**** *creator_jacquelinphilidor *book_jacquelinphilidor_pradon *style_verse *genre_comedy *dist1_jacquelinphilidor_verse_comedy_pradon *dist2_jacquelinphilidor_verse_comedy *id_PRADON *date_1799 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pradon Ah ! Mon cher Chapelain, je tremble, c'est aujourd'hui le grand jour; c'est aujourd'hui qu'Electre venge la mort de son père. Que veux-tu, mon ami, jamais Je n'appris la Chronologie. bis. Je veux prouver aussi que je suis fécond, et si mon Electre succombe, j'ai un autre tragédie toute prête à relever ma gloire. Par quelques ouvrages connus, Si j'ai su plaire à Melpomène, Je prétends que mon Régulus, M'immortalise sur la scène. C'est bon, c'est bon, monsieur le plaisant. Que d'Auteurs ne sont pas comme moi, et dont le nom seul soutient l'ouvrage. Mais, j'ai quelques corrections à faire à ma tragédie de Régulus, je passe dans mon cabinet ; excusez si je vous laisse... Je me sens en verve.... Il faut saisir l'instant du génie. Au point où nous en sommes, tu badines ? Sans adieu. Ma pièce.... réussira-t-elle ? Vous avez raison, ma pièce est pleine de goût.... Elle ne respire que celui de la saine littérature. De mon Régulus, n'est-ce pas. Comment ! Cabaler ? À la bonne heure, mais cela ne m'étonne pas; les favoris de Mars le sont parfois des muses, et se montrent toujours leurs défenseurs, et d'ailleurs mon Electre mérite d'être défendue. Mais, mon cher Dutremblet, tu sais que j'ai promis à Chapelain. Tu dis qu'il sera prodigue d'applaudissements, tant mieux, morbleu ! Malgré tout ce que tu me dis pour me rassurer, je redoute une cabale. Oui, certes; les Comédiens seuls savent que je suis l'Auteur d'Electre, je leur ai recommandé le plus grand secret ; mais je crains bien que ces messieurs n'en aient fait le secret de la Comédie, et cependant, si l'on sait que la pièce est de moi, je suis perdu. Il est peut-être salutaire, Mais tu le donnes vainement, Ami, je sens que je suis père, Ami, je sens que je suis père, Je ne puis tuer mon enfant. Allons, je m'y décide, Mais qu'il m'en coûte ! J'obéis à mon guide ; Bientôt, hélas ! Ma bouche perfide, Va d'un souffle homicide, Immoler mon enfant. Taisez-vous, Chapelain, j'ai déjà assez à me plaindre de vous, vous auriez mieux fait d'aller soutenir ma tragédie, que de rester ici les bras croisés, sans doute à ennuyer ma fille, car je me suis aperçu qu'elle ne vous aimait pas prodigieusement. Rassurez-vous, mes amis, ce n'est rien. J'ai suivi ton conseil, en voici le résultat. Il montre sa figure. Armé de ce fatal sifflet, Dans le parterre je m'avance, La toile à peine se levait, Déjà la cabale éclatait; Je me mets en évidence. Mais jugez de l'accident, Quand je siffle à toute outrance On m'accompagne à l'instant. Un jeune officier près de moi, Avec une ardeur sans égale Criait: vous sifflez, eh ! pourquoi, L'ouvrage est divin, sur ma foi! Chacun sifflait dans la salle, Seul il applaudissait fort, Mais en vain de la cabale Il veut arrêter l'effort. Ah! dis-je, mon ouvrage est mort, Je doute bien qu'il se relève; Mais mon sifflet me reste encor, Alors je siffle un peu plus fort. Le jeune officier se lève; Je veux, dit-il, insolent, Que cette Pièce s'achève; Cessez, cessez à l'instant. L'Auteur, lui dis-je, est sans talent, Je dois siffler sa tragédie. Mon militaire s'avançant, Me pousse sans ménagement: Mais jugez, je vous en prie, De mon ingrate fureur, Aussitôt je gratifie D'un soufflet, mon bienfaiteur. L'épée à la main, je le vois, Une et deux.... Sa rage est complète, Et sur ma figure, je crois, Saintement il fait une croix; Sa vengeance étant parfaite, On nous sépare tous deux; Mais j'eus l'âme satisfaite, En