**** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_armidore *date_1633 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_armidore Image precieux de ma vivante aurore,     Belle feinte d'amour que mon esprit adore, Rayons de mon Soleil, doux abus⁎ de mes yeux, Aymables alimens de mes feux⁎ glorieux, Agreable mensonge à mon cœur veritable, Symbole d'un bel astre à chacun adorable, Portraict d'une beauté dont les perfections, Obligent à l'amour toutes les nations : Beau portraict où je voy tant de cheres delices⁎, Delices⁎ où mon cœur conçoit mille supplices, Ombre d'où tant de feux⁎ esclairent mes ennuis⁎ Qui servent de flambeaux à mes obscures nuits, Amour, qui vist jamais une telle avanture ? Ma raison se dissipe aux traicts d'une peinture, Ce portraict mille fois en mon cœur retracé Veut que dans ses couleurs je demeure insensé⁎ : Belle image, dy moy, par quels nouveaux miracles Ceste bouche muette annonce des Oracles, Et comme ces yeux feints peuvent inanimez Elancer dans mon cœur tant de traicts⁎ enflammez ? Il me semble souvent que cet œil me caresse, Il me rit quelquefois, mais en fin il me blesse. Tantost il me paroist un éclair amoureux, Et tantost il me semble un foudre rigoureux. Dans ces opinions je rougis de ma honte     Et m'estonne⁎ comment une idole me dompte : Mais si tous ces attraits ne sont que des couleurs Peuvent-ils en mon ame agiter des chaleurs ? Si je me perds ainsi pres d'une ombre muable, Comment pourray-je voir son object veritable ? Non, je croy que ce corps a quelque sentiment, Son œil suit mes regards d'un égal mouvement, Ou l'amour me deçoit⁎ en ceste pourtraiture, Ou ce subtil crayon imite la nature. Je fay comme l'enfant qui croit d'apercevoir La beauté figurée au revers d'un miroir : Mais je perds comme luy l'agreable figure. Je crains de ceste erreur un veritable augure Des obstacles qu'amour presente à mon dessein, Beaux rais⁎ dont les sujets vivent dedans mon sein, Je veux voir ce Soleil dont vous estes l'idée. Ma foy⁎ de ce desir tousjours persuadée S'y promet les faveurs de l'amour et du sort, Ceste entreprise veut un genereux⁎ effort, Mais voicy tout à point mon fidele Clidame. Plus vous blasmez mon feu⁎, de tant plus il s'allume, Il pardonne au desir de vos sens aveuglez Qui vous font concevoir ces termes dereglez⁎, Quelque jour vostre voix que le mespris inspire Esclatera dans l'air un amoureux martyre, Lors amour irrité⁎ vous fera ressentir Que nostre cœur ne peut son pouvoir dementir, Qu'il est inévitable, et que sa douce flame Fait naistre en s'exaltant les delices⁎ de l'ame, Vous cognoistrez alors, cher cousin, mais trop tard, Qu'il blesse avec dessein, et non pas par hazard. Les apasts⁎ de l'amour ont des charmes⁎ bien forts. On ne void point Amour des vertus se distraire⁎. Ce blaspheme merite un éternel supplice, C'est assez mon cousin. Vous estes en courroux. Je croy que vous feignez ce furieux⁎ desdain Pour esprouver⁎ mon cœur sur la pierre de touche. Vous me ressuscitez, ha que je vous embrasse. Sur ce doute important mon esprit est muny D'un conseil que l'amour industrieux⁎ me donne. La beauté qui me fist ce voyage entreprendre, Et pour qui je ressens tant d'amoureux tourment⁎, Me suggere un moyen pour mon soulagement, Qui trouvant un support dedans vostre assistance, Rien à nostre dessein ne fera resistance, Nos heureuses faveurs jointes à ce conseil, Je verray les cachots où luit mon beau Soleil, Si par vostre secours le bon-heur me caresse, Je feray bien tost bréche à ceste forteresse, Ou plustost j'ouvriray le Ciel ambitieux Qui recele⁎ à mon cœur son Soleil gracieux : Amour veut pour guerir ce soucy⁎ qui m'enflame, Que je cache Armidore aux habits d'une Dame. Il promet à mes yeux qu'en ce déguisement, Ils sortiront bien tost de leur aveuglement. Or joignant l'artifice⁎ aux traits de mon visage, On me prendra pour fille en faveur de mon âge, Ainsi je forceray cet aymable sejour, Et verray glorieux l'astre de mon amour. Mon cousin approuvez ceste belle entreprise. Ceste difficulté trouble mon jugement, Cher amy c'est à vous à surmonter⁎ ce doute. Laissez Amour à part, consultez la raison. Je voy bien mon cousin, que vous estes irrité⁎, Vous blasmez mon dessein contre Amour dépité⁎, Et faites d'une ruse un ombrageux diffame, Me voyant revestir des habits d'une femme, Estant forcé de feindre une condition, Qui vous semble choquer ma reputation, Non, non, je franchiray cet amoureux dedale, Vous sçavez ce que fit Alcide pour Omphale. Achiles comme moy ceste feinte esprouva⁎ Lors que chez Lycomede Ulysses le trouva. Vous en fustes l'autheur, certes je le confesse, Et sans vous j'eusse en vain voulu voir ma Maistresse. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_clidame *date_1633 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clidame N'esteindrez-vous jamais ceste subtile flame Dont un esprit trompeur flate vos passions Et prophane l'honneur de vos perfections ? Un Prince tel que vous souffrir⁎ une pointure D'un corps imaginé, d'un amour en peinture : Faut-il que cet abus⁎ vostre amour poursuivant Perde vostre jeunesse en des amours de vent ? La licence souvent met l'erreur en coustume. On fait peur aux enfans de postures contraintes, Amour n'a pas pour moy d'assez subtiles feintes. L'immortelle vertu surmonte⁎ ses efforts⁎. Embrassez la raison vous verrez le contraire, Et que tout son pouvoir n'est qu'un déreglement Qui n'a de la vertu que l'ombre seulement : Que semblable au Sorcier pour mieux couvrir ses feintes, Il se sert des vertus, et des paroles saintes, De mesmes quand l'amour veut pratiquer ses loix, Il contrefaict le Sainct en sa trompeuse voix, Et c'est dans cet abus⁎ que se forme le vice. Vostre esprit consulté, Vous trouverez Amour fils de l'oisiveté. Vos vertus ramassées, Vous reprendrez un jour vos premieres pensées, Et ce masque d'Amour disparoistra soudain. Ce que le mien conçoit s'exale par ma bouche, Mais puis que ce tourment⁎ vous maistrise absolu, Je vous y veux servir, je m'y suis resolu. Mais je pense aux moyens de forcer ceste place, D'où par arrest fatal nostre sexe est banny. Cet obstacle pourtant me travaille⁎ et m'estonne⁎, Mais sçachons ce conseil esclos de vostre amour, Si la raison y peut descouvrir quelque jour, Que vostre bel esprit me le face comprendre. Belle, vrayment qu'amour a finement surprise, Mais moy que deviendray-je en ce beau changement ? Aux affaires d'amour mon esprit ne voit goute, Ces ruses à la fin descouvrent leur poison. La raison et l'amour ennemis manifestes Troubleroient vos desseins d'evenemens funestes, La raison contrarie à ceste passion, Et l'amour vous emporte à vostre affection. La raison ne veut pas que l'honneur se déguise, L'Amour d'un faux honneur ses abus⁎ authorise. Mais demeurons au terme où l'amour vous reduit, Estant de vos desseins fidellement instruit, Mon cœur, ma voix, mes yeux, mon bras et mon espée, Destinez au secours de vostre ame occupée, Sont maintenant tous prests de faire leurs efforts, Allons voir Alderine au peril de cent morts, Toutesfois moderons un peu la violence De ce feu⁎ dont l'effet n'a que trop d'apparence. Allons cher compagnon, je meurs d'impatience De vous voir esprouver⁎ ceste belle science : Allons pourvoir à tout et resoudre comment Vous vous pourrez servir de cet habillement. Grande Reyne où la gloire esleve son Empire, Merveille de la terre, et le Soleil des Roys, Nostre sort nous reduit aujourd'huy soubs vos loix. Nul ne la vist jamais comme nous violente. Nous sommes Lydiens, nez d'une illustre race, Nous estions en chemin pour voyager en Thrace, Nos voiles commençoient à recevoir le vent, Alors qu'une gallere à nos pas se trouvant, Nous imprima l'horreur d'une éternelle peine⁎, A ma sœur pour l'honneur, à moy pour la cadene. Nostre Pilotte ayant descouvert ce vaisseau, Comme frappé du foudre, est plus tremblant que l'eau, Sçachant qu'il receloit⁎ sa ruïne⁎ evidente, Quitte le gouvernail, et reçoit l'espouvante. Nous apperceumes lors un corsaire inhumain⁎, Orgueilleux sur la poupe un coutelas en main, Menacer nostre nef d'un horrible carnage ; Mais les yeux de ma sœur retindrent son courage. Elle voyant fléchir ceste brutalité, Industrieuse⁎ joinct la voix à sa beauté, Qui fist comme un éclair esteindre sa colere, Il falut toutesfois entrer dans la galere, Mais au lieu d'y trouver un cruel ravisseur, L'amour nous y fist voir des excez de douceur. Dans le cinquiesme jour, l'orage s'esmouvant⁎, Estonna⁎ le Nocher⁎, lors un contraire vent, Fait qu'au cœur de chacun l'estonnement⁎ s'appreste, On void par tout s'épandre une forte tempeste, Le Soleil s'obscurcir, et les éclairs ardens⁎, Furent bien tost suivis de tonnerres grondans, D'où éclattoient par tout des foudres effroyables, Les plus libres alors s'estimoient miserables⁎. Il jettoit des abbois comme un dogue irrité⁎, Quand une fiere vague, en forme d'une rouë, Prenant nostre galere à travers de la prouë Nous couvre entierement. Le corsaire voyant tant de rudes efforts⁎, Se jette dans l'esquif au déceu de sa trouppe, Et tandis qu'il coupoit la corde de la pouppe, Nous suivimes ses pas dans ce petit vaisseau, Croyans de reculer un peu nostre tombeau. Nous n'eusmes pas plustost delaissé la galere Qu'elle fut mise à fonds. Nous roulasmes⁎ trois jours à la mercy des vents, Mais ceste nuict passée autant morts que vivans, Preparez au peril d'un évident naufrage, Le sort nous a jettez sur le prochain rivage. Je voy bien, cher cousin, que la vive⁎ figure A bien plus de pouvoir que n'avoit la peinture, Vos yeux et vos esprits maintenant satisfaits, Dans leur contentement en monstrent les effets. Vous parlez sagement, et bien quelles merveilles, Produisent les effets de nostre invention ? On ne peut trop priser⁎ la beauté souveraine, Et n'estoit que je fuy l'oysive volupté, Je vivrois glorieux pres de sa Majesté, Vrayment ceste Princesse a de puissant merite⁎, Mais tousjours mon cœur libre à ce sexe resiste. A-t-elle tant d'attraits ? Toutes ces beautez sont en vos perfections. Ne vous cognoissant pas, il se pourroit bien faire. Amour ne donne pas de si cruels ennuis⁎. Je tiens que vostre amour n'est gueres moins extreme, Contrainte souz un masque où l'on ne vous peut voir. Si Venus autresfois, pour faire voir sa gloire, Anima dans ceste isle une image d'yvoire , Elle peut bien aussi vostre sexe changer Pour punir vostre orgueil, et pour me soulager. Mon cousin, ce sera lors que vous serez femme, Et si je doy un jour aymer une beauté, Ce ne sera jamais qu'à la necessité, Les Scythes vont chasser lors que la faim les presse, Je veux en ceste sorte user d'une Maistresse. Je vay trouver la Reyne, Monsieur, je ne sçaurois fonder qu'avecque peine, Tant de divers effects en l'esprit de la Reine, Ny quel soucy⁎ la vient maintenant affliger⁎, Si douteuse⁎ à l'abord de ce Prince estranger, Et comme elle retient la Princesse recluse, Ma croyance est icy diversement confuse, Mais j'ay peur de paroistre en mon soin⁎ indiscret, Voulant trop curieux profonder⁎ ce secret. Que ceste grande Reyne ait receu tant d'outrage ! Sans doute son esprit, justement irrité⁎, Fait voir avec raison ceste severité Contre le fier autheur de ceste tyrannie. Mais, quel est ce parjure, et qu'est-il devenu ? Ha Prince desloyal⁎. Prince indigne du jour comme du sang Royal. Je verray quelque jour ton injure punie. Quand ce Prince inhumain⁎ auroit toute la terre, Il ne peut éviter un foudroyant tonnerre. Que ceste passion estourdit les esprits ! Qu'elle cause de mal à ceux qu'elle a surpris. Quand ce mauvais desir en nostre ame s'obstine, Plus on le veut forcer, tant plus il se mutine. Les autres passions s'estouffent dans le sein, Alors que la raison condamne leur dessein : Mais celle qui se forme au soin⁎ de la vengeance, Croit tousjours qu'elle agit avecque negligence. Je crains bien que ma sœur en sente le dommage, La Reyne devroit mieux mesnager son courage, Et se la conserver avecque plus de soin. La Reyne à se vanger n'est pas plus obstinée, Que ma sœur l'est à vaincre, et rien que le trépas, Ne peut dans le combat la reculer d'un pas. Et c'est là le sujet qui m'afflige⁎ pour elle, Voyant son malheur peint dedans ceste querelle. Madame le ciel peut profonder⁎ ces secrets. Ma sœur disputera l'honneur de la victoire, Plus pour vostre repos que pour sa propre gloire, Je l'accompagneray, fasché de ne pouvoir Vous rendre en ce sujet les fruicts de mon devoir, Et ce fascheux soucy⁎ me travaille⁎ et m'offence. Je croy que sans la vostre on m'eust fait voir l'Epire, Laissons les complimens, sçachons que fait ma sœur. Comment l'a-t'on reçeuë ? Avez vous rien appris du Prince Filamire ? Une secrette peur me broüille les esprits. Il est vray, mais depuis son cœur opiniastre, Resolut un moyen où je voy peu de jour. J'ay sçeu que Filamire estoit en ceste Cour, Entreprise qui fut legerement conçeuë, Et dont ma raison craint une mauvaise yssuë. Ha, sans doute c'est luy. Je ne sçay quel effect produira tout cecy. Ah ! monsieur, le voicy. Dieux ! qu'est-ce que je voy, tout a changé de face, Ceste Cour a repris le lustre de sa grace. Le Monarque de Mede est maintenant si doux, Et la Reine de Cypre a perdu son courroux. On peut voir Alderine, ô bons Dieux qu'elle est belle, Et Lucide a repris sa forme naturelle, Je doute si je songe, ou si c'est verité, Monsieur, que dites vous de ceste nouveauté ? Sire, jamais mon ame, Ne se vit si confuse, ô glorieuse flame, Dont Armidore sent l'agreable tourment⁎, Qu'il fut judicieux en son desguisment. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_clorisee *date_1633 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_clorisee Mortel ressouvenir⁎ d'une ame desloyale⁎ Qui fait pallir l'esclat de ma grandeur Royale, Immortel desespoir qui n'a point de pareil, Et qui renaist tousjours avec le Soleil, Severe Filamire, insensible à ma honte, Dont toutesfois l'amour encores me surmonte⁎, Parjure, il est donc vray que l'infidelité S'accorda pour me prendre avecque ta beauté, Beauté que j'ay trop veuë aux despens de ma gloire, Et dont l'excez m'apporte un mal qu'on ne peut croire, De mesme que le miel pris trop abondamment, Nuit de trop de douceur et donne du tourment⁎. Helas ce qui me fut si doucement aymable Se vist en un moment à mes yeux perissable, Ainsi qu'en une nuict les plus exquises fleurs Perdent toute leur gloire avecque leurs odeurs, Que ma presence fut au besoin⁎ paresseuse De ne pouvoir fuir ceste onde perilleuse. Le prophane abusa des qualitez de Roy Pour fléchir ma rigueur et pour trahir ma foy⁎, Implacable Tyran de qui l'ame est sortie Des plus affreux rochers de la froide Scythie, Mais de qui le beau corps me parût autrefois Le chef-d'œuvre accomply⁎ des plus illustres Rois, Et que j'adore encor en dépit de ma perte Dedans sa trahison laschement descouverte, Prodige, où mon destin me fit voir tant d'apasts⁎, Apasts⁎ qui receloient⁎ l'object de mon trépas, Object qui de mon cœur me rendit ennemie, N'ayant peu prevenir sa mortelle infamie. Amour tu le sçay bien, et permets toutesfois Que ce desloyal⁎ vive au mespris de tes loix. Ce ne fut pas Amour qui blessa Clorisée, Sans doute une furie en Amour déguisée : Animant mes abus⁎ me fit voir Palmedon, Ayant mis dans ces yeux ce furieux⁎ brandon Qui presse mon esprit d'une éternelle peine⁎. Puis-je bien tant souffrir, ha miserable⁎ Reine, Deux fureurs font en moy deux excez violens, Le malheur entretient mes amours insolens Et l'honneur me retient au soin⁎ de la vengeance ; Amour veut triompher dedans mon inconstance. Et l'honneur irrité⁎ de mes feux⁎ dissolus⁎ Dispose à se venger mes esprits resolus. Puis donc qu'à se venger mon courage s'obstine, Je veux que ce trompeur se perde en ma ruine⁎. Mais helas, son bon-heur n'est jamais abatu. Mes pudiques amours, enfans de l'innocence, Offrent bien à mon mal un remede pareil, Mais las ! il ne veut point recevoir d'appareil⁎, Je suis à me resoudre aussi froide que marbre, Je neglige ma gloire ainsi qu'on laisse l'arbre Lors qu'il est despoüillé de fueilles et de fruicts, En mes estonnemens⁎ mes plaisirs sont destruits, Ainsi ma qualité se relasche indiscrette⁎,     Je me sens si confuse en ma douleur secrette Qu'on m'obligeroit⁎ plus de me laisser mourir, Qu'on ne me fait de bien me voulant secourir. J'aperçois une fille en ma Cour incogneuë : Et me semble pourtant l'avoir autrefois veuë. Je sens à son rencontre un battement de cœur Qui ralume dans moy l'amour et le rancœur. Dieux, qu'est-ce que je voy ! ce port et ceste face, Ceste douceur, ces yeux, ces gestes, ceste grace, Se rapportent si bien aux traicts de ce trompeur, Que l'âge seulement en esloigne ma peur. J'y perds le jugement. Plus je voy ceste fille et plus je m'esbahis, Sçachons où vont ces gens, s'ils sont de ce pays. Dites moy franchement ce qui vous importune, Belle, si vous souffrez des coups de la fortune, Vous trouverez vers moy secours en vos dangers. Sans doute vous parlez de quelque aspre tourmente. Mes sentimens ont part à vostre affliction⁎, Sçachons vostre adventure et vostre nation. Effects prodigieux en un corsaire infame, Le traict⁎ de la beauté penetre jusqu'à l'ame. Que faisoit le corsaire en ceste extremité ? Que fistes vous alors ? Bons Dieux que de misere ! Je rends graces au Ciel de ses douces faveurs Qui permet que la Cypre arreste vos malheurs. Mais encor, que devint vostre amoureux corsaire ? Doncques ceste beauté possede un tel courage, Cest estreme travail⁎ demande du repos, Nous pourrons à loisir achever ce propos. Fin du premier Acte. Me faut-il donc souffrir⁎ une peine⁎ infinie, Je doute, mon cousin⁎, que le Roy d'Albanie Soit un fascheux presage à mes afflictions⁎, J'en ressens trop avant les apprehensions, Il est vray qu'un cœur foible en redoutant l'augure, Fait d'un petit prodige une grande figure ; Si ce Prince estranger favorisé du sort, A vengé mes malheurs, je ne crains plus la mort. Helas ! je ne croy pas que ce bon-heur m'arrive, Celuy de Palmedon me tient tousjours craintive. Demeurez en ce lieu pour recevoir ce Roy, Sa venuë m'afflige⁎, et me met hors de moy. Mais, que veut maintenant ce Chevalier estrange⁎ ? Faut-il que ce trompeur me travaille⁎ sans cesse ? Ne verray-je jamais relascher mes douleurs ? Ce monstre de fortune, autheur de mes malheurs, Reçoit de mes travaux⁎ un second advantage. Le soin⁎ de ma vengeance augmente son courage. Encores le destin, pour me plus outrager, Permet à ce cruel de pouvoir m'obliger⁎. Le ciel veut en ma cause exercer l'injustice. Dieux, vous ne voyez pas l'horreur de mon supplice, Ou bien vous redoutez le bon heur de ce Roy, Achevez par ma mort vos rigueurs dessus moy. Injuste Ciel, vos loix ne sont rien qu'un fantosme. Suivez un meilleur sort, genereux⁎ Aristome, Puisque vous n'avez peu soulager ma douleur, J'en accuse le Ciel, et non vostre valeur⁎. Monsieur, vostre venuë avoit desja flatté D'un espoir attendu mon esprit agité⁎ : Vostre unique valeur⁎ à ma Cypre cogneuë, Commençoit d'adoucir ma crainte retenuë, Et m'asseurois de voir aujourd'huy dans vos mains Ce chef⁎ qui doit finir mes tourmens⁎ inhumains⁎ ; Or puis que vostre cœur aspire à ceste gloire, Et qu'en cecy le mien attend vostre victoire, Vous n'avez plus besoin en ce juste vouloir Que de vostre prudence, et non de mon pouvoir, Ma couronne et ma fille, estans la recompence Du glorieux vainqueur le reste me dispence, J'implore toutesfois les astres irritez⁎ De joindre ceste grace à vos prosperitez, Que par vostre valeur⁎ le Ciel vangeur admire Sa justice, et mon droict, au sang de Filamire. Je sçay que l'univers cognoist bien vos vertus, Mais mes pensers tousjours de crainte combatus Me font apprehender quelque mauvais presage, Qui vient de mon malheur, non de vostre courage : Car comme le cristal qu'on void plus eclattant Se trouve plus fragile et le moins resistant, Je crains que vostre effort ne reçoive une injure Du bon heur éternel de ce Prince parjure. Ce superbe⁎ guerrier au fort de ses combats, J'entends de ceux qui sont fondez sur mes debats, Sçait si bien mesurer sa force à son envie⁎ Qu'il demeure vainqueur en conservant sa vie ; Pardonnez-moy, Monsieur, desja cinq Chevalliers,  Que l'honneur immortel a couvert de lauriers, Vaincus de ce cruel, m'ont apporté leurs testes, Et semble que le Ciel approuve ses conquestes. Roy d'Epire sçachez que vos fascheux propos, Ou vrais, ou déguisez, offensent mon repos, Et n'estoit vostre rang que ma raison balance, Je ne vous respondrois qu'avecque le silence. Des vains desirs mouvans vos persuasions, Vous font precipiter dans ces confusions, Mais au desir on doit sagement se contraindre, Et quitter le sujet où l'on ne peut atteindre, Vostre discours d'amour ne peut que m'offenser, Et ne vous peut non plus reculer qu'avancer. Je vous ay desja dit que ma fille et mon sceptre, En sont la recompense, et que je ne puis l'estre, Mon mal veut la vengeance, et non pas le conseil, La mort, et non l'amour, en sera l'appareil⁎, Si vostre ame se sent de la gloire eschauffée, Ma justice luy peut eriger un trophée, Mais si vostre dessein se forme en mon amour, Ma mort se formera dedans vostre retour, Mort que je trouveray cent fois plus agreable, Que de vivre infidelle à ce Prince coupable. Son infidelité ne me peut obliger A rompre mes desseins, mais bien à me venger, J'en suis là resoluë, une pudique Dame Ne doit jamais brusler d'une seconde flame, Ny le contentement, ny les afflictions⁎ Ne doivent rien changer en ses affections. L'or s'esprouve⁎ au creuset, mon amour aux miseres Et ma foy⁎ se redouble aux peines⁎ plus ameres. Qu'il soit perfide⁎ ou non, son humeur desloyale⁎ Ne doit servir d'exemple à ma grandeur Royale, Comme un Dauphin s'esgaye au courroux de la mer, Qu'un aigle s'esjouït⁎ aux orages de l'air, Qu'une palme pressée en sa charge subsiste, Que l'honneur à l'injure ouvertement resiste, De mesme aux accidens que produit mon malheur, Ma constance et ma foy⁎ maistrisent ma douleur. La foy⁎ fille du Ciel soustient ma resistance. Ouy dans un foible esprit frappé d'aveuglement. Mais vostre opinion d'une ame déreglée⁎. Comme espoux je luy dois un amour veritable, Et comme desloyal⁎, une mort miserable⁎. On ne peut separer ces deux extremitez, Son abus⁎ ne peut rien contre mes volontez. On me conteste en vain de voix et de pensée, J'ayme le traict⁎ mortel dont je suis traversée, Je ne puis supporter vos repars odieux, Ce Prince m'est plus cher mille fois que mes yeux. Je ne puis escouter ceste parole vaine. La Scythie plustost bruslera de chaleur, Que mon humeur jamais à vostre amour incline. Je sçay qu'une rivalle à me perdre s'obstine, Je sçay que je ne dois rien attendre des Dieux, Je sçay que mes desirs leur sont tous odieux, Mais comme on void sortir à travers les orages Les éclairs plus brillans des plus obscurs nuages, De mesme les desdains de ce Prince trompeur, Font voir ma foy⁎ plus claire aux tourmens⁎ de mon cœur ; Que donc vostre dessein loin de moy se transporte, Tant qu'il vivra pour moy, je seray tousjours morte. Va barbare orgueilleux, va temeraire Roy, Tu veux injurieux m'imposer une loy Contre le seul objet que mon esprit admire. Sçaches que si l'amour que j'ay pour Filamire, Ny le soin⁎ de venger ses infidelitez, Ny le desir de voir mes jours precipitez, N'ont peu rien pervertir en ma perseverance, Tes menaces auront beaucoup moins de puissance, Tes feux⁎ et tes desseins periront dans ta voix, Et tes desirs mourront avecque tes abois. Acheve de tramer des furieux⁎ vacarmes, Ma chasteté ne peut aprehender tes armes. Je ne veux pas Lucide, hazarder ce combat. Qu'il ne me parle plus de sa flame amoureuse, Que je desteste autant qu'il la croid glorieuse. Lucide, que feray-je, en ces excez d'outrage ? Mon cœur craint de passer de la peine⁎ à la rage, Et qu'apres tant de maux, demeurant sans pouvoir, Mon malheur ne m'emporte, en fin au desespoir. Que veut ce Chevallier ? son aspect glorieux Pourroit à nos souhaits donner quelque presage. Que peuvent plus sur moy les fureurs⁎ ny l'envie⁎ ? Que peuvent plus sur moy les foudres éclattans ? Rien ne peut s'égaller aux malheurs que j'attens. Qu'on ne me parle plus du rang que je possede, Quand le mal s'irritant⁎ reffuse le remede, Et que le desespoir surmonte⁎ la raison, L'affligé⁎ ne doit plus chercher de guerison, La consolation me devient importune : Chevallier vous pouvez suivre vostre fortune, Et qui que vous soyez vivez en liberté. Je n'ay plus qu'un moyen pour esprouver⁎ le sort. Mon frere pardonnez à ce petit excés, Nostre sexe est tousjours trop prompt dans ses accés. Mon frere, il me desplaist que contre mon desir, Vous ayez en ma Cour receu du desplaisir, Je croy que le repos vous seroit necessaire, Venez vous rafraischir. Mon cousin⁎, que ce Roy demeure satisfaict, Tandis que j'iray voir ce que ma fille faict. Mon esprit agité⁎ de nouvelles pensées, Perd le resouvenir de ses peines⁎ passées, Sont-ce des veritez que mon œil vient de voir ? Ou mon malheur encor me veut-il decevoir⁎ ? Que Lucide ait vaincu, sans travail⁎ et sans peine⁎ Deux Princes indomptez ? ô bontez souveraines ! Avanture qui doit estonner⁎ les mortels ! Guerriere à qui je veux eslever des autels ! Si ce que je pretends de ta valeur⁎ arrive, Je me veux descharger de ma douleur craintive, Et mettre sur tes bras le faix de mes soucis⁎, Dorine, mes travaux⁎ maintenant adoucis, Je redonne l'espoir à mon ame timide⁎, Et conçois du repos aux vertus de Lucide. Je sonde plus avant que vostre esprit ne pense, J'attens de ses effets⁎ la juste recompense, Que merite l'autheur de tous mes desplaisirs : Mon espoir desormais s'accorde à mes desirs. Mon ame qui jadis estoit d'ennuis⁎ atteinte, Sent à ce coup l'effect d'une douce contrainte, Qui veut briser les fers de sa captivité, Et me semble desja de vivre en liberté. Ces nouveaux sentimens, fleurs de mon esperance, Me produiront bien tost les fruicts de ma vengeance, Desja tant de rigueurs qui souloient⁎ m'assaillir, Se changent en plaisirs qui me font tressaillir, J'entens de mon genie⁎ une voix favorable, Qui me dit que le Ciel devenu pitoyable⁎, Veut abbatre l'orgueil de ce Prince pervers⁎ Qui me rend criminelle au cœur de l'univers. Je croy de voir bien tost sa malice punie, C'est maintenant qu'il doit trouver son chastiment, Et lors je recevray la mort alegrement. Comment ! estes vous donc complice de sa rage ? Voulez-vous que j'expire en ce mortel sommeil ? Voulez-vous de ma playe arracher l'appareil⁎ ? Vous esjouyssez⁎ vous en ma triste adventure ? Vos delices⁎ sont-ils aux traicts⁎ de ma torture ? Vous opposerez-vous au bonheur que j'attens ? Ingrate, laissez-moy, j'ay trop perdu de temps. La fortune n'est pas en tout temps adversaire. Que ce mal est sensible à la grandeur Royale. Laissons à part le sort, la fortune et leurs loix. Parlons de ma Lucide, et de ses beaux exploits, Depuis que je l'ay veuë aussi fiere que belle, J'ay veu qu'elle pouvoit terminer