**** *creator_gueullette *book_gueullette_isabellegrosseparvertu *style_prose *genre_farce *dist1_gueullette_prose_farce_isabellegrosseparvertu *dist2_gueullette_prose_farce *id_ISABELLE *date_1738 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_isabelle Certainement, mon cher Gilles, tu es tout mon espoir. Mais que veux-tu donc que je devienne, vertueuse comme je suis, faut-il que je me voie entraînée dans une hyménée, où de toute nécessité mon époux sera cocu. Tu sais et tu n'ignores pas quelle haine j'ai pour le docteur, et quel amour j'ai pour Léandre. Quelle récompense veux-tu que je te donne ? Tu sais que je n'ai pas tant seulement un liard. Comment ! Étant le domestique de mon père, vous voudriez... certainement... Gilles, c'est une plaisanterie de votre part. Je ne vois pas à quoi me résoudre. Dis-moi, me ferai-je enlever par Léandre ? Serai-je déclarer mon père imbécile ? Ou bien ferai-je empoisonner le docteur ? Grosse ! Je ne la suis point, mon cher Gilles ; comment veux-tu que je la paraisse. Taisez-vous, insolent ; apprenez que je n'aime point les mots à double entente. Quoique ton discours soit impertinent, je le trouve très convenable. Allons, je me résous à passer pour grosse, cela dégoûtera t'assurément le Docteur ; mais ne faudra-t-il point avertir Liandre que ce n'est qu'une feinte agriable que j'emploie pour le posséder ? Je suis obligée de convenir, Gilles, que rien n'est si intègre que tous tes raisonnements, je m'y soumets sans regarder derrière moi davantage. Mais pour l'enflure... Dis-moi. Ahi, ahi, ahi, je n'en puis plus. Oui, mon père. Mon père, cela m'est impossible. Ah ne m'étourdissez pas, je vous prie. Il s'agit bien de sage conduite, c'est d'une sage-femme dont j'ai affaire. Il la prendra comme il voudra. En ce cas-là il pourrait bien ne s'en pas apercevoir. Ah mon père ! Vous savez ma vertu, n'exigez point un pareil aveu de ma part, je crains d'en accuser quelqu'un qui n'en serait pas coupable. Votre retour, mon cher Léandre, a bien de quoi me charmer certainement, vous pouvez être sûr que vous êtes le seul de mes amants dont je veux jouir par le mariage, et je vous sais bien du gré d'avoir été si longtemps en province, puisque cela n'a fait que enflammer votre amour. N'ayez aucun étonnement, c'est un vent coulis qui s'est glissé dans la ruelle de mon lit, qui m'a gonflé, comme vous voyez. Eh bien, il faut avouer que c'est un malheur qui m'a arrivé, je ne sais comment. Qu'est-ce que c'est ? Ah ! Que vous m'alarmez ! Et quelle est l'autre chose, mon cher Léandre ? Ha ! Allez, ingrat, allez, je n'étais grosse que de vous voir. Tenez perfide, voilà toute ma réponse. **** *creator_gueullette *book_gueullette_isabellegrosseparvertu *style_prose *genre_farce *dist1_gueullette_prose_farce_isabellegrosseparvertu *dist2_gueullette_prose_farce *id_GILLES *date_1738 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_gilles Ho ! Voilà qui est fort bien ; le diable vous emporte, Mam'selle, à force d'avoir imaginé des stratagèmes dans le pour et le contre de votre amour, le tournebroche de mon esprit est usé, les filles croient qu'on est toujours en état et avec elles, il faut toujours recommencer. Oui, mais jarnonbille, il faut récompenser les gens quand on veut qu'ils se mettent dans le margouillis pour nous. Une fille a toujours une monnaie avec laquelle elle peut s'acquitter, et on peut frapper cette monnaie-là en cachette, sans craindre d'être pendu. Eh bien ! Faites donc comme vous voudrez ; car avec votre docteur, avec votre Léandre, avec la peste qui les étouffe, je ne sais comment ajuster vos engingorniaux. Attendez, je trouve un bon moyen pour empêcher qu'on ne vous pose ? propose, veux je dire ? le docteur : vous n'avez qu'à déclarer que vous êtes grosse. Eh pardi ! L'an passé que vous l'étiez, vous avez bien fait comme si vous ne l'étiez pas, vous pouvez bien faire à présent comme si vous l'étiez. Ho ! Parbleu, ce n'est pas pour vous manquer de respect, mais je ne m'embarrasse guère si cela vous fâche. Il faut que vous soyez bien bête, Mamselle, ne voyez-vous pas bien que s'il sait le pot aux roses, il ne fera pas le grimace d'assez bonne grâce, et qu'il ne viendra pas si bien à l'appui de la boule de patrigotage de notre tartagême d'amour. D'ailleurs, comme il doit être votre mari, il faut qu'il s'accoutume de bonne heure à croire que ses enfants ne sont as de lui seul. Allez imbécile, allez, ne voilà-t-il pas une chose bien difficile à imaginer. Retirez-vous, j'aperçois votre père, je vais lui donner une godan. La fièvre vous serre, Monsieur Cassandre, je ne connais rien de si malheureux, de si corbeau, de si chat-huant que vous. Il faut que vous ayez marché sur une planète bien maligne, vous avez z'été autrefois au pilori, vous avez fait il y a deux ans amende honorable, votre première femme vous a fait cornard, la seconde vous a fait cocu, vous avez la mine d'un singe, vous êtes fait comme un scorpion, vous êtes bête comme un cochon, votre fille accoucha l'année dernière en