**** *creator_favart *book_favart_anglaisdebordeaux *style_verse *genre_comedy *dist1_favart_verse_comedy_anglaisdebordeaux *dist2_favart_verse_comedy *id_DARMANT *date_1763 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_darmant Ma sour, je suis piqué ; mais piqué jusqu'au vif ; L'amitié du Milord me serait précieuse : En tout, pour la gagner, on me voit attentif ; Mais sa fierté superbe et dédaigneuse Rejette mes secours, s'indigne de mes soins, Il aime mieux s'exposer aux besoins, Rendre sa fille malheureuse : Il croit son honneur avili, S'il accepte un bienfait des mains d'un ennemi. Épargnez-moi, ma sour, Et ne déchirez point le voile de mon cour. Si l'on me soupçonnait — il est vrai, je l'adore. Je veux me le cacher, je veux qu'elle l'ignore : L'amour dégraderoit la générosité. L'humanité. J'ai plongé dans la peine une noble famille. Qu'une guerre fatale entraîne de regrets ! Brumton part de Dublin pour Londres, avec sa fille ; Il embarque avec lui ses plus riches effets. La Frégate que je commande, croisant sur les côtes d'Irlande, Rencontre son vaisseau, l'atteint et le combat. Brumton, qu'aucun danger n'alarme, Soutient notre abordage et montre avec éclat L'activité d'un chef, et l'ardeur d'un soldat ; Il fond sur moi, me blesse et ma main le désarme ; Il veut braver la mort, je prends soin de ses jours. À l'Ennemi vaincu, l'honneur doit des secours. Enfin, nous avons l'avantage, Son vaisseau coule à fond, et l'on n'a que le temps De sauver sur mon bord les gens de l'équipage. Je reviens à Bordeaux, où mes soins vigilants De ces infortunés soulagent la misère ; Mais Brumton se refuse à mes empressements. Tout au plus. Mes soins sont superflus : Ses principes outrés d'honneur patriotique, Sa façon de penser qu'il croit Philosophique, Sa haine contre les François, Tout met une barrière entre nous pour jamais. Plaisantez-vous ? J'ai déjà commencé ; mais n'en parlez jamais ; D'un bienfait divulgué, l'amour-propre s'offense, Le valet Robinson est dans mes intérêts ; Par l'on moyen, son Maître a touché quelques sommes Sous le nom supposé d'un patriote Anglais. J'aperçois Robinson ; viens-ça. Paix ! Je t'ai défendu... Prends donc et te tais. Et Clarice ? Que pense-t-il de la lettre de change ? Elle est bonne effet ; c'est de l'argent comptant. Vas donc chez mon banquier ; mais que chacun ignore... Clarice à Sudmer ? C'en est assez, va-t'en. Quel coup fatal ! Raffermissez mon âme ; Je crains de me trahir, et je dois résister. Je suis impétueux, je me laisse emporter ; Et vous sentez trop bien qu'il faut cacher ma flamme. Qui s'éleve est un fat. Souffrez que je m'en passe. Tout ce que je demande est un profond secret. Oui, faites-m'en la grâce. Tout espoir m'est ravi. Ô Ciel ! Que faut-il faire ? Parlez. Ma sour, courez au clavecin. Restez, belle Clarice ; ah ! Que vous m'êtes chère ! Oui, vous, par l'attachement Que vous montrez pour un si digne père. Je l'estime, je le révère. Assurément ; Mais toujours à mes vœux le verrai-je contraire ? Ah ! L'amour... L'amour-propre blessé Devrait gémir dans mon cour offensé, Des efforts impuissants que j'ai faits pour lui plaire. Je ne m'observe pas. Quelque mystère ? Nullement ; Mais je sais que Mylord me hait et me déteste. Vous partagez ce cruel sentiment ? Oui, la vertu ; vous l'inspirez ; Et votre père aussi : c'est vous qui la parez ; Vous la représentez affable et circonspecte ; Elle a pris tous vos traits afin qu'on la respecte, J'ai, pour servir l'État, recherché de l'emploi ; Avec ardeur j'ai désiré la guerre ; Vos malheurs l'ont rendue un vrai fléau pour moi ; Et c'est depuis que je vous vois, Que la paix me paraît le bonheur de la Terre. Justement ; du Mylord voilà les préjuges ; Vous n'imaginez pas combien vous m'affligez. Votre air de dédain m'humilie Plus que l'excès d'un vrai courroux. Quoi ! vous m'excepteriez ? Mais, de ma bonne foi, qui vous ferait douter ? Peut-on n'être pas vrai, lorsque l'on vous regarde ? Non, non Encore un seul instant demeurez, je vous prie. Eh ! bien, Clarice, je promets Que je ne vous dirai jamais Ces vérités qui vous déplaisent. Il faut, à votre égard, que les désirs se taisent. Vous leur imposez trop, et mon dessein n'est point. Vous avez bien raison, oui ; mais daignez m'entendre : L'estime peut unir des esprits opposés. Aussi n'en ai-je pas. Je dirai cependant Que le cour n'admet point un pays différent. C'est la diversité des mœurs, des caractères, Qui fit imaginer chaque gouvernement ; Les lois sont des freins salutaires Qu'il faut varier prudemment, Suivant chaque climat, chaque tempérament. Ce sont des règles nécessaires, Pour que l'on puisse adopter librement Des vertus même involontaires ; Mais ce qui tient au sentiment, N'a dans tous les pays qu'une loi, qu'un langage. Tous les hommes également S'accordent pour en faire usage. Français, Anglais, Espagnol, Allemand Vont au devant du noud que le cour leur dénote : Ils sont tous confondus par ce lien charmant, Et quand on est sensible, on est compatriote. Malheur à ceux qui pensent autrement. Une âme sèche, une âme dure Devrait rentrer dans le néant ; C'est aller contre l'ordre. Un être indifférent Est une erreur de la Nature. Ah ! Clarice ! Moi ! j'ai trop de respect, je n'ai rien à prétendre. Ô ciel ! J'en ai trop dit. Ma présence Pourrait l'importuner, et je dois l'éviter. Je craindrais d'impatienter Un sage, dont je veux gagner la confiance. Mylord, je vous annonce une heureuse nouvelle. C'est votre intérêt seul. Nous allons renvoyer des prisonniers Anglais Pour pareil nombre de Français ; Je vous ai fait, Mylord, comprendre dans l'échange ; J'ai tant sollicité. Je cherche à vous servir. Quoi ! Mon empressement... Quoi ! Toujours dans l'extrême. Vous ne prêtez à tout que de sombres couleurs ! Me voilà plus tranquille. Avec regret je l'aurois vû partir. Ma maison est à vous. Pourquoi chercher un autre asile ? Qui pourrait ici vous troubler ? A-t-on manqué d'égards ?... Vous ne me rendez pas justice. Aurait-il soupçonné mon amour pour Clarice ? Quelque nouveau sujet excite votre aigreur ? Ah ! Je sais ce que c'est ; vous avez vu ma sour, Ses airs évaporés et sa tête légère... Oui, je conçois qu'elle a pu vous déplaire. Oui, mais son caractère... Non ; poliment... Sachez que son système Est de vous consoler, de vous rendre à vous-même. Si je ne l'arrêtais, Monsieur, journellement Vous seriez obsédé. Non, je lui vais défendre expressément De vous revoir. Je cours pour l'avertir. Mais je dois réprimer, l'indiscrète chaleur... Je n'ai qu'un mot, après quoi je vous laisse. J'aurais été jaloux d'avoir votre amitié : Mais je n'espère plus que votre haine cesse : Du moins un peu d'estime, et je suis trop payé. Imitez donc votre patrie ; Et des préventions dont votre âme est nourrie, Connaissez enfin les erreurs. Nous allons voir cesser les fléaux de la guerre. La paix doit réunir la France et l'Angleterre, Et nous allons bientôt jouir de ses douceurs. Sudmer ! Ah ! Quel événement ! Monsieur, je n'ai jamais eu l'honneur de vous voir. Mais je n'ai point d'idée... Point du tout. Mais je dois par prudence... Mais vous vous méprenez, Monsieur. Ah ! Je vois à peu près ce que vous voulez dire. Jugez la Nation avec plus d'équité. Comme Français, mon premier apanage Consiste dans l'humanité. Mes ennemis sont-ils dans la prospérité : Je les combats avec courage. Tombent-ils dans l'adversité : Ils sont hommes, je les soulage. Quoi ? Moi, je partage votre sort. Je respecte les nouds dont vous serez unis. Ma fille, de ce mariage, Sans doute, sentira le prix ; Je vais, sans tarder d'avantage, La préparer, en des instants si doux, Sur l'honneur qu'elle aura de s'unir avec vous. Monsieur, sur ce sujet ne m'interrogez