y réfléchissant mieux. Seul, ce connaisseur étonnant A trouvé ma Pièce bien faite, Grâce à lui, voyez à présent Pradon, sifflé, battu, content. Au moins, ai-je été apprécié par un véritable amateur et connaisseur ; il ne me reste qu'un regret, c'est celui de ne pas le connaître ; je l'ai perdu de vue, quand on nous a séparés. Lui, mon ami ! Il n'a jamais aimé que lui-même ; il ne me prêterait pas un sou si j'en avais besoin. Vous l'entendez, le vieux ladre; je le prédis, il mourra quelque jour d'avarice. C'est lui ! Voici le meilleur juge du siècle. Gardez-vous bien d'insulter devant moi, le plus heureux des hommes. C'est lui qui m'a arrangé comme vous voyez. Que dites-vous-là, venez que je vous presse encore dans mes bras ! Permettez que je baise cette épée.... Il n'y a rien que Pradon ne fasse, pour vous témoigner sa reconnaissance. Comment ! Tu le connais ? Quoi ! Ce jeune officier dont tu m'entretenais encore aujourd'hui ?... Est-ce vrai, ma fille ?... Combien je m'en veux d'avoir résisté si longtemps aux instances de ce bon Dutremblet ! Monsieur, soyez mon gendre ; celui qui trouve mes pièces bonnes, doit rendre ma fille heureuse. Quand il y aurait ici vingt-cinq Chapelain, je donnerais sur eux la préférence à mon bienfaiteur. Il aime tant sa Pucelle, que ne l'épouse-t-il ?... Laissons-le exhaler sa vengeance, et ne pensons qu'au bonheur qui nous attend. Oui, mes enfants, j'oublie avec vous la chute d'aujourd'hui, et je veux me préparer sous peu à de nouveaux combats. Il est vrai mon cher Dutremblet. Un héros prodigue sa vie, Pour être utile à son pays, L'amant la perd pour son amie Et quelques-uns pour leurs amis, Mais à mon dévouement extrême Nul dévouement n'a ressemblé, Car, ce n'est jamais par lui-même. Car, ce n'est jamais par lui-même. Que l'on voit un auteur sifflé. **** *creator_jacquelinphilidor *book_jacquelinphilidor_pradon *style_verse *genre_comedy *dist1_jacquelinphilidor_verse_comedy_pradon *dist2_jacquelinphilidor_verse_comedy *id_ANGELINE *date_1799 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angeline Puis-je espérer qu'il m'unira à Valcour, à ce jeune officier que j'aime depuis si longtemps, lorsque son engouement pour Chapelain, se fortifie de jour en jour. Ah ! Mon ami, dois-je vous croire ? Mais, comment décider mon père en faveur de Valcour, qu'il ne connAît pas, et qu'il n'a jamais vu ? Ah ! Que d'obstacles j'entrevois encore à notre union. J'entends la voix de Chapelain, je me retire pour éviter sa présence. Quoi ! Valcour, c'est vous ? Avec qui donc disputiez-vous ainsi ? Quelle imprudence, mon père pouvait vous entendre et ne vous connaissant pas, qu'eût-il pensé de ces débats. Pourquoi vous offenser de ses ridicules prétentions, puis-je seulement établir une comparaison entre vous et lui ?... Je puis refuser la main de Chapelain, et résister aux ordres de mon père à ce sujet, mais je ne puis le forcer à vous accepter pour gendre ; ce qui me fait craindre le plus, c'est votre peu de fortune... Mon père n'entendra pas raison la-dessus. Il sait trop bien que la richesse N'est point l'idole des guerriers ; La gloire, voilà leur déesse, Leurs trésors, ce sont leurs lauriers. Leurs trésors, ce sont leurs lauriers. Ah ! Mon cher Valcour, vous n'avez pas choisi un moment favorable ; je crains que mon père, préoccupé de sa pièce, que l'on va jouer ce soir, ne refuse de vous entendre. Oui, mon cher Valcour, mon père est auteur d'Electre. Il a des envieux, des ennemis. J'aime à vous voir une pareille opinion, elle ne fait qu'accroître ma tendresse pour vous. Je le désire autant que vous. Et c'est à Valcour, ce jeune et aimable militaire, que je préférerais Chapelain, ce