pleine compagnie, et la voilà encore grosse aujourd'hui. Oui vraiment, je viens pour vous préparer l'esprit là-dessus, si vous en avez. Peste soit de la rosse, est-ce que j'y ai regardé ? Non, mais il y a apparence que c'est par quelqu'un des siens. Tous vos amis sont de vieilles charpentes qui tombent en cannelle. Bon ! Il ne grossoie plus. Il ne produit plus. Il ne conclut plus. Il n'exploite plus. Il n'étale plus. Il ne coud plus. Oui, oh ! Monsieur Cassandre, je ne suis point ingrat je vais d'une terrible façon vous en donner dans les tripes. Oui, M. Cassandre, vous avez besoin de cette petite correction-là. Vous voilà donc à terre, Monsieur Cassandre. Et moi aussi. N'avez-vous pas besoin d'un peu d'huile de cotret ? Attendez, ne vous êtes-vous pas fait mal au nez ? Il faut le tenir le plus chaudement que vous pourrez. Approchez, approchez. Et moi je vais boire chopine, et manger une tranche d'aloyau. Adieu Monsieur Cassandre. Dia, huriau, haye. Cet homme-là a le ventre si farci de science, qu'il ne peut pas faire un pas, il faut que je le conduise moi-même ici. Allons voilà le moment du stratagème. Eh arrêtez donc. Voilà deux jeunes gens qui vont s'égorger. Au Guet, un commissaire, une sage-femme, je suis grosse. Silence, silence. Conticuere omnes. Comment, qu'est-ce que c'est ? Paix. Taisez-vous, queue de morue. Merde à votre nez. Beau compliment ! Ah ! Le porc. Cela est sensible. Allons préparez-vous à quitter la perruque. Il envie bien cette terrine-là ; mais pour moi j'aimerais encore mieux une terrine de bœuf à la mode. Beaux masques masculins, Et beaux masques femelles, Ayez plaisirs sans fins, Ayez ardeurs fidèles : Si vous en croyez Gilles, Il faut ce Mardi-Gras Employer la béquille Du père Barnabas. **** *creator_gueullette *book_gueullette_isabellegrosseparvertu *style_prose *genre_farce *dist1_gueullette_prose_farce_isabellegrosseparvertu *dist2_gueullette_prose_farce *id_LEANDRE *date_1738 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_leandre Non, parbleu, il ne sera pas dit que j'en serai le dindon, et je vois bien que je n'ai pas d'autre parti à prendre que de mettre l'épée à la main. Ne doutez point de mon respect, charmante Isabelle, mais ce que j'apprends est bien extraordinaire. Je quitte le Havre, où je passais assurément de très beaux jours, je viens avec la chasse-marée sur mes fesses, dès que j'ai mis pied à terre à Paris, je monte derrière un fiacre, afin d'arriver plutôt, vous savez d'ailleurs que j'ai un dévoiement qui m'incommode beaucoup ; et malgré tous ces obstacles qui me sont envoyés par la Déesse Fortune, j'apprends en arrivant que c'est aujourd'hui le jour qui doit éclairer les flambeaux de votre union avec le docteur. Ah ! Que j'embrasse cent et cent fois vos genoux. Mais qu'est-ce que j'aperçois ? Mam'selle, se sont des fichus raisons que celles-là, songez qu'il y a dix mois que je partis par les batelets, et qu'assurément depuis ce temps-là, je ne vous ni ai vue ni maniée. Ça ne fait rien charmante Isabelle, je sais les manières que doit avoir un gentilhomme, et je vous regarde comme mon épouse, s'il n'y a point d'empêchement à notre mariage. Mais je fais serment sur la garde de mon épée, et sur le toupet de cheveux dont vous avez accordé la faveur aux Porcherons, de ne me point coucher entre deux draps, que je n'aie fait l'accomplissement de deux choses. Premièrement, charmante Isabelle, c'est que puisque vous êtes grosse, Monsieur votre père ne périra jamais que de ma main. S'il vous avait mise de bonne heure z'à l'hôpital, je n'aurais pas le désagrément que j'ai t'aujourd'hui. La brebis n'est point coupable quand elle est mangée par le Loup. Ce n'est pas la faute de l'abricot quand il est tacheté par les morsures des injustes frelons : et quand l'enfant demande t'a faire caca, c'est la faute de Madame sa mère s'il vient à foirer dans ses chausses. Cruelle Isabelle, c'est de mourir moi-même en personne devant vous tout à l'heure. Que dites-vous ? Ah ! Que vois-je ! Quelle faveur ! Feinte trop spirituelle ! Terrine qui me rendez la vie en périssant ; tessons qui méritez d'être bordés d'or tout à l'entour, ne doutez point de l'estime et de la reconnaissance que j'aurai éternellement pour vous. **** *creator_gueullette *book_gueullette_isabellegrosseparvertu *style_prose *genre_farce *dist1_gueullette_prose_farce_isabellegrosseparvertu *dist2_gueullette_prose_farce *id_LEDOCTEUR *date_1738 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ledocteur Volontiers... Ouais ! Père Cassandre, on dit que deux montagnes ne peuvent pas se rencontrer, mais il me semble que cela n'est pas toujours véritable. Oui, je suis fort habile. Mais... Oui. Mais... Oui. Mais... Oui. Mais... Non. Mais... Il y a plus de huit mois, de par tous les diables, que la poire est prête à tomber. Non. Mais... Écoutez. Je vous ai fait une promesse, votre fille m'a fait un poupon, retirons chacun notre enjeu. Tout beau ! Père la Rapapiolle. Oh ! Je vous réponds... Si... J'ai... Volontiers. Cela est sensible.