point. Monsieur, quoi qu'il en soit, vous n'ayez rien à craindre. Clarice est adorable, et je pourrais l'aimer, Sans que vous eussiez à vous plaindre. Tâchons encor de me calmer. C'en est assez. Adieu, Monsieur. Jouissez de votre bonheur, Et de mes sentiments n'ayez aucun ombrage. On peut aimer Clarice, on peut s'en faire honneur : Je ne vous dis rien davantage. Ah ! Mylord, je vous suis attaché pour jamais. Daignez me regarder comme de la famille. Ô Ciel ! Ma sour. Ah ! Monsieur, en cet heureux instant, Que j'ai de grâces à vous rendre ! Je suis de l'Univers l'homme le plus content. Ma sour, en même-temps, devrait Consentir à vous être unie ; Ce double hymen ne laisserait Aucun soupçon d'antipathie. **** *creator_favart *book_favart_anglaisdebordeaux *style_verse *genre_comedy *dist1_favart_verse_comedy_anglaisdebordeaux *dist2_favart_verse_comedy *id_CLARICE *date_1763 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_clarice Madame, j'ai recours à vous. Mon père s'abandonne à la mélancolie. Tout lui déplaît, l'inquiète, l'ennuie. Hélas ! rendez son sort plus doux. Je n'en sais rien ; mais cependant j'espère. Tantôt plongé dans un chagrin mortel, Il vous entend de la salle voisine, Jouer au clavecin un concerto d'Haendel, Et je vois éclaircir l'humeur qui le domine : Il écoute, il admire, et vos savants accords Sont comme autant de traits de flamme. Notre Musique anglaise excite ses transports : Pour la première fois, je vois ici, Madame, Le plaisir dans ses yeux et le jour dans son âme. Moi Monsieur ? Il le mérite. Vos vœux ? je ne vois pas que ce soit son affaire. Quoi, Monsieur ? Votre dépit s'exprime vivement. Est-il quelque mystère ? La haine ! ah ! c'est, je crois, le plus cruel tourment ; Et mon cour n'est point fait pour cet état funeste. Je devrais fuir l'amour également. Monsieur, croyez-vous que j'approuve Ces injustes préventions Qui divisent nos nations ? J'honore la vertu partout où je la trouve. Je n'ai garde d'ajouter foi À des paroles si flatteuses, C'est votre style à tous. Votre première loi Est de nous prodiguer des louanges trompeuses. L'art dangereux de la séduction Est le trait principal qui vous caractérise ; Cet art que chez nous on méprise, Fait partie, en ces lieux, de l'éducation : Et cette fausseté que l'agrément déguise... En critiquant votre patrie, Je voudrais que le trait ne portât point sur vous. Non vraiment, je n'ai garde ; Je voudrais seulement pouvoir vous excepter. Ah ! vous reprenez le jargon ! De ce moment je vous laisse. J'y consens ; mais surtout aucune flatterie. Ah ! Monsieur, je vous rends justice sur ce point. Oui ; mais quand deux pays sont aussi divisés, Il ne faut pas de sentiment plus tendre. Il est bien vrai Monsieur... Il suffit. Que voulez-vous prouver ? Que voulez-vous entendre ? Me serais-je trahie ? Mais je crois que j'entends mon père. Qu'avez-vous donc encor, mon père ? Les François sont gais par usage : De votre sombre humeur écartez le nuage. Vous pouvez l'être aussi. Toujours seul ! Et pourquoi... Monsieur. Mais, Monsieur, je l'espère. Les volontés du Mylord sont des lois. La générosité de votre caractère, Vos nobles procédés font honneur à son choix ; Et les vertus, sur mon cour, ont des droits Préférables à l'amour même. Lorsque de la raison on écoute la voix, On estime du moins en attendant qu'on aime. En tous cas, je saurais commander à mon cour. Si ma main doit payer ces généreux secours. Assurément, je l'ai déjà pensé. Je dois vous obéir. Oui mon père, il est vrai. M'en croyez-vous capable ? Je ne sais point trahir la vérité, Et qui dissimule est coupable. Je n'ai rien dans mon cour que je doive cacher Aux yeux indulgents de mon père. Est-il quelque secret, est-il quelque mystère Que dans son sein je ne puisse épancher ? Non, je veux me soumettre a votre volonté : En Angleterre un cour n'est point