper quelqu'un me blesse un peu ; Mais si la tromperie en quelque cas s'excuse, C'est quand on fait donner un ennemi qui ruse Dans le piège malin, que lui-même nous tend : D'ailleurs pour détourner un malheur très pressant La feinte est quelquefois un vice nécessaire. Les hommes sont si faux, qu'un seul toujours sincère Entre eux tous paraîtrait comme un niais étrange, Dans un pays, où tous biaisent pour s'arranger : En affaire, en amour, en guerre, en marchandise, Même en morale on farde à présent la franchise. Chacun de son manège étant tout occupé Qui ne trompe jamais, sera souvent trompé. Çà, dans son piège il faut que votre frère donne ; Mais finissez sans moi de peur qu'il ne soupçonne Qu'en croyant vous punir, il va combler nos voeux. Je vous vois tous contents : à monsieur il faut dire Pour augmenter sa joie encore d'un degré, Que nous avons rompu. Je ne vous réponds rien. Moi, j'ai pris mon parti, Dorante a pris le sien. Je vous plaindrais beaucoup, si vous étiez souffrante. **** *creator_dufresny *book_dufresny_reconciliationnormande *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_reconciliationnormande *dist2_dufresny_verse_comedy *id_PYRANTE *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pyrante Je reviens vous parler. Votre frère, Madame, arrive et vient exprès, De Lyon, pour vous voir, et finir le procès : Il vient de me marquer la même impatience Que vous me témoignez sincèrement, je pense, De vous bien embrasser d'abord ; et dès ce soir, Quand vous vous serez vus, de me faire savoir Quel époux vous voulez choisir pour Angélique. Comme médiateur, je dois être discret, Et ne rien témoigner, pas même à votre frère, De ce dessein caché dont vous faites mystère. Si votre frère aussi me confie un secret, Je vous le cacherai, je dois être muet ; Je dois être aussi neutre, en qualité d'arbitre, Votre famille et vous, m'avez donné ce titre : Et pour vous réunir, presque juge entre vous, Je perds le droit d'ami. Vous remplissez par là des devoirs très pressants. Votre haine du moins cesse d'être publique, Vous ne plaiderez plus, et la nièce Angélique Aura ses biens, je dis ses biens, car franchement Vous ne les auriez pu garder qu'injustement. De nos plaideurs manceaux les maximes m'étonnent ! Ce qu'ils n'usurpent pas, ils disent qu'ils le donnent ! Non. Suffit. Ceci ne promet pas une tendre entrevue. Un même choix tous deux ? Ainsi, sans le savoir, ils sont d'accord entre eux. Sans le savoir ! Rêvons à cette circonstance. Cette affaire demande et secret, et prudence ! Mais l'énigme pour moi, c'est le tour qu'ils ont pris, Car d'un côté la soeur me dit que ce marquis, Est ennemi du frère, et le frère au contraire Dit qu'il est ennemi de sa soeur. Quel mystère ! Je ne le comprends pas. Ah ! Mon ami, vous m'avez l'air d'être un peu diffus. Abrégez-les donc. Que voulez-vous de moi ? Venez-vous me parler de sa part ? Plus de digressions ; allons au fait. Ce que tu me dis là m'éclaircit un mystère. J'entends. Tous deux séparément Me donnant par écrit un bon consentement, Pouvoir de marier la nièce à votre maître, Cette réunion, qui manquerait peut être, Se fera sûrement ; c'est mon unique objet, Votre maître arrivant, son mariage est fait. Enfin, je puis les réunir. C'est à quoi mon ministère engage. Vous avez pris enfin l'expédient unique, Et votre frère et vous, pour pourvoir Angélique, C'est d'ignorer tous deux qui sera son époux. Eût-il été choisi par lui, comme par vous, Fût-il ami du Comte en secret et le vôtre. Sitôt que l'un saurait qu'il est choisi par l'autre, Vous cesseriez tous deux encor de le vouloir. Sur ce Marquis Manceau vous l'avez bien fait voir, Vous le vouliez tous deux, j'ai cru l'accord facile, Tous deux vous excluez à présent Procinville ; Le ciel en soit loué, car c'est un malheureux ; Mais le plus honnête homme eût été par vous deux Exclu et détesté par le même caprice. Nous allons terminer. Vous l'excluez enfin dans vos donations. Votre donation. Vous la vôtre. Vous me dispenserez d'être le