ma querelle, Et qu'ayant peu dompter deux guerriers si puissans, Elle peut soulager mes esprits languissans⁎. Je croy que sa valeur⁎ se trouvera capable De me donner le chef⁎ de ce Prince coupable, Qui sans crainte des Dieux soüilla mon chaste lict, Sa mort estouffera son infame delict, Par la main d'une fille en ma cause outragée, Et les Dieux permettront que je seray vangée. Allons y donner ordre, et trouver de ce pas, L'Amazone qui doit avancer son trépas. Fin du troisième Acte. Lucide les vertus ont des charmes⁎ si forts, Que les plus durs esprits ressentent leurs efforts⁎, Le vostre dont j'ay veu de si rares exemples, Merite qu'en ma Cypre on vous dresse des temples. On ne peut trop priser⁎ du cœur ny de la voix, Celles qui comme vous sçavent vaincre les Rois ; Et depuis que la mer vous jetta sur nos plages, J'ay mille fois beny les vents et les orages, Et dit autant de fois qu'un favorable sort Vous avoit pour mon bien amenée en ce port. J'ay cent fois retracé ceste belle victoire, Où ce corsaire vid estouffer sa memoire, Alors que vostre fer luy fit sentir comment On se doit affranchir⁎ d'un mal-heureux Amant ; J'ay tousjours estimé ceste gloire oportune, Comme presage heureux au bien de ma fortune, Et creu secrettement que quelque jour le temps, Me conduiroit par vous au but que je pretens. Mon ame ne peut estre en ce poinct abusée⁎, L'espoir qui m'a depuis tousjours favorisée, Inspirant mes desirs me force doucement A suivre les progrez de mon ressentiment⁎. J'ay depuis mes malheurs sollicité mes larmes, Maintenant je les laisse, et recours à vos armes ; Autrefois les soucis⁎ nourrissoient ma douleur, Sa perte maintenant est en vostre valeur⁎. Elle est à mon esprit une vive⁎ figure, Un fidelle tesmoin, un veritable augure, Du bon heur qu'il conçoit, et vos derniers combats, Ont relevé ma gloire, et mis ma crainte à bas. Lucide, vous sçavez d'où naissent les querelles, Qui travaillent⁎ mon cœur de guerres immortelles, Et par qui tant de Roys en voulans m'obliger⁎, N'ont trouvé que leur honte, au lieu de me vanger. L'imposteur qui trahit nostre sainct Hymenée⁎, D'autant plus qu'il m'a veuë en ma peine⁎ estonnée⁎, Je l'ay veu triompher de tous mes desplaisirs, Mes tourmens⁎ ont tousjours secondé ses desirs, Et bien que ce trompeur merite cent supplices, Il semble que les Dieux devenus ses complices, Veulent en sa faveur destruire les humains, La victoire tousjours demeure entre ses mains. Or je croy de passer des espines aux roses, Pourveu que vostre foy⁎ me promette deux choses : Mais si vous ne voulez advancer mon trépas, Si vous me promettez, c'est de ne manquer pas. Voyez si ma justice a peu toucher vostre ame. Je veux que vos sermens m'asseurent vos paroles. Lucide, c'est assez, je reçoy vos sermens, Quoy qu'ils ayent choisi de foibles fondemens, Que les yeux de ma fille, et croy que leurs lumieres, Donneroient peu d'esclat à vos forces guerrieres, Si les astres du sort ne leur estoient amis. Or ce que vous m'avez si justement promis, Adorable tresor, et que plus je desire, C'est le chef⁎ malheureux du traistre Filamire : Et que d'un mesme fer vous trancherez le mien, Aussi tost que vos mains m'auront livré le sien. Car comme par sa mort je dois estre vangée, Il faut par mon trépas que je sois soulagée, Voulez-vous à cela fidelle consentir ? Quelque nouveau conseil vous peut-il divertir⁎ ? Vos esprits au besoin⁎ s'esgarent au silence, Qui faict à mon esprit beaucoup de violence, Ne vous contraignez point par crainte ou par respect, Si vostre cœur n'est libre il me sera suspect. C'est là de mon repos la principale marque, Mais pour me delivrer tout à fait de soucy⁎, Il faut qu'apres sa mort la mienne arrive aussi. Vous le seriez bien mieux, me laissant vivre en peine⁎. Pourveu que vos desirs n'offencent mon repos, Et qu'on ne parle point de me laisser la vie, Je ne reffuse point l'effet de vostre envie. Pourveu que nous venions des discours aux effets⁎. Mon repos toutesfois dépend de ce voyage. Ma fille, vous devriez en cela l'imiter, Sans combattre des vents qu'on ne peut arrester. Laissez moy les soucis⁎, et vivez plus contente. Je crains que mon dessein en face mourir trois. Si faut-il achever nostre juste poursuitte. Ma fille de sa peur en fin desabusée, Consent au juste soin⁎ que j'ay de me vanger, C'est trop perdre de temps, je le veux abreger, L'occasion se perd lors qu'elle est negligée. Mon cousin⁎, vous sçavez que mon ame affligée⁎ Ne peut plus retourner à tant de maux soufferts, Lucide qui la doit delivrer de ses fers, Prepare pour demain l'appareil⁎ de sa route. Et le mien resolu ne cerche point d'advis, Regardez seulement que les miens soient suivis. Mon vouloir ne veut point icy de resistance. Toutesfois en ce poinct mon pouvoir vous l'impose, Et veux qu'à mon vouloir le vostre se dispose, Et que laissant aux Dieux mes justes sentimens, Vous aydiez à guerir mes injustes tourmens⁎. Clidame, vous sçavez le secret de ma peine⁎, Et comme la fortune à mon cœur inhumaine⁎, Se moque de mes cris, et se rid de mes pleurs, Favorisant un traistre autheur de mes malheurs : Ma justice a parû souz l'esclat de nos armes, L'innocence a versé des torrens de nos larmes, L'air a fait retentir nos souspirs mutuels, Les Rois pour ma querelle ont esmeu⁎ des duels. Le ciel voit ma douleur, la terre la contemple, Et tout rid de mon mal, bien qu'il soit sans exemple. Tous couvrent de faveur mon cruel ravisseur, Et je n'ay plus d'espoir qu'au bras de vostre sœur. Laissons là le conseil, l'artifice⁎, la ruse, Ce sont des vanitez que mon ame refuse. En fin si ce combat ne me soulage point, Un glorieux trépas sera mon dernier poinct. Or je veux que demain Lucide face voile, Si l'aspect insolent d'une mauvaise estoile, Ne s'oppose au dessein de son sage nocher⁎. Clidame, maintenant je trouveray bien cher Que vous accompagniez Lucide en ce voyage, Et que vostre prudence assiste son courage. Vostre valeur⁎ ne peut paroistre en cest effort, Seule elle doit donner ou recevoir la mort. Mon genie⁎ flattant mon ame soucieuse⁎, M'asseure qu'elle doit retourner glorieuse, Et qu'elle seule doit appaiser mes regrets. J'accepte pour l'effet ceste belle apparence, Et conserve en mon cœur vostre fidelité, Dont je tire un rayon de ma felicité. Ces traistres croyent donc que je sois abbatuë. C'est dedans le peril où mon cœur s'esvertuë⁎. Vit-on jamais des loups, des lyons, des sangliers, Plus acharnez que vous, plus cruels ny plus fiers, Monstres de lascheté, dont l'ame desloyale⁎, Se cache impudemment souz la grandeur Royale, L'infamie et la peur vous occupent le sens, Addressant vos fureurs⁎ contre des innocens. Vous prevallez en vain du depart de Lucide, Voicy dequoy punir vostre orgueil homicide, Et si la force manque à ma severité, La mort ne peut manquer à ma necessité. Que veut cet estourdy qui sans respect avance, Si c'est pour me parler, il a trop d'arrogance. Infame, oses-tu bien me porter un propos, Dont la voix seulement offence mon repos ? Tes souhaits peuvent-ils aller jusqu'à ma gloire ? Prophane oses-tu bien me mettre en ta memoire ? Retire toy d'icy, va, retourne à tes Roys, Et leur dy que les Dieux m'imposent seuls des loix. Dy leur qu'ils ont perdu le tiltre de Monarques, Et que l'impieté leur en oste les marques, Que celle de leur gloire est l'infidelité, Et qu'ils n'ont plus de rang que dans la cruauté. Qu'ils façent leurs efforts je soustiendray ce siege : Mais qu'ils tresbucheront dedans leur propre piege. Leur rage ne sçauroit offencer ma raison, Ma liberté se treuve au creux de leur prison, Je sortiray bien tost des peines⁎ que j'endure, Mais ils estoufferont au fonds de leur ordure. Tant s'en faut que je puisse amolir ma rigueur, Plus ils sont obstinez, plus elle a de vigueur. Ils croient de cueillir les fleurs de leurs rapines : Mais leur travail⁎ honteux n'aura que des espines. Et puis que desormais ils veulent des douceurs, Ils succeront le miel qu'on donne aux ravisseurs. Qu'ils n'esperent de nous que des choses ameres, Le bien qu'ils en auront ne sera qu'en chimeres, Ce qu'ils jugent en nous propre à leur guerison, Ne peut estre qu'en eux un malheureux poison. S'ils trouvent mes desdains une charge severe, Ils seront accablez du poids de ma collere. Qu'ils perdent les desirs de ma fille et de moy, Les nostres sont esteins pour des hommes sans foy⁎. L'un me veut pour sa mere, et l'autre pour sa femme, L'un est trop insolent, et l'autre trop infame. Dy leur qu'en dépit d'eux nous briserons nos fers, Que nous aymerions mieux espouser les enfers, Qu'ils nous verront plustost de ce fer esgorgées, Que de nous enchainer dans leurs mains enragées. Dy leur qu'en peu de temps leurs desseins divertis⁎, Ils iront chez Pluton recercher des partis, Que c'est là qu'on esteint les passions brutales, Et que proches de nous ils seront des Tantales. Qu'ils prennent mes raisons pour refus ou mépris, Ma bouche en dit bien moins que mon cœur n'a compris. Va, retourne à tes Roys, et croy que ma prudence, Pour un certain respect souffre⁎ ton impudence. Fuy de devant mes yeux sur peine de la mort. Mes amis, vous voyez où l'ouvrage s'avance, Mais nous esloignerons l'effect⁎ de l'apparence. Allons pour recevoir ce gendre et cet espoux, Qui nous veulent doter d'injures et de coups. Ha ! que je te regrette invincible Lucide. Nos tyrans sont donc pris, bon Dieu je te rends grace. J'estois dans le Chasteau remise en seureté, Pour destourner mes yeux du sac de ma Cité, Mais je veux maintenant courageuse m'instruire, A punir les meschans qui la vouloient destruire. A propos, mon cousin⁎, Lucide est de retour. Mais que dit-elle encor ? Hé ! j'en sens des excez, Où mon ame se void derechef engagée, Mais son voyage est vain, si je ne suis vangée. Avez-vous rien appris de plus particulier ? Dites moy clairement. Que je suis estonnée⁎. J'ay bien quelque plaisir aux souspirs que j'espans ; Mais je crains que ces fleurs recelent⁎ des serpens. Je m'en vay reposer attendant sa venuë. Vous voicy donc Lucide, et bien suis-je vangée ? Comment ! c'en est donc fait, allons le recevoir ; Dorine, laissez-nous, un secret nous convie. Je n'en retranche rien, me voicy toure preste, Vostre fidelité souscrit vostre requeste. Allons donc voir ce chef⁎, l'objet de mon soucy⁎. Mes yeux asseurez-vous. Dieux ! qu'est-ce que je voy, ah, Lucide. C'est donc en ceste sorte, et bien je suis trompée. A la fin me voicy laschement abusée⁎, Tout se trouve fatal au mal de Clorisée, Les Dieux sont devenus mes cruels ennemis, Je n'ay rien que du vent de ce qu'on m'a promis. L'Amour, l'honneur, l'espoir, ont trahy mes pensées, Ma raison et ma foy⁎ m'ont mesmes offensées, Les ans, les mois, les jours, les heures, les momens, Se sont tous animez au soin de mes tourmens⁎. Tout m'est injurieux, et l'ingrate Lucide, M'a manqué de parole, et se trouve perfide⁎ : Bref, la terre et le ciel obstinez contre moy, Ont destiné ma vie au bon-heur de ce Roy. Il est temps d'affranchir⁎ mon ame enveloppée, Laisserois-je eschapper ceste fatale espée, Sans tirer des malheurs ce miserable corps, Qui ne demande plus que la gloire des morts. Puis que ceste trompeuse a manqué d'asseurance, Je veux à son deffaut. Retire-toy, parjure. Je ne veux plus ouyr tes infidelitez, Laisse moy recueillir les fruicts de ma fortune ; Pourquoy m'empesches-tu ? Ah ! charmes⁎ renaissans de ma premiere gloire, Venez-vous derechef affliger⁎ ma memoire ? Levez-vous Filamire, un Prince tel que vous Doit fléchir sa rigueur, et non pas les genoux. Je voy bien que les Dieux, que le sort, que les astres, Souz des secrettes loix retiennent mes desastres. J'ay trop creu le conseil de mon esprit flatteur. Le temps à l'advenir sera mon conducteur. Monsieur, habillez-vous, ma rigueur amolie, Pardonne à vos erreurs qu'innocente j'oublie. Lucide, vostre ruse a produit tout cecy. Son heureux succez veut qu'on vous pardonne aussi. Mais vous ne parlez point de voir vostre Maistresse. Elle avoit bien raison de craindre pour son pere. Mais j'apperçois Florinde, elle vous vient querir, Quelle apprehension vous fait ainsi courir ? Ma fille impatiente a desir de vous voir, Florinde retournez, et luy faites sçavoir, Qu'avant que le Soleil soit dessus l'Emisphere, S'il n'arrive autre chose, elle verra son pere. Donnez bon ordre à tout, et faites que le Roy Cognoisse le tresor que luy garde ma foy⁎. Monsieur, que nostre aigreur ne soit plus retracée, J'ay retranché l'ennuy⁎ qui troubloit ma pensée. Que vostre Majesté perde le souvenir Des malheurs dont le ciel nous a voulu punir. Mais vous ne parlez point d'aller voir la Princesse. Les Dieux en sa faveur conduiront le surplus, La vertu vous oblige aux soins de ma famille, Mais sur tout à celuy de pourvoir vostre fille. Je laisse desormais le soing⁎ de mes miseres, Et pourray maintenant à tout mal resister. Je n'en veux rien distraire⁎, Derechef Armidore en presence de tous, Ma Fille et mes Estats sont maintenant à vous. Monsieur, vous et mon Fils avez toute puissance, Disposez de leur perte, ou de leur delivrance. Bons dieux, combien d'afflictions⁎ ! Ah ! sensible accident, d'un si mortel dommage ! Monsieur, je ne puis rien adjouster à ma flame, Le temps, ny les tourmens⁎, ny la prosperité, N'ont peu rien esmouvoir⁎ en ma fidelité. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_gouvernante *date_1633 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_gouvernante Madame vostre esprit n'est pas seul combatu De l'infidelité de ces ames parjures, Les Amantes par tout ressentent leurs injures, Le Soleil ne voit point de malheur si pressant Qu'en leur desloyauté⁎, nostre honneur oppressant, Ny le ciel n'entend point de si piteuses plaintes Que celles dont nos voix souspirent pour leurs feintes, Il semble que le sort contre nous dépité⁎ Favorise l'horreur de leur desloyauté⁎ : Mais, Madame, les pleurs donnent peu d'alegeance, Et retardent beaucoup les fruicts de la vengeance. Grande Reyne suivez doucement vos destins, Destournez de vos yeux ces outrages mutins : Reprenez sur le front vostre Royale audace, Monstrez la face aux pleurs, non les pleurs en la face, Et que vostre grand cœur constant comme Royal Sçait dompter les abus⁎ d'un Prince desloyal⁎, Estouffez les regrets au point de leur naissance. Approchez, s'il vous plaist, la Reyne le desire. Sans doute sa valeur⁎ vous fera redouter, De ceux qui desormais vous voudront molester⁎. Madame, vous parlez du Prince d'Armenie, Las ! Madame, quittez ce funeste langage. Madame, pardonnez à ma faute innocente, Vous n'avez pas d'ennuis⁎ que mon cœur ne ressente : Mais je souffre tousjours une mortelle peur, Lors que j'entens parler de ce Prince trompeur. Pleust à Dieu que ma mort vous peust donner sa vie, Ma foy⁎ seconderoit aujourd'huy mon envie : Mais puis que la fortune a des termes secrets, Qu'elle ne s'esmeut⁎ point de nos cuisans⁎ regrets, Que sourde à nos malheurs l'infidelle neglige, Autant celuy qui rid que celuy qui s'afflige⁎ : Las ! Madame, je croy que nos intentions Doivent s'accommoder à ses affections. Quand elle est en courroux on ne l'en peut distraire⁎, Et lors que contre nous elle fait son effort⁎, Son pouvoir absolu s'accorde avec le sort, Ils frappent aussi tost la vertu que le vice,     Et le Ciel ne peut rien contre ceste injustice. Vous voyez bien, Madame, en vos propres malheurs Qu'ils n'espargnent non plus les Roys que les Pasteurs. Grande Reyne, chacun trouve sa peine⁎ égalle. Qui frappe ? Est-ce vous, mon soucy, que je baise vos yeux, O que vostre retour nous sera precieux. Il ne reste donc plus qu'à me ravir⁎ la vie.             **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_alderine *date_1633 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_alderine Mais vous ne dites rien de ma chere Lucide,Elles sont dans le Qui souz tant de beautez a des forces d'Alcide,jardin du Chasteau. Beautez qu'on ne peut voir que des yeux de l'amour, Forcent l'estonnement⁎ de tous ceux de la Cour :Sejour de Lucide. Ceste charmante⁎ voix conjointe à l'harmonie Qu'elle tire d'un luth que son poulce manie, Sa grace, ses attraicts, aux complimens, au bal, Son addresse incroyable à dompter un cheval, Son humeur complaisante, où l'on veut divertie, Son audace où tousjours paroist la modestie, Son courage où reluit la generosité, Son cœur bruslant d'amour et de fidelité, Ces dons, ma grande amie, où l'on void tant de charmes⁎, Luy donnent les honneurs des beautez et des armes. Que je dois bien aymer l'astre de mon destin, Qui me fait posseder un si riche butin, Les souspirs que son cœur pour mon amour respire, Joignent à ma grandeur un glorieux Empire. Mamie je ne puis comprendre vos discours ; Ce Dedale a pour moy de trop fascheux destours. Si donc un bel esprit rencontre du merite⁎ Où l'amitié l'attire, il faut qu'il s'en irrite⁎, Florinde vous pouvez en dire autant de moy, Car Lucide m'attache à ceste mesme loy. Je cheris ses vertus à l'égal de ma vie, Son amour et le mien ont une mesme envie, Et son cœur est du mien l'agreable moitié. Je n'ay point encor veu ces estranges excez. Non, non, ce qu'elle fait n'est que par complaisance. Ma Florinde esprouvons⁎ un jour ceste adventure. Mais pourquoy blasmez vous ces aymables desirs ? Il semble qu'à dessein vous dressiez des parties Pour troubler les secrets des belles simpaties. Si l'aymant, et le fer, par de mesmes efforts⁎ Collent en s'approchans leurs insensibles corps, Pourquoy Lucide et moy par de vivantes forces Ne sentirions-nous point d'amoureuses amorces⁎ ? Le foudre en sa fureur⁎ espargne le laurier, Et la vigne cherit l'ombre de l'olivier, Pourquoy, blasmer Lucide, et trouver tant estrange Que sa sainte amitié à la mienne se range ? Mais la voicy venir. Mon cœur d'où venez-vous ? Vostre absence desja me mettoit en courroux, Qui vous a si long-temps soustraite à ma presence ? De mesme, mon soucy, lors que vostre œil me quitte, Mon esprit aussi tost de regret se dépite⁎, Et semble que mes yeux abandonnent le jour, Ou bien que le Soleil laisse nostre sejour. Quand je ne vous puis voir mon ame se ravale, Ma paupiere se ferme, et mon teint devient pasle, Ne pouvant plus rien voir, je me perds au sommeil, Et comme le soucy⁎ j'attens le beau Soleil. Lucide, je ne suis, vous absente qu'un ombre, Dedans ce desplaisir j'ay des peines⁎ sans nombre, On compteroit plustost les roses du printemps, Que mes tristes ennuis⁎ lors que je vous attens. Je cognois à ce coup que vous estes charmée⁎, Aux despens de ma gloire, et de ma renommée, J'aymerois mieux souffrir⁎ un rigoureux tourment⁎ Que de voir en Lucide un pareil changement : Florinde en ce souhait vous estes inhumaine⁎, Rien que sa seule mort n'appaiseroit la Reine, Je croy que son honneur recusa vos desirs. Ma Lucide, rentrons, je vous veux faire entendre Un air qu'en vostre absence, Amour m'a faict apprendre : Allons nous rafraichir dans les ombres du bois, Je veux joindre à mon luth une divine voix. Quoy ! qu'avez-vous promis, temeraire Lucide ? Comment ! que ma faveur vous conduise aux excez, Qu'un ennemy cruel ne voudroit pas commettre. Où seroit ma raison ? pourrois-je bien permettre, Un dessein qu'on ne peut escouter sans horreur, Qui mesme arresteroit les mains de la fureur⁎ ? Ô bons Dieux que mon cœur devenu parricide, Consente à vos complots, inhumaine⁎ Lucide. Cruelle, sont-ce là des fruicts de ton amour ! De vouloir meurtrir ceux qui m'ont donné le jour ? Quoy que facent les vents, j'y dois faire naufrage, Et de quelque costé que roulent⁎ les destins, Je ne puis éviter les outrages mutins. Les plus cheres douceurs que vostre ame en espere, C'est vostre mort, Madame, et celle de mon Pere. Qui pourray-je trouver en vous perdant tous deux ? Puis-je voir sans mourir, ce combat hazardeux ? Princesse infortunée⁎ ! ha miserable⁎ fille ! Je nourris un serpent au sein de ma famille. Quel astre malheureux me fit naistre des Rois ! Pour attacher ma vie à de si dures loix ? Que je serois contente au degré de Bergere, Mais quoy, l'on void partout la fortune legere User de son pouvoir, et de sa volonté : Sans respect de l'honneur ny de la qualité, L'infidelle partout exerce sa puissance, Et tous ses mouvemens sont dans l'indifference. Quel plaisir peut produire une mauvaise attente ? Pourray-je respirer dans le contentement, Vous trouvant à toute heure attainte de tourment⁎ ? Madame, je n'ay plus d'esprit ny de lumiere, Mon corps se veut resoudre en sa forme premiere, Je ne sçaurois plus voir vostre mortel courroux, Estant ce que je suis, sans souffrir comme vous. Il faut estre cruel au degré de la rage, Pour voir sans desplaisir le peril du naufrage. Serois-je si brutale en mon ressentiment⁎, De m'esclairer des feux⁎ de nostre embrasement, Et sçavoir que je suis le prix et le sallaire Du meurtrier de mon pere : ha ! je ne me puis taire, Madame pardonnez, Justes Dieux ! que je suis de douleur combatuë. Desloyale⁎ Lucide, ingrate à mon amour. Le sujet de ma plainte est trop en evidence. Il faut bien estre au don que vous avez promis. Pourveu que vous quittiez le dessein de la Reyne, L'esperance et le temps arresteront ma peine⁎. R'entrons, je n'en puis plus, il me faut reposer. Que vos sages pensers promettent des miracles, Pourveu qu'un mauvais sort n'y mette point d'obstacles. Non, je croy que le ciel pour finir nos langueurs⁎, Veut en vostre faveur appaiser ses rigueurs, Je ne puis exprimer le bien que je respire, Vos vertus dont le prix vaut mieux que cest Empire, Ne peuvent en mon cœur trouver comparaison, Vos glorieux projets surmontent⁎ ma raison. Mes jours sont affermis dessus vostre prudence, Mais je ne puis penser aux nuicts de nostre absence. Je cultive en mon cœur celuy de ton merite⁎, Et bien que ce depart comme toy me dépite⁎, Mon esprit se console en l'espoir du retour, Bruslons donc nos soucis⁎ au feu⁎ de nostre amour. Je veux que ce baiser te donne l'asseurance De ne douter jamais de mes affections, Dont la grandeur s'égalle à tes perfections. Reçoy encor ces deux, asseons nous sur l'herbe, Et m'ouvre franchement le secret de ton cœur. Que dites vous folastre, avez vous peur des astres ? Craignez vous maintenant de faire trop de bruit ? Le secret est bien cher aux ombres de la nuict. Vous m'avez fait venir, parlez en asseurance, Vous demeurez muette, ha ! c'est trop de silence, Sans doute un repentir me soustraict vostre voix. Quoy ! me voulez-vous donc cacher vostre pensée ? Comment, vous croyez donc me pouvoir offencer. Je ne sçay d'où vous vient ce travail⁎ soucieux⁎, Ne ce qui peut vers moy vous rendre si confuse, Ma foy⁎ vous doit servir de franchise et d'excuse, Si vostre cœur ne veut autrement s'exprimer, Vous seduisez le mien en feignant de m'aymer. Ha ! c'est trop craindre en vain, Que dites-vous ? un Prince. Trompeur, tu ne peux plus abuser⁎ mon esprit, Mon Amour se dissipe, ainsi comme il s'esprit, Et le feu⁎ que Lucide alluma dans mon ame, Devient pour Armidore une mortelle flame. Traistre, va t'en d'icy, je ne te veux plus voir, Reprens ton amitié, je reprens mon pouvoir, Pouvoir qui punira bien tost ton insolence. Les arres que pour toy commit mon innocence, Formeront en ton ame une severe loy, Va t'en loin de mes yeux n'approche plus de moy. Que les secrettes destinées, Nous font voir d'estranges destours, Et que les suittes des années Ont de bons et de mauvais jours. Apres les douceurs de l'aurore, L'ardeur⁎ du Soleil nous devore, L'ombre succede à la clarté. Apres le calme vient l'orage, Et dedans ce monde volage, La prison suit la liberté. On void par tout dessus la terre, Rouler d'un desordre fatal, Tantost la paix, tantost la guerre, Tantost le bien, tantost le mal. Nos cœurs en ces vicissitudes, Sont tousjours en inquietudes, Et ne sont jamais satisfaits : Quoy que deviennent nos pensées, Elles sont tousjours traversées Par la crainte, ou par les effets⁎. On est tousjours trompé du monde, Alors qu'on le veut caresser, Ses delices⁎ ne sont qu'une onde, Que le monde esmeut⁎ sans cesser. Celuy qui s'obstine à les suivre Se trouve bien tost las de vivre, Car parmy leurs plus belles fleurs, Où nature a faict un chef-d'œuvre, On void bien souvent la couleuvre Jetter le fiel de nos malheurs. Nous flattons nos lasches envies De songes et de vanitez, Coulans le meilleur de nos vies, En des plaisirs precipitez. Et sans prevoir nostre disgrace, Nous adorons un ciel de glace Dont l'esclat deçoit⁎ nos esprits : Mais la fortune opiniastre, Pour punir nostre ame idolastre, Nous en fait sentir son mespris. Mespris qu'on void reduire en poudre Les plus grands Rois de l'univers, Et leur apprendre à se resoudre D'estre un jour l'alimens des vers. Mespris qui jamais ne nous touche Que lors qu'un souvenir farouche S'esveille pour nous advertir. Et c'est alors que les dommages Nous font voir que nos advantages Trouvent souvent le repentir. Mais ces poincts sont si difficiles Qu'ils arrestent le jugement, Les plaintes y sont inutiles, Aussi bien que l'estonnement⁎. Ce sont des coups de la fortune, Dont chacun d'une loy commune, Sent assujettie sa raison. Et quoy qu'un bon esprit advance, Il ne peut qu'en la patience Trouver les clefs de sa prison. J'esprouve⁎ en un aage bien tendre Ces estranges diversitez. Mon esprit ne pouvoit comprendre Que ce sont des necessitez, Dont ceste infidele se jouë, Haussant et rabaissant sa rouë Selon ses volages desirs, Et foulant aux pieds l'apparence Faict passer dans l'indifference Nos miseres ou bien nos plaisirs. Qui vid jamais une Princesse Reduite au malheur où je suis ? La plus furieuse⁎ destresse N'est qu'un ombre de mes ennuis⁎. Je voy nostre isle ravagée, Et ceste retraitte assiegée, Sur le poinct de parlementer, Mais parmy l'effroy de mon ame, Un tyran qui pour moy s'enflame Me vient sur tout espouvanter. Que plustost mon cœur soit la proye De quelque lyon affamé, Que jamais le monstre le voye Selon son desir diffamé⁎. Non plustost ce desloyal⁎ Prince Verra les loups de la Province, Les Tygres, les Onces, et les Ours Devorer ma chair innocente, Que jamais mon ame ressente Le moindre traict⁎ de ses amours. Mais, helas ! je foule encor l'herbe, Où j'esmeus⁎ tant de cruauté ; Pourquoy devins-je si superbe⁎ Au temple de l'humilité ? Dieux qui presidez sur les ombres, Nymphes hostesses des lieux sombres, Bois, solitudes, autres secrets, Astres, silences, esprits funebres, Et tout ce qui suit les tenebres, Soyez tesmoins de mes regrets. Cher Armidore je confesse Que j'irritay⁎ nostre bon-heur, Mais, las ! ce fut une foiblesse De ma honte et de mon honneur. Car comme je vous vis timide⁎, Descouvrant l'abus⁎ de Lucide, Je creus que je devois aussi Feindre que mon ame offensée Changeoit d'humeur et de pensée Contre vostre amoureux soucy⁎. Je ressens maintenant la peine⁎ Des feintes rigueurs de ma voix, Car comme je fus inhumaine⁎⁎ Contre les amoureuses loix, Amour d'une ardeur⁎ rigoureuse Redoubla ma peine⁎ amoureuse De tant de violent effort⁎, Que dans ses funestes