esclave ; Le pouvoir paternel est chez nous limité. Mais ne soupçonnez pas que jamais je le brave. Périsse cette liberté qui des parents détruit l'autorité. Ah ! Je le sens, un père est toujours père. Sur des enfants bien nés il conserve ses droits. Quand le devoir en nous grave son caractère, Rien ne peut effacer cette empreinte si chère. En vain la liberté veut élever sa voix, Et dans nos cours exciter le murmure ; La loi nous émancipe, et jamais la Nature. Non, mon père, mais... J'épouserai Sudmer, si c'est votre avantage. Il aura donc ma foi. Mais un autre a mon cour. J'en aurai le courage. Malgré moi mon cour s'est soumis. Les vertus d'un Français... Il ne l'est point ; c'est Darmant, c'est lui-même. Arrêtez. Vos soupçons seraient trop offensants. Rien ne m'a jusqu'ici fait connaître qu'il m'aime : L'estime, le respect sont les seuls sentiments Qu'il ait osé faire paraître. Rien aussi de ma part n'a pu faire connaître Le trouble secret de mes sens. Darmant ! Non, je vous jure, et je suis interdite. Ce spectacle est charmant, j'en serais attendrie. Ah ! Mon père. **** *creator_favart *book_favart_anglaisdebordeaux *style_verse *genre_comedy *dist1_favart_verse_comedy_anglaisdebordeaux *dist2_favart_verse_comedy *id_SUDMER *date_1763 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_sudmer Vive, vive, Mylord ! Ah ! Quel heureux moment ! Je vous retrouve et ma joie est si grande.... C'est moi, certainement. Mais c'est vous-même aussi, je pense. C'est vous, voilà vos traits ; je rends grâce au hasard. Cher Mylord, attendez. Le premier des devoirs est la reconnaissance. Le sort en cet instant a rempli mon espoir. Je suis assez heureux, moi, pour vous reconnaître. Aucune ? Je ne me trompe point ; et j'y crois encore être. Ne vous en allez pas. Vous n'êtes pas de trop, cédez à mon instance, Et songez que mes sentiments... C'est un homme des plus charmants, C'est un homme d'espèce unique. Qu'entendez-vous ? Je ne vois point à quoi cela s'applique. Remettez-vous aussi mes traits ; Rappelez-vous que je vous dois la vie. Vous changeâtes pour moi la fortune ennemie. Voilà le livre où sont écrits tous les bienfaits. Vous êtes mon ami, du moins je suis le vôtre ; C'est par vos procédés que vous m'avez lié. Je m'en souviens, vous l'avez oublié : Nous faisons notre charge en cela l'un et l'autre. Moi, point de tout ; moi, jamais me méprendre Quand la reconnoissance en moi se fait entendre Et m'offre mon libérateur. Le sentiment me donne des lumières Pour reconnaître un bienfaiteur, Les yeux ne sont point nécessaires : Je suis toujours averti par mon cour. Je vais vous en instruire. Nous devons publier les belles actions ; Je montais un vaisseau de trente-huit canons, Je fus, prés d'une côte, accueilli d'un orage, Terrible, violent beaucoup : J'étais prêt à faire naufrage, Et les Français avaient de quoi faire un beau coup. Aussi, Monsieur, en homme sage, Lorsque les vents furent calmés, En tira-t-il un très grand avantage ; Et nous voyant démâtés désarmés, « Je pourrais, me dit-il, prendre votre équipage ; Mais, pour en profiter, je suis trop généreux ; On n'est plus ennemi lorsqu'on est malheureux. » Bref, il me soulagea, m'obligea de sa bourse, Me rendit mes effets avec la liberté : Les bienfaits, de son cour, coulaient comme une source. Peut-on trop admirer sa générosité ? Eh ! c'est ainsi qu'on pense avec un cour loyal. Je ne décide point entre Rome et Carthage : Soyons humains ; voilà le principal. Je suis plus ; je suis homme. Qu'avez-vous contre lui ? Cette froideur m'assomme : Esclave né d'un goût national, Vous êtes toujours partial. N'admettez plus des maximes contraires ; Et, comme moi, voyez d'un œil égal Tous les hommes qui sont vos frères. J'ai détesté toujours un préjugé fatal. Quoi ! Parce qu'on habite un autre coin de terre, Il faut se déchirer, et se faire la