spectateur De cette politesse et de cette douceur, J'ai fait mon ministère, et la nièce est pourvue. **** *creator_dufresny *book_dufresny_reconciliationnormande *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_reconciliationnormande *dist2_dufresny_verse_comedy *id_NERINE *date_1719 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_nerine Pendant que je marchais rêvant profondément, Angélique est entrée en quelque appartement ; Elle s'égarera la petite étourdie. Attendons. Voici donc l'hôtel de Normandie ! À Paris rendez-vous, des illustres Normands ! Des nôtres aujourd'hui les intérêts sont grands. Haine, amour ! Nous verrons la très haineuse tante, L'oncle très rancunier, puis l'amoureux Dorante, Le galant Chevalier, le grave arbitre et moi. À force de rêver, je m'oubliais, je crois. Ah ! Je vois accourir mon aimable orpheline. Attendez. Paix. Arrêtez. Les premiers mouvements d'espérance et de joie. Vous font courir. Marchez donc lentement, Car vous avez encor tout à craindre. Bon ! Vous voilà fixée : Par la crainte d'abord votre ardeur s'est glacée. J'admire la jeunesse, et sa vivacité ! Passant toujours de l'une à l'autre extrémité, De l'excessive crainte à l'espérance folle ; Parlant, parlant, parlant, puis perdant la parole ; Courant, courant, courant, puis s'arrêtant tout court ; En un seul jour aimant, et perdant son amour, Pour un amour nouveau le retrouvant ensuite ; Voulant, ne voulant plus, sans règle, sans conduite, Sans arrêt, sans raison, que de défauts elle a Cette jeunesse ! On l'aime avec ces défauts-là. Oui. Mais suis-je un oracle ? Jeune amante, le vôtre est de trop vous flatter. Oh ! C'est la question. Si le procès causa leur vieille aversion, Les frères sans plaider quelquefois se haïssent ; Par les procès aussi quelques frères s'aigrissent. Procès engendre haine, il est vrai ; cependant Nul Généalogiste encor jusqu'à présent N'a pu nous bien prouver, si là-bas vers le Maine Autrefois le procès fut père de la haine, Ou si la haine y fut la mère du procès. Oh ! Je croirais bien, qu'absents Ils ne se sont haïs que par réminiscence ; Mais leur fiel s'aigrira bientôt par la présence : Outre qu'ils sont tous deux péris de pur levain, Qu'ils ont l'art de donner à tout un tour malin. Esprits très discordants, humeurs mal assorties Nature a mis en eux de ces antipathies Qu'on voit en quelques-uns pour les chats, les souris, Et que les femmes ont souvent pour leurs maris. Qui voyez-vous ? Ha, ha, c'est votre amant, je gage ; Oui, sans le regarder, ma foi je crois le voir ; Je le vois dans vos yeux, comme dans un miroir. Il est bien temps d'avoir de tels ménagements ! Croyez-vous qu'il ignore encor votre tendresse ? Quelque trait de jeunesse. Comme on a de l'amour souvent sans le savoir, On le déclare aussi souvent sans le vouloir. Si le frère et la soeur sont pour vous, patience ; Si non vous vous trompez, nous n'aimons point. Jugez-en par vous-même ; Monsieur, vous n'aimez pas, car vous n'êtes pas sûr. Aveu simple, naïf, et pur. Point de ces sentiments renflés par des paroles, Elle n'a point appris au couvent les grands rôles. Pas encor. Votre bonheur dépend De deux esprits... Nous verrons ; mais ils sont l'un et l'autre quinteux. Oui. Mais il est brutal, son sang brûlant pétille. À l'égard de la soeur, cent fois je vous l'ai dit, L'esprit de la marquise est un terrible esprit ; Tantôt fausse bonté, tantôt malice pure, Pour son frère surtout, c'est une énigme obscure : De son coeur on ne peut au plus que se douter. Je l'interroge peu, je ne fais qu'écouter : Je la vois tantôt gaie, et tantôt furieuse. On ne peut définir cette capricieuse ; Elle laisse échapper à moitié ses secrets, Ensuite les retient, puis les déguise après ; Elle est en même temps indiscrète et prudente, Franche, dissimulée, et fière et caressante ; En riant elle pousse une vengeance à bout, Et dans ses passions met le tout pour le tout. Rare effet de l'amour ! Il vous rendra prudente. Oui ; mais elle est chagrine. Observons le moment que ce