supplices Je panche sur les precipices Du desespoir et de la mort. Je crains tousjours l'effect contraire De ce que ton cœur a conçeu, Et que le sort pour t'en distraire⁎ Ne face que tu sois deçeu⁎. Mon cœur croy qu'en ton adventure Ma foy⁎ surmonte⁎ la nature, J'incline à ton contentement. Scylle en pareille misere Ayma mieux la mort de son pere Que la perte de son Amant. Amour que tes fleurs ont d'espines, Et que ton aveuglé desir Regarde bien peu les ruines⁎ Qui ravissent⁎nostre plaisir, Que c'est à bon droict qu'on souspire Lors qu'on possede en ton Empire Les fruicts de tes prosperitez. Delices⁎ où l'erreur nous plonge, Et dont la douceur n'est qu'un songe Qui chatoüille nos vanitez. Je sçay bien que je suis servie Du plus fidele des Amans, Et qu'il ne respire la vie Que dans ses amoureux tourmens⁎. Mais la rigueur de son absence M'outrage avec tant de puissance, Que sans l'espoir de son retour, La fureur⁎ qui me sollicite M'immoleroit à son merite⁎ Dessus l'autel de nostre amour. Princesse à qui le ciel faisant voir sa puissance, Reserve plus de biens que tu n'as de malheurs, Ne te desole plus, et perds la souvenance De toutes tes douleurs. Avant que le Soleil recommence sa course Tes maux s'escarteront dans leur dernier reflus, Les destins appaisez en ont tary la source Et ne reviendront plus. Ta mere desormais en sa pompe remise, Verra ses ennemis implorer sa mercy : Et ton pere rendra sa premiere franchise A son cœur endurcy. Il ne faut plus parler d'horreur ny de martyre, Le bon-heur ceste nuict r'entre dans ta maison : Armidore en livrant le chef⁎ de Filamire Destruira ta prison. Les decrets éternels ont brisé les obstacles,     Dont l'orgueil des tyrans te venoit molester⁎. Retourne en ton repos, et croy en mes oracles Sans plus rien contester. Quelle voix favorable a charmé⁎ mon oreille ? D'où me vient maintenant ceste douce merveille ? J'ay veu plusieurs Soleils dans ceste obscurité, Sans doute sontdes feux de la divinité. Dieux qui prenez le soin de ma triste advanture, Quoy qu'un si prompt secours ait peu de conjecture : Si veux-je raffermir mes doutes indiscrets⁎, Et fléchir ma raison à vos sages decrets. L'oracle ne pouvoit me rendre plus heureuse, Mais la peur laisse encor mon ame soucieuse⁎ Du combat de mon pere, et je crains que le sort, En prolongeant ma vie ait avancésa mort : Justes Dieux, s'il est vray, faites que ceste atteinte, Borne⁎ ma passion au but de vostre crainte. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_florinde *date_1633 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_florinde Ces amours sans espoir se tournent en fureurs⁎, Et ne laissent en fin que des cris et des pleurs. Un amour legitime apres la patience, Attend de ses labeurs l'heureuse recompence, Mais nature manquant à ceste passion, Elle ne peut donner que de l'affliction⁎. Où void-on une Dame aymer une autre Dame ? Ce penser seulement ne peut toucher mon ame, Toutes choses s'opposent à de telles amours. La biche ayme son cerf, et l'ourse ayme son ours, Tout suit l'ordre estably des soins de la nature, Lucide seule suit une vaine imposture, Une flame incogneuë au sentiment humain, La fille de Cyane ayma bien son Germain, Semyramys son fils, et Myrre ayma son pere, Ces amours diffamez⁎ d'éternel vitupere, Où ces femmes perdoient l'honneur pour le plaisir, Sentoient pourtant l'espoir seconder leur desir, Mais encor que Lucide en sa flame aveuglée, Ne monstre point d'effets d'une amour déreglée⁎, Plus elle vous fait voir ses esprits enflammez, Tant plus ses fols desirs deviennent affamez : Rien ne peut amortir ceste braise fatale, Que les traits⁎ de la mort, l'industrieux⁎ Dedale, Qui soulagea Pasiphe en ses sales tourmens⁎ , Separeroit plustost le corps des élemens⁎ , Que de forcer l'amour où nature est contraire, Ainsi Lucide doit de l'abus⁎ se distraire⁎. On distingue l'amour d'avecque l'amitié, Mais ceste passion dont la fureur⁎ l'embrase, L'emporte à tout moment dans un mortel extase⁎. Elle feint devant vous le fiel de ses accez. Madame, s'il vous plaist, feindre un jour une absence, Et vous cacher en lieu d'où vous nous puissiez voir, Vous direz que l'amour excede⁎ son pouvoir. Vous verrez un amour d'une estrange nature, Tout arrosé de pleurs, et bruslé de souspirs. Mais où pourroit on voir des flames plus ardentes⁎, Peut-on mieux exprimer des amours violentes ? Quel Amant pour sa Dame a jamais tant souffert ? Qui sur l'autel d'amour a jamais tant offert ? Pleust aux Dieux maintenant que Lucide fust homme, J'estimerois beaucoup l'amour qui la consomme⁎, Un Prince possedant ces belles qualitez, Pourroit lors à bon droict adorer vos beautez. Madame, elle souspire, helas ! que faites-vous ? Vos regards amoureux s'aigrissent contre nous. Voyez vostre Lucide à vos pieds abbatuë. Le temps mal employé ruyne l'esperance, Quel discours est-ce cy ? bons Dieux, quelle asseurance, Peut-on voir desormais en l'esprit des humains ? Alderine et Lucide en viennent presqu'aux mains. Qu'on ne me parle plus d'amour de Dame à Dame, C'est un feu⁎ sans chaleur, sans fumée et sans flame. Amour pour faire voir un fort embrasement, Et qui resiste à tout, joinct l'Amante à l'Amant : Ceste union resiste à l'audace importune, Elle arreste l'orgueil, et brave la fortune, Sans elle l'univers flotteroit imparfait, Et la nature vuide auroit bien peu d'effet. En fin je sçavois bien que je vous ferois rire. Vos secrets sont bien froids pour donner de l'envie. Je m'oppose à vos cruautez, Quel Demon⁎ vous rend furieuse⁎ ? Folle, je suis un corps, et ne suis pas un ombre, Florinde vous veut secourir. Je sçay bien que tout cet effort⁎, N'agist qu'en dépit de nature. Si je puis destourner vostre rage inhumaine⁎, Je croiray vous bien obliger⁎. J'accuse vostre peu de cœur. Tout vostre mal n'est qu'une feinte. Je voy bien le mal qui vous touche. C'est le decret fatal d'une beauté farouche. Ceste fureur⁎ qui vous possede, N'est qu'un prodigieux poison, Dont la nature et la raison Vous offrent tousjours le remede. Quittez ceste folle habitude, R'appelez voz bellez vertus. Voyez comme la honte estourdit le devoir. Quand on veut relever vostre bonne fortune Vous en mesprisez le pouvoir. Mais que deviendront vos combats, Dont la Reyne attend la victoire ? Rendez le sentiment à vostre ame esgarée. Vos forces reviendront soudain. A quitter ces vaines amours. Mais c'est vous qui le voulez feindre. Allons nous reposer le sommeil me devore, Allons estouffer nos regrets. Fin du quatrième Acte. Ostez ce nom de bonne. Elle pense comment Elle doit chastier vostre retardement. Non, ne le croyez pas, je seray vostre juge, Quittons la raillerie, et parlons de bon sens, Madame vous veut voir toutes choses cessans. Vous avez trop de soin⁎. Dieux ! qu'est-ce que j'entens, ô nouvelle adorée, Je vay gaigner des gans d'éternelle durée. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_tersandre *date_1633 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_tersandre Vostre desir conçoit une fascheuse route, Je vous veux toutesfois retirer de ce doute. Monsieur, la Reyne fut si parfaite autrefois, Qu'on ne peut dignement l'exprimer par la voix ; Ses qualitez estoient conjointes à la grace, Les beautez de l'esprit à celles de la face, Son pouvoir composé d'audace et de douceur, Des plus puissans esprits fut tousjours possesseur. On disoit en voyant ses merites⁎ extrémes, Qu'en eux les dons du Ciel se surmontoient⁎ eux mesmes, Et qu'il avoit formé ceste rare beauté, Pour rompre les decrets de la fatalité. Un jeune Chevalier courant alors le monde, Se feignant à chacun Prince de Trebisonde, Mortel ressouvenir⁎ ! voulant voir ceste Cour, Fut pris par ses beautez dans les filets d'Amour. La Reyne dont le cœur estoit encor de glace, Vid bien qu'Amour vouloit occuper ceste place, Et se sentit en fin blessée d'un coup fatal Par le traict⁎ dont ses yeux avoient fait tant de mal. Elle que nous avions long-temps importunée De recevoir les fleurs d'un heureux Hymenée⁎, Pour nous donner les fruicts de son contentement, Creut alors que ce Prince en seroit l'argument, Le voyant accomply⁎ de vertus nompareilles⁎, Tandis que son esprit consultoit ses merveilles : Luy qui vouloit sortir de sa captivité, Disposoit son Amour à l'infidelité. L'artifice⁎ du corps joinct aux charmes⁎ de l'ame, Rendus égallement complices de sa trame⁎, Font perte de l'honneur en ce traistre devoir, Pour gaigner sur la Reyne un amoureux pouvoir. Ainsi ce desloyal⁎ triompha de sa couche. Apres mille sermens arrachez de sa bouche, Ce fatal mariage arresta nos desirs, Et nos soings⁎ plus cuisans⁎ tournerent en plaisirs. La Cypre en ses esbats⁎ devint démesurée, Mais, las ! son passe-temps ne fut pas de durée, Car ce Prince à nos maux fierement resolu, Apres avoir esteint son amour dissolu⁎, Feignant qu'en Trebisonde un affaire le presse, Abandonne au malheur nostre triste Princesse. A ce coup sa prudence à peine se contient, Elle voudroit mourir : mais elle se retient Dans le ressentiment⁎ d'un desirable gage, Dont Lucine voulut adoucir son courage, Bref, les mois accomplis elle fit voir au jour Une fille qu'on croid plus belle que l'Amour. Beauté qu'un mauvais sort garde pour recompence, De celuy dont la Reyne espere la vengeance. Vengeance qui ne peut par serment solemnel Se tirer d'autre part que du sang paternel : Ceste Princesse en fin, pour appaiser sa mere, Se reserve pour prix du meurtre de son pere, Et c'est là le sujet qui la faict receler⁎, De peur que quelque Prince en luy voulant parler, Ne destourne le coup de ce cruel carnage. Elle craint maintenant que le Roy d'Albanie Luy vienne presenter le chef⁎ de ce trompeur, Quoy que son cœur le vueille, elle en a tousjours peur, Car encor que l'affront à se vanger l'attire, Elle ressent tousjours son amoureux martyre. C'est icy le grand mal qui nous est advenu, Mal qui ne se pouvoit commettre plus infame, La Princesse de Mede est maintenant sa femme Aux yeux de nostre Reyne. Il regit aujourd'huy la Mede et l'Armenie. Son nom est Filamire, et dans son abandon Il avoit usurpé celuy de Palmedon. On ne peut empescher les Dieux de se vanger. Mais allons au devant de ce Prince estranger. Fin du second Acte. Le courroux de la mer n'esmeut⁎ pas plus de flots, Qu'un desir de vangeance a de mauvais complots, Nostre Reine en cela nous est un fort exemple, Celle que les vertus avoient prise pour temple Ne pouvant relever les esprits abatus, Ruine en se perdant le temple des vertus. Voyez à quel excez sa rigueur se relasche, La fureur⁎ la console, et le conseil la fasche, Sa mortelle douleur ne se peut amortir, Et rien que le desdain ne la peut divertir⁎. Le sens et la raison luy manquent au besoin⁎, Mais quoy ! nous ne pouvons forcer la destinée. Je croy bien que les Dieux reservent à ses mains La gloire d'achever des genereux⁎ desseins : Mais celuy de dompter un si fort adversaire, Sans offencer Lucide, est un peu temeraire. Et quand Mars voudroit mesme assister sa valeur⁎, La mort de ce grand Roy seroit nostre malheur, Ne pouvant arriver sans perdre Clorisée. Madame, sur ce fait mon esprit est en doute. Le mespris du conseil trouve la repentance. Je sçay ce que je dois à vostre Majesté, Le silence nuiroit à ma fidelité. Madame, nous devons mesnager nos courages, Les conseils plus soudains ne sont pas les plus sages, Consultons nos esprits, ce que peuvent nos mains, Laissons aux ennemis tous les outrages vains. Leur brutale fureur⁎ a ravagé vostre isle Et ne vous reste plus que ceste seule ville : Nous la pouvons deffendre attendant que les Dieux, Vous delivrent des mains de ces Roys odieux. La place de soldats et de vivres est munie, Pour tenir quelque temps contre la tyrannie, Redoutons l'ennemy : mais ne l'espargnons pas, Et sur tout que nos pas soient autant de trépas. Madame, retenez un peu vostre grandeur, Le plus barbare est libre estant Ambassadeur. La muraille partout est de soldats pourveuë, Il ne nous reste plus qu'à faire une reveuë, Nos squadrons sont par tout en bon ordre posez. Les cœurs de vos sujets sont si bien disposez, Que pour bien soustenir chacun vaut un Alcide. Vous hurlerez en vain de mesme que les loups. Courage Citoyens, le Barbare recule, Ce Busire insolent a trouvé son Hercule. Leur courroux s'est passé de mesme qu'un esclair, Et leurs plus grands efforts se sont faits dedans l'air. Mais je voy deux guerriers dont l'audace superbe⁎ Me fait penser douteux⁎. Qui veut parler à moy ? C'est vous, belle guerriere, agreable propos. Je descens ma compagne. Où estes-vous, Madame ? ô glorieuse nuict ! Mais plustost jour heureux où ce Soleil reluit. Il faut bien que la Reyne apprene ces nouvelles. Son repos asseuré, c'est de l'en advertir, J'estime que le vostre est le plus necessaire. Ils sont aussi confus qu'ils estoient plein d'audace. Je l'ay tantost laissée aupres de ceste tour, Fort lasse du combat, et croy qu'elle repose. Je ne sçay autre chose, Sinon qu'elle tesmoigne un glorieux succez Du voyage de Mede. Ce brave Chevallier Dont je vous ay parlé l'a tousjours destournée De m'entretenir seul. Le jour dissipera ceste fascheuse nuë. Noz mutins maintenant abbatus de froideur, Pour éviter la mort ont regaigné leurs flottes, La frayeur a si bien surpris les Epirotes, Que ceux qui par la fuitte ont évité le fer, N'ont peu se garentir des fureurs⁎ de la mer, Mais sans vostre valeur⁎ nous eussions eu du pire. Avec plus de douceur Que l'excez de ma voix ne vous le sçauroit dire. Non, pourquoy, dites moy, qu'en avez vous appris ? Je sçay bien que Lucide alla pour le combattre. Je vis bien avec elle un genereux⁎ guerrier Aussi grave d'aspect que couvert de laurier, Qui vainquit devant moy le Prince d'Hyrcanie. La bataille finie, Et les Roys prisonniers remis en seureté, Voyant que ce guerrier cerchoit la liberté Et croyant le repos leur estre necessaire, J'allay d'autre costé pour ne les pas distraire. Allons à la rencontre. Mon esprit estonné⁎ croit de voir des chimeres. Sire, je rends mes vœux à vostre Majesté. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_aristome *date_1633 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_aristome Princesse dont chacun celebre la loüange, Et souz qui le sort m'a fatalement soumis, Je me viens acquitter de ce que j'ay promis. L'inestimable prix des beautez d'Alderine, Dont les feux⁎ immortels embrazent ma poitrine, D'éternelles ardeurs⁎, m'avoit fait concevoir Un honneur dont l'attente excede⁎ mon pouvoir. Vostre peine⁎, Madame, est un mal sans remede, S'il faut pour le guerir vaincre le Roy de Mede. Sa valeur⁎ que j'égale à voz belles vertus, Ravit⁎ d'estonnement⁎ ceux qu'il a combatus. Ce Soleil de la paix, ce foudre de la guerre, Autant aymé du Ciel qu'il est craint en la terre, Tesmoigne tant d'adresse aux plus rudes combats Que la mort n'est sinon l'object de ses esbats⁎ , Je l'ay veu triompher du Prince d'Hyrcanie, Dont Mars mesme estimoit la valeur⁎ infinie, Avecque plus d'effort et moins d'estonnement⁎, Que ne fait un lyon d'un chevreul seulement. Ce combat fut fondé dessus vostre querelle, Dont la cause si juste et l'attente si belle Esmouvent⁎ l'univers au soing⁎ de vous servir ; Ce dessein genereux⁎ me vint aussi ravir⁎ Du desir de cueillir des fruicts de ceste gloire, Mais au lieu d'approcher du but de la victoire, J'en ay perdu l'espoir avec ma liberté, Et ne suis plus vivant que dans vostre bonté, Filamire en ma grace achevant sa conqueste, Met en vostre pouvoir ma fortune et ma teste. Exercez sur ma vie un effect⁎ souverain, Je mourray glorieux, mourant de vostre main, Grande Reyne en cecy j'aquitte ma promesse. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_bruserbe *date_1633 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_bruserbe L'injurieux mespris que ce Prince respire, Qui ternit vostre gloire, et trouble vostre Empire, Esmeut⁎ en mon esprit de si justes tourmens⁎ Que je ne puis avoir de plus forts sentimens. Je meurs de vous vanger, le bien de ma Province     Ne me touche pas tant que l'orgueil de ce Prince, L'honneur et la vertu blessez de vos regrets, Portent mes bons desirs dedans vos interests. Mais le mien qui n'agist que par vostre excellence, S'anime à ce devoir avecque violence, Il ne me reste plus que vostre authorité Pour combattre ce Roy sur sa legereté, Glorieux d'employer en ceste belle envie⁎ Mon sceptre, mon honneur, mon courage et ma vie. Vous le nommez cruel en le favorisant, Il semble que l'amour vostre flame attisant, Vous figure tousjours ce Roy dans les merveilles Dont il souloit⁎ charmer⁎ vos yeux et vos oreilles. Vos apprehensions ont bien quelque couleur, Sçachant que Filamire a beaucoup de valeur⁎, Mais je crains que ce feu⁎ que vostre cœur adore, Apres beaucoup de mal en fin ne vous devore. Je croyois que vostre ame en ce Royal effort, N'eust pour cest ennemy que des objects de mort, Et que vostre pitié justement refroidie, Fust changée en fureur⁎ contre sa perfidie⁎, Puis que continuant son infame delict, Un second mariage occupe vostre lict. Cest là que vous devriez repousser ceste amorce⁎ Qui veut obstinement accabler vostre force. Grande Reyne rentrez au ciel de la raison, Et que vostre grand cœur quitte ceste prison, Où vos riches desseins trouvent de l'indigence. Vostre gloire consiste au poinct de la vengeance, Et la mienne, Madame, en vos perfections ; Recevez donc mes voeuz et mes affections, Acceptez ceste foy⁎ que mon cœur vous reserve, Permettez qu'en souffrant je vous ayme et vous serve, Vos merites⁎ alors triomphans de l'oubly, Ne reverront jamais leur pouvoir affoibly, Et mes feux⁎ retenus du frein de mes services, Triompheront aussi de vos cheres delices⁎. Mais c'est contre soy-mesme user de cruauté, D'aymer un desloyal⁎ en sa desloyauté⁎. Aymer un inconstant, c'est blesser la constance. La foy⁎ se desoblige apres le changement. Vostre fidelité vient d'une ame aveuglée. Mon jugement s'esgare en ces diversitez, Que vous aymiez celuy que vous persecutez. Laissez-vous sans espoir mon amoureuse peine⁎ ? Comment vostre pitié neglige ma douleur ? Voyez comme ce foudre a suivy son esclair, Son refus insolent ne peut estre plus clair. Ha Reine impitoyable, autant fiere que belle, Qui preferez à moy cet Amant infidelle, Qui joignez pour me perdre aux forces de l'esprit, Ces fatales beautez où mon amour s'esprit, Beautez, où ma raison se trouve si confuse, Mais si faut-il en fin que je me desabuse. Les Dieux me vengeront de ton cœur obstiné. Non, mon amour qui fut par le Ciel destiné, Ne se peut revoquer qu'au peril de ma vie, Aussi la veux-je perdre en ta mortelle envie⁎. Et puis que ton humeur m'instruit à me venger, Je me veux en ce poinct comme toy soulager. Ingrate, c'est icy que je me veux resoudre ; Il faut que ton dédain face esclatter un foudre. Le calme de la femme, ainsi que de la mer, Presage qu'elle veut ses fureurs⁎ escumer, Vostre sexe, Madame, à ce coup vous dispence De voir de vos erreurs la juste recompence. Ouy bien en vous servant des armes de Cypris. Reservez ce courage à l'amoureux esbat⁎, Je consacre à l'Amour ceste belle poitrine. Encores me faut-il éviter sa fureur⁎, Car ce sexe indiscret⁎ qui n'a point de limite, Souvent en se mocquant se déprave et s'irrite⁎ ; En fin vous m'obligez de faire comme vous, Et forcez mon esprit de se mettre en courroux. Je suis doncques contraint par un rencontre infame, De mesurer ma force à celle d'une femme, Une fille nourrie aux esbats⁎ amoureux, Triomphe de ma gloire, et me rend malheureux. Son bras apesanty fait sentir plus de forces, Que ses yeux ne font voir d'amoureuses amorces⁎ ; Je ne puis plus parer à ces coups redoublez. Fortune rigoureuse, on void bien maintenant, Que tant plus les humains te vont importunant, Ils esprouvent⁎ tant moins ton secours favorable, En fin je suis vaincu par un sort miserable⁎. Belle, je ne veux plus vainement contester, Suivez vostre bon-heur, je n'y puis resister, Ma valeur⁎ aujourd'huy souz la vostre asservie, Vous pouvez à bon droict disposer de ma vie. Tout mon vouloir dépend de vos intentions : Puis que vostre valeur⁎ a vaincu mon audace, Quoy que vous m'imposiez, il faut que je le face. Je jure par nos Dieux de n'irriter⁎ jamais Les desirs de la Reine. Comme les passions surmontent toute chose, Ceste Reyne confuse en ce qu'elle propose, N'oit, ne gouste, ne sent, ne touche ny ne voit, Qu'un desir de vengeance, où son cœur la deçoit⁎. Sa frontiere n'a peu resister à nos armes, La frayeur s'est glissée au sein de ses gens-d'armes, La campagne est à nous, et tenons tous ses forts, Il ne nous reste plus que les derniers efforts. La victoire souvent se cache souz ces charmes⁎ : Mais ne relaschans rien de la severité, Tout se rendra facile à nostre authorité, Gardons nous seulement d'une trompeuse amorce⁎. Nous leur ferons quitter ceste vaine arrogance, Le temps forme l'Amour, l'Amour la jouyssance, Mon frere allons pourvoir à nos Ambassadeurs, Et mettons soubs le pied la crainte et les froideurs. Portons nostre vengeance à toute extremité, Qu'on ne pardonne point à l'imbecilité, Soit du sexe, ou de l'aage, et sur tout que les larmes Ne vous seduisent point. Icy mes compagnons. Ha ! guerriere invincible, encor un coup la vie. On pardonne aisement aux erreurs de l'amour. Ha ! que ceste prison m'accable de soucy⁎. Nous n'attendions pas moins, de sa main genereuse. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_filamon *date_1633 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_filamon Madame, vous voyez un Prince dont l'usage Estoit tousjours d'abatre, et non d'estre abatu, Mais Filamire en fin surmonte⁎ ma vertu. L'aspect malencontreux de quelque mauvais astre, Et non pas mon deffaut a causé mon desastre ; Et ce Prince orgueilleux ne m'eust jamais dompté, Sans un secret malheur de la fatalité, Son Demon⁎ s'opposant à ma juste victoire, Le fait injustement triompher de ma gloire, Et son bon-heur voulant me vaincre une autrefois, Veut aussi que je tombe au pouvoir de vos loix, Et que je vous demeure obligé de ma vie. La valeur⁎ ne peut rien en ce poinct difficile, Où la mienne a manqué toute autre est inutile. Belle, vous traittez mal le Prince d'Hyrcanie. J'excuse aussi l'excez, avec la promptitude. Vous voulez soustenir un Chevallier parjure. Que mon malheur est grand, une fille importune Que mes yeux ne jugeoient capables que d'amour, Me reduit au peril de ne plus voir le jour. Ha ! voicy mon tombeau, Faut il qu'en eschappant du gouffre de l'envie⁎ Une femme à ce coup triomphe de ma vie ? Et que sortant des mains d'un guerrier indompté, Je reçoive la mort d'une jeune beauté ? Amour pour me punir est autheur de ses charmes⁎. Invincible beauté, Vostre extreme valeur⁎ abregé des miracles, Vostre prudente voix, merveille des oracles, Vos justes sentimens et vos perfections, Fléchissent aujourd'huy toutes mes passions. Vos vertus en mon cœur erigent un Empire, Souz lequel l'honneur veut que mon ame respire. Vostre victoire m'a de delices⁎ charmé⁎, Plus heureux de me voir de vos mains desarmé, Que si le Ciel m'offroit une riche couronne. J'iray pour vous complaire. Les desirs des mortels trouvent plus de ruïnes, Que la mer n'a d'escueils, et les rosiers d'espines, On ne cueille les fruicts d'amour ou de l'honneur Que parmy les hazards, ou dedans le bon-heur, Le plus sage souvent se deçoit⁎ et s'abuse⁎, Et le pouvoir luy sert aussi peu que la ruse. J'esprouve⁎ à mes despens ce que peut le destin, Qui fait de mon desastre un glorieux butin. Que les vanitez ont de charmantes⁎ amorces⁎, Pour troubler nos esprits, et pour ravir⁎ nos forces. Je voulois surmonter⁎ le Soleil des guerriers, Une fille me dompte et m'oste mes lauriers. Je vivois en l'amour d'une beauté Divine, Mais il faut que ce feu⁎ s'esteigne en ma poitrine, Tous ces ombres sans corps se sont esvanoüis, Mes sens et ma raison maintenant ébloüis, Honteux de mes abus⁎ ne se peuvent remettre, Et crains que mon malheur devienne en fin le maistre, Et qu'au lieu de me voir capable de regir Un regret éternel me contraigne à rougir. Si me faut-il trouver relasche à mes tortures, Ou qu'une prompte mort borne⁎ mes adventures. Je suis d'avis avant que forcer ses murailles, Pour éviter l'horreur de tant de funerailles, Que nous taschions d'avoir par un plus doux succez, Ce que le fer ne peut obtenir sans excez. Deputons vers la Reyne, et si on nous refuse, Il ne faut plus parler de grandeur ny d'excuse, Nous irons par la force en vainqueurs absolus. Nos progrez jusqu'icy nous ont trop resolus, Nous n'avons à dompter maintenant que des larmes. Souvent les fruicts d'Amour se cueillent par la force. Il faut lors que l'orgueil surmonte⁎ le pouvoir, Contre ce sexe ingrat mettre tout en devoir. Les discours du passé ne sont que des finesses, Les Princes tels que nous sont nez pour les Princessess. Le reffus maintenant nous seroit odieux, Clorisée et sa fille ont dessein sur les Dieux. A moy braves gens d'armes, Le combat se fait à la discretion des Acteurs. Assaillons ceste tour, la victoire est à nous. La grace que je veux, C'est de voir en ton sang recompenser mes vœux. O desdaigneuse parque, Nous avons tousjours creu, nostre prison heureuse, Et que ceste Princesse, a trop d'humanité, Pour punir les excez, de nostre cruauté. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_filamire *date_1633 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_filamire Mais la nuict ne sçauroit receler⁎ ton audace, Deffends toy si tu peux, et n'attends plus de grace. Ton orgueil veut que je te punisse, Mais il faut que la Reine ordonne ton supplice. Voyla du desespoir une evidente marque. Vous cognoissant autant vertueuse que belle, Je formerois à tort cet injuste debat, Si j'ay quelque soucy⁎, c'est pour nostre combat, Sçachant en quel degré je tiens vostre courage. Mais plustost si le Ciel le vouloit empescher, Je penserois avoir vaincu les destinées, En pouvant retrancher ce jour de mes années. Certes, la Reyne a tort de me tant affliger⁎. Or puis que par vos mains elle se veut vanger, Contentons sa rigueur aux despens de nos vies. Encores si mon sang la pouvoit appaiser, Moy mesme soucieux⁎, plus qu'elle de ses peines⁎, Pour son soulagement je percerois mes veines, Plustost que d'entreprendre un combat où mon cœur Ne pourra se resoudre au tiltre de vainqueur. Quelle voix importune Vient rompre mon repos, et troubler ma raison ? Lucide voudroit elle user de trahison ? Non, elle veut plustost empescher Clorisée D'esteindre dans mon sang sa fureur⁎ embrasée, Ah ! Lucide, pourquoy voulez-vous retenir Un beau coup qui me doit si justement punir ? Me voulez vous priver d'une mort honorable ? Grande Reyne voicy la poitrine coulpable, Où respire ce cœur qui vous fut inhumain⁎, Je dois souffrir⁎ la mort de vostre belle main. N'espargnez point mon sang que vostre ame souhaitte, Pourveu qu'en mon trépas vous soyez satisfaite, Je laisse franchement ma vie à l'abandon, Si vostre douce voix ne prononce un pardon. Madame pardonnez à la necessité, Je suis tousjours fascheux à vostre Majesté. Madame, ce desir sur tout autre me presse, Allons y de ce pas, et ne retardons plus. C'est ce que je souhaitte avecque plus d'ardeur⁎. Ne parlons plus de rien qui nous puisse attrister, Mais voicy mon Nepveu. Mon Cousin⁎, vous voyez un Prince surmonté, Mon Neveu m'a remis au pouvoir de la Reyne, Sa prudence a fleschy ma valeur⁎ et sa peine⁎, Son courage a si bien mesnagé sa vertu, Qu'il demeure vainqueur sans avoir combatu, Victoire qui luy donne aujourd'huy le salaire Que la Reyne a promis. Mais, Madame, il nous faut devenir pitoyables⁎, Et pourvoir au malheur, de ces Roys miserables, L'amour qui fut l'autheur, de leur temerité, Pourroit encor punir, nostre severité. Mon cousin⁎, s'il vous plaist, qu'on les face venir, Madame, on ne sçauroit plus rudement punir, Un esprit arrogant, flechi par son audace, Qu'alors qu'on le contraint à recevoir sa grace, Mais les voicy. Mes freres, vous voyez comme nos passions, Nous attirent souvent, à des malheurs extresmes, La fortune pouvoit, nous renverser de mesmes, Oubliez desormais, les desplaisirs soufferts, La Reyne vous delivre, et vous oste vos fers. Mais d'où vient ce Courrier, Et qui t'amene en Cypre ? On ne peut resister à la fatalité, Madame, prenez part à ce dernier voyage. Essuyez, s'il vous plaist ces inutiles pleurs, La mort veut le silence et non pas les douleurs. La perte de Clarinde, est une œuvre secrette, Dont le Ciel veut punir mon erreur indiscrette⁎ : Vivante elle me fit de vos yeux separer, Et morte elle me faict mon crime reparer. Tandis qu'elle a pour moy respiré sur la terre, Vos justes interests m'ont tousjours faict la guerre. Et maintenant qu'elle a les delices⁎ des cieux, Une eternelle paix me vient rendre à vos yeux, Puis que ces Roys ont sçeu nos tristes advantures, Je veux qu'ils soient tesmoins de nos joyes futures. Je vous rends devant eux mon amour et ma foy⁎, Qu'un demon⁎ insolent avoit ravis⁎ sur moy. Reprenez vostre cœur et me rendez mon ame. Retirons nous, Madame, allons pourvoir au reste, Et noyons dans l'oubly tant de soucy⁎ funeste. FIN. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_lucide *date_1633 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lucide C'est la Reyne sans doute, Mon frere le bon-heur assiste nostre route. Madame vous voyez deux jeunes estrangers Qui viennent d'esprouver⁎ l'effort⁎ de l'inconstance. Nostre desir vouloit luy faire resistance, Lors que ne voyant plus que des objets de mort, Un bon astre nous fit aborder vostre port. Madame, son desir ne se pouvant distraire⁎, Apres avoir repris ses premiers sentimens Il me vint retracer ses amoureux tourmens⁎, Mais je ne respondis que d'un regard farouche Qui luy fendit le cœur, et luy ferma la bouche : Et croyant que mon frere empeschoit son dessein, Le traistre s'avançoit pour luy percer le sein. Je me jette entre deux où l'ardeur⁎ me transporte, Et l'espée à la main, luy parle en ceste sorte : Méchant tu ne pouvois d'un meurtrier effort⁎ Advancer ton amour, ny reculer ta mort. C'est moy qui dois donner, corsaire miserable⁎, A tes feux⁎ dissolus⁎ le sallaire equitable. Je conjuray mon frere en l'écartant au loin De ne s'émouvoir⁎ point, et me laisser le soin De traitter ce brigand selon sa perfidie⁎, Qui me fit voir bien tost sa flame refroidie, Et mes coups redoublez le suivans de si prés, Qu'il vid bien tost changer ces myrthes en cyprés, Ce colosse abbatu mesure vostre plage. Que ce mot de cousin ne soit plus en usage De peur de descouvrir nostre feinte au langage, Et de perdre le bien dont je suis possesseur : Que nos noms desormais soient de frere et de sœur, Les arbres pour nous nuire ont souvent des oreilles. Tout vient heureusement à mon intention, Et vous, quel entretien avez vous de la Reyne ? Si vous faut-il resoudre à demeurer icy, Et pour l'amour de moy forcer vostre soucy⁎, Pleust au Ciel que vos yeux vissent mon Alderine. Plus cent fois que Cyprine, Sa divine beauté qui peut fléchir les Dieux, Merveille de la terre, et chef-d'œuvre des cieux, Au jugement d'amour demeure sans exemple, C'est le plus cher object que le Soleil contemple : Sa face a des appasts⁎ en sa proportion Qui sont autant de traits de la perfection, Ses cheveux qui l'or pur divinement colore, Plus beaux que ceux d'Amour ny que ceux de l'Aurore, Peuvent estre à bon droict mis en comparaison, Aux rais⁎ dont le Soleil enrichit l'orison : Son beau front où l'honneur releve sa victoire, Est un Ciel où l'on void deux Iris en leur gloire, Augures du beau temps aux pluyes de mes yeux, Formez de deux Soleils pleins d'esclairs radieux, Dont je fay mes miroirs, encores que ma face Se perde bien souvent dans ceste belle glace, Sur qui deux sourcis noirs tesmoignent un desir De faire dueil pour ceux que ses yeux font mourir, Quand son double corail l'un à l'autre se touche Il forme l'arc d'amour figure de sa bouche, Qui venant à s'ouvrir dessouz son œil riant Descouvre un beau tresor de perles d'Orient, Ses jouës où l'amour son triomphe prepare, Sont de pourpre de Tyr, et de marbre de Pare, Et combien qu'elles soient de mesme qualité, Elles semblent pourtant disputer la beauté ; Son nez est si parfait qu'il donne à son visage D'une seconde gloire un second avantage, L'albastre de son col des graces le tableau, De ce nouvel Olympe est un Atlas nouveau, Son sein où les vertus eslevent leur Empire Est un throsne d'yvoire où la gloire respire, Sa belle main, son bras en blancheur nompareil⁎, Arresteroient bien mieux la course du Soleil, Que ne fit autresfois la fille de Penée Lors qu'elle redoubloit sa fuitte infortunée⁎ . Si ma beauté pouvoit fléchir vos passions, Ce seroit bien punir vostre erreur temeraire. J'entens, si vous m'aimiez en l'estat que je suis. Narcisse devint bien amoureux de soy-mesme. Je puis bien esperer où nature a pouvoir. Quand vous verray je attaint de l'amoureuse flame ? Vous estes obstiné dans ce mépris mocqueur. Et moy revoir mon cœur. Madame, j'ay souffert cent morts en vostre absence, Mais mon frere importun ne me pouvoit quitter, Et pour nous separer je l'ay fait depiter⁎. Madame, quand le sort de vos yeux me separe, La mort en mesme temps de mon ame s'empare, Je me brusle en ma crainte, et me noye en mes pleurs, Je sens de tous costez de nouvelles douleurs, Je parle à vos beautez que je vois en images, Et dis en ceste sorte, ô celestes ouvrages, Miracles que ma foy⁎ peut seule concevoir, Tant de perfections me veulent decevoir⁎, Et ce ressouvenir⁎ aliment de mon ame En cet excez d'ardeur⁎ se redouble et s'enflame, Me retraçant l'object de vos divinitez, Lors mon ame s'envole au ciel de vos beautez. Je ne puis recognoistre en ce desordre extréme Si ce n'est qu'un extase⁎, ou si c'est la mort mesme, Mais que ce soit la mort, ou le ravissement, Je ne puis supporter ce triste esloignement. Madame, vos faveurs m'imposent le silence, La gloire me caresse avecque violence, Mais vostre soin⁎ ayant si peu de fondement, Sçachant bien mes deffauts, je crains le changement. Mille confusions estonnent⁎ mes pensées. Toutes les dignitez en vous seule amassées, Menacent mon orgueil et ma temerité, Je redoute l'esclat de ma felicité. Je sens en mon erreur que mon ame s'oublie, Mais, helas ! ceste loy sur mes sens establie, Me force doucement d'adorer ma prison, Et cherissant mon mal je fuy ma guerison. Madame, mon esprit n'agit qu'en vos plaisirs. Nostre sexe a dequoy punir vostre mespris. On vous prendroit alors avec trop d'avantage, La faveur de l'amour manque à vostre visage, Mais, s'il plaist à la Reyne, elle verra comment Je sçauray resveiller vostre estourdissement. Grande Reyne, à ce coup j'implore vostre grace, Permettez à mon bras de dompter ceste audace. Si Mars vous favorise aussi peu que Cyprine, Vous pourrez bien alors quitter la vanité, Privé de la valeur⁎, comme de la beauté. Non, non, Madame, il faut dompter ceste insolence, Et voir si le courage excuse l'arrogance : Temeraire reçoy les fruicts de ton erreur. Icy les complimens ne sont point en usage, Le combat veut l'effect⁎, et non pas le langage, Ne feignez point vos coups, et ne m'espargnez pas, De peur qu'en vous mocquant vous trouviez le trespas. Quoy, Prince, vos esprits sont-ils desja troublez ? Sus, sus, relevez-vous, je veux bien que la honte Reproche à vostre orgueil qu'une fille vous dompte. Mon Prince, la victoire a d'estranges destours, Et ce qu'on s'en promet n'arrive pas tousjours, Je sçay que le regret qui trouble plus vostre ame, C'est de vous voir soumis au pouvoir d'une Dame ; Vos erreurs ont produit ceste necessité, Nostre sexe a paru dedans l'antiquité, Les femmes de Lydie ont de tout temps l'usage De joindre à la douceur la force et le courage. Or Monsieur, en usant du pouvoir des vainqueurs, Je veux pour mettre fin à toutes nos ranqueurs, Que vous me promettiez, comme fidelle Prince, De n'attenter jamais contre ceste Province, Et sur tout je vous veux conjurer au surplus D'honorer nostre Reyne, et ne la troubler plus. Voulez-vous consentir à ces conditions ? Et moy je vous promets De cherir vos vertus à l'égal de ma vie, Et si le bon heur veut seconder mon envie, J'espere de trouver sujet à l'advenir De ne sortir jamais de vostre souvenir. Madame, vos douleurs seront bien tost passées, Le Ciel a des secrets qu'il cache à nos pensées. Pardonnez, s'il vous plaist, à ma temerité, Vous offencez le Ciel et vostre qualité, Vostre mal est plus grand que je ne l'aprehende, Mais vos belles vertus, dont la cause est si grande, Se doivent opposer à ses efforts⁎ mutins, Qui veulent outrageux combattre vos destins. Vous sentirez bien tost vostre ame soulagée, Et le Ciel permettra que vous serez vangée, Grande Reyne, essuyez les larmes de vox yeux. Madame surmontez ceste difficulté, Le temps bien mesnagé produit beaucoup de choses : Les espines tousjours accompagnent les roses. Pleust aux Dieux qu'il se peust achepter de ma mort. Chevallier, vos propos ont trop de vanité. Le courage paroist dedans l'humilité, Vous offencez un Roy, que tout le monde estime, Et croyez insolent, qu'en commettant ce crime, La Reyne excuse mieux l'abus⁎ de vostre cœur, Le vaincu doit tousjours estimer son vainqueur, Lors que l'égalité se trouve en la partie, Et l'honneur qui m'oblige à ceste repartie, Veut aussi que j'exalte un Prince sans pareil, Une comette veut obscurcir le Soleil. Laissons à part l'erreur avec la difference, L'effet⁎ se considere, et non pas l'apparence, Vostre voix orgueilleuse offense insolemment Un Heros qu'on ne peut cherir trop dignement. Je ne puis plus souffrir⁎ vostre audace impunie. Madame, je ne puis que par l'ingratitude Laisser ainsi couler ce mespris apparent. Il faut que le combat vuide ce different. La Reyne qui ressent l'outrage de l'injure, Se sçaura bien vanger du tort qu'elle a receu : Mais puis qu'en ce dessein vostre esprit s'est deçeu⁎, Voyons ce que fera maintenant la fortune. Comment, Prince, avez vous si tost perdu l'audace ? Doncques vostre valeur⁎ s'estouffe en la menace. Vostre force ressemble à ces ampoules d'eau, Qui naissent de la pluye. Ne blasmez pas Amour, mais accusez vos armes. La vanité ne peut delaisser vos esprits, Et vostre voix tousjours se relasche au mespris. Quand l'ame d'un guerrier est de vent occupée, Son estourdissement luy desrobe l'espée. Apprenez desormais de devenir plus doux, Sous ce que le destin ordonnera de vous. Fortune quelquefois favorise l'audace, Mais bien souvent l'orgueil luy void changer de face. Vivez, je vous remets en vostre liberté, En faveur de la Reyne. Je reçois à faveur ce qu'un grand Roy me donne. Estant ce que je suis, pardonnez-moy Madame, Il suffit de m'ouvrir vos moindres sentimens Pour me faire fléchir souz vos commandemens. Je prefere leur force au droict de la nature, Et si je dois un jour suivre quelque adventure, Ma Reyne, je n'en veux cercher la liberté, Que dedans la prison de vostre Majesté. Je jure par ses yeux mes glorieux idoles, Par les feuz immortels de leur douce clarté, D'où naissent mon courage et ma felicité, Que quoy que vostre voix souveraine m'impose, Pourveu que mon trépas à ma foy⁎ ne s'oppose : De traverser les mers, et de grimper les monts, D'aller jusqu'aux enfers affronter les Demons⁎, Protestant que mon cœur ne vit en ma puissance, Que pour mieux respirer dans vostre obeyssance. Madame, si ma voix a demeuré contrainte, C'est plus par le respect que ce n'est pour la crainte, Mais tant s'en faut qu'il vueille arrester mon devoir, Qu'il joinct beaucoup de soing⁎ à mon peu de pouvoir, Et ce respect vous rend en mon ame absoluë. Je ne me repens point je suis trop resoluë, Je n'ay point de conseils qu'en vostre volonté ; Mon silence tesmoin de ma fidelité, Consulte ma raison de vos desirs esprise, Pour voir comme je dois former ceste entreprise. J'accepte derechef vos genereux⁎ desseins, Je prefferay pour eux mon courage et mes mains, Pour avoir, si je puis, le chef⁎ de ce Monarque. Pourrois-je contre vous devenir inhumaine⁎ ? Madame, je veux donc à tout me preparer, Puis que ce dernier poinct ne se peut separer. Je ne retranche rien des paroles données ; Mais si vostre bon droict veut que mes destinées Vous acquierent ce chef⁎, qui vous fait tant souffrir, Que bien tost mon bon-heur espere vous offrir, Je desire, Madame, apres ceste conqueste Que vostre Majesté m'accorde une requeste Avant que d'accomplir vostre dernier propos. Maintenant mes esprits demeurent satisfaits. Ma Princesse, si j'ay vostre faveur pour guide, Je me promets par tout des glorieux succez. Elle a perdu la voix. O miserable⁎ fille, où me voy-je reduite ! Madame, mon Soleil, mon ame, mes amours, Où estes-vous Florinde ? accourez au secours, Cruelle, qu'ay-je faict ! que je suis inhumaine⁎ ! Courez, chere compagne, allez à la fontaine, Ma Princesse, ma vie, elle respire un peu, Ses beaux yeux ont encor quelques rayons de feu, Sa lévre derechef de pourpre se colore, Son extase⁎ fait honte aux vigueurs de l'aurore. Puis-je ouyr ceste plainte, et regarder le jour. Que celuy de ma mort a bien plus d'apparence, Madame, si vos yeux ne me sont ennemis, Ils me verront cueillir les fruicts d'une victoire, Qu'un bon-heur éternel prepare à vostre gloire, Dont je vous veux tantost deposer le secret, Pourveu que vous quittiez la crainte et le regret. L'effect de son dessein, ainsi que je l'entens, Vous fera triompher de l'espoir et du temps. Ma compagne a tousjours quelque bon mot à dire. Apres vostre repos, je vous veux deposer Un secret que je tiens aussi cher que ma vie. Madame, ce seul poinct trouble mes sentimens, Car ainsi que les corps sont joincts aux élemens, Mon cœur de vostre esprit se trouve inseparable, Et sans vous je ne suis qu'une ombre miserable⁎. Sans vous je ne voy rien, sans vous je ne vis plus, Et ma vie et mes yeux me seroient superflus, Sans le divin objet de vostre belle face. Mais comme le plaisir succede à la disgrace, Le calme à la tempeste, et le jour à la nuict, De mesme apres la peine⁎ on recueille le fruict. Que ces cheres faveurs me donnent d'esperance !  