**** *creator_dumaniant *book_dumaniant_dragondethionville *style_prose *genre_fait historique *dist1_dumaniant_prose_fait historique_dragondethionville *dist2_dumaniant_prose_fait historique *id_DUSINCERE *date_1786 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dusincere Bonjour, monsieur le Chevalier. Je descends de chez mon colonel. Il m'a parlé beaucoup de vous. Il est Fâché que, logeant dans le même corps de logis, vous ne vous soyez pas présenté chez lui. Vous ne connaissez pas mon colonel. Ce n'est point un de ces étourdis du jour, qui ne viennent dans leur garnison que pour y afficher un vain luxe. C'est un brave officier qui fait aimer le service par sa douceur, et qui, par son exemple, engage tout le monde à être exact à son devoir. Il respecte surtout les vieux militaires, et sachant qui vous êtes, je suis persuadé qu'il sera le premier à vous prévenir. Ah ! Monsieur le Chevalier, vous ne vous occupez que de moi, quand vous ne devriez songer qu'à vous. Toutes nos conversations roulent sur le même sujet. Ah ! Monsieur le Chevalier, que ne vous dois-je pas pour la bonté que vous avez de me recevoir chez vous ! Ce sont vos sages leçons qui forment mon cour, qui m'instruisent des vrais devoirs d'un militaire. Vous m'avez appris à connaître ce que c'est que la bravoure ; vous m'avez appris à estimer mon état ; vous m'avez rendu fier du simple titre de Dragon ; enfin vous m'avez rendu homme, soldat et citoyen, et si je jouis de quelque estime parmi mes camarades, je la dois au titre de votre ami. Tout le monde ne pense pas ainsi, monsieur le Chevalier, je connais des cours droits qui se sont un devoir d'aimer les vieillards, de les chercher, de leur épargner des peines ; mais il n'y a pas de mérite à cela, il ne faut que n'être pas méchant. Dieu imprime sur le front des vieillards un caractère sacré qui nous force au respect. Plus ils sont faibles, plus nos secours leur sont nécessaires, et plus nous devons les leur prodiguer. Ah ! cela n'a pas besoin d'être recommandé, la nature nous l'indique et le plaisir de les soulager est une si douce récompense, il remplit l'âme d'émotions si délicieuses, qu'on leur doit encore de la reconnaissance, quand ils acceptent nos services. Jamais, monsieur le Chevalier, jamais. Non. Mon colonel a fait ce matin tout ce qu'il a pu pour m'y déterminer ; mais j'ai chez moi un père à qui je puis être utile, et une maîtresse à qui j'ai promis de revenir. Que je les préfère, et que j'abandonne mon digne, mon respectable ami ? Que je vous abandonne, vous, à qui je dois des sentiments qui m'honorent ! Vous, qui m'avez rendu ce que je suis ! Tenez, voilà mon projet : dès que mon congé sera expiré, je viendrai vous trouver un matin : je vous dirai, je sais libre, monsieur le Chevalier, je retourne auprès de mon père et de ma Louise que j'aime bien. Partez avec moi, rien ne vous retient ici, vous n'avez plus ni parents, ni ami, vous pouvez toucher votre pension partout. Venez trouver une nouvelle famille à qui vous serez bien cher, et au lieu d'un cour qui vous aime, vous en aurez alors trois qui seront uniquement occupés de votre bonheur. Vous pleurez ? Il est mon père... Un bon père. Il n'est pas riche, mais malgré sa modicité, il a encore le bonheur de rendre des services à des amis moins fortuné que lui. Mon père vous aimera, vous l'aimerez aussi, vous pensez l'un comme l'autre ; et quant à ma Louise je connais son cour, il me semble la voir vous caresser, vous appeler son père, vous rendre ces soins touchanTs à qui la main de l'innocence donne un prix plus doux encore. Comme nous serons heureux, monsieur le chevalier ! Ah ! Si le bonheur existe sur la terre, ma maison en deviendra le temple. Vous, monsieur le Chevalier. Ah ! Monsieur le Chevalier, quel tableau ! Et il existe des cours aussi bas ? Pas de verbiages. Au fait. Que voulez-vous ? De l'argent ? Monsieur le Chevalier n'en a pas