vieux poète ? Non, non ! Valcour est militaire, Je l'aime avec raison, Mars aux belles sait plaire Plus souvent qu'Apollon. Plus souvent qu'Apollon. Plus souvent qu'Apollon. Plus je vois Valcour, plus je l'aime, Lui seul rend mon bonheur parfait, Pour Chapelain, il n'en est pas de même, Mon cœur gémit quand il parAît, Et malgré son amour extrême Ses petits soins sont sans effet. L'un est dans la vieillesse, L'autre est dans la jeunesse. Plus que l'hiver le doux printemps nous plaît, Valcour est militaire, Je l'aime avec raison; Mars aux belles sait plaire Plus souvent qu'Apollon. C'est Valcour que j'adore, Mon cœur brûlant d'amour, Craint de ne pas encore Aimer assez Valcour. Mais, ô ! Sort, tu t'opposes A c'est nœuds assortis, Hélas! au lieu de roses J'aperçois des soucis. Oui, sans Valcour, je ne vois que soucis, Ce jeune militaire, Me charme avec raison, Mars aux belles sait plaire Plus souvent qu'Apollon. Ah ! Monsieur Dutremblet, quel dommage que vous vous soyez absenté. Les amants ne sont jamais en retard. Nous avons craint, que tout entier à sa tragédie, mon père ne lui fit pas un accueil favorable, et il est allé au spectacle soutenir la pièce. Ce n'est pas tout, Valcour a manqué d'avoir une affaire terrible avec Chapelain ; cependant, il n'y a point eu d'effusion de sang, d'un côté ni de l'autre, et je crois qu'il n'y en aura pas. L'amour de Chapelain pour moi ; il a la prétention de se croire aimé. Favori du, sacré vallon, Il se croit le mien et s'abuse: Qu'il s'en tienne à son Apollon, Je ne veux pas être sa muse. Oui, mon père, suivez le conseil que vous donne votre ami Dutremblet. Je vous admire, monsieur Dutremblet ; quelle victoire vous venez de remporter sur mon père ! Je m'étonne que l'ayant décidé à aller siffler sa pièce, vous ne puissiez le décider à mon hymen avec Valcour ; cette affaire me paraît plus facile à traiter que l'autre. Je brûle de l'entendre. Vous racontez brièvement, Et votre esprit, assurément, Mérite qu'on l'admire; Votre récit est amusant, Vif, original et plaisant; Mais dites-nous, (bis.) monsieur, où faut-il rire? Ah ! Monsieur Chapelain, chantez-le moi ; il aura plus de prix dans votre bouche. C'est de l'harmonie toute pure. Témoin, la Pucelle. « À ton illustre aspect, mon cœur se sollicite, "Et grimpant contre mont, la dure terre cuite. » Chant XIIe. page 2440. Ah ! Monsieur Chapelain, je vous en prie, que ce ne soit pas en me forçant à relire la PucelLe. Et maintenant la maladie Ne regarde que votre habit. J'aperçois mon père. Quelle peine ! Mais, mon père, je crains que votre blessure ne soit dangereuse. C'est le sort des grands hommes de succomber sous les traits de l'envie. Ciel! Mon père.... Je n'aurais pas osé vous le dire ; mais, puisque vous le savez... Votre ami Dutremblet vous a dit la vérité. Ah ! Monsieur Chapelain, pourquoi vous emporter ainsi, vous qui avez tant de moyens de consolations dans votre esprit. De battre, avez-vous quelque envie, Que ce soit des mains seulement, Car, il est rare chez Thalie, D'être sifflé, battu, content ; Dans ces mots quelle différence ! Nos deux jeunes Auteurs tremblants, Aujourd'hui, grâce à l'indulgence. Aujourd'hui, grâce à l'indulgence. Espèrent n'être que contents. **** *creator_jacquelinphilidor *book_jacquelinphilidor_pradon *style_verse *genre_comedy *dist1_jacquelinphilidor_verse_comedy_pradon *dist2_jacquelinphilidor_verse_comedy *id_VALCOUR *date_1799 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_valcour Pardon, monsieur, je croyais trouver ici monsieur Dutremblet ; mais ne seriez-vous pas monsieur Pradon ? Ne pourrais-je point parler à mademoiselle sa fille ? Votre demande est au moins