nuage noir Se dissipe. Elle est meilleure à voir. Quand il lui vient soudain quelque lueur de joie. Oui, son oeil s'éclaircit. Non, non, il s'obscurcit. Je n'osais avancer, je vous voyais chagrine, Madame. Eh calmez vos agitations ; Ce jour pour vous doit être un jour doux, pacifique, Où toute haine cesse, au moins par politique. Pour l'autre passion, sans doute, c'est l'amour ? Bon ! L'on m'a dit l'autre jour Qu'un jeune chevalier, gai, vif, et pourtant sage, À Rouen avec vous contractait mariage. Ah ! Se remarier est le moindre des torts, Si c'en est un encore. Je vous conseillerai de surmonter la honte ; Mes conseils sont humains. Et votre nièce approuve ces conseils. Pour elle, elle en voudrait, il est vrai, de pareils. ; Daignez la regardez de bon oeil, je vous prie. Vous allez lui donner un mari. On dit que de tout temps La haine dans Rouen distingua vos parents ; Oncles, tantes, cousins, frère, soeur, père, fille, Se reconnaissaient tous à cet air de famille. La Marquise de tout me fait encor mystère ; Éloignez-vous tous deux, je vois venir son frère. Comme un fourbe il est fait. Du Falaise, il a l'air ; sa parure est Normande, Parure à double entente, on ne sait ce qu'il est. Pardon si d'en sortir elle a la hardiesse ; Mais le désir d'hymen, subtil comme le vent, S'est par malheur glissé jusques dans son couvent, Je l'ai laissé souffler. Ma foi, très rarement elle hante sa tante. Mais... Nous sommes avec elle assez mal, Dieu merci, Quel esprit ! Quelle humeur ! Et le coeur endurci. Je dis que par malice je pense, Elle se remarie. La vengeance n'est pas son unique motif, Cette veuve a le sang plus que vindicatif. Il suffit d'être bon pour être sa victime. Pardon, si je la hais. Nous n'avons presque osé nous montrer à ses yeux ; Eh ! Monsieur, aujourd'hui protégez-nous contre elle, On lui voit pour sa nièce une haine mortelle, Parce qu'elle est la vôtre, ainsi qu'on voit souvent Une femme de bien haïr son propre enfant, Parce que son mari peut-être en est le père. Amitié qui marie. Je cours chercher l'arbitre. Laissez-moi profiter de son accès de haine. Mon Dieu, modérez-vous. Fort bien. Ne pas goûter une passion pleine, Vous aimeriez autant presque n'en point avoir. Haïssez, j'y consens. Car j'ai bien su prévoir Que vous ne mariez la nièce que par pique : J'imagine un moyen pour pourvoir Angélique Qui pourra nous venger d'un frère... Quoi ! Calmez-vous. Oui, je l'avais ouï dire. Bon, tant mieux. Oui, la haine seule est digne d'un grand coeur. Aussi bien que l'amour, la haine a sa douceur : Un fiel bien ménagé coule de veine en veine, Part du coeur, y retourne : on fait filer la haine À longs traits, avec art, comme l'amour enfin, Chez les femmes surtout, où le plaisir malin Prend racine, s'étend (la terre en est si bonne !) Cette maligne haine, outre qu'elle y foisonne, Y dure beaucoup plus que le goût d'un amant. C'est en passant qu'on aime, on hait plus constamment. Le plaisir d'aimer fuit, passe avec la jeunesse, Et celui de haïr croit avec la vieillesse. D'ailleurs d'avoir aimé, femme sage a regret, Mais sans aucun remords la vertueuse hait. Que de gêne en amour ! Précaution, mystère... Il est souvent trompeur ; la haine est plus sincère. Tel vous aime, dit-il ; n'en croyez rien, il ment, Vous dit-on qu'on vous hait ? Croyez-le aveuglément. En aimant, le plaisir c'est d'être aimé de même, Eh ! Qui peut s'assurer d'être aimé quand il aime ? Peu d'amours mutuels, encore moins de constants, Mais qui hait, est plus sûr d'être haï longtemps. Comment ? Qui lui ? J'entends. Je l'ignore ; Mais... Entrons. Mais, ou rentrons, ou sortons. Mais gardez-la du moins jusqu'à tantôt. J'enrage. C'est qu'à Madame un mal de gorge a pris. La luette, la langue, elle a tout entrepris : Venez boire. Elle vous aime. Vous voilà Dans les biens jusqu'au cou. Voyez, épousez-la. Objet de sa rage, Si... Et moi, je perds courage. Ce coup m'abasourdit. M'abat et m'étourdit, Je n'ai plus... La force... D'agir. De penser. Vous. Vous-même. Quoi ? Qui ? Que