**** *creator_imbert *book_imbert_inauguration *style_verse *genre_comedy *dist1_imbert_verse_comedy_inauguration *dist2_imbert_verse_comedy *id_APOLLON *date_1782 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_apollon Qui ? Les Auteurs sublimes. Pourquoi donc cet effroi triste et décourageant ? Si le Pinde a perdu plus d'un rare talent, Nature, en Mère tendre et pleine de prudence, À côté du malheur a placé l'espérance ; Ne troublons point cet ordre, il est trop consolant. J'honore le Génie ; il m'est cher, il doit l'être ; Mais faut-il ajouter, quand il a disparu, Au regret de l'avoir perdu, Le désespoir de le voir reparaître ? Non ; disons aux humains trop prompts à s'alarmer : Pour honorer les morts, n'allez pas diffamer La race qui respire et celle qui doit naître. Si jadis en son art un grand homme excella, Nature fut sa mère, elle est aussi la vôtre ; Que prouve ce grand homme-là ? Qu'elle en peut enfanter un autre. Enfin croyons toujours, instruits par le passé, Que ce qu'on voit périr peut être remplacé. Oh ! Dans ce style Vous êtes, je l'avoue, un maître plus fameux. Oui, mon frère ; et c'est-là qu'en mainte occasion De plusieurs de vos tours il fut témoin fidèle. Votre adresse est un peu sujette à caution. Du bien d'autrui souvent... C'est parler poliment. On vient. Que nous veut-on ? Soyez les bienvenus. Oui : c'est ainsi que j'ai de par le monde Des favoris que je n'ai jamais vus. Ne nous découvrons point. Sur les Théâtres de Paris Aurait-on déjà vu vos sublimes écrits ? Messieurs, laissons cela ; Apollon pourrait vous entendre. Le voilà : Lui qui semble un peu vous surprendre ; Avec qui, soit dit entre nous, Vous devriez au moins avoir fait connaissance, Avant de vous vanter de ses bontés pour vous; Car c'est par-là que l'amitié commence. Rentrez dans le respect, échos présomptueux ! L'erreur d'autrui n'excuse point la vôtre. Pour louer un grand homme, en déprimer un autre, C'est insulter à tous les deux. La gloire veut toujours que le laurier fidèle Sur tous les fronts puisse fleurir ; Elle a toujours, cette riche immortelle, De quoi payer, sans s'appauvrir, Les efforts que l'on fit pour elle. Le Temple de mémoire, ouvert de tout côté, S'agrandit à mesure en son immensité. Vous n'y voyez nul vide, à juger sa surface ? Vienne un autre grand homme ; aussitôt adopté, Sans déplacer personne, il trouve encor sa place ; En un mot, l'équité, qui conserve à chacun Des destins exempts de disgrâce, Y peut faire cent rois, sans en détrôner un. Mais, croyez-moi, j'attends Thalie et Melpomène ; Elles pourraient fort bien, sans respecter les droits Du noeud de fleurs qui vous enchaîne, Siffler vos madrigaux, bâiller à vos convois. Bon ! La Critique, justement ! Qu'est-ce ? Qu'avez-vous donc ? Ma foi, voilà Nos deux auteurs prêts à tomber... eux-mêmes. Hola ! Venez : soutenez-les, Génies; C'est l'unique bienfait, le seul que de leurs vies Auront reçu de vous ces Messieurs-là. C'est vous dont la présence a su nous en défaire. Oui, c'est par eux que je sais tour-à-tour Ranimer des talents les palmes défleuries. C'est à moi de les protéger ; Car tout ce qui plaît, m'intéresse ; J'adopte également la gaîté, la tendresse ; Nul talent ne m'est étranger. J'envoie au poète caustique, Qui de la parodie arbore l'étendard, Ce Génie à l'air goguenard, Au maintien familier, au rire sardonique. Voyez cet autre au marcher sautillant, Au visage étranger, à la taille fluette; C'est lui que je dépêche à quiconque entreprend De mesurer des mots pour faire une ariette, Celui-ci dont le pied léger et libertin En moins de rien va trottant par la ville, Cet espiègle joyeux à l'oeil vif et malin, A le district du vaudeville. Mais j'entends mes soeurs : les voilà. Non : restez-là. Votre aspect ne peut leur déplaire. Honnête et sage, avec cela Vous leur serez utile et chère. C'est un Génie : Celui du grand Corneille. Avec cérémonie, D'Auguste il a choisi l'air et le vêtement. Oui, justement. C'est celui de Molière : à ses mânes fidèle, Il a voulu garder les