indiscrète. Votre épouse ?... Vous voulez plaisanter, je pense. Je ne m'attendais pas à vous rendre visite, Permettez donc, monsieur, que je vous félicite: "La Pucelle est sans-doute un ouvrage charmant, Mais je ne sais pourquoi je baille en la lisant." Monsieur, il n'en est point ainsi De toutes vos sottises; Mais comme Boileau les écrit, Écrivez des sottises, Et vous verrez les gens d'esprit Répéter vos sottises. Votre rival. Par qui? Et moi, par la fille. J'ai le cœur. Il faudrait en être digne. Non, monsieur, j'avoue que vous n'êtes point l'objet de ma visite. Si j'avais crû ne trouver ici que monsieur Chapelain, j'aurais fort bien pu ne pas me déplacer. Permettez-moi, belle Angéline... Avec l'illustre Chapelain. Excusez-moi, mademoiselle ; mais, pouvais-je voir de sang-froid un rival me disputer votre cœur. Vous me rassurez. Oui, je conviens ma tendre amie, Que pour moi Plutus n'a rien fait. Tout mon capital est la vie, Le Plaisir en est l'intérêt. Le Plaisir en est l'intérêt. Voilà pourquoi je suis si pressé de voir unir mon sort au vôtre, et je venais me présenter à votre père pour lui faire la demande de votre main. Quoi ! La pièce nouvelle est de Monsieur Pradon. La pièce réussira sans doute. Pradon, n'en est pas moins homme de mérite, et n'a d'autre tort que d'être contemporain de Racine, mais celui qui a balancé la réputation de ce grand homme, ne l'eût-il fait que vingt-quatre heures, aura toujours des droits à l'immortalité. Vous m'enchantez, belle Angéline, puisse votre père souscrire à notre union, mais souffrez que je vous quitte, je cours au spectacle applaudir la pièce de votre père, j'ai intérêt à ce qu'elle réussisse ; car, dans l'ivresse de sa joie, Pradon sera plus disposé à couronner notre amour... Il croira faire encore un dénouement. Sans adieu, mon adorable Angéline. Voici l'heure qui m'a été indiquée par mon ami Dutremblet, pour me présenter à monsieur Pradon. Ah monsieur ! Après mon emportement envers vous, devais-je m'attendre à un accueil aussi favorable de votre part ? Je suis confus.... Ce sera le désir de toute ma vie. Au théâtre comme à la guerre On peut moissonner le laurier, L'Auteur cherche à plaire au parterre, À Mars, veut plaire le Guerrier; Doit-on quand on aime la gloire Par un revers être abattu ? Souvent nous attend la victoire. Souvent nous attend la victoire. Après avoir été battu. **** *creator_jacquelinphilidor *book_jacquelinphilidor_pradon *style_verse *genre_comedy *dist1_jacquelinphilidor_verse_comedy_pradon *dist2_jacquelinphilidor_verse_comedy *id_DUTREMBLET *date_1799 *sexe_masculin *age_veteran *statut_exterieur *fonction_autres *role_dutremblet Tranquillisez-vous, Angéline, votre père va rentrer, et je ne doute pas que mes sollicitations ne fassent sur lui ce que n'ont pu faire les vôtres. Belle Angéline, Rassurez-vous ; En vain Chapelain vous chagrine, Je vous destine Des nœuds plus doux, Valcour seul sera votre époux. Oui, je veux que son front, un jour, Unisse aux lauriers de la gloire, Les myrrhes heureux de l'amour. Belle Angéline, etc. Eh ! Quoi ? Je souffrirais qu'un rimeur l'emportât sur un militaire, que j'ai guidé dans le sentier de l'honneur, non vraiment. Ami de Pradon depuis longtemps, j'ai des droits à sa confiance ; je prétends les faire valoir aujourd'hui, pour assurer votre bonheur. Je le lui aurais déjà présenté, sans son entêtement à vous unir à Chapelain, son confrère ; mais j'attends Valcour en ces lieux, mieux que personne, il saura plaider sa cause auprès de votre père. Le réussite n'en sera que plus agréable pour tous les deux. Au bonheur de jeunes amants, Un père apporte des obstacles, On pleure, on gémit quelque temps, Mais