à vous donner dans ce moment-ci. Monsieur le Chevalier vous dit qu'il vous paiera dans un mois ; ce terme est assez prochain et la parole de monsieur doit suffire. Vous oser insister ? En prison ! Vous oseriez ?..... Arrêtez. Si l'un de vous est assez osé pour mettre la main sur ce brave militaire, il paiera cette témérité de sa vie. Que faire ? Si mon Colonel... Monsieur, ne pouvez-vous pas m'accorder quelques instants ? Barbare ! Il ne vous reste donc aucun sentiment de pitié ? Accordez-nous quelques instants. Le dépouiller ! L'entraîner en prison ! Et je le souffrirais ? Non. Montons chez mon Colonel. Il m'a proposé ce matin de me rengager... On descend de son appartement. C'est lui... Comment lui dire ?.... Taisons-lui du moins la cause de ma demande. Mon Colonel ? Je montais chez vous, mon Colonel. Je viens vous demander une grâce. Mon Colonel, mon cour ne me reproche rien, et je ne me présenterais pas devant vous si j'étais coupable d'une bassesse. Pardonnez-moi, je suis tranquille. Vous m'avez proposé ce matin de me rengager, j'ai refusé... J'ai fait mes réflexions... Et je vous supplie de vouloir bien me passer mon engagement tout de suite. Non, mon Colonel, je suis sûr de son cour, elle m'aime toujours ; ma Louise ne peut changer. Je le sais. Y renoncer ? Jamais, jamais. Plutôt mourir. Ce n'est point un caprice. Accordez-moi ce que je vous demande. Demain, mon Colonel, demain il serait trop tard. Non, mon Colonel, elle ne l'est pas. Je sais ce que je fais, et jamais, non, jamais je n'aurai le moindre remords de cette action. Bien loin de-là, je vous bénirai tous les jours de ma vie de m'avoir accordé la faveur la plus précieuse que je puisse obtenir de vous. J'ai une autre grâce, non moins essentielle à obtenir de vous. C'est de vouloir porter à quatre cent livres le prix de mon engagement. Vous m'accablez. Ah ! Mon Colonel, vous me percez le cour par ces paroles cruelles. Moi ! Vendre mon service ! Moi céder à un peu plus d'argent ! M'a-t-on connu au régiment pour une âme ville et intéressée. Ah ! Si vous saviez... L'honneur m'impose la loi de me taire. Arrêtez, mon Colonel ; j'embrasse vos genoux. Je vous conjure par tout ce que vous avez de plus cher au monde de ne point fermer votre oreille à ma prière. Votre refus serait la mort pour moi. Accordez-moi cet argent que je vous demande avec les larmes du désespoir. Cédez à ma supplication. Je suis prêt à signer un engagement pour le reste de ma vie, et si le zèle, la conduite, l'attachement à ses devoirs sont les bons soldats, jamais, jamais vous n'aurez à vous repentir de m'avoir exaucé. Mon Colonel, vous me rendez la vie. Hâtons-nous, tous les momens sont précieux. ILS ne sont pas sortis encore. Ah ! Que je suis heureux ! Quel beau jour ! Je serai digne de mon ami. Ciel ! Que vois-je. Perfides. Scélérats ! Si je n'écoutais que ma juste fureur, vous seriez déjà punis de votre insolence. C'est ainsi, barbares, qu'à l'abri de la loi, vous vous livrez à toute votre inhumanité. Dès que le malheureux devient votre proie, vous oubliez qu'il est homme, et vous vous vengez sur lui du juste mépris que votre profession inspire. Est-ce ainsi que l'on vous prescrit d'exécuter les ordres dont vous êtes chargés ? Des actes de justice deviennent dans vos mains des actes de rigueur, et votre lâcheté éclate avec d'autant plus d'horreur, que vous vous faites un jeu d'accabler l'innocent et le faible d'outrages qu'il ne vous serait pas même permis de faire essuyer aux derniers scélérats. Voilà ton argent. Sors, sors, te dis-je. Il me serait impossible de résister plus longtemps aux mouvements d'indignation que ta présence m'inspire. Mon père ! Ah ! Dieux ! J'en tremble encore de colère. Les inhumains ? Ni votre rang, ni votre âge : rien ne pouvait leur en imposer. Vous êtes libre. N'en ayez aucun. Je vous l'expliquerai dans un autre temps. Ne troublez point la douce joie qui remplit