traits de Sganarelle. J'ai cru qu'au défaut de mes soeurs C'était à moi de faire les honneurs. Ah ! Vous l'avez voulu, mon frère. Mais de ce nouveau Temple où l'on va s'installer, Que pensez-vous ? Qu'est-ce qu'il vous inspire ? On peut vous en défaire. Voici mon talisman. Nous en viendrons à bout. Que la même disgrâce Le suive dans tous les climats ! S'il reparaît ici, qu'aussitôt il s'efface, Et que l'oeil cherche en vain la trace de ses pas. Son habit est toujours trop large ou trop étroit. Consacrons ce grand jour par de justes hommages. Découvrez-nous ces bustes glorieux. Que des Lauriers religieux Couronnent par vos mains ces augustes Images! Allez ? Ces marbres vivants, Allez tous rallumer le flambeau des talents. **** *creator_imbert *book_imbert_inauguration *style_verse *genre_comedy *dist1_imbert_verse_comedy_inauguration *dist2_imbert_verse_comedy *id_THALIE *date_1782 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_thalie C'est trop d'honneur que l'on nous fait. Dès qu'un nouvel auteur sur la scène s'élance, C'est nous qui l'inspirons ; et l'on nous fait d'avance Complices de chaque forfait, Lorsque sur tout cela nous sommes en effet De la plus parfaite innocence ! Je n'y vois rien à dire. Oh ! Comme j'y vais faire rire ! Mon Frère, À l'aide ! Comme il a disparu ! Son corps n'est jamais droit. Il boite. Il louche. Vous, le glaive de Crispin. Vous, le don de les essuyer. **** *creator_imbert *book_imbert_inauguration *style_verse *genre_comedy *dist1_imbert_verse_comedy_inauguration *dist2_imbert_verse_comedy *id_MELPOMENE *date_1782 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_melpomene Je vous en sais bon gré, mon frère. Vous n'êtes pas en ces lieux étrangers. Prêtez à l'art un secourable appui ; Mais ne croyez jamais valoir autant que lui ; À ce prix-là, vous pouvez, pour la vie, Compter sur nos coeurs généreux. Vous le voyez : chacune de nous deux Est fidèle à son vieux Génie. Je le trouve fort bien. Que de larmes y vont couler ! Toujours sec, ou gonflé. N'importe, quoiqu'il fasse... Mais deux de nos Acteurs viennent pour prendre place; Il faut les installer. Venez, l'un des enfants D'une Famille qui m'est chère, Qui fut de ma gloire en tout temps L'organe et le dépositaire. Approchez-vous, et de ma main, Prenez mon poignard. Portez dans tous les coeurs les plus tendres alarmes ; Et recevez avec ce noble acier Le pouvoir d'arracher des larmes. **** *creator_imbert *book_imbert_inauguration *style_verse *genre_comedy *dist1_imbert_verse_comedy_inauguration *dist2_imbert_verse_comedy *id_MERCURE *date_1782 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_mercure Thalie et Melpomène arrivent en ces lieux ; Dans ce Temple nouveau qu'on destine à leurs jeux. Or maintenant, jeunes et vieux Génies, C'est pour les recevoir qu'ici je vous conduis ; Et de par Apollon, je suis Le maître des cérémonies. Que ces lauriers en couronnes tressés Par ordre en tous lieux soient places; C'est le digne ornement de l'enceinte où nous sommes: Le laurier fut toujours le luxe des grands hommes. Pour moi qui fus toujours instruit À priser l'arbre par son fruit, Ce n'est pas-là le mien ; et je sais m'y connaître. Je préfère, pour être heureux, Tout arbre qui nourrit son maître, À celui qui le rend fameux. Mais quel est donc ce personnage ? Une telle colonne annonce, j'en conviens, Une solide architecture. Sans doute qu'au Spectacle on vous trouve souvent? Ah ! bon. Et vous applaudissez suivant la pièce ? Ma foi, La visite m'étonne. Eh quoi! A peine la porte est ouverte, Et vous voilà déjà ! Par le Styx, vous êtes alerte. Il est vrai ; je suis même un peu plus que malin. Mais, mon ami, si de l'antique Rome Tu parcours le code divin, Tu conviendras, j'en suis certain, Que l'on peut être un Dieu, sans être un honnête homme. Mais comment feras-tu désormais ? Autrefois, Le Spectateur, dans les flots du parterre, Entendait sans te voir et tes mains et ta voix ; Tu pouvais te cacher, en y faisant la guerre. Tes voisins maintenant assis, en