l'amour lève les obstacles ; Avant l'hymen c'est un malheur De toujours trouver des obstacles.... Le jour d'hymen il est flatteur De rencontrer quelques obstacles. Quel pas mal assuré ; le jour d'une première représentation ; cela présage une chute. Tu le prouves bien. Régulus ! Quel titre as-tu pris, Il n'est pas d'un heureux présage ; Crains que Régulus, à Paris, N'ait le sort qu'il eut à Carthage. La prévention du moins est contre lui; je crains qu'on siffle, non pas parce que la tragédie sera mauvaise, mais parce qu'elle sera de Pradon. Je suis désespéré de ne pouvoir tenir compagnie à monsieur Chapelain, quelques soins m'appellent au dehors. Quoi ! Valcour serait-il déjà venu ? Ce n'est pas l'heure que je lui ai donnée pour le présenter à votre père. C'est bien assez de l'être lorsqu'ils sont époux ; mais pourquoi donc Valcour est-il parti ? C'est très bien. Et quel est le sujet de cette grande querelle ? Persistez dans votre refus, À ses vœux montrez-vous rebelle ; Ce vieux Chapelain de Vénus, Peut-il desservir la Chapelle ? Peut-il desservir la Chapelle ? J'aperçois Pradon qui s'avance, je vais commencer auprès de lui les préliminaires en votre faveur. Ah ! Çà, mon cher Pradon, serez-vous toujours inexorable ?... Votre fille. Votre fille aime un jeune militaire, galant, plein de goût. Je ne vous parle pas de votre pièce, mais d'un de vos ouvrages beaucoup plus beau. Je vous parle de votre fille, qui aime un jeune officier plein d'esprit, et qui pour preuve est allé au parterre cabaler. Oui, cabaler en faveur de votre tragédie. Il ne sortira pas de sa pièce. Ton Angéline, que voilà, aime, te dis-je, un jeune militaire... Chapelain ! Ne m'en parle pas, l'avarice même ! S'il fallait, pour ne pas mourir, Dépenser une livre, Il dirait avec un soupir : Qu'il en coûte pour vivre ! À la jeune et tendre beauté, Ce vieil avare, en vérité, Pourrait-il jamais plaire ? Ce Chapelain lésinerait, À sa femme refuserait, Refuserait, même le nécessaire. Et Valcour, j'en répondrais, serait plutôt prodigue. Le moment n'est pas favorable. As-tu bien su conserver l'anonyme envers tout le monde. Ton nom peut nuire à ton Ouvrage, Mon cher Pradon, je le crains bien ; Mais, pour t'éviter cet outrage, Je veux te donner un moyen; bis. Pour ta pièce, un amour extrême Te causerait quelque malheur ; Pradon, va la siffler toi-même, On ne t'en croira pas l'Auteur. On ne t'en croira pas l'Auteur. Crois-moi, tu t'en trouveras bien. Pradon, il faut subir ton sort, Il faut siffler ta tragédie, Car, c'est en lui donnant la mort, Que tu vas lui donner la vie. Ah ! Quel cœur timide ! Marche d'un pas rapide, Et siffle fortement ; Un succès éclatant Après cela t'attend. Soyez tranquille, je la terminerai de même ; mais, dans ce moment-ci, votre père est tout entier dans sa pièce ; voilà bien le faible des pères pour leurs derniers enfants, Pradon ne songe qu'à celui de sa muse. Eh ! Monsieur Chapelain, savez-vous que vous êtes un homme terrible, vous allez l'emporter par votre bravoure sur tout vos rivaux, même sur le jeune Valcour. Mais, cela peut devenir dangereux. Un Auteur sait si bien se faire valoir ! Ils ne sont pas du tout rocailleux, ces vers-là, monsieur Chapelain. Mais, dites-moi, en quelle langue sont-ils écrits ? Est-ce de l'Allemand, ou du Bas-Breton ? Il commence à s'en apercevoir. Certainement ; il faut même écorcher les oreilles et c'est ce dont vous vous acquittez à ravir. Allons, mademoiselle, je ne suis pas de votre avis ; je ne trouve qu'un seul défaut dans la Pucelle. Oui, monsieur Chapelain, c'est d'être trop courte ; quatorze mille vers ! Ce n'est rien. Un second tome aussi parfait, Sans être de sa