savoir ? Où, vous noyer. Tout beau, la puissance exigeante Vous manque ici tout net ; vous n'êtes plus mari ; Pour un autre que vous, son coeur s'est attendri. Non, l'avis que je vous donne N'est que trop vrai. Il est aimable. Entre vous le débat, voilà votre rival. Oui. Oui ; mais lui jouer cette pièce, C'est la difficulté. Il est en ville ; donne ; Je la lui rends tantôt, à lui-même, en personne, Il doit venir chez nous, je la lui remettrai. Lettre de normandie. À fond j'éclaircirai D'où vient cette lettre. Mais pensons à ce qui presse. Dorante vient ; Que vois-je ? Où diantre a-t-il pu joindre la Marquise ? Peste de la surprise ! Morbleu, sur notre idée il n'est point prévenu, N'étant instruit de rien, qu'aura-t-il répondu ? Il aura tout gâté. Restez dans ce passage, Du contretemps tâchons de tirer avantage, Quand il sera pressé, je tousserai. Quel plaisir de servir des gens intelligents ! Il faut... Restez : stratagème impromptu ! Vous l'aimerez de plus j'en ai donné ma parole, Oui, vous l'aimez, vous dis-je, il le faut. Vous perdez tout. Équivoquez, et laissez-moi mentir ; En lui parlant, songez à la nièce charmante, Soupirez pour la nièce en parlant à la tante, C'est tout de même, allons, songez qu'un mot ou deux Procure à cette nièce un mariage heureux. Madame, nous parlions de l'heureux mariage... C'est grand dommage Que ce qu'il m'en disait soit éloge perdu, Je voudrais que de loin vous l'eussiez entendu. Il n'ose le redire. La riche veuve croit que l'intérêt inspire Au jeune cavalier tout ce qu'il ne sent pas, Et qu'il lui dit... Je ris de ce double embarras. Je vous vois à tous deux une espèce de honte ; Vous restez-là muets ; la rougeur vous surmonte. Monsieur me disait donc qu'il était tout honteux De vos immenses biens ; car il est généreux. Monsieur rougit voyant votre grande richesse, Et vous, vous rougissez de sa grande jeunesse. Vous rougissez tous deux ; car ainsi que l'honneur, La générosité, madame, a sa pudeur. Jamais vous ne croirez À quel point là-dessus va sa délicatesse. Il faut bien, puisqu'en vous il voit de la beauté, De l'esprit ; votre humeur, surtout, votre gaieté, Votre enjouement d'hier le charma. Je vous ai dit qu'il faut premièrement, Pour le faire parler, lever tous ses scrupules. Même de ridicules : Dans un siècle, où chacun ne se fait une loi D'honneur, de probité, que par rapport à soi, Il craint de supplanter le Chevalier. Il veut du moins, Madame, Ne se point déclarer que vous n'ayez rompu. Pour son autre scrupule, il est très raisonnable, Même le Chevalier comme lui l'avait eu ; Avant que de signer, Madame, il a voulu Voir la famille en paix. Comme en vous épousant il frustre de vos biens Une nièce, il veut voir qu'on lui rende les siens ; Je l'ai dit à Madame, et pour vous satisfaire Elle a fait un bon acte et par-devant notaire. Que vous voilà ravie ? Hem. Ah ! Fuyez promptement. Je vois venir... sauvez-vous. Hem. À présent je respire, Quoi ! Vous ne voyez pas ? Le Chevalier. Dans quel étonnement me jette la Marquise ! Quez me dit-elle là de sa donation ? Épouser Procinville est la condition. Ah ! J'enrage : éclatons, plaignons-nous à son frère. Monsieur, le désespoir... J'en reste immobile ! Ceci m'étonne... j'examine... Ils veulent Procinville en secret tous les deux. Sans doute ce Falaise ici s'est joué d'eux, Il m'observe. Tâchons d'éclaircir ce mystère. Mais à propos la lettre, il se pourrait bien faire Qu'elle fût du marquis. Pour tirer son secret, Feignons qu'il m'a charmé tantôt. Qu'il est bien fait Le Falaise ! Contre un amour naissant ma fierté qui s'obstine, Me gêne. Ma vertu... Du moins en soupirant soulageons notre coeur. Ouf ! Est-ce ainsi que tu viens me surprendre ? Tu guettais ce soupir ! La justesse, l'accord de ces deux soupirs-là, En même temps... Sans doute quelque amour a battu la mesure. Oui, qu'ainsi que nos coeurs, nos esprits de concert S'expliquent. Et moi je m'intéresse Au Marquis, comme à toi. Dis-moi donc franchement... Oui tout. Sois le premier sincère. Quel tour