Madame, reservez de si rares delices⁎, Pour payer quelque jour mes fideles services : L'inestimable prix de vos commandemens, Ne sont que trop d'apasts⁎ à mes contentemens. Que ce divin baiser rend mon ame superbe⁎. Que j'aprehende icy les traicts⁎ de sa rigueur, Et que pour trop parler j'attire mes desastres. Ma voix, ny mon esprit n'agissent qu'en vos loix. Je ne sçay quel Demon⁎ me ravit⁎ la parole, En la voulant former ma memoire s'envole. Madame, pardonnez au travail⁎ de mes sens, Et croyez qu'ils sont moins coulpables qu'innocens. Je crains en la disant de paroistre insensée⁎. Que plustost mille traicts⁎ me viennent traverser, Que le foudre plustost me reduise en poussiere, Que mes yeux pour jamais soient privez de lumiere, Que si du seul penser, non de la volonté, J'offençois tant soit peu vostre divinité, Ha ! que je suis confuse, et que je sens de peine⁎, Dures necessitez où mon destin me traine, Que ne puis-je exaler mon tourment⁎ par les yeux. Pourray-je encor souffrir⁎ ceste mortelle atteinte ? Je veux affranchir⁎ ma crainte, Madame, vous voyez un Prince devant vous. Implorer à genoux Un pardon que l'Amour cerche en vostre clemence, Un feu⁎ qu'un Dieu ne peut sentir sans vehemence, Esmeut⁎ dedans mon ame un si digne tourment⁎, Qu'il contraignit mon corps à ce desguisement, Je suis, je ne suis pas, ô rigoureux martyre ! Mon nom est Armi, mais las ! le dois-je dire ? Ouy, non, si je le dis, je crains, je le diray, Le diray-je ? il le faut, non feray, si feray. Cet habit qui deçeut⁎ vos beaux yeux que j'adore, N'est que le sauf-conduit du fidel Armidore, Que vous voyez, Madame, à vos pieds abbatu, Aussi pur de desirs que d'Amour combatu, Que si ma faute a peu blesser vostre pensée, Il faut par mon trépas qu'elle soit effacée, Ou si je dois encor vivre en vostre mercy, Je veux bannir de moy la crainte et le soucy⁎. Que je voy de courroux en sa face rougie. Ma Princesse, voicy le Prince de Phrygie, Souz l'habit de Lucide, et ce feint appareil, Ne força ma raison que pour voir mon Soleil. Je déguise mon sexe en faveur de vos charmes⁎, Aymant mieux employer la ruse que les armes, Et n'ay voulu paroistre à vos yeux criminel, Du desir d'attenter sur le sang paternel. Voicy le beau portraict, ou plustost cest idole, Qu'adorent les humains de l'un à l'autre pole, D'où mon ame conçeut le dessein glorieux De voir souz cet habit leur objet precieux. Pardonnez à l'Amour dont l'excez me devore, S'il vous ravit⁎ Lucide, il vous donne Armidore. Quelle furieuse⁎ tempeste S'esmeut⁎ au calme de ces eaux ? D'où viennent ces spectres nouveaux, Où je voy ma mort toute preste ? Est ce une voix humaine, ou bien celle d'un Dieu Dont l'esclat m'a voulu dissoudre ? Non j'ay veu des éclairs, sans doute c'est un foudre, Qui veut m'accabler en ce lieu. Où trouveray-je des ombrages Contre ce foudroyant effort⁎ ? Je ne puis éviter la mort, Mes lauriers n'ont plus de fueillages, Mortel ressouvenir⁎ de ma felicité, Torture où ma gloire se pasme⁎, Le malheur qui me suit veut consommer⁎ mon ame Au feu de ma temerité. En quelle fente de la terre Me cachera mon desespoir ? Mon Soleil ne me veut plus voir, Et mon ombre me fait la guerre. Armidore n'a plus l'usage de la voix, Lucide n'est plus qu'un mensonge, Si je dois vivre encor ce ne sera qu'en songe, Privé de lumiere et de loix. Fuyez trompeuses impostures, Qui me veniez solliciter, Vos soins ne peuvent plus flatter Mes malheureuses aventures, Monstres retirez vous, ostez moy ces apasts⁎, Mon mal a vaincu l'esperance, Les fruicts de mon repos n'ont plus d'autre apparence Que dans l'horreur de mon trépas. Quelque fortune qui m'approche, Il me faut mourir dans mes fers, On flechiroit mieux les enfers, Qu'on amoliroit ceste roche. Vous enfans du silence instruicts en mes malheurs Et tesmoins du mal que je souffre⁎, Permettez que je puisse au creux de vostre gouffre Noyer ma vie et mes douleurs. Mes yeux affoiblis de l'outrage, Ne pourront plus souffrir le jour. Celle qui m'oste son amour Donne la mort à mon courage. Je ne suis plus qu'un ombre, ou si j'ay quelque corps Ce n'est que pour sentir ma peine⁎. Je veux pour appaiser ceste belle inhumaine⁎, Accroistre le nombre des morts. Je reçoy beaucoup de traverses D'un amoureux déguisement, Souvent Jupiter en aymant, A pris mille formes diverses. Si l'Amour déguisa le Monarque des Dieux En faveur des beautez humaines, Que n'ont peu de sur moy ses forces souveraines Pour le plus rare objet des cieux ? Demons⁎ qui parmy les tenebres Voyez tant d'accidens divers, Dites moy quel esprit pervers⁎ M'impose ces plaintes funebres ? Arbres dont tant de fois j'ay savouré les fruicts, Source où j'ay tant lavé ma face, Rochers où j'ay gravé mon amoureuse audace, Que dites vous de mes ennuis⁎ ? Malheureuse metamorphose, Dessein mortel et rigoureux, Que vos abords sont espineux Pour le seul espoir d'une rose. Destins repentez-vous, que vostre inimitié Retire ses traicts⁎ miserables, Mais, helas ! vos decrets estans irrevocables, Vous ne sentez point la pitié. Pourrois-je reprendre l'envie De me revoir en liberté, Puis que ceste divinité S'obstine à me ravir⁎ la vie ? Sortez de mon esprit pensers injurieux !  Ne me peignez plus l'innocence, Mon supplice est trop doux à l'égal de l'offence, Et mon trépas trop glorieux. Beau portraict vous fustes ma guide, Charmé⁎ de vos apasts⁎ de miel, Je forçay les portes du ciel Avec les armes de Lucide. Portraict si c'est par vous que mon cœur fut touché, Et qu'Amour esmut⁎ mon courage, De voir ceste beauté dont vous estes l'image, Vous avez part à mon peché. Je sens bien dedans ma poitrine Combattre la mort et l'Amour, Mais je ne veux plus voir le jour, Ne pouvant plus voir Alderine. Astres, arbres, buissons, rochers, ombres, ruisseau, Reservez le sang d'Armidore, Si vous voyez encor la beauté que j'adore, Faites luy toucher mon tombeau. Adieu Princesse glorieuse, Adieu souveraines beautez. Qui me veut maintenant empescher de mourir ? Est-ce un esprit de la nuict sombre ? Vous ignorez quelle adventure Me donne une si douce mort. Que dites-vous Florinde ? au lieu de m'alleger, Vous venez redoubler ma peine⁎. J'excuse vostre amitié saincte. Tout se dispose en mon malheur. Astres qui le voyez, faites luy voir aussi. Plustost un injuste soucy⁎. Que je suis malheureuse en ma necessité. Je n'ose exhaler mon martyre. Croyez-moy, chere sœur, pour l'avoir voulu dire, Je souffre⁎ ceste cruauté. Tous mes honneurs sont abbatus, Que je meure en ma solitude. Dieux que vous m'estes importune. Je n'ay plus ny sens ny memoire, Toutes mes forces sont à bas. Ha ! mon Ange, ils est vray, je dois partir demain, Mais, las ! je suis mal preparée. En fin il me faudra contraindre. Vous prenez mon mal à rebours. Vous changerez d'humeurs apprenant mes secrets, Mais j'apperçoy desja l'aurore. Infidele Bruserbe, Voicy de tes malheurs le dernier appareil⁎ , Poltron, ta lascheté craint encor le Soleil. Reçoy ce que merite une mauvaise envie. Pourrois-tu sans rougir revoir encor le jour ? Levez-vous. Compagnons. Ce sont des prisonniers Qu'on ameine à la Reyne. Qu'il vienne promptement, on luy veut faire entendre Un faict de consequence. Le soucy⁎ vit tousjours dedans un cœur perfide⁎. Monsieur, vostre Lucide Vient contre son devoir troubler vostre repos. Ce guerrier, non pas moy, merite vos loüanges. Sa valeur⁎ recogneuë aux climats plus estranges⁎ , A reduit ces tyrans à la captivité, Et remis aujourd'huy la Cypre en liberté. Monsieur, asseurez vous de ces Roys infideles. Mais doit-on maintenant son repos divertir⁎ ? Si nous faut-il encor consulter un affaire, Et monstrer les effets du voyage entrepris, Où sa Majesté doit resoudre ses esprits,                     Entrons dedans la ville. Sire, je ne croy pas que vous puissiez douter, Que Lucide pour vous n'ait une ame fidele. Le vostre sur le mien a le mesme advantage Que le flambeau du jour a sur ceux de la nuict, Je sçay bien que par tout la victoire vous suit. Et que si quelque Dieu ne m'aide favorable, Ma perte en ce combat doit estre inévitable, Mais quoy qu'il m'en arrive, il me sera bien cher. Nous bornerons⁎ demain ses mortelles envies : Mais, Sire, cependant allons nous reposer. Mon ame n'est pas moins de crainte combatuë : Mais un secret espoir fait que je m'esvertuë⁎, Allons dans le sommeil noyer nostre soucy⁎, Peut estre que les Dieux changeront tout cecy. Ce Prince maintenant d'un fort sommeil surpris, Il me faut achever mon dessein entrepris, Le silence à mes vœux se montre favorable. Je veux donner le chef⁎ dont je suis redevable, Pour qui la Reyne tient mes sermens en deposts, Le temps ne m'en viendra jamais mieux à propos, Le but où je pretends ne veut point de remise. C'est Lucide, ah ! douteuse entreprise. Madame, je me suis de ma foy⁎ desgagée, Le chef⁎ de Filamire est en vostre pouvoir. Madame, je sçay bien où mon cœur s'est soubmis, Ayant reçeu le don que vous m'avez promis. Madame, le voicy. Madame, Vous voyez ce beau corps qu'on peut dire sans ame, Si captif du sommeil qu'avecque peu d'effort, La plus debile main luy peut donner la mort. Madame, recevez (s'il vous plaist) mon espée. Abbatez-en ce chef⁎ de vostre belle main, Et lors j'accompliray vostre dernier dessein. Injuste violence ! Madame, retenez un peu vostre fureur⁎, R'appelez vos esprits, vous verrez vostre erreur, Redonnez à vos sens leurs forces esgarées, Vous sentirez bien tost vos peines⁎ separées. Ah ! Madame, escoutez. Madame, mon depart l'esmeut⁎ tant de tristesse, A cause du combat que j'avois entrepris Que j'ay peur que ma veuë allume son mépris. Je n'en ay gueres moins d'éviter sa colere. Ah ! ma bonne compagne. Ah ! que mon cœur s'estonne⁎, Et bien que fait Madame ? Mais dites moy mon cœur, vous serez mon refuge. Ouy bien, comme Lucide, et non comme Armidore. Que ce soin⁎ me devore. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_ambassadeur *date_1633 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ambassadeur Reyne, à qui je souhaite une gloire infinie, Le Monarque d'Epire, et celuy d'Hyrcanie, Campez victorieux devant ceste cité, M'envoient pour parler à vostre Majesté. Vous sçavez bien surquoy leur venuë est fondée, Et que l'Amour en a la trame⁎ devidée, Ces grands Roys se sont mis plus qu'au juste devoir, Pour fléchir vos rigueurs, et pour vous esmouvoir⁎. Leur douceur a tousjours receu de l'amertume, Mais ils ne veulent plus souffrir⁎ ceste coustume. Madame, vos desdains sont un trop pesant faix, Et les en deschargeant ils vous donnent la paix, Dont les conditions vous obligent à prendre Bruserbe pour espoux, et Philamon pour gendre, L'égalité par tout resout le different. Icy nostre refus de mespris apparent, Va former les horreurs d'une guerre éternelle, Dont la severité vous rendroit criminelle. Ces injures ne font qu'accroistre vostre tort. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_sentinelle *date_1633 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_sentinelle Qui va là ? Attendez Chevalliers, Nous allons advertir le genereux⁎ Tersandre. Il sera fait ainsi. Qui va là ? **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_soldats *date_1633 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_soldats Ah ! cruelle adventure : Ces grands Roys trouvent donc icy leur sepulture. Prodiges de l'abus⁎, songes fallacieux, Sur le poinct de cueillir des fruicts delicieux, Un moment malheureux produit de l'amertume, Quand la fortune rid ce n'est que par coustume. C'est alors qu'on la doit redouter. **** *creator_gougenot *book_gougenot_fideletromperie *style_verse *genre_tragedy *dist1_gougenot_verse_tragedy_fideletromperie *dist2_gougenot_verse_tragedy *id_courrier *date_1633 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_courrier Sire, je viens de Mede, Un malheur sans remede, Ceste lettre en contient la pure verité.