**** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_LAFOLIE *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lafolie Le voici. Ah ! Ah ! Madame, vous dans ces lieux ! Je suis charmée de de vous y rencontrer ; je vois que nous sommes inséparables. Oui, Madame, à votre Vaisseau peut-on vous méconnaître ? Embrassons-nous ; j'ai toujours diverti la ville et les faubourgs. J'ai là ... Une ressource infinie pour vos amusements ; vous en jugerez par l'échantillon que je vous apporte. Allez dire à vos camarades que je les attends. Il me semble que vous me considérez avec beaucoup d'attention. Vous me surprenez ! Je suis fans cesse avec vous ; je préside à toutes vos actions, je gouverne toutes vos démarches ; c'est moi que vous prenez pour guide, pour conseil, et vous ne me connaissez pas ? Ma demeure est partout ; maisons, palais, bureaux, comptoirs, tout me sert d'asile ; je loge, avec la suffisance, chez les financiers, avec la fatuité , chez les petits-maîtres, avec l'appétit, chez les Gascons, au cabaret, avec les peintres, proche les toits, avec les auteurs. C'est la vérité ; mais écoutez : sous l'habit d'un Narcisse je me promène aux Tuileries de cette façon. Tantôt Sous la figure d'une Coquette je fais l'exercice de l'éventail, je lance un coup d'oeil au Comte, je souris au Président, j'agace le Trésorier ; une autre fois, avec la contenance d'un jeune étourdi, j'entre chez une actrice, et voici mon début : Ma Reine, que vous avez de charmes ! Me donnez-vous à souper ? Connaissez-moi. Elle même. J'ai pris soin d'inspirer à un jeune auteur la pièce que j'apporte ; c'est son coup d'essai. La crainte que donnent ordinairement les premières productions, l'empêche de se faire connaître : je me fuis chargée de présenter son ouvrage. Vous y trouverez peut-être du singulier. Mais j'aperçois les comédiens, voulez-vous être témoin de la façon dont ils recevront la pièce. Messieurs, je suis votre serviteur. Point de lecture : je suis un auteur au-dessus des règles, je prétends que ma pièce soit reçue sans examen. Cela pourtant est assez clair. Je n'écoute point vos discours ; conformez-vous, s'il vous plaît, à mes intentions, sinon point de pièce. J'ai fait l'ouvrage sans réflexion , je veux qu'il soit reçu sans lecture, et joué sans répétitions. Je me retire ; vos refus obstinés vous rendent indignes de mes bontés. Adieu. Je suis charmée de vous voir plus dociles, et que votre intérêt vous ouvre enfin les yeux. La pièce dont il s'agit, est une espèce d'ambigu, elle a pour titre : L'Amant Comédien ; en voici les rôles tout prêts. Point du tout, à Mademoiselle Grandval. Je vous donne un rôle de soubrette. Un auteur est maître des rôles ; ainsi, Mademoiselle, je vous prie de faire celui que je vous destine. Mais, Monsieur... Quoi ! Je ne pourrai disposer... Je vois que nous allons avoir mille difficulté ; sous les préviendrons, si vous voulez m'en croire. En tirant les rôles au sort. Puisque vous voilà d'accord, ne perdons point de temps. Madame Dangeville, commencez. Attendez à voir votre fort que tout soit tiré. Voyons à présent les rôles qui vous sont échus. À vous petit bonhomme. Il me reste un rôle de paysan, mais je m'en charge : pour rendre la pièce plus folle, j'y représenterai Monsieur Lucas ; je serai déplacé tout comme vous. Pourquoi non ? Le public veut du nouveau ; peut-être en trouvera-t-il dans le déplacement des acteurs. Rassurez-vous : je prends tout sur mon compte. Le public m'a toujours favorisé ; vous vous ressentirez tous des bontés qu'il a pour un auteur comme moi. Vous pensez juste ; c'est elle que vous voyez sous ce déguisement ; montrant sa marotte. S'il vous reste quelque doute, qu'il s'évanouisse à l'aspect de mon sceptre. Allons, que ma pièce soit jouée sur le champ. C'est à quoi je vais pourvoir ; les Dieux, qui m'ont privée du jugement, pour m'en dédommager, m'ont donné la mémoire, et la faculté de la communiquer. Éprouvez la vertu de la marotte ; une simple lecture de votre rôle vous suffira pour le savoir. Allez. Messieurs, le désir de vous plaire a souvent fait imaginer aux auteurs quelque chose de singulier, mais toutes les folies ne sont pas heureuses ; nous souhaitons que celle-ci vous amuse, et que l'ardeur de notre zèle fasse excuser notre témérité. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MADAMEDANGEVILLE *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamedangeville Avancez ce fauteuil. Comment ? Vous plaisantez. C'est peut-être du bon. Non, nous avons chacun notre emploi marqué ; ayez la bonté de vous y conformer. Je l'adopterais en faveur de la nouveauté. Lucile, à moi l'amoureuse ! Me voilà bien lotie ? Nous serions les dupes de notre complaisance. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MONSIEURPOISSON *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurpoisson Un siège à Monsieur. Lisez distinctement. Cela n'est pas possible. De moi, un Crispin, qui par des traits bouffons et des sauts en avant... Pour moi je jouerai tout ce qui me viendra. Dorante, c'est apparemment l'amoureux. Touchez-là ; je suis aussi bien partagé que vous. Honneur à la souveraine du genre humain. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MONSIEURDEMONTMENY *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurdemontmeny Quoi ! La Ville de Paris dans notre hôtel ! Cela m'étonne ; puis-je vous demander, Madame, la cause de votre visite. L'un et l'autre est l'unique but de nos soins ; cependant nous n'avons pas toujours le bonheur de réussir. Vous pouvez compter sur notre zèle. Que faut-il faire pour cela ? L'alternative est embarrassante : le premier est au-dessus de nos forces, le second est fort équivoque. Pour vous satisfaire, Madame, nous aurions besoin de quelque cerveau de travers, de quelque Auteur Calotin. J'ai l'honneur de vous présenter mes camarades. Que dites-vous ? Sans répétitions ! Monsieur a raison. On n'a jamais rien proposé de si ridicule. Léda, mère d'Hélène. Si vous croyez que je jouerai ce rôle-là, vous vous trompez fort. Ho ça, Monsieur l'Auteur, vous imaginez-vous qu'on puisse représenter votre comédie, comme les rôles en sont distribués ? Vous ne pouvez être inspiré que par la folie. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MONSIEURDELATHORILLIERE *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurdelathorilliere Commencez, Monsieur, nous sommes prêts à vous entendre. Y pensez-vous, Monsieur ? Si la pièce ne nous convient pas, nous serons les maîtres de la refuser. De moi un raisonneur, un père ? Voyons ce que cela produira. Le Marquis. Moi, Marquis ! Suis-je d'une tournure à faire des extravagances. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MONSIEURFLEURY *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurfleury Je l'en défie, si nous parlons toujours. La proposition est absurde. Voyons ce qu'il veut nous donner. J'en conviens ; mais il faut quelquefois se prêter aux idées de ces Messieurs. Doris, confidente de Léda. Nous sommes bien assortis. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MADEMOISELLEGRANDVAL *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_mademoisellegrandval Je suis vive, prompte, ne me faites point attendre. Quelque bonne opinion que nous puissions avoir de vous, le risque est trop grand. Nous avons des juges trop éclairés, on ne nous passerait pas cette imprudence. Vous êtes bien vif. Sans doute que vous faites de moi une amoureuse tendre, vive et badine. Moi, soubrette ! Cela ne me va point ; j'en appelle au parterre. Si vous le voulez absolument, je risquerai ce début. De quelle manière ? Peut-être que le sort fera moins capricieux que l'Auteur. Lisette. Le sort répond à l'idée de l'auteur, il en faut passer par-là, malgré le péril. Voilà deux acteurs placés à merveilles. Donnez-nous donc les moyens de vous servir aussi promptement que vous le désirez. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MONSIEURMONDOR *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurmondor Oui, Madame, Lucile est en âge d'être pourvue. Toujours de la sympathie entre nous, ma chère petite vieille. Assurément. Depuis plus de quarante ans que nous sommes ensemble, j'ai beaucoup augmenté notre fortune. Ne vous emportez point, m'amour, parlons d'autre chose. Apprenez sur qui j'ai jeté les yeux, pour en faire notre gendre. Je pense que c'est moi qui dois lui choisir un époux, et celui que je lui destine c'est notre ami Monsieur Dorimon. Au plus digne, à l'Élu. L'Élu sera mon gendre ; il n'est point fou comme votre Marquis ; de plus je le regarde comme garçon ; car il ne reçoit point de nouvelles de son fils qui sert en Italie. II est vrai qu'on prendrait l'Élu pour un benêt ; mais je l'estime : vive les gens de robe, les richesses leur viennent en dormant. J'attends l'Élu, c'est lui qui l'emportera. Ma mie, il y a longtemps que j'ai envie de réprimer vos impertinences. Nous vous donnerons votre congé. Vous avez raison ; son affection pour nous veut que nous lui passions quelque chose. Rappelez-la. Lisette, vous... Rentrons, ma poule, elle nous échaufferait la bile. Que demande Monsieur ? Quel diable d'homme est-ce donc là ? Non, non , Madame , c'est de celle de l'Élu. En quoi consistera votre divertissement ? Oui : vive la Tragédie ! on y fait ronfler les vers, les Acteurs ouvrent de grands bras, ils roulent les yeux, ils crient comme des possédés ; c'est-là ma fureur. J'en veux aussi. Je vous en promets un ; j'ai encore celui qui me servit jadis à représenter Samson dans la tragédie de mon collège. Je n'avais que quinze ans alors. Monsieur l'Élu veut nous prouver qu'il est encore galant. Je le veux bien. Elle en sera la dupe. Vous épouserez l'Élu, songez que je le veux. Fort bien. C'est bien dit, rentrons, ma poule, allons nous reposer en attendant le divertissement. Il faut que vous les ayez mécontentés ; ils s'en vont sans nous dire adieu. C'est à moi que vous devez obéir. Vous osez me contredire, petite ridicule. Qu'entends-je ? Je consens à tout. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MADAMEMONDOR *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamemondor C'est à ce dessein-là, Monsieur, que je l'ai fait sortir du Couvent. Nous pouvons la pourvoir avantageusement et lui donner une dot considérable. Mon économie n'y a pas mal contribué. N'en prenez pas la peine, ce soin me regarde ; mon choix est fait. Calmez-vous, mon poulet, c'est à lui que je l'ai promise. Mais ils sont deux frères, auquel comptez-vous la donner ? Oh ! Moi je la donne au Marquis ; c'est un garçon riche, galant, spirituel, je ne lui connais qu'un petit défaut, c'est d'être un peu trop prévenu en sa faveur. Les gens de guerre sont fort au dessus ; s'ils gagnent du bien c'est en veillant toujours. Le Marquis a ma parole, il aura ma fille. Je suis surprise qu'il ne soit pas arrivé. Tarare. Vos façons d'agir commencent à m'être fort à charge. Ne la renvoyons pas, elle a du bon. Oui, mon fils ; car à notre âge nous avons besoin auprès de nous de quelqu'un qui connaisse notre tempérament. Lisette. Venez-çà. Nous vous gardons, mais c'est à condition que vous ne vous mêlerez plus de nos affaires. C'est de celle du Marquis ; cela n'est point douteux. Je voudrais quelque morceau tragique, j'ai du plaisir à pleurer. Faites comme vous l'entendrez, mais je veux du tragique. Vous ne pouvez plus reculer. Quelle erreur ! Cela ne peut venir que du Marquis. J'y consens. Qu'il est aveugle ! Le Marquis triomphera, préparez-vous, petite fille à le bien recevoir. L'événement fera voir qui se trompe de nous deux. Comment avez-vous donc reçu ces Messieurs, petite fille ? Ce sont les miens qu'il faut suivre. Comment, petite sotte, vous raisonnez ? Et moi de même. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_DORANTE *date_1735 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_dorante Je venais apprendre... Je le crois. Mais en quel état sont les choies ? Mon impatience est extrême. Puisse-t-elle s'accorder avec mes désirs ! Je viens encore d'apercevoir Lucile ; qu'elle a de charmes ! Ah ! Lisette, si tu voulais, je pourrais moi-même lui déclarer que ses beaux yeux ont fait naître dans mon coeur la passion la plus vive. Je pars ; mais, ma chère Lisette, puis-je me flatter de l'espérance que tu m'as fait concevoir. Tu raisonnes sensément, Lisette ; mais je crains que tu ne t'imagines que je te trompe. Ma famille est très connue de Monsieur et Madame Mondor ; si cette passion est agréable à la belle Lucile, je suis le plus heureux des hommes. Je ne veux devoir sa main qu'à ma tendresse, c'est ce qui m'oblige à me cacher. Mon père sera charmé qu'en revenant d'Italie couvert de gloire, à deux lieues de Lyon, j'aie fait une conquête si digne de mon coeur. Adieu ; je viens d'arrêter des chanteurs, ils préparent une fête pour ce soir. Songez tous deux que votre fortune est faite... Madame, je ne serais pas excusable de m'offrir à vos yeux, sans avoir l'honneur d'être connu de vous, si je n'y étais amené par l'estime la plus parfaite, et l'amour le plus tendre. Hier, Madame, dès que mes regards eurent rencontré les vôtres, de si charmants transports s'emparèrent de mon âme, que mon coeur fut aussitôt pLus à vous qu'à moi-même. En danses, en chants. Tu as de l'esprit. Il m'est impossible, Monsieur, de vous contenter : je n'ai amené que des danseurs, des chanteurs, et des symphonistes. Quel embarras ! Y penses-tu ? Oui, mais... Je n'ai point d'habit convenable, sans cela... Je revenais d'Italie pressé du désir de vous revoir. Hier, passant par ici j'aperçus la charmante Lucile, ses attraits m'ont fixé, je ne puis vivre sans La posséder. Belle Lucile, rien n'égale ma félicité. Allons, que la fête s'exécute. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_LUCILE *date_1735 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_lucile Hé bien ? Qu'est-ce, Lucas ? Parle donc. Vous êtes bien hardie, Lisette, de me faire une pareille proposition. Apprenez que ce serait à mes parents à disposer de mon coeur. Non ; puisque le mien s'est donné sans leur aveu. L'aimable illusion, si c'en est une ! Je soupire sans cesse, je sens de douces émotions ; mille idées charmantes remplissent mon esprit, mon âme est toujours agitée, et rien n'est si agréable que son agitation. Je m'imagine, Lisette, que tout cela ne peut être que l'effet d'une passion naissante. Ma vue s'est fixée sur le jeune homme le plus aimable ; ses yeux, en dépit de moi-même, ont enlevé mon coeur. Il ignore mon amour ; mais il m'a fait comprendre le sien par des regards si touchants, que je ne dois point douter de la violence de ses feux. Il a la taille de Lucas. Comment le nommerais-je ? Hier pour la première fois je le vis se promener autour de notre maison, je i'ai revu ce matin ; c'est tout ce que je