plein repos, Vont nuire aux élans de ton zèle, Gêner tes mouvements, dévoiler tes complots. Observe ; mais après, sors et fais diligence ; Apollon doit ici me rejoindre soudain ; Et je ne vous crois pas en bonne intelligence. Oui, les beaux Arts. Il est original ! En effet on le traite mal. Son talent fait grand bruit, et n'est connu qu'à peine, N'est pas encouragé, se trouve sans Mécène. Mais je vois Apollon. Mon message est rempli ; Voilà, de vos lauriers, le théâtre embelli. Mais qui les cueillera ? C'est payer dignement leurs efforts magnanimes. Mais si le seul Génie a désormais des droits Aux Lauriers dont j'ai fait investir ces colonnes, Tout franc, vous trouverez, je crois, Moins de têtes que de couronnes. En amour, soit. Et vous un railleur merveilleux. Mais s'il vous en souvient, à ce jeu quoique habile, Vous n'êtes pas toujours heureux. Autrefois, au bruit du tonnerre, Pour un bon mot de sa façon, Très lestement, le Seigneur Apollon Ne fit qu'un saut du ciel en terre. Oui, c'est ce que j'appelle Une épigramme en action. Bigarrure complète ; L'un tient de l'ours, et l'autre a l'air d'une coquette. Monsieur nous laisse apercevoir Qu'il est riche en moyens pour égayer la scène. Oui, je le crois sans peine. Ils sont fous. Oh ! Votre muse est faite, je le vois, Pour adoucir les moeurs de sa patrie. Et sur quoi ? Qu'ont-ils ? Il faut pourtant les secourir. Pour les favoris de mon frère Vous êtes donc un objet de frayeur ? Oui : mais pourtant on vous déchire En plus d'un lieu. La Critique, dit-on, Déraisonne souvent, et se plaît à médire. Est-ce-là votre portrait ? Mais pardon, illustres Rivaux, Qui jadis inspiriez et Corneille et Molière ; Si l'on en croit certains propos, Vous vous dédommagez par un bien long repos De votre fatigue première. Mais comme de sa cendre il se plaît à renaître, À la porte il faudrait, je crois, le consigner. **** *creator_imbert *book_imbert_inauguration *style_verse *genre_comedy *dist1_imbert_verse_comedy_inauguration *dist2_imbert_verse_comedy *id_LEGENIEDECORNEILLE *date_1782 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_legeniedecorneille Après avoir conduit à l'immortalité Corneille, dont le nom doit fleurir d'âge en âge, Mon repos a-t-il donc été Inutile ? Racine ? Il eut pour apanage Le sentiment, l'urbanité ; En sa faveur j'adoucis ma fierté. Peut-être moins nerveux, plus élégant, plus sage, Il fit parler au coeur un plus tendre langage. Crébillon méconnut la parure et le fard ; Trop fier pour obéir même aux règles de l'art, Il adopta pour loi l'instinct et la nature ; Il traça des forfaits l'énergique peinture, Et fit par la terreur aiguiser mon poignard. Après ces trois héros, qu'adore le Permesse, On m'eût permis peut-être, au sein de la mollesse, De sommeiller jusqu'aujourd'hui. Mais j'adoptai Voltaire ; il sut, dès sa jeunesse, Des trois genres connus en créer un pour lui, Et de jeunes lauriers j'honorai sa vieillesse : Sans ressembler, il sut, par des efforts nouveaux, Manier tour-à-tour, avec la même adresse, Les trois poignards de ses rivaux. **** *creator_imbert *book_imbert_inauguration *style_verse *genre_comedy *dist1_imbert_verse_comedy_inauguration *dist2_imbert_verse_comedy *id_LEGENIEDEMOLIERE *date_1782 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_legeniedemoliere Pour moi, je l'avouerai, quand on eut vu Molière Tomber sous le ciseau fatal, Je voulus, pour garder sa gloire toute entière, Qu'il eût des successeurs, et n'eût pas un rival. C'était de ses travaux la digne récompense. Mais, ne m'a-t-on pas vu depuis Régénérer souvent la gloire de la France, Et par d'autres essais consoler ses ennuis ? Regnard vif et brillant, armé de la saillie, A fait rire, en peignant le Joueur furieux ; Destouches, sur la scène un peu trop ennoblie, A corrigé le Glorieux. Dufrény, dont j'aimai la verve originale ; Dancourt gai, naturel, quelquefois emporté Par son humeur... trop joviale ; Le tendre La Chaussée, un peu sobre en gaîté ; Et Lesage, qui plus caustique Du sel de l'épigramme