tout mon cour. Je n'ai jamais mieux dans ce moment combien l'amitié est un sentiment délicieux. Le plaisir que j'éprouve est au-dessus de toutes les jouissances de l'amour et de la fortune. Qu'avez-vous fait, mon Colonel ? Non, mon Colonel, vous m'en enlèveriez le prix. En continuant de m'aimer, en ne me parlant jamais d'une action si simple et si naturelle, qu'elle ne mérite pas vos éloges. Eh ! N'ai-je pas été trop récompensé par le plaisir qu'elle m'a procuré. Mon Colonel ! **** *creator_dumaniant *book_dumaniant_dragondethionville *style_prose *genre_fait historique *dist1_dumaniant_prose_fait historique_dragondethionville *dist2_dumaniant_prose_fait historique *id_LECOLONEL *date_1786 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lecolonel Te voilà encore ? Tu as l'air bien troublé. As-tu commis quelque étourderie ? Sois tranquille. On excuse une première faute, et l'habitude d'une bonne conduite fait que tu l'exagères peut-être à toi-même. Il y a loin d'une bassesse à une étourderie. Mais qui peut te mettre dans l'état ou je te vous ? Il se passe en toi quelque chose qui n'est pas naturel, ton front n'a pas sa sérénité ordinaire. Tu me le dis d'un ton à me persuader le contraire. Que me veux-tu enfin ? Tu as sans doute reçu de mauvaises nouvelles de ton pays, et ta Louise t'est sans doute infidèle ? C'est à cause d'elle cependant que tu as refusé de signer ce matin. Tu ne peux l'épouser, si tu reste au régiment ; tu sais bien qu'on ne souffre pas que les soldats se marient. Et tu renonces à elle. Quel est donc ce caprice ? Reviens demain matin. Si tu es dans les mêmes dispositions, je serai enchanté de conserver au corps un aussi bon sujet que toi. Je ne veux point abuser d'un moment où ta tête paraît troublée. Hé bien ! Monte chez moi. Je vais te faire passer ton engagement et t'en faire compter le prix. Et laquelle ? J'ai cru que l'honneur seul te guidait. Un brave soldat ne met pas de prix à son service. C'est un peu plus d'argent qui te détermine. Je perds dès ce moment toute la bonne opinion que j'avais de toi. Parles, as-tu contracté quelques dettes ? Je suis fort mécontent de ce silence, et je ne puis t'accorder ce que tu exiges. Dusincère l'arrête et se jette à ses genoux. Il y a là-dessous quelque chose d'extraordinaire. Lève-toi, je vais te donner ce que tu demandes. Je respecte ton secret. Suis-moi je vais te satisfaire. Au prix de la sienne. Brave jeune homme ! Et j'avais pu le soupçonner d'inconduite ou de légèreté ! J'ai pensé cependant qu'un cour tel que le sien ne pouvait jamais se dégrader. Je l'ai suivi, j'ai été témoin de son dévouement, de sa générosité. Incapable de se démentir, il aurait enseveli cette action dans le silence. Le ciel a voulu que j'en fusse le témoin et je la récompenserai. Vous avez fait votre devoir, et je ferai le mien. Je vous fais dès cet instant, maréchal-des-logis, et je vous donne en même temps la permission d'épouser cette Louise que vous abandonniez pourtant pour sauver votre ami. Quant à votre engagement, il est annulé dès cet instant. Le service d'un homme tel que vous, doit être toujours libre. Vous resterez au corps tant que vous vous y plairez, je souhaite que vous l'honoriez en y restant longtemps attaché ; et croyez que votre colonel n'oubliera jamais de vous donner des preuves de son estime et de son amitié. Monsieur le Chevalier, souffrez aussi que je sois votre ami. J'emploierai mon crédit à vous venger de vos persécuteurs, et croyez que le tableaux de vos infortunes, mis sous les yeux d'un gouvernement équitable, vous fera obtenir la justice qui vous est due. Point de remerciements. Quoique vous puissiez jamais me devoir. Voilà, voilà votre vrai bienfaiteur. Un trait si beau ne restera pas dans l'oubli. On ne saurait trop publier les belles actions. Leur récit console les bons, corrige quelquefois les méchants, et fait aimer la vertu à tout le monde.