puis t'en apprendre. Quoi, ma chère Lisette, je serais assez heureuse pour avoir le coeur prévenu pour celui qui te presse le m'instruire de ses feux ! Comment s'y prendre ? Ah, Lisette ! Pourrai-je cacher mon trouble ? Monsieur, je ne sois point faite au langage des amants ; quand même je l'entendrais , mon devoir me défend d'y répondre : cependant je vous écoute, je laisse parler Lisette, et mon coeur... Vous serez contente. Puisque je dois appartenir à celui qui donne fête, soyez sur de mon obéissance. Non. Mais comment l'éconduire ? Fais ce que tu voudras, je consens à tout. Vous êtes Monsieur le Marquis ? Vos façons nobles et galantes m'ont fait vous deviner d'abord. Laisse-moi faire, je vais te seconder. Madame, on vous demande. C'est ce lapidaire à qui vous devez dix mille francs à l'insu de Monsieur et Madame Mondor. Votre Marchand d'étoffes est aussi là. Ils disent qu'ils ne s'en iront point qu'ils ne soient payés. Voici deux Lettres qu'on vient de recevoir pour vous. Tu es une fille impayable. Mais je ne suis pas sans inquiétude : je crains la colère de mon père et de ma mère. Ah ! Je frémis. Je leur ai parlé suivant les sentiments de mon coeur. Je ne puis vous satisfaire tous deux. Ah ! Que m'apprends-tu ? Croyez qu'elle fait la mienne. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_MENELAS *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_menelas Hélas ! Daignez, ô justes Dieux ! Détourner ce malheur. Ciel ! que me dis-tu là ? C'est tout ce que je crains. Écoute, et tu verras si ma frayeur est vaine, Tu sais que quelquefois, las des soins de la Cour, J'aime à me dérober à l'éclat du grand jour. Ce matin, dans la forêt prochaine, Je tenais en rêvant, une routa incertaine, Lorsqu'un cerf en fureur venant, fondre sur moi Pour la première fois m'a fait sentir l'effroi. J'ai frémi. Mais bientôt, rappelant mon courage; J'ai saisi par le front cet animal sauvage. Je frappe ; il se débat ; longtemps entre nous deux La victoire balance, et le sort est douteux. Il m'attaque trois fois, trois fois je le repousse. Le sang coule à longs flots sur l'herbe et sur la mousse. Enfin par mes efforts, prêt d'être culbuté, Le Cerf a pris la fuite, et son bois m'est resté. Je l'avouerai, Doris ; oui, sans que je me flatte Certain air de grandeur dans ma personne éclate ; Le Ciel me fut propice, et les Dieux bienfaisants Prodiguèrent chez moi leurs plus rares présents ; Mais de ton sexe enfin tu connais le caprice, Au mérite souvent il ne rend pas justice. Pâris ! À ce nom seul mon coeur frémit d'effroi, Pâris s'est par les yeux expliqué devant moi ; J'ai surpris ses regards attachés sur ma femme. Doris, pour apaiser le trouble de mon âme, Vas, cours, dis à Léda qu'elle se garde bien D'aller avec Hélène aux vaisseaux du Troyen. J'aurais mieux fait, je crois, de prendre cette peine Mais il est à propos qu'en héros de la scène, Dans un court monologue exhalant mon dépit. J'attende dans ce lieu qu'on me fasse un récit. Ainsi pour quelque temps parlons nous à nous-même. Insensé Ménélas, quelle folie extrême De te persuader, sur un vain incident, Que ton honneur doit craindre un péril évident ! Mais, quoi ! Dans ce moment par un effet étrange Ma tête devient lourde, et le front me démange, Je ne puis plus douter du malheur que je crains, Tu m'en donnes, ô Ciel ! Des signes trop certains. Quoi ! Déjà de retour ! Doris, qu'elle nouvelle ? Quoi ! Ma femme aurait pu ?... Que dis-tu ? Ô ! Noirs pressentiments ! Malheur trop avéré ! Ah ! Léda, qu'avez-vous ? Sur quel ton vous pleurez ! Attendez un peu que je m'ajuste, Car il faut que je sois dans l'attitude auguste D'un monarque attentif. M'y voilà, Commencez. Qu'entends-je ? Juste ciel ! Continuez, Madame. Je n'ai donc plus d'épouse ! Un perfide ennemi Possède en liberté le bien qu'il m'a ravi ! Tandis que pénétré d'une mortelle peine, Je forme vainement des regrets pour Hélène, Pâris est à ses pieds ; le traître, le bourreau, Est maître.... sur mes yeux, Dieux ! mettez un bandeau. Peut-on à cet excès pousser l'ingratitude ? Depuis l'instant fatal que tu vins à ma Cour Pour toi ma complaisance a paru chaque jour, Mille égards t'ont prouvé mon amitié sincère. Pâris ! Ingrat Pâris ! En voilà le salaire. Encor si dans l'affront qui cause mon supplice, Le Prince des Troyens n'avait point de complice. Je pourrais à la fin ralentir mon courroux ; Mais, hélas ! Le dirai-je ? Oui, Madame, entre nous, J'ai certaine frayeur, un noir soupçon m'agite. Si je puis vous parler avec sincérité. J'entrevois un complot, le coup fut concerté. Comme vous, n'est-ce pas ? Eh ! Léda, taisez-vous. On sait que Jupiter sous la forme d'un cygne... Le débat deviendrait sérieux J'ai la colère prompte, elle a l'humeur hautaine. Dans son appartement, Gardes, menez la Reine. Que faire dans le trouble où je sens mes esprits La vengeance à la main poursuivrai-je Paris ? Faut-il couvrir les mers d'une flotte nombreuse Intéresser vingt Rois dans une guerre affreuse ? Irai-je avec Ajax, Ulysse, Agamemnon, Mettre Pergame en feu, tout ravager ? Non, non. Ma honte par l'éclat deviendrait éternelle. Faisons voir que notre âme est généreuse et belle Pour ne survivre pas à notre déshonneur, Tuons-nous, C'est bien dit. Allons, ferme, mon coeur, Il faut que ton secours à cet effort m'exhorte ; De son fourreau poudreux que cette lame sorte Frappons. Mais à propos, je fuis un imprudent. Dans cet instant je n'ai gardes ni confident Pour retenir mon bras, et saisir mon épée, Ma trame tout de bon pourrait être coupée. Rengaine, Ménélas ; laisse Hélène à Paris, Et change prudemment ta colère en mépris. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_LEDA *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_leda Jugez à ce mouchoir tout trempé de mes larmes Du triste événement qui cause mes alarmes L'avez-vous pu souffrir, ô Dieux ! Ô justes Dieux ? Écoutez, en voici le détail odieux. Le Soleil... Le Soleil conduisait ses chevaux harassés Dans le sein de Thétis. La nuit avec ses voiles Descendait dans un char environné d'étoiles, Quand votre épouse et moi, conduites par l'espoir D'assister à des jeux qu'on nous pressait de voir , Nous allâmes au port. Quelle image riante ! Quel spectacle flatteur nous ravit, nous enchante ! Pâris d'un air galant vient au-devant de nous : Belle Reine, dit-il, cette fête est pour vous. Venez sur mes vaisseaux ; l'Amour et la Victoire D'un triomphe éclatant vous promettent la gloire. Sans craintes, sans soupçons ; nous y portons nos pas, Ma fille la première y monte ; mais hélas ! Lorsque je veux la suivre , une main criminelle M'arrête brusquement et me sépare d'elle. Hélène toute en pleurs dans les bras de Pâris S'agite, se débat, remplit l'air de ses cris. Une seconde fois pour sauver votre femme, Je cherche à la rejoindre. Inutiles efforts ! Un barbare Troyen me prenant par le corps, Me rejette à vingt pas. De ma simarre bleue L'insolent sans respect a déchiré la queue. Ma fille cependant veut fuir, on la saisit ; Elle crie, on est sourd ; elle pleure, on en rit. Sa force l'abandonne, elle tombe abattue, Son ravisseur l'enlève, et je la perds de vue. Enfin pour le départ le signal est donné. Déjà loin de la rive, aux vents abandonné Le Vaisseau fend les flots, et le Prince de Troie À la honte des Dieux y transporte la proie. Je sens de mon côté pareille inquiétude. N'en soyez point surpris : de ces retours piquants La nature produit des exemples fréquents. L'enfant devenu fort, mord le sein qui l'allaite ! Le ver ronge le bois qui lui sert de retraite. Le lierre et la pampre étouffent leur appui ; C'est là le vrai portrait des hommes d'aujourd'hui. Ce discours, Ménélas, rend mon âme interdite. Seigneur, vous concevez un ridicule ombrage, Ma fille fut toujours et vertueuse et sage. Par vos soupçons jaloux Vous m'accusez à tort. Que me reprochez-vous ? C'est vous, époux indigne Qui, malgré vos serments, tant de fois répétés Pour elle n'eûtes pas les égards mérités. Si ma fille et Pâris furent d'intelligence Vous devez votre honte à votre indifférence D'un tendre et doux objet, impérieux Tyran, Vous êtes de vos maux vous-même l'artisan. Non, non, n'imputez point à d'autres cet outrage, De vos brusques humeurs c'est le funeste ouvrage Fallait-il, oubliant ce qu'on doit à l'amour, Avec cette colombe en agir en vautour ? Pour cette belle fleur, digne d'être adorée ! Que n'étiez-vous Zéphire au lieu d'être Borée ! Voilà, traîtres époux, comme vous êtes faits, Vous prêchez la douceur sans l'employer jamais. Vous voulez être aimés sans devenir aimables, Qu'on soit ange avec vous, quand vous êtes des diables. Perfide ! Sur vous-même ouvrez enfin les yeux ; Connaissez... **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_DORIS *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_doris Quoi ! Tandis que chacun s'abandonne aux plaisirs, Que tout semble en ces lieux prévenir vos désirs, Vous soupirez, Seigneur ? Une tristesse extrême, Ternit sur votre front l'éclat du Diadème. Quelle sombre vapeur vous offusque aujourd'hui: Doit-on voir Ménélas, victime de l'ennui, Les genoux tremblotants, les yeux baignés de larmes, La main fur le visage, et le coeur plein d'alarmes ! Ne tardez plus à m'ouvrir votre coeur. Quel malheur ? Tout ici seconde votre envie. Dans votre heureuse Cour le Prince de Phrygie, Pâris, mène avec lui les plaisirs et les jeux, Tous les jours sont marqués par ses soins généreux. Aujourd'hui même encor vous savez qu'une fête Dans les vaisseaux troyens par son ordre s'apprête : La Reine votre épouse et sa mère Léda Y doivent assister. Eh ! Calmez votre peine. Je le sais. Quoi ! Vous vous arrêtez à ce faible présage ! Que la raison chez vous reprenne son usage, Seigneur. De vains soupçons votre coeur combattu D'Hélène sans sujet attaque la vertu. Tant d'attraits, dont le ciel vous combla sans mesure, Ce teint vif et brillant, cette aimable figure, Cette taille charmante, et cet air enchanteur, Vous rendent pour jamais le maître de son coeur. Qu'elle est terrible, hélas ! Votre épouse fidèle Dans les bras du Troyen... Oui, Seigneur, et Pâris vous a fait... Je ne puis achever ce récit trop funeste... Mais j'aperçois Léda qui vous dira le reste. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_LISETTE *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Que me veux-tu, Lucas ? Oui, Lucas. L'occasion ne s'en est pas offerte. Oh ! Je ne doute point de sa probité, elle est peinte sur son visage : il a l'air et la manière d'un homme de naissance. Je n'ai sur Dorante aucun fâcheux soupçon. Que sais-tu donc encore, Lucas ? Non. Que veux-tu dire ? Quoi ! Tu m'aimes ? Vraiment, Lucas, elle est de joie. Tu vas bien vite, Lucas ; savons-nous si Monsieur et Madame Mondor sont d'humeur à marier leur mie ? Malgré l'empire que j'ai sur l'esprit du père et de la mère, je crains de voir échouer mon projet. Sur quoi fondes-tu cette espérance ? À merveilles. Pourquoi paraissez-vous ici ? Demeurez tranquille, vos intérêts sont en bonnes mains. Vous saurez aujourd'hui votre destinée. Je lui dirai tout cela ; sortez, Monsieur, je vous en conjure. De grâce sortez ; si l'on nous surprenait ensemble, cela nuirait à vos affaires. Je n'ai point ce soupçon. Encore une fois sortez. Une fête ! Que vous savez bien la façon de vous insinuer dans le coeur d'une fille ! J'entends quelqu'un. Ciel ! Monsieur Mondor la suit. Ils me paraissent en conversation sérieuse, écoutons un moment. Je ne m'attendais pas à ce coup-là. Tarare à mon tour. Vous ne savez tous deux ce que vous faites ; c'est moi qui veut marier Mademoiselle votre fille : elle est jeune, aimable, il lui faut un époux beau, bien fait, alerte, raisonnable ; en un mot, un homme qui lui plaise. Je veux qu'elle soit sage et contente dans son ménage ; pourrait-elle l'être avec un vieux petit-maître, ou avec un Élu suranné, qui ne serait auprès d'elle que ce qu'il fait à l'Audience. Fâchez-vous tant qu'il vous plaira, je ne souffrirai point que vous fassiez des choses contre le bon sens. Vous m'en menacez ; je l'accepte : adieu. Plaît-il, Madame. Je ne resterais qu'à condition du contraire. Me voilà rentrée en grâce, mais je suis fort embarrassée ; ces gens-ci voudront l'emporter. Dorante sera la dupe des promesses que je lui ai faîtes ? Non. Il ne sera pas dit que Lisettte aura cédé. Armons-nous de courage ; n'abandonnons point Lucile, c'est une fille qui mérite d'être heureuse ; la voici. Ah ! Lucas, il y a bien d'autres nouvelles. Que je vous plains, ma chère maîtresse ! Vous allez devenir la femme d'un époux ridicule ; Monsieur et Madame Mondor s'accordent sur ce point, ils ne sont en dispute que sur la préférence. Oui, Mademoiselle, vous êtes adorée d'un cavalier tout charmant, et je me suis chargée de vous faire agréer la respectueuse passion. De la main passe ; le coeur n'est pas de leur compétence. Mon étonnement est extrême ! Quoi ! Depuis huit jours que vous êtes sortie du Couvent, vous avez toujours été renfermée dans cette campagne, vous n'y avez vu que vos parents ou vos domestiques, et votre coeur n'est plus à vous ? Une passion naissante ! S'aviserait-elle d'aimer Lucas. Daignez m'éclaircir ce mystère. C'est Lucas. Faites-moi du moins le portrait de votre amant. L'aimerait-il aussi ? Je respire. Vous aimez Dorante,celui de qui avions à vous parler. J'imagine un sûr moyen. En faveur de vos sentiments, on excuse votre témérité. On vous aperçut, on remarqua votre trouble, il en causa ; vous n'êtes point à plaindre. Daignez, Madame, confirmer le bonheur dont me flatte Lisette ; un mot de votre belle bouche, va me rendre le plus heureux des mortels. Ne paraissez point embarrassés, je vous tirerai de ce pas ci. Faites lui des politesses ; c'est un homme d'importance. Monsieur est philosophe, poète, musicien, robin, officier, médecin, petit Maître ; il est tour à tour poli, grossier, galant, brutal, spirituel, sot, amusant, ennuyeux, doux , grondeur, généreux , ingrat, magnifique, avare, vertueux, débauché, écolier, précepteur, père, fils, maître, valet, etc. Un Comédien. On l'envoie vous donner une fête, vous devinez de quelle part. On ne vous demande que quelques lambeaux. Voulez-vous les contredire ? C'est la première fois que je les vois d'accord. Donnez-nous l'enlèvement d'Hélène; c'est une petite tragédie en cinq scènes, il ne faut que trois acteurs pour la représenter ; d'ailleurs on vous passera bien des choses en faveur de l'impromptu. Vous devez connaître cette pièce. Chargez-vous du rôle de Ménélas. Allez vous préparer. Pour terminer le différend, accordez Mademoiselle à celui qui donne le cadeau. C'est apparemment le Marquis, il ne vous connaît pas ? Laissez-moi faire. Vous êtes une novice sans expérience ; mettez mon tablier, je passerai pour vous. Vous voilà ma suivante. Lisette ? Un miroir ? Je suis bien mal coiffée aujourd'hui. Raccommodez ce ruban, vous ôtez mon rouge, vous me piquez : que vous êtes gauche ! Il faut que je fasse tout moi-même. Lucas, vas travailler à ton jardin. En vérité, Marquis, vos airs de Cour ; vos façons aisées, et ces jolis riens, que vous débitez si galamment, me divertissent. Vous comptiez ne trouver en moi qu'une simple bourgeoise, qu'une Agnès ; vous trouvez une fille qui joint de l'esprit à des charmes. Votre opinion gagne beaucoup à tout cela. Je suis fort du goût d'être adorée ; vous m'en trouvez digne : hé bien , un hommage ne peut me déplaire ; je vous reçois au nombre de mes adorateurs. J'ai besoin de tout mon esprit ; je forme un projet. Écoutez. C'est moi, Monsieur , peut-on s'y méprendre ? Lisette, vas promptement où tu sais. Cela se devine sans peine : Monsieur vient pour m'épouser. Je suis fort aise de vous voir dans ces sentiments-là. Que vous me donnez d'empressement de porter le glorieux nom de Madame l'Élue ! Je crois que nous vivrons bien ensemble, je vous avertis que je ne serai point de ces femmes dociles par tempérament, qui fuient les plaisirs par régime, de ces indolentes statues qui ne sortent point de chez elles et craignent le froid et le chaud ; je sois la vivacité même ; je ne puis rester en place. Je veux aller, venir, recevoir grand monde, tenir table ouverte, vous aurez soin qu'elle soit tous les jours servie des mets les plus délicats , et jamais deux fois la même chose ; l'uniformité me ferait mourir. Nous jouerons, nous danserons, nous rirons , nous chasserons, nous concerterons. Oh ! Je ferai déguerpir votre humeur taciturne, je vous en réponds. Réveillez-vous, allons, allons, de la joie. Je le crois, et vous, Monsieur le Marquis ! Vous me plaisez tous deux beaucoup. Un autre peut-être vous dirait que vous ne lui convenez pas. Vous, parce que vous avez l'air niais. Vous, parce que vous êtes déjà suranné ; mais tout cela, Messieurs, vous rend charmants à mes yeux. On fait ce qu'on veut d'un mari comme vous. Et un époux bien avancé dans sa carrière ne fait pas languir une jeune femme, elle est bientôt veuve. Que me veut-on ? Parlez haut, je n'ai rien de caché pour ces Messieurs. Il est bien exact, son billet n'est échu que de ce matin. Qu'ils attendent, je n'ai point d'argent. Dis-leur que je me marie demain, et qu'ils peuvent revenir dans deux jours. Celle-ci est de la Présidente. Elle me demande sans doute les deux cens Louis qu'elle me gagna hier Sur ma parole : elle est bien persécutante. Cette autre est de la Comtesse. Messieurs, permettez-moi de la lire. « Je donne ce soir à souper, je t'y invite , ma chère bonne ; la compagnie t'amusera. Cinq ou six de nos soupirants doivent s'y rendre. Au sortir de table nous irons au bal chez la Marquise. On compte sur toi ; ne te fais point attendre. » Je me flatte, Messieurs, que vous me donnerez la main, et que nous ne nous quitterons pas de la nuit. En sortant du Bal on vous y conduira. Nous en voilà débarrassés. Hé bien, Mademoiselle, êtes-vous contente de moi ? Je vais m'informer de ce qui se passe, et voir si Dorante est prêt. Quel vacarme ! On vous entend du Village. Amuse-les un moment, j'ai deux mots à dire à Lucile. Nos vieillards savent que nous les avons joué. Moi, je l'ai fait passer peur comédien, il achevait son rôle quand vous êtes entrés. Répondez-donc. Tu te moques. Il me faut vraiment bien un autre mari que toi. **** *creator_laffichard *book_laffichard_acteursdeplaces *style_prose *genre_comedy *dist1_laffichard_prose_comedy_acteursdeplaces *dist2_laffichard_prose_comedy *id_LUCAS *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lucas Vous vla fort à propos. Mameselle Lisette. Vous savais bian que Monsieur Dorante, nous a ce matin graissé la patte pour nous engager à parler de son amour à Mameselle Lucile ? Vous savais bian que nous ne li en avons pas encore ouvart la bouche. Vous savais bian itou que je ne savons pas trop si ce Monsieur Dorante est tel qu'il nous le paraît. C'a est vrai, Mameselle Lisette ; mais , morgué y a des parsonnes qui avont des philozomies si trompeuses. Tant mieux. Ho ça, Mamefelie Lisette, vous savais bian tout ce que je venons de vous dire ; mais, ventrebille, vous ne savais pas tout. Regardez-moi bian fixiblement, à marveilles ! Devinais vous queuque chose ? Vous ne devinais rian ! Vous me trompais, Mameselle Lisette : vous ères trop éveillée ; trop seine, pour ne pas var que je sommes épardument amoureux de vous. La tête m'en torne. Mais votre surprinze est-elle de joie ou de tristesse ? Alle est de joie ! Me vla le plus heureux jardinier du village ; apprenais que depis longtemps je renfermions stamour-là, et que sans stilà de Dorante je n'aurions jamais osé vous dégoiser. Tatigue ! Que jevians de me tirer une tarribie épeine du pié ! Vous m'aimais, je vous aime, et je nous aimons : queul ravissement ! Ne songeons qu'à nous bian