anima ses tableaux ; Et d'autres, dont ma main dirigea les pinceaux, Ont encore agrandi le domaine comique. Et n'ai-je pas naguère enrichi l'Hélicon De la Métromanie, ouvrage que Molière Avouerait, j'en suis caution, Enfant cher à Thalie, et si beau que Piron Fut surpris d'en être le père ? Voilà tous nos forfaits que nous vous dévoilons. Quant à Mercure, il peut railler sans nous déplaire ; On doit, lorsqu'on a des ailes aux talons, Avoir la tête un peu légère. **** *creator_imbert *book_imbert_inauguration *style_verse *genre_comedy *dist1_imbert_verse_comedy_inauguration *dist2_imbert_verse_comedy *id_LACABALE *date_1782 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lacabale Seigneur Mercure, agréez mon hommage. J'ai l'air étranger à vos yeux? Cela doit être ; on connaît beaucoup mieux Mes actions que ma figure. J'habite le parterre, et j'en suis, je vous jure, Une colonne, un des soutiens. Comme on en veut à mon talent, Je prends pour l'exercer cette forme étrangère ; Et vous voyez ici mon costume ordinaire. Souvent ? Toujours. D'autres en font autant ; Mais d'eux en un point je diffère : Ils y vont par plaisir, moi, j'y vais pour affaire. J'y vais pour applaudir ou pour siffler. Non ; Suivant l'auteur. Tel est mon ministère. Bref, je suis la Cabale, à vous servir. Vraiment oui, me voici. Il le faut bien; je viens ici Reconnaître les lieux en profond politique ; Et pour faire éclater ou pour cacher mes soins, Lever des coins et des recoins Une carte topographique. On peut, je pense, avec les battoirs que voilà, Se flatter d'assourdir la scène ; Je crois qu'on est en fonds avec ces poumons-là, Pour fournir aux sifflets une bruyante haleine, Ou faire retentir les bravo, les paix-là. Mais quoi ! Nous devrions être assez bien ensemble; Vous fûtes toujours, ce me semble, D'un naturel à la malice enclin. Je n'en suis pas plus gai. Par des efforts nouveaux Il me faut conquérir une gloire nouvelle ; Il faudra former d'autres plans Plus subtilises, plus savants. C'est pour cela qu'ici d'avance Je viens observer le terrain. Ô temps ! ô moeurs ! Ainsi donc tout me nuit ! On a détruit mon poste, on m'insulte, on m'offense, Et pour comble de maux Apollon me poursuit ! Est-ce ainsi que les Arts sont protégés en France ? **** *creator_imbert *book_imbert_inauguration *style_verse *genre_comedy *dist1_imbert_verse_comedy_inauguration *dist2_imbert_verse_comedy *id_LACRITIQUE *date_1782 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lacritique Oui : j'ai souvent le don de leur déplaire ; Mais c'est surtout aux sots que je fais peur. Aux bons auteurs souvent je plais, quoique sévère. Hé ! Quel succès pourrait flatter, Si je n'avais soin d'habiter Dans le parterre, ou de m'asseoir en loge ? Il faut savoir discerner les défauts, Pour pouvoir aux beautés donner un digne éloge ; Le sot peut seul prétendre aux louanges des sots. Non. Et si l'on déraisonne, ou si l'on cherche à nuire, Ce n'est pas moi ; c'est sous mon nom Ou l'ignorance, ou la satire. Mais, souffrez une question. Est-ce-là l'essaim des Génies, Qui forme en tout temps votre cour ? Je me sauve. Quel est cet écuyer qui conduit gravement Melpomène ? Je m'en doutais. On doit le reconnaître À ses cheveux blanchis sous le laurier, À son air vénérable, à son front noble, altier ; L'oeil croit voir Corneille renaître. C'est un Génie encor que vers nous si gaîment Mène Thalie ? Oui, c'est lui-même. Assurément Je n'aurais pas du m'y méprendre. Ce front exprime bien ce que sa plume écrit ! Si son oeil sut scruter les travers de l'esprit, Oh ! comme sa figure est propre à nous les rendre ! Ce n'est pas-là ce qu'on pense à Paris : Pardon, si je me fais ici son interprète ; Mais s'il faut vous juger d'après vos favoris, Vous avez bien changé d'esprit et de toilette ! Le Mauvais Goût ! Le Mauvais Goût ! Le Mauvais Goût ! Le Mauvais Goût ! Sans peine on peut le désigner ; Il est facile à reconnaître. Sa toilette est une bigarrure ; Chaque couleur y trouve une couleur qui jure. Il met du blanc.