a pris ton maître en trompant soeur et frère ? Oh ! Ma jeune maîtresse est bien plus indiscrète. Elle m'ouvre son coeur. Cela ne se peut, non. Impossibilité. Elle emploie à haïr sa sensibilité. Elle tient de la tante à moitié, tout du frère, Et d'un grand haïsseur qui fut défunt son père. De leur famille on voit peu d'amants, point d'amis : On voit passer la haine au Mans de père en fils, Comme à Paris l'amour passe de mère en fille. Lettre de Normandie. Par aventure... Connaîtrais-tu ? Cette écriture ? Suffit. Parlons d'amour. En un jour Se sentir l'un pour l'autre autant de sympathie. Quand le coeur... L'amour... .......................................... Je vais la rendre au Comte. À tantôt la tendresse. Il voudrait l'avoir, je suis au fait. Oui, la lettre Pourrait bien détromper la tante. Un seul mot de toi, mais nettement... Que sur cette écriture un mot simple s'explique ? T'est-elle inconnue ? Eh ? Non, tout court. Dans le Normand langage Oui, c'est-à-dire, non. Mais je tremble. Cet intrigant maudit, Ce Falaise a tout su, ce Falaise a tout dit. Je le crois ; son amour est un amour tenace. Quand l'amour une fois dans un vieux coeur se place, Comme on l'y laisse en paix, il y reste longtemps. Oh ! Qu'oui. Chimère, elle n'a vu nul homme à son couvent. Ah ! Qu'elle est imprudente ! Tous deux également vous êtes indiscrets, Dès tantôt vos regards ont trahis vos secrets. Ah ! Rien n'échappe aux yeux des mères et des tantes ; L'expérience, hélas, les rend trop pénétrantes. Vous m'allez quereller en mon particulier. Allons, buvez d'intelligence. Honte bue à présent, ma foi, sur l'inconstance. Vous êtes inconstant, madame l'est aussi. En effet il finit vos gênes, vos contraintes. Voilà le bon esprit. Ne se rien reprocher ; Se bien rendre le change au lieu de se fâcher ; Faiblesse pour faiblesse, ayons chacun la nôtre : Passe-moi celle-ci, je te passerai l'autre. Que d'honnêtes maris, que de femmes d'honneur, Sur ces facilités ont fondé leur bonheur. Oui, doit vous supplanter. Sur sa fidélité, madame peut compter ; Monsieur qui le connaît, m'en a fait la peinture : Ce monstre moitié guerre, et moitié procédure, Soi-disant noble, fut maître clerc et bretteur ; À Falaise on l'a vu, marquis et procureur ; Dans la ville du Mans il s'établit ensuite, Là les plus fins Manceaux admiraient sa conduite ; Ce fut là qu'on en vit quelques échantillons : Il achetait sous mains de petits procillons, Qu'il savait élever, nourrir de procédures, Il les empâtait bien, et de ces nourritures Il en tirait de bons et gros procès du Mans. Pour et contre agissant, plaideur à deux envers, En face il vous caresse, et vous bat à revers : Tenez, reconnaissez ici son écriture. Oui, faites la fracture, Je n'ose la faire. En vieux titres aussi sa plume est élégante ; Pour la beauté du style il change un mot, un nom : Signature qui soit tout à fait fausse, non ; Non pas tout à fait vraie aussi, mais signature Vraisemblable... Tant pis. D'accord. J'en tremble. J'attends le Chevalier. Voyons. Prenons-en volontiers ; imaginez-les nous, Réformez nos desseins. Quelle idée avez-vous ? Quel autre expédient ?... Et votre idée à vous ? Et vous ? Et vous ? Voilà de bons avis, et je m'en servirai. Peste soit des amants, et de leurs faibles têtes ! Ils ne savent qu'aimer, l'amour les rend si bêtes ! De leurs tendres soupirs, et de leurs chagrins noirs, De leur joie excessive, et de leurs désespoirs, On ne tirerait pas une once de prudence, De bon conseil. Il va faire un fracas.... Moi, j'ai le coeur transi. C'est un torrent de bile. S'il pouvait l'étouffer. Monsieur, vous êtes bon. Voyons fondre l'orage. Qu'en veut-il faire ? Hélas ! Ha, ha... J'entrevois...Bon, je devine, je crois. La vengeance est heureuse. Punissez, punissez. Mais de peur de surprise, Séparez-vous tous deux. Moins de remerciements, plus de discrétion, Fuyez. Courez chez votre tante, De vous entretenir elle est impatiente. Quel coup pour votre soeur ! Elle mourra de honte. Car elle va rester veuve entre deux