aimer, et à conduire, chemin faisant, l'amour de Dorante à bonne fin. À ne vous point mentir je sis un tantet coeffé de ce gentilhomme là ; sa contenance m'a plu d'abord ; une parsonne de rian n'aurait pas une meine si revenante, des magnières si agriables, et ne ferait pas de si biaux présents ; Lucile et li sont faits l'un pour l'autre ; c'est un mariage conclu, et le nôtre par-dessus le marché. Pourquoi la garderiont-ils ? Une fille n'est bonne qu'a devenir femme, pis à rendre son mari... Que sais-je ? Vous étés trop craigneuse, tout ira bian. Pargué, sur la raison. Acoutez, Mameselle Lucile n'a que seize ans, alle sort du Couvent, où alle n'a pu faire d'inclination ; drès qu'aile verra Dorante, zeste, alle en deviendra folle. Dorante ira et viendra ; il écrira, alle répondra ; le père et la mère s'aparcevront de queuque manigance ; ils espioneront leur fille , ils la surprendront causant, riant, folâtrant aveuc Dorante ; aussitôt de faire tapage du côté des bonnes gens, de l'autre de pleurer, se lamenter, se désespérer. Qu'arrivera-t-il ? La peur de faire mourir de chagrin une fille unique qu'ils aimont, les fra bailler dans le pagniau : on les marira, pour faire taire les jazeurs, et je nous marions de compagnie ; ça est clair comme le jour. N'en riais-pas, j'ons morgué, sous ce chapiau là tout autant de çarvelLe qui en a sous votre cornette. Ne laissons pas languir les choses, ma chère partendue, allons faire à Lucile la preumiere ouvarture de l'amour de Dorante. Mais le vecy. Pargué, Monsieu Dorante, je parlions de votre affaire. Je vous sarvons de tout notre coeur. Tout comme ce matin. J'allons doucement, mais je ne nous arrêtons point. Tandis que vous nous amusais, je n'avancons rian. N'en ayez point de doutance ; rian ne se fait dans la maison que par le canal de Lisette ; alla mene la fille, le bonhomme et la bonne femme, par le nez, alle est leur précepteur, leur intendant, leur maître enfin. Je sommes tous deux coiffés de votre figure. Que le'z amoureux sont tenacés ! Tatigué, que j'aurons de plaisir! Morgué j'y comptons bian. C'est notre vieille maîtresse. Et vite, vite, fuyais. Oui, Mamefelie, j'ons queuque chose à vous apprendre qui vous rendra bian aise. Vous commençais à m'acouter. Tatigué ! La douce nouvelle que j'alions vous dégoiser ! Un gaillard bian torné, qu'an nomme un amoureux, perd l'eprit en votre faveur. Queulle trahison ! Oh ! Pargué, la parférence est pour stilà que j'avons à vous bailler ! Dame ! C'est du nanan ; demandais à Lisette, j'ons tous deux commissions de vous en marmoter queuques paroles. Adieu notre fortune. Bon ! Mameselle aura fait queuque songe. Pargué, vous rêvais bian farme. Je sommes assez biau garçon ; peut-être... J'ons toujours les yeux sor alle ; c'est pour nous qu'alle en riant. Alle m'adore. Mameselle, nommais-nous le fortuné mortel qui vous inspire tant d'amour ; morgué, je n'en serons pas ingrat, je saurons nous taire. Que me vla camus ! Il vous aime comme un pardu ; mais ce n'est pas tout, il faut bailler un croc-en-jambe à nos autres amoureux. Ça n'est pas malaisé ; dites-leur que si l'un d'eux zst assez osé pour vous épouser maugré vous, que vous ly ferez var biau jeu ; que vous ferez ceci d'un côté, que vous ferez ça de l'autre ; que vous dépenserez par ci, que vous aurez des amants par-là ; bref mentez-leur biaucoup, en attendant que vous pissais rendre tout ça vrai. Chut, j'avise Monsieur Dorante. Jasais tout votre bian6aise ; moi, je vas faire le guet de peur de surprinze. Tout est pardu ! Veci Monsieu et Madame Mondor. Vecy venir un homme bian vêtu , qui m'a l'air d'être un de vos épouseux. Queulle manigance. Nennin, morgué, je resterons : vous avais biau faire la maîtresse, vous êtes toujours Lisette. L'original approche ; je voulons voir notre Comédie. Il contrefait à marveille le jeune homme. J'ons itou queuque bon sens : drès qu'on vous a nommé, zeste, j'ons deviné que vous étiez Monsieur le Marquis. Vecy l'autre épouseux ; je sommes pardus. Qu'il a l'air et le ton gniais ! Pargué, Messieurs, tirez à la courte paille. Eh ! Morguene, Messieus, point de brit ; ça ne serait point bian que deux, frères s'entremangistions le blanc des oeils. Je pense qu'ous devez faire bian rire quand vous pleurez. Je ferions bian partagés ; via un biau marle. Et la femme le rendra le plus huppé. Queulle babilleuse ! Le moyan de balancer entre vous deux. La bonne botte qu'alle viant de leur pousser ! Ho , ho, ho, ho. Quand vous revarrons-je, mes gentilhommes ? Rassurez-vous. Vous êtes sous notre protection. Allez. Jarnonbille, vecy Monsieu et Madame Mondor qui accourons. Ils avons tort ; Mamefelle Lisette et moi, j'avons fait de notre mieux pour les bian recevoir. Morgué, pour de vieilles gens, vous avez encore de bonnes poitraines. Place , place, via nos Tragédiens qui venont. Que ces habits de masque ieux vont bian. La drôle d'aventure ! Marions-nous itou, Mameselle Lisette.