guerre ! Tendons tous au bien général. Crois-moi, Mylord, j'ai parcouru le Monde. Je ne connais sur la machine ronde Rien que deux peuples différents ; Savoir, les hommes bons et les hommes méchants. Je trouve partout ma patrie Où je trouve d'honnêtes gens ; En Cochinchine, en Barbarie, Chez les sauvages même : allons, soyons unis ; Embrassons-nous comme trois bons amis. Vous serez de ma noce, au moins ? Je l'exige. Je vais me marier avec un vrai prodige, Fille aimable, dit-on, et qui me plaira fort : Je m'apprête à l'aimer. Quoi ! cela vous afflige ? Point de partage, je vous prie, Surtout si la fille est jolie. Vous connaissez l'objet qu'on me destine ? Hein ? Mais, mon cher Français, qu'est-ce qui vous chagrine ? Morbleu ! Seriez vous mon rival ? Comment ? Cela m'est bien égal ; Mais je veux savoir tout à l'heure... Ma future chez vous demeure, Et je veux m'éclaircir d'un point. Cependant je remarque un trouble. Hein ? Parlez, hein ? Son embarras redouble. C'est parler fièrement ; je prétends découvrir. J'ai des soupçons qu'il faut que j'éclaircisse. Ah ! J'aperçois Mylord, et sans doute Clarice. Examinons un peu comme je dois agir. On ne m'a point trompé : je la trouve fort belle, Belle certainement ! Bonjour, Mademoiselle. Je suis Sudmer pour vous servir, Et je viens remplir votre attente ; Oui, oui, ma belle enfant, je vous épouserai ; Je dis plus, je sens bien que je vous aimerai : Autrement j'aurais tort. Je la trouve charmante. Reste à savoir si je vous conviendrai. M'aimerez-vous aussi ? Oh ! je suis votre serviteur. En attendant ! C'est bon pour qui pourrait attendre. Mylord, je suis pressé ; vous avez un vieux gendre Qui n'a pas un instant à perdre, par malheur. Je ne crois pas que l'amour, à mon âge, Parle beaucoup en ma faveur ; C'est un arrangement que notre mariage. Notre intérêt commun en aura tout l'honneur : Cela ne suffit pas ; je crois qu'elle est fort sage : Mais il se peut qu'un autre objet l'engage. Bon ! Voilà le même langage Que vient de me tenir Darmant. Elle rougit, et je vois clairement. N'est-il pas vrai, chere future ? Il se pourrait par aventure. Hein ? Pour demander cela, Mylord, j'ai mes raisons. Conséquence mauvaise ; Les Français ont toujours l'art de se faire aimer. Je les connais pour gens fort agréables, Et qui plus est encor, fort estimables ; Il est tout naturel de s'en laisser charmer. Que parlez-vous de bienfaits, je vous prie ? Je ne vous entends point, et je n'ai de mes jours Point de plaisanterie. Vous êtes fou, Mylord, C'est depuis quelques jours que je sais votre sort. Que veut dire ceci ? Ce n'est point là mon écriture. Je n'ai pas eu le bras cassé Certainement, vous n'êtes pas sensé. Je suis dans un courroux extrême. Comment ! Quelqu'un a pris mon nom Pour faire une bonne action, Que j'aurais pu faire moi-même ? Morbleu ! C'est une trahison Dont je prétends avoir raison. Et vous avez reçu la somme ? Nommé ? Il loge ? Je vais trouver cet homme ; J'en aurai le cour net ; je reviens à l'instant. Ma foi ! moi n'y puis rien comprendre J'ai vu votre banquier, votre donneur d'argent ; Il m'a reçu d'un air fort obligeant. Mais il bat la campagne, et n'a pu rien m'apprendre. Il m'a dit seulement qu'en cette maison-ci, Par un valet Anglais je serais éclairci. Il peut donc nous instruire. De moi, Maraud, de moi ! Je te surprends en menterie ; C'est moi qui suis Sudmer. Qui peut avoir tramé Une pareille fourberie ? Coquin ! J'ai donc le bras cassé ? Oh ! je te ferai voir... Non, non, certainement. Qui donc a pris mon nom ? Moi, point m'en étonner ; je le reconnais là : Et d'avoir pris mon nom, très fort je lui pardonne. Mais en effet, lui paraître interdit. Mylord, je pourrais faire une grand sottise D'épouser votre fille ; elle est fort à ma guise ; Mais, Monsieur, pourrait bien être à la sienne aussi Un petit peu, n'est-ce pas ? Hein ? Je pense, Et je vois que, dans tout ceci, Mon rival doit, au fond, avoir la préférence. Sous mon nom il a su saisir l'occasion D'avoir pour vous, Mylord, un procédé fort bon, Si je deviens le mari de Clarice : Il est homme, peut-être, à rendre encor service : Je suis accoutumé d'être son prête-nom. Cette alliance est fort bien assortie. Daignez, mon cher Darmant, en cette circonstance Me soulager du poids de la reconnaissance : Je sens que je suis vieux, je me vois de grands biens ; Je n'ai point d'héritier, soyez tous deux les miens... Point de remerciements, ce serait une offense. Si je vous sais heureux, mes amis, c'est assez : C'est vous, c'est vous qui me récompensez ; Mais j'entends retentir les cris de l'allégresse : Courons tous : le plaisir du cour S'augmente encor par le commun bonheur. Galants barbons qu'Amour inspire, Ne tentez point le sort ; Le vent nous manque, et le navire N'ira pas à bon port. Je sens qu'Amour voudrait me dire. Que Clarice a beaucoup d'attraits. Hein... Quoi ?... oui... mais Allons, mon cour, la paix, la paix. Jugez de cette bagatelle Seulement par le cour, Et ne nous faites point querelle, Partagez notre ardeur. Vous le sentez ; c'est notre zèle Qui peint l'amour de tout Français. Et Paix, Paix. Messieurs, la paix. **** *creator_favart *book_favart_anglaisdebordeaux *style_verse *genre_comedy *dist1_favart_verse_comedy_anglaisdebordeaux *dist2_favart_verse_comedy *id_ROBINSON *date_1763 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_robinson Bonjour, Monsieur ; Bonjour, Madame. Ah ! Le bon frère Que vous avez-là ! le bon cour ! Sans lui nous étions morts, j'espère. Quel Français obligeant ! Brave homme, toujours prêt à donner de l'argent : Il est notre unique ressource. Je crois toujours lui voir ouvrir sa bourse, En me disant : tiens, Robinson, Prends, mon ami, prends sans façon. Oh ! je n'ai garde de dire... Il pense. Soupire. Clarice s'amusait à lire Un de ces beaux Romans qu'on fabrique à Paris : Tout en rêvant, s'est approché mon Maître : « Un ouvrage François ! » dit-il, d'un air surpris ; Et le Roman vole par la fenêtre. « Occupez vous de Locke, Ma fille ; lisez Clark, Swift, Newton, Bolingbroke. Songez que vous êtes Anglaise : Apprenez à penser ! » Puis ayant dit ces mots, Il s'enfonce dans une chaise, Pour réfléchir plus à son aise, En décidant que vous êtes des sots. C'est la vérité pure, Et je n'ajoute rien, Madame, je vous jure. Toujours beaucoup ; il dit, Madame... Il dit qu'il vous trouve bien folle, Et que c'est grand dommage. Il la croit véritable et n'y voit rien d'étrange. Pour en toucher la somme, il m'envoie à l'instant. Ne craignez rien, j'ai fait passer encore L'effet sous le nom de Sudmer, Négociant de Londres et l'on ami très cher : Mon Maître convaincu qu'il lui doit ce service, Hâtera le moment de lui donner Clarice. Oui. Monsieur tout à la fois, Au lieu d'une personne, en obligera trois, Et Clarice sur-tout qui deviendra la femme... Mylord ! Mylord, c'est d'un de vos amis. Oui, la chose est claire, Me voilà pris. Monsieur, j'en suis charmé. Comment vous portez-vous ? Doucement, je vous prie. Quoi ! Ce n'est donc pas vous dont le cour bien placé... Eh ! bien, c'est donc un autre. Un nom tel que le vôtre Doit faire honneur à l'amitié. Vous m'allez ruiner. Oui, c'est un fait. De temps en temps, je reçois quelque somme Pour m'engager à garder le secret. Oui, c'est un fort honnête homme, Qui veut vous obliger, et sans être connu. Vous savez bien, Mylord, que je suis ingénu. Il m'a séduit, et pour lui plaire, Robinson est fourbe et faussaire. Oui, c'est de moi que vient toute l'invention ; Mais c'était, je proteste, à bonne intention. Eh ! bien, c'est, c'est... notre hôte. Je reconnais ma faute. Oh ! Point du tout, Mylord ; il n'oserait. C'est générosité toute pure qui brille, Dans ce que pour vous il a fait.