amours, Sur le Chevalier même elle aura des retours. On a quelque regret de perdre, quoiqu'on change ; Mais surtout son amour pour Dorante vous venge : Elle croit le tenir, l'amour, qui porte à faux, Est bien piquant. Ah ! S'il avait entendu Que l'amant véritable est Dorante... Lui redonner le change, est tout ce qu'on peut faire. Oui ; sur le Chevalier confirmons son erreur. Pourquoi vous irriter ? Parce que votre soeur Au Chevalier veut bien accorder Angélique, Vous criez, en faisant un serment authentique. Qu'en vain nous espérons de vous ce tendre amant, Que nous ne l'aurons pas. Et moi, je fais serment, oui, j'en jure ma foi, Nous mourrons au Couvent, et votre nièce et moi, Plutôt que d'épouser le sieur de Procinville ; Nous ne quitterons point Paris la bonne ville, Pour épouser au Mans un Marquis à dindons, Et nous ne savons pas engraissez des chapons. Ah ! Que c'est bien l'entendre. Ah ! Fourbe, scélérat, Tu m'adorais tantôt, faux amant, renégat. Me trahir en affaire ! En intrigue, encore passe, Mais en amour ? Hélas ! Je t'ai cru dans la nasse. Nous pouvons à présent dresser nos batteries. Le voilà confirmé dans l'erreur. J'ai tremblé Qu'il n'eût vu qu'à Dorante Angélique a parlé. Vous parlez à merveille, et vous rendez justice. Raccommodons-nous seulement par prudence. Que vous nous épargnez de tourment l'un et l'autre. Je vous quitte aussi. Nous allons donc bien rire. Ma foi tu viens trop tard, et la dot est partie. Je lui tiens lieu de mère. Nous n'avons pu pour vous en faire qu'un neveu. **** *creator_dufresny *book_dufresny_reconciliationnormande *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_reconciliationnormande *dist2_dufresny_verse_comedy *id_FALAISE *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_falaise Monsieur. Pardonnez Si ma figure impose à vos yeux étonnés ; Un postillon en noir surprend Monsieur Pyrante. Falaise, c'est mon nom ; si ma langue éloquente, Si les tours les plus fins du langage normand Réussissaient autant dans un éloge en grand, Qu'en petits plaidoyers, brillants de médisance, Je haranguerais mieux que harangueur de France, Ce Pyrante fameux, ce grand médiateur, Réconciliateur, et pacificateur, Phénix dans le pays des noises, des castilles, Où l'on vous constitue arbitre des familles. J'en ai l'air, je le suis, et j'avouerai de plus Qu'étant nourri, stylé dans la basse chicane, Dans les discours fleuris je perds la tramontane. Oui, je les abrégerai. Je vous l'expliquerai. Mais il faut que Falaise à vous se définisse, Afin d'avoir de vous audience propice. Au Mans, je fus jadis substitut d'un sergent ; Du sieur de Procinville ici je suis agent. Patience. Il viendra demain ; mais je l'égale en science ; Nous avons de jeunesse ensemble plaidaillé, Bataillé, chicané, brétaillé, ferraillé ; Pour cette double guerre il fallait un prélude, Nous nous fîmes tous deux cadets dans une étude : Dans la guerre du sac chacun n'est pas heureux ; Il a gagné cent prix dans des combats douteux. Des scrupules outrés franchissant la barrière, Il me laissa bien loin dans la même carrière ; Et je ne suis enfin, avec tout mon acquis, Au Mans que maître clerc de monsieur le marquis. J'abrège. Mais de mon maître, il faut vous dire le manège. Du couple fraternel il a gagné le coeur, Au frère il écrivait qu'il haïssait la soeur, À la soeur il disait qu'il haïssait le frère. Aussi suis-je chargé de vous bien mettre au fait. Pour les rapatrier, ce manège secret, Comme vous l'allez voir, était très nécessaire, Car, pour vexer la soeur, le très rancunier frère, À mon maître a promis la nièce, et le procès : La soeur, pour chagriner le frère, donne exprès À mon maître sous main le procès et la nièce ; C'est ainsi que tous deux croyant se faire pièce, Seront d'accord. Il venait aujourd'hui, sa chaise s'est brisée, J'ai pris du postillon la haridelle usée, J'arrive à toute jambe ici pour prévenir Monsieur Pyrante. Du secret. Du frère, moi, je vais à la soeur dire rage, Je dirai pis que pendre au frère de la soeur ; Et