plume, Dans le monde l'emporterait Sur le premier volume, On laisserait là pour le voir, Aristote et Sénèque, Chaque savant voudrait l'avoir Dans sa bibliothèque. Mais vous, monsieur Chapelain, qui cherchez tout les moyens de plaire aux dames, me permettrez-vous une légère observation sur votre compte ? Je vous le dis, cela vous fait le plus grand tort dans le monde. Avec la taille la mieux prise, le physique le plus avantageux, vous ne prenez pas assez de soins de votre toilette, par exemple : Dans la saison de la verdure, Pourquoi porter ce lourd manteau ? As-tu par un phénomène, Quitté les bords d'Hippocrène Pour courir aux champs de Mars ? Faut-il mon cher Pradon, aller chercher un chirurgien ? J'y cours à l'instant. Comment donc cela ? Je m'aperçois, mon ami, mais trop tard, que le moyen que je t'ai proposé, n'était pas bon. Monsieur Chapelain, vous devriez avoir plus d'égards pour votre ami dans le malheur. Je n'en reviens pas. Puisque je te vois dans de si heureuses dispositions, je dois t'avouer qu'il est un moyen bien simple de t'acquitter envers mon jeune ami. Depuis très longtemps, et je dois te dire qu'il aime ta fille. Est l'amant de ton Angéline, qui le paie du plus tendre retour. Ma foi ! Pradon tu m'enchantes doublement aujourd'hui tu as fait le bonheur de ta fille, et une action digne de passer à la prospérité. **** *creator_jacquelinphilidor *book_jacquelinphilidor_pradon *style_verse *genre_comedy *dist1_jacquelinphilidor_verse_comedy_pradon *dist2_jacquelinphilidor_verse_comedy *id_CHAPELAIN *date_1799 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_chapelain Pradon ; une chute, je suis loin de croire que cela lui arrive... Cependant, mon cher Pradon, le public m'effraye pour toi. Je puis te parler en ami, Sois plus soigneux qu'a l'ordinaire, Et dans ta pièce d'aujourd'hui Ne fais pas quelque erreur grossière, On sait que bien souvent tu mets Des villes d'Afrique en Asie. Les craintes de monsieur Dutremblet sont fondées, Pradon a des ennemis. Tu me permets d'attendre ici le moment où je pourrai présenter mes hommages à ton aimable fille ? Je vais donc épouser la charmante Angéline, c'est un trésor, mais il épuisera le mien ; une femme est une chose très chère... Quand il n'y aurait que la noce... Rien n'est ruineux comme une noce. Grands dieux ! Que ce mariage, En objets superflus Va me coûter d'écus! Rien que d'y penser, j'enrage, Il faudrait être un Crésus. On ne peut conter sans doute Tout ce qu'une femme coûte, Ce sont mille objets, Des colifichets, Mantelets, Bracelets ; Bonnets ; Pour la parer a-t-on souvent, Fait maint présent, Femme à l'instant Bienfaisante, et reconnaissante, En ce pays-ci, Veut parer aussi Veut parer aussi Le front de son mari. Mais je prendrai mes mesures, et je dirai à ma femme : m'amour. De ta coiffure, Si je supporte tout les frais, C'est sans intérêt, je t'assure, Ainsi ne te charge jamais De ma coiffure. Mais Angéline ne vient point, allons la surprendre. Que veut cet officier ? Non, monsieur. À mademoiselle sa fille, monsieur !... Eh ! Que lui voulez-vous ? Non monsieur, elle ne l'est pas, car je dois m'assurer de celle qui dans peu sera mon épouse. Non, monsieur, je ne plaisante point, connaissez mieux Chapelain, l'Auteur de la Pucelle. Allez-vous répéter ici, De Boileau les sottises ? Qui êtes vous donc monsieur, pour me railler ainsi ? Je suis préféré. Par le père. Puissant avantage sur moi ! J'aurai la main. Monsieur, seriez-vous venu ici, tout exprès, pour me dire des injures. Ah ! Ç'en est trop. Je vous laisse le champ libre, mais nous verrons bientôt, monsieur le Militaire, qui de vous ou de moi aura le droit d'être ici ; entendez-vous monsieur. Bon ! Notre officier n'y est plus. Qu'il revienne, ce monsieur Valcour ; je me connais, je suis violent, moi, voilà pourquoi je me suis retiré ; et puis j'ai respecté la maison où j'étais, sans cela, morbleu !... Mais, mademoiselle, d'après le tendre intérêt que vous m'avez toujours témoigné, vous avez sans doute conçu de vives alarmes à mon sujet ; j'aperçois, sur votre belle figure, les traces de la tristesse où vous a plongée mon affaire avec ce freluquet de Valcour : eh bien ! Pour vous égayer, je vais vous faire le récit le plus plaisant.... Oh ! C'est que l'aventure est unique ; je viens de l'apprendre il n'y a qu'un instant, et j'en ai ri tout le long du chemin : vous allez en rire aussi... Elle est courte, mais excellente; vous allez voir... Non, c'est qu'elle est d'un drôle à mourir de rire. Je vais, en peu de mots, Parler de Despréaux, À qui l'autre jour On fit un beau tour. Boileau, dans plus d'un vers malin, Avait mal parlé de Cotin, Ce célèbre prédicateur, Qui chaque jour, avec ardeur, Prêche pour la gloire du Seigneur, Dans l'église Saint-Sauveur. En vers alexandrins, Qui vraiment sont divins : Cotin compose un écrit Plein d'esprit, Contre Boileau, bien mordant.... On l'imprime à l'instant; Alors Cotin court aussi-tôt Trouver le pâtissier Mignot. Il lui dit: mon cher pâtissier, Voici deux rames de papier, Pour me faire un grand plaisir, Il faudra vous en servir, En enveloppant les pâtés, Qui chez vous seront achetés. Ainsi les acheteurs divers, En les mangeant, liront mes vers, Et leur chaleur saura mainte fois Réchauffer vos pâtés froids. Des épigrammes, méchante ? Je n'en suis pas moins le plus passionné de vos adorateurs, et pour preuve : Voici un petit triolet de ma façon, que vous m'avez inspiré. J'obéis à ma muse ; écoutez-bien. Deux beaux bras ronds, un rire heureux, Attendriraient un cœur de roche ; Qui verrait, sans être amoureux, Deux beaux bras ronds, un rire heureux ? Cher et rare objet de mes feux, Je dis, redis, à votre approche Deux beaux bras ronds, un rire heureux, Attendriraient un cœur de roche. Comment ! En quelle langue? Vous vous êtes donné le mot pour me plaisanter. Ne faut-il pas, dans la poésie, de la force et de l'expression? Encore une méchanceté, je m'en vengerai. Vous trouvez un défaut à ma Pucelle ? Eh bien ! j'ai rencontré un véritable connaisseur. Ô ! Ma Pucelle, que n'as-tu Encore un autre tome ! Mais, je suis sûr que la vertu Chez-vous jamais ne chôme, Aussi, je compte fermement De Jeanne-d'Arc, en vous épousant, Avoir le second tome. Vous m'obligerez. Qu'est-ce donc ? C'est pour ma santé, je vous jure, Je ne le trouve pas trop chaud, Attaqué d'une pleurésie Pendant trois mois je fus au lit... Cette petite personne là paraît bien acharnée après moi, dois-je en faire ma femme ? Contre les Auteurs sans veine, Peut-être que Melpomène A dirigé ses poignards. En effet, tu lui dois beaucoup de reconnaissance, de t'avoir arrangé de la sorte; passe encore s'il eût empêché ta pièce d'être sifflée. Et celui des mauvais auteurs, de succomber sous les coups de sifflets. Si je ne suis pas votre ami, je dois dire que vous êtes le mien, car vous ne m'avez jamais rien emprunté. Et le plus insolent des militaires. Il a perdu l'esprit. Mais, monsieur Pradon, oubliez-vous la promesse que vous m'avez faite ? Je pourrai publier partout que vous êtes un homme sans probité, sans foi, sans... Oui, oui, je me consolerai sans peine. Homère, Virgile et Lucain, Près de vos poèmes épiques, En dépit des sottes critiques, Apollon a placé le mien : Mais toi, d'une ardeur sans pareille, Ose-tu bien, pauvre Pradon, Faire à la barbe d'Apollon, Le même métier que Corneille ? bis.