disant mal des deux je ne suis point menteur, Quoique je sois natif de Falaise. Allons boire, Et me bien rafraîchir, en buvant, la mémoire Des manceaux documents d'un maître très sensé. Pateliner l'arbitre ; eh j'ai bien commencé, Trigauder frère et soeur, épier l'orpheline ; Prendre les souterrains, tournevirer Nérine ; Défiance surtout, ne disant oui, ni non, Manoeuvre plus obscure encore que le jargon. Je viens exprès du Mans enfin pour être traître, Je vais tenir ici la place de mon maître. Le grand homme en intrigue ! On peut dire pourtant Qu'il n'est pas un parfait fripon, mais cependant Il croit en probité les excès ridicules : Les sots veulent, dit-il, mettre un tas de scrupules Entre la probité solide, et l'intérêt ; C'est pour l'homme d'esprit un incommode apprêt ; La probité, d'accord, doit marcher la première, Notre intérêt après, les scrupules derrière. Vous faites pour la nièce un excellent acquêt ; Mon maître est à bon droit Marquis de Procinville, Il est brave guerrier, et plaideur très habile ; Tels étaient ses aïeux, la terreur des humains, À la plume, à l'épée, exploiteurs à deux mains. La noblesse normande ainsi court à la gloire : Exploits guerriers gravés au temple de mémoire ; Exploits enregistrés dans les greffes du Mans. Certain Robert le Roux, général des Normands, Conquérant renommé surtout en procédures, Au sortir des combats faisait ses écritures Lui-même. Allons donc tromper la soeur pour nous, Et pour nous de la nièce enfin rendez-vous maître ; Moi, j'observerai tout sans rien faire connaître ; Pour les espionner je jouerai bien mon jeu. Ah ! Je viens de haïr... Je viens de haïr votre frère, Madame, presque autant que mon maître peut faire ; Je l'ai vu là passer, il m'a regarder noir. Çà, madame, allez-vous délivrer ce pouvoir, Et donner en secret votre nièce à mon maître ? Cette donation est faite ? Qui ? Mon maître ! Le père des procès n'en pourrait faire naître ? Quand j'ai, car moi c'est lui, le moindre échantillon Tenant le bout du fil du moindre procillon, Un quartier de terrain dans toute une province, Je m'accrois, je m'étends, j'anticipe, j'évince, J'envahis, et le tout avec formalité Procédure est chez nous la règle d'équité ; Sur le terrain des sots j'arrondis l'héritage Par droit de bienséance, et droit de voisinage. En gagnant par justice, on, a rarement tort ; Mais supposé qu'on l'eût, tout est sujet au sort, Il est juste qu'on gagne une mauvaise cause, Puisqu'à perdre la bonne en plaidant on s'expose. Car enfin après tout, qui sait en certain cas Si la terre d'autrui ne m'appartiendra pas, Par quelque nullité, vice de procédure ? Pour être à mon profit dans une affaire obscure, Un juge bien payé verra plus clair que moi. Se réconcilier, veut dire en Normandie, Se le donner plus beau pour vexer l'ennemi. À l'arbitre allez donc livrer... Vous ne la fuyez, vous, que par bonté de coeur, Parce que vous verriez sa haine avec douleur. Mais elle ! Oh ! Elle hait votre propre personne. Bon. Paix pour le décorum, car lorsque vous la faites, Retentons souterrains, et chicanes secrètes... Il le faut pour son bien, dites-vous. Tant de plaideurs dévots disent : Fasse le ciel Qu'un arrêt foudroyant rende un tel raisonnable. En conscience on peut plaider à l'amiable. Je crains quelque surprise. Au seul nom de mon maître un noir chagrin lui prend. Tantôt avec la nièce un jeune homme galant... Pour tirer ce secret j'ai feint d'aimer Nérine, Feignons encor. Qu'elle est charmante La Nérine ! Mon amour... Mon ardeur... Ouf. Tu viens donc de m'entendre ? Tu me prends sur le fait ; car qui te croyait-là ? C'est comme un Duo par nature. Comme amant, parlons-nous tous deux à coeur ouvert. L'intérêt de ta jeune maîtresse M'est cher comme le tien. Oui, tout ce que je sais. Et toi sincèrement Tu me diras... Oh ! De ces tours jamais mon maître ne m'instruit ; Tous ses projets pour moi sont une obscure nuit ; Car j'y marche à tâtons, je sers à l'aveuglette. Elle te dit donc tout ? Qu'y vois-tu ? Parle net. Je te jure d'honneur Que de l'épouser, moi, j'empêcherais mon maître, Supposé qu'elle aimât quelqu'un. Cela peut être. Hon ! La nièce, je crois, tient peu de sa famille. Ah ciel ! Entre ses mains La lettre de mon maître au comte. Ah ! Que je crains ! Saurait-elle qu'elle est de lui ? Eh bien ? Voyons. Je ne la connais point. Lettre de Normandie, as-tu dit ? Je connais un facteur ici de Normandie. Je saurai... donne-moi la lettre. Des plaideurs me diront... Hon ! J'ai bien peur. À tantôt. Elle ment en disant que cette nièce hait, Elle aime ce jeune homme. Allons voir. Je vais mettre Tout en oeuvre Un de toi, mais naïf, dis-moi tout uniment... Oui, tout court. Angélique A-t-elle un amant ? Eh ? Tout court. Bon. Langage de soubrette en cas d'amour un non Bien souvent veut dire, oui. Ah ! J'enrage. Voilà donc ce rival maudit ? Et par malheur Il me paraît qu'il a pour lui gagné la soeur. Je vais à vous, monsieur. Pardonnez ; car, monsieur, c'est mon maître, Ce n'est pas moi qui veux épouser. J'ai peur, Tremblez aussi ; mon maître a pour lui le tuteur ; La soeur n'est pas battante à livrer Angélique ? C'est acquisition fausse, et non juridique. Une nièce, monsieur, ne peut s'aliéner ; C'est comme un propre. Enfin on va vous chicaner. Mon maître sait ravoir son bien en bonne guerre, Il sait bien par retrait rentrer dans une terre ; Oui, vous l'épousez mal, mon maître y rentrera. Pour me les rendre après je vous fais assigner. Pour l'oncle ils ne pourront morbleu pas le gagner ; Quand il saura l'amour, il les va tous confondre. Il faut l'attendre ici. De moi je puis répondre. Je gagne trop d'argent à servir un fripon, Pour n'être pas fidèle, et ne pas tenir bon. Pour mon maître je vais jouer à quitte ou double ; Pour ce maudit rival, la Nérine nous trouble : Je croyais la charmer, cet homme apparemment Plus libéral encor que je ne suis charmant, La paye bien, le reste est pure bagatelle ; Moi, lui faisant l'amour, qu'aurais-je tiré d'elle ? La faveur d'un coup d'oeil, ou d'un air minaudier ? Bon ! J'aime mieux avoir la faveur d'un greffier. Mais le Comte paraît. Laissons-là la morale, Et tâchons d'animer sa vengeance brutale. C'est qu'il connaît la soeur. Ah ! Qu'il a bien raison ; On vous trahit. Et la tante à la nièce Donne un amant secret. Et c'est le Chevalier. J'ai vu, vu de mes yeux. Tout de son mieux. De ce complot secret j'ai fait la découverte ; Sonnons la charge, allons, procédons, guerre ouverte. De sa conquête enfin l'amant sera sevré ; Nous allons replaider et de tierce et de quarte. En procès, comme au jeu, plus on mêle la carte, Et plus le gain devient légitime, loyal. Accorder un procès, est-il un plus grand mal ? C'est proprement frauder les droits de la justice, La voler. Ha, ha, ha, je triomphe. Ta colère me fait respirer plus à l'aise, Nous avons l'esprit fort nous autres à Falaise ; Invectives, gros mots, injures, maudissons, Ce n'est que menu grain, nous nous en engraissons. Je t'aimais tantôt, mais tout change avec le temps ; Amants Falaisiens ne sont pas si constants. Mon amour reviendra peut-être, mon coeur vole, Va, vient, reva, revient, tout comme ma parole. Car d'objet en objet, souvent du blanc au noir Je me promène moi du matin jusqu'au soir. Du non au oui, oui, non, ce sont mes galeries. Non, Je veux tout rompre, moi, je n'entends point raison. Non morbleu. Non, je criaille, Pour les mieux exciter à se donner bataille. Eh non, madame, non, ce n'est pas vous qu'il aime, Car je viens en guettant être témoin moi-même ! De l'amour pour la nièce, il lui disait des mots... Enfin heureusement je viens tout à propos, Ne leur délivrez rien, vous êtes bien nantie. Ah ! Mon maître pour vous va mettre tout en feu, Mettre en combustion leurs biens de Normandie ; Mon maître à ses voisins pire qu'un incendie ; Va venger en plaidant votre amour méprisé. Brûlez d'un plus beau feu ; que ce coeur embrasé D'amour, soit possédé d'un amour de chicane ; Il faut pour triompher d'eux tous